pratique

prévention

Diabète et ramadan, une pratique à risque

Émilie HÉLINIAKa Jeûner pendant le ramadan expose les personnes diabétiques à des risques tels que des
Étudiante en 6e année hypoglycémies pouvant aller jusqu’au malaise, voire au coma. Durant cette période, le
de pharmacie
pharmacien d’officine joue un rôle de relais en tant que premier acteur en contact avec les
Hassan SARIa patients auxquels il doit prodiguer des conseils diététiques et thérapeutiques.
Pharmacien titulaire
d’officine © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

b
Mots clés - conseil pharmaceutique ; diabète ; jeûne ; ramadan
Odile CHAMBIN
Professeur de pharmacie
galénique-biopharmacie Diabetes and Ramadan, a risky practice. Fasting during Ramadan exposes people with
Yves MICHIELSc diabetes to risks such as hypoglycaemia which can cause them to faint or even fall into a
Pharmacien coma. During this period, pharmacists play a key role as a primary healthcare player in frontline
Francois PILLONd,* contact with patients to whom they must offer dietary and treatment advice.
Pharmacologue © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

a
Keywords - diabetes; fasting; pharmaceutical advice; Ramadan
Pharmacie Sari,
1-3 place Galilée,
21000 Dijon, France
E
b
UFR Pharmacie, nviron six millions de musul-
7 boulevard Jeanne-d’Arc,
21000 Dijon, France
mans vivraient en France
c
selon le ministère de l’Inté-
Pharmacie Michiels,
1 rue Guynemer, rieur, en charge des cultes, ce qui en
21600 Longvic, France fait le pays européen en comptant
d
17 boulevard de Brosses, le plus grand nombre. Parmi eux,
21000 Dijon, France
41 % se déclarent croyants et pra-
tiquants, 34 %, croyants mais non
pratiquants et 22 %, sans religion
ou seulement d’origine musulmane.
Dans de nombreux pays regroupant
une population musulmane impor-
tante, la prévalence du diabète est
similaire à celle des pays occiden-
taux et augmente de 10 % par an en
raison de l’urbanisation et du déve-
loppement socio-économique [1].
Si le diabète constitue une contre-
indication à jeûner pendant la
période du ramadan, bon nombre de
patients passent outre.
La place du ramadan
Notes
1
Coran, sourate al-Baqarah,
dans l’islam
âyah 183-185. Le mois saint de ramadan est le
2
Le Sahour est un petit repas neuvième du calendrier lunaire de
traditionnellement pris avant l’Hégire ; il dure en général de 28 à
l’aube (ou vers minuit) pendant 30 jours.
le ramadan ; il s’agit du dernier
repas avant le début Jeûner durant ce mois constitue une
de la journée de jeûne. obligation pour tous les adultes
sains musulmans. Ils doivent alors
*Auteur correspondant. s’abstenir de manger, de boire, de
Adresse e-mail :
fpillon3@hotmail.com prendre des médicaments par voie
(F. Pillon). orale, de fumer et d’avoir des
rapports sexuels et ce, de la pointe
de l’aube jusqu’après le coucher du
soleil.
Observer le jeûne du ramadan est
gage de pardon, d’élévation spiri-
tuelle et de purification, à la fois indi-
viduelle, en renforçant la piété, la
crainte de Dieu et la maîtrise de soi,
et collective, cette période abolis-
sant les différences sociales et
démographiques étant propice à la
solidarité et au partage.
Bien qu’il soit difficile de suivre le
ramadan dans un milieu non musul-
man, à cause des rythmes de travail,
son respect représente un défi face
aux tentations et répond au désir de
ressouder la communauté, le soir,
après la rupture du jeûne, autour
d’un repas de fête constitué de plats
traditionnels comme la chorba,
soupe aux légumes et à la viande,
la zlabia, gâteau au miel, ainsi que
les dattes.
La pratique du jeûne durant le rama-
dan, très répandue, est stable
depuis 2001 [2] : 71 % des per-
sonnes concernées déclarent avoir
jeûné pendant tout le ramadan, 9 %
affirment avoir observé cette obliga-
tion quelques jours et 20 % ne l’ont
pas fait. Dans la catégorie des
55 ans et plus, 73 % des personnes
ont jeûné pendant toute la période.
Les personnes
exemptées
Le jeûne n’est pas destiné à créer
des difficultés excessives. Le Coran
en dispense les malades1, surtout
s’il est susceptible d’avoir des
conséquences néfastes.
Le jeûne peut être annulé et rattrapé
plus tard, jour pour jour, dans cer-
tains cas :
• une maladie dont la guérison est
espérée ;
• un long voyage ;
• une femme ayant ses règles,
enceinte ou qui allaite.
Une personne d’un âge avancé qui
ne supporte pas le jeûne ou pour qui
cette pratique présente une diffi-
culté insurmontable, ainsi qu’un
malade chez lequel la guérison n’est
pas espérée n’ont pas obligation à
jeûner ni à rattraper. En revanche,
ils  doivent s’acquitter d’une
compensation, fidya, qui consiste à
nourrir un pauvre chaque jour non
jeûné ou à donner l’équivalent en
argent.
Les personnes diabétiques sont
concernées par l’exemption car le
désordre métabolique chronique
dont elles souffrent leur fait courir
un haut risque de complications si
la quantité et la qualité de leur
repas ainsi que leur apport hydrique

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48 http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2015.03.035 • n° 547 • juin 2015 •
 pratique
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sont soumis à d’importantes modi-

fications. Plus précisément, il res-
sort que le jeûne est absolument
contre-indiqué chez le diabétique
dans les situations suivantes :
• un diabète instable ;
• en présence de complications
dégénératives ;
• un épisode d’hypoglycémie
sévère ou non ressentie deux
mois avant le ramadan ;
• une acidocétose ou un coma
hyperosmolaire dans les deux
mois qui précèdent.
Cette dispense est donc plus
qu’une simple permission de ne pas
jeûner. Malgré cela, de nombreux
musulmans atteints de pathologies
chroniques continuent de respecter
cette pratique (encadré 1).
L’influence de la période
de l’année sur le jeûne
La durée du jeûne quotidien varie,
d’une part, selon la situation géo-
graphique et, d’autre part, selon la
saison.
Le jeûne débute au lever du soleil et
se rompt à son coucher. Concrète-
ment, il est commencé avant la
prière du Fajr et rompu avant celle
du Magreb. Les horaires précis
peuvent être communiqués par la
mosquée locale.
La plupart des personnes consom-
ment deux repas : l’Iftar, après le
coucher du soleil, qui marque la rup-
ture du jeûne, et le Sehar, avant le
lever du soleil. Il existe donc une
grande différence selon que le mois
de ramadan tombe en été ou en
hiver. Ainsi, au regard du calendrier
des prières de Paris, la durée entre
le Fajr et le Magreb est, au minimum,
Tableau 1. Horaires du Fajr et du Magreb à Paris selon la saison.
Fajr
(heure de Paris)
Printemps (équinoxe) 5:27
Été (solstice) 3:50
Automne (équinoxe) 6:10
Hiver (solstice) 7:04
de moins de 10 heures en décembre
alors qu’en juin, elle atteint son
maximum, plus de 18 heures, ce qui
représente près de 8 heures supplé-
mentaires de jeûne (tableau 1).
En 2014, le ramadan, qui s’est
déroulé du 28 juin au 27 juillet, a bien
montré la double difficulté que
représente le fait d’observer cette
pratique pendant l’été : d’une part,
la chaleur et la déshydratation et,
d’autre part, la durée quotidienne du
jeûne. En 2015, le ramadan 1436 se
déroulera du 18 juin au 17 juillet, soit
la période de l’année où la durée du
jeûne est la plus longue.
Le jeûne, quelques mots
de physiopathologie
F La sécrétion d’insuline, qui per-
met le stockage du glucose en
glyco gène dans le foie et les
muscles, est stimulée par la prise
d’aliments, chez les personnes
saines.
Lors d’un jeûne, la glycémie tend
à chuter, diminuant alors cette
sécrétion [3]. D’un autre côté, les
taux de glucagon et de catéchola-
mines augmentent, stimulant la lyse
du glycogène en glucose ainsi que
la néoglucogenèse. Dès lors que
le jeûne se prolonge, les réserves
de glycogène s’épuisent et les
taux bas d’insuline engendrent
Magreb Durée
(heure de Paris) du jeûne
19:03 13:36
21:58 18:08
19:47 13:37
16:57 9:53
l’augmentation de la libération des
acides gras par les adipocytes.
L’oxydation des acides gras génère
des cétones, qui peuvent être utili-
sés comme “carburant” par le myo-
carde, les muscles squelettiques et
le foie. Le tissu adipeux continue de
délivrer du glucose utilisé en continu
par le cerveau et les érythrocytes.
F La transition entre l’état d’ali-
mentation normale et un jeûne
prolongé est médiée par une série
de mécanismes complexes d’ordre
métabolique, hormonal, ou de
“glucorégulation”. Cette transition
peut être divisée en trois phases :
• une phase post-absorption, 6 à
24 heures après avoir commencé
le jeûne ;
• une phase de gluconéogenèse,
du deuxième au dizième jour ;
• une phase de conservation pro-
téique, à partir du dixième jour de
jeûne.
F Après une nuit de jeûne, le taux
moyen de glucose utilisé par un
homme sain est d’environ 7 g/heure.
En extrapolant, la quantité de glyco-
gène dans le foie, soit 70 à 80 g,
peut fournir du glucose au cerveau
et aux tissus périphériques pendant
environ 12 heures.
F Chez les individus sains, ce pro-
cessus est régulé par un équilibre
délicat entre les taux d’insuline

Encadré 1. Pratique du ramadan chez le patient diabétique

De nombreux patients atteints de diabète insistent pour jeûner pendant le ramadan, ce qui représente un défi médical pour eux-mêmes
mais aussi pour les professionnels de santé. Il est très important que ces derniers soient avertis de ce jeûne et du risque potentiel supplé-
mentaire qu’il représente.
L’étude Epidiar (Epidemiology of Diabetes and ramadan) a révélé que 79 % des personnes atteintes de diabète de type 2 jeûnaient pendant
le ramadan [1]. Ainsi, sur la base d’une prévalence mondiale du diabète de 4,6 % de la population, près de 50 millions de musulmans
atteints de diabète dans le monde jeûneraient. Le nombre moyen de jours jeûnés par ces patients est de 27 jours.

Actualités pharmaceutiques
• n° 547 • juin 2015 • 49
pratique
prévention
circulants et les hormones hyper-
glycémiantes (glucagon et catécho-
lamines) qui permet de maintenir
une glycémie dans les taux physio-
logiques. Chez les patients diabé-
tiques, l’homéostasie du glucose
est perturbée, d’une part, par la
pathologie elle-même et, d’autre
part, par les agents pharmaco-
logiques destinés à relancer ou
à suppléer la sécrétion d’insu-
line. Le glucagon peut échouer à
augmenter la glycémie à un taux
approprié en réponse à une hypo-
glycémie. La sécrétion de noradré-
naline est également défectueuse
à cause de la combinaison d’une
neuropathie et des déficiences
associées à des hypoglycémies
récurrentes. Chez les patients pré-
sentant une sévère déficience en
insuline, un jeûne prolongé en l’ab-
sence d’un taux adéquat d’insuline
peut engendrer un épuisement du
glycogène et augmenter la néoglu-
cogenèse et la cétogenèse, entraî-
nant hyperglycémie et acidocétose.
Néanmoins, chez les patients atteints
de diabète de type 2, l’acidocétose
est relativement rare et la sévérité de
l’hyperglycémie dépend du degré
d’insulinorésistance et/ou de défi-
cience.
Les risques associés
au jeûne chez
les patients diabétiques
Le jeûne du ramadan est, bien
entendu, déconseillé aux patients
diabétiques par tous les profession-
nels de santé. Epidiar, une large étude
épidémiologique conduite dans
13 pays islamiques sur 12 243 diabé-
tiques, relève un haut niveau de
complications aiguës [1]. Les compli-
cations les plus fréquentes sont l’hy-
poglycémie, l’hyperglycémie,
l’acidocétose diabétique, la déshy-
dratation et la thrombose.
F La diminution de la prise ali-
mentaire constitue un facteur de
risque d’hypoglycémie qui est bien
connu. Ainsi, il a été montré que le
risque d’hypo glycémie sévère
50
(nécessitant une hospitalisation)
chez les patients du groupe traités
intensivement et qui avaient une
valeur d’hémoglobine glyquée
(HbA1C) moyenne de 7,0 % était
multiplié par trois. Par ailleurs, le
risque d’hypoglycémie augmente
d’environ 7,5 fois chez les patients
diabétiques de type 2, ce qui
représente 0,4 à 3 événements pour
100 personnes par mois. Néan-
moins, dans l’étude Epidiar, l’inci-
dence de la survenue d’une
hypoglycémie est probablement
sous-estimée puisque les événe-
ments requérant l’aide d’une tierce
personne sans nécessité d’hospita-
lisation n’ont pas été inclus. De plus,
bien que les chiffres de l’HbA1C au
début du ramadan n’aient pas été
indiqués, il est peu probable que les
patients de cette étude aient eu un
bon contrôle glycémique. Les hypo-
glycémies sévères sont plus fré-
quentes chez les patients dont les
dosages d’antidiabétiques oraux
(ADO) ou d’insuline ont été modifiés
ou dont il a été rapporté un change-
ment significatif de vie.
F Le lien entre hyperglycémie,
complications microvasculaires
et possibles complications
macrovasculaires est démontré
par les études portant sur les
complications à long terme et la
mortalité [4,5]. Néanmoins, il
n’existe aucune information reliant
des épisodes annuels répétés
d’hyper glycémie à court terme
(quatre semaines) aux complica-
tions liées au diabète. L’étude Epi-
diar a montré une multiplication par
cinq de l’incidence d’hyperglycé-
mies sévères pendant le ramadan
chez les patients diabétiques de
type 2, soit un à cinq événements
pour cent personnes par mois, qui
peut être due à la réduction exces-
sive du dosage des médicaments les
prévenant. Les patients ayant rap-
porté une augmentation de la prise
de nourriture et/ou de sucre présen-
tent des taux significativement plus
hauts d’hyperglycémie [1].
F Les patients diabétiques jeû-
nant pendant le ramadan sont à
plus grand risque de développer
une acidocétose diabétique, par-
ticulièrement s’ils se trouvaient en
forte hyperglycémie auparavant [1].
Ce risque est d’autant plus aug-
menté que le dosage en insuline a
été minoré excessivement, ceci en
supposant que la prise alimentaire
est réduite pendant le mois.
F La déshydratation et la throm-
bose représentent d’autres compli-
cations éventuelles. La limitation de
la prise de boisson durant le jeûne,
d’autant plus si celui-ci est pro-
longé, est une cause de déshydra-
tation. Celle-ci peut devenir sévère
si le climat est chaud et humide, et
chez les personnes qui effectuent
un travail physique, c’est-à-dire
dans toute condition qui favorise
une transpiration excessive.
De plus, l’hyperglycémie est sus-
ceptible de conduire à une diurèse
osmotique et de contribuer à une
déplétion en volume et en électro-
lytes. Une hypotension ortho-
statique peut se développer, surtout
chez les patients porteurs d’une
neuropathie autonomique préexis-
tante. Des syncopes, des chutes,
des blessures et des fractures
osseuses peuvent résulter d’une
hypovolémie et d’une hypotension
associée. Enfin, la vasoconstriction
peut contribuer à un état d’hyper-
coagulabilité.
Les patients diabétiques présentent
un état d’hypercoagulabilité dû à
une augmentation des facteurs de
la coagulation, une diminution
endogène des anticoagulants et
une altération de la fibrinolyse.
L’augmentation de la viscosité san-
guine secondaire à une déshydrata-
tion peut accroître le risque de
thrombose.
Un rapport saoudien [6] avance que
l’incidence d’occlusion veineuse
rétinienne augmente chez les
patients jeûnant pendant le rama-
dan. Cependant, l’incidence des
hospitalisations en lien avec des
Actualités pharmaceutiques
• n° 547 • juin 2015 •
 pratique
prévention

Une étude observationnelle menée en officine au cours du jeûne du ramadan 2014 Références
[1] Salti I, Benard E,
Une enquête prospective, monocentrique menée dans une phar- Au total, 27 patients diabétiques ont été inclus ; 17 jeûnaient pen- Detournay B et al. Population-
macie dijonnaise située dans un quartier avec une forte population dant le ramadan et 10 ne le faisaient pas. Cinq incidents, dont un Based Study of Diabetes
and Its Characteristics
musulmane a été réalisée. grave, impliquant une hospitalisation, ont été relevés parmi les During the Fasting Month
Toutes les personnes diabétiques se présentant à la pharmacie, personnes qui jeûnaient. Aucun incident n’est survenu chez les of ramadan in 13 Countries
majeures et faisant preuve d’une compréhension suffisante ont été patients diabétiques ne jeûnant pas. Le traitement par insuline, le (EPIDIAR). Diabetes care.
2010;27(10):2306-11.
incluses. Les patients ne correspondant pas aux critères d’inclusion sexe masculin, un indice de masse corporelle (IMC) > 25 et la
[2] Institut français d’opinion
ne l’ont pas été. pratique d’une activité physique seraient des facteurs de risques public (Ifop). Analyse :
Le critère de jugement principal était la survenue d’un désordre de survenue d’un incident glycémique chez le diabétique pendant 1989-2011 Enquête sur
glycémique durant le jeûne du ramadan. le jeûne du ramadan. l’implantation et l’évolution
de l’islam en France.
Une recherche des facteurs de risque par régression logistique Si cette étude manque de puissance et si ses résultats doivent être www.ifop.com/media/
multivariée a été appliquée, à l’aide du logiciel “R”, afin de recher- confirmés, elle montre l’importance du phénomène dans la pratique pressdocument/343-1-
cher les facteurs de risque. ambulatoire courante. document_file.pdf
[3] Al-Arouj M, Assaad-
Source : Heliniak E. Gestion du diabète pendant le ramadan à l’officine.
Khalil S, Buse J et al.
[Thèse de doctorat en pharmacie]. Dijon: Université de Bourgogne, 2015.
Recommendations for
management of diabetes
during ramadan. Diabetes
Care. 2010;33(8):1895-1902.

événements coronariens ou des
accidents vasculaires cérébraux
n’est pas accrue. Aucune donnée
concernant les effets du jeûne sur la
mortalité des patients avec ou sans
diabète n’est disponible.
F Le pharmacien peut inciter le
patient souhaitant jeûner à
consulter son médecin pour réa-
liser un bilan de santé un à deux
mois avant le ramadan. Celui-ci doit
comporter un bilan glycémique et lipi-
dique, ainsi qu’une prise de tension.
difficultés de concentration et une
envie fréquente d’uriner peuvent
témoigner d’une hyperglycémie.
La déshydratation devra être évo-
quée face à une sécheresse buc-
cale, des crampes musculaires, des
nausées, des vomissements et des
[4] The Diabetes Control and
Complications Trial Research
Group. The effect of intensive
treatment of diabetes on the
development and progression
of long-term complications in
insulin-dependant diabetes
mellitus. N Eng J Med.
1993;329:977-86.

Les conseils à donner
au patient diabétique
désirant jeûner
Il est important que la prise en charge
soit adaptée à chaque patient selon
ses caractéristiques : âge, comorbi-
dités, traitement par ADO ou insu-
Cela permet d’évaluer l’état de santé
global du patient, de comprendre
comment est contrôlé le diabète, de
discuter du traitement et d’effectuer
des ajustements si besoin.
Par ailleurs, il est important, chez le
diabétique, que les antihypertenseurs
palpitations cardiaques. Enfin, les
symptômes de la thrombose peu-
vent inclure douleurs ou œdème et
sensation de pesanteur doulou-
reuse à l’endroit où se forme le
caillot sanguin, dilatation des vais-
seaux qui deviennent apparents,
[5] UK prospective Diabetes
Study (UKPDS 33) Group,
Intensive blood-glucose
control with sulfonylureas
or insulin compared with
conventional treatment and
risk of complications in
patients with type 2 diabetes.
Lancet. 1998;352:837-53.

line, autres traitements en cours,
présence de facteurs de risque.
F Une consultation d’éducation
thérapeutique programmée avant le
début du ramadan présente un grand
intérêt. Activité physique, plani-
fication des repas, suivi glycémique,
hypoglycémies, posologie et heures
de prises des médicaments sont
autant de points à aborder. Il a été
montré qu’une telle prise en charge
peut aider à adapter le style de vie
du patient pendant le ramadan, et
ainsi réduire significativement le
nombre d’hypoglycémies et prévenir
la prise de poids pendant cette
période de fête, ce qui est bénéfique
pour le contrôle métabolique [7].
Cette prise en charge peut être pro-
posée à l’officine dans le cadre d’une
consultation pharmaceutique.
soient ajustés, notamment les diuré-
tiques, pendant la période estivale.
Cette surveillance médicale doit,
bien entendu, être renforcée pen-
dant toute la période du ramadan
afin de déceler toute pathologie
aiguë, par exemple une infection,
nécessitant d’interrompre le jeûne.
F Il est important d’expliquer au
patient diabétique qui choisit de
jeûner à quels risques il s’expose :
hypoglycémie, hyperglycémie, aci-
docétose, déshydratation et throm-
bose. Le patient et le pharmacien
doivent savoir reconnaître l’hypo-
glycémie : confusion, vertiges, som-
nolence, sensation de fatigue
soudaine, tachycardie, nervosité et
irritabilité, transpiration et faiblesse.
Une perte de poids, une fatigue, une
soif intense, des maux de tête, des
éruption cutanée avec démangeai-
sons ou sensation de chaleur à
l’endroit concerné.
F Les conduites à tenir en cas
d’incident doivent être indiquées au
patient. Le jeûne doit, en effet, être
rompu en cas de glycémie inférieure
à 60 mg/dL ou inférieure à 70 mg/dL
dans les premières heures suivant
le début du jeûne, surtout si le
patient est traité par insuline, sulfa-
mide ou glinide. Dans ce cas, il doit
se “resucrer” en mangeant l’équiva-
lent de 15 g de glucose (trois sucres,
un demi-verre de jus de fruits,
quatre cuillères à café de sucre, une
cuillère à soupe de miel ou de sirop).
Par ailleurs, glycémie supérieure à
300 mg/dL doit amener à rompre le
jeûne, en buvant beaucoup d’eau
pour éviter la déshydratation, qui est
[6] Alghadyan AA. Retinal
vein occlusion in Saudi
Arabia: possible role of
dehydratation. Ann Ophtalmol.
1993;25:394-8.
[7] Ouhdouch F,
Adarmouch L, Errajraji A et al.
Absence d’effets délétères
du jeûne du ramadan sur
l’équilibre glycémique chez les
patients diabétiques : rôle des
consultations de préparation
au jeûne. Med Mal Metab.
2011;5(4):448-52.
[8] Zantar A, Azzoug S,
Belhimer F et al. Diabète
et ramadan. Presse Med.
2012;41:1084-8.
[9] Almaatouq MA.
Pharmacological approaches
to the management of
type 2 diabetes in fasting
adults during ramadan.
Diabetes Metab Syndr Obes.
2012;5:109-19.

Actualités pharmaceutiques
• n° 547 • juin 2015 • 51
pratique
prévention
Références
[10] Mafauzy M. Repaglinide
vs glibenclamide treatment
of type 2 diabetes during
ramadan fasting. Diabetes Res
Clin Pract. 2002;58:45-53.
[11] Devendra D, Gohell B,
Bravis V et al. Vildagliptin
therapy and hypoglycemia
in Muslim type 2 diabetes
patients during Ramadan. Int J
Clin Pract. 2009;63:1446-50.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas
avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
52
Tableau 2. Tableau de suivi de la glycémie.
Option 1
Avant le Sahour1
1 à 2 heures après le Sahour
Au moment des prières de Dhour2
Avant l’Iftar3
Avant d’aller au lit
1
Petit repas traditionnellement pris avant l’aube (ou vers minuit) pendant le ramadan ;
il s’agit du dernier repas avant le début de la journée de jeûne.
2
L’une des cinq prières quotidiennes de l’islam, effectuée après midi.
3
Repas servi en fin de journée pendant le ramadan et qui marque la rupture du jeûne.
une conséquence grave de l’hyper-
glycémie sévère. Les corps
cétoniques urinaires devraient éga-
lement être recherchés. Le médecin
devra être averti d’un tel épisode.
Un suivi de la glycémie est nécessaire
plusieurs fois par jour. Le kit d’infor-
mation à l’attention des personnes
diabétiques de type 2 proposé par
MSD France fournit un tableau de
suivi de la glycémie, avec deux
options (tableau 2).
F Une alimentation saine et équili-
brée, riche en fruits et légumes, est
également recommandée. L’apport en
aliments sucrés doit être limité, surtout
lors du repas du matin. L’accent doit
être également mis sur une bonne
hydratation, d’autant plus que le jeûne
s’effectue en été. Le repas de l’aube
doit être consommé le plus tard pos-
sible et être composé de sucres lents.
F Une activité physique quoti-
dienne doit être encouragée, de
préférence pendant les heures non
jeûnées. En revanche, tout effort
physique important doit être évité
durant les heures de jeûne, surtout
chez les personnes sous insuline ou
sulfonylurées.
F Concernant l’adaptation de la
prise de médicament, chez le dia-
bétique de type 1, il convient de
préférer le schéma basal-bolus avec
les analogues (une injection d’ana-
logues de l’insuline ultralente et une
injection d’analogues de l’insuline
ultrarapide à chaque repas).
La dose totale d’insuline doit être
réduite de 15 %, répartie en 70 %
d’insuline ultralente et 30 % d’insu-
line ultrarapide en deux injections.
Option 2
Avant le lever du soleil
1 à 2 heures après le lever du soleil
Vers 13 heures
Avant le coucher du soleil
2 heures après l’Iftar
F La metformine est insulino-
sensibilisante mais n’engendre que
peu de risque d’hypoglycémie
sévère. Puisqu’il n’y a que deux
principaux repas pendant le rama-
dan, il est conseillé de répartir les
doses en deux prises. Aux patients
traités par deux prises par jour, il est
recommandé de prendre la dose
totale le soir, lors de l’Iftar, et la moi-
tié de la dose lors du Sahour2, le
matin. À ceux traités par trois prises
quotidiennes, il est conseillé de
prendre deux tiers de la dose totale
à l’Iftar, le soir, et un tiers au Sahour,
le matin [8,9]. Il est aussi important
de mettre l’accent sur la nécessité
d’une bonne hydratation pour éviter
le risque d’acidose lactique.
F Les inhibiteurs d’alpha-gluco-
sidase, dont l’action porte princi-
palement sur les glycémies
post-prandiales, peuvent être pris
aux deux repas à la même dose
sans risque d’hypoglycémie.
F Avec les sulfamides hypo-
glycémiants, le risque d’hypo-
glycémie est accru. Il est préférable
d’utiliser le gliclazide, le glipizide
et le glimépiride, dont la durée d’ac-
tion est plus courte, à moindre
risque. Il est également conseillé de
prendre ces médicaments lors du
repas du soir plutôt qu’à l’aube.
Les patients traités par glibencla-
mide doivent ingérer uniquement
la dose du matin lors de l’Iftar.
Ceux traités par deux doses quoti-
diennes de sulfamide de deuxième
génération doivent prendre celle du
matin et la moitié de la dose le soir.
Quant à ceux traités par trois prises
quotidiennes, ils doivent ingérer un
tiers de la dose totale le soir et deux
tiers le matin. Les patients sous gli-
benclamide ne devront prendre que
la dose du matin.
F Le répaglinide peut être pris
avant les deux repas, avec un risque
moindre d’hypoglycémie en raison
de sa courte durée d’action. Il a été
montré que le répaglinide causait
moins d’hypoglycémie (2,8 %) que
le glibenclamide (7,9 %) chez les
diabétiques de type 2 jeûnant pen-
dant le ramadan [10].
F Les inhibiteurs de DPP4 (sita-
gliptine, vildagliptine, saxagliptine)
ne sont pas associés aux hypo-
glycémies mais peuvent augmenter
l’effet hypoglycémiant des autres
agents couramment utilisés (sulfa-
mides hypoglycémiants, glinides,
insuline). La combinaison metfor-
mine-vildagliptine est associée à un
moindre risque d’hypoglycémie que
la combinaison metformine-glicla-
zide selon une étude menée chez les
diabétiques de type 2 jeûnant pen-
dant le ramadan [11].
Par ailleurs, il a été montré qu’une
thérapie comportant de la vilda-
gliptine entraînait moins d’hypo-
glycémies que lorsque des
sulfamides hypoglycémiants, qu’ils
soient associés ou non à de la
metformine, étaient utilisés.
Les médicaments de cette classe
peuvent être maintenus à la même
dose pendant le ramadan.
F Concernant les analogues de
glucagon-like peptide-1 (GLP1),
le liraglutide peut être pris le soir à
la dose habituelle, et l’exénatide,
avant les deux principaux repas.
F Dans le cas particulier des
patients suivant un traitement
mixte, l’association d’un analogue
ultralent et d’un antidiabétique oral
est possible.
F Si le traitement nécessite une
adaptation pendant le ramadan, il
est nécessaire que le pharmacien
propose, en accord avec le méde-
cin, un plan de posologie adapté
pour cette période. w
Actualités pharmaceutiques
• n° 547 • juin 2015 •