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pratique |immunologie

Optimisation du dosage du PSA


et nouveaux marqueurs du cancer de la prostate
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué : l’amélioration de la sensibilité du marqueur
le plus utilisé, le PSA, grâce au dosage des formes libres et des formes complexées, a permis de mieux le dépister.
Mais, la question du diagnostic différentiel entre hypertrophie bénigne de la prostate et cancer reste posée pour
des valeurs comprises entre 4 et 10 ng/mL. Aussi la piste de nouveaux marqueurs est-elle explorée, comme les
kallicréines 4 et 15 ou une approche génomique. Le recours à de nouveaux marqueurs, tels qu’EPCA2, PCA3,
AMACR ou TMPRSS2-ETS, seuls ou en association, doit être étudié à grande échelle.

L
e cancer de la prostate est le cancer le plus PSAt a permis d’augmenter la sensibilité du mar- L’avancée la plus importante concerne la vélocité
fréquemment diagnostiqué. Il est unique parmi queur, chez les patients dont le PSAt est inférieur du PSA (PSA velocity) qui correspond à la pente
les tumeurs solides puisqu’il existe sous deux à 4 ng/mL, et sa spécificité, lorsque le PSAt est d’augmentation du marqueur lorsque sont faits des
formes : une forme latente ou histologique, qui peut compris entre 4 et 10 ng/mL, pour le dépistage dosages itératifs de PSA. La vélocité normale est esti-
être identifiée chez 30 % des hommes de plus de du cancer (tableau III). Ce rapport est surtout inté- mée à 0,04 ng/mL/an. Il a été montré qu’une vélocité
50 ans et 60 à 70 % des hommes de plus de 80 ans, ressant s’il est très bas ou très élevé, mais peu supérieure à 0,75 ng/mL/an chez des hommes ayant
et une forme clinique évidente qui affecte approxi- discriminant entre 10-15 et 25 %. un PSAt initial inférieur à 4 ng/mL était un marqueur
mativement 1 homme/9 dans les pays développés. Par ailleurs, certains industriels du diagnostic tra- d’évolution vers le cancer (sensibilité : 79 % et spé-
D’une manière générale, les formes cliniques sont vaillent au développement de dosages des formes cificité : 66 %). Chez les hommes dont le PSAt initial
détectées sous forme strictement localisée à la moléculaires de PSA libre : est supérieur à 4 ng/mL, le seuil de 0,4 ng/mL/an est
glande prostatique dans un tiers des cas, sous forme – PSA intact (correspond à 40 % du PSAL) : dimi- optimal (sensibilité : 63 % et spécificité : 62 %).
commençant à disséminer dans un tiers des cas, nué dans le cancer ; forme associée à l’hypertro-
et sous forme métastatique, dont le pronostic est phie bénigne de la prostate (HBP) ; Nouveaux marqueurs proposés
largement plus péjoratif, dans un tiers des cas. – benign PSA ou BPSA (environ 30 % du PSAL) : Le PSA est un marqueur imparfait, notamment
augmenté dans l’HBP ; lorsqu’il est compris entre 4 et 10 ng/mL, zone
L’antigène spécifique de la prostate – pro-PSA (propeptide du PSA) : augmenté en cas où se pose la question d’un diagnostic différentiel
L’antigène spécifique de la prostate (PSA) ou kalli- de cancer, surtout de carcinome agressif. L’utilisa- entre HBP et cancer, mais également pour des
créine 3 (hK3) est une sérine protéase appartenant tion du rapport pro-PSA/BPSA augmente encore valeurs comprises entre 0 et 4 (15 % des patients
à la superfamille des kallicréines, dont la demi-vie la sensibilité du dépistage du cancer. ayant un cancer ont un PSA inférieur à 4 ng/mL).
est de 2-3 jours. Sa concentration sérique doit être Le PSA étant une kallicréine, d’autres kallicréines
interprétée en tenant compte de l’âge du patient Faire du neuf avec le PSA ? ont été proposées : hK2, éventuellement rapportée
(tableau I). Des auteurs belges ont proposé de rapporter la au PSA (hK2/PSA ou PSAL/hK2), a été étudiée puis
Le PSA est présent dans la circulation sous forme valeur de PSAt au volume de la glande prostatique abandonnée ; hK4 et hK15 semblent aujourd’hui
libre (10 à 15 %) et sous forme complexée (85 à (PSA density), sachant que le PSA est produit de susciter de l’intérêt.
90 %) en particulier à l’alpha1-antichymotrypsine. manière plus importante par le tissu cancéreux Grâce à l’utilisation de puces et à une approche
Le PSA total (PSAt) dosé est la somme des formes que par le tissu hyperplasique. Ce “marqueur” génomique, quatre gènes d’intérêt ont été iden-
libre (PSAL) et complexée. Il n’est toutefois pas implique donc un dosage de PSA et une mesure du tifiés : AMACR (codant l’alpha-méthyl CoA racé-
spécifique du cancer, mais du tissu prostatique volume de la glande, par un échographiste expéri- mase), le gène codant l’hepcine, une protéine
(tableau II). menté pour obtenir des valeurs reproductibles. transmembranaire ; EZH2, un gène régulateur,
L’une des avancées du dosage de PSA a été de Puis il a été proposé de rapporter le PSA au volume et Stat6. Ils sont actuellement étudiés en anato-
proposer, à côté du PSAt, le dosage du PSAL de la zone transitionnelle (rarement le siège d’une mopathologie, notamment EZH2 et AMACR, dont
sachant que, en cas de cancer, la proportion de tumeur) : PSA transition zone density ou PSA-tzd. l’augmentation d’expression serait un marqueur
PSAL diminue. De fait, l’utilisation du rapport PSAL/ Mais ce paramètre reste difficile à standardiser. d’agressivité tumorale.

Tableau I. Variations des valeurs Tableau II. Probabilité de cancer Tableau III. Probabilité de cancer
“normales” du PSA total (PSAt) de la prostate en fonction des valeurs de la prostate en fonction des valeurs
en fonction de l’âge. de PSAt sérique. du rapport PSAL/PSAt sérique.
PSAt PSAt (ng/mL) Probabilité de cancer PSAL/PSAt Probabilité de cancer
(ng/mL) de la prostate (%) (%) de la prostate (%)
40-49 ans < 2,5 0-2 1 0-10 56
50-59 ans < 3,5 2-4 15 10-15 28
60-69 ans < 4,5 4-10 25 15-20 20
70-79 ans < 6,5 > 10 > 50 20-25 16
> 25 % 8

20 OptionBio | Lundi 14 novembre 2011 | n° 462


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D’autres marqueurs semblent prometteurs : de biopsies lorsque les autres arguments sont Conclusion
– EPCA-2 (early prostate cancer antigen) est un incertains. Des études complémentaires sont Le PSA est actuellement le marqueur prostatique
marqueur sanguin précoce et spécifique du cancer nécessaires pour préciser sa place ; le plus utilisé, mais sa faible spécificité vis-à-vis
de la prostate. Plusieurs études récentes ont mon- – gènes de fusion. Leur intérêt a été démontré du cancer conduit à un risque de biopsies inutiles,
tré l’intérêt de son dosage dans le sérum, avec, dans un certain nombre de cancers, notamment de surtraitement et de morbidité. Une amélioration
au seuil de 10 ng/mL, pour des patients ayant un des hémopathies (BCR-ABL). Dans le cancer de la est souhaitable afin de mieux individualiser les
PSAt compris entre 2,1 et 10 ng/mL, une spécifi- prostate, il a récemment été découvert des gènes patients ayant un profil agressif par rapport à ceux
cité de 100 % et une sensibilité de 94 % pour le de fusion impliquant une partie du TMPRSS2 ayant une maladie indolente. L’intérêt de nou-
diagnostic de cancer de la prostate ; (Transmembrane protease, serine 2), gène régulé veaux marqueurs tels qu’EPCA2, PCA3, AMACR
– PCA3 (prostate cancer antigen 3). D’ores et déjà par les androgènes, et un membre de la famille du ou TMPRSS2-ETS est aujourd’hui grandissant.
disponible sur le marché (Test Progensa® PCA3), il facteur de transcription ETS (erythroblast transfor- Une association de plusieurs marqueurs (généti-
s’agit d’un test moléculaire réalisé dans les urines mation specific), ERG, ETV1 ou ETV2, intervenant ques, PCA3, etc.) semble prometteuse pour amé-
recueillies après massage prostatique. Un ratio dans les voies de signalisation cellulaire régulant liorer le dépistage du cancer de la prostate ; des
est établi entre le taux d’ARNm du PCA3 et le taux la croissance et la différenciation cellulaire. Détec- études sur de grandes cohortes sont désormais
d’ARNm du PSA (valeur médiane = 35). Plus le tés par hybridation in situ en fluorescence (FISH), nécessaires. |
ratio s’éloigne de 35 dans les valeurs basses, plus ces gènes de fusion ont été retrouvés chez 40 à
le risque d’avoir une biopsie positive est faible ; à 80 % des patients ayant un cancer prostatique et CAROLE ÉMILE
l’inverse, pour un ratio supérieur à 35, la probabi- 20 % des néoplasies intra-épithéliales. Biologiste, CH de Montfermeil (93)
lité s’élève d’autant plus que l’on s’éloigne vers les TMPRSS2-ETS a également un impact pronostique : carole.emile@live.fr
valeurs hautes. Ce test est actuellement proposé les patients “sous surveillance” (watchful waiting) L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en lien avec cet article.
en seconde intention, après la réalisation d’une exprimant ces gènes de fusion ont un score de
première série de biopsies négatives, pour décider Gleason plus élevé, un potentiel métastatique plus
Source
d’une seconde série. Il est aussi étudié d’emblée important et un risque de mortalité plus élevé ; une fois Communication de S. Loric, lors d’une journée de formation organi-
au diagnostic pour décider d’une première série identifiés, ils pourraient bénéficier d’un traitement. sée par le laboratoire Biomnis, Lyon, novembre 2010.

imagerie moléculaire

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