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La lutte contre Boko Haram en chanson : une analyse stylistique de

« Boko Haram ! Tu ne nous peux pas » de One Love le caïd

Fight against Boko Haram by song : a stylistic analysis of


« Boko Haram ! Tu ne nous peux pas » from One Love le caïd

HAYATOU DJOULDÉ
Département de Français
Université de Ngaoundéré – Cameroun
hayatou.djoulde15@yahoo.fr

Résumé : Le présent article se donne pour objectif d’analyser les ressources langagières dans
« Boko Haram ! Tu ne nous peux pas », chanson exécutée par One Love, jeune rappeur
camerounais. Présentée comme un hymne en l’honneur des soldats au front et un message de
ralliement pour la lutte contre Boko Haram, cette pièce est passée en boucle sur les chaînes
radio et télé entre janvier et février deux mille quinze. Posté sur You Tube, ce clip a enregistré
plus de cent mille vues de janvier à octobre de cette année-là. Ecrite en français et en
camfranglais, cette chanson se caractérise par une richesse stylistique aussi bien dans le fond
que dans la forme du texte. Cette réflexion tente de montrer le fonctionnement et les effets du
choix des divers paliers langagiers sur lesquels l’artiste s’appuie pour mettre en exergue un
message d’espoir et d’espérance vis-à-vis de Boko Haram. Nous inscrivant dans une
perspective stylistique, nous étudions les composantes énonciative, lexicale et rhétorique de
cette chanson.
Mots-clés : analyse stylistique, Boko Haram, chanson, hymne.

Abstract : The present paper aims to analyse linguistic resources in "Boko Haram ! Tu ne
nous peux pas", song performed by One Love, young Cameroonian singer. Presented as an
hymn in honour of soldiers in front and as a message of union in order to fight Boko Haram,
this song was over listened on radio and TV between January and February two thousand and
fifteen. Posted on You Tube, this clip has been recorded more than a hundred thousand of
views from January to October the same year. Written in French and in Camfranglais, this
song is characterised by a stylistic richness both in the substance that in the form of the text.
This reflexion tries to show the functioning and the effects in the choice of various linguistic
pillars on which the artist leans to develop a message of hope and expectancy towards Boko
Haram. Inscribing this reflexion in a stylistic approach, we study enunciative, lexical and
rhetoric components of this song.
Keywords : Boko Haram, hymn, song, stylistic analysis.

Introduction
Depuis que le Cameroun combat Boko Haram, plusieurs voix se sont levées, soit pour
dénoncer ses exactions, soit pour appeler à l’union de ses populations afin d’en venir à bout.
Si le politique a privilégié d’abord la diplomatie, puis a envoyé les soldats au front, les
populations, quant à elles, ont organisé des marches patriotiques de soutien à ces soldats et ont
collecté de l’argent et des denrées alimentaires dans ce qu’on a appelé « effort de guerre ». Si
les hommes de medias ont opté pour une communication opérante en contexte de guerre, les
artistes, pour leur part, entrent en scène pour apporter un nouvel air afin de booster le moral
des alliés engagés dans la riposte contre Boko Haram.
Le travail qui nous incombe tente d’analyser les ressources langagières mobilisées dans la
chanson intitulée « Boko Haram ! Tu ne nous peux pas » écrite par One Love le caïd, jeune
1
chanteur de rap Camerounais. La question centrale de notre réflexion est la suivante :
comment fonctionnent les divers paliers langagiers dans cette chanson et quels en sont les
effets dans la construction d’un message de solidarité et d’espérance dans la lutte engagée
contre Boko Haram ? Nous inscrivant dans une approche stylistique du discours, il importe
d’étudier les composantes énonciative, lexicale et rhétorique de cette chanson. Sont alors
examinées la situation d’énonciation, la qualité du vocabulaire utilisé pour désigner le
phénomène et traduire les espérances de l’artiste, partant celles de tous les citoyens
camerounais pour en arriver à bout ainsi que les figures rhétoriques qui sous-tendent le
discours social dérivé de ce texte.

1. Contexte de la réflexion et présentation du corpus


Cette réflexion rentre dans le cadre de l’analyse du discours de guerre que livre l’État
camerounais à la secte islamiste Boko Haram. En nous appuyant sur une chanson militante,
nous tentons de faire ressortir, à partir d’une approche stylistique, ce qu’elle vaut pour l’artiste
et pour toute une nation, le Cameroun.

1.1. Contexte de la réflexion


Le contexte sécuritaire à l’Extrême-Nord du Cameroun, marqué par les attaques de Boko
Haram, s’accompagne d’une riche littérature qui est consacrée à ce sujet par des chercheurs et
des journalistes (Hendrickx Vincent, 2014 ; Berghezan Georges, 2016 ; Bacthom Paul Elvic,
2016). En effet, Boko Haram est un groupe terroriste né au Nigéria dans les années deux mil
sous la houlette de Ustaz Muhammad Yusuf. D’après Batchom (2016 : 110), à l’origine, ce
groupe avait pour principal objectif de dénoncer la corruption des hommes politiques et les
responsables religieux de Maiduguri et d’exprimer son mécontentement vis-à-vis de la misère
ambiante et d’un gouvernement jugé illégitime. Mais chemin faisant, et surtout avec les
prêches virulents de son leader, on assiste à la radicalisation des membres de ce groupe. La
secte se formalise et lance ses premières offensives contre les forces de sécurité nigérianes le
vingt-deux décembre deux mil trois. Cependant, la mort de Muhammad Yusuf le vingt-neuf
juillet deux mil neuf lui ouvre une nouvelle ère sous la conduite d’Abubakar Shekau. Ce
dernier organisera des attaques d’envergure dont l’une a visé le bâtiment de l’ONU à Abuja le
vingt-six août deux mil onze. Le Cameroun a été ouvertement touché en février deux mil
treize avec l’enlèvement de la famille Moulin-Fournier à Dabanga. Puis, des attaques et autres
enlèvements ont été enregistrés. Aujourd’hui, Boko Haram aurait réussi à ralentir le quotidien
des populations du Nord du Nigéria et celles de l’Extrême-Nord du Cameroun si nous
considérons le nombre des réfugiés du camp de Minawao1 dans le Mayo Tsanaga et ses
conséquences sur l’économie de cette partie du pays.

1.2. Présentation du corpus


La chanson qui fait l’objet de notre analyse est de One Love le caïd, de son vrai nom Roland
Togo Ekape. Ce jeune rappeur Camerounais sortait en janvier deux mil quinze un single dont
les sonorités et les paroles allaient marquer d’une pierre blanche les esprits des mélomanes sur
le phénomène Boko Haram à l’Extrême-Nord du Cameroun.
Sur le plan formel, cette chanson est écrite en vers et se compose symétriquement d’un
premier refrain suivi de deux couplets, puis d’un second refrain accompagné de deux couplets
également. Elle compte en tout six strophes. Les deux refrains comportent chacune huit vers,
les couplets, quant à eux, sont d’inégale longueur : les deux premiers couplets qui se

1
D’après les récentes statistiques présentées par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(UNHCR), le nombre total des réfugiés au 31 janvier 2016 s’élève à 54.806 personnes réparties dans 15.075
ménages.

2
rattachent au premier refrain sont développés respectivement par sept et dix-sept vers tandis
que les deux autres, qui suivent le second refrain, sont composés chacun de seize et dix-sept
vers. La chanson entière tient sur soixante-treize vers. Nous pouvons aussi remarquer que les
deux derniers couplets de chaque partie comptent dix-sept vers. Ce qui réduit le déséquilibre
entre les deux parties de la chanson.

Sur le plan de la langue, la chanson se caractérise par l’usage d’un code particulier, le
camfranglais. Parler des jeunes par excellence, le camfranglais est une langue hybride qui
mêle le français, l’anglais et les langues camerounaises. En plus des emprunts qui constituent
son lexique, cette langue se caractérise davantage par la créativité lexico-sémantique et la
simplification des règles de sa grammaire. Prenons en guise d’illustrations, les relevés
suivants extraits de la chanson :
- les emprunts : à l’anglais (speak, man, kill, call-box), au pidgin-english (ya, nièè,
mbout-man), au duala (bolè), au fulfulde (bili-bili) ;
- la créativité lexico-sémantique par le procédé de resémantisation de l’expression « on
va vous malaxer » ;
- la simplification des constructions phrastiques à travers les calques syntaxiques « tu ne
nous peux pas » et la réduplication des termes « tu vas boum-boum » ; « on va te
toum-toum ».

Dans les cultures urbaines, le chant-rap est un style privilégié utilisé par les artistes afin de
fustiger les mauvais comportements dans la société. C’est dans ce sens que One Love utilise
ce créneau pour dévoiler les mauvais desseins de Boko Haram et dénoncer par-là même ses
exactions. Nous jetons notre dévolu sur Boko Haram… puisqu’au-delà du fait que cette
chanson intègre l’actualité socio-politique du Cameroun, elle constitue en plus un corpus
intéressant dans lequel des faits de langue se prêtent à une analyse rigoureuse et scientifique.
En un mot, ce corpus se construit sur une énonciation familière, avec des mots simples mais
évocateurs et provocateurs ainsi que des figures.

2. La composante énonciative : de l’ancrage énonciatif à la présentation des forces en


présence
Kerbrat-Orecchioni (2002 :28) définit l’énonciation comme « l'ensemble des phénomènes
observables qui se met en branle, lors d'un acte communicationnel particulier ». En d’autres
termes, tout acte de communication laisse des traces au cours de son élaboration. Ces marques
sont le plus souvent perçues comme une intention délibérée de l’énonciateur à les laisser ou
non dans son discours. Pour étudier la composante énonciative de ce discours musical, nous
nous attelons à y retrouver les marques de la subjectivité des personnes de l’interlocution. Il
s’agit en clair d’y identifier les forces en présence, de les caractériser, puis de décrypter les
intentions qui les animent.

2.1. Le jeu déictique : l’identification des forces impliquées dans la lutte contre Boko
Haram
Encore appelés embrayeurs, les déictiques sont les éléments qui marquent l’ensemble des
opérations par lesquels un énoncé s’ancre dans sa situation d’énonciation. Pour Maingueneau
(2002 : 158), qu’il soit « employé comme adjectif (« valeur déictique », élément déictique)
que comme nom (« un déictique »), ce terme désigne un des grands types de référence d’une
expression, celle où le référent est identifié à travers l’énonciation même de cette
expression ». D’après cet auteur, un déictique permet de reconnaitre et caractériser ce dont on
parle dans un énoncé ou dans une énonciation. S’il est simpliste de dire que la chanson que
nous analysons est de One Love, il n’est cependant pas aisé de décrire comment il se présente
3
dans son texte, comment il présente son thème et comment se développe sa pensée. Très
souvent, les éléments déictiques qui se rapportent aux personnes de l’interlocution sont les
pronoms personnels et les adjectifs et pronoms possessifs.
Les déictiques de personne qui servent à présenter les énonciateurs dans Boko Haram… sont
ceux du singulier et du pluriel. Au singulier, nous avons trois occurrences du pronom
personnel « je » et l’adjectif possessif « mon » utilisé en deux occurrences dans « mon pays »
et « mon doigt d’honneur ». Le marquage déictique par le pluriel est abondant à travers le
pronom personnel « nous » réutilisé quatorze fois. Ces occurrences d’éléments déictiques
soulignent la présence explicite du sujet énonçant dans cette pièce de musique. L’emploi du
pronom « on » renforce cette présence de l’instance énonciative dans le discours musical.
Sujet polyvalent, le pronom on peut remplacer une personne ou un ensemble de personnes à
l’exemple d’un corps, d’un collectif, etc. Employé en onze occurrences, le pronom « on »
renchérit la présence du locuteur-artiste, en tant qu’il équivaut à « je » et surtout à « nous ».
Qu’il se (re)présente sous la forme individuelle ou collective, le sujet énonçant marque si
fortement sa présence dans son discours. Il se fait le représentant ou le porte-parole de tous les
Camerounais. Donc, ce n’est pas un seul Camerounais qui lance le défi à Boko Haram, mais
plutôt, toute une nation qui se tient comme un seul homme devant Boko Haram.
L’interlocuteur, quant à lui, est nommé onze fois grâce à l’apostrophe « Boko Haram ». Des
substituts nominaux comme « voyous », « leader », « bande de mboutman » et ceux
pronominaux (« tu » et « vous ») représentent densément le référent du discours. Une lecture
axiologique de certaines désignations sera faite dans la suite de cette réflexion. Revenant aux
déictiques spécifiquement, nous avons dénombré quatre-vingt et une occurrence des
déictiques personnels de la deuxième personne du singulier dont soixante-deux pronoms en
fonction sujet et douze en fonction complément. Sept fois les adjectifs possessifs « ta » et
« tes » ont été distribués pour faire référence à Boko Haram. Au pluriel, le pronom « vous »
est utilisé neuf fois et l’adjectif possessif « vos » trois fois pour représenter l’interlocuteur
dans le discours.
Ce relevé exhaustif d’indices de la présence de l’allocutaire permet de souligner sa forte
présence dans le texte. Il est désigné et représenté en une centaine d’occurrences au total. Cela
prouve combien l’artiste cherche à le montrer du doigt et à l’exposer au grand jour. Nous
pouvons également faire remarquer que l’emploi de la deuxième du singulier (« tu » et ses
variantes) relève d’un désir de tutoyer l’ennemi en s’adressant directement au meneur ou à
toute la bande. Cette situation énonciative permet de comprendre que le contexte de
communication qui se présente ici est tendu ; il est guerrier à en croire aussi les modalités
énonciatives mises en jeu.

2.2. Le jeu des modalités d’énonciation : les intentions des forces alliées
La modalité est l’attitude prise par l'énonciateur à l'égard de ce qu'il énonce, c’est-à-dire la
mise en rapport de ce qu’il dit avec un prédicat. Selon Fromilhague et Sancier-Château
(1996 : 56), « le jeu des modalités traduit l’attitude de la conscience locutrice en face du
monde », c’est-à-dire qu’elles trahissent les intentions du sujet énonçant dans la réalisation de
son discours. Il existe plusieurs modalités d’énonciation : assertive, quand le locuteur pose la
valeur de vérité dans son propos ; jussive, lorsque l’intention de parole relève d’un ordre ou
d’un conseil ; exclamative, lorsque le locuteur marque une réaction affective ; interrogative
quand le sujet veut instaurer un débat, assertive quand l’expression de la vérité est l’intention
de communication. L’observation du discours musical que nous nous proposons d’étudier
montre une interaction entre une triple modalité assertive, interrogative et jussive.

4
Tout d’abord la modalité assertive. Elle pose la valeur de vérité dans la chanson. Dans son
discours, One Love cherche à s’affirmer en affichant son statut, sa détermination et son
caractère. Pour nous en convaincre, observons les énoncés assertifs suivants : « La devise de
mon pays c'est PAIX-TRAVAIL-PATRIE » / « Tu ne nous peux pas » / « On va vous malaxer
et vous décapiter » / « On va vous cribler de balles pour vous paralyser » / « Je lève mon doigt
d'honneur aux puissances qui vous arment » / « Le linge sale se lave en famille » « Même là-
bas au front, nous sommes indomptables ». Cet extrait renseigne sur le statut du « pays »
officiellement reconnu par l’histoire et par sa devise, dans lequel l’artiste est citoyen.
L’affirmation de soi est d’autant plus rendu visible à travers l’assertion négative « … tu ne
nous peux », qui revient comme un refrain dans la chanson. La détermination du locuteur,
quant à elle, est démontrée par l’usage du futur proche « On va vous malaxer, …décapiter,
…cribler de balles, …paralyser, … ». Ce procès est déterminant pour l’artiste et fait ainsi
l’objet d’un programme social qui se met déjà en action : « Je lève mon doigt d’honneur… ».
En plus, la modalité assertive permet de caractériser les Camerounais qui vivent en « famille »
et qui sur le terrain de bataille sont « indomptables ». Voilà autant de propos présentés comme
étant vrais dans le discours et dans la réalité de l’énonciateur. Cette présentation de soi donne
une image positive et influente de l’énonciateur et partant celle de tous ceux qu’il représente.
Les rhétoriciens parlent ici du processus de construction de l’ethos. L’objectif est d’intimider
l’adversaire et de le contraindre à plier l’échine.
Ensuite la modalité interrogative. Elle consiste en la mise en débat dans le discours. Dans
Boko Haram… cette modalité vise à questionner l’allocutaire. En larguant quarante-deux
interrogations qui visent directement Boko Haram, l’artiste veut savoir ce qui se cache
derrière l’individu, « Tu t'adresses à qui? » (27 occurrences) ; le phénomène, « Tu es même
quoi? » (8 occurrences) ; sans oublier d’interroger l’origine de Boko Haram : « Tu sors même
d'où? » (7 occurrences). C’est ainsi que Boko Haram est accablé de questions, ce qui
ressemble à une confrontation ou un interrogatoire pendant lequel il est sommé de répondre.
Boko Haram est considéré comme un phénomène possédant une nature, une essence, un ou
des principe(s) de fonctionnement, une constitution… C’est, en effet, ce que veut savoir
l’artiste en posant la question « Tu es même quoi ? ». Si, d’une part, cette interrogation traduit
la difficulté du locuteur à identifier ou à définir clairement l’objet de son discours, elle montre
d’autre part la détermination et même l’acharnement du chanteur à comprendre coûte que
coûte le phénomène en question. Cette question semble expliquer certaines métaphores que la
presse camerounaise utilise pour désigner ce phénomène comme une « nébuleuse » ou une
« hydre ».
Boko Haram est également considéré comme une personne faite de chair et d’os. Cette
identification est contenue dans les sèmes /humain/ que nous pouvons retrouver dans les
verbes noyaux de ces questions tels que « adresses », « menacer », « crois », « connais » et
bien d’autres encore. En tant que tel, One Love ne ménage pas ses expressions ; il est direct et
semble même s’attaquer de manière frontale à Boko Haram. C’est ce que laissent entendre
davantage les questions directes « Tu t’adresses à qui ? » ; « Tu oses même menacer le
président de qui ? » ; « Tu crois que notre armée a peur de tes voyous ? » ; « Tu connais
même le pays où tu viens mettre tes pieds ? ». Mais, à y voir de près, nous nous rendons
finalement compte que ces questions ne présupposent pas forcément des réponses de la part
de l’allocutaire Boko Haram ; elles sont plutôt des questions ouvertes auxquelles l’artiste, le
président camerounais, l’armée camerounaise et tous les Camerounais sont invités à apporter
des réponses ontologiques ; ce qui leur permettra de se sentir invincibles, car unis pour une
même cause. Boko Haram est enfin questionné sur ses origines. Telle apparait la raison d’être
de la phrase « Tu sors d’où ? ». C’est l’origine, la provenance et les liens de Boko Haram qui
sont ainsi mis en cause. L’artiste cherche à connaitre les sources qui ont fait naitre Boko

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Haram, qu’il soit vu comme un phénomène ou comme une personne. La suite du texte tente
d’apporter un élément de réponses à cette question : ses relations avec les « puissances ».
Enfin la modalité jussive où la présence du locuteur du discours est de plus en plus ressentie à
travers l’impératif. L’artiste s’en sert à neuf reprises pour intimer des ordres, lancer des
ultimatums ou donner des prescriptions. Dans les impératifs « Laissez-nous tranquille » ;
« Allez faire vos choses ailleurs » ; « ferme ta bouche man » ; « Rentrez chez vous et déposez
vos armes », nous retrouvons une série d’ultimatums lancés à l’endroit des membres du
groupe Boko Haram. L’artiste, porte-parole de la nation camerounaise, exige aux terroristes
de cesser leurs exactions. D’autres impératifs pour leur part formulent des recommandations
pour une bonne communication sociale (« dites aux soldats…, dites à la population… ») et
pour un acte de solidarité (« donnez-leur du pain…, donnez-leur de l’eau… »). Pour ce
dernier cas de figure, l’artiste rapporte au style direct les propos du Chef de l’Etat à la nation.
Autrement dit, le président de la République maitrise la situation qui prévaut et formule à cet
effet des règles de conduite aux soldats et aux populations. Ceci fait que tout le monde est
impliqué et engagé dans ce programme. Au demeurant, l’analyse de la composante
énonciative permet d’identifier les forces engagées dans la lutte contre le terrorisme, de
connaitre leurs différents rôles et intentions et de comprendre le rapport de force qui s’établit
entre un groupe d’individus et tout un pays agressé mais déterminé à le combattre.

3. La composante lexicale : du choix des mots dans la chanson


L’organisation lexico-sémantique du discours repose essentiellement sur les mots et leurs
significations. Les mots sont des unités sémantiques minimales de la phrase qui occupent une
place primordiale dans l’élaboration du discours. Ils sont le support nécessaire de réalisation
de la pensée humaine en ce qu’ils traduisent l’intentionnalité de l’énonciateur. Nous nous
intéressons à ce niveau aux mots et expressions qui permettent de construire un discours sur
Boko Haram. Après avoir identifié les éléments du champ lexical de la guerre dans cette
chanson, nous étudions l’axiologie lexicale pour montrer le regard de l’artiste sur le
phénomène et pour proposer quelques clefs de compréhension de son message.

3.1. La construction du champ lexical de la guerre


Le champ lexical est un ensemble de mots (ou syntagmes ou lexies) qui se regroupent pour
signifier une certaine expérience : création d’une technique, désignation d’une activité
pratique ou notionnelle. Autrement dit, est champ lexical l’ensemble des signes qui, dans un
contexte donné, permettent de signifier et d’illustrer un concept, de présenter et qualifier une
chose ou un être. Les termes d’un champ lexical doivent se rapporter à un même domaine de
sens en vue de mettre en évidence le thème d’un texte. C’est le cas du texte-support de notre
analyse.
Dans Boko Haram… le thème principal que développe le rappeur Camerounais est la guerre.
Ce champ lexical s’identifie grâce aux éléments suivants : « Boko Haram » qui revient avec
onze occurrences ; les mots de la même famille tels que « armée » avec huit occurrences,
« armes » et « arment » avec une occurrence chacun ; les syntagmes « au front », « aux
soldats » ; le verbe « menacer » apparaît huit fois et les propositions « tu ne nous peux pas »
reprise deux fois, « on va vous kill2 », « on va vous malaxer et vous décapiter », « on va vous
cribler de balles pour vous paralyser », « déposez vos armes », « on va vous toum-toum3 »,

2
Nous allons vous massacrer.
3
Nous allons vous écraser ; l’onomatopée toum-toum fait allusion au bruit du pilon dans le mortier.

6
« tu vas boum-boum4 », « Boko Haram risque de les bolè-bolè5 », « puissances qui vous
arment ».
Les différents composants de ce champ lexical permettent d’appréhender l’objet du message
de l’artiste. Toutefois, à l’intérieur de ce large éventail, l’énonciateur parvient à faire des
rapprochements, mais de fois des oppositions qui montrent ses prises de position, sa vision du
phénomène et son cri de guerre.

3.2. L’axiologie lexicale : la valeur des mots


À en croire Builles (1998 : 78), « l’axiologie est la discipline qui traite du monde tel que l’être
humain est habitué à le percevoir et à le découper à travers le filtre d’une langue particulière
et d’une culture. L’axiologie lexicale traite du sens des unités lexicales ». De ce fait,
l’axiologie lexicale correspond à une analyse en traits pertinents de sens – laudatif ou péjoratif
– des mots d’un lexique. Ainsi, le sens que donne One Love aux mots de son discours chanté
se situe en deux pôles, positif et négatif. La lecture du texte de sa chanson permet de
distinguer un vocabulaire à sens péjoratif pour parler de Boko Haram et un autre à sens
mélioratif pour présenter les soldats, le Président et le peuple camerounais.

3.2.1. La désignation de Boko Haram


Kleiber (2001 : 4) définit la dénomination comme est un acte référentiel alors que la
désignation procède d’une attitude appréciative. Les désignations, lieux d’émergence de
jugements de valeur, imposent des attributs aux êtres et font circuler des points de vue
subjectifs. Dans le cas d’espèce, pour désigner la secte islamiste dans sa chanson, le rappeur
utilise les termes et expressions dévalorisants tels que « voyous », « pas le bèbèbèp », « t’as
même pas de papiers », « choses », « Bande de 'mbout-man' », et « vos victimes sont
incomptables ».
Le terme « voyous » renvoie aux gamins des rues, délurés et mal élevés ou aux jeunes gens,
d’une classe sociale en général moyenne ou basse, de mœurs et de moralité condamnables. Ce
terme revient huit fois dans le texte en insistant chaque fois sur ce sens péjoratif qui colle à la
peau des membres de Boko Haram.
Le syntagme « pas le bèbèbèp », emprunté du camfranglais, veut dire « l’heure n’est pas à
l’amusement ». Pour dire en d’autres termes que si Boko Haram croit s’amuser en défiant
l’armée camerounaise, il est temps de se désillusionner. Cette expression est dégradante en ce
sens qu’elle fait des membres de Boko Haram des personnes inconscientes, irréfléchies, qui
ne savent pas exactement ce qu’elles font.
Traiter Boko Haram de sans-papiers dans la proposition « je suis sûr que t’as pas de papiers »
signifie que cette secte rassemble des personnes qui ne possèdent pas les documents d'identité
requis dans le pays où elles se trouvent (carte d'identité, carte de séjour, permis de travail…),
et sont, de ce fait, en situation irrégulière. Ce sont des personnes à renvoyer d’où elles sont
venues sous aucune autre forme de procès.
One Love désigne Boko Haram par une « bande de ‘mbout-man’ ». Selon l’équipe IFA
(1988 : 119), mbout, apocope de mboutoukou dérivé du pidgin-english, est un substantif qui
veut dire « ignorant ; naïf ; bête ». Ce mot, fréquent dans le langage des jeunes, fait écho à
l’expression pas le bèbèbèp souligné supra. Selon les termes de cet artiste, Boko Haram est

4
Tu vas bombarder.
5
Boko Haram risque de les anéantir.

7
une « bande » – mot tout aussi insultant que le premier – d’individus dont l’inconscience se
mesure aux actes odieux et lâches qu’ils font perpétrer.
À tout prendre, nous pouvons dire, après cette brève présentation du vocabulaire dépréciatif,
que l’énonciateur désavoue les crimes des membres de la secte islamique en insistant sur le
caractère inconscient – non pas pour déculpabiliser Boko Haram – mais pour marquer
l’inhumain et l’irrationnel qui dictent l’accomplissement de ses forfaits. C’est un groupe de
personnes dont les actes ne peuvent être justifiés que par un manque de conscience et de
lucidité notoire. Donc, Boko Haram est sans excuse ; il doit être combattu avec la dernière
énergie par la coalition chef de la République-soldats-populations camerounais.

3.2.2. La caractérisation de la République camerounaise : son Président, ses soldats et


ses populations
Par opposition aux mots et expressions négatifs qui décrivent le phénomène Boko Haram,
l’artiste use des termes à sens positif ou tout au moins neutre pour présenter le Cameroun.
Tout d’abord la devise « PAIX-TRAVAIL-PATRIE » : elle est mise en relief par l’emploi des
majuscules. L’artiste présente le Cameroun sous la bannière de sa devise. Ainsi, le premier
terme « PAIX » est la première marque distinctive du Camerounais. Elle est une valeur
absolue devant être recherchée et gardée jalousement par tous les Camerounais afin de
promouvoir une vie sociale harmonieuse et paisible. Le deuxième terme « TRAVAIL » est un
encouragement à l’action. Le travail est la seule chose qui peut permettre à l’être humain de
mieux vivre et de se développer. Voltaire (chapitre XXX) le rappelait fort opportunément au
travers du personnage de Candide que « le travail éloigne de nous trois grands maux, l'ennui,
le vice et le besoin ». C’est une action positive et louable que de travailler. Le troisième terme
quant à lui est « PATRIE ». Les Camerounais sont fiers d’appartenir à la même patrie, à la
même « famille », où ils se sentent à l’aise avec leur Président, leurs soldats et entre eux.
Le Cameroun a à sa tête un président élu : « Même si notre prési est roi, on a voté pour lui »,
lisons-nous dans la deuxième strophe de la première partie de cette chanson. Selon One Love,
c’est le peuple qui a donné à son président le droit de gouverner et de conduire sa destinée. Et
conformément à la Constitution (en son titre I, article 2, alinéa 1), « la souveraineté nationale
appartient au peuple camerounais qui l’exerce soit par l’intermédiaire du Président de la
République et des membres du Parlement, soit par voie de référendum. Aucune fraction du
peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». Quand bien même l’artiste
insinue que le président resterait au trône comme un « roi », il ne revient guère à des hors-la-
loi de Boko Haram de revendiquer quoi que ce soit. Si cela fait problème, ce dernier reste
camerouno-camerounais car, d’après lui et selon la sagesse populaire africaine, « le linge sale
se lave en famille ». Autrement dit, le peuple camerounais est souverain et peut donc démettre
son président de ses fonctions sans qu’il y ait une main étrangère derrière, s’il le voulait.
L’attribut « indomptables » qu’utilise l’artiste pour qualifier les soldats Camerounais est une
manière de dire que l’armée camerounaise ne peut se soumettre à aucune autorité en dehors de
celle de son chef, le Président de la République. Les miliciens de Boko Haram ont beau
perpétrer des crimes, les soldats veillent toujours à ce que l’intégrité du territoire national soit
conservée inviolable. Comme mentionné ci-dessus, ceux-ci sont fiers d’appartenir à leur pays,
ce d’autant plus qu’ils payeront de leur vie, si cela est nécessaire, afin de le sauvegarder. Cette
valeur de persévérance et de pugnacité qui caractérise l’armée camerounaise ne la fera pas
fléchir ou reculer devant les incursions de Boko Haram. Honneur et fidélité sont les maitre-
mots de cette armée.

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L’autre détail qui décrit l’atmosphère euphorique de la vie des Camerounais se trouve dans la
description suivante : « Chez nous, on joue au pari foot en buvant nos bières/
Tu crois que quoi? Qu'on n'est pas à l'aise?/ Quand on fait le call-box ou la moto c'est
balèze!/ ». One Love présente une tranche de vie des Camerounais animée par le jeu de
hasard, l’activité de call-box et de taxi moto. Ces différentes activités de débrouillardise
rendent la vie toute aise sinon supportable, car arrosée par la bière et les loisirs. Cette
description permet de comprendre que le Camerounais, parce qu’aimant le travail, se
préoccupe plus de ce qu’il peut faire en vue de gagner sa subsistance que de s’attarder sur ce
qu’une autre personne pourrait accomplir à sa place.
En filigrane, le discours épidictique que construit le jeune rappeur Camerounais part de la
considération positive de la devise à la description du quotidien de ses concitoyens. Les
valeurs contenues dans la devise sont traduites au quotidien par les Camerounais à travers leur
recherche permanente de la paix, leur patriotisme, leur action pour le développement, leur
maturité, … Il va sans dire que l’opposition entre ces deux réalités Boko Haram et le
Cameroun a pour objectif de souligner le contraste entre les idéaux et les politiques poursuivis
par chacune de ses entités, ceux de Boko Haram jugés illégitimes par rapport à ceux du peuple
camerounais légitimés par sa devise, sa constitution et sa philosophie de vie.

4. La composante rhétorique : des figures du discours aux stratégies de mobilisation


En rhétorique ancienne, la partie du discours qui s’intéresse aux figures est l’elocutio, fondée
sur le choix et la disposition des mots dans le discours. Boko Haram… contient des figures
dont l’analyse permet de saisir les fonctions dans le contexte du discours de guerre. Nous y
étudions trois figures principales sur lesquelles tient tout le discours de One Love : les
répétitions, la métonymie et le chiasme. Après avoir décrit le fonctionnement de chacune de
ces figures, nous soulignons son apport dans la construction du sens du discours délivré par
l’artiste-rappeur.

4.1. Les répétitions : l’interpellation incisive de groupe terroriste


À en croire Bacry (1992 : 164),

Une répétition est la reprise d’un même mot ou groupe de mots. Les répétitions portent
différents noms selon la place qu’occupe cette reprise dans le discours : répétition simple
(ou épanalepse) ; anaphore et épiphore (épistrophe) ; anadiplose et épanadiplose ; enfin
concaténation.

La répétition est au service de l’emphase, d’une forte expressivité. Dans le discours que
propose One Love, certains mots et expressions reviennent comme un leitmotiv tout au long
de sa chanson. Nous pouvons y identifier :
- des anaphores interpellatrices « Boko Haram » reprises onze fois dans la chanson
mettent l’accent sur le groupe incriminé. Boko Haram est interpellé chaque fois pour répondre
de ses agissements.
- des répétitions intensives et accusatrices dans « Tu t'adresses à qui ? » ; « Tu es même
quoi ? » ; « Tu sors même d'où ? ». Sans vouloir nous répéter, ces phrases interrogatives
insistent sur la mise en cause de Boko Haram. Phénomène obscur, personnage abscons,
origines imprécises, voilà toute la rhétorique de ce questionnement.
À travers la répétition de certains énoncés, l’artiste interpelle sans cesse le groupe terroriste et
l’accule avec une série de questions dont l’objectif principal est de lui rappeler son incapacité
à vaincre et à assujettir toute une nation.

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4.2. La métonymie : le rapprochement entre les alliés
La métonymie est une figure de sens qui substitue une lexie par une autre qui lui est rattachée
par un lien logique suffisamment net. Pour Cressot et James (1988 : 74), la métonymie est
« un changement sémantique par lequel un signifiant abandonne le signifié auquel il est
habituellement lié pour un autre, avec lequel il se trouve dans un rapport de contiguïté
spatiale, temporelle, ou logique, rapport arbitrairement privilégié ». D’après ces auteurs, la
métonymie transforme carrément le sens d’un mot en lui attribuant un nouveau qui ne lui
ressemble point. Le rapprochement du signifié métonymique avec le mot peut se situer au
niveau spatial, temporel, logique, etc. Dans ce cas, la métonymie établit un rapport de
contiguïté ou de voisinage.
La frappante métonymie qu’emploie One Love se trouve dans le premier vers du premier
couplet de la seconde partie de la chanson : « Allo! Allo! Yaoundé appelle Extrême-Nord ».
La métonymie sur laquelle est bâtie cet énoncé établit un rapport logique de contiguïté
spatiale. Autrement dit, l’artiste substitue les habitants par le nom de l’espace géographique
qu’ils occupent. Si « Yaoundé » sert de substitut au Président de la République du Cameroun,
« Extrême-Nord », pour sa part, désigne les populations de cette région qui vivent les attaques
de Boko Haram. Cette référenciation spatiale instaure une relation de rapprochement entre les
deux lieux, et par substitution entre la Présidence et les populations de l’Extrême-Nord. Ce
rapprochement marque l’attention que porte le Chef de l’Etat à la situation que vivent les
habitants de la région de l’Extrême-Nord. Cette lecture est d’autant plus plausible lorsque
nous considérons le sens du verbe « appelle » noyau de la phrase. Le discours qui s’en suit
développe si bien cette relation : le Président exhorte les soldats à plus d’ardeur au front ; il
appelle les citoyens Camerounais vivant dans cette région à être les premiers secours aux
soldats. Finalement, cette métonymie permet de souligner la symbiose qui existe entre le
Président de la République, les soldats et les populations de la région de l’Extrême-Nord.
Cette solidarité est également exprimée dans le chiasme « UN POUR TOUS! TOUS POUR
UN! ».

4.3. Le chiasme : l’hymne de ralliement


Par chiasme ou chiasma, on entend une inversion de l’ordre des parties symétriques de deux
phrases, formant antithèse ou constituant parallèle. C’est une figure de construction où les
éléments qui se font face établissent une vision synthétique, soulignent l’union des deux
réalités ou au contraire renforcent une opposition. Repérable au quatorzième et reprise au
seizième vers du premier couplet de la deuxième partie de la chanson, la construction
chiasmatique « UN POUR TOUS, TOUS POUR UN » est riche de signification. De manière
fonctionnelle, le chiasme est construit sur l’inversion des éléments du premier segment « un »
et « tous » suivi de leur déplacement inverse dans le second segment en « tous » et « un ».
S’observe d’abord l’opposition des deux éléments internes « un » et « tous » et inversement :
si le terme « un » traduit la solitude, la singularité, « tous » par contre rend compte de la
pluralité. Ensuite, cette opposition se neutralise dans le second segment de l’énoncé. La
symétrie de ce vers permet de comprendre littéralement qu’une personne peut se mettre à la
place de plusieurs et que plusieurs peuvent travailler pour une personne. Pour cet artiste, cet
énoncé en chiasme est une invite à la solidarité et à l’unité nationales à l’endroit des tous les
Camerounais. D'origine latine unus pro omnibus, omnes pro uno, devise de la Suisse,
l'expression a été popularisée par les Trois Mousquetaires, d'Alexandre Dumas. Cette figure
met en valeur la vertu de solidarité, pour renforcer les liens d'une équipe, qui ne fait ainsi
qu'un. Le message de One Love apparait donc clair : tous les Camerounais doivent être
solidaires de l’armée pour combattre un ennemi commun, Boko Haram.

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L’analyse des figures de style dans l’élaboration du discours de One Love permet de mettre en
valeur la détermination d’un Chef suprême des armées, d’une armée républicaine ou d’un
peuple à traquer un ennemi commun, le rapprochement entre le sommet et la base et le chant
de ralliement et de solidarité de toute une Nation dans la lutte contre Boko Haram.

En guise de conclusion
Il s’agissait de faire une lecture attentive de « Boko Haram ! Tu ne nous peux pas », chanson
de One Love le caïd, jeune rappeur Camerounais, dont l’objectif est de sensibiliser ses
concitoyens à rester solidaires derrière l’armée, engagée dans la lutte contre le groupe
terroriste Boko Haram. Le présent travail a permis de montrer, à partir d’une approche
stylistique d’analyse du discours, les forces en présence, leurs intentions, leurs paroles, leurs
attitudes sur ce champ de bataille. Propice à l’expression d’une contestation du désordre et de
la violence, la chanson-rap de One Love intègre, eu égard à l’analyse des déictiques, des mots
et expressions et des figures de style, toutes les qualités d’un hymne de guerre. En scandant
« Boko Haram ! Tu ne nous peux pas », One Love parvient à sublimer la personnalité et les
actions de la « Triple Entente » Chef de l’Etat, Armée républicaine et Populations
camerounaises tout en présentant sa culture de la bravoure et du savoir vivre et en les appelant
à l’union nationale à l’effet de mettre hors d’état de nuire le groupe terroriste, indésirable,
donc à traquer.

Bibliographie
Angenot, M. (2006), « Théorie du discours social », in COnTEXTES [en ligne], consulté le 6
juin 2012 sur http://contextes.revues.org.
Bacry, P. (2000). Les Figures de style, Paris : Belin. Coll. « sujet ».
Batchom, P.E. (2016), « La guerre civile "transfrontalière" : note introductive et provisoire sur
les fortunes contemporaines de la guerre civile », in Politique et Sociétés, vol. 35, n° 1,
p.103-123.
Berghezan G. (2016), « Boko Haram : évolution de 2012 à aujourd’hui » in Note d’analyse du
GRIP, 8 janvier 2016, Bruxelles, [en ligne], consulté le 29 janvier 2016 sur
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Builles, J-M. (1998). Manuel de linguistique descriptive ; le point de vue fonctionnaliste,
Paris : Nathan, coll. Fac Linguistique.
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Seuil.
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Dubois, J. (dir) (2007).Grand dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris :
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Kerbrat-Orecchioni, C. (2002). L’Enonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris,
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Kleiber, G. (1986).« Déictiques, embrayeurs, "token-reflexives" , symboles indexicaux, etc. :
comment les définir ? », L’information grammaticale 30, pp. 3-22.
Kleiber, G. (2001). « Remarques sur la dénomination », in Cahiers de praxématique [en
ligne], consulté le 25 novembre 2013 sur http://praxematique.revues.org/292.
Fromilhague C. & Sancier-Château A. (1996). Introduction à l’analyse stylistique, Paris :
Dunod. Nouvelle édition.

11
Maingueneau, D. (1990). Initiation aux méthodes d'analyse du discours : problèmes et
perspectives, rééd. Paris : Hachette.
Maingueneau, D. (2007). Analyser les textes de communication, Paris : Armand Colin.

Annexe : Paroles de "Boko Haram! Tu ne nous peux pas"

Ghettomania

[REFRAIN] :
Tu voulais voir, tu vas nièè
Tu voulais parler, tu vas speak
Tu voulais entendre, tu vas ya
Boko Haram! On va te montrer que tu ne nous peux pas
Tu voulais voir, tu vas nièè
Tu voulais parler, tu vas speak
Tu voulais entendre, tu vas ya
Boko Haram! on va te montrer que tu ne nous peux pas

Boko haram! (ram!) Tu t'adresses à qui? (qui?)


Tu oses même menacer le président de qui? (qui?)
Tu es même quoi? (quoi?) Tu sors même d'où? (d'où?)
Tu crois que notre armée a peur de tes voyous?
Boko Haram! (ram!) Tu t'adresses à qui? (qui?)
Tu oses même menacer le président de qui? (qui?)
Tu es même quoi?(quoi?) Tu sors même d'où? (d'où?)

Tu crois que notre armée a peur de tes voyous?


Pas le bèbèbèp On va te 'toum-toum
On va te tayam partout et tu vas 'boum-boum'
Tu connais même le pays où tu viens mettre tes pieds?
Quand je te vois, je suis sûr que t'as même pas de papiers
La devise de mon pays c'est PAIX-TRAVAIL-PATRIE
Même si notre prési est roi, on a voté pour lui (owé)
Le linge sale se lave en famille. Laissez-nous tranquille
Allez faire vos choses ailleurs, sinon on va vous kill
On va vous malaxer et vous décapiter
On va vous cribler de balles pour vous paralyser
Vous vous croyez où? Bande de 'mbout-man'
Toi leur leader là, ferme ta bouche man
Même là-bas au front, nous sommes indomptables
La preuve vos victimes sont incomptables
Rentrez chez vous et déposez vos armes
Je lève mon doigt d'honneur aux puissances qui vous arment

REFRAIN

Boko Haram ! Tu t'adresses à qui?


Tu oses même menacer le président de qui?
Tu es même quoi? (quoi?) Tu sors même d'où? (d'où?)
Tu crois que notre armée a peur de tes voyous? (èh?)

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Boko haram! (ram!) Tu t'adresses à qui? (qui?)
Tu oses même menacer le président de qui? (qui?)
Tu es même quoi? (quoi?) Tu sors même d'où? (d'où?)
Tu crois que notre armée a peur de quel voyou?

Allo! Allo! Yaoundé appelle Extrême-Nord


Dites aux soldats qui sont au front d'être forts
S'ils ont faim, donnez- leur du pain sardine
S'ils ont soif, donnez de l'eau ou top grenadine
Pas de bière, de vin rouge, ni de bilibili
Sinon Boko haram risque de les 'bolèbolè'
Dites à la population de rester calme
De la part de son Excellence et Madame
Le Cameroun c'est le Cameroun (Qui dit le contraire?)
Chez nous, on joue au pari foot en buvant nos bières
Tu crois que quoi? Qu'on n'est pas à l'aise?
Quand on fait le call-box ou la moto c'est balèze!
Pas de position, ni de prise de position
UN POUR TOUS! TOUS POUR UN! Voilà la solution
Pas de position ni de prise de position
UN POUR TOUS! TOUS POUR UN! Voilà la solution

Boko haram! Tu t'adresses à qui?


Tu oses même menacer le président de qui?
Tu es même quoi? Tu sors même d'où?
Tu crois que notre armée a peur de tes voyous? (you)
Boko Haram! (ram!) Tu t'adresses à qui? (qui?)
Tu oses même menacer le président de qui?
Tu es même quoi? (quoi?)
Tu sors même d'où? (d'où?)
Tu crois que notre armée a peur de tes voyous?
Boko haram! Tu t'addresses à qui?
Tu oses même ménacé le président de qui? (èh)
Tu es même quoi? (èh) Tu sors même d'où? (èh)
Tu crois que notre armée a peur de tes voyous? (laisse)
Boko haram! (ram) Tu t'adresses à qui? (qui)
Tu oses même menacer le président de qui? (qui)
Tu es même quoi? (quoi) Tu sors même d'où?
Tu crois que notre armée a peur de tes voyous?

Soutien à l'armée camerounaise. Gars battez-vous èh. De la part de One Love le caïd. Yes

Notice biographique
Hayatou Djouldé est Assistant au Département de Français de la Faculté des Arts, Lettres et
Sciences Humaines de l’Université de Ngaoundéré. Il finalise une thèse de Doctorat Ph.D en
Sciences du langage. Son thème porte sur « La communication en santé publique : analyse du
discours de presse sur le sida, une aperception à partir de "100% Jeune" de l’ACMS.
Approche argumentative, énonciative, pragmatique et rhétorique ».

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