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OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

LABORATOIRE DES ETUDES


ET RECHERCHES ECONOMIQUES ET SOCIALES

Cahiers de Jeunes Chercheurs


SERIE 2015

OUVERTURE COMMERCIALE ET
CROISSANCE ECONOMIQUE AU
MAROC :
QUELLES INTERACTIONS ?
Tiré du mémoire sous le thème :

« Ouverture et croissance économiques au Maroc :


Quelles interactions ?»

Pour l’obtention du MASTER :

ECONOMIE ET MANAGEMENT INTERNATIONAUX

Préparé par :

Mlle. OULIDI JAWHARI Zineb

Sous la direction de :
LABORATOIRE DES ETUDES
ET RECHERCHES
M. BOUAYAD ECONOMIQUES ET SOCIALES
Abdelghani

Mots clés :
Ouverture commerciale – Libre échange – Croissance économique – Modèle économique
marocain

1
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

PLAN

Résumé …………………………………………………………………………………….. 2

Introduction ……………………………………………………………………………… 3

1- Une brève revue de littérature .……………………………………… 4


2- La libéralisation progressive de l’économie marocaine …... 8
3- Ouverture et croissance de l’économie marocaine : un bilan
mitigé……………………………………………………………………………. 13
4- Vérifications empiriques ……………………………………………….. 16

Conclusion ................................................................................ 20

Bibliographie ............................................................................. 21

2
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

RESUME

Le modèle de développement adopté par le Maroc depuis les années 80, caractérisé
par l’ouverture et la conduite de réformes structurelles, à la faveur de la conclusion de
nombreux accords de libre-échange, a eu un impact important à la fois sur la profondeur
stratégique du pays et sur l’attitude économique qui prévalait jusqu’alors. Elle a amplement
participé à l’intégration du Maroc dans les échanges mondiaux ainsi que la modernisation de
son économie. Cependant, malgré les bonnes performances économiques réalisées, l’examen
de la dynamique poursuivie par le Maroc fait ressortir de manière claire des résultats très
contrastés en termes de croissance et d’équilibres macroéconomiques. En effet, le Maroc
continue de souffrir d’un déficit persistant de sa balance commerciale, dû notamment à de
faibles performances en matière d’exportations et des parts de marché mondial qui stagnent
depuis une bonne douzaine d'années. A cet égard, la principale question à laquelle nous allons
répondre en se basant sur des outils à la fois théoriques et économétriques est la suivante:
Dans quelle mesure, l’ouverture commerciale favorise-t-elle la croissance économique
marocaine?
ABSTRACT

The development model adopted by Morocco since the 80s is characterized by the
opening and conduct of structural reforms in favor of the conclusion of many free trade
agreements, has had a significant impact both on depth strategic country and the economic
attitude that prevailed until then. It fully participated in Morocco's integration in world trade
and the modernization of its economy. However, despite the good economic performances,
the dynamics of continued review by Morocco highlighted clearly very contrasting results in
terms of growth and macroeconomic balances. Indeed, Morocco continues to suffer from a
persistent deficit in its trade balance, due mainly to poor performance in exports and global
market shares have stagnated for a dozen years; this being, In this regard, the main question
to which we will respond based on tools both theoretical and econometric is: To what extent,
trade openness she promotes Moroccan economic growth?
‫ملخص‬

‫ وانتٍ تًُضث باالَفتاذ عهً انخاسج وإخشاء إصالحاث‬،‫اٌ ًَىرج انتًُُت انتٍ اعتًذها انًغشب يُز انثًاَُُاث‬
ٍ‫ كاٌ نها تأثُش كبُش عهً كم يٍ انعًك االستشاتُد‬،‫هُكهُت عٍ طشَك إبشاو انعذَذ يٍ اتفالُاث انتداسة انحشة‬
‫نهبالد و َىعُت انتعايالث االلتصادَت انتٍ سادث حتً رنك انحٍُ يًا ساهى بشكم فعال فٍ اَذياج انًغشب فٍ سىق‬
‫انتداسة انعانًُت وتحذَث التصادها‬.
‫ فاٌ تمُُى االستشاتُدُت انًتبعت يٍ لبم انًغشب‬،‫و عهً انشغى يٍ تحمُمه نًدًىعت يٍ االَداصاث االلتصادَت اندُذة‬
‫ اسفشث بىضىذ عٍ َتائح يتُالضت نهغاَت يٍ حُث انًُى وتىاصَاث انًاكشو التصادَت‬.
‫ وَشخع رنك أساسا إنً ضعف‬،ٌ‫ ال َضال انًغشب َعاٍَ يٍ عدض يستًش فٍ يُضاَه انتداس‬،‫ففٍ انىالع‬
‫انصادساث و سكىد حصص انسىق انعانًُت و رنك يُز أكثش يٍ عشش سُىاث‬
‫ انسؤال انشئُسٍ انزٌ سىف َحاول االخابت عهُه يعتًذٍَ فٍ رنك عهً األدواث بشمُها‬،‫وفٍ هزا انصذد‬
‫ إنً أٌ يذي َعضص االَفتاذ انتداسٌ انًُى االلتصادٌ انًغشبٍ؟‬:‫انُظشٌ و انمُاسٍ هى‬

3
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

INTRODUCTION

L e monde est aujourd’hui assimilé à un village planétaire, et ce n’est pas sans


conséquence aucune. Avec la libéralisation des échanges qu’il préconise, le
phénomène de mondialisation a réussi, depuis plusieurs siècles, à mettre en
concurrence les Etats ainsi que les entreprises du monde entier, qui doivent se battre
pour survivre dans ce contexte marqué par la déréglementation des marchés
financiers, l’élimination des barrières douanière (tarifaires et non tarifaires), et par
conséquent une concurrence rude, voire déloyale.
Ne faisant pas l’exception, le Maroc - après son indépendance – a vu dans
l’ouverture le seul moyen de booster sa performance économique, et d’atteindre le
développement rêvé. Ce choix, bien qu’indispensable, est unanimement considéré
comme une sorte de désinvolture. Pour cause, le pays n’a mené aucune étude sérieuse
pour mesurer l’impact de cette libéralisation sur son économie, et n’a pas instauré
suffisamment de mesures pour soutenir l’entreprise marocaine, notamment la PME
qui était mise à rude épreuve, étant mal armée pour affronter la concurrence
étrangère. Aujourd’hui, si on s’arrête pour faire le bilan de ces années d’ouverture et
des efforts fournis, on constate deux choses :
L'ouverture de l'économie marocaine a permis de réaliser des avancées
significatives en matière de renforcement des échanges, d'attraction des
investissements directs étrangers et de modernisation du tissu productif national ; le
pib du Maroc a connu une croissance remarquable depuis 2002, passant de 445
milliards de dirhams à plus de 888 milliards en 2014. Bien que ce chiffre soit important,
le bilan de cette ouverture laisse entrevoir un déficit structurel de ( 117 milliards de
dirhams) encouragé par un taux de couverture qui peine à dépasser le cap des 50%(
49,5% en 2014.
On est alors devant deux constats antagonistes et différents, c’est pourquoi on
est dans l’obligation de prendre du recul et de se poser la question «dans quelle
mesure, l’ouverture favorise-t-elle la croissance économique du royaume ? ».

4
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

1- UNE BREVE REVUE DE LITTERATURE

D
epuis plusieurs décennies et dans un contexte d’internationalisation
croissante des échanges de biens et services, les conséquences macro-
économiques de l'ouverture commerciale dans les pays en développement
ont fait l'objet d'un vaste débat. Celui-ci s'est jusqu’à présent principalement
concentré sur les effets de l'ouverture commerciale sur la croissance économique de
moyen et long terme, le message dominant soulignant les effets positifs de l’ouverture
commerciale bien que le débat ne soit pas clos.

Un pays a-t-il intérêt à participer à l'échange international ? Pour Ricardo la


réponse ne fait aucun doute : plus un pays est ouvert, plus cela lui permet de
réorienter ses ressources rares vers des secteurs plus efficients et d’améliorer son
bien. Avec une telle proposition Ricardo pose, au début du XIXe siècle, les fondements
de la doctrine libre-échangiste, doctrine qui s'inscrit dans la pensée libérale initiée par
A. Smith.
Les théories qui ont émergé par la suite sont venues confirmer ces gains, en
rajoutant ceux liés à la rémunération des facteurs de production (modèle Heckscher-
Ohlin-Samuelson ou HOS). Toutefois, le paradoxe de Leontief (1953) 1 a démontré la
limite de ce modèle et la nécessité de dépasser ses hypothèses restrictives2, puisqu’elles
font référence à des situations éloignées de la réalité actuelle. De même, ce modèle se
voit opposé à d’autres sources d’avantages comparatifs comme la demande et
l’innovation (Linder) ou la maturité des produits (Vernon).
La théorie est donc appelée à donner des réponses aux nouveaux indicateurs
de spécialisation qui révèlent le développement d’un échange intra-branche
(automobiles contre automobile) au lieu du commerce interbranche (automobiles
contre coton). Malgré la résistance du modèle néo-classique arguant, il faut attendre la
« nouvelle économie internationale »3 et les premiers articles de Krugman (1979,
1980) pour disposer d’un modèle théorique relativement simple et général qui

1
Dominique ROUX et Daniel SOULIE, Les prix Nobel de sciences économiques (1969-1990), Economica,
Paris, p. 52 et ss
2
L’homogénéité des fonctions de production, l’immobilité internationale des facteurs (capital et
travail), la concurrence pure et parfaite de tous les marchés et l’identité des goûts des consommateurs.
3
Rainelli .Michel (1997). « La nouvelle théorie du commerce international », Paris, La découverte.

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démontre la possibilité de commerce sans avantage comparatif et donc sans différence


de dotations relatives en facteurs de production.
Cependant, même dans les nouvelles théories du commerce international qui
prennent en compte les rendements d’échelle et la concurrence imparfaite, les gains
restent statiques. C’est dans la théorie de la croissance qu’on peut alors venir chercher
les gains dynamiques.
Or jusqu’à la fin des années 80, la théorie de la croissance ne pouvait répondre
à de telles questions puisque selon l’analyse traditionnelle issue du modèle de Solow
(1956), la croissance n’était expliquée que par des facteurs exogènes, ce qui ne laissait
pas de place à un raisonnement en termes de politiques d’ouverture.
A partir des années 90, il est devenu possible de faire une fusion entre la
théorie de la croissance endogène et la nouvelle théorie du commerce international
puisque toutes les deux se fondent sur les principes des rendements croissants et de la
concurrence imparfaite. En effet, les théories de croissance endogène offrent un cadre
propice à l’élaboration des modèles en économie ouverte, dans lesquels il est possible
de mettre en évidence l’existence d’effets de long terme via le progrès technique et le
transfert de technologie.
Dans cette vision, Grossman et Helpman (1991) démontrent que l’ouverture
permet d’augmenter les importations domestiques de biens et services qui incluent
des nouvelles technologies. Grâce à l’apprentissage par la pratique et le transfert de
technologies, le pays connaît un progrès technologique, sa production devient plus
efficiente et sa productivité augmente. On s’attend alors que les économies plus
ouvertes croissent à un rythme plus rapide que celles plus protectionnistes.
Cependant, les auteurs rajoutent que ces gains dépendent de plusieurs
facteurs, dont la situation initiale. Cette dernière détermine la nature de la
spécialisation du pays dans le long terme et donc son taux de croissance. L’ouverture
d’une petite économie peut la conduire à se spécialiser dans un secteur de faible
croissance, contribuant plutôt à laisser le pays dans le sous-développement. Dans ce
cas, le pays devrait adopter des politiques protectionnistes durant les premières
étapes de son développement, pour ensuite opter pour des politiques d’ouverture
appropriées.

6
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Selon l’étude de Levine et Renelt (1992), la relation de causalité entre


l’ouverture et la croissance se fait à travers l’investissement. Si l’ouverture au
commerce international permet l’accès à des biens d’investissement, cela mènera à
une croissance de long terme. Un pays libéralisant ses échanges s’attirera des flux
d’investissement étranger. Cependant, cela risque d’engendrer une baisse de
l’investissement domestique due à une plus forte concurrence internationale et l’effet
net reste alors ambigu.
D’autres travaux, comme ceux de Grossman et Helpman (1991), Romer (1990)
et Rivera-Batiz et Romer (1991), portent leur attention sur les implications à long
terme de l’intervention gouvernementale dans le commerce. Ils considèrent
l’innovation comme source de croissance et encouragent donc des politiques
d’ouverture. Dans leurs modèles, les gains du libre-échange proviennent
principalement des effets d’échelle véhiculés à travers la recherche et développement.
L’innovation générée contribue à augmenter le stock de connaissance et le transfert de
technologie. De plus, le commerce international permet d’éviter aux pays de la R&D
redondante qui pourrait détourner des ressources d’activités plus productives.
L’exemple le plus parlant dans ce contexte est le miracle asiatique, qui a poussé
les pays en voie de développement à opter pour l’ouverture et à emprunter un
chemin de convergence, contraste avec l'échec évident des politiques autarciques.
En effet, les multiples liens théoriques entre ouverture et croissance
commencent à être clairement identifiés : les échanges alimentent la croissance
intérieure, ouvrent des portes sur les marchés mondiaux et améliorent l’accès aux
biens et services. Ils favorisent également la spécialisation et la division des activités
économiques en fonctions distinctes. Ouvrir l’économie, c’est aussi avoir la possibilité
de changer de sentier de croissance au bénéfice de gains dynamiques. Pour autant, ces
gains ne sont pas systématiques et le sont d'autant moins que l'on prend en compte
l'existence d'externalités et de phénomènes cumulatifs de spécialisation.
Si ces gains (pertes) sont clairement identifiés sur le plan théorique, il est plus
difficile d'en apporter des preuves empiriques irréfutables. Celles-ci butent en effet sur
de multiples problèmes méthodologiques, dont la présence de non-linéarités et les
incertitudes en termes de causalité. Ces problèmes interdisent d’établir un lien simple,
direct et monotone entre ouverture et croissance.

7
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

Dans ce sillage, si on arrive effectivement à établir sans ambiguïté l’existence


d’un impact positif et significatif, cela encouragera les gouvernements de pays en voie
de développement désireux d’améliorer leur situation d’adopter des politiques de
libéralisation commerciale.
Qu’en est-il du cas marocain ? Nous allons examiner plus en détail la politique
d’ouverture du royaume pour avoir une meilleure appréciation des liens existants
entre l’ouverture commerciale et la croissance économique.

2- LA LIBERALISATION PROGRESSIVE DE L’ECONOMIE


MAROCAINE :

D
ès les premières années de l’indépendance, le Maroc s’est engagé dans des
programmes prometteurs de développement visant à renforcer le tissu
économique et à accompagner les différentes mutations sociales du pays4.
Le premier plan quinquennal de 1960-1964 projetait le développement de
l’agriculture et la mise en place d’une industrie de base grâce à l’intervention de l’Etat
en vue de consolider l’indépendance économique du pays et de valoriser ses
ressources nationales. Toutefois, cette politique n’a pu être concrétisée en totalité et
certains projets ont été annulés ou reportés en raison notamment des contraintes
financières. C’est pourquoi le plan triennal (1965 –1967) a par la suite mis l’accent
davantage sur le secteur privé pour développer les investissements et opté pour le
libéralisme économique. Ces plans n'ont pas permis de surmonter la persistance d'une
très faible croissance de la production globale, l'aggravation du chômage, un taux
d'épargne et d'investissement très insuffisant, et les difficultés que cause une balance
des paiements très vulnérable.
Les années 19705 se caractérisèrent par un fort interventionnisme de l’Etat
visant deux objectifs principaux: la mise en place d’une politique de substitution aux
importations et la promotion des exportations.

4
Abdelhak. Allalat « La planification du développement économique et social au Maroc », HCP. 2005,
Page 35
5
VERGNE Clémence, « le modèle de croissance marocain : opportunités et vulnérabilités », Agence
française de développement, revue macroéconomie et développement, N° 14 juin 2014, page 6

8
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- Le premier axe d’intervention fut marqué par des investissements publics


conséquents associés à un système de protection de l’industrie marocaine
naissante.
- Le second axe d’intervention visait à promouvoir les exportations (plan
quinquennal 1973-1977). Dans cette optique, l’Etat a tenté de mobiliser l’initiative
privée, à travers notamment la promulgation de la loi sur la marocanisation
(1973)6.
A cet effet, l’économie marocaine a connu une croissance remarquable avec le
concours des circonstances économiques internationales favorables à la croissance des
exportations des phosphates dont les prix ont fortement augmenté de 1973 à 1974 7.
Cette évolution propice a encouragé l’Etat à s’engager notamment dans la mise en
place d’une infrastructure économique et sociale plus adaptée, ce qui a entraîné un
gonflement des dépenses publiques.

Graphique 1: Taux de croissance du PIB (en %)

Source: Elaboré à partir des données de WDI (2004)

Toutefois, cette hausse du prix des phosphates n’était pas durable. A partir de
1975, on a assisté à l’effondrement des ressources financières du Maroc Suite à de
nombreux chocs extérieurs (choc pétrolier, baisse des prix du phosphate,
augmentation des taux d’intérêt, sécheresse) et au déclenchement de la crise de la

6
Dans le but de promouvoir les investissements, cette loi limitait à 50 % la participation des étrangers
au capital des sociétés marocaines. Elle visait ainsi à corriger la répartition des revenus largement
défavorable aux nationaux, et à réduire le pouvoir des entreprises étrangères sur l’économie marocaine
7
A.BOUAYAD, « Ouverture, échange extérieur et croissance : le cas du Maroc », Thèse du doctorat
d’Etat en sciences économiques. Rabat Souissi juin 2001. Page 89

9
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dette8 extérieure qui a entraîné le pays dans un cercle vicieux : (Endettement,


remboursement du service de la dette, baisse de la croissance, déficits budgétaires).

 L’Adoption du Programme d’Ajustement Structurel (PAS)

Le Maroc a dû faire appel en septembre 1983 au Fonds Monétaire International


(FMI) qui a ordonné un plan d’ajustement structurel (PAS) afin de redresser les
déséquilibres macroéconomiques tout en visant à terme une croissance économique
forte et soutenue. Cette politique s’est traduite par un certain nombre de mesures
importantes telles : la maîtrise de la demande interne, la mobilisation de l’épargne
locale, l’optimisation des allocations des ressources, et enfin un réaménagement du
taux de change du dirham par rapport aux devises.

A cet égard, la réalisation de ce programme a été accompagnée par la mise en


œuvre d’une série de réformes économiques et institutionnelles dont particulièrement
celles relatives au désengagement graduel de l'Etat et au renforcement du rôle du
secteur privé. D’autres réformes fiscales (TVA en 1986, IS en 1988, IGR en 1990) ont
été réalisées, ainsi que la déréglementation bancaire en 1991, couronnée par une
nouvelle loi bancaire en 1993. La Bourse des valeurs fut également réformée, et des
mesures de libéralisation importantes du commerce extérieur furent prises, telles que
la réduction des restrictions quantitatives, et l’allégement de la protection tarifaire. La
politique des changes fut également modifiée, avec la libéralisation des opérations
courantes en 1988, et le libre accès des entreprises marocaines au marché
international en 1993.

Toutefois, dans sa première phase (1982-1987)9, la mise en œuvre du PAS a


engendré une contraction de la demande intérieure, un ralentissement de l’activité
économique et une aggravation du chômage. A cela s’ajoute, l’effondrement des taux
de croissance, aggravant ainsi les inégalités régionales et sociales. Au cours de la
seconde phase du PAS (1988-1995), la situation des finances publiques et des comptes
externes s’est améliorée. Cette période a néanmoins été marquée par une forte

8
Elle s’est massivement augmentée au début des années quatre-vingts, s’élèvent à 136,6 % du PIB en
1985.
9
Bouhaja Hicham, « l’accord de libre-échange Maroc-UE : Quels enjeux pour l’économie marocaine ? »,
publication de AUL American University, 2013, page 15.

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volatilité de la croissance économique comparativement à la période antérieure, en


raison des fréquentes sécheresses.
A la fin des années 90, l’objectif de la stabilité macroéconomique a été atteint.
Le déficit budgétaire a été ramené de 10,1 % du PIB en 1980 à 3,5 % en 1990. En 1999,
les finances publiques ont enregistré un excédent équivalent à 0,9 % du PIB. L’inflation
a été réduite de 3,9 % en 1989 à 0,7 % en 1999. La dette globale a diminué, passant de
104,7 % du PIB en 1990 à 91 % en 1999 et l’encours de la dette extérieure est passé de
77,9 % du PIB en 1990 à 51,4 % en 199910.

 Du GATT à l’OMC :

Le PAS a facilité l’accès du Maroc au GATT en mai 1987, puis son adhésion à
l’Organisation Mondiale de Commerce à la faveur de la signature des Accords de l’Uruguay
Round à Marrakech en 1994 sous l’impulsion du FMI et de la Banque Mondiale. Cette
situation témoigne clairement de la volonté du Maroc de s’intégrer dans le système du
commerce multilatéral.
Ainsi, cette ouverture s’est trouvée davantage renforcée par la conclusion des
accords du GATT-OMC à travers notamment l’adoption des réformes en matière de
libéralisation du commerce extérieur dont les grands axes ont été les suivants:
La suppression des mesures non tarifaires (protection contingentaire) au profit
d’une protection basée sur les droits de douane « protection tarifaire ».
La réduction progressive des droits de douane11.
L’assouplissement des procédures en matière d’importation, d’exportation et de
change.
Par ailleurs, le Maroc a rempli l’essentiel de ses engagements prévus dans les
différents accords régissant le commerce multilatéral de biens et services. Il a ainsi
introduit de nouvelles mesures visant l'adaptation de la législation nationale aux
principes et règles de l'OMC. En particulier, il a modifié sa législation en 1997 pour
protéger l’agriculture avec des équivalents tarifaires et des mesures de sauvegarde.
Dans le même cadre, le Maroc a procédé à l'incorporation du prélèvement
fiscal à l'importation dans le droit d'importation, la consolidation (binding) des lignes

10
« Diagnostic de Croissance du Maroc : Analyse des contraintes à une croissance large et inclusive »,
BAD Gouvernement du Maroc _ MCC ,2014, Page 42.
11
Les droits de douane ont connu une baisse remarquable, le tarif maximum ayant été ramené de 400%
en 1982 à 45% en 1986

11
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

tarifaires, la réduction des tarifs consolidés et la tarification des restrictions


quantitatives relatives aux produits agricoles.
Son adhésion lui confère, en contre partie, des avantages théoriques comme le
droit d’invoquer-consenti, la possibilité de recourir aux mécanismes de règlement des
différends de l’OMC ayant été consenti aux pays en voie de développement.
... Puis Les Accords de Libre-Echange :
Face aux mutations de l’environnement international marquées par la
formation de groupements et ensembles économiques régionaux, et avec l’entrée en
vigueur de nouvelles règles visant la libéralisation de plus en plus poussée du
commerce international et l’intensification de la compétition, la création d’une zone
de libre-échange apparaît comme alternative viable, le libre-échange ne se présente
pas comme une option, mais davantage comme une exigence.
Dans ce sillage, afin de créer un environnement propice au développement de
ses échanges commerciaux avec les pays tiers, le Maroc a scellé sa politique
d'ouverture commerciale en négociant une série d'Accords de libre-échange (ALE) non
seulement avec ses principaux partenaires commerciaux tels que : l’Union
Européenne, les pays arabes, les Etats-Unis d’Amérique et la Turquie, mais aussi avec
des regroupements régionaux en Afrique tels que l’Union Economique et Monétaire
Ouest-Africaine (UEMOA) et la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique
Centrale(CEMAC). Ceci afin de lui donner accès à un bloc de plus d’un milliard de
consommateurs qui représentent près de la moitié de la richesse mondiale et un tiers
du commerce mondial.
 Le tout soutenu par des réformes:

Tout au long de cette dernière décennie, l’environnement économique,


juridique et fiscal du Royaume a été marqué par des mutations profondes et rapides
qui ont affecté les échanges commerciaux et l’organisation de toutes les industries. La
finalité e ces réformes est d’asseoir les fondements d’une économie ouverte sur son
environnement et disposant d’atouts suffisants pour affronter la concurrence, tant sur
le marché local que sur les marchés extérieurs.
Le Maroc a misé aussi sur des stratégies sectorielles cohérentes pour accompagner
les réformes engagées depuis le début des années 2000 : (institutionnelles,

12
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réglementaires, fiscales et financières…). Leurs objectifs consistent en fait à accélérer la


transformation structurelle de l’économie, à adapter l’appareil productif aux nouvelles
exigences des marchés extérieurs et garantir les conditions d’un investissement rentable
surtout au niveau des secteurs d’exportations pour les multinationales et le grand capital
local en termes d’infrastructure, d’immobilier, d’allégement des impôts, cession des
services publics et des entreprises publiques, zones franches, et main d’œuvre moins
coûteuse.
Toutefois, ces stratégies n’ont pas pu alléger les déficits structurels. Elles n’ont fait
qu’alourdir davantage les importations par une croissance de la demande des produits
d’équipement adressée à l’étranger.

3- OUVERTURE ET CROISSANCE DE L’ECONOMIE


MAROCAINE : UN BILAN MITIGE :
Après son indépendance, le Maroc a vu dans l’ouverture le seul moyen de
booster sa performance économique, et d’atteindre le développement rêvé. Ce choix,
bien qu’indispensable, est unanimement considéré comme une sorte de désinvolture.
Pour cause, le pays n’a mené aucune étude sérieuse pour mesurer l’impact de cette
libéralisation sur son économie, et n’a pas instauré suffisamment de mesures pour
soutenir l’entreprise marocaine, notamment la PME qui était mise à rude épreuve étant
mal armée pour affronter la concurrence étrangère. Aujourd’hui si on s’arrête pour faire
le bilan de ces années d’ouverture et des efforts fournis, on constate deux choses :
L’ouverture, qui représente sans conteste une voie pertinente pour le
développement durable de l’économie marocaine, a eu un impact important à la fois
sur la profondeur stratégique du Maroc et sur l’attitude économique qui prévalait
jusqu’alors. En effet, elle a contribué au renforcement de l’offre productive, à
l’amélioration du bien-être social et de la qualité de vie des citoyens, ainsi qu’au
rayonnement politique et culturel. En outre, elle a amplement participé à la
modernisation de l’économie nationale grâce à l’apparition de nouveaux métiers à
haute valeur technologique (aéronautique, automobile, etc.) ayant pour principal
dessein de mieux positionner le pays dans la cartographie du commerce mondial.
En conséquence, le PIB du Maroc a connu une croissance remarquable depuis
2002, passant de 445 milliards de dirhams à plus de 888 milliards en 2014. Il a donc

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OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

enregistré un rythme de croissance parmi les plus élevés de la zone MENA, région
ayant relativement bien surmonté la crise mondiale en réalisant une croissance
moyenne passant de 3.1% entre 1980 et 1999 à 4.7% entre 2000 et 2014 12, tout en
réduisant sa volatilité comme dans la plupart des pays comparateurs13.

Graphique 21
Benchmark de l’évolution du taux de croissance moyen (%)

Ainsi donc, le Maroc est classé 44ème sur 138 économies dans l’indice de
facilitation des échanges commerciaux14en 2014 (contre 75ème en 2010) devant la
Turquie (56ème) ou encore l’Afrique du Sud (59ème). Son économie quant -à- elle se
positionne, de plus en plus, comme plateforme de production et d’exportation,
notamment vers les pays avec lesquels le Maroc a conclu des accords de libre-échange
et d’investissement.
Chiffres à l’appui, en 2014, le Maroc a dépassé et pour la première fois de son
histoire la barre des 4,6 milliards de dollars de flux d’IDE entrants, enregistrant en
outre une progression solide de 24% par rapport à 2013 du fait d’une amélioration du
climat des affaires « réformes, incitations…». Toutefois, le montant reste relativement

12
FMI, calculs faits par nos soins
13
Banque Africaine de Développement, Gouvernement du Maroc et Millenium Challenge Corporation,
« Diagnostic de croissance du Maroc : Analyse des contraintes à une croissance large et inclusive », 2015,
p.39.
14
Global Enabling Trade Report 2014», World Economic Forum, Avril 2014. Le classement évalue quatre
domaines : l’accès aux marchés, l’administration aux frontières, les infrastructures et l’environnement
opérationnel.

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faible par rapport à certains pays concurrents. De même, l’année 201415 a été marquée
par l’amélioration des revenus du tourisme (+2 %), des transferts des marocains
résidents à l’étranger.
Cependant, malgré les bonnes performances économiques réalisées, le bilan de
cette ouverture laisse entrevoir un déficit structurel de (145,8 milliards de dirhams)16,
encouragé par un taux de couverture qui peine à dépasser le cap des 50% (49,5% en
2014)17. La part de marché du Maroc dans le commerce mondial, qui constitue un
indicateur de compétitivité significatif, reste faible avec une moyenne de 0,11% sur
une période allant de 2000 à 2014. Ceci étant, la problématique du déficit chronique de la
balance commerciale est liée à plusieurs facteurs :
-D’une part, l’analyse du commerce extérieur met en évidence un certain nombre de
faiblesses et d’handicaps des exportations, tant sur le plan structurel, sectoriel que
géographique et ce malgré la performance de certains secteurs comme l’automobile,
l’aéronautique ou encore l’électronique. Un déséquilibre structurel résultant de
l’inertie de l’offre exportatrice nationale, sa concentration sur quelques produits et sur
quelques marchés, la prédominance des produits à baisse technologie et à forte
intensité de ressources naturelles et de main-d’œuvre, la faible qualification des
employés ainsi qu’une faible productivité comparativement à des pays concurrents
particulièrement asiatiques.
-Les importations quant à elles poursuivent un trend haussier soutenu par la dépendance
du royaume vis-à-vis des ses principaux partenaires, notamment l’Union Européenne,
l’Asie et les Etats-Unis, principalement pour les produits à forte valeur ajoutée (produits
bruts, énergie et céréales).
-Par ailleurs, l’absence d’une réelle préparation des accords de libre-échange et
l’inexistence de politiques d’accompagnement pour en tirer profit. Certes, ces accords
offrent des avantages tarifaires majeurs, mais aussi des menaces de concurrents
étrangers souvent mieux préparés et plus agressifs, très biens soutenus par leurs pays

15
Mansour Samia, «Perspectives économiques en Afrique: Maroc 2014 », BAD, OCDE, PNUD 2014, page
2.
16
« Maroc : Les échanges extérieurs toujours au vert » Publié le 19.10.2015 à 13h39 Par la
rédaction
17
Office des changes, “ indicateurs des échanges extérieurs”, Juillet-Août 2014

15
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

d’origine. D’ailleurs le déficit dans le cadre de ces accords représente en moyenne


35%18du déficit commercial global entre 2008 et 2014.
-Dans sa globalité, le tissu productif national reste encore fragile : le marché marocain
est peu protégé, notamment par des normes et des réglementations sanitaires,
environnementales et de sécurité formellement définies. Cela met les producteurs
locaux face à une concurrence rude avec le secteur importateur, dont les fournisseurs
bénéficient souvent de mesures d’aides à l’export, formelles ou non, de la part de leurs
pays respectifs, sans compter les barrières non tarifaires protégeant leurs marchés
intérieurs. C’est pourquoi nous remarquons une réticence de ces entreprises à
l’exportation « 5000 entreprises exportatrices dont 467 seulement ont des activités
exportatrices régulières et dans 91% des cas, leur chiffre d’affaires n’atteint pas
50MDH contre 27000 importateurs »19. De même, les 2/3 des produits exportés, sont
en fait des importations temporaires. En d’autre terme, seul un tiers des exportations
correspond vraiment à une création de valeur marocaine vendue à l’étranger .

4- VERIFICATIONS EMPIRIQUES :

P
our confirmer ou infirmer les conclusions tirées de notre revue du cas marocain,
une étude économétrique nous semble nécessaire du fait qu’elle complétera les
recherches expliquant la relation ouverture- croissance au Maroc dans un cadre
bien défini. Mais avant de présenter notre modèle et les résultats qu’il nous a permis
de conclure, il est essentiel de présenter les hypothèses sur lesquelles s’est basé notre
travail.

 Hypothèses de travail :

- Hypothèse (1):

18
Rapport du Ministère délégué auprès du Ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et
de l'Economie Numérique, Chargé du Commerce Extérieur, « Plan National de Développement des
Echanges Commerciaux 2014-2016 », Septembre 2014, Page 23
19
Rapport du Ministère délégué auprès du Ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et
de l'Economie Numérique, Chargé du Commerce Extérieur, « Plan National de Développement des
Echanges Commerciaux 2014-2016 », Septembre 2014, Page 23

16
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

La politique d’ouverture n’engendre pas systématiquement la croissance économique.


Elle est en fait un catalyseur de croissance et devrait ainsi être complétée par un
arsenal de réformes.

- Hypothèse (2):
Il n’existe pas de relation linéaire entre l’ouverture et la croissance économique. Mais
elle se fait plutôt à travers plusieurs canaux à savoir : Le capital humain, le transfert
technologique et le canal d’investissement.
- Hypothèse (3):
La transition de l’économie marocaine vers l’économie de marché a été marquée par
une ouverture commerciale de plus en plus élevée. Cette dernière ne semble pas
suffisante pour une croissance soutenue et durable. Certes, le taux d’ouverture est
élevé mais le taux de croissance reste très limité.

Spécification du modèle :

L'apparition de la nouvelle théorie du commerce international et la théorie de


la croissance endogène a conduit à concentrer les recherches empiriques sur les
canaux par lesquelles l'ouverture peut influencer le taux de croissance.

En générale, cet effet passe par trois voies : la formation du capital physique
(croissance tirée par l'investissement et induite par l'ouverture), du capital humain
(croissance tirée par les compétences et induite par l'ouverture) et du savoir
(croissance tirée par la technologie et induite par l'ouverture).

Notre modèle se base sur la fonction de production générale où l’hypothèse


des rendements constants à l’échelle est introduite. Le PIB (Y) est représenté comme
une fonction du capital (K), de la main-d’œuvre (L) et du changement technologique
(T).
(T) Y = f (K, L, T). (1)
Les variables susmentionnées qui nous ont servi dans notre modélisation
restent insuffisantes pour effectuer un modèle fiable et significatif (R=55%). C’est dans

17
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

cette perspective que nous renvoyons dans ce qui suit à d’autres variables en
l’occurrence : La consommation Finale et les services de la dette extérieure qui nous
permettront d’améliorer le modèle relatif à la relation ouverture-croissance.
La consommation finale est intégrée puisque nous constatons qu’il y a une
forte corrélation positive entre la croissance du PIB et celle des importations. A chaque
fois que le Maroc gagne un point de croissance, les importations augmentent d’un
point et demi20. Chose qui va affecter négativement le solde commercial et par
conséquent la croissance.
De même, le choix du service de la dette extérieure repose sur le fait qu’il
représente une fuite de devises du circuit économique national. Autrement dit, il
constitue une charge de plus pour le pays. Ceci étant, il affecte le solde commercial et
par conséquent la croissance économique.
Donc notre équation à estimer devient :

LYt = α + β1 Kt + β2 PAt + β3OUVt + β4CF+ β5SDE+εt

Modélisation et interprétation des résultats :

Nous avons établi une base de données annuelle couvrant une période de 32
ans s’étalant de 1983 à 2014. Nous avons opté pour un modèle autorégressif vectoriel
(VAR) puisqu’il s’agit d’une série chronologique. Le résultat obtenu après avoir vérifié la
stationnarité des séries et déterminé l’ordre d’intégration de chacune, est le suivant :
DPIB = - 0.81* D2CF(-1) + 0.02* D2CF(-2) - 1.06* D2FBCF(-1) + 0.72* D2FBCF(-2) +
0.13* D2PA(-1) + 0.40* D2PA(-2) + 0.20* D2TOUV(-1) - 0.04*D2TOUV(-2) + 0.17* D3SDE(-
1) + 0.11* D3SDE(-2) - 0.80* DPIB(-1) - 0.24* DPIB(-2) + 33.44.
Les différents tests économétriques que nous avons effectués ont montré que
notre modèle est globalement significatif, qu’il y a absence d’autocorrélation,
homoscédasticité des erreurs, que la distribution est normale et par conséquent le
modèle est structurellement et conjoncturellement stable. Ainsi, la lecture des
résultats de notre modèle révèle les conclusions suivantes :

20
Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie Numérique, Chargé du
Commerce Extérieur, « Analyse chiffrée du Commerce extérieur marocain (2000-2013), Avril 2014, page
9

18
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

1-L’ouverture a globalement influencé positivement la croissance économique


du royaume, notamment via le canal du transfert technologique. Par ailleurs, l’effet
inverse et moins significatif peut être constaté à long terme. Ceci est expliqué par la
forte dépendance du Maroc vis-à-vis des aléas conjoncturels de ses partenaires
étrangers notamment l’union européenne, mais aussi par les effets retardés des crises
économiques et financières surtout celle de 2008.
2-Pour ce qui est du canal des investissements, l’ouverture a certes permis
l’amélioration du climat des affaires et la mise à niveau du tissu productif national afin
d’affronter la concurrence étrangère et attirer les IDE. Mais au-delà de cet effet
qualitatif, les investissements qui ont résulté de l’ouverture sont pour la majorité des
investissements dont les revenus sont rapatriés à leur pays d’origine. Chose qui
explique pourquoi ils ne sont pas comptabilisés dans le capital fixe du Maroc. A cela
s’ajoute la menace qu’exercent ces investissements sur le tissu productif national
composé de 98% de TPME. Puisque beaucoup d’entre elles peinent à s’imposer dans
un tel environnement concurrentiel, sans oublier celles qui ont du fermer leur portes
comme nous le témoigne l’exemple du textile.
3-Par ailleurs, le service de la dette extérieure qui s’est accru avec le processus
d’ouverture d’avant le PAS, constitue une fuite de devises du circuit économique
national. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils exercent un effet néfaste, puisqu’ils ont
poursuivi une tendance à la baisse depuis la fin des années 90 suite au recours à la
dette intérieure par l’Etat marocain, et sont largement compensés par d’autres
recettes en devises, à savoir les recettes de MRE.
4-En ce qui concerne la consommation finale dans un contexte d’ouverture, elle
exerce un effet négatif puisqu’elle favorise les importations au détriment des produits
nationaux, ce qui accentue le solde courant négatif de la balance commerciale.
5- Finalement, l’ouverture a favorisé la création d’emploi via l’implantation des
FMN, et a imposé une transformation du marché de travail marocain qui favorise
désormais la qualification de sa main d’œuvre.
En guise de conclusion, nous pouvons affirmer que l’ouverture influence
positivement la croissance économique du Maroc sur le court terme tandis que cet
effet devient négatif sur le long terme. La première explication tient du fait que
l’ouverture a contribué à des entrées de capitaux étrangers, mais étant donné le

19
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

manque de compétitivité de l’économie nationale, le pays a subit une chute prononcée


de ses investissements domestiques, et cela a eu pour effet de miner sa croissance. On
peut rajouter comme argument la forte dépendance du Maroc vis-à-vis des aléas
conjoncturels de ses partenaires étrangers notamment l’union européenne, mais aussi
par les effets retardés des crises économiques et financières surtout celle de 2008.

CONCLUSION

L
e Maroc a entamé une politique de libéralisation économique depuis mi-1980,
consacrant l’insertion du Maroc dans les courants d’échanges et
d’investissements internationaux comme choix stratégique déterminant.
Le potentiel de l'économie marocaine est très élevé ; toutefois, il est clair que
depuis l’entrée en vigueur des accords commerciaux, nous assistons à un déficit
commercial chronique et quasi général avec comme corollaire une diminution de la
croissance économique et une aggravation du chômage des jeunes. Il en ressort que le
Maroc est encore fragile pour affronter l’agressivité de la compétitivité internationale
puisqu’il n’a pas pu profiter pleinement de l'ouverture de ces marchés.
Dans ce sillage, l’amélioration des performances des exportations et la
consolidation de l’attractivité du Royaume, en vue d’assurer la stabilité du cadre
macro-économique devient un impératif pour relever le défi de la croissance et du
bien-être. Chose qui nécessite l’association des efforts de tous les acteurs socio-
économiques, ainsi que la mise en place d’un arsenal de réformes : la politique de
change, l'approfondissement des réformes structurelles et institutionnelles, le
développement du capital humain et de la formation, la modernisation de
l'administration avec un interlocuteur souple, efficace et performant, l'amélioration de
l’environnement de l’entreprise (facilité à faire des affaires...) et la promotion de la
recherche scientifique, etc. Mais en absence d’une véritable volonté réelle
d’adaptation et de mise à niveau, les effets escomptés risquent d’être négatifs.
De même, il faut porter tous les efforts sur l’amélioration de la compétitivité
de l’économie marocaine, sur l’augmentation de l’offre exportable, notamment par
des biens et services à forte valeur ajoutée qui nécessite une réforme profonde de
l’éducation et la formation. Sans oublier la diversification des débouchés des

20
OUVERTURE COMMERCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU MAROC : QUELLES INTERACTIONS ?

exportations, notamment vers l’Afrique, l’Amérique et l’Asie. Cette nouvelle politique


économique est à mettre en œuvre de toute urgence si le pays veut éviter des
lendemains qui déchantent.

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