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COURS
HISTOIRE DIPLOMATIQUEUNIVERSITE DE
MBUJIMAYI
1
INTRODUCTION AUX RELATIONS
INTERNATIONALES
INTRODUCTION
PREMIER CHAPITRE
LA PREMIERE GUERRE MONDIALE ET LA RECONFIGURATION DU MONDE
2
II.- La Société des Nations (SDN)
1.- La création de la Société des Nations et la structure de l’organisation
2.- Les membres de la Société des Nations
3.- L’affaiblissement et la faillite de la Société des Nations
DEUXIEME CHAPITRE
DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET L’EMERGENCE D’UN NOUVEL ORDRE
INTERNATIONAL
TROISIEME CHAPITRE
LA GUERRE FROIDE ET L’EMERGENCE DU SYSTEME BIPOLAIRE
3
III.- Le débat sur la réforme de l’ONU
CONCLUSIONS
INTRODUCTION
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s’entendent mieux que par le puisement dans l’histoire immédiate post-guerre des
éléments ayant dicté cette architecture et sa dynamique.
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Ce cours se structure autour de quatre chapitres : le premier chapitre analyse les
causes de la première guerre mondiale, les alliances qui ont conduit à ce conflit et les
accords de paix qui s’ensuivirent à la quête d’un nouvel environnement qui se prétendait
libre des menaces et des violences armées. Le deuxième chapitre est une étude des
causes qui ont conduit à la deuxième guerre mondiale, les blocs qui ont été formés avant
l’éclatement de cette guerre et les engagements pris par les Etats pour éliminier
définitivement ce désastre. Le troisième chapitre analyse les péripéties qui ont entouré
la période de la guerre froide alors que le quatrième et dernier chapitre parle de la fin de
cette guerre froide.
PREMIER CHAPITRE
6
Appelée aussi la Grande Guerre, la Première Guerre Mondiale est allée de 1914
à 1918 affectant l’Europe, le Moyen-Orient, l’Extrême-Orient et quelques colonies
africaines. Cette guerre fit à peu près 10 millions de victimes et fut plus dévastatrice
pour l’Europe. Ses conséquences directes furent la configuration d’une nouvelle carte de
l’Europe avec la disparition des empires russe, ottoman, allemand et austro-hongrois,
l’émergence d’un nouvel ordre international, la prolifération des démocraties libérales et
la naissance de la Société des Nations.
La guerre fut la conséquence des tensions qui émergèrent entre les grands blocs
constitués en Europe à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Il s’agissait
notamment de la Triple Alliance établie entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et
l’Italie constituant un bloc de pays dénommé « Puissances centrales » et la Triple
Entente formalisée par la Grande-Bretagne, la France et la Russie en 1907, bloc des
« Puissances de l’Entente ». La méfiance entre les deux blocs devenait de plus en plus
grandissante à cause d’un cumul des faits qui n’étaient plus de nature à garantir la paix.
. RENOUVIN, P., La première guerre mondiale, Paris, PUF, Col. « Que sais-Je ? », 1987, p. 6.
1
7
Le Traité de Paix entre l’Allemagne et les puissances alliées fut signé à
Versailles le 28 juin 1919. La principale des Puissances centrales ayant été l’Allemagne,
le Traité s’était occupé de ce pays avec beaucoup plus d’attention. Non seulement il
imposa à l’Allemagne l’obligation de payer toutes les réparations de guerre, mais aussi
il se concentra sur le tracé de nouvelles frontières et sur le problème des garanties contre
ce pays.
Les garanties furent militaires et politiques. Les garanties militaires portaient sur
la limitation des armements allemands, la démilitarisation de la Rhénanie et
l’occupation de la rive gauche du Rhin.
Pour ce qui est de l’occupation, elle devait être temporaire étalée sur une durée
de quinze ans et concernait les territoires de la rive gauche du Rhin. A l’arrivée en 1921
du républicain Warren G. Harding au pouvoir aux Etats-Unis, la politique extérieure
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1985, p. 15
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américaine semblait pencher vers l’isolement traditionnel. Par conséquent, le 24 août
1921, les Etats-Unis signaient un traité de paix séparée avec l’Allemagne et entamèrent
l’évacuation de leurs troupes d’occupation, laquelle prit fin au début de 1923.
La question des réparations était étroitement liée à celle des garanties contre
l’Allemagne. L’article 231 du traité de Versailles stipulait que « L’Allemagne reconnaît
qu’elle est responsable, pour les avoir causés, de tous les dommages subis par les
gouvernements alliés et associés par leurs nationaux, par suite de la guerre, qui leur a
été imposée par son agression ». L’Allemagne paierait d’abord 20 milliards de marks-or
avant le 1er mai 1921 dont 2/5 en priorité pour la Belgique. La Commission des
réparations estima finalement le montant réel des dommages de guerre à 132 milliards
de marks-or.
La Société des Nations reposait sur une structure dont les trois principaux
organes étaient le Conseil, l’Assemblée, et le Secrétariat. De nature politique, les deux
premiers organes s’occupaient de toutes les questions qui affectaient la paix dans le
monde. Les fonctions du Conseil recoupaient souvent celles de l’Assemblée dont il était
dans une certaine mesure le pouvoir exécutif.
3
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1985, pp. 57-
58
9
La première réunion du Conseil de la SDN eut lieu à Paris le 16 janvier 1920
alors que celle de l’Assemblée se célébrait à Genève entre le 15 novembre et le 18
décembre 1920. Le Secrétariat Permanent était un organe fondamentalement technique
et administratif. Il était chargé de la gestion permanente de la SDN. Par conséquent, il
préparait les documents et les rapports à l’attention de l’Assemblée et du Conseil. Sa
charge fut confiée au britannique, Sir James Eric Drummond, premier secrétaire général
de cette organisation.
. De Aristide Briand fut, ministre français des Affaires Etrangères de l’époque, et Frank
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internationaux et y renonçaient comme instrument de politique nationale dans leurs
relations mutuelles. Le deuxième article exprimait la volonté des Hautes Parties
contractantes de régler tous les différends ou conflits qui pourront surgir entre elles par
des voies pacifiques.
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commencé à fissurer les piliers de la Société des Nations. Entre 1936 et 1946, c’était la
période de déclive et de paralysie de cette organisation.
D’autre part, bien qu’instigateur du projet, les Etats-Unis n’avaient jamais porté
à cœur la SDN. Le Sénat américain qui n’avait jamais ratifié le Traité de Versailles,
avait multiplié des critiques à l’endroit de cette institution. Ces critiques avaient créé la
désunion entre les membres pour finir par affaiblir les fondations mêmes de la jeune
organisation.
En outre, la structure même de la Société des Nations était tellement peu solide
qu’elle ne lui permettait pas de répondre avec efficacité aux défis qu’elle affrontait
souvent. Si le Conseil de sécurité des Nations Unies peut siéger en permanence, c’est-à-
dire, à tout moment selon les exigences de la situation (art. 28, paragraphe 1 de la
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p 68.
5
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Charte)7, le Conseil de la Société des Nations se réunissait périodiquement (art. 4,
paragraphe 3 du Pacte), précisément quatre fois par an : en mars, juin, septembre et
décembre, donnant, de cette manière, une impression de léthargie ou d’inactivité de la
Société des Nations durant les mois d’intervalle quand le Conseil ne pouvait se réunir.
DEUXIEME CHAPITRE
LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE
ET L’EMERGENCE D’UN NOUVEL ORDRE INTERNATIONAL
La Deuxième Guerre Mondiale fut le plus grand affrontement armé connu par
l’humanité jusqu’à nos jours. Durant ce conflit, presque 60 millions d’êtres humains
perdirent la vie, et la moitié d’entre eux furent des civils. Ce conflit qui opposa les
forces de l’Axe composées par l’Allemagne, l’Italie et le Japon aux forces alliées
formées par les Etats-Unis, l’Union Soviétique et la Grande Bretagne, s’étendit à toute
l’Europe, l’Océan Atlantique, le Maghreb, le Moyen Orient, l’Asie et le Pacifique.
7
. Toutefois, le Conseil de sécurité des Nations Unies peut aussi tenir des réunions périodiques
auxquelles chacun de ses membres peut, s’il le désire, se faire représenter par un membre de son
Gouvernement ou par quelque autre représentant spécialement désigné (art. 28, paragraphe 2 de
la Charte).
13
Pour sa part, depuis l’ascension au pouvoir en 1933 d’Adolf Hitler, l’Allemagne
s’était mise à annuler les impositions dérivées du Traité de Versailles, telles que la loi
sur le réarmement votée en 1935, la remilitarisation de la Rhénanie en 1936,
l’Anschluss imposé à l’Autriche en mars 1938 et l’ annexion en octobre 1938 de la
Tchécoslovaquie pour inclure les allemands de la région des Sudètes dans un nouveau
territoire allemand et celle de la ville de Memel en 1939 (Lithuanie).
En vue de se garantir l’alliance avec l’Italie, Hitler consolida ses amitiés avec
Mussolini, renforça l’Axe Rome-Berlin en entraînant l’Italie à adhérer au pacte anti-
Komintern signé à Berlin avec le Japon le 25 novembre 1936, valable pour cinq ans.
Ennemi du communisme, Hitler avait conclu ce pacte dirigé, non contre l’URSS, mais
contre l’Internationale communiste, accusée de vouloir désintégrer et mettre sous
soumission de nombreux Etats. Les parties signataires du pacte devaient s’informer
mutuellement des activités de l’Internationale communiste et se consulter régulièrement
sur les mesures préventives nécessaires. D’autres pays étaient invités à y adhérer. Au
début, l’Italie hésitait à s’y joindre considérant ses bons rapports avec l’URSS. Mais,
elle finit par y adhérer le 6 novembre 1937.
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., pp. 242-243.
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14
le 9 avril 1940 le Danemark et la Norvège où anglais et français projetaient leur contre-
offensive. Elle en fit de même le 10 mai 1940 attaquant la Belgique, le Pays-Bas, le
Luxembourg et la France. Les troupes françaises se battent et paraissent résister. Mais,
le front est percé entre le 4 et le 8 juin et les forces allemandes se meuvent sans
résistance dans tous les sens, vers l’Atlantique, les Pyrénées et la Méditerranée, et
l’Italie, pour se bomber aussi la poitrine, en profite aussi et entre dans cette guerre le 10
juin. Elle s’engage du côté de l’Allemagne quand le gros du travail était censé être fait.
Le gouvernement français se réfugie à Bordeaux, et se met sous la présidence du
maréchal Pétain qui avait remplacé Paul Reynaud. Ce régime dit de Vichy, considéré
comme l’autorité légitime de la France, sollicita l’armistice auprès de l’Allemagne et le
signa à Rethondes le 22 juin 1940, le jour même de la chute de Paris. L’Angleterre resta
seule dans ce conflit, résistant par tous les moyens aux attaques des forces aériennes
allemandes. Les flottes danoise, norvégienne et hollandaise ; l’Indonésie, le Congo
belge ainsi que l’Afrique équatoriale française ralliée à de Gaulle qui dirigeait la
résistance française depuis Londres, devenaient des atouts indispensables pour les
anglais9. L’Union Soviétique annexa les pays baltes : Estonie, Lettonie et la Lituanie et
occupa la partie orientale de la Pologne.
L’attaque de la Pologne par l’Union Soviétique créa des doutes chez Hitler sur
les intentions profondes de l’Union Soviétique dans la région et sur le Pacte de non
agression signé lui-même avec ce pays. Dans ce cas, Hitler décidait d’en finir avec
Staline. Pour se rassurer le succès de l’opération, il fallait isoler sans attirer son attention
l’Union Soviétique et consolider les liens avec d’autres pays, les Balkans et les pays de
l’Europe centrale. Déjà le 27 septembre 1940, l’Allemagne, l’Italie et le Japon signaient
à Berlin le pacte tripartite : un traité d’alliance politique, militaire et économique, en
vertu duquel le Japon reconnaissait le droit de l’Allemagne et de l’Italie à instaurer un
nouvel ordre en Europe, le droit pour ces deux puissances d’avoir en Europe l’espace
vital qui leur conviendrait (art. 1), alors que l’Allemagne et l’Italie reconnaissaient au
Japon le même droit pour un nouvel ordre en Asie Orientale (art. 2). Les trois
contractants s’engageaient à se prêter un appui mutuel si l’un des contractants était
attaqué par une puissance non engagée jusqu’à présent dans la guerre européenne ou
dans la guerre sino-japonaise (art. 3). Cet article laisse entrevoir que le pacte tripartite
étaient essentiellement dirigé contre les Etats-Unis. L’article 5 du pacte prévoyait que le
pacte n’affecterait pas les rapports existants entre les trois pays et l’URSS. A ce pacte
adhéraient plus tard les Balkans et les pays de l’Europe centrale, notamment la Hongrie
et la Roumanie respectivement les 20 et 23 septembre 1940, et la Bulgarie le 1 er mars
1941.
15
« Plan Barbarossa », cette opération fut finalement lancée le 22 juin 1941. Hitler amorça
sa campagne contre l’Union Soviétique avec la finalité de conquérir ce territoire pour
entrer en possession d’importantes ressources en pétrole dans le Caucase et le blé en
Ukraine qui pourraient l’aider à poursuivre la guerre contre la Grande Bretagne. Il
justifia cette agression brandissant ces prétextes :
- La menace que les troupes soviétiques faisaient peser sur l’Allemagne ;
- La propagande du Komintern qui n’était pas de nature à garantir la
stabilité et la paix entre les nations ;
- La signature le 5 avril 1941 du traité de non-agression et d’amitié entre
l’URSS et la Yougoslavie, traité signé par l’URSS pour éviter
l’adhésion de la Yougoslavie au pacte tripartite. De ce fait, l’Allemagne
avait envahi et occupé la Yougoslavie10.
La période qui s’étend de 1939 à 1941 peut être considérée comme celle des
succès de l’armée allemande en Europe. En effet, durant cette période, sont vaincus tour
à tour la Pologne, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique, la France, la Grèce et la
Yougoslavie. C’est la phase européenne de la guerre, en attendant l’entrée dans la même
guerre de l’Union Soviétique le 22 juin 1941, du Japon et des Etats-Unis le 7 décembre
1941. Pendant les premiers mois de 1942, les alliés subirent plusieurs défaites. Ils
demeurèrent confinés dans leurs retranchements et à la défensive. Si la conquête de
l’Europe occidentale ne posa pas trop de problèmes à l’armée allemande, cela ne fut pas
facile pour l’URSS. Même si l’armée allemande était arrivée en septembre 1942 aux
confins de Stalingrad où s’ouvrirent des sérieux affrontements, elle ne put progresser.
Elle fut défaite en début de février 1943.
C’est vers la fin de 1942 qu’il se constate sur tous les fronts un certain
essoufflement des forces allemandes, et les alliés passent à l’offensive, encouragés
surtout par l’entrée en guerre des Etats-Unis 11. Sur le front russe, la durée de l’hiver fut
à l’avantage de l’armée soviétique qui arrêta l’avancée de l’Allemagne et se mit à
reconquérir les pays satellites de l’Allemagne. Le 31 mai 1944, les troupes russes
arrivaient aux abords de la Vistule en face de Varsovie, et en janvier 1945, elles
atteignaient l’Oder.
En ce qui concerne le Japon, au début des années 30, ce pays avait déjà
manifesté ses ambitions expansionnistes en occupant certaines régions de la Chine dont
la Mandchourie en 1931. Après l’attaque de Pearl Harbor le 8 décembre 1941 pensant à
travers cet acte, éliminer la menace américaine dans le Pacifique, le Japon se mit à la
conquête de l’Asie du sud-est. La première moitié de 1942 fut marquée par des victoires
de l’armée nippone dans cette région. Elle parvint à contrôler une vaste région qui
s’étendait des îles Aléoutiennes à la Birmanie, passant par les Philippines, Hong-Kong,
les atolls du Pacifique central et les archipels du Pacifique occidental, Singapour,
Indonésie (les îles de la Sonde) et la Birmanie. La bataille de la mer de Corail du 4 au 8
mai 1942 empêcha l’invasion de l’Australie.
Quant à l’Italie, elle fut le maillon faible des puissances de l’Axe. Ses ambitions
de contrôler le bassin méditerranéen allaient au-delà de ses moyens. Ses revendications
territoriales portaient sur Nice, la Corse, la Tunisie, le Djibouti, le Soudan, une partie de
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p. 301.
10
. MICHEL, H., La seconde guerre mondiale, Paris, Presses Universitaires de France, Coll. Que
11
16
l’Algérie, l’Epire, la Dalmatie, etc12. Mal lotie, l’armée italienne avait subi des défaites
en Libye, en Grèce et en Ethiopie. En septembre 1943, il ne restait plus rien à l’Italie, ni
de l’empire constitué avant la guerre, ni de la partie conquise durant les hostilités. Cette
situation avait considérablement miné l’autorité de Mussolini qui se mit à remettre en
question son alliance avec Hitler et à projeter la conclusion d’une paix avec la Russie.
Les Etats-Unis se mirent à concerter des stratégies contre les forces de l’Axe. Ils
prirent une décision capitale pour la grande satisfaction des anglais en accordant une
priorité à la guerre contre l’Allemagne, le sort du Japon devant être étudié après. Dans
ce sens, les effectifs engagés dans le Pacifique devaient être inférieurs à ceux déployés
en Europe13. Le 3 avril 1942, le général Mac Arthur fut nommé commandant pour le
Pacifique sud-ouest, alors que l’amiral Chester Nimitz l’était pour le Pacifique central.
Une importante bataille aéronavale fut menée dans la mer de Corail empêchant en mai
1942 le débarquement des japonais aux îles Salomon et la conquête de l’Australie14.
Le 8 novembre 1942, les forces de l’Axe sont prises à revers par la première
grande opération offensive alliée à travers le débarquement américain au Maroc et en
Algérie15. La chute de Tunisie le 7 mai 1943 aux mains des alliés sonnait le glas pour les
forces de l’Axe. Le 10 juillet 1943, les forces alliées avaient commencé la conquête de
la Sicile à partir de ce front ouvert en Afrique du Nord, et le 25 juillet Mussolini fut
déchu de ses fonctions par le roi Victor-Emmanuel et emprisonné16. Un nouveau
gouvernement dirigé par le maréchal Badoglio fut établi. Mais, en août, les forces
alliées débarquaient en Italie continentale qui capitula le 3 septembre 1943. Elles
entrèrent dans Rome le 4 juin 1944. Toutefois, la chute de Mussolini et la capitulation
de l’Italie n’affaiblirent guère l’Allemagne sur le plan militaire. Au contraire, elles la
débarrassèrent d’un allié faible, imprévisible et gênant17.
12
MICHEL, H., op. cit., p. 35.
13
. Idem., p. 79
14
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p. 359.
15
. MICHEL, H., op. cit., p. 65.
16
. Enlevé de la prison avec l’aide des parachutistes allemands S.S., et malgré ses tentatives de
rétablir le fascisme en Italie et de résister contre les forces alliées, Mussolini fut finalement,
après la chute de l’Italie, repris et fusillé le 28 avril 1944.
17
. MICHEL, H., op. cit., p. 86.
17
deuxième débarquement eut lieu en Provence. Les forces allemandes battaient en
retraite vers le nord. Mais là, se sentait la pression des forces débarquées en Normandie.
Malgré la résistance opposée dans les Ardennes, la déroute des forces allemandes ne
tarda pas. L’Opération Overlord permit la libération le 25 août de Paris où s’installa le
gouvernement provisoire présidé par le général de Gaulle, celle de la Belgique en
septembre et de Strasbourg le 23 novembre.
En avril 1945, les fronts allemands sont en train de craquer partout. Précisément,
le 25 avril 1945, les troupes américaines et russes firent leur jonction sur l’Elbe à
Torgau. Elles encerclèrent Berlin neutralisant sa garnison. Le 30 avril, Hitler se suicida
dans son bunker. La reddition sans condition de son armée fut signée à Reims le 7 mai
1945 par le général Jodl devant Eisenhower. Le général Keitel en fit de même le 8 mai à
Berlin devant le maréchal russe Joukov. L’Allemagne nazie signait l’acte de sa
disparition. La guerre était considérée comme terminée en Europe18.
. Idem., p. 98
18
18
Tenue entre le 28 novembre et le 1er décembre 1943, la Conférence tripartite qui
réunissait Franklin Roosevelt (Etats-Unis), Josep Staline (URSS) et Winston Churchill
(Royaume-Uni), avait comme premier objectif de coordonner les opérations militaires
des forces alliées. C’est dans ce sens que fut décidée l’ouverture d’un deuxième front à
l’ouest dans la Manche pour prendre l’armée allemande en tenaille avec le front de l’est
fortifié par l’Armée rouge. Le front ouvert à l’ouest permit que fût fixé le débarquement
des forces alliées en Normandie sur les côtes françaises le 1er mai 194420.
La Conférence de Téhéran avait également inscrit à l’ordre du jour le
démembrement de l’Allemagne et l’ouverture de la Pologne vers l’ouest. En ce qui
concerne le démembrement, Roosevelt proposa la création de cinq Etats autonomes en
Allemagne : 1º) Une Prusse diminuée ; 2º le Hanovre et le Nord-Ouest ; 3º la Saxe et la
zone de Leipzig ; 4º la Hesse et le sud de la Rhénanie ; 5º la Bavière, le grand duché de
Bade et le Wurtemberg. Le canal de Kiel, Hambourg, Ruhr et Sarre seraient placés sous
le contrôle international d’une organisation des Nations Unies à créer. Churchill suggéra
trois Etats : la Prusse, l’Allemagne du centre et l’Allemagne du sud. Mais, Staline
afficha une attitude assez distante envers ces deux plans. Pour autant, l’étude fut confiée
à la « Commission consultative européenne »21.
Conscient du fait que l’Armée rouge avait le contrôle des opérations durant la
bataille de Stalingrad contre les allemands, et fort du sentiment d’une victoire sûre de
son Armée dans ce front est, Staline voulut prendre l’engagement auprès de ses alliés
leur signifiant qu’il était prêt à s’impliquer à côté d’eux dans la guerre contre le Japon
une fois l’Allemagne vaincue. Néanmoins, les deux bombes atomiques, construites dans
le plus grand secret gardé contre l’URSS, et larguées par les forces américaines sur
Hiroshima et Nagasaki ne permettaient plus à l’Union Soviétique d’accomplir cet
engagement. Le Japon ne pouvait plus continuer la guerre. Celle-ci était terminée.
Toutefois, le fait que l’Union Soviétique avait des visées sur la Mandchourie, elle
déclara tout de même la guerre contre le Japon le 8 août 1945 un jour avant que
Nagasaki fût bombardé. Elle occupa la Mandchourie.
La Conférence de Yalta fut l’un des points culminants de toutes les concertations
entre les puissances alliées pour la configuration du nouvel ordre international post-
guerre. Le rapprochement entre l’URSS et la France libérée et sous l’autorité du général
de Gaulle pour se partager l’Europe, les divergences de vue entre le premier ministre
britannique Winston Churchill, plus monarchiste, et le nouveau secrétaire d’Etat
. Idem., p. 71.
20
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p. 375.
21
19
américain, Edward Stettinius, de gauche et républicain, étaient des fissures qui
obligeaient à la tenue de cette conférence pour clarifier les points.
A Yalta un accord de principe fut scellé entre les trois puissances qui insistèrent
encore une fois sur le démembrement de l’Allemagne. Au-delà de zones occupées par
ces trois puissances, la France devait aussi avoir une zone d’occupation prélevée sur les
zones britannique et américaine.
Il est un fait que Roosevelt avait cru dans la bonne volonté de Staline et comptait
beaucoup sur lui dans la création d’un nouvel ordre international post-guerre qu’il
voulait stable. En effet, le Président américain était partisan d’un ordre mondial contrôlé
par les vainqueurs de la guerre, « les quatre policiers » en y incorporant la Chine
nationaliste. Durant la Conférence de Yalta, le premier thème abordé fut l’organisation
de l’offensive définitive contre l’Allemagne. Ensuite, les alliés approuvèrent que
l’Allemagne soit divisée en 4 zones d’occupation, une d’elles devant revenir à la
France. Enfin, ils se mirent d’accord sur la création d’une commission pour l’étude des
réparations que l’Allemagne devait payer après la guerre, et le chiffre de 20 milliards de
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p. 401.
22
20
dollars fut fixé dont la moitié devait revenir à l’Union Soviétique comme base pour
aborder des futures discussions23.
Faut-il rappeler qu’à peine la guerre terminée, les alliés avaient démobilisé leurs
forces pour les ramener de 4,7 millions à 900.000 hommes. Mais, l’Union Soviétique
avait continué à maintenir ses effectifs de guerre, soit environ 6 millions d’hommes de
ses forces armées. La raison en était que Staline avait annexé 470.000 km2 de territoire
européen et 23 millions d’habitants, sans compter la mise sous protectorat forcé, en y
imposant aussi le communisme, de sept pays intégrant 1 million de km2 et 90 millions
d’habitants24.
23
. MICHEL, H., op. cit., p. 107.
24
. PUAUX, F., La politique internationale des années quatre-vingt. De Reagan à Gorbatchev,
Paris, PUF, 1989, p. 314.
25
. Le 25 juillet 1945, la Conférence fut momentanément interrompue et ajournée pour permettre
à Churchill qui s’était fait accompagner d’Attlee de revenir à Londres afin d’assister au
dépouillement du scrutin qui se célébrait en ce moment en Grande Bretagne. Chef du parti
travailliste, Clément Attlee gagnait ce scrutin et retournait seul à Potsdam pour continuer la
Conférence qui termina ses travaux le 2 août 1945.
21
Si à Yalta fut prise la décision de démembrer l’Allemagne, à Potsdam, il y eut
recul et les trois puissances alliées pensèrent à préserver l’unité de cette nation.
Toutefois, l’Allemagne est divisée et ses frontières revues. La zone Est revenait à
l’Union Soviétique, le Sud-ouest aux Etats-Unis, le Nord-ouest à la Grande Bretagne, et
la zone française s’intercalait entre les deux zones précédentes26. La Conférence procéda
également au désarmement et à la démilitarisation de l’Allemagne réduisant à néant son
impressionnante infrastructure militaro-industrielle. Une campagne de dénazification est
décidée pour détruire le parti national-socialiste et effacer tout ce qui avait trait avec les
programmes, la propagande et les lois nazis. Il est convenu de procéder à l’épuration des
membres du parti nazi et au jugement des criminels de guerre. Cette décision conduisit
au procès de Nuremberg27. Des mesures similaires furent aussi prises pour l’Autriche
qui fut séparée de l’Allemagne pour devenir un Etat indépendant.
22
conséquence de la nouvelle géopolitique et du nouvel équilibre territorial provoqués
dans la région. Des allemands de la Pologne furent chassés à l’ouest de la Pologne pour
être confinés à l’est de l’Allemagne. D’autres encore furent évacués de la région
polonaise de Silésie, de Transylvanie en Roumanie, de la Tchécoslovaquie et de la
Hongrie. En d’autres termes, 11 millions d’allemands furent expulsés de territoire de
l’Europe centrale.
Finalement, le tracé évoqué plus haut fut définitivement ratifié par la Pologne et
l’Allemagne réunifiée en 1990. En effet, c’est le 12 septembre 1990, plus de quarante-
cinq ans après, que ce traité de paix prévu à Potsdam a été signé à Moscou, dit aussi
Traité 2+4 entre la République Fédérale d’Allemagne, la République Démocratique
Allemande, les Etats-Unis d’Amérique, la France, le Royaume-Uni et l’Union
Soviétique. Par ce traité, les allemands reconnaissaient leurs frontières comme
inaltérables. Celles-ci ne peuvent, en aucun cas, être modifiées ni par un accord mutuel
avec leurs voisins. Dans ce cas, la ligne Oder-Neisse devenait la frontière définitive
entre l’Allemagne et la Pologne.
Yalta décida aussi que la Corée fût libérée de la domination que le Japon y
exerçait depuis 1910. Les russes devaient occuper le nord du pays alors que les
américains en faisaient de même dans la partie sud. La ligne de démarcation devait être
le 38ème parallèle29. Téhéran, Yalta et Potsdam servirent de plateformes aux puissances
alliées pour déterminer et concrétiser leurs plans qui configuraient finalement l’ordre
mondial de l’après-guerre. L’Organisation des Nations Unies qui naît est l’œuvre de ces
puissances et porte, à des divers aspects, la marque de l’influence de ces Etats.
Déjà le 26 août 1941, dans un document devenu célèbre, inspiré par Churchill et
Roosevelt sous le nom de « Charte de l’Atlantique », il était prévu « l’institution d’un
système de sécurité générale établi sur des bases plus larges ». Le 1er janvier 1942, fut
signée par 26 nations en guerre contre l’Allemagne et le Japon la « Déclaration des
Nations Unies » par laquelle ces nations s’engageaient à élaborer un système de paix et
de sécurité après la guerre. Le levier d’un tel système devait trouver ses commandes au
sein d’une organisation internationale fondée sur l’égalité entre tous les Etats pacifiques.
Cette conviction fut réaffirmée en novembre 1943 à la Conférence de Téhéran. En
décembre de la même année, fut créée à Washington un groupe d’étude pour la future
organisation30.
Des travaux préliminaires initiés par les représentants de la Chine, des Etats-
Unis, du Royaume Uni et de l’Union Soviétique à Dumbarton Oaks entre septembre et
octobre 1944 aboutirent sur la tenue à San Francisco du 25 avril au 25 juin 1945 de la
Conférence des Nations Unies sur l’organisation internationale, durant laquelle fut
rédigée la charte de l’ONU. Cette conférence devait réunir les puissances signataires de
29
. DUROSELLE, J.-B., et KASPI, A., Histoire des relations internationales de 1945 à nos
jours, Paris, Armand Colin, 2009, pp. 137-138.
30
. DUROSELLE, J.-B., et KASPI, A., HIdem., istoire des relations internationales de 1945 à
nos jours, op. cit., p.6.
23
la Déclaration des Nations Unies et tous autres pays qui avaient déclaré la guerre aux
puissances de l’Axe avant le 1er mars 1945.
Les objectifs de l’ONU tels que définis dans sa charte en son article premier,
reposent sur le maintien de la paix et la sécurité internationales, la promotion des
relations d’amitié entre les nations avec respect du principe de l’égalité souveraine de
tous les Etats membres et de la libre détermination des peuples, ainsi que la solution des
problèmes internationaux de caractère économique, social, culturel ou humanitaire par
le biais de la coopération internationale en encourageant le respect des droits de
l’homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de
langue ou de religion.
Dans la réalisation des buts énoncés, l’ONU doit agir conformément aux
principes suivants (art. 2 de la Charte) : le respect de l’égalité souveraine de tous ses
Etats membres ; l’accomplissement de bonne foi par les Etats membres des obligations
qu’ils ont accepté d’assumer à la signature de la Charte ; le règlement par des moyens
pacifiques des différends internationaux pour ne pas ébranler la paix et la sécurité
internationales ; le non recours à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre
l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
31
. COT, J.-P., et PELLET, A., (dir.), La Charte des Nations Unies, Paris, Economica, 1991, p.
24.
32
. Idem.
24
manière incompatible avec les buts des Nations Unies ; pleine assistance à l’ONU dans
toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la Charte et
l’abstention de prêter assistance à tout Etat contre lequel l’ONU entreprend une action
préventive ou coercitive.
Le principe d’égalité entre Etats suppose l’égalité devant la loi et l’égalité des
droits. Cependant, les critiques surgissent contre ce principe quand l’on se réfère
souvent au mode de fonctionnement du Conseil de sécurité au sein duquel les membres
permanents jouissent du droit de veto pour bloquer la prise de certaines décisions qui ne
leur seraient pas favorables. Par conséquent, il n’est pas indéniable de reconnaître que la
société internationale révèle chaque jour des inégalités entre les Etats, lesquelles ont des
répercussions dans les rapports entre ces Etats, soit directement, soit au sein des
organisations internationales.
. Idem., p. 87.
34
25
Il faut bien souligner ici que tout le système de la Charte est construit autour du
principe de l’interdiction du recours à la force. Par conséquent, le règlement pacifique
des différends internationaux devient la suite logique de cette interdiction. Ce principe
s’inspire et puise sa substance du Pacte Briand-Kellog ou Traité de Paris qui
condamnait la guerre comme instrument de politique nationale et obligeait les Etats à y
renoncer. Ce pacte fut signé le 27 août 1928 par 60 nations.
Il faut insister sur le fait que l’article 2, paragraphe 4 a une portée plus étendue
que le Pacte de Paris. En effet, ce n’est plus seulement la guerre qui est interdite, mais
tout recours à la force dans les relations internationales, fût-ce même sous la forme
d’une menace. Toutefois, une nuance s’impose. Ce recours à la force n’est interdit que
dans les relations internationales, soit contre l’intégrité territoriale et l’indépendance
politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations
Unies.
Eu égard à ces considérations, il résulte que le recours à la force peut être licite
dans d’autres circonstances ou pour certaines fins. Pour autant, il existe des exceptions à
la règle : la première exception reconnue dans la Charte en son article 51 se réfère au
cas de légitime défense « individuelle ou collective ». La deuxième exception fait
allusion à l’action collective décidée par des Etats en vue de faire face à une menace
contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression (arts. 42 et 53). La
troisième est celle qui considère aussi licite le recours à la force pour des fins
humanitaires afin de sauvegarder la vie des nationaux d’un Etat qui se trouverait
gravement menacée.
. RAMBAUD, P., « La définition de l’agression par l’ONU », in Revue Générale de Droit
35
26
Ce principe insère deux obligations qui se complètent : d’une part, une
obligation positive impliquant le devoir d’assister l’ONU lorsqu’elle entreprend une
action, et d’autre part, une obligation négative imposant le devoir d’abstention de toute
assistance à un Etat sanctionné par l’ONU.
Face à tous ces principes, une question est restée posée quant à savoir quel
pourrait en être le comportement des Etats non membres dès lors qu’ils ne sont pas liés
par la Charte. Devant cette situation, l’ONU fait en sorte que les Etats non membres
agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix
et de la sécurité internationales.
27
paix ou un acte d’agression. Il est né ainsi une règle qui s’est convertie en une coutume
pour modifier la Charte36.
Les modes de votation diffèrent au sein de cet organe. Pour des questions
considérées comme importantes, il est requis la majorité de deux tiers des membres
présents et votants, alors que pour des questions ordinaires, une majorité simple suffit.
Elle élit les membres non permanents du Conseil de sécurité, ceux de la Cour
internationale de justice, ceux du Conseil économique et social, ceux du Conseil de
tutelle. Sur proposition du Conseil de sécurité, elle admet de nouveaux membres et
exclut ceux qui ont enfreint leurs engagements face à la Charte 38. Elle se réunit chaque
année en session ordinaire à partir du 3 ème mardi de septembre jusqu’au mois de
décembre. De cette manière, elle imprime chaque année une dynamique politique aux
travaux de l’organisation. Elle convoque, en outre, les grandes conférences
internationales durant lesquelles sont adoptés des déclarations et des programmes
d’action dans des secteurs spécifiques des relations internationales. Elle peut aussi, si
les circonstances l’exigent, se réunir en session extraordinaire convoquée à la demande
du Conseil de sécurité, de la majorité des Etats membres ou d’un Etat membre avec
l’accord de la majorité.
36
. PINTO, R., Le droit des relations internationales, Paris, Payot, 1972, p. 303.
37
. Le Conseil économique et social (art. 60 de la Charte), et le Conseil de tutelle (art. 63), sont
placés sous l’autorité de l’Assemblée générale.
38
. DUROSELLE, J.-B., et KASPI, A., Histoire des relations internationales de 1945 à nos
jours, op. cit., p. 11.
28
sein du Conseil de Sécurité où ils statuent sur les grands problèmes internationaux
touchant à la paix et la sécurité internationales avec un droit de véto chacun.
Le Conseil se réunit beaucoup plus souvent, au moins tous les quinze jours, alors
que l’Assemblée générale n’a, en principe, qu’une session annuelle. Le Conseil a,
conformément à l’article 24 de la Charte, la mission principale du maintien de la paix et
la sécurité internationales. Dans ce sens, cet organe est le gendarme international auquel
revient la charge de concevoir et d’imposer l’ordre mondial. Pour autant, il détient le
pouvoir discrétionnaire d’apprécier et qualifier les situations du Chapitre VII et de
décider des sanctions qui peuvent être économiques ou militaires. Dans ce sens, le
Conseil a la faculté d’agir soir par « recommandations », soit par « décisions ». Les
actes du Conseil revêtus expressément ou implicitement du caractère décisoire
s’imposent aux Etats avec force obligatoire.
. Les membres permanents sont : la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, la France, le Royaume
39
Uni et la Russie qui depuis le 24 décembre 1991 a pris place de l’ancienne Union Soviétique.
29
Neuf commissions sectorielles ont été constituées au sein de cet organe : La
commission de développement social, la commission des droits de l’homme, la
commission des stupéfiants, la commission de prévention de délit et justice pénale, la
commission de science et technologie pour le développement, la commission du
développement durable, la commission sur la condition de la femme, la commission sur
la population et la commission des statistiques.
Des organes principaux de l’ONU, le Conseil de tutelle aura été le dernier à être
constitué et mis en fonctionnement40. Le retard subi dans l’approbation des accords de
tutelle par l’Assemblée Générale explique cette situation.
40
. IlLe Conseil de tutelle fut constitué le 14 décembre 1946.
41
. A l’origine ces membres étaient la Chine et l’Union Soviétique. Mais avec la décolonisation,
entrèrent aussi dans cette catégorie la France 1960 et le Royaume Uni en 1968. Les Etats-Unis
administraient encore les 2100 îles du Pacifique qui, auparavant étaient sous mandat japonais, et
dorénavant placées sous sa tutelle stratégique.
42
. Voir dans ce cas l’art. 86 de la Charte des Nations Unies qui traite de cette composition du
Conseil de tutelle.
30
Les missions de contrôle du Conseil de tutelle aboutissent à l’élaboration des
rapports annuels à l’attention de l’Assemblée générale, lesquels présentent des
conclusions et des recommandations sur les divers aspects de l’évolution politique,
économique et sociale ainsi que du progrès de l’instruction dans les territoires
concernés.
La Cour a compétence dans la résolution des différends entre les Etats et émet
des opinions consultatives tant pour l’ONU que pour ses organismes spécialisés. Elle
peut être aussi saisie par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité pour avis
consultatif de toutes questions juridiques sur des dossiers déterminés.
La compétence de la Cour sur les différends qui opposent les parties n’est pas
obligatoire. Aucun Etat ne peut être attrait devant la Cour sans avoir émis son
consentement de s’y soumettre. Par conséquent, il existe des voies par lesquelles les
Etats expriment ce consentement de soumettre leur différend à la juridiction de la Cour.
La première voie est celle par laquelle les parties conviennent bilatéralement de
soumettre un différend déjà existant à la Cour. La deuxième voie est celle des traités ou
des conventions déjà en vigueur signés par les parties et qui acceptent d’avance la
compétence de la Cour en cas de différend. La troisième voie est celle qui consiste dans
une déclaration facultative qui reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans
convention spéciale, à l’égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la
juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique.
Chaque Etat membre s’engage à se conformer à l’arrêt rendu par la Cour dans
tout litige auquel il est partie. Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui
lui incombent en vertu d’un arrêt de la Cour, l’autre partie peut recourir au Conseil de
sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider
des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt (art. 94 de la Charte).
2.1.6.- Le Secrétariat
31
l’Assemblée générale sur proposition du Conseil de sécurité pour un mandat de cinq ans
renouvelables43. Le Secrétaire général est secondé dans sa tâche par des Secrétaires
généraux adjoints et des sous-secrétaires généraux. Les organes subsidiaires sont
présidés par de hauts fonctionnaires ayant souvent rang de Secrétaire général adjoint et
appuyés dans leurs tâches par une ou plusieurs personnes avec rang de sous-secrétaire
général.
43
. Jusqu’à ces jours, le Secrétariat de l’ONU a été dirigé par : Trygve Lie (norvégien 1946-
1953), Dag Hammarksjöld (suédois 1953-1961), U Thant (birman 1961-1971), Kurt Waldheim
(autrichien 1971-1981), Javier Pérez de Cuellar (péruvien 1981-1991), Boutros Boutros Ghali
(égyptien 1992-1997), Kofi Annan (ghanéen 1997-2006), Ban-Ki-Moon (sud-coréen 2007-
).
44
. Cet article 99 offre au Secrétaire général les mêmes prérogatives que celles que détient
l’Assemblée générale en vertu de l’article 11, paragraphe 3 de la même Charte.
45
. COT, J.-P. et PELLET, A. (dir.). op. cit., p. 1318.
32
pratique des opérations de maintien de la paix l’a chargé de responsabilités encore plus
lourdes que celles prévues par la Charte. En effet, le Secrétaire général a la
responsabilité de déterminer la composition de la force ou du groupe d’observateurs à
envoyer dans un Etat membre en conflit. Il en assume la direction et porte la
responsabilité des opérations. C’est à lui qu’il revient de négocier avec les Etats et le
pays hôte les conditions de déploiement des forces affectées à l’opération46.
Les opérations de maintien de la paix sont pour une durée limitée et soumise au
renouvellement tous les trois ou six mois suivant les circonstances. La tâche du
Secrétaire général s’en trouve simplifiée47.
En 1954, dans un document intitulé « Résumé des études du Secrétariat sur les
questions d’ordre statutaire relatives aux organismes placés dans le cadre de
l’Organisation des Nations Unies », un essai de définition de l’organe subsidiaire a été
proposé à la 9ème session de l’Assemblée générale. Suivant ce document, « Un organe
subsidiaire est créé par un organe principal de l’Organisation des Nations Unies ou sous
son égide, par délégation de ses pouvoirs, conformément à l’article 7, alinéa 2, de la
Charte, par résolution dudit organe considéré comme compétent en la matière sur
laquelle porte la création. L’organe créé fait partie intégrante de l’Organisation ». Il joue
le rôle de l’organe d’exécution complémentaire par rapport aux besoins de l’organe
principal.
Les organes subsidiaires peuvent assumer toutes les fonctions, toutes les
missions, tous les mandats nécessaires au fonctionnement de l’Organisation qu’un
organe principal jugera nécessaire de leur confier. En d’autres termes, à partir du
moment où les finalités de l’ONU l’exigent, toutes sortes de compétences peuvent être
transférées à des organes subsidiaires : compétences consultatives ou de décision,
compétences réglementaires ou juridictionnelles, compétences administratives ou
opérationnelles.
L’ONU compte aussi des organismes spécialisés qui sont une pièce importante
de l’engrenage de l’organisation avec mission de l’accompagner à travers l’appui et la
promotion de ses programmes dans des secteurs spécifiques qui leur sont confiés. Parmi
ses organismes spécialisés, nous pouvons mentionner la FAO, l’OMS, l’UNESCO,
l’OIT, etc. Si les organes subsidiaires sont créés par une décision de l’organe principal,
les organismes spécialisés sont créés par un accord intergouvernemental.
Aujourd’hui l’ONU est intégrée par 194 Etats membres dont 55 sont africains,
52 asiatiques et du Pacifique, 24 de l’Europe de l’Est et des Balkans, 33 de l’Amérique
. Idem., p. 1321.
46
. Idem., p. 1322.
47
33
Latine et 30 de l’Amérique du Nord et de l’Europe occidentale. Les derniers Etats qui y
ont fait leur adhésion ont été la Suisse, le Timor Leste en 2002, Monténégro en 2006 et
le Soudan du Sud en 2011. L’Etat du Vatican n’est pas membre de l’ONU, mais il jouit
du statut d’observateur. Taïwan qui était reconnu comme membre par 25 Etats
membres, cessa de l’être depuis 1971 sur pression de la Chine populaire.
TROISIEME CHAPITRE
LA GUERRE FROIDE ET L’EMERGENCE DU SYSTEME BIPOLAIRE
Après que le Japon eut capitulé le 14 août 1945, cinq jours après que les troupes
américaines eussent lancé la deuxième bombe atomique sur la ville de Nagasaki, les
liens solides dont avaient fait montre les trois puissances de la Grande Alliance
commencèrent à s’affaiblir. La méfiance prenait place entre les Etats-Unis et l’Union
Soviétique. Ce qui expliqua l’échec de la Conférence de Londres tenue en septembre
1945 entre les ministres des Affaires Etrangères de trois pays (James Byrnes,
Mikhaïlovitch Molotov et Ernest Bevin) pour parler des traités de paix post-guerre. Il en
est de même de la Conférence de Moscou célébrée en décembre 1945 pour préparer les
traités de paix avec l’Italie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et la Finlande et qui ne
fut ramenée qu’au niveau des ministres des affaires étrangères. L’intransigeance russe et
l’extension du communisme sur les pays de l’Europe centrale et de l’Est n’avaient fait
qu’accroître la méfiance jusqu’à obliger les Etats-Unis et la Grande Bretagne de prendre
de la distance face à leur ancien allié48.
Utilisé en filigrane depuis 1939 pour traduire parfois l’état des relations
diplomatiques entre certains Etats, ce terme s’est finalement précisé pour marquer
l’antagonisme dans les relations post-guerre de deux superpuissances, et par extension,
de deux blocs du système bipolaire, incapables de bâtir une paix durable, mais soucieux
de ne pas provoquer un nouveau conflit à l’instar de la Deuxième Guerre mondiale. En
effet, c’est le 12 mars 1947, lors du débat lancé par le Président Harry Truman sur l’aide
à accorder à la Grèce et à la Turquie dans le cadre de sa doctrine, « la doctrine
Truman », que Bernard Baruch, ancien conseiller du Président Roosevelt, employa pour
. FLEMMING, D. F., The Cold War and its Origins, 1917-1960, New York, Doubleday, 1961,
48
pp. 15-43
34
la première fois de manière officielle ce terme de « guerre froide »49. Il fut rendu
populaire par le journaliste Walter Lippmann dans son ouvrage « Cold War » publié
aussi en 1947.
Cette guerre froide n’était ni la paix, ni la guerre classique. Elle n’était qu’un
antagonisme fondamental entre les deux blocs, mais qui ne s’était jamais amplifié
jusqu’à la belligérance classique51. En d’autres termes, elle était la guerre, tout en ne
l’étant pas. En effet, cette guerre froide n’avait jamais débouché sur une guerre chaude,
du moins si nous faisons abstraction des guerres bien réelles que les deux
superpuissances se sont livrées de façon indirecte par Etats satellites interposés,
principalement dans les pays sous-développés.
Vue de l’Occident, cette guerre était le résultat de l’action menée par le Kremlin
et les partis communistes qui voulaient profiter des ébranlements provoqués par la
guerre pour atteindre l’objectif d’imposer le communisme à travers des vastes régions
du monde, mais sans pour autant mettre en péril l’humanité avec une autre guerre
mondiale dont l’Union Soviétique serait la première victime. Mais, vue de Moscou, elle
était seulement la conséquence du refus de l’Occident d’accepter le communisme et
l’action des mouvements ayant fondé leur dogme sur le marxisme-léninisme52.
Deux attitudes dans le chef de deux superpuissances ont marqué cette période de
la guerre froide à la fois même qu’elles lui ont servi de prétexte pour alimenter de plus
en plus le conflit qui, n’eût été l’essoufflement de l’Union Soviétique et le changement
de sa politique extérieure à l’avènement au pouvoir de Mikael Gorbatchev, aurait
continué jusqu’à ces jours.
49
. DELMAS, C., La coexistence pacifique, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, pp. 40-41.
50
. Vid. : SMOUTS, M-C., BATTISTELLA, D., VENNESSON, P., op. cit., p. 267.
51
. DELMAS, C., La coexistence pacifique, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, 1980, p. 3
52
. Idem., p. 47.
35
1.- L’antagonisme idéologique
L’antagonisme idéologique entre les deux superpuissances est resté l’un des
ferments de la guerre froide. Le camp capitaliste ou l’Occident, composé
essentiellement des pays de l’Europe occidentale, du Canada, du Japon et de l’Australie,
sous la direction des Etats-Unis, défendait l’économie du marché et la démocratie
libérale, alors que le camp communiste composé des pays de l’Europe de l’Est, la
Chine, la Corée du Nord, le Vietnam et le Cuba, sous la conduite de l’Union Soviétique,
défendait l’économie planifiée et un système politique à parti unique.
36
faveur de la guerre et qui s’apprêtait à fournir à l’Europe une aide financière
substantielle inscrite dans le Plan Marshall, ce démantèlement était perçu comme la
preuve d’une volonté de mainmise de Moscou sur ces pays libérés54.
37
afin d’élargir sa zone d’influence par tous les moyens, d’abord en Europe centrale, puis
en Grèce et en Turquie, et enfin en Europe occidentale. Il était donc temps de mettre fin
à cette situation56.
Du nom du général George Marshall qui, en janvier 1947, avait succédé à James
Byrnes comme Secrétaire d’Etat57, le Plan consistait en un programme d’aide
économique massive évaluée à plus de 12 milliards de dollars et destinés à la
reconstruction de l’Europe détruite par la guerre. L’objectif poursuivi par le Plan
Marshall était d’accélérer la récupération économique de l’Europe pour garantir sa
stabilité politique et protéger les investissements américains dans la région, et de cette
manière, éviter le basculement de ce continent, principalement de l’Europe Occidentale,
dans la zone d’influence soviétique58.
Bien que l’Union Soviétique elle-même fût invitée à être aussi bénéficiaire de ce
Plan ainsi que les pays de l’Europe de l’Est, elle le rejeta en demandant aux pays de
l’Europe de l’Est sous son influence à suivre son exemple. Et comme solution de
rechange, l’Union Soviétique annonçait le 5 octobre 1947 le lancement de son propre
programme d’assistance économique, dénommé Plan Molotov, base de la création du
COMECON.
56
. MELANDRI, P., La politique extérieure des Etats-Unis de 1945 à nos jours, Paris, PUF,
1995, p. 70.
57
. KISSINGER, H., Diplomacy, New York, Simon & Schuster, 1994, p. 494.
58
. Lire HOGAN, M., The Marshall Plan : America, Britain and the reconstruction of Western
Europe, 1947-1952, New York, Cambridge University Press, 1987. WEXLER, I., The
Marshall Plan revisited: The European recovery program in economic perspective, Westport,
Greenwood, 1983.
38
fabrication de la bombe de fission nucléaire ou bombe d’hydrogène dont les essais
d’explosion une fois finalisée sa fabrication, furent menés à bout en novembre 1952
donnant des résultats excellents. Les soviétiques procédaient à un deuxième essai de
leur bombe atomique le 3 octobre 1953.
Cette course effrénée aux armements de plus en plus stratégiques suscitait des
préoccupations même dans le chef des puissances qui les détenaient. Pour autant, les
deux superpuissances se sentirent butées à une exigence commune afin non seulement
de se garantir leur survie, mais aussi la survie de toute l’humanité. Le rapport enjeu-
risque révélait l’irrationalité du recours à de telles armes. Il fallait limiter au maximum
la possibilité d’un conflit et, par conséquent, limiter la course aux armements. L’accord
signé le 20 juin 1963, établissant une liaison directe entre Washington et Moscou,
facilita sur plusieurs points où persistaient des divergences, notamment, la non-
prolifération des armes nucléaires, l’interdiction des armes bactériologiques, la
dénucléarisation de l’Antarctique, de l’espace extra-atmosphérique et des fonds marins,
la prévention des accidents nucléaires, la limitation des expériences souterraines60.
59
. PUAUX, F., La politique internationale des années quatre-vingt. De Reagan à Gorbatchev,
Paris, PUF, 1989, p. 41.
60
. DELMAS, C., op. cit., p. 58
61
. DELMAS, C., oIdem., p. cit., p. 7 et p. 58.
39
Cependant, entre les deux signatures, l’équilibre des forces de deux
superpuissances s’était considérablement modifié. Si en 1972 les Etats-Unis avaient pu
accepter une supériorité quantitative de l’Union Soviétique en raison de son retard sur le
plan qualitatif de ses armes ; en 1979, l’Union Soviétique avait déjà comblé ce retard, et
sa supériorité quantitative devenait une menace pour les Etats-Unis. Cette position
avantageuse de l’Union Soviétique, doublée de l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée
Rouge en décembre 1979, réanimaient les réticences émises par le Sénat américain sur
les accords SALT II dont la ratification fut remise aux calendes grecques. Toutefois, ni
SALT I, ni SALT II n’avaient empêché que les américains pussent arriver à détenir vers
la fin de 1989, 12.849 têtes stratégiques et les russes plus de 10.000, bombardiers y
compris62.
40
ses velléités expansionnistes. Le Traité de Dunkerque constitua le noyau du Pacte de
Bruxelles signé le 17 mars 1948 et qui obligeait la Grande Bretagne et la France à
défendre les pays de Benelux en cas d’agression d’un pays tiers. Aussi faudrait-il
souligner qu’au cours de l’année 1947, l’Union Soviétique s’était fort impliquée dans
les changements des régimes en Hongrie, Bulgarie, Roumanie et en Pologne en
imposant des gouvernements favorables au communisme. Le « coup de Prague » : coup
d’Etat communiste perpétré en février 1948 en Tchécoslovaquie déclencha la sonnette
d’alarme pour accélérer les pourparlers sur un pacte de défense non seulement limité à
l’Europe, mais plus étendu à la région de l’Atlantique. Bien qu’il fût à l’origine de
l’Union Européenne Occidentale (UEO), le Pacte de Bruxelles fut le point de départ de
la création à Washington le 4 avril 1949 de l’Organisation du Traité de l’Atlantique
Nord, plus ample et qui intégrait les Etats-Unis, le Canada et quatorze nations
européennes pour une défense mutuelle65.
Déjà le 12 août 1945, deux jours avant la capitulation du Japon, l’URSS occupait
la Corée du Nord jusqu’aux confins du 38ème parallèle, considérée au début comme la
ligne de démarcation militaire et devenue par la suite la frontière qui divisait les deux
Corées. De part et d’autre de cette ligne, s’étaient installés deux gouvernements
différents et hostiles, appuyés l’un par les Etats-Unis, et l’autre par l’URSS.
L’expérience vécue par l’Allemagne quant à l’occupation des puissances alliées se
répétait en grandes lignes en Corée. La principale différence avec la situation en
Allemagne fut que les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux avaient maintenu leurs
forces d’occupation dans ce pays, alors qu’en Corée, ils avaient procédé à leur
65
. L’Union Soviétique répliquait en créant en 1955 le Pacte de Varsovie intégrant les pays de
l’Europe de l’Est.
66
. DELMAS, C., L’OTAN, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, 1981, p. 7.
41
évacuation, pour l’Union Soviétique en septembre 1948, et pour les Etats-Unis, en juin
1949, laissant une mission militaire de 500 membres avec mission d’entraîner dans ce
pays l’armée de la jeune république composée de 60.000 hommes67.
67
. FONTAINE, A., Histoire de la guerre froide 2. De la guerre de Corée à la crise des
alliances 1950-1963, Paris, Fayard, 1967, p. 19.
68
. Depuis longtemps, l’URSS avait décidé de ne pas participer aux débats du Conseil de sécurité
tant que la Chine nationaliste occupait le siège permanent qui, selon elle, devait revenir à la
Chine communiste.
69
. FONTAINE, A., Histoire de la guerre froide 2. De la guerre de Corée à la crise des
alliances 1950-1963, op. cit., pp. 20-22.
70
. DUROSELLE, J.-B., et KASPI, A., op. cit., p. 142.
42
limitaient son action. Cette divergence de vues entre le Président et son général
fougueux conduisirent à une rencontre de deux personnalités le 15 octobre dans l’île de
Wake, dans le Pacifique.
Vers la fin de novembre, ayant reçu d’importants renforts, les troupes chinoises
et nord-coréennes lancèrent une redoutable attaque qui fit battre en retraite les forces
unifiées. Le 26 décembre, ces troupes traversent le 38ème parallèle. La Chine posa
comme condition préalable pour son retrait, un cessez-le-feu suivi d’un retour au 38ème
parallèle, l’abandon de la Formose par les Américains et l’admission de la Chine
communiste à l’ONU.
Le 25 janvier, les forces des Nations Unies lancèrent une contre-offensive qui,
au bout d’une forte résistance, finit par ramener, en mars, le front aux alentours du 38ème
parallèle. Mais, non content de cette situation, imbu de lui-même depuis sa victoire sur
le Japon et la capitulation signée par ce pays en 1945 devant lui-même pour marquer
définitivement la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le général MacArthur qui
agissait parfois sans se référer à sa hiérarchie à Washington, voulut aller au-delà de la
ligne de démarcation en imposant sa propre trêve aux nord-coréens et en menaçant la
Chine d’une extension de la guerre sur son propre territoire. Cet acte amena le Président
Truman à révoquer le 10 avril 1951 le général de tous ses commandements pour les
confier au général Matthew Ridgway.
43
juillet 1951 entre les Etats-majors représentés par leurs généraux provenant des Etats-
Unis, la Chine et la Corée du Nord. Ces deux pays firent trois propositions 72:
- un cessez-le-feu immédiat avec interruption des bombardements, du blocus et
des actions de reconnaissance, avant même la négociation de l’armistice ;
- le 38ème parallèle devrait toujours être considéré comme la ligne de démarcation
militaire et une zone démilitarisée de 10 km de part et d’autre serait constituée ;
- toutes les troupes étrangères devraient être retirées dans le plus court délai
possible.
Une deuxième ronde de négociation fut ouverte vers le mois de septembre pour
aboutir à quelques résultats. Les chinois et les nord-coréens renoncèrent à leur exigence
de rétablir au 38ème parallèle la ligne de démarcation. Celle-ci fut finalement établie le
long du front existant à faire élargir avec une zone démilitarisée de 2 km de part et
d’autre. Les divergences qui naîtront de la question sur l’échange des prisonniers de
guerre conduisirent au blocage des négociations. Il a fallu attendre jusqu’en juillet 1953
pour que celles-ci reprennent et aboutissent à des résultats positifs. En effet, la
convention d’armistice fut signée à Pan Mun Jon le 27 juillet 1953. Une zone
démilitarisée de 4 km séparerait les armées de deux camps.
Pour éviter que la perte de la Chine puisse être l’occasion pour l’Union
Soviétique de contrôler l’Extrême Orient, les Etats-Unis optèrent d’appuyer les
nationalistes chinois repliés sur Taiwan. C’est aussi dans ce sens que le secrétaire d’Etat
Dean Acheson qui avait pris la tête du Département d’Etat en remplaçant George
Marshall exposa le 12 janvier 1950 sa stratégie pour affirmer que la victoire
communiste en Chine ne constituait pas une menace pour la région asiatique. Il précisa
44
que le périmètre défensif des Etats-Unis s’étendait des îles Aléoutiennes en Alaska
jusqu’aux Philippines, en passant par le Japon et les îles Ryukyu73.
45
Durant la présidence de Dwight Eisenhower, la guerre froide s’était intensifiée
gagnant de nouvelles régions comme fut le cas du Proche-Orient, lorsque l’Egypte de
Gamal Abdel Nasser passait à dépendre plus de l’Union Soviétique ; et aussi celui de
l’Amérique Latine, lorsque Cuba basculait dans la zone d’influence soviétique une
année (mai 1960) après la victoire de Fidel Castro en janvier 1959 sur les forces du
Président Fulgencio Baptiste. L’antagonisme entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique
devenait de plus en plus intense et dangereuse à cause de l’accélération effrénée de la
course aux armements nucléaires.
Le fait qu’en 1955 Nasser eût fait recours à l’Union Soviétique sollicitant une
assistance qui l’aiderait à attaquer Israël, et que les soviétiques eussent répondu
favorablement à cette requête, provoqua de sérieuses préoccupations dans
l’administration du Président Eisenhower. Tchécoslovaquie, à la demande de l’Union
Soviétique, se chargea de ravitailler l’Egypte en armes, avions et chars de combat. En
avril 1956, une alliance militaire dirigée contre Israël fut signée entre l’Egypte, l’Arabie
Saoudite, la Syrie et le Yémen. En mai de la même année, Nasser rompait les relations
diplomatiques avec la Chine nationaliste pour reconnaître en même temps le régime
communiste de Pékin. Cette nouvelle donne politique dans la région obligeait les Etats-
Unis à revoir leur stratégie et à adopter une politique conséquente.
Doctrine Eisenhower fut approuvée avec 355 voix pour et 61 voix contre, avec une dotation
annuelle d’un montant de 200 millions de dollars annuels de prestation d’aide économique et
militaire aux pays du Proche-Orient.
46
ambitions pour réaligner sa politique en adéquation avec les intérêts occidentaux et la
Syrie sortait de la RAU en 1961, frustrant le rêve de Nasser de dominer le monde arabe.
L’idée de coexistence pacifique n’est pas absolument nouvelle. Elle avait déjà
été affirmée dans sa substance par les fondateurs de la doctrine marxiste,
particulièrement Vladimir Lénine dans le décret sur la paix de 1917 76. La coexistence
pacifique consiste à reconnaître que l’existence d’un Etat socialiste ne doit pas
automatiquement signifier un état de guerre permanent entre cet Etat et les Etats
capitalistes, au contraire, des relations pacifiques doivent être le trait caractéristique de
la relation entre ces deux Etats. A plusieurs reprises entre les deux guerres, Staline avait
lui-même affirmé la nécessité d’une coopération sur la base de la coexistence
pacifique77.
C’est la Chine qui rendit célèbre cette même idée de coexistence pacifique
lorsqu’elle y fit référence dans un traité conclu avec l’Inde en 1954 sur les relations à
maintenir dans la région du Tibet (Pancha Shila), lesquelles devaient être imbibées
d’une bonne dose de coexistence pacifique. C’est ainsi que depuis 1954, un grand
nombre de documents diplomatiques ont consacré le principe de coexistence pacifique.
Dans l’esprit de ses concepteurs, la coexistence pacifique est destinée à régir les
rapports entre les Etats relevant de formations socio-économiques différentes,
supposant, de cette manière, que le principe devait avoir une portée universelle. Cette
affirmation ressortait du communiqué sino-vietnamien du 7 juillet 1955, lequel déclarait
que « l’établissement de la confiance mutuelle entre les nations, l’élimination de la
tension internationale et le développement d’une coopération amicale entre les
différents pays dépendent de l’acceptation universelle et complète de ces principes par
tous les pays du monde en tant que principes directeurs de leurs relations mutuelles »78.
En février 1956, Nikita Khrouchtchev qui avait remplacé Joseph Staline à la tête
du Parti Communiste soviétique essaya de consolider son leadership en procédant à la
déstalinisation. Il exposa une série d’erreurs commises par son prédécesseur et
76
. DELMAS, C., op. cit., p. 8.
77
. GONIDEC, P.-F., et CHARVIN, op.cit., p. 310.
78
. Idem., p. 311.
47
s’engageait à diriger le pays sur de nouvelles bases. C’est dans ce sens qu’en politique
extérieure, il reconnaissait que la guerre entre le capitalisme et le communisme n’était
pas inévitable, il fallait pour autant mettre en pratique la politique de « coexistence
pacifique » convertie presqu’en sa doctrine. Celle-ci fut ainsi énoncée officiellement par
Malenkov 10 jours après la mort de Staline.
Par conséquent, la coexistence pacifique fait rejaillir deux idées qui font la
substance de son contenu81 :
- Elle implique que les Etats appartenant à des systèmes socio-économiques et
politiques différents renoncent à se conquérir mutuellement en recourant, au
besoin, à la lutte armée qui peut se convertir en une lutte mondiale.
- Elle implique que l’on recherche et consolide une coopération étroite entre tous
les Etats, même si ceux-ci appartiennent à des systèmes politiques et socio-
économiques différents.
79
. GUILHAUDIS, J.-F., Relations internationales contemporaines, Litec/LexisNexis, Paris,
2005, p. 396.
80
. GONIDEC, P.-F. et CHARVIN, R., op. cit., p. 315.
81
. Idem., p. 314.
82
. DELMAS, C., op. cit., p. 13.
48
idéologies différentes et poursuivant des objectifs différents, mais qui cherchent à
coopérer en gardant et en préservant l’essentiel de ce qui les caractérise, la détente n’est
qu’une simple atténuation de la tension qui a régné entre l’Est et l’Ouest à l’ère de la
guerre froide.
QUATRIEME CHAPITRE
LA FIN DE LA GUERRE FROIDE
1.- La perestroïka
Le paysage qu’offre l’Union Soviétique durant les années 80 révèle des carences
pour conclure à l’affaiblissement d’un pays qui a été l’une de plus grandes puissances
du monde contemporain. L’espérance de vie chez les hommes est tombée de 67 ans à 62
ans. La mortalité infantile a augmenté de 34%. Une vaste couche de la population se
réfugie dans l’alcoolisme. La crise dont souffre le pays remonte assez loin car elle a
commencé au moins huit ans avant la mort de Leonid Brejnev. Les dépenses militaires
pèsent lourdement sur l’économie absorbant entre 14% et 17% du produit national brut,
alors qu’aux Etats-Unis, elles avoisinent 6,4% du PNB84. L’Union Soviétique, durant
ces années 70, s’installait dans la léthargie et la société excellait de plus en plus dans la
pratique de corruption85.
83
. Idem., p. 71.
84
. PUAUX, F., La politique internationale des années quatre-vingt. De Reagan à Gorbatchev,
Paris, PUF, 1989, pp. 25-26.
85
. A ce propos, lire CARRERE D’ENCAUSSE, H., L’Empire éclaté, Paris, Flammarion, 1978.
86
. Ce terme est employé discrètement dès 1985, mais gagne de plus en plus du terrain en 1986 à
l’occasion d’un discours prononcé à Khabarovsk, en Extrême-Orient soviétique. Voir PUAUX
François, op. cit., p. 303.
49
manière dos au marxisme-léninisme87. Sur le plan interne, c’est une tentative
d’ouverture vers l’économie du marché en cherchant à renoncer à la centralisation
bureaucratique pour laisser jouer la loi de l’offre et de la demande, en dépit de la
résistance des apparatchik qui voyaient dans cette nouvelle orientation la fin de leurs
privilèges tissés au sein d’une économie devenue désordonnée, décadente et
improductive.
Après le désastre de Tchernobyl le 26 avril 1986, fut mise sur pied la politique
de glasnost, c’est-à-dire, de la transparence. L’Union Soviétique veut enlever la voile
pour faire découvrir à l’opinion tant interne qu’internationale ses problèmes, ses réelles
dimensions et sa vraie identité. La liberté de la presse et même de la télévision gagne du
terrain pour s’étendre à des confins jusque là insoupçonnés.
Vers la fin des années 80, l’Union Soviétique est confrontée à des vastes
mouvements de revendications autonomistes. Beaucoup de peuples découvrent qu’ils
n’ont été dans l’Union que par les pesanteurs de l’histoire, précisément la volonté des
puissances sorties victorieuses au terme de la Deuxième Guerre mondiale, et veulent
exprimer leur droit à la différence et à l’autodétermination.
Les pays baltes : Estonie, Lettonie et Lituanie, annexés en 1940 par Staline avec
la complicité de Hitler étaient beaucoup plus avancés que les autres Républiques en ce
qui concernait les revendications autonomistes. Gorbatchev leur fit des concessions
dans le cadre de sa politique de réformes vers la décentralisation. Cette démarche
amorcée ouvrait la voie au nationalisme jamais éteint de ces trois pays.
. Idem., p. 306.
87
50
3.- La réunification de l’Allemagne
La chute du mur de Berlin sonnait comme une victoire du camp capitaliste sur le
communisme, et même des Etats-Unis sur l’Union Soviétique. Conscients de cette
nouvelle donne, les Etats-Unis se considéraient comme le gendarme du monde et étaient
même tentés à prendre certaines initiatives de politique internationale sans trop analyser
les points de vue des autres acteurs majeurs. Si les européens, influencés par leur
expérience de l’intégration de l’Union Européenne, affichent un penchant vers le
multilatéralisme, les américains, au contraire, forts de leur avance sur divers aspects, ont
eu un moment ce penchant vers un unilatéralisme pour conserver ou consolider leur
puissance.
La guerre déclenchée en Irak par les Etats-Unis sans considérer les points de vue
des autres membres du Conseil de sécurité des Nations Uniesexprimait mieux cette
nouvelle attitude.
2.1.- Le Groupe de G8
Ce Groupe voit le jour en 1975 sur proposition de la France qui considéra utile et
indispensable que les pays aux économies les plus industrialisées puissent tenir des
51
sommets chaque année89 pour débattre des problèmes économiques et monétaires du
moment. Au sommet de Venise tenue en 1980, des questions politiques faisaient leur
entrée. En d’autres termes, la finalité poursuivie par ce groupe est de procéder à l’étude
et l’analyse des problèmes relatifs à la politique internationale et à l’économie mondiale
en vue de trouver des possibles pistes de solution.
L’évolution des relations internationales depuis 1945 jusqu’à nos jours laisse
entrevoir des anachronismes qui appellent aujourd’hui à la reforme de l’ONU. Il est
évident que ce qui était vrai en 1945 lors de la création de cette organisation ne l’est
plus aujourd’hui, du moins dans une grande mesure.
. De 1975 à nos jours, les différents sommets que le G8 a dû convoquer se sont tenus : 1 er
89
sommet à Rambouillet 1975 ; Venise 1980 ; Ottawa 21 juillet 1981 ; Versailles 1982 ;
Williamsbourg 28 mai 1983 ; Londres 8 et 9 juin 1984 ; Bonn 2-4 mai 1985 ; Tokyo mai 1986 ;
Venise juin 1987 ; 14ème sommet Toronto 20 juin 1988.
52
l’Organisation. Beaucoup d’Etats s’étaient mis d’accord sur le fait que le Conseil de
sécurité était devenu une institution rétrograde, vestige d’un passé révolu ou
l’expression d’un mal nécessaire dont il convient de limiter les effets et corriger les
abus90. La composition actuelle de cet organe ne répond plus aux réalités du moment. Le
droit de véto s’avère discriminatoire et le statut de membre permanent injuste. Certains
Etats revendiquent la suppression pure et simple du veto considéré comme un
mécanisme antidémocratique qui impose une aristocratie et consacre la domination de
certaines nations sur d’autres91.
90
. COT, J.-P. et PELLET, A., op, cit., p. 496.
91
. Idem., p. 513.
92
. VIRALLY, M., L’organisation mondiale, Armand Colin, Paris, 1972, p. 105.
93
. Voir NERFIN, M., « Les nations Unies peuvent-elles être démocratisées ? », in Le Monde
diplomatique, décembre 1976.
94
. COT, J.-P., et PELLET, A., op. cit., p. 514.
53
COURS EN PREMIERE LICENCE DES RELATIONS INTERNATIONALES
INTRODUCTION
Il est conçu comme une photo instantanée et à la fois une image dynamique de la
scène internationale telle qu’elle est vécue. C’est pour autant dire que les relations
internationales sont un faisceau des liens nés des transactions et des interactions captées
dans tous les secteurs de la vie internationale allant de la politique jusqu’à l’économie
en passant par le social, le culturel, l’environnemental, etc.
Bien que l´Etat joue un rôle central en relations internationales, il serait incorrect
de limiter les relations internationales aux seules interactions produites par cette
institution, surtout en cette époque où plusieurs relations économiques et culturelles
échappent, en partie, au contrôle des gouvernements.
54
Eu égard à cette observation, une autre conception plus large des relations
internationales s’impose. Celle-ci prend en compte l’ensemble des phénomènes
internationaux comme champ d’investigation. Dans ce cas, les relations internationales
peuvent être définies comme l’ensemble des relations et communications susceptibles
d’avoir une dimension politique s’établissant entre deux groupes sociaux traversant les
frontières96.
Durant ces dernières années, le champ des relations internationales a pris une
grande importance en raison de grandes mutations qu’a expérimentées la société
internationale eu égard à la croissance des échanges internationaux et le développement
des réseaux de communication. De la sorte, ces relations se développent aujourd’hui
dans une société internationale qui vit l’ère de la globalisation.
. Idem.
96
55
d’études a conduit à l’élaboration de nombreux modèles explicatifs et de nouvelles
théories, et poussé les chercheurs à revendiquer pour l’étude des relations
internationales un véritable statut scientifique.
La communauté est une unité naturelle et spontanée, alors que la société est un
ensemble artificiel et créé. Dans la communauté, il y a intégration des éléments alors
que dans la société, il y a addition de ceux-ci.
56
Ainsi, la distinction entre ces concepts ne relève pas seulement d’un simple
problème terminologique, sinon d’une réelle différence conceptuelle. Le débat qui s’en
est suivi n’a jamais été clos quant à la préférence dans l’usage de l’un ou de l’autre.
57
sens que Hedley Bull, l’un des membres influents de cette Ecole Anglaise, considère la
société internationale comme « un groupe d’Etats qui, conscients de certains intérêts et
valeurs communs, se conçoivent comme étant liés par un ensemble de règles communes
dans leurs relations réciproques et participent au bon fonctionnement d’institutions
communes »100.
Par conséquent, la société internationale se caractérise par des traits qui ne sont
pas ceux d’une association contractuelle, mais au contraire, des traits d’une relation de
domination que certains Etats exercent sur d’autres.
britannique parallèle à « American Rockefeller Committee » formé dans son temps par Hans
Morgenthau, Reinhold Niebuhr, Arnold Wolfers, Kenneth Waltz.
100
. BULL, H., The Anarchical Society. A Study of Order in World Politics, Londres, MacMillan,
1995 (1ère éd. 1977), p. 13.
101
. BULL, H., The Anarchical Society, op. cit., p. 13 Idem.
58
l’état de nature va avec retard par rapport aux réalités internationales ; de l’autre côté, la
théorie de la communauté internationale va avec avance par rapport à son temps102.
L’existence des intérêts communs aux Etats ne constitue pas un argument assez
suffisant pour parler de l’existence de la communauté internationale. Il faut que ces
intérêts soient crus, sentis et interprétés de la même manière, c’est-à-dire, qu’il y ait
aussi une union dans les idées.
. COLARD, D., Les relations internationales, Paris, Masson, 3ème éd., 1987, pp. 26-27.
102
Economica, 1987.
59
L’usage des concepts « communauté internationale » et « société internationale »
se justifie surtout par ce fait que les relations internationales se meuvent sur deux
principes souvent opposés : le principe de l’hégémonie et celui de l’équilibre, ce dernier
émergeant quand une puissance n’a pas pu imposer son hégémonie. Pour autant,
pendant la période de l’hégémonie, les relations internationales se meuvent dans une
communauté internationale pour céder place à la société internationale quand cette
hégémonie est rompue à la faveur de l’équilibre.
De tout ce débat, nous pouvons au moins retenir que dans la vie internationale, il
y a lieu de rencontrer, d’une part, des aspects qui consolident l’image d’un monde
fonctionnant comme une société internationale, et d’autre part, des traits qui renforcent
la position de ceux qui s’inclinent pour le concept de communauté internationale.
C’est pour autant affirmer que nous sommes face à une société internationale
immergée dans un processus qui évolue vers une communauté internationale dès lors
qu’elle présente des caractéristiques de cette communauté bien que sa configuration ne
présente pas encore un cadre où peut se mouler correctement et totalement cette
communauté.
La présence des conflits ou même des guerres entre les Etats ne constitue pas un
obstacle à l’idée de communauté internationale, car à partir des intérêts de chaque Etat,
peuvent se développer des solidarités et des intérêts communs à tous les Etats, lesquels
justifient, dans une certaine mesure, l’existence d’une communauté internationale.
Il faut signaler que depuis les années 70, les travaux de certains internationalistes
et spécialistes en Economie politique Internationale 105 avaient mis en exergue
l’existence dans la société internationale des acteurs non étatiques et de l’influence de
leurs activités dans la politique internationale. Cette remarque pointait le fait que la
communauté internationale est en évolution constante et ne doit plus être circonscrite
seulement aux Etats, dès lors qu’elle inclut aussi d’autres sujets de droit international,
104
. Voir Hermann MOSLER, The international society as a legal community, Alphen aan del
Rijn, Sijhoff & Noordhoff, 1980, p. 2.
105
. A ce propos, vid., BURTON, J. W., World Society, Cambridge, Cambridge University Press,
1972 ; MANSBACH, R. W., FERGUSON, Y. H., LAMPERT, D. E., The Web of World
Politics. Non-State Actors in trhe Global System, Englewood Cliffs, NJ, Prentice Hall, 1976; et
également les travaux de KEOHANE, R.O. et NYE, J.S., Power and Interdependence: World
Politics in Transition, Boston Mass. Little & Brown, 1997; ROSENAU, J. N., The Study of
Global Interdependence : Essays on the Transnationalization of World Affairs, Londres, Pinter,
1980.
60
c’est-à-dire, des acteurs non étatiques, y compris l’individu, étant donné que ce droit
international régule les relations et reconnaît les droits ainsi que les obligations de ces
entités non étatiques, et en particulier, l’être humain.
. Vid., BUZAN, B., From International to World Society. English School Theory and the
106
Social Structure of Globalization, Cambridge, Cambridge University Press, 2004.; SHAW, M.,
“Global Society and social responsibility : The theoretical, historical and political limits of
“International Society””, in Millenium: Journal of International Studies, Vol. 21, nº 3, 1992, pp.
421-434.
61
En effet, la notion de « communauté internationale » est devenue l’expression la
plus utilisée en droit international. Des fréquentes références y sont faites dans des
diverses résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies, dans la jurisprudence
internationale et dans certaines conventions internationales comme c’est le cas de la
Convention de Vienne sur le Droit des Traites de 1969.
« Dans le champ des relations sociales, il faut entendre par acteur toute autorité,
tout organisme, tout groupe et même toute personne susceptible de jouer un rôle. Dans
le domaine des relations internationales, on peut considérer comme acteurs les entités
dont l’action dépasse le cadre des frontières d’un Etat et qui donc participent activement
aux relations et communications traversant les frontières »107.
Pour que l’on parle d’acteur, il faut que l’on soit en présence d’une entité
sociale, structurée ou d’un individu tirant son appui d’une quelconque organisation ou
promouvant un idéal reconnu.
L’Etat est une entité qui exerce un pouvoir souverain sur un territoire déterminé
habité par une population, et jouissant d’une reconnaissance internationale. La
souveraineté de l’Etat se réfère à l’absence dans ses relations politiques d’autorité
supérieure à lui pouvant s’afficher dans la circonscription territoriale où son autorité est
exercée.
Par ailleurs, un Etat doit avoir une population rattachée à lui par un lien
spécifique communément appelée la nationalité. Enfin, tout Etat a besoin de la
reconnaissance d’autres Etats pour pouvoir jouir de tous les droits que le statut lui
confère sur le plan international.
62
Trois facteurs concourent à cette réalité de superpuissance :
- la capacité de destruction massive et planétaire acquise grâce au développement
sur une large échelle d’armes nucléaires ;
- la capacité d’influer sur les relations internationales dans sa totalité, c’est-à-dire,
d’être potentiellement concerné par tout changement ;
- l’impossibilité d’être vaincu par aucune coalition de forces, sauf si parmi cette
coalition se trouve l’autre superpuissance.
Après cette catégorie des superpuissances, vient celle des grandes puissances.
Celles-ci influent sur le système international sans toutefois le dominer. Elles aspirent
souvent à jouer un rôle mondial, mais leurs capacités réelles ne leur permettent qu’une
influence limitée à une région ou à un secteur donné108.
Viennent après des Etats dont l’incidence en termes de puissance est faible et
même négligeable sur leur environnement immédiat. Toutefois, ces Etats peuvent se
doter des moyens capables de préserver leur indépendance et leur intégrité territoriale.
Viennent enfin des micro-Etats qui sont en principe dans l’incapacité de faire
respecter leur souveraineté par leurs propres moyens.
Cette stratification n’est pas figée. Elle est, au contraire, dynamique de sorte que
les frontières entre les différentes catégories sont reconnues mouvantes dès lors que
beaucoup d’Etats déploient des efforts pour acquérir des puissances et passer à la
catégorie supérieure.
2.1.- Concept
63
conduite des Etats et sur la marche des relations internationales, contrôlant ainsi le
comportement de ces Etats et garantissant la coopération internationale. L’architecture
institutionnelle de l’après-guerre est le témoin d’une véritable prolifération de ces
organisations internationales.
109
. VIRALLY, M., “Définition et classification des organisations internationales: approche
juridique”, ien ABI-SAAB, G., (dir.), Le concept d’organisation internationale, UNESCO,
Paris, 1980, p. 52. Et aussi COLARD, D., op. cit., p. 91.
110
. BRAILLARD, P., DJALILI, M.-R., op. cit., p. 39.
111
. BRAILLARD, P., DJALILI, M.-R., « Les organisations internationales du Tiers Monde :
vers l’élaboration d’un nouveau cadre d’analyse », en Etudes Internationales, Vol. 16, 1985, pp.
493-504.
64
2.3.- Classification des organisations internationales gouvernementales
65
Trois critères cumulatifs permettent de distinguer les organisations non
gouvernementales d’autres organisations 112:
- Le caractère international de leur composition et de leurs objectifs ;
- Le caractère privé de leur constitution ;
- Le caractère bénévole de leurs activités.
Bien que, par essence, les ONG n’appartiennent pas au système interétatique,
toutefois, par souci de légitimation et d’efficacité, elles cherchent à entrer dans le jeu
des relations interétatiques. C’est dans ce sens que beaucoup d’ONG ont obtenu un
statut consultatif auprès des organisations internationales gouvernementales.
Leur capacité d’action est restée la plus importante dans les domaines qui
n’empiètent pas directement la souveraineté et les intérêts vitaux des Etats, tels que la
culture, le développement, la science, etc. Nonobstant, les ONG sont parfois capables
d’exercer une influence dans des domaines plus politiques, s’ingérant de cette manière
dans le champ réservé des Etats. Elles le font en s’appuyant sur les opinions nationales
et internationales. Il en est ainsi des questions relevant des droits de l’homme et de
l’aide humanitaire113.
Les sociétés multinationales sont aussi considérées, et à juste titre, comme des
acteurs des relations internationales. Ce sont des entreprises à but lucratif ayant un
champ d’activité couvrant plusieurs pays dans lesquels sont installées leurs filiales alors
que le centre de décision et de contrôle est situé dans le pays d’origine.
Aujourd’hui, ces entreprises couvrent des secteurs les plus divers allant de
l’exploitation des matières premières aux prestations des services de toutes sortes,
bancaires ou financiers.
Trois rôles potentiels pouvant être joués par les entreprises multinationales dans
la vie internationale, peuvent être relevés 114:
- Un rôle d’acteur économique de premier plan, en raison de leurs moyens, de
leurs dimensions, de leur non dépendance de l’étroitesse d’une économie
nationale ;
- Un rôle propre, d’avoir une influence politique directe sur les gouvernements et
la politique des pays dans lesquels elles sont établies. Cette influence pourrait
être assimilée à une forme de diplomatie privée si elle s’exerce sans passer par le
canal du gouvernement du pays dans laquelle l’entreprise multinationale a son
siège ;
- Un rôle instrumental au service de la politique étrangère de l’Etat dans lequel
elle a son siège. Le gouvernement de cet Etat peut alors utiliser à son profit le
pouvoir que peut avoir la multinationale du fait de son champ d’opération qui
traverse plusieurs frontières nationales.
112
. Voir « La contribution des organisations non gouvernementales à la formation et à
l’application des normes internationales », en BETTATI, M., et DUPUY, P.- M., (dir.)., Les
ONG et le droit international, Economica, Paris, 1986, pp. 1-21.
113
. BRAILLARD, P., et DJALILI, M.-R., op. cit., pp. 49-50.
114
. BRAILLARD, P., et DJALILI, M.-R., op. cit., Idem., pp. 52-53
66
IV.- LA POLITIQUE ETRANGERE DES ETATS
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
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4ème éd, 1991.
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- FLEMMING, D. F., The Cold War and its Origins, 1917-1960, New York,
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67
- ________________, Histoire de la guerre froide 2. De la guerre de Corée à la
crise des alliances, 1950-1971, Paris, Fayard, 1976.
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Editions Complexe, 1999.
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Western Europe, 1947-1952, New York, Cambridge University Press, 1987.
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- HOWARD, M., The causes of War and Other Essays, Cambridge, Cambridge
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68
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- WEXLER, I., The Marshall Plan revisited: The European recovery program in
economic perspective, Westport, Greenwood, 1983.
QUESTIONNAIRE
69
1.- Que signifient pour vous les accords de Locarno ?
2.- Quel est le contenu substantiel du Pacte Briand-Kellog ?
3.- Quelles furent les allégations brandies par le Japon pour abandonner la Société des
Nations ?
4.- Que savez-vous du Traité de Rapallo et quelles sont les motivations cachées ayant
déterminé les signataires à conclure ce traité ?
5.- Que signifient pour vous ces termes : Triple Alliance, Triple Entente, Forces de
l’Axe et Forces alliées ?
6.- Que savez-vous du Pacte anti-Komitern ?
7.- Que savez-vous du Pacte d’Acier ?
8.- Que savez-vous du Pacte de non-agression entre l’Allemagne et l’URSS ?
9.- Que savez-vous du Pacte tripartite de 1940 ?
10.- Que savez-vous du « Plan Barbarossa » et les prétextes brandis par Hitler pour le
justifier ?
11.- Quel fut l’ordre du jour de la Conférence de Téhéran ?
12.- Quel fut l’ordre du jour de la Conférence de Yalta ?
13.- Quelles furent les décisions prises à la Conférence de Potsdam ?
14.- Quels sont les buts de l’ONU ?
15.- Quels sont les principes de l’ONU ?
16.- Que savez-vous de la fonction du Secrétaire Général de l’ONU ?
17.- Quel est le contenu de la doctrine Truman ?
18.- Quelles sont été les principales manifesttions de la guerre froide ?
19.- Qu’entendez-vous par le dilemme de sécurité entre les deux superpuissances ?
20.- Quelles sont les motivations et décrivez le contexte ayant justifié la création de
l’OTAN ?
21.- Que savez-vous de la guerre de Corée ?
22.- Que savez-vous du Traité de défense mutuelle avec le Japon ?
23.- Que savez-vous de l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est ?
24.- Que savez-vous de la guerre de Suez ?
25.- Quel contenu donnez-vous à la doctrine Eisenhower ?
26.- Parlez de la coexistence pacifique ?
27.- Pourquoi les nations du monde en leur majorité plaident pour la réforme de
l’ONU ?
70
BIBLIOGRAPHIE
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74
UNIVERSITE DE MBUJIMAYI
DEUXIEME PARTIE
75
COURS EN PREMIERE LICENCE DES RELATIONS INTERNATIONALES
INTRODUCTION
Cette préoccupation est d’autant plus légitime que sans cette démarche, il serait difficile
de comprendre le comportement et la conduite de certains Etats face à des enjeux
importants, conjoncturels ou permanents, qui émaillent la politique internationale. Cette
même démarche retrouve également son importance pour un Etat à l’heure de concevoir
sa politique étrangère dès lors que celle-ci doit s’étoffer d’un contenu prenant en
considération les grandes préoccupations de la politique interne à mettre au diapason
avec les données de la politique internationale avec finalité de trouver des gains en
fonction de ces données.
Dès lors, le cours de théories des relations internationales a comme but de parcourir de
manière analytique et rationnelle les grandes conceptions des relations internationales,
lesquelles ont cherché à schématiser ces relations pour aboutir à une photo instantanée
et simplifiée qui résume la nature de ces relations internationales.
76
Cependant, ces relations sont dynamiques et mouvantes à telle enseigne que prétendre
les définir à travers une photo instantanée et unique est une aberration. Pour autant,
plusieurs conceptions de ces relations internationales sont décrites aujourd’hui dans
différentes études sur le thème. Elles rivalisent en arguments sans toutefois prétendre
tant les unes que les autres au primat de la vérité pour occuper le trône pour avoir donné
l’explication finale et totalement convaincante de la réalité des phénomènes
internationaux.
C’est pour autant dire que les relations internationales sont parfois interprétées suivant
les idéologies des analystes de cette matière ou des auteurs, ou suivant les circonstances
du moment. Ces conceptions gardent chacun sa valeur scientifique, mais n’arrivent pas
à expliquer en un schéma simplifié ou une théorie unique la totalité des phénomènes
internationaux.
CHAPITRE
Les grandes conceptions des relations internationales sont des courants à travers
lesquels peuvent être interprétées, schématisées, lues et comprises les relations
internationales contemporaines. Certains auteurs ramènent ces courants à ce qu’ils
appellent «théories » ou « modèle théorique », d’autres parlent des « paradigmes »,
d’autres encore d’ « école », d’autres encore mieux de « débat ». Mais, la démarche
reste la même dès lors que les efforts déployés tant par les uns que les autres tendent à
conceptualiser et à lire à travers un cadre simplifié et compréhensible les relations
internationales.
77
En effet, les théories ont la vertu de rendre compréhensible une réalité
complexe115. Etant aussi complexes, mouvantes et souvent insaisissables, les relations
internationales ont également besoin d’être captées à travers des lentilles réductrices.
L’image que nous transmettent ces lentilles est assimilable à la théorie. Plus il y a
d’images que ces lentilles peuvent nous transmettre à partir de l’approche ou de l’angle
où elles sont placées, plus il y a des théories.
Le réalisme plonge ses racines dans une longue tradition qui remonte à
l’Antiquité avec Thucydide, et prend une forme particulièrement structurée au XVIIè
siècle dans des œuvres de Thomas Hobbes. Cette vision met l’accent sur l’aspect
conflictuel qui caractérise les relations internationales et l’anarchie comme trait
fondamental de la société internationale.
115
. LANDAU, A., Théorie et pratique de la politique internationale, L’Harmattan,
Paris, 2006, p. 7.
116
. ARON, R., “Qu’est-ce qu’une théorie des relations internationales? », en Revue
française de Science Politique, Vol. XXVII, nº 5, 1967, pp. 837-861.
78
En tant que paradigme des relations internationales, le réalisme contemporain
s’est développé comme opposition à une vision idéaliste de ces relations, vision qui
apparaît à la fin de la Première Guerre mondiale. Le postulat fondamental de l’idéalisme
repose sur la conviction selon laquelle les conflits violents entre Etats peuvent être
évités par une transformation de la réalité interétatique assise sur le règne du droit,
l’injonction de la morale dans la vie internationale et l’extension de la démocratie.
Le projet idéaliste tourne autour de la sécurité collective dont les grands axes
sont la renonciation volontaire à la guerre comme instrument de politique internationale,
le désarmement et la réorganisation de la vie internationale de manière volontariste et
rationnelle.
Les réalistes ont dominé les relations internationales depuis la Seconde Guerre
mondiale. Elles considèrent l’univers politique mondial comme anarchique. Et ce
caractère anarchique du monde propulse la concurrence et le conflit entre les nations, au
même moment qu’il inhibe leur volonté de coopérer même lorsque ces nations partagent
des intérêts communs. La vision pessimiste qu’elles ont du système international pousse
à ce rejet118.
Décrivant les relations internationales comme anarchiques dès lors qu’elles sont
alimentées par des Etats se réclamant souverains et qui ne reconnaissent pas une autorité
politique supérieure et dont les interactions sont guidées par la recherche de l’intérêt
général, les réalistes définissent ces relations internationales comme conflictuelles.
L’état de nature décrit par Thomas Hobbes dans Le Léviathan (1651), dans lequel les
hommes vivent ensemble sans un pouvoir commun qui puisse les intimider, animés
. ROCHE, J.-J., Les théeories des relations internationales, op. cit., Ed.
118
79
constamment par un instinct de défense et d’obtention de la gloire, est un état de conflit
perpétuel. Cet état de nature est extrapolé au niveau des relations entre Etats.
L’indépendance, la souveraineté et l’envie incessante qui caractérisent ces Etats
conduisent à la prémisse « bellum omnium contra omnes ». Les relations internationales
sont ainsi identifiées à l’état de nature. Les réalistes considèrent la destruction de
l’ennemi comme l’objectif final, acceptant tant la guerre préventive que la guerre
illimitée comme moyen d’atteindre cet objectif119.
Dans son ouvrage Politics among Nations. The struggle for Power and Peace,
publié en 1948, Hans Morgenthau considère les relations internationales comme
conflictuelles du fait des pulsions agressives qui accompagnent la nature humaine, et
aussi de la nature anarchique du système international, caractérisé par l’absence de toute
autorité capable d’imposer à ses membres un ordre contraignant.
L’Etat est l’acteur principal et central des relations internationales, et dans ses
rapports avec les autres Etats, chaque Etat est mû par la recherche de l’intérêt national
exprimé en termes de puissance. Pour autant, les relations internationales acquièrent
leur dynamique à travers l’évolution du rapport des forces entre les Etats.
Pour les réalistes, le conflit est inhérent aux relations entre les Etats, cela
constitue leur milieu existentiel. C’est pour cela que la politique est pour ces réalistes,
un lieu de conflits dans lequel un acteur doit démontrer sa force. La survie est le but
fondamental des Etats. Celle-ci dépend de la possession de plus de capacités que les
concurrents, et le plus souvent des capacités d’ordre économique et politique120.
Bien mises à profit, ces capacités amènent l’Etat à la puissance définie comme « la
capacité d’un acteur pour créer une conjoncture qui lui soit favorable »121 ou « la
capacité de modifier la volonté d’autrui »122. Dans ce sens que Morgenthau arrive à
affirmer que la politique internationale est un « effort continuel pour maintenir et
accroître la puissance de sa propre nation et pour restreindre ou réduire la puissance des
autres nations »123. La puissance est l’objectif premier de la politique internationale.
119
. WIGHT, M., International Theory: The Three Traditions, Leicester, Leicester
University Press, 1991.
120
. ROSENAU, J., Turbulence in World Politics. A Theory of Change and continuity,
Princeton University Press, Princeton, 1990, p. 191.
121
. Définition de Braudel cité par LANDAU, A., op. cit., p. 18.
122
. Définition de Robert Keohane cité par LANDAU, A., op. cit., p. 10.
123
. MORGENTHAU, H., Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace,
New York, Alfred A. Knopf, 2ème éd., New York, 1948, p. 211.
80
La notion de puissance est au centre des relations internationales. Autour d’elle,
se construisent les différentes catégories de systèmes : unipolaire, bipolaire ou
multipolaire. Pour cela, les réalistes placent l’Etat au centre de leur théorie, mais
n’ignorent pas les autres acteurs, individuels ou collectifs. Mais, ces acteurs non
nationaux sont dépourvus de tout intérêt.
Les Etats forts jouent un rôle de premier plan alors que les Etats faibles doivent
se replier dans un monde dominé par les plus forts en s’isolant ou en s’alliant aux plus
puissants.
C’est sur la base d’une compréhension et d’une reconnaissance de ces lois, c’est-
à-dire, de la nature anarchique et conflictuelle des relations internationales, et non à
partir d’un idéal abstrait qui refuse de prendre ces lois en considération, que doit être
selon Morgenthau, conduite la politique étrangère des Etats.
1.2.- Le néo-réalisme
81
relations internationales, cette fois-ci avec d’autres auteurs qui l’enrichissent avec de
nouveaux apports théoriques de telle manière qu’il est permis de parler du néo-réalisme.
En effet, les travaux de Kenneth Waltz, John Gerard Ruggie et Robert Gilpin
amènent de nouvelles thèses qui s’éloignent de celles de Morgenthau. Ces auteurs
rejoignent implicitement Raymond Aron dans leur insistance sur la nature anarchique
du système international, et en faisant un usage modéré des concepts d’ »intérêt
national » et de « puissance ».
82
D’autres acteurs, surtout les sociétés multinationales, ont émergé sur la scène
internationale et limité la marge de manœuvre des Etats.
Cette vision des relations internationales a pris forme dans les travaux de Rudolf
Hilferding, Nicholai Boukharine, Rosa Luxemburg et Lénine, lesquels ont cherché à
expliquer l’expansion coloniale de la fin du XIXème siècle ainsi que des conflits qui se
développent entre les puissances impérialistes131.
128
. KAISER, K., “Transnational Politics: Towards a Theory of Multinational Politics”,
en International Organization, Vol., 25, 1971, pp. 790-817.
129
. MITRANY, D., A Working Peace System, Quadrangle Books, Chicago, 1966.
130
. Voir HAAS, E. B., Beyond the Nation-State. Functionalism and International
Organization, Stanford University Press, Stanford, Calif., 1964, et aussi MORSE, D.,
“The Politics of Interdependence”, en International Organization, Vol. 23, 1969, pp.
311-326.
131
. LENINE, V., L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Editions Sociales,
Paris, 1971.
83
Selon Lénine, l’impérialisme est beaucoup plus qu’un simple phénomène
d’expansion coloniale. Il est la conséquence directe du développement des monopoles
et, en particulier, du développement du capital financier, processus qui est à l’origine
d’une lutte de plus en plus âpre sur la scène mondiale pour l’écoulement des surplus, le
contrôle de nouvelles sphères d’investissement, ainsi que l’approvisionnement en
matières premières. Le conflit entre les puissances impérialistes est donc inscrit au cœur
même du développement du capitalisme et de sa lutte pour la survie. Le partage des
zones d’influence, des intérêts et des colonies entre Etats impérialistes se fait
nécessairement par la force, et aussi en fonction des rapports de force132.
Selon cette théorie, le monde est divisé en trois groupes d’Etats : le groupe des
pays hégémoniques réunissant les deux superpuissances, le groupe des puissances
industrielles capitalistes incluant l’Europe et le Japon, et enfin, le groupe des pays du
Tiers Monde, parmi lesquels la Chine.
132
. LENINE, V., op. cit., Idem., pp. 107-108
133
. KAPTCHENKO, N., « La méthodologie marxista-léniniste en matière d’analyse des
relations internationales et de la politique extérieure », en La vie internationale, juillet
1984, p. 118.
134
. LYNCH, A., The Soviet Study of Innternational Relations, Cambridge University
Press, Cambridge, 1987.
84
pays du Tiers Monde. Ce courant est représenté par Paul Baran, Paul Sweezy, Samir
Amin, Pierre Jalee et Arghiri Emmanuel135.
Dans ces conditions, pour pouvoir survivre, le capitalisme doit s’appuyer sur
l’exploitation d’une périphérie afin d’y exporter ses capitaux qui y obtiennent des taux
de profits plus élevés, afin aussi d’y écouler une parte de sa production et de s’assurer
des sources d’approvisionnement en matières premières136.
CHAPITRE II
Il est vrai que chacun de ces paradigmes touche à des vérités qui éclairent
certaines réalités ou certains aspects des relations internationales. Néanmoins, aucun
d’eux n’est à mesure d’expliquer de manière satisfaisante et globalisante la complexité
du champ des relations internationales.
85
Le paradigme de l’interdépendance attire, quant à lui, l’attention sur la croissance de
l’interdépendance entre les diverses sociétés à l’époque contemporaine, laquelle
favorise, dans les domaines économique, technique et culturel, l’émergence d’acteurs
autres que l’Etat et de forces transnationales de divers ordres.
. Idem.
139
86
n’a pas conduit à la disparition de la primauté de l’Etat ainsi qu’à l’atténuation de la
dimension conflictuelle de ce système.
En effet, l’interdépendance décrite plus haut ne suppose pas des relations de dépendance
mutuelle équilibrée entre des sociétés de dimensions et de niveaux de développement
différents ; mais au contraire, des relations de déséquilibre, marquées en filigrane d’un
cachet de puissance et d’influence qui amènent à une domination tacite des uns par les
autres.
Face à cette tendance réductionniste des paradigmes et à leur incapacité à donner une
explication globale des phénomènes des relations internationales, plusieurs chercheurs
anglo-saxons se réclamant du postpositivisme, du poststructuralisme ou encore du
postmodernisme, rejetaient en bloc, dès la fin des années 1980, toutes les traditions
intellectuelles ayant marqué, au cours de ces dernières décennies, les débats
paradigmatiques, et adoptaient par conséquent, une position dissidente.
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UNIVERSITE DE MBUJIMAYI
91
THEORIES ET DOCTRINES DES RELATIONS INTERNATIONALES
INTRODUCTION
92
L’histoire des relations internationales depuis la 1 ère Guerre mondiale, et bien même
avant celle-ci, jusqu’à l’ère contemporaine, est émaillée des doctrines qui résument plus
ou moins l’état des relations internationales de l’époque en ce qui concerne la conduite
de la politique extérieure de certains Etats, surtout celles des puissances, ainsi que les
problèmes liés à la gestion de la paix et la consolidation de la sécurité internationale.
Un premier constat laisse entrevoir que ces doctrines sont souvent le produit des
politiques extérieures des Etats qui se disputent le contrôle de la gestion de ce monde et
qui ont longtemps marqué le système international qualifié de bipolaire. Nous faisons
allusion aux Etats-Unis d’Amérique et à l’ancienne Union Soviétique. Le deuxième
constat fait ressortir le fait que la majorité de ces doctrines sont émises par les différents
Présidents qui se sont succédé à la Maison Blanche confirmant, de cette manière, le
leadership américain quant à l’orientation et la conduite de la politique internationale.
Dès lors, la politique internationale est pleine de ces doctrines qui démontrent, non
seulement le souci de cohérence, dont ont fait montre certains gouvernements dans la
conduite de leur politique extérieure, mais aussi un avertissement aux autres Etats, dès
lors que ces doctrines sont toujours porteur d’un message voilé exprimant la volonté et
le ton que l’on veut imprimer aux relations internationales en général ou dans un
domaine déterminé.
Comme nous l’avons dit, les doctrines en relations internationales abondent surtout dans
la formulation de la politique extérieure. Mais, elles font aussi acte de présence dans la
conception des stratégies militaires. La paix et la sécurité internationale étant l’un des
objectifs fondamentaux des Nations unies et un des champs de recherche privilégiés de
la discipline des relations internationales, cette étude ne pourrait passer sous silence
l’analyse des doctrines militaires, considérant ainsi celles-ci comme faisant partie du
champ des relations internationales.
Etudier les doctrines en relations internationales équivaut à faire une analyse de ces
différents instruments que nous pouvons considérer comme des lignes de conduite que
certaines personnalités ou certains gouvernements sont arrivés à concevoir et à imposer
comme cadre de référence dans leurs actions de politique internationale.
Si la doctrine en relations internationales reste l’idée que l’on se projette comme cadre
de référence qui doit servir de fondement à l’attitude, au comportement ou à la politique
étrangère que l’on adopte, la théorie en relations internationales est l’idée que l’on se
fait, l’image que l’on a sur la tendance que prennent les relations internationales.
. Cité par LE GUELTE, G., “Plaidoyer pour une doctrine”, en La revue internationale
140
93
Dans le domaine militaire, la notion de doctrine revêt presque ce même sens dès lors
qu’elle se réfère aux « principes fondamentaux par lesquels les forces armées ou
certains de leurs éléments guident leur action en soutien des objectifs nationaux »141.
Dans ce cas, il ne s’agit pas d’un cadre de référence pour la politique étrangère, mais
plutôt pour des stratégies militaires.
Par conséquent, la doctrine fournit aux militaires des indications sur les types de
menaces auxquelles ils doivent faire face et sur les orientations du pays en fonction
desquelles ils peuvent élaborer des plans d’opérations. De cette manière, elle précise la
nature et l’ampleur des moyens dont disposent les forces armées, ainsi que les
conditions de leur emploi.
La doctrine militaire est aussi un message vers les autres acteurs étatiques, et
constitue pour autant un avertissement envers ceux-ci sur ce qu’ils ne doivent pas faire
s’ils ne veulent pas provoquer des réactions plus ou moins violentes.
Une doctrine est d’abord destinée à l’opinion publique. Elle décrit la façon dont
le gouvernement perçoit la situation internationale, ce qu’il l’intention d’entreprendre et
les efforts que cela va exiger142. Plus qu’un instrument de propagande, la doctrine est un
instrument d’information sur une situation déterminée et surtout la possible tendance
vers laquelle peut s’incliner la solution à ladite situation.
Pour autant, la doctrine crée une culture dans l’opinion publique et prépare celle-
ci à des supputations qui puissent concorder avec l’action du gouvernement. Plus
l’opinion y adhère, plus la réalisation des objectifs du gouvernement dans le même
domaine ne pose pas des problèmes.
La Doctrine Monroe est l’une des plus vieilles doctrines de la politique extérieure des
Etats-Unis. Elle résume l’idée contenue dans la déclaration faite devant le Congrès
américain le 2 décembre 1823 par le Président James Monroe. Celle-ci constitue la
première formulation explicite de la diplomatie américaine. Elle proclamait le non-
engagement des Etats-Unis dans les guerres européennes de nature interétatique ou
civile, au moment même où elle considérait l’Amérique Latine comme une zone
141
. Department of Defense, Dictionary of Military and Associated Terms, Washington,
D.C., US GPO, 1984, p. 113.
142
. LE GUELTE, G., op. cit., p. 48.
94
d’influence naturelle des Etats-Unis pour y interdire, par conséquent, toute intervention
européenne.
Les Etats-Unis considéraient toute tentative de la part des puissances européennes pour
étendre leur système ne fût-ce qu’à une portion quelconque de cette partie de la planète
comme dangereuse pour leur paix et leur sécurité. Cette interdiction faite aux puissances
européennes d’intervenir en Amérique Latine exprimait l’ambition des Etats-Unis de
faire de cette région sa chasse gardée.
Il faut bien souligner que la Doctrine Monroe a été lancée au moment où l’Espagne,
face à ses colonie révoltées d’Amérique, pensait faire appel à la Sainte Alliance pour
récupérer la situation143. La Doctrine Monroe exprimait la volonté du Nouveau monde
de s’affirmer de façon autonome loin des tentatives de domination des puissances
européennes qui considéraient les Amériques depuis le siècle des découvertes comme
un espace ouvert à leur conquête144. La Doctrine prétendait réserver « l’Amérique aux
américains », de telle manière qu’elle semblait être une doctrine fondée sur le principe
de non-ingérence145.
La Doctrine Monroe avait bien fonctionné durant cette époque grâce non pas à la
capacité de dissuasion des américains, mais au rôle d’équilibreur de facto joué par la
force navale britannique, désireuse au nom du statu quo d’empêcher toute intrusion
européenne sur le continent américain146.
Il n’est pas à confondre la Doctrine Monroe avec l’isolationnisme pur, dès lors que les
Etats-Unis n’ont jamais renoncé de manière explicite à une intervention dans
l’hémisphère occidental si leurs intérêts étaient menacés. C’est d’ailleurs l’interprétation
dont fera l’objet plus tard la Doctrine Monroe pour expliquer les interventions
américaines dans le monde occidental durant la guerre froide, notamment l’attaque
japonaise sur Pearl Harbor. Beaucoup d’analystes considèrent cette politique
interventionniste comme une rupture avec la Doctrine pour parler de la Doctrine
d’endiguement. Cependant, d’autres considèrent l’endiguement comme une
continuation de la Doctrine Monroe lato sensu147.
Pour autant, la Doctrine Monroe déclarait l’isolement des Etats-Unis, mais sans
renoncer à des interventions limitées sur le plan régional (Amérique du Nord et du Sud)
et dans l’hémisphère occidental, ni renoncer non plus à des relations commerciales,
culturelles ou intellectuelles avec l’Europe, la Chine ou le Japon.
95
l’isolationnisme peuvent encourager l’autarcie dans le secteur économique,
technologique ou culturel, refuser des alliances et les engagements diplomatiques et
militaires qu’elles impliquent, ainsi que la participation à des organisations
internationales, à des interventions militaires et rejeter même les velléités
d’expansionnisme.
Ce sens précis d’isolationnisme a été celui qui avait accompagné la politique extérieure
de certains Etats à des différentes périodes de leur histoire, comme a été le cas du
Royaume Uni, la Suisse, le Japon et la Chine. Cependant, l’isolationnisme aux Etats-
Unis signifiait une opposition à l’entrée en guerre de ce pays en dehors occidental,
lequel incluait l’Amérique du Nord et du Sud ainsi que l’Europe.
96
bonne volonté de Staline et comptait beaucoup sur lui dans la création d’un nouvel ordre
international post-guerre qu’il voulait stable.
En outre, après que le Japon eut capitulé le 14 août 1945, cinq jours après que les
troupes américaines eussent lancé la deuxième bombe atomique sur la ville de
Nagasaki, les liens solides dont avaient fait montre les trois puissances de la Grande
Alliance commencèrent à s’affaiblir. La méfiance prenait place entre les Etats-Unis et
l’Union Soviétique. Ce qui explique l’échec de la Conférence de Londres tenue en
septembre 1945 entre les ministres des Affaires Etrangères de trois pays (James Byrnes,
Mikhaïlovitch Molotov et Ernest Bevin) pour parler des traités de paix post-guerre.
En effet, le 22 février 1946, dans un long télégramme de 8.000 mots, George Kennan 148,
alors ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, avertissait le Département d’Etat de
l’hostilité soviétique envers le monde capitaliste, laquelle justifiait le système oppressif
et totalitaire que les communistes étaient en train d’imposer au peuple soviétique. Il
recommandait, par conséquent, que les Etats-Unis déploient des stratégies de contention
de l’expansion de la domination soviétique au-delà des frontières de cet Etat jusqu’à ce
que soit installé dans celui-ci un gouvernement plus modéré. C’était le début de la
doctrine Truman.
97
Le Président sollicitait au Congrès qu’il approuve la concession d’une aide de
300 millions de dollars à la Grèce et de 100 millions de dollars à la Turquie, avec
l’objectif que ces pays puissent résister aux tentatives d’expansion communiste. Cette
attitude traduisait non seulement la crainte de voir l’URSS provoquer l’avènement, en
Grèce et en Turquie, de régimes à sa dévotion, mais aussi les préoccupations des Etats-
Unis devant la montée des partis communistes, surtout, en France et en Italie. Il
s’agissait aussi d’amorcer une réflexion sur les raisons de l’attraction que le
communisme exerçait sur des pays dévastés par la guerre.
Comme l’ont souligné certains auteurs, la doctrine Truman marquait une rupture
avec l’isolationnisme préconisé par George Washington qui, à la fin du XVIIIème
siècle, conseillait à ses successeurs de ne pas intervenir dans les affaires extra-
américaines, une ligne de conduite que ne fut abandonnée momentanément que pendant
les deux guerres mondiales.
Elle marquait également une rupture avec l’illusion que se faisait Franklin D.
Roosevelt, pour qui la coopération avec l’URSS permettrait de construire un monde
pacifique et harmonieux. La réalité avait fini par montrer que l’URSS exploitait la
bonne volonté des Etats-Unis afin d’élargir sa zone d’influence par tous les moyens,
d’abord en Europe centrale, puis en Grèce et en Turquie, et enfin en Europe occidentale.
Il était donc temps de mettre fin à cette situation150.
Le Traité de Río était une alliance de durée indéterminée dont l’objectif principal était
de protéger les pays signataires de toute agression pouvant provenir des pays tiers, ou
même des pays qui l’ont signé. De cette manière, les Etats-Unis avaient réussi à créer
une zone de sécurité qui s’étendait de l’Amérique du Nord jusqu’à l’Amérique du Sud.
La création de l’Organisation des Etats Américains (OEA) à travers la signature le 30
avril 1948 à Bogota de la Charte constitutive de cette Organisation venait compléter ce
souci d’endiguement.
. MELANDRI, P., La politique extérieure des Etats-Unis de 1945 à nos jours, PUF,
150
98
La Doctrine Truman est aussi à la base de la conception et du déploiement du
Plan Marshall, du nom du général George Marshall qui, en janvier 1947, avait succédé à
James Byrnes comme Secrétaire d’Etat151. Le Plan consistait en un programme d’aide
économique massive évaluée à plus de 12 milliards de dollars et destinés à la
reconstruction de l’Europe détruite par la guerre. L’objectif poursuivi par le Plan
Marshall était d’accélérer la récupération économique de l’Europe pour garantir sa
stabilité politique et protéger les investissements américains dans la région, et de cette
manière, éviter le basculement de ce continent, principalement de l’Europe Occidentale,
dans la zone d’influence soviétique.
Bien que l’Union Soviétique elle-même fût invitée à être aussi bénéficiaire de ce
Plan ainsi que les pays de l’Europe de l’Est, elle le rejeta en demandant aux pays de
l’Europe de l’Est sous son influence à suivre son exemple. Et comme solution de
rechange, l’Union Soviétique annonçait le 5 octobre 1947 le lancement de son propre
programme d’assistance économique, dénommé Plan Molotov, base de la création du
COMECON.
C’est dans ce sens qu’en août 1949, les soviétiques réussissaient l’explosion de
leur première bombe atomique rompant ainsi le monopole dont jusque là jouissaient les
américains. Cinq mois plus tard, précisément en janvier 1950, Truman approuvait la
fabrication de la bombe de fission nucléaire ou bombe d’hydrogène dont les essais
d’explosion une fois finalisée sa fabrication, furent menés à bout en novembre 1952
donnant des résultats excellents.
. KISSINGER, H., Diplomacy, New York, Simon & Schuster, 1994, p. 494.
151
99
de départ de la création à Washington le 4 avril 1949 de l’Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord, plus ample et qui intégrait les Etats-Unis, le Canada et quatorze
nations européennes pour une défense mutuelle152.
En effet, l’article 5 du Traité stipule qu’une attaque contre un Etat signataire du Traité
sera considérée comme une attaque contre tous les membres de l’Organisation et fera
que ceux-ci répondent à toute agression de ce genre prenant des mesures appropriées,
tant individuelles que collectives.
Pour éviter que la perte de la Chine puisse être l’occasion pour l’Union
Soviétique de contrôler l’Extrême Orient, les Etats-Unis optèrent d’appuyer les
nationalistes chinois repliés sur Taiwan. C’est aussi dans ce sens que le secrétaire d’Etat
Dean Acheson qui avait pris la tête du Département d’Etat en remplaçant George
Marshall exposa le 12 janvier 1950 sa stratégie pour affirmer que la victoire
communiste en Chine ne constituait pas une menace pour la région asiatique. Il précisa
que le périmètre défensif des Etats-Unis s’étendait des îles Aléoutiennes en Alaska
jusqu’aux Philippines, en passant par le Japon et les îles Ryukyu. Le Japon devenait une
pièce essentielle pour la défense de l’Extrême-Orient, c’est-à-dire, une base avancée de
la puissance militaire américaine à l’Ouest du Pacifique. Plus tard, Taiwan le sera aussi.
100
l’OTASE reconnaissait aux Etats membres le droit de défendre et de protéger ces pays
en cas d’agression.
Le fait qu’en 1955 Nasser eût fait recours à l’Union Soviétique sollicitant une assistance
qui l’aiderait à attaquer Israël et que les soviétiques eussent répondu favorablement à
. BONIFACE, P., (dir.), Dictionnaire des relations internationales, Hatier Paris, 1996,
153
101
cette requête, provoqua de sérieuses préoccupations dans l’administration du Président
Eisenhower. Tchécoslovaquie, à la demande de l’Union Soviétique, se chargea de
ravitailler l’Egypte en armes, avions et chars de combat. En avril 1956, une alliance
militaire dirigée contre Israël fut signée entre l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Syrie et le
Yémen. En mai de la même année, Nasser rompait les relations diplomatiques avec la
Chine nationaliste pour reconnaître en même temps le régime communiste de Pékin.
Cette nouvelle donne politique dans la région obligeait les Etats-Unis à revoir leur
stratégie et à adopter une politique conséquente.
La doctrine Eisenhower faisait ainsi allusion à l’autorisation accordée par le Congrès 155,
le 5 janvier 1957, au Président Dwight Eisenhower d’utiliser la force au Proche-Orient
contre toute agression armée provenant de toute nation qui se trouverait sous l’influence
du communisme international et de fournir une assistance économique et financière à
tout pays ou tout groupe des pays du Moyen-Orient désireux d’en être bénéficiaire pour
opposer la résistance aux possibles avancées de l’Union Soviétique, étant entendu que
cette assistance pourra comporter l’emploi des forces armées américaines.
convertit en Doctrine Eisenhower fut approuvée avec 355 voix pour et 61 voix contre,
avec une dotation d’un montant de 200 millions de dollars annuels de prestation d’aide
économique et militaire aux pays du Proche-Orient.
102
préserver le monde libre de la menace communiste et de garantir la sécurité même des
Etats-Unis.
En février 1956, Nikita Khrouchtchev qui avait remplacé Joseph Staline à la tête du
Parti Communiste soviétique essaya de consolider son leadership en procédant à la
déstalinisation. Il exposa une série d’erreurs commises par son prédécesseur et
s’engageait à diriger le pays sur de nouvelles bases. C’est dans ce sens qu’en politique
extérieure, il reconnaissait que la guerre entre le capitalisme et le communisme n’était
plus inévitable, il fallait pour autant mettre en pratique une politique de « coexistence
pacifique ». Afin de donner du crédit à sa doctrine et convaincre l’Occident de sa bonne
foi, Khrouchtchev dissolvait le 17 avril 1956 le Kominform : le Bureau d’Information
des partis communistes et ouvriers qui regroupait depuis 1947 les partis communistes
des pays de l’Europe de l’Est, de France et de l’Italie.
1989, p. 86.
103
balistique de portée intermédiaire (IRBM). En 1957, il approuvait la fabrication d’un
autre type de missile ICBM, le Minuteman, propulsé par combustible solide.
En 1960, John Kennedy fut élu Président des Etats-Unis. En 1961, il prenait les
commandes du pays et héritait du Président Eisenhower plusieurs dossiers difficiles et
complexes qu’il devait gérer avec beaucoup de diplomatie pour éviter l’accroissement
de la tension entre son pays et l’Union Soviétique. Il dut faire face à la crise de Cuba
avec l’invasion du Baie des Cochons, la crise de Berlin de 1961 au cours de laquelle
Khrouchtchev permit le 13 août 1961 au gouvernement de l’Allemagne de l’Est de
commencer la construction du mur de Berlin pour séparer la partie orientale de celle
occupée par les puissances occidentales, et la crise des missiles au Cuba en 1962.
Paradoxalement, c’est au cours de cette période que les stratèges militaires américains
se mirent à considérer que la doctrine des représailles massives était suicidaire, dès lors
que l’usage des armes nucléaires contre l’Union Soviétique provoquerait une riposte
nucléaire qui pourrait aussi détruire les Etats-Unis.
Eu égard à cette observation, le Président Kennedy avait insisté sur le fait que les Etats-
Unis devaient posséder la capacité d’affronter une agression communiste à tous les
niveaux sans nécessairement un holocauste nucléaire. Pour autant, il croyait nécessaire
de donner aussi de l’importance à la diplomatie, aux opérations contre les guérillas et
aux forces conventionnelles. C’est dans ce sens qu’en 1962, Robert McNamara,
ministre de la défense sous l’administration Kennedy refusait une stratégie nucléaire
fondée sur la destruction des villes ennemies, objectif poursuivi par la doctrine des
représailles massives. Toutefois, McNamara prétendait mettre à la disposition du
Président une panoplie d’autres solutions au cas où échouait la dissuasion fondée sur la
menace des représailles massives.
Pour autant, McNamara proposait la poursuite des négociations pour mettre fin
au conflit, même après une première utilisation des armes nucléaires. Le cas échéant, il
fallait éviter l’utilisation immédiate de tout l’arsenal américain, et procéder par des
frappes graduées. De là, la « doctrine de la riposte graduée ». Il s’agit d’une stratégie
fondée sur une « réponse flexible » que finit par adopter le gouvernement Kennedy et
qui permettait aux Etats-Unis de répondre dans n’importe quelle partie du monde, à
n’importe quand avec des armes et des forces appropriées à la situation.
Pour lutter contre les guérillas communistes, et surtout en prévision d’une
implication beaucoup plus forte au Vietnam du Sud menacé par le communisme, le
Président Kennedy approuva la création d’une nouvelle force antisubversive, dénommée
« les bérets verts ». En juin 1963, quelques 114.000 officiers militaires américains et
quelques 7.000 étrangers avaient reçu une instruction antisubversive à l’Ecole des
Forces Spéciales de l’Armée à Fort Bragg, en Caroline du Nord. Toutefois, cette
importance accordée aux forces conventionnelles et antisubversives en vertu de la
104
Doctrine de la riposte graduée n’avait pas empêché que le gouvernement puisse
augmenter son arsenal nucléaire. A la fin de la décennie 1960, les Etats-Unis possédait
1.059 missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), 700 missiles balistiques lancés à
partir des sous-marins (SLBM) et plus de 500 bombardiers B-52, dont l’autonomie de
vol était encore plus grande.
105
Constatant l’échec du Programme, le Président et le Congrès avaient accepté de réduire
presque dans une proportion de 40 % les fonds destinés à l’Alliance pour le Progrès. En
mars 1964, Thomas Mann, sous-secrétaire d’Etat chargé des affaires interaméricaines,
communiquait aux ambassadeurs américains en Amérique Latine qu’au lieu de
promouvoir des réformes sociales, el gouvernement Johnson donnait désormais priorité
à la protection des investissements privés américains dans la région, lesquels étaient
évalués à 10 milliards de dollars. Pour autant, la carence des gouvernements
démocratiques forts dans la région obligeait au gouvernement Johnson à mettre plus sa
confiance dans l’élite militaire locale pour protéger ces investissements.
Par conséquent, pendant que diminuait le fonds destinés à financer l’Alliance pour le
Progrès, l’aide militaire aux gouvernements latino-américains augmentait. Le
gouvernement Johnson gardait l’espoir que cette aide qu’il concédait aux militaires
latino-américains évitait la nécessité d’intervenir de manière ouverte dans les affaires
internes de la région.
Vers la fin des années 1960, Leonid Brejnev lança une idée selon laquelle tous
les pays communistes devaient intervenir par les moyens dont ils disposaient pour
sauvegarder les acquis du socialisme dans un autre Etat où ces acquis se trouvaient
menacés. C’était une manière de justifier l’entrée des troupes du Pacte de Varsovie en
Tchécoslovaquie en août 1968.
106
L’architecte intellectuel de cette nouvelle attitude de l’administration américaine
habituée à des solutions militaires au lieu des démarches diplomatiques pour résoudre
les problèmes de la guerre froide était Henry Kissinger. Professeur à l’Université de
Harvard avant son entrée au gouvernement en qualité de conseiller en matière de
sécurité nationale, et secrétaire d’Etat à partir de 1973, Kissinger avait toujours
privilégié la diplomatie. Pour autant, il suggérait la création d’un réseau des relations
internationales dans lequel pouvait participer l’Union Soviétique et qui permettrait de
résoudre les différents existant entre les deux superpuissances.
Pour ne pas être trop naïf, Kissinger croyait que Washington devait suivre une politique
tantôt d’encouragement pour créer la confiance quand l’Union Soviétique coopérait,
tantôt de menace quand elle faisait volte-face. C’est dans ce sens qu’il conçut la
politique de « linkage » qui consistait à faire des concessions à l’Union Soviétique au
cas où celle-ci était aussi disposée à faire acte de bonne foi dans certains domaines lui
indiqués par les Etats-Unis, principalement dans les négociations sur l’Accord SALT.
La doctrine Nixon a été rendue officielle en 1969. Elle était presque la copie de la
doctrine Kennedy ou Johnson basée sur la riposte graduée ou flexible dès lors qu’elle
insistait sur le fait que les Etats-Unis devaient être capables d’empêcher une agression
communiste en employant tant les forces conventionnelles que l’armement nucléaire.
Cependant, au lieu de lutter pour avoir la capacité de faire deux guerres et demie, c’est-
à-dire, de participer simultanément dans des conflits à grande échelle en Europe
(Europe de l’Est) et en Asie (Union Soviétique et Chine) et dans une guerre limitée dans
d’autres parties du monde (pays du Tiers-Monde), comme l’exigeait la stratégie de
Kennedy et Johnson, la doctrine Nixon optait pour la capacité de faire une guerre et
demie, c’est-à-dire, disposer des forces suffisantes pour faire une guerre importante en
un seul théâtre au même moment qu’une guerre limitée dans d’autres parties du monde.
Cette doctrine laissait entrevoir que les Etats-Unis ne considéraient plus la Chine
comme une menace pour leurs intérêts.
- La doctrine Nixon demandait également aux pays alliés des Etats-Unis qu’ils
se sentent engagés à répondre les premiers à une agression terrestre, et le cas échéant,
les s oient les premiers
Baptiste dévoué, ingénieur nucléaire et gouverneur de Géorgie, élu Président des Etats-
Unis en novembre 1976, Jimmy Carter est arrivé à la Maison Blanche le 20 janvier
1977. Modéré et loin de la politique réaliste de Truman, de Kennedy ou de Nixon, pour
parler des Présidents les plus proches de son mandat, Carter s’inscrivait dans la ligne
droite de l’idéalisme de Woodrow Wilson dont il appuyait l’idée selon laquelle les
Etats-Unis devaient être le phare pour illuminer le monde et promouvoir les idéaux de la
107
liberté, la démocratie et les droits de l’homme. A l’instar de Wilson, Carter voulait créer
un nouvel ordre international basé plus sur une communauté d’intérêts que sur un
équilibre de pouvoir. Selon lui, ni les Etats-Unis, ni l’Union Soviétique ne devaient pas
prétendre contrôler le destin du monde. Au lieu de se disputer la direction du monde
avec l’Union Soviétique, les Etats-Unis devaient chercher à obtenir l’appui de celle-ci et
des autres pays dans leur tâche de résoudre les problèmes mondiaux tels que les conflits
régionaux157, la prolifération des armes nucléaires, la pollution de l’environnement et la
pauvreté.
Toutefois, les deux pays firent un effort pour avancer dans les négociations sur la
réduction des armes nucléaires stratégiques. De cette manière, el 18 juin 1979, Carter et
Brejnev signaient les accords SALT II (Strategical Arms Limitation Talks) qui
imposaient des restrictions, tant quantitatives comme qualitatives aux armes nucléaires
stratégiques.
Il faut souligner que Carter n’était pas naïf face à l’oppression de l’Union Soviétique en
matière des droits de l’homme, ou les menaces nucléaires de ce pays ou ses capacités de
nuire aux intérêts américains dans le monde. Mais, il pensait qu’il pouvait convaincre
l’Union Soviétique du bénéfice à tirer ensemble à partir d’une relation beaucoup plus
coopérative si ce pays minimisait les différences idéologiques et se concentrait sur les
vrais problèmes que les deux puissances devaient avoir intérêt à résoudre, notamment la
course aux armements nucléaires.
Pour autant, Carter proposa que tous les hommes d’entre 16 et 26 se rendent à
l’enrôlement pour remplir les files nécessaires. Il sollicita une augmentation annuelle
des dépenses militaires de l’ordre de 5% du budget au lieu de 3% qu’il s’était fixé
depuis 1977. Carter essaya de renforcer les relations des Etats-Unis avec la Chine
et le Pakistan. Et la nouvelle tension créée n’était pas de nature à favoriser la ratification
. Durant son mandat, il avait réussi que l’Egypte et l’Israël signent les accords de
157
Camp David comme étape de la marche vers la solution de la crise du Moyen Orient.
108
par le Congrès de l’Accord SALT II que le gouvernement de Reagan archivait
définitivement.
Durant son deuxième mandat, Reagan avait flexibilisé sa politique face à l’Union
Soviétique à telle enseigne qu’en 1987, il signait le premier accord, considéré comme le
plus important durant toute la période de la guerre froide, sur la réduction des
armements : le Traité INF.
109
2.8.- La Doctrine de la défense anticipée ou Doctrine Bush
BIBLIOGRAPHIE
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