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UNIVERSITE DE LUBUMBASHI

FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, ADMINISTRATIVES ET


POLITIQUES

DEPARTEMENT DES RELATIONES INTERNATIONALES

COURS

HISTOIRE DIPLOMATIQUEUNIVERSITE DE
MBUJIMAYI

1
INTRODUCTION AUX RELATIONS
INTERNATIONALES

2ème Graduat Relations Internationales

PROF. DR. PREMIERE PARTIE

Prof. TSHIMPANGA MATALA KABANGU

Année Académique 2012-2013

INTRODUCTION

PREMIER CHAPITRE
LA PREMIERE GUERRE MONDIALE ET LA RECONFIGURATION DU MONDE

I.- Le contexte de la guerre


1.- La question des frontières
2.- Les garanties contre l’Allemagne et les réparations

2
II.- La Société des Nations (SDN)
1.- La création de la Société des Nations et la structure de l’organisation
2.- Les membres de la Société des Nations
3.- L’affaiblissement et la faillite de la Société des Nations

DEUXIEME CHAPITRE
DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET L’EMERGENCE D’UN NOUVEL ORDRE
INTERNATIONAL

I.- La Deuxième Guerre mondiale


1.- Les péripéties de la guerre
2.- Le pacte d’acier avec l’Italie et le pacte de non-agression avec l’Union
Soviétique
3.- Le pacte tripartite
4.- L’entrée des Etats-Unis dans la guerre
II.- Les grandes conférences entre puissances alliées
1.- La Conférence de Téhéran
2.- La Conférence de Yalta
3.- La Conférence de Potsdam
III.- La création de l’Organisation des Nations Unies (ONU)
1.- Le cheminement vers la création des Nations Unies
2.- La structure de l’ONU

TROISIEME CHAPITRE
LA GUERRE FROIDE ET L’EMERGENCE DU SYSTEME BIPOLAIRE

I.- La réalité de la guerre froide


1.- L’antagonisme idéologique
2.- La méfiance réciproque entre les puissances
II.- La guerre froide et la politique d’endiguement des Etats-Unis
1.- La guerre froide et le Plan Marshall
2.- La guerre froide et la course aux armements
3.- La guerre froide et la création de l’OTAN
III.- La politique d’endiguement en Asie du Sud-Est
1.- La guerre de Corée
2.- Le Traité de défense mutuelle avec le Japon
3.- L’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est
4.- Les autres foyers de tension
IV.- La coexistence pacifique
1.- L’idée de la coexistence pacifique
2.- La coexistence pacifique et la détente
QUATRIEME CHAPITRE
LA FIN DE LA GUERRE FROIDE

I.- La chute du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide


1.- La perestroïka
2.- La désintégration de l’Union Soviétique
3.- La réunification de l’Allemagne
II.- Le multipolarisme politique et la bipolarité militaire
1.- La guerre de l’Iraq et les tentatives d’hégémonie des Etats-Unis
2.- La montée des puissances moyennes : Du G8 au G20

3
III.- Le débat sur la réforme de l’ONU

CONCLUSIONS

INTRODUCTION

Ce cours fait le parcours de l’histoire des relations internationales durant la


période allant de la première guerre mondiale jusqu’à la chute du mur de Berlin avec
une référence spéciale à la deuxième guerre mondiale considérée comme l’événement
majeur qui venait imprimer une autre dynamique à la marche du monde. La
compréhension de la configuration de la société internationale contemporaine, le
comportement de ses acteurs et le degré atteint par l’enchevêtrement des relations
tissées entre ces derniers, ainsi que le foisonnement et la diversité de ces acteurs, ne

4
s’entendent mieux que par le puisement dans l’histoire immédiate post-guerre des
éléments ayant dicté cette architecture et sa dynamique.

La fin de la seconde Guerre Mondiale avait débouché sur une transformation de


la société internationale facilitée principalement par de nouvelles normes et la création
de nouvelles institutions internationales avec la finalité d’asseoir durablement la paix et
la sécurité internationales. La fin de ce conflit dévastateur sanctionnée par la victoire de
la Grande Alliance dominée par les Etats-Unis et l’ancienne Union Soviétique, avait
concédé à ces deux Etats un avantage considérable sur les autres à telle enseigne que le
monde qui naît au terme de cette guerre fut moulé dans un système international qualifié
de bipolaire. Si cette bipolarité a été le pilier d’une certaine stabilité, elle a été aussi
source des affrontements dans certaines régions où étaient impliquées ces deux
superpuissances manifestant le souci de contrôle de leurs zones d’influence. Celles-ci
s’y faisaient la guerre par procuration communément appelée « guerre froide ».

Cet environnement de méfiance réciproque et d’amitié hypocrite avait entraîné


les deux superpuissances vers une course effrénée aux armements pour s’assurer la
supériorité militaire, et dans ce dilemme de sécurité, l’équilibre des forces devenait
l’instrument de stabilité internationale. Les recherches et les avancées technologiques
étaient mises à profit pour combler le retard tant dans le domaine des armes
conventionnelles que dans celui des armements nucléaires, malgré les rencontres
intempestives et les tentatives réitérées pour la signature des accords sur la réduction et
le contrôle de ces armements.

La chute du Mur de Berlin en novembre 1989, la réunification de l’Allemagne et


la désintégration de l’Union Soviétique mettaient fin à la guerre froide. Aujourd’hui, le
monde semble s’être orienté vers le libéralisme et l’universalisation de certaines valeurs
jadis jugées occidentales telles que les droits de l’homme, la gestion démocratique de
l’Etat, etc.

Est-ce le triomphe du capitalisme pour insinuer la victoire des Etats-Unis sur


l’Union Soviétique? Certes, ce pays s’est considéré un moment comme le gendarme du
monde. L’intervention armée et unilatérale en Irak sans le consentement du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, ni d’autres puissances qui ont toujours voulu faire entendre
leurs voix dans la conduite des relations internationales, a été un signe précurseur qui
exprimait mieux ce nouveau sentiment dans le chef des Etats-Unis. Toutefois, ces
puissances ainsi que tous les Etats membres du système de Nations Unies, conscients du
fait que la politique internationale doit être menée dans le respect des normes du droit
international, ne pouvaient pas laisser le gouvernement américain nourrir des ambitions
démesurées pour un contrôle unilatéral du monde. Cette réaction était la démonstration
de l’inacceptation et de l’impossibilité d’un monde unipolaire sous l’hégémonie d’une
seule superpuissance à l’heure actuelle.

Le multipolarisme s’imposait comme la nouvelle caractéristique du système


international se mettant en adéquation avec la configuration contemporaine des relations
internationales et entrant même en ancrage parfait avec les tendances actuelles dictées
par la dynamique de la mondialisation, processus dans lequel tous les acteurs semblent
jouer un rôle dans les relations internationales contribuant à la stabilité, la paix et la
coopération entre les nations.

5
Ce cours se structure autour de quatre chapitres : le premier chapitre analyse les
causes de la première guerre mondiale, les alliances qui ont conduit à ce conflit et les
accords de paix qui s’ensuivirent à la quête d’un nouvel environnement qui se prétendait
libre des menaces et des violences armées. Le deuxième chapitre est une étude des
causes qui ont conduit à la deuxième guerre mondiale, les blocs qui ont été formés avant
l’éclatement de cette guerre et les engagements pris par les Etats pour éliminier
définitivement ce désastre. Le troisième chapitre analyse les péripéties qui ont entouré
la période de la guerre froide alors que le quatrième et dernier chapitre parle de la fin de
cette guerre froide.

PREMIER CHAPITRE

LA PREMIERE GUERRE MONDIALE ET


LA RECONFIGURATION DU MONDE

I.- LE CONTEXTE DE LA GUERRE

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Appelée aussi la Grande Guerre, la Première Guerre Mondiale est allée de 1914
à 1918 affectant l’Europe, le Moyen-Orient, l’Extrême-Orient et quelques colonies
africaines. Cette guerre fit à peu près 10 millions de victimes et fut plus dévastatrice
pour l’Europe. Ses conséquences directes furent la configuration d’une nouvelle carte de
l’Europe avec la disparition des empires russe, ottoman, allemand et austro-hongrois,
l’émergence d’un nouvel ordre international, la prolifération des démocraties libérales et
la naissance de la Société des Nations.

La guerre fut la conséquence des tensions qui émergèrent entre les grands blocs
constitués en Europe à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Il s’agissait
notamment de la Triple Alliance établie entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et
l’Italie constituant un bloc de pays dénommé « Puissances centrales » et la Triple
Entente formalisée par la Grande-Bretagne, la France et la Russie en 1907, bloc des
« Puissances de l’Entente ». La méfiance entre les deux blocs devenait de plus en plus
grandissante à cause d’un cumul des faits qui n’étaient plus de nature à garantir la paix.

Les problèmes d’expansion et de revendications territoriales furent l’une des


causes de cette guerre. L’Allemagne s’était montrée mécontente et avait exprimé son
insatisfaction dans le partage colonial où elle s’était sentie flouée. La question de
l’Alsace-Lorraine, région française qu’Allemagne avait détachée du territoire de ce pays
durant la guerre de 1870 se posait. En 1908, l’Empire austro-hongrois décidait
d’annexer la Bosnie-Herzégovine devant les protestations de la Serbie et de la Russie. A
ces problèmes territoriaux, s’ajoutaient aussi des rivalités économiques dues aux
nouvelles capacités industrielles atteintes par l’Allemagne qui menaçait la suprématie
commerciale britannique, sans oublier de prendre aussi en considération la course aux
armements affichée par tous ces pays.

L’assassinat à Sarajevo le 28 juin 1914 de l’archiduc François Ferdinand,


héritier au trône dans l’Empire austro-hongrois par un nationaliste bosniaque, fut le
détonateur de la guerre. Le gouvernement austro-hongrois reprochait à la Serbie sa
complicité indirecte dans cet assassinat aussitôt qu’il avait découvert que les armes du
meurtrier venaient des arsenaux de Belgrade 1. L’Autriche-Hongrie adressa un
ultimatum à la Serbie dans lequel elle lui demandait la participation des agents de la
police autrichienne à l’enquête menée par Belgrade pour retrouver les complices. Le
gouvernement serbe repoussa cette demande et l’Autriche-Hongrie déclara la guerre à la
Serbie.

L’Allemagne appuya l’Empire alors que la Russie se mettait du côté de la


Serbie. Le 1er août l’Allemagne déclara la guerre à la Russie et la France ne tarda pas à
entrer aussi dans la danse. Le 5 septembre 1914, les trois puissances de l’Entente
s’unissaient pour signer un pacte où elles s’engageaient à ne pas conclure de paix
séparée au cours de ladite guerre. L’armée allemande attaqua la Belgique et le
Luxembourg pour se diriger vers la France. Toute l’Europe finit par s’engager dans
cette atroce épreuve dont l’ampleur ne pouvait laisser passifs des pays d’autres
continents. Pour autant, le 2 avril 1917, les Etats-Unis s’impliquaient aussi dans la
guerre apportant leur appui au Royaume-Uni. L’adhésion de la Grèce à la Triple Entente
facilita la réouverture et le renforcement du front balkanique. Le 3 novembre 1918,
l’Empire austro-hongrois capitulait et les troupes alliées pouvaient dès lors avancer vers
l’Allemagne qui, le 11 novembre, capitulait à son tour.

. RENOUVIN, P., La première guerre mondiale, Paris, PUF, Col. « Que sais-Je ? », 1987, p. 6.
1

7
Le Traité de Paix entre l’Allemagne et les puissances alliées fut signé à
Versailles le 28 juin 1919. La principale des Puissances centrales ayant été l’Allemagne,
le Traité s’était occupé de ce pays avec beaucoup plus d’attention. Non seulement il
imposa à l’Allemagne l’obligation de payer toutes les réparations de guerre, mais aussi
il se concentra sur le tracé de nouvelles frontières et sur le problème des garanties contre
ce pays.

1.- La question des frontières

L’Allemagne devait rétrocéder la région de l’Alsace et de la Lorraine à la


France ; Eupen et Malmédy à la Belgique ; la Posnanie et une partie de la Prusse
occidentale à la Pologne. L’article 80 du traité de Versailles et l’article 88 du traité de
Saint-Germain-en-Laye interdisait l’Anschluss ou l’union entre l’Allemagne et
l’Autriche. L’enclave de Memel annexée quelques années avant revenait à la Lituanie.
Dantzig devait se constituer en une « ville libre » contrôlée par la Société des Nations.
L’article 104 du Traité de Versailles prévoyait que cette ville libre de Dantzig devait
conclure une Convention avec la Pologne pour garantir son inclusion dans les frontières
douanières polonaises et assurer aux polonais le libre accès au port leur évitant de la
sorte toute mesure discriminatoire2.

Les colonies allemandes en Afrique passaient sous tutelle de la Société des


Nations qui les mettait sous mandat et administration de certains pays. Au total,
l’Allemagne perdait 1/7 de son territoire et 1/10 de sa population. Si les amputations à
l’ouest et au nord (excepté Sarre) lui semblaient tolérables ; à l’est, elles lui paraissaient
inacceptables. Elles étaient pour ce pays une grande perte dès lors qu’elles ne
répondaient pas tout à fait au principe des nationalités, mais à des considérations
économiques et stratégiques.

2.- Les garanties contre l’Allemagne et les réparations

Les garanties furent militaires et politiques. Les garanties militaires portaient sur
la limitation des armements allemands, la démilitarisation de la Rhénanie et
l’occupation de la rive gauche du Rhin.

En ce qui concerne la limitation des armements, le grand Etat-major devait être


supprimé ainsi que les écoles militaires. L’artillerie lourde, les tanks et l’aviation étaient
interdits. L’Allemagne devait se contenter de 288 canons de campagne. Il lui était
prohibé la fabrication de tout matériel de guerre. Le Traité limitait la marine à un certain
nombre de garde-côtes et interdisait les sous-marins. L’armée allemande devait être une
armée de métier formée de 96.000 hommes et 4.000 officiers.

Quant à la démilitarisation de la Rhénanie, il y est interdit des fortifications et


des manœuvres militaires. Celle-ci était la région la plus puissante de l’Allemagne à tout
point de vue.

Pour ce qui est de l’occupation, elle devait être temporaire étalée sur une durée
de quinze ans et concernait les territoires de la rive gauche du Rhin. A l’arrivée en 1921
du républicain Warren G. Harding au pouvoir aux Etats-Unis, la politique extérieure

. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1985, p. 15
2

8
américaine semblait pencher vers l’isolement traditionnel. Par conséquent, le 24 août
1921, les Etats-Unis signaient un traité de paix séparée avec l’Allemagne et entamèrent
l’évacuation de leurs troupes d’occupation, laquelle prit fin au début de 1923.

Les garanties politiques prévoyaient une aide immédiate de l’Angleterre et des


Etats-Unis en cas d’agression non provoquée de l’Allemagne contre les frontières
françaises. Les frontières belges étaient assimilées aux frontières françaises.

La question des réparations était étroitement liée à celle des garanties contre
l’Allemagne. L’article 231 du traité de Versailles stipulait que « L’Allemagne reconnaît
qu’elle est responsable, pour les avoir causés, de tous les dommages subis par les
gouvernements alliés et associés par leurs nationaux, par suite de la guerre, qui leur a
été imposée par son agression ». L’Allemagne paierait d’abord 20 milliards de marks-or
avant le 1er mai 1921 dont 2/5 en priorité pour la Belgique. La Commission des
réparations estima finalement le montant réel des dommages de guerre à 132 milliards
de marks-or.

II.- LA SOCIETE DES NATIONS (SDN)

1.- La création de la SDN et la structure de l’organisation

Au terme de la Première Guerre Mondiale, la société internationale s’articula


autour de la Société des Nations. Celle-ci eut son siège à Genève. En effet, le 25 janvier
1919, la session plénière de la Conférence de paix tenue à Paris adopta à l’unanimité
une résolution selon laquelle le « Pacte de la Société des Nations » serait partie
intégrante des traités de paix et que ce texte serait l’œuvre d’une commission spéciale
chargée de la création de la future organisation 3. Le Président américain Woodrow
Wilson assuma un protagonisme décisif au sein de ladite commission qu’il présida pour
présenter le 28 avril le texte final du Pacte qui fut inclus comme Partie I des traités de
paix. Le 10 janvier 1920, quand entra en application le traité de Versailles, dès sa
ratification par l’Allemagne et par trois des principaux associés, la Société des Nations
naissait.
Son Pacte constitué de 26 articles, explicitait dans son préambule l’engagement
entre les Etats signataires de non recourir à la guerre, de nouer des relations
internationales fondées sur la justice et l’honneur, d’observer rigoureusement des
normes de droit international et le strict respect des obligations contractées dans le
Traité. Tout ceci ayant comme finalité la promotion de la coopération entre les nations
et la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationale. En effet, la mission de la
Société des Nations était de construire la paix par le biais de la coopération entre les
nations et de garantir la même paix par la sécurité collective.

La Société des Nations reposait sur une structure dont les trois principaux
organes étaient le Conseil, l’Assemblée, et le Secrétariat. De nature politique, les deux
premiers organes s’occupaient de toutes les questions qui affectaient la paix dans le
monde. Les fonctions du Conseil recoupaient souvent celles de l’Assemblée dont il était
dans une certaine mesure le pouvoir exécutif.

3
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1985, pp. 57-
58

9
La première réunion du Conseil de la SDN eut lieu à Paris le 16 janvier 1920
alors que celle de l’Assemblée se célébrait à Genève entre le 15 novembre et le 18
décembre 1920. Le Secrétariat Permanent était un organe fondamentalement technique
et administratif. Il était chargé de la gestion permanente de la SDN. Par conséquent, il
préparait les documents et les rapports à l’attention de l’Assemblée et du Conseil. Sa
charge fut confiée au britannique, Sir James Eric Drummond, premier secrétaire général
de cette organisation.

Le 8 avril 1946, le Conseil se réunissait et mettait fin à l’existence de


l’organisation transférant son héritage à l’Organisation des Nations Unies.

2.- Les membres de la Société des Nations

Les membres de la Société des Nations étaient :


- Les signataires des traités de 1919-1920 du côté allié.
- 13 autres Etats, neutres pendant la guerre, qui adhérèrent au pacte dans
les deux mois.
- Tout autre Etat indépendant ayant accepté les obligations
internationales découlant du pacte, et admis par l’Assemblée à la
majorité de deux tiers. Les pays vaincus en étaient provisoirement
exclus. On pouvait être expulsé de la Société des Nations par un vote
du Conseil et de tous les autres membres de la Société. On pouvait
aussi s’en retirer de son plein gré après un préavis de deux ans.

A sa création, l’Allemagne n’était pas membre de la SDN. Elle en était exclue.


Le rapprochement de ce pays vers les alliés durant la période post-guerre prépara les
conditions de son adhésion. Pour entrer à la SDN, l’Allemagne formula certaines
conditions. Elle voulait être reconnue « non coupable » de la guerre de 1914 et « digne »
d’avoir aussi des colonies comme en avaient certaines puissances alliées. Elle réclamait
aussi un siège permanent au Conseil de la Société des Nations. Le 8 février 1926, le
gouvernement allemand sollicitait l’admission à la Société des Nations. Toute reforme
des statuts exigeait une décision unanime des membres du Conseil. Le Brésil s’opposa à
cette sollicitude et l’Allemagne ne fut pas acceptée comme membre. Mais, la réforme
opérée au sein de la Société des Nations, principalement en ce qui concernait les
membres permanents et non permanents, facilita l’admission le 4 septembre 1926 de
l’Allemagne à l’organisation. Le Brésil s’en retira.

De 1924 à 1931, la Société des Nations avait expérimenté une période de


stabilité qui dut stimuler la crédibilité des institutions établies à Genève. La signature
des Accords de Locarno en 1925, où la France et l’Allemagne, d’une part, et
l’Allemagne et la Belgique, d’autre part, se garantissaient leurs frontières, et où fut
adopté un pacte de non-agression entre la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne,
l’Italie, la Belgique, la Pologne et la Tchécoslovaquie, ainsi que la signature du Pacte
Briand-Kellog4 ou Pacte de Paris le 27 août 1928 venaient consolider encore davantage
ce climat de paix et de stabilité. Ce Pacte comportait un préambule et deux articles
principaux. Le premier article exprimait le sentiment des Hautes Parties contractantes
qui condamnaient le recours à la guerre comme moyen de règlement des différends

. De Aristide Briand fut, ministre français des Affaires Etrangères de l’époque, et Frank
4

Billings Kelloggg, secrétaire d’Etat américain dans le gouvernement du Président Coolidge.

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internationaux et y renonçaient comme instrument de politique nationale dans leurs
relations mutuelles. Le deuxième article exprimait la volonté des Hautes Parties
contractantes de régler tous les différends ou conflits qui pourront surgir entre elles par
des voies pacifiques.

57 Etats adhérèrent au Pacte. Parmi eux, 48 membres de la SDN et 9 Etats non


membres, notamment l’URSS, les Etats-Unis d’Amérique, la Turquie, le Mexique,
l’Arabie, le Yémen, l’Argentine, la Bolivie et le Brésil. Toutefois, l’URSS devenait
membre et admis même comme membre permanent au Conseil le 18 septembre 1934.
Nonobstant, elle fut exclue de la SDN en 1939 à la suite de son agression contre la
Finlande. Le Pacte Briand-Kellog à travers lequel les Etats prenaient l’engagement
moral de renoncer à la guerre fut l’une des illustrations de l’esprit de Genève, lequel
reposait sur la solidarité, la coopération et la paix entre les nations.

Durant cette période, l’Afrique est restée presque entièrement en marge de


l’activité diplomatique comme acteur principal du fait de la colonisation de cette région.
Les seuls territoires indépendants étaient l’Union sud-africaine, aujourd’hui dénommée
l’Afrique du Sud, le Libéria, l’Ethiopie et l’Egypte. En 1923, l’Ethiopie devenait
membre de la Société des Nations avec l’appui de l’Italie.

Au Moyen-Orient, le Royaume-Uni, après avoir manœuvré pour être le plus


grand actionnaire dans l’exploitation du pétrole irakien, proposa en 1929 au
gouvernement irakien la signature d’un traité anglo-irakien qui pouvait permettre à
l’Irak de devenir indépendant et d’être admis à la SDN. Le traité fut signé à Bagdad le
30 juin 1930. L’Irak acceptait que le Royaume-Uni utilise son territoire en temps de
guerre, et qu’il garde ses deux bases aériennes situées, l’une à Henaydi, l’autre près de
Bassorah. En 1932, l’Irak fut admis à la SDN. Cette admission conditionnée à la
publication d’une déclaration donnant des garanties sur le traitement des minorités, de
l’administration de la justice et le respect des principes du droit international.

En ce qui concerne l’Amérique Latine, la plupart des Etats américains avaient


adhéré à la SDN. Toutefois, l’Argentine, mécontente des décisions de la première
Assemblée de la SDN en 1920, ne participa plus aux réunions postérieures. Le Pérou et
la Bolivie en firent de même. En 1924, Costa Rica se retira de l’organisation. En 1926,
ce fut le tour du Brésil lors de l’admission de l’Allemagne comme membre du Conseil
de la Société des Nations.

3.- L’affaiblissement et la faillite de la Société des Nations

Soixante et trois pays s’étaient finalement faits membres de la Société des


Nations. Cependant, de 1931 à 1936, se succédèrent une série des défis. La crise
économique de 1929 eut des conséquences néfastes dans les relations internationales, et
le système de sécurité collective fut confronté à de dures épreuves. Cette crise suscita de
vifs mécontentements dans beaucoup de pays et provoqua des troubles sociaux et des
agitations politiques. En Allemagne, elle contribua à l’ascension du national-socialisme
ou le nazisme. Pour autant, ce pays radicalisa ses politiques révisionnistes et opta pour
la remilitarisation. D’autre part, l’agression japonaise matérialisée par l’occupation
militaire de la Mandchourie le 18 septembre 1931, le réalignement de l’Italie sur les
mêmes politiques révisionnistes que l’Allemagne, etc. tous ces soubresauts avaient

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commencé à fissurer les piliers de la Société des Nations. Entre 1936 et 1946, c’était la
période de déclive et de paralysie de cette organisation.

Par ailleurs, La différentiation entre membres originaires et membres admis ainsi


que la marginalisation de l’Allemagne et de ses anciens alliés convertissaient
l’organisation en une espèce de « Club des Vainqueurs » et en une ligue orientée vers la
préservation du statu quo. De cette manière, la SDN était trop dépendante de la volonté
des Grandes Puissances de l’époque. L’efficacité de ses mécanismes pour la promotion
des solutions pacifiques des différends dépendait du bon vouloir de ces pays.

Butée à ces crises successives et secouée par la défection du Japon et de


l’Allemagne en 1933, la Société des Nations s’affaiblissait de plus en plus. En effet, le
Japon annonçait le 27 mars 1933 qu’il quittait la SDN après que cette organisation eût
condamné son occupation de la Mandchourie et reconnu la souveraineté chinoise sur ces
terres mandchoues. Et le 19 octobre de la même année, l’Allemagne quitta aussi la
SDN. En 1934, elle amorça sa politique de réarmement.

Déjà, le 16 avril 1922, dans le souci de briser son isolement et d’affaiblir le


camp des alliés, l’Allemagne tenta un rapprochement avec l’Union Soviétique avec
laquelle elle signa un traité séparé. Gheorghi Tchitchérine, commissaire russe aux
Affaires Etrangères, et Walther Rathenau, ministre allemand des Affaires Etrangères
signaient près de Gênes le Traité de Rapallo, en vertu duquel les deux pays renonçaient
simultanément aux dettes de guerre et aux réparations pour dommages militaires qu’ils
se devaient mutuellement. L’Allemagne renonçait à revendiquer les anciennes
entreprises allemandes de Russie nationalisées par les Soviets, à condition que ceux-ci
ne satisfassent pas les revendications analogues des autres Etats. Les relations
diplomatiques et consulaires étaient établies5.

Les deux pays voulaient ce rapprochement pour en tirer certaines dividendes.


Les russes cherchaient à bénéficier de l’appui technique des ingénieurs allemands pour
la fabrication de leurs armes, alors que les allemands voulaient contourner le traité de
Versailles en expérimentant en Russie des armes interdites. Quelques usines de guerre
allemandes furent créées en Russie. De 1924 à 1932, des camps d’entraînement pour les
tanks, l’aviation et d’expérimentation pour les gaz de combat, fonctionnèrent
pleinement sous la direction d’un organisme secret établi en 1924, la « Zentrale
Moskau », une collaboration entre les états-majors fut organisée. Mais, cette
coopération disparaissait à l’avènement d’Adolf Hitler au pouvoir6.

D’autre part, bien qu’instigateur du projet, les Etats-Unis n’avaient jamais porté
à cœur la SDN. Le Sénat américain qui n’avait jamais ratifié le Traité de Versailles,
avait multiplié des critiques à l’endroit de cette institution. Ces critiques avaient créé la
désunion entre les membres pour finir par affaiblir les fondations mêmes de la jeune
organisation.

En outre, la structure même de la Société des Nations était tellement peu solide
qu’elle ne lui permettait pas de répondre avec efficacité aux défis qu’elle affrontait
souvent. Si le Conseil de sécurité des Nations Unies peut siéger en permanence, c’est-à-
dire, à tout moment selon les exigences de la situation (art. 28, paragraphe 1 de la

. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p 68.
5

. Idem, pp. 68-69.


6

12
Charte)7, le Conseil de la Société des Nations se réunissait périodiquement (art. 4,
paragraphe 3 du Pacte), précisément quatre fois par an : en mars, juin, septembre et
décembre, donnant, de cette manière, une impression de léthargie ou d’inactivité de la
Société des Nations durant les mois d’intervalle quand le Conseil ne pouvait se réunir.

Face à la montée du fascisme en Italie avec Mussolini et du national-socialisme


en Allemagne avec Hitler hissé au pouvoir le 30 janvier 1933 par le parti nazi qui avait
gagné les élections de 1932, la Société de la Société des Nations s’était montrée
impuissante laissant ces nations se réarmer pour se venger et laver l’humiliation subie
au terme de la Première Guerre Mondiale. C’était dans cet environnement teinté de
méfiance, avec une Allemagne réarmée et multipliant de plus en plus des provocations
et des foyers de tension difficiles à contrôler que la Deuxième Guerre mondiale devenait
inévitable.

DEUXIEME CHAPITRE
LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE
ET L’EMERGENCE D’UN NOUVEL ORDRE INTERNATIONAL

I.- LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

1.- Les péripéties de la guerre

La Deuxième Guerre Mondiale fut le plus grand affrontement armé connu par
l’humanité jusqu’à nos jours. Durant ce conflit, presque 60 millions d’êtres humains
perdirent la vie, et la moitié d’entre eux furent des civils. Ce conflit qui opposa les
forces de l’Axe composées par l’Allemagne, l’Italie et le Japon aux forces alliées
formées par les Etats-Unis, l’Union Soviétique et la Grande Bretagne, s’étendit à toute
l’Europe, l’Océan Atlantique, le Maghreb, le Moyen Orient, l’Asie et le Pacifique.

La Deuxième Guerre Mondiale fut déclenchée le 1er septembre 1939 avec


l’invasion de la Pologne par l’Allemagne d’Adolf Hitler et se termina avec la
capitulation du Japon le 14 août 1945. Les origines de ce grand désastre de l’histoire se
trouvent dans la politique révisionniste mise en marche tant au Japon qu’en Allemagne,
deux pays qui s’étaient montrés insatisfaits de l’équilibre établi au terme de la première
guerre mondiale. Dans ses velléités expansionnistes, le Japon était à la recherche des
matières premières pour son développement industriel et la consolidation de sa
condition de puissance dominante dans la région du Pacifique.

7
. Toutefois, le Conseil de sécurité des Nations Unies peut aussi tenir des réunions périodiques
auxquelles chacun de ses membres peut, s’il le désire, se faire représenter par un membre de son
Gouvernement ou par quelque autre représentant spécialement désigné (art. 28, paragraphe 2 de
la Charte).

13
Pour sa part, depuis l’ascension au pouvoir en 1933 d’Adolf Hitler, l’Allemagne
s’était mise à annuler les impositions dérivées du Traité de Versailles, telles que la loi
sur le réarmement votée en 1935, la remilitarisation de la Rhénanie en 1936,
l’Anschluss imposé à l’Autriche en mars 1938 et l’ annexion en octobre 1938 de la
Tchécoslovaquie pour inclure les allemands de la région des Sudètes dans un nouveau
territoire allemand et celle de la ville de Memel en 1939 (Lithuanie).

En vue de se garantir l’alliance avec l’Italie, Hitler consolida ses amitiés avec
Mussolini, renforça l’Axe Rome-Berlin en entraînant l’Italie à adhérer au pacte anti-
Komintern signé à Berlin avec le Japon le 25 novembre 1936, valable pour cinq ans.
Ennemi du communisme, Hitler avait conclu ce pacte dirigé, non contre l’URSS, mais
contre l’Internationale communiste, accusée de vouloir désintégrer et mettre sous
soumission de nombreux Etats. Les parties signataires du pacte devaient s’informer
mutuellement des activités de l’Internationale communiste et se consulter régulièrement
sur les mesures préventives nécessaires. D’autres pays étaient invités à y adhérer. Au
début, l’Italie hésitait à s’y joindre considérant ses bons rapports avec l’URSS. Mais,
elle finit par y adhérer le 6 novembre 1937.

2.- La pacte d’acier avec l’Italie et le pacte de non-agression avec


l’Union Soviétique

Afin de renforcer davantage l’alliance avec l’Italie et le Japon, Hitler proposa à


ces deux pays la signature d’un pacte militaire. C’est dans ce sens que Von Ribbentrop
proposa de transformer le pacte anti-Komintern en une triple alliance défensive. Le
Japon ne se montra pas favorable à ce projet qu’il rejeta laissant les négociations entre
l’Italie et l’Allemagne. Celles-ci aboutirent sur la signature le 22 mai 1939 du « Pacte
d’acier », un traité offensif dont l’article 2 prévoyait des consultations immédiates en
cas de danger international, alors que l’article 3 déclarait que « si, malgré les désirs et
les espoirs des parties contractantes, il devait arriver que l’une d’elles se trouvât
impliquée dans des complications guerrières avec une ou plusieurs puissances, l’autre
partie contractante se placerait immédiatement, comme alliée, à ses côtés, et la
soutiendrait avec toutes ses forces militaires sur terre, sur mer et dans les airs ». Ce
traité mettait la politique italienne sous la dépendance de la politique allemande8.

Dans ses préparatifs de guerre, Hitler s’empressa de signer le 23 août 1939 un


pacte de non agression avec l’Union Soviétique. En vertu de ce pacte, les deux pays
s’engageaient à n’entreprendre aucun acte d’agression l’un à l’égard de l’autre, à ne
soutenir aucune tierce puissance qui entrerait en guerre contre l’un d’eux, à ne pas se
joindre à un groupe de puissances hostiles à l’un d’entre eux, à rester en consultation et
à ne résoudre leurs conflits mutuels que par les échanges de vues amicaux ou par
l’arbitrage. Conclu pour 10 ans, ce pacte était immédiatement applicable. Il pouvait se
prolonger cinq ans de plus si aucune de deux parties ne le dénonçait un an avant son
expiration.

Quelques jours seulement après la conclusion de ce pacte de non agression avec


l’Union Soviétique, l’Allemagne attaqua dès l’aube du 1er septembre 1939 la Pologne.
La France et la Grande Bretagne qui avaient des accords de défense avec ce pays
victime, déclaraient la guerre à l’Allemagne. Afin de contrer l’avancée de ces deux pays
qui venaient de s’engager dans la guerre pour défendre la Pologne, l’Allemagne envahit

. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., pp. 242-243.
8

14
le 9 avril 1940 le Danemark et la Norvège où anglais et français projetaient leur contre-
offensive. Elle en fit de même le 10 mai 1940 attaquant la Belgique, le Pays-Bas, le
Luxembourg et la France. Les troupes françaises se battent et paraissent résister. Mais,
le front est percé entre le 4 et le 8 juin et les forces allemandes se meuvent sans
résistance dans tous les sens, vers l’Atlantique, les Pyrénées et la Méditerranée, et
l’Italie, pour se bomber aussi la poitrine, en profite aussi et entre dans cette guerre le 10
juin. Elle s’engage du côté de l’Allemagne quand le gros du travail était censé être fait.
Le gouvernement français se réfugie à Bordeaux, et se met sous la présidence du
maréchal Pétain qui avait remplacé Paul Reynaud. Ce régime dit de Vichy, considéré
comme l’autorité légitime de la France, sollicita l’armistice auprès de l’Allemagne et le
signa à Rethondes le 22 juin 1940, le jour même de la chute de Paris. L’Angleterre resta
seule dans ce conflit, résistant par tous les moyens aux attaques des forces aériennes
allemandes. Les flottes danoise, norvégienne et hollandaise ; l’Indonésie, le Congo
belge ainsi que l’Afrique équatoriale française ralliée à de Gaulle qui dirigeait la
résistance française depuis Londres, devenaient des atouts indispensables pour les
anglais9. L’Union Soviétique annexa les pays baltes : Estonie, Lettonie et la Lituanie et
occupa la partie orientale de la Pologne.

3.- Le pacte tripartite

L’attaque de la Pologne par l’Union Soviétique créa des doutes chez Hitler sur
les intentions profondes de l’Union Soviétique dans la région et sur le Pacte de non
agression signé lui-même avec ce pays. Dans ce cas, Hitler décidait d’en finir avec
Staline. Pour se rassurer le succès de l’opération, il fallait isoler sans attirer son attention
l’Union Soviétique et consolider les liens avec d’autres pays, les Balkans et les pays de
l’Europe centrale. Déjà le 27 septembre 1940, l’Allemagne, l’Italie et le Japon signaient
à Berlin le pacte tripartite : un traité d’alliance politique, militaire et économique, en
vertu duquel le Japon reconnaissait le droit de l’Allemagne et de l’Italie à instaurer un
nouvel ordre en Europe, le droit pour ces deux puissances d’avoir en Europe l’espace
vital qui leur conviendrait (art. 1), alors que l’Allemagne et l’Italie reconnaissaient au
Japon le même droit pour un nouvel ordre en Asie Orientale (art. 2). Les trois
contractants s’engageaient à se prêter un appui mutuel si l’un des contractants était
attaqué par une puissance non engagée jusqu’à présent dans la guerre européenne ou
dans la guerre sino-japonaise (art. 3). Cet article laisse entrevoir que le pacte tripartite
étaient essentiellement dirigé contre les Etats-Unis. L’article 5 du pacte prévoyait que le
pacte n’affecterait pas les rapports existants entre les trois pays et l’URSS. A ce pacte
adhéraient plus tard les Balkans et les pays de l’Europe centrale, notamment la Hongrie
et la Roumanie respectivement les 20 et 23 septembre 1940, et la Bulgarie le 1 er mars
1941.

Le 5 décembre 1940, Hitler ordonna de préparer l’offensive contre la Russie. Le


gouvernement japonais ignorait totalement cette intention d’Hitler d’attaquer la Russie.
Le 13 avril 1941, le ministre japonais des Affaires Etrangères, Mr. Matsuoka, signait à
Moscou un pacte valable pour cinq ans, et en vertu duquel les deux pays s’engageaient à
rester neutres si l’un ou l’autre devenait « l’objet d’hostilités de la part d’une ou de
plusieurs autres Puissances ». Hitler fut mécontent de la signature de ce pacte.
Cependant, les préparatifs de l’opération contre la Russie se poursuivirent. Dénommé

. MICHEL, H., op. cit., p. 29.


9

15
« Plan Barbarossa », cette opération fut finalement lancée le 22 juin 1941. Hitler amorça
sa campagne contre l’Union Soviétique avec la finalité de conquérir ce territoire pour
entrer en possession d’importantes ressources en pétrole dans le Caucase et le blé en
Ukraine qui pourraient l’aider à poursuivre la guerre contre la Grande Bretagne. Il
justifia cette agression brandissant ces prétextes :
- La menace que les troupes soviétiques faisaient peser sur l’Allemagne ;
- La propagande du Komintern qui n’était pas de nature à garantir la
stabilité et la paix entre les nations ;
- La signature le 5 avril 1941 du traité de non-agression et d’amitié entre
l’URSS et la Yougoslavie, traité signé par l’URSS pour éviter
l’adhésion de la Yougoslavie au pacte tripartite. De ce fait, l’Allemagne
avait envahi et occupé la Yougoslavie10.

La période qui s’étend de 1939 à 1941 peut être considérée comme celle des
succès de l’armée allemande en Europe. En effet, durant cette période, sont vaincus tour
à tour la Pologne, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique, la France, la Grèce et la
Yougoslavie. C’est la phase européenne de la guerre, en attendant l’entrée dans la même
guerre de l’Union Soviétique le 22 juin 1941, du Japon et des Etats-Unis le 7 décembre
1941. Pendant les premiers mois de 1942, les alliés subirent plusieurs défaites. Ils
demeurèrent confinés dans leurs retranchements et à la défensive. Si la conquête de
l’Europe occidentale ne posa pas trop de problèmes à l’armée allemande, cela ne fut pas
facile pour l’URSS. Même si l’armée allemande était arrivée en septembre 1942 aux
confins de Stalingrad où s’ouvrirent des sérieux affrontements, elle ne put progresser.
Elle fut défaite en début de février 1943.

C’est vers la fin de 1942 qu’il se constate sur tous les fronts un certain
essoufflement des forces allemandes, et les alliés passent à l’offensive, encouragés
surtout par l’entrée en guerre des Etats-Unis 11. Sur le front russe, la durée de l’hiver fut
à l’avantage de l’armée soviétique qui arrêta l’avancée de l’Allemagne et se mit à
reconquérir les pays satellites de l’Allemagne. Le 31 mai 1944, les troupes russes
arrivaient aux abords de la Vistule en face de Varsovie, et en janvier 1945, elles
atteignaient l’Oder.

En ce qui concerne le Japon, au début des années 30, ce pays avait déjà
manifesté ses ambitions expansionnistes en occupant certaines régions de la Chine dont
la Mandchourie en 1931. Après l’attaque de Pearl Harbor le 8 décembre 1941 pensant à
travers cet acte, éliminer la menace américaine dans le Pacifique, le Japon se mit à la
conquête de l’Asie du sud-est. La première moitié de 1942 fut marquée par des victoires
de l’armée nippone dans cette région. Elle parvint à contrôler une vaste région qui
s’étendait des îles Aléoutiennes à la Birmanie, passant par les Philippines, Hong-Kong,
les atolls du Pacifique central et les archipels du Pacifique occidental, Singapour,
Indonésie (les îles de la Sonde) et la Birmanie. La bataille de la mer de Corail du 4 au 8
mai 1942 empêcha l’invasion de l’Australie.

Quant à l’Italie, elle fut le maillon faible des puissances de l’Axe. Ses ambitions
de contrôler le bassin méditerranéen allaient au-delà de ses moyens. Ses revendications
territoriales portaient sur Nice, la Corse, la Tunisie, le Djibouti, le Soudan, une partie de

. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p. 301.
10

. MICHEL, H., La seconde guerre mondiale, Paris, Presses Universitaires de France, Coll. Que
11

sais-je ? 6ème éd., 1987, p 63.

16
l’Algérie, l’Epire, la Dalmatie, etc12. Mal lotie, l’armée italienne avait subi des défaites
en Libye, en Grèce et en Ethiopie. En septembre 1943, il ne restait plus rien à l’Italie, ni
de l’empire constitué avant la guerre, ni de la partie conquise durant les hostilités. Cette
situation avait considérablement miné l’autorité de Mussolini qui se mit à remettre en
question son alliance avec Hitler et à projeter la conclusion d’une paix avec la Russie.

4.- L’entrée des Etats-Unis dans la guerre

L’attaque menée par le Japon le 7 décembre 1941 contre la base américaine de


Pearl Harbor dans les îles Hawaï et la déclaration de guerre faite le 11 décembre par
l’Allemagne et l’Italie contre les Etats-Unis, déterminaient la décision de ce dernier
pays à entrer dans la guerre qui devenait mondiale. Par cette attaque, le Japon était
parvenu à détruire de nombreux cuirassés et autres navires américains rendant
inutilisable la flotte américaine basée dans le Pacifique. Le 10 décembre, le Japon
détruisait les cuirassés britanniques « Prince of Wales » et « Repulse » au large de
Kuantan, en Malaisie annihilant la flotte britannique dans l’océan indien. En 1942, la
Birmanie, la Thaïlande, le Singapour, la Malaisie et les Philippines furent occupés.

Les Etats-Unis se mirent à concerter des stratégies contre les forces de l’Axe. Ils
prirent une décision capitale pour la grande satisfaction des anglais en accordant une
priorité à la guerre contre l’Allemagne, le sort du Japon devant être étudié après. Dans
ce sens, les effectifs engagés dans le Pacifique devaient être inférieurs à ceux déployés
en Europe13. Le 3 avril 1942, le général Mac Arthur fut nommé commandant pour le
Pacifique sud-ouest, alors que l’amiral Chester Nimitz l’était pour le Pacifique central.
Une importante bataille aéronavale fut menée dans la mer de Corail empêchant en mai
1942 le débarquement des japonais aux îles Salomon et la conquête de l’Australie14.

Le 8 novembre 1942, les forces de l’Axe sont prises à revers par la première
grande opération offensive alliée à travers le débarquement américain au Maroc et en
Algérie15. La chute de Tunisie le 7 mai 1943 aux mains des alliés sonnait le glas pour les
forces de l’Axe. Le 10 juillet 1943, les forces alliées avaient commencé la conquête de
la Sicile à partir de ce front ouvert en Afrique du Nord, et le 25 juillet Mussolini fut
déchu de ses fonctions par le roi Victor-Emmanuel et emprisonné16. Un nouveau
gouvernement dirigé par le maréchal Badoglio fut établi. Mais, en août, les forces
alliées débarquaient en Italie continentale qui capitula le 3 septembre 1943. Elles
entrèrent dans Rome le 4 juin 1944. Toutefois, la chute de Mussolini et la capitulation
de l’Italie n’affaiblirent guère l’Allemagne sur le plan militaire. Au contraire, elles la
débarrassèrent d’un allié faible, imprévisible et gênant17.

Le 6 juin 1944, à travers l’Opération Overlord, d’autres colonnes de ces forces


alliées débarquaient en Normandie ouvrant ainsi un nouveau front qu’avait longtemps
sollicité Staline afin de contenir et prendre en étau l’armée allemande. Le 15 août, un

12
MICHEL, H., op. cit., p. 35.
13
. Idem., p. 79
14
. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p. 359.
15
. MICHEL, H., op. cit., p. 65.
16
. Enlevé de la prison avec l’aide des parachutistes allemands S.S., et malgré ses tentatives de
rétablir le fascisme en Italie et de résister contre les forces alliées, Mussolini fut finalement,
après la chute de l’Italie, repris et fusillé le 28 avril 1944.
17
. MICHEL, H., op. cit., p. 86.

17
deuxième débarquement eut lieu en Provence. Les forces allemandes battaient en
retraite vers le nord. Mais là, se sentait la pression des forces débarquées en Normandie.
Malgré la résistance opposée dans les Ardennes, la déroute des forces allemandes ne
tarda pas. L’Opération Overlord permit la libération le 25 août de Paris où s’installa le
gouvernement provisoire présidé par le général de Gaulle, celle de la Belgique en
septembre et de Strasbourg le 23 novembre.

En avril 1945, les fronts allemands sont en train de craquer partout. Précisément,
le 25 avril 1945, les troupes américaines et russes firent leur jonction sur l’Elbe à
Torgau. Elles encerclèrent Berlin neutralisant sa garnison. Le 30 avril, Hitler se suicida
dans son bunker. La reddition sans condition de son armée fut signée à Reims le 7 mai
1945 par le général Jodl devant Eisenhower. Le général Keitel en fit de même le 8 mai à
Berlin devant le maréchal russe Joukov. L’Allemagne nazie signait l’acte de sa
disparition. La guerre était considérée comme terminée en Europe18.

Cependant, d’autres affrontements continuaient encore dans le Pacifique avec le


Japon. Le 26 juillet 1945, depuis Potsdam, les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la
Chine nationaliste adressèrent au gouvernement japonais un ultimatum pour cesser les
hostilités avec menace de bombarder s’il ne se conformait pas à cet ordre. Le premier
ministre japonais, l’amiral Suzuki Kantaro se montra indifférent à cette menace et rejeta
l’ultimatum le 28 juillet. Le 6 août la ville d’Hiroshima fut bombardée. Le 8 août,
l’URSS déclara la guerre au Japon, et le 9 la ville de Nagasaki était aussi bombardée.

Cette succession d’événements parvint à asphyxier le Japon qui capitula le 14


août 1945. La signature de cette capitulation sans condition intervenait le 2 septembre
1945 à bord du cuirassé Missouri ancré dans la baie de Tokyo devant le général Mac
Arthur et d’autres officiers alliés. La Seconde Guerre mondiale était terminée. La
victoire se pencha du côté des alliés du fait d’avoir, bien que tardivement, levé les
forces armées les plus nombreuses, mieux dotées en armes de qualité supérieure.
Combinés à l’immensité du territoire soviétique et du pacifique ainsi qu’au potentiel
apparemment illimité des Etats-Unis, ces atouts ne pouvaient que garantir dans une
large mesure la victoire des alliés19.

Cette fin de la guerre marquait le commencement d’une nouvelle étape dans


l’histoire des relations internationales, caractérisée par la politique des blocs et la perte
de protagonisme des puissances européennes dans la politique internationale. Le Japon
resta sous l’occupation américaine et l’Europe fut partagée entre l’Union Soviétique et
les puissances alliées. Le fascisme et le nazisme furent éradiqués. Les principaux
dirigeants du Troisième Reich, fauteurs de guerre, furent jugés au tribunal de
Nuremberg. Ceux du Japon au Tribunal de Tokyo. La succession de tous ces
évènements découlait des schémas préparés et montés au cours de trois grandes
conférences tripartites qui s’étaient succédé pendant que la Deuxième Guerre mondiale
faisait encore ses ravages.

II.- LES GRANDES CONFERENCES ENTRE PUISSANCES


ALLIEES

1.- La Conférence de Téhéran

. Idem., p. 98
18

. MICHEL, H., op. cit., p. 9.


19

18
Tenue entre le 28 novembre et le 1er décembre 1943, la Conférence tripartite qui
réunissait Franklin Roosevelt (Etats-Unis), Josep Staline (URSS) et Winston Churchill
(Royaume-Uni), avait comme premier objectif de coordonner les opérations militaires
des forces alliées. C’est dans ce sens que fut décidée l’ouverture d’un deuxième front à
l’ouest dans la Manche pour prendre l’armée allemande en tenaille avec le front de l’est
fortifié par l’Armée rouge. Le front ouvert à l’ouest permit que fût fixé le débarquement
des forces alliées en Normandie sur les côtes françaises le 1er mai 194420.
La Conférence de Téhéran avait également inscrit à l’ordre du jour le
démembrement de l’Allemagne et l’ouverture de la Pologne vers l’ouest. En ce qui
concerne le démembrement, Roosevelt proposa la création de cinq Etats autonomes en
Allemagne : 1º) Une Prusse diminuée ; 2º le Hanovre et le Nord-Ouest ; 3º la Saxe et la
zone de Leipzig ; 4º la Hesse et le sud de la Rhénanie ; 5º la Bavière, le grand duché de
Bade et le Wurtemberg. Le canal de Kiel, Hambourg, Ruhr et Sarre seraient placés sous
le contrôle international d’une organisation des Nations Unies à créer. Churchill suggéra
trois Etats : la Prusse, l’Allemagne du centre et l’Allemagne du sud. Mais, Staline
afficha une attitude assez distante envers ces deux plans. Pour autant, l’étude fut confiée
à la « Commission consultative européenne »21.

En ce qui concerne l’ouverture de la Pologne vers l’ouest, la proposition faite


par Staline de déplacer les frontières de la Pologne vers l’ouest, empiétant, de ce fait, la
région est-allemande ne rencontra pas totalement l’assentiment du Président américain
qui ne voulait pas décevoir les attentes des américains d’origine polonaise, ni celui du
Premier ministre britannique qui voulait ménager le gouvernement polonais établi à
Londres. La Conférence de Téhéran avait aussi proposé l’entrée de la Turquie dans la
guerre aux côtés des alliés afin de faciliter leur offensive à partir des Balkans. Le
gouvernement turc rejeta cette proposition. Fut aussi évoquée la question de la création
d’une organisation internationale pouvant garantir la paix et la sécurité entre les nations.

Conscient du fait que l’Armée rouge avait le contrôle des opérations durant la
bataille de Stalingrad contre les allemands, et fort du sentiment d’une victoire sûre de
son Armée dans ce front est, Staline voulut prendre l’engagement auprès de ses alliés
leur signifiant qu’il était prêt à s’impliquer à côté d’eux dans la guerre contre le Japon
une fois l’Allemagne vaincue. Néanmoins, les deux bombes atomiques, construites dans
le plus grand secret gardé contre l’URSS, et larguées par les forces américaines sur
Hiroshima et Nagasaki ne permettaient plus à l’Union Soviétique d’accomplir cet
engagement. Le Japon ne pouvait plus continuer la guerre. Celle-ci était terminée.
Toutefois, le fait que l’Union Soviétique avait des visées sur la Mandchourie, elle
déclara tout de même la guerre contre le Japon le 8 août 1945 un jour avant que
Nagasaki fût bombardé. Elle occupa la Mandchourie.

2.- La Conférence de Yalta

La Conférence de Yalta fut l’un des points culminants de toutes les concertations
entre les puissances alliées pour la configuration du nouvel ordre international post-
guerre. Le rapprochement entre l’URSS et la France libérée et sous l’autorité du général
de Gaulle pour se partager l’Europe, les divergences de vue entre le premier ministre
britannique Winston Churchill, plus monarchiste, et le nouveau secrétaire d’Etat

. Idem., p. 71.
20

. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p. 375.
21

19
américain, Edward Stettinius, de gauche et républicain, étaient des fissures qui
obligeaient à la tenue de cette conférence pour clarifier les points.

Cette Conférence tenue du 4 au 11 février 1945 entre les trois puissances


alliées : les Etats-Unis représentés par son Président Franklin Roosevelt, l’Union
Soviétique par son Président Josep Staline et la Grande Bretagne par son Premier
Ministre Winston Churchill, inscrivait à l’ordre du jour, comme ce fut aussi le cas
durant la Conférence de Téhéran, la question de l’Allemagne après la guerre, c’est-à-
dire, le destin à réserver à ce pays une fois vaincu ; le sort des autres pays occupés par
l’Union Soviétique, essentiellement, ceux de l’Europe de l’Est, subissant une vague
d’invasion idéologique communiste ; ainsi que la question des pays baltes (Lettonie,
Lituanie et Estonie) et des territoires de l’Extrême-Orient.

A Yalta un accord de principe fut scellé entre les trois puissances qui insistèrent
encore une fois sur le démembrement de l’Allemagne. Au-delà de zones occupées par
ces trois puissances, la France devait aussi avoir une zone d’occupation prélevée sur les
zones britannique et américaine.

Cependant, la question de la Pologne fut la plus épineuse à cause de


l’intransigeance soviétique à occuper à tout prix une bonne partie du territoire et à
contrôler la gestion politique de ce pays. Le président Roosevelt se montra favorable à
prendre comme frontière orientale de ce pays la ligne Curzon de 1919, et Churchill se
manifesta pour une frontière encore plus orientale. Staline s’y opposa au nom des droits
de l’Ukraine et de la Russie blanche. Il préféra, au contraire, l’amputation de la frontière
orientale allemande en faveur de la Pologne, même si cela signifiait le transfert de
plusieurs millions d’allemands22.

Au terme de la Conférence, l’Union Soviétique fut l’allié le plus bénéficiaire dès


lors que le Président Franklin Roosevelt, dans sa stratégie de maintenir solide la Grande
Alliance et d’éviter le basculement de Staline vers les forces de l’Axe, surtout vers
l’Allemagne, avait concédé presque à toutes les revendications soviétiques. C’est dans
ce sens qu’il faut comprendre également la « Déclaration des Nations Unies » signée le
1er janvier 1942. En effet, 26 nations en guerre contre les forces de l’Axe signaient cette
Déclaration pour marquer leur engagement à utiliser toutes leurs ressources contre les
forces de l’Axe et à ne pas conclure avec elles de paix séparée. Cette référence à la paix
séparée visait surtout l’Union Soviétique qui, dans ses tentatives de vouloir monter les
enchères pour obtenir gain de cause dans ses diverses revendications, pouvait toujours
jouer au basculement dans le camp des forces de l’Axe.

Il est un fait que Roosevelt avait cru dans la bonne volonté de Staline et comptait
beaucoup sur lui dans la création d’un nouvel ordre international post-guerre qu’il
voulait stable. En effet, le Président américain était partisan d’un ordre mondial contrôlé
par les vainqueurs de la guerre, « les quatre policiers » en y incorporant la Chine
nationaliste. Durant la Conférence de Yalta, le premier thème abordé fut l’organisation
de l’offensive définitive contre l’Allemagne. Ensuite, les alliés approuvèrent que
l’Allemagne soit divisée en 4 zones d’occupation, une d’elles devant revenir à la
France. Enfin, ils se mirent d’accord sur la création d’une commission pour l’étude des
réparations que l’Allemagne devait payer après la guerre, et le chiffre de 20 milliards de

. DUROSELLE, J.-B., Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, op. cit., p. 401.
22

20
dollars fut fixé dont la moitié devait revenir à l’Union Soviétique comme base pour
aborder des futures discussions23.

Durant la Conférence de Yalta, les alliés abordèrent aussi la question de la


création d’une nouvelle organisation internationale dès lors qu’il était devenu évident
que la Société des Nations avait échoué dans sa mission de garantir la paix. La
Deuxième Guerre Mondiale lui a été une dure épreuve.

On a toujours tendance à attribuer aux accords de Yalta la division du monde


après la guerre. Cela n’est pas vrai. Les zones d’occupation tracées durant ces accords
s’étaient converties en germes de futurs blocs de la guerre froide. Ce résultat ne fut pas
en réalité fruit de l’esprit et la lettre des accords de Yalta, mais au contraire, de la
violation délibérée de ces accords par l’Union Soviétique qui voulut étendre son
influence sur les régions libérées par l’armée rouge.

En effet, la capitulation de l’Allemagne le 8 mai 1945 et le renforcement du


pouvoir de Staline démontrèrent jusqu’à quel point le Président Roosevelt fut naïf. La
politique expansionniste de l’Union Soviétique, le non-respect des engagements pris
lors de la Conférence de Yalta sur la Pologne et le soutien apporté à plusieurs
mouvements révolutionnaires étrangers dans leur propagande en faveur de l’idéologie
communiste, surtout en Bulgarie et en Roumanie, devenaient une menace pour les
intérêts occidentaux. Ces provocations étaient des signes précurseurs qui annonçaient la
guerre froide entre les deux superpuissances.

Faut-il rappeler qu’à peine la guerre terminée, les alliés avaient démobilisé leurs
forces pour les ramener de 4,7 millions à 900.000 hommes. Mais, l’Union Soviétique
avait continué à maintenir ses effectifs de guerre, soit environ 6 millions d’hommes de
ses forces armées. La raison en était que Staline avait annexé 470.000 km2 de territoire
européen et 23 millions d’habitants, sans compter la mise sous protectorat forcé, en y
imposant aussi le communisme, de sept pays intégrant 1 million de km2 et 90 millions
d’habitants24.

3.- La Conférence de Potsdam

Convoquée en pleine tension entre l’Union Soviétique et ses alliés, la


Conférence de Potsdam fut l’occasion de dissiper plusieurs malentendus entre les trois
puissances et la concrétisation des propositions avancées à Yalta. Elle fut la dernière
rencontre entre les trois chefs de gouvernement. Tenue du 17 juillet au 2 août 1945, la
Conférence de Potsdam qui réunit encore une fois les puissances alliées (Etats-Unis
avec Harry Truman, l’Union Soviétique avec Josep Staline, le Royaume-Uni avec
Winston Churchill, puis Clément Attlee25), devait régler le sort définitif des nations
ennemies.

23
. MICHEL, H., op. cit., p. 107.
24
. PUAUX, F., La politique internationale des années quatre-vingt. De Reagan à Gorbatchev,
Paris, PUF, 1989, p. 314.
25
. Le 25 juillet 1945, la Conférence fut momentanément interrompue et ajournée pour permettre
à Churchill qui s’était fait accompagner d’Attlee de revenir à Londres afin d’assister au
dépouillement du scrutin qui se célébrait en ce moment en Grande Bretagne. Chef du parti
travailliste, Clément Attlee gagnait ce scrutin et retournait seul à Potsdam pour continuer la
Conférence qui termina ses travaux le 2 août 1945.

21
Si à Yalta fut prise la décision de démembrer l’Allemagne, à Potsdam, il y eut
recul et les trois puissances alliées pensèrent à préserver l’unité de cette nation.
Toutefois, l’Allemagne est divisée et ses frontières revues. La zone Est revenait à
l’Union Soviétique, le Sud-ouest aux Etats-Unis, le Nord-ouest à la Grande Bretagne, et
la zone française s’intercalait entre les deux zones précédentes26. La Conférence procéda
également au désarmement et à la démilitarisation de l’Allemagne réduisant à néant son
impressionnante infrastructure militaro-industrielle. Une campagne de dénazification est
décidée pour détruire le parti national-socialiste et effacer tout ce qui avait trait avec les
programmes, la propagande et les lois nazis. Il est convenu de procéder à l’épuration des
membres du parti nazi et au jugement des criminels de guerre. Cette décision conduisit
au procès de Nuremberg27. Des mesures similaires furent aussi prises pour l’Autriche
qui fut séparée de l’Allemagne pour devenir un Etat indépendant.

Quant à l’Italie, elle fut dépouillée de ses colonies africaines : La Somalie, la


Libye et l’Erythrée placées sous l’administration d’autres puissances. Les accords de
Potsdam décidèrent de limiter le territoire japonais aux quatre principales îles longtemps
reconnues comme japonaises, mais une nuance fut faite reconnaissant que quelques
petites îles puissent être accordées par la suite. Les accords décidèrent le détachement
du Japon des territoires conquis tels que le Taïwan et la Corée. Il fut intimé l’ordre à ce
pays de se rendre sans condition sous peine de subir des graves destructions. Les alliés
décidèrent également l’instauration dans ce pays de la liberté d’expression et le libre
exercice de la foi religieuse. Quand la Conférence prenait fin, la guerre continuait
encore au Japon qui ne capitula que le 14 août 1945 après le bombardement de
Nagasaki.

En ce qui concerne la Pologne, la Conférence reconnaissait le gouvernement


provisoire d’unité nationale établi en Pologne. En outre, elle décida que la ligne Oder-
Neisse28 pût servir provisoirement de frontière entre la Pologne et l’Allemagne,
reconnaissant, par ce fait, à la Pologne le droit d’administrer les provinces allemandes
situées à l’est de la même ligne Oder-Neisse, en attendant la signature d’un traité de
paix.

Eu égard à toutes ces modifications, la Conférence de Potsdam dut entériner des


vastes mouvements des populations allemandes transférées de part et d’autre comme
26
. La Ville de Berlin isolée dans le secteur soviétique est divisée elle aussi en quatre zones
d’occupation : l’URSS à l’Est et les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France à l’Ouest.
27
. Ce procès fut ouvert le 20 novembre 1945 pour se terminer le 1 er octobre 1946. Pour la
première fois dans l’histoire de l’humanité, le Tribunal de Nuremberg précisait les concepts de
crime de guerre et crime de génocide. 24 chefs nazis furent accusés. 21 furent amenés à la barre
et trois ne comparurent pas. De ces 21 présents, 12 furent condamnés à mort, sept à des peines
de prison, et deux furent acquittés.
28
. Suivant les accords de Potsdam, dans leur point IX, réservé à la Pologne, la Ligne Oder-
Neisse partait de la Mer Baltique, immédiatement à l’ouest de Swinemunde, pour descendre le
long de l’Oder jusqu’au confluent de la Neisse occidentale, puis longer celle-ci jusqu’à la
frontière tchécoslovaque, y compris la partie de la Prusse orientale qui n’était pas placée sous
l’administration soviétique en vertu de l’accord intervenu à ladite Conférence de Potsdam et la
région de l’ex-Ville libre de Dantzig, lesdits territoires ne devant pas être, à cette fin,
considérées comme faisant partie de la zone soviétique d’occupation de l’Allemagne.
L’Allemagne vit ainsi ses frontières largement ramenées à l’ouest au profit de la Pologne que
l’Union Soviétique avait amputée de sa partie orientale.

22
conséquence de la nouvelle géopolitique et du nouvel équilibre territorial provoqués
dans la région. Des allemands de la Pologne furent chassés à l’ouest de la Pologne pour
être confinés à l’est de l’Allemagne. D’autres encore furent évacués de la région
polonaise de Silésie, de Transylvanie en Roumanie, de la Tchécoslovaquie et de la
Hongrie. En d’autres termes, 11 millions d’allemands furent expulsés de territoire de
l’Europe centrale.

Finalement, le tracé évoqué plus haut fut définitivement ratifié par la Pologne et
l’Allemagne réunifiée en 1990. En effet, c’est le 12 septembre 1990, plus de quarante-
cinq ans après, que ce traité de paix prévu à Potsdam a été signé à Moscou, dit aussi
Traité 2+4 entre la République Fédérale d’Allemagne, la République Démocratique
Allemande, les Etats-Unis d’Amérique, la France, le Royaume-Uni et l’Union
Soviétique. Par ce traité, les allemands reconnaissaient leurs frontières comme
inaltérables. Celles-ci ne peuvent, en aucun cas, être modifiées ni par un accord mutuel
avec leurs voisins. Dans ce cas, la ligne Oder-Neisse devenait la frontière définitive
entre l’Allemagne et la Pologne.

Yalta décida aussi que la Corée fût libérée de la domination que le Japon y
exerçait depuis 1910. Les russes devaient occuper le nord du pays alors que les
américains en faisaient de même dans la partie sud. La ligne de démarcation devait être
le 38ème parallèle29. Téhéran, Yalta et Potsdam servirent de plateformes aux puissances
alliées pour déterminer et concrétiser leurs plans qui configuraient finalement l’ordre
mondial de l’après-guerre. L’Organisation des Nations Unies qui naît est l’œuvre de ces
puissances et porte, à des divers aspects, la marque de l’influence de ces Etats.

III.- LA CREATION DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

1.- Le cheminement vers la création de l’organisation des Nations Unies

Déjà le 26 août 1941, dans un document devenu célèbre, inspiré par Churchill et
Roosevelt sous le nom de « Charte de l’Atlantique », il était prévu « l’institution d’un
système de sécurité générale établi sur des bases plus larges ». Le 1er janvier 1942, fut
signée par 26 nations en guerre contre l’Allemagne et le Japon la « Déclaration des
Nations Unies » par laquelle ces nations s’engageaient à élaborer un système de paix et
de sécurité après la guerre. Le levier d’un tel système devait trouver ses commandes au
sein d’une organisation internationale fondée sur l’égalité entre tous les Etats pacifiques.
Cette conviction fut réaffirmée en novembre 1943 à la Conférence de Téhéran. En
décembre de la même année, fut créée à Washington un groupe d’étude pour la future
organisation30.

Des travaux préliminaires initiés par les représentants de la Chine, des Etats-
Unis, du Royaume Uni et de l’Union Soviétique à Dumbarton Oaks entre septembre et
octobre 1944 aboutirent sur la tenue à San Francisco du 25 avril au 25 juin 1945 de la
Conférence des Nations Unies sur l’organisation internationale, durant laquelle fut
rédigée la charte de l’ONU. Cette conférence devait réunir les puissances signataires de

29
. DUROSELLE, J.-B., et KASPI, A., Histoire des relations internationales de 1945 à nos
jours, Paris, Armand Colin, 2009, pp. 137-138.
30
. DUROSELLE, J.-B., et KASPI, A., HIdem., istoire des relations internationales de 1945 à
nos jours, op. cit., p.6.

23
la Déclaration des Nations Unies et tous autres pays qui avaient déclaré la guerre aux
puissances de l’Axe avant le 1er mars 1945.

Après de longues péripéties, l’Organisation des Nations Unies est née


officiellement le 24 octobre 1945, date de l’entrée en vigueur de la Charte, avec 51 Etats
membres originaires dont 20 Etats latino-américains et seulement 3 Etats africains.
Aujourd’hui, l’organisation en compte au total 194. Elle a son siège à New York et de
sous-sièges à Genève. La nouvelle organisation absorbait le 18 avril 1946 les actifs
qu’avait cumulés la Société des Nations depuis sa mise en marche le 10 janvier 1920.

1.1.- Les buts de l’ONU

Les objectifs de l’ONU tels que définis dans sa charte en son article premier,
reposent sur le maintien de la paix et la sécurité internationales, la promotion des
relations d’amitié entre les nations avec respect du principe de l’égalité souveraine de
tous les Etats membres et de la libre détermination des peuples, ainsi que la solution des
problèmes internationaux de caractère économique, social, culturel ou humanitaire par
le biais de la coopération internationale en encourageant le respect des droits de
l’homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de
langue ou de religion.

Cet article premier de la Charte revêt une importance particulière et énonce


même toute la philosophie qui doit animer et conduire l’action de l’ONU. Les buts
assignés à l’ONU se ramènent au trinôme « paix, liberté et développement » comme
pour promouvoir un monde pacifique, libre et développé. Toutefois, ayant été créée à la
suite des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, l’organisation ne peut oublier le but
principal de sa mission qui est la paix considérée comme le but des buts31.

Pour autant, le maintien et la consolidation de la paix devaient figurer en avant


plan des préoccupations fondamentales des Nations Unies avec cette finalité projetée
d’épargner à l’humanité les affres d’une troisième guerre mondiale. Dans ce sens, la
Charte des Nations Unies a été un moment qualifiée de « Charte de la sécurité
mondiale ». En affichant les préoccupations pour la paix avant toutes les autres, les
Nations Unies répondaient au souci d’annoncer d’emblée leur idéologie et leur
philosophie32. Le maintien de la paix en premier lieu, le respect des libertés
fondamentales et le développement des peuples formaient le trépied sur lequel devait se
baser le nouvel ordre international.

1.2.- Les principes de l’ONU

Dans la réalisation des buts énoncés, l’ONU doit agir conformément aux
principes suivants (art. 2 de la Charte) : le respect de l’égalité souveraine de tous ses
Etats membres ; l’accomplissement de bonne foi par les Etats membres des obligations
qu’ils ont accepté d’assumer à la signature de la Charte ; le règlement par des moyens
pacifiques des différends internationaux pour ne pas ébranler la paix et la sécurité
internationales ; le non recours à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre
l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
31
. COT, J.-P., et PELLET, A., (dir.), La Charte des Nations Unies, Paris, Economica, 1991, p.
24.
32
. Idem.

24
manière incompatible avec les buts des Nations Unies ; pleine assistance à l’ONU dans
toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la Charte et
l’abstention de prêter assistance à tout Etat contre lequel l’ONU entreprend une action
préventive ou coercitive.

1.2.1.- Le principe de l’égalité souveraine

Le principe de l’égalité souveraine fait apparaître deux notions : l’égalité d’une


part, et la souveraineté de l’autre, cette dernière étant considérée comme la source
juridique du principe même d’égalité.

Le principe d’égalité entre Etats suppose l’égalité devant la loi et l’égalité des
droits. Cependant, les critiques surgissent contre ce principe quand l’on se réfère
souvent au mode de fonctionnement du Conseil de sécurité au sein duquel les membres
permanents jouissent du droit de veto pour bloquer la prise de certaines décisions qui ne
leur seraient pas favorables. Par conséquent, il n’est pas indéniable de reconnaître que la
société internationale révèle chaque jour des inégalités entre les Etats, lesquelles ont des
répercussions dans les rapports entre ces Etats, soit directement, soit au sein des
organisations internationales.

Faudrait-il pour autant abandonner le principe de l’égalité souveraine ? Non. En


d’autres termes, c’est parce que les Etats ne sont pas égaux qu’il faut un principe
d’égalité33.

Quant à la souveraineté, celle-ci est entendue comme synonyme d’indépendance,


de non-subordination à une autre autorité et de non-ingérence. Toutefois, les relations
internationales contemporaines ont vite fait voir que la souveraineté omnipotente est à la
fois un danger et une illusion. La Charte elle-même érige la coopération entre les
nations en un de ses buts. Or, qui dit coopération dit harmonisation des politiques des
nations qui acceptent de s’unir par le devoir de solidarité 34. Cette démarche pour
atteindre des intérêts communs peut parfois éroder quelques pans de souveraineté.

1.2.2.- Le principe de l’accomplissement de bonne foi des obligations

Ce principe de bonne foi traverse l’ensemble des rapports juridiques qui


s’établissent entre une organisation internationale et un de ses Etats membres ou entre
Etats membres de celle-ci. Ce principe renvoie à la droiture, l’honnêteté, la loyauté et le
sens du respect de la parole donnée. En d’autres termes, le principe de bonne foi renvoie
aux valeurs morales qui doivent aider les membres à accomplir les obligations acceptées
au terme de la signature de la Charte sans chercher des exutoires impropres à travers des
interprétations erronées des clauses pour ne pas finalement accomplir leurs obligations.

1.2.3.- Le règlement des différends internationaux par des moyens


pacifiques

. COT, J.-P. et PELLET, A., (dir.)., op. cit., p. 90.


33

. Idem., p. 87.
34

25
Il faut bien souligner ici que tout le système de la Charte est construit autour du
principe de l’interdiction du recours à la force. Par conséquent, le règlement pacifique
des différends internationaux devient la suite logique de cette interdiction. Ce principe
s’inspire et puise sa substance du Pacte Briand-Kellog ou Traité de Paris qui
condamnait la guerre comme instrument de politique nationale et obligeait les Etats à y
renoncer. Ce pacte fut signé le 27 août 1928 par 60 nations.

1.2.4.- L’interdiction de recours à la menace ou à l’emploi de la force

L’interdiction du recours à la force occupe une place centrale dans la Charte de


l’ONU (art. 2, paragraphe 4). Il ne pouvait en être autrement dès lors que l’organisation
a été instituée, à la lecture de l’énoncé de son préambule, pour « préserver les
générations futures du fléau de la guerre ». Et l’un des buts poursuivis est « le maintien
de la paix et la sécurité internationales ». Suivant cette logique, l’agression d’un Etat par
un autre est interdite dans les relations internationales35.

En effet, les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale firent comprendre aux


Etats la nécessité d’abolir définitivement le droit de faire la guerre considéré depuis
longtemps comme un attribut essentiel de la souveraineté, et par conséquent, comme un
principe fondamental sur lequel le droit international ainsi que les relations
internationales devaient poser leurs fondements. Le règlement pacifique des différends
ainsi que l’interdiction de recourir à la force sont considérés aujourd’hui comme des
principes de jus cogens, reconnus par la communauté internationale comme des normes
auxquelles aucune dérogation n’est permise.

Il faut insister sur le fait que l’article 2, paragraphe 4 a une portée plus étendue
que le Pacte de Paris. En effet, ce n’est plus seulement la guerre qui est interdite, mais
tout recours à la force dans les relations internationales, fût-ce même sous la forme
d’une menace. Toutefois, une nuance s’impose. Ce recours à la force n’est interdit que
dans les relations internationales, soit contre l’intégrité territoriale et l’indépendance
politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations
Unies.

Eu égard à ces considérations, il résulte que le recours à la force peut être licite
dans d’autres circonstances ou pour certaines fins. Pour autant, il existe des exceptions à
la règle : la première exception reconnue dans la Charte en son article 51 se réfère au
cas de légitime défense « individuelle ou collective ». La deuxième exception fait
allusion à l’action collective décidée par des Etats en vue de faire face à une menace
contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression (arts. 42 et 53). La
troisième est celle qui considère aussi licite le recours à la force pour des fins
humanitaires afin de sauvegarder la vie des nationaux d’un Etat qui se trouverait
gravement menacée.

1.2.5.- Pleine assistance dans toute action entreprise par l’ONU et


abstention de prêter assistance à un Etat contre lequel l’ONU
entreprend une action préventive ou coercitive

. RAMBAUD, P., « La définition de l’agression par l’ONU », in Revue Générale de Droit
35

International Public 1976, pp. 835-881.

26
Ce principe insère deux obligations qui se complètent : d’une part, une
obligation positive impliquant le devoir d’assister l’ONU lorsqu’elle entreprend une
action, et d’autre part, une obligation négative imposant le devoir d’abstention de toute
assistance à un Etat sanctionné par l’ONU.

Face à tous ces principes, une question est restée posée quant à savoir quel
pourrait en être le comportement des Etats non membres dès lors qu’ils ne sont pas liés
par la Charte. Devant cette situation, l’ONU fait en sorte que les Etats non membres
agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix
et de la sécurité internationales.

2.- La structure de l’ONU

2.1.- Les organes principaux

L’ONU compte six organes principaux : l’Assemblée Générale, le Conseil de


Sécurité, la Cour internationale de Justice (avec siège dans le Palais de la Paix de la
Haye), le Conseil Economique et Social, le Conseil de tutelle et le Secrétariat. Au-delà
de ces principaux organes, l’Organisation compte des Programmes et des Organes
subsidiaires, des Commissions régionales ainsi que des Agences ou Organismes
spécialisés.

2.1.1.- L’Assemblée Générale

L’Assemblée Générale est l’organe principal et délibérant dans lequel sont


représentés tous les Etats membres chacun avec un vote et placés tous sur le même pied
d’égalité. Elle est ainsi au cœur des problèmes de la société internationale. Pour autant,
elle peut ouvrir des discussions sur toutes questions ou affaires prévues dans la Charte
ou portant sur les pouvoirs et fonctions de l’un quelconque des organes. Toutefois,
l’initiative de cet organe est limitée dans le domaine du maintien de la paix et la sécurité
internationales placé sous la responsabilité principale du Conseil de sécurité. Et sous
réserve de l’article 12 de la Charte qui circonscrit les domaines d’action et des
compétences du Conseil de sécurité et établit les modalités de collaboration avec
l’Assemblée générale, celle-ci peut formuler sur les questions ou affaires sous sa
discussion des recommandations aux membres de l’ONU et/ou au conseil de sécurité.

En d’autres termes, les pouvoirs de l’Assemblée générale s’étendent à tous les


domaines relevant de la compétence de l’ONU, et même celui du maintien de la paix et
la sécurité internationales considéré, bien entendu, comme résiduel pour cet organe,
mais principal pour le Conseil de sécurité. De cette manière, la compétence principale
du Conseil de sécurité n’exclut pas la compétence concurrente de l’Assemblée générale.

Aussi faudrait-il souligner l’adoption par l’Assemblée générale le 3 novembre


1950 de la résolution 377 (V), dite « Union pour le maintien de la paix », appelée aussi
« Résolution Dean Acheson », du nom de son promoteur, alors Secrétaire d’Etat
américain. A travers cette résolution, l’Assemblée générale se reconnaît le droit de
suppléer le Conseil de sécurité lorsque celui-ci, paralysé par le veto, ne parvient pas à
s’acquitter de sa responsabilité principale, face à une menace à la paix, une rupture de la

27
paix ou un acte d’agression. Il est né ainsi une règle qui s’est convertie en une coutume
pour modifier la Charte36.

Les modes de votation diffèrent au sein de cet organe. Pour des questions
considérées comme importantes, il est requis la majorité de deux tiers des membres
présents et votants, alors que pour des questions ordinaires, une majorité simple suffit.

L’Assemblée générale occupe une position prééminente à raison de l’étendue de


ses fonctions et de ses pouvoirs politiques 37 ainsi que de ses compétences dans la
création des autres organes, en l’occurrence, les « organes subsidiaires ». Elle compte
six commissions : la commission de désarmement et de sécurité, la commission
économique et financière, la commission humanitaire, sociale et culturelle, la
commission politique et de décolonisation, la commission administrative et budgétaire,
et la commission juridique.

Elle élit les membres non permanents du Conseil de sécurité, ceux de la Cour
internationale de justice, ceux du Conseil économique et social, ceux du Conseil de
tutelle. Sur proposition du Conseil de sécurité, elle admet de nouveaux membres et
exclut ceux qui ont enfreint leurs engagements face à la Charte 38. Elle se réunit chaque
année en session ordinaire à partir du 3 ème mardi de septembre jusqu’au mois de
décembre. De cette manière, elle imprime chaque année une dynamique politique aux
travaux de l’organisation. Elle convoque, en outre, les grandes conférences
internationales durant lesquelles sont adoptés des déclarations et des programmes
d’action dans des secteurs spécifiques des relations internationales. Elle peut aussi, si
les circonstances l’exigent, se réunir en session extraordinaire convoquée à la demande
du Conseil de sécurité, de la majorité des Etats membres ou d’un Etat membre avec
l’accord de la majorité.

L’Assemblée Générale apparaît comme cette plateforme où se reflète la


démocratie mondiale dès lors que les petits Etats s’affrontent aux grands sans crainte
d’être inquiétés essayant d’imposer leurs points de vue pour lesquels ils cherchent des
appuis auprès d’autres Etats du même acabit à travers la diplomatie des couloirs. Loin
du système de pondération de vote appliqué dans certains organismes du système de
l’ONU et du véto brandi par les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, le
vote au sein de l’Assemblée Générale est égal. De ce fait, l’organe devient le forum où
se reflète le mieux l’expression de l’opinion majoritaire.

2.1.2.- Le Conseil de sécurité

Les concepteurs de la charte, marqués par le sentiment de victoire, s’étaient


octroyé les privilèges de vainqueurs traduits par leur statut de membres permanents au

36
. PINTO, R., Le droit des relations internationales, Paris, Payot, 1972, p. 303.
37
. Le Conseil économique et social (art. 60 de la Charte), et le Conseil de tutelle (art. 63), sont
placés sous l’autorité de l’Assemblée générale.
38
. DUROSELLE, J.-B., et KASPI, A., Histoire des relations internationales de 1945 à nos
jours, op. cit., p. 11.

28
sein du Conseil de Sécurité où ils statuent sur les grands problèmes internationaux
touchant à la paix et la sécurité internationales avec un droit de véto chacun.

En effet, le Conseil de sécurité est composé de cinq membres permanents avec


droit de véto, et de dix membres non permanents sans véto, élus par l’Assemblée
générale pour une période de deux ans à la majorité des deux tiers, en tenant compte de
leur contribution au maintien de la paix et la sécurité internationales ainsi que de la
répartition géographique équitable39. Le droit de veto concédé aux cinq membres
permanents fait aujourd’hui l’objet de critiques acerbes qui le considèrent comme une
violation de l’article 2 de la Charte, lequel proclame l’égalité souveraine des Etats.

Le Conseil se réunit beaucoup plus souvent, au moins tous les quinze jours, alors
que l’Assemblée générale n’a, en principe, qu’une session annuelle. Le Conseil a,
conformément à l’article 24 de la Charte, la mission principale du maintien de la paix et
la sécurité internationales. Dans ce sens, cet organe est le gendarme international auquel
revient la charge de concevoir et d’imposer l’ordre mondial. Pour autant, il détient le
pouvoir discrétionnaire d’apprécier et qualifier les situations du Chapitre VII et de
décider des sanctions qui peuvent être économiques ou militaires. Dans ce sens, le
Conseil a la faculté d’agir soir par « recommandations », soit par « décisions ». Les
actes du Conseil revêtus expressément ou implicitement du caractère décisoire
s’imposent aux Etats avec force obligatoire.

Dans la pratique actuelle, la distinction entre les décisions et les


recommandations tend à disparaître dès lors que l’obligation des Etats d’accepter et
d’appliquer tend à concerner presque tous les actes ou les résolutions du Conseil.
Toutefois, il faut reconnaître l’existence des résolutions à caractère purement
exhortatif : Le Conseil « demande », « prie », etc. les résolutions à caractère consultatif
comme celles adressées à la Cour internationale de Justice. Pour autant, il est toujours
préférable de procéder à l’analyse du libellé d’une résolution du Conseil pour pouvoir
conclure à sa tendance consultative ou à son effet obligatoire.

2.1.3.- Le Conseil Economique et Social

Le Conseil Economique et Social (ECOSOC) est composé de 54 membres élus


par l’Assemblée générale pour un mandat de 3 ans. La mission reconnue à cet organe
est de coordonner le travail économique et social de l’ONU ainsi que celui des
organismes et agences spécialisés. En d’autres termes, le rôle du Conseil Economique et
Social est d’identifier les besoins de coopération internationale et de créer des structures
qui puissent répondre à ces besoins, tout en garantissant leur fonctionnement et en fixant
les orientations générales.

Cette activité du Conseil le ramène à trois fonctions essentielles : Diriger le


programme de travail de l’ONU dans les domaines économique et social et dans celui
des droits de l’homme ; coordonner les activités des organismes spécialisés, et enfin,
servir de tribune de discussion des problèmes internationaux touchant à la politique
économique et sociale.

. Les membres permanents sont : la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, la France, le Royaume
39

Uni et la Russie qui depuis le 24 décembre 1991 a pris place de l’ancienne Union Soviétique.

29
Neuf commissions sectorielles ont été constituées au sein de cet organe : La
commission de développement social, la commission des droits de l’homme, la
commission des stupéfiants, la commission de prévention de délit et justice pénale, la
commission de science et technologie pour le développement, la commission du
développement durable, la commission sur la condition de la femme, la commission sur
la population et la commission des statistiques.

Le Conseil Economique et Social compte également cinq commissions


régionales : La Commission des Nations Unies pour l’Afrique ; la Commission des
Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique ; la Commission des nations Unies pour
l’Europe ; la Commission des Nations Unies pour l’Amérique Latine et la Commission
des Nations Unies pour le Caraïbe et l’Asie Occidentale.

2.1.4.- Le Conseil de tutelle

Des organes principaux de l’ONU, le Conseil de tutelle aura été le dernier à être
constitué et mis en fonctionnement40. Le retard subi dans l’approbation des accords de
tutelle par l’Assemblée Générale explique cette situation.

Le Conseil de tutelle est composé de membres chargés d’administrer des


territoires sous tutelle, des membres permanents du Conseil de Sécurité qui
n’administrent pas des territoires sous tutelle41 et autant d’autres membres élus pour
trois ans par l’Assemblée générale, l’objectif étant que le nombre total des membres du
Conseil de tutelle se partage à égalité entre les membres des Nations Unies qui
administrent des territoires sous tutelle et ceux qui n’en administrent pas. Tous ces Etats
membres disposent chacun d’une voix au Conseil et désignent chacun une personne
qualifiée pour le représenter au Conseil de tutelle42.

Cette composition particulière du Conseil de tutelle conduit à la possibilité de


variation en hausse ou en baisse du nombre de ses membres dès lors que toute puissance
administrante d’un territoire qui accède à l’indépendance cesse d’être membre, et cette
situation entraîne la baisse du nombre des membres non seulement au niveau des
membres qui administrent mais aussi à celui de ceux qui n’administrent pas.

Le Conseil de tutelle a la mission de favoriser l’indépendance des territoires sous


administration ou sous tutelle de l’ONU et d’imprimer leur marche vers un
gouvernement autonome. Cette mission implique le contrôle de l’autorité administrante
qui doit, en vertu de l’accord de tutelle, initier les habitants des territoires sous tutelle
aux méthodes de gouvernement par lesquelles se définit un Etat souverain afin de
préparer l’accession du futur Etat à la souveraineté internationale. La même autorité doit
favoriser le progrès économique, social et éducatif de mêmes habitants afin de les
préparer à leur indépendance.

40
. IlLe Conseil de tutelle fut constitué le 14 décembre 1946.
41
. A l’origine ces membres étaient la Chine et l’Union Soviétique. Mais avec la décolonisation,
entrèrent aussi dans cette catégorie la France 1960 et le Royaume Uni en 1968. Les Etats-Unis
administraient encore les 2100 îles du Pacifique qui, auparavant étaient sous mandat japonais, et
dorénavant placées sous sa tutelle stratégique.
42
. Voir dans ce cas l’art. 86 de la Charte des Nations Unies qui traite de cette composition du
Conseil de tutelle.

30
Les missions de contrôle du Conseil de tutelle aboutissent à l’élaboration des
rapports annuels à l’attention de l’Assemblée générale, lesquels présentent des
conclusions et des recommandations sur les divers aspects de l’évolution politique,
économique et sociale ainsi que du progrès de l’instruction dans les territoires
concernés.

Le Conseil de tutelle travaille en collaboration avec l’Assemblée générale


lorsqu’il s’agit des zones de tutelle non stratégiques et avec le Conseil de Sécurité quant
aux zones de tutelle stratégiques. Toutefois, l’importance du Conseil de tutelle est allée
decrescendo au vu de l’évolution de la société internationale qui ne compte presque plus
de territoires sous administration ou sous tutelle. Le principe d’autodétermination des
peuples ou leur droit de disposer d’eux-mêmes ayant beaucoup aidé à l’indépendance de
plusieurs territoires.

2.1.5.- La Cour internationale de Justice

La Cour internationale de Justice est l’organe juridictionnel de l’organisation.


Elle est composée de 15 magistrats dont le mandat est de 9 ans renouvelables par tiers,
c’est-à-dire, par groupe de cinq d’entre eux tous les trois ans. Une fois élu le membre de
la Cour est un magistrat indépendant qui ne doit pas recevoir d’instructions du
gouvernement de son pays, ni d’aucun autre gouvernement. Il exerce ses fonctions de
manière impartiale et en toute indépendance et en toute liberté de conscience.

La Cour a compétence dans la résolution des différends entre les Etats et émet
des opinions consultatives tant pour l’ONU que pour ses organismes spécialisés. Elle
peut être aussi saisie par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité pour avis
consultatif de toutes questions juridiques sur des dossiers déterminés.

La compétence de la Cour sur les différends qui opposent les parties n’est pas
obligatoire. Aucun Etat ne peut être attrait devant la Cour sans avoir émis son
consentement de s’y soumettre. Par conséquent, il existe des voies par lesquelles les
Etats expriment ce consentement de soumettre leur différend à la juridiction de la Cour.
La première voie est celle par laquelle les parties conviennent bilatéralement de
soumettre un différend déjà existant à la Cour. La deuxième voie est celle des traités ou
des conventions déjà en vigueur signés par les parties et qui acceptent d’avance la
compétence de la Cour en cas de différend. La troisième voie est celle qui consiste dans
une déclaration facultative qui reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans
convention spéciale, à l’égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la
juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique.

Chaque Etat membre s’engage à se conformer à l’arrêt rendu par la Cour dans
tout litige auquel il est partie. Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui
lui incombent en vertu d’un arrêt de la Cour, l’autre partie peut recourir au Conseil de
sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider
des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt (art. 94 de la Charte).

2.1.6.- Le Secrétariat

Le Secrétariat est l’organe administratif de l’organisation. Il est animé par


presque 15.000 fonctionnaires sous l’autorité du Secrétaire général nommé par

31
l’Assemblée générale sur proposition du Conseil de sécurité pour un mandat de cinq ans
renouvelables43. Le Secrétaire général est secondé dans sa tâche par des Secrétaires
généraux adjoints et des sous-secrétaires généraux. Les organes subsidiaires sont
présidés par de hauts fonctionnaires ayant souvent rang de Secrétaire général adjoint et
appuyés dans leurs tâches par une ou plusieurs personnes avec rang de sous-secrétaire
général.

Le Secrétaire général est le plus haut fonctionnaire de l’administration de


l’ONU. Il assure la gestion du personnel qui lui doit obéissance, prépare et exécute le
budget de l’administration, administre les biens et représente l’ONU auprès des agents,
des organismes privés ou publics extérieurs aux Nations Unies. Il présente à
l’Assemblée générale un rapport annuel sur l’activité de l’Organisation. En tant que plus
haut fonctionnaire de l’administration de l’ONU, le Secrétaire général doit faire en sorte
que les diverses activités entreprises par les différents organes de l’Organisation
forment un tout et veiller à ce que l’ensemble fonctionne avec efficacité et harmonie.

Toutefois, la compétence du Secrétaire général s’étend même au-delà de celle


qui lui correspond en tant que haut fonctionnaire de l’administration de l’ONU. En
effet, outre le pouvoir qu’il détient du fait d’être vêtu de cette étoffe, le Secrétaire
général a un droit d’initiative diplomatique de nature politique lui reconnu par l’article
99 de la Charte. Selon cet article, le Secrétaire général peut attirer l’attention du Conseil
de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la
paix et la sécurité internationales44.

En d’autres termes, le Secrétaire général agit en qualité du haut fonctionnaire en


ce qui concerne l’administration du Secrétariat, mais se présente sur la scène
internationale et devant tous les organes des Nations Unies en qualité de Secrétaire
général investi par la Charte d’un droit tout à fait spécial, c’est-à-dire, un droit
d’intervention et de proposition45.

Le Secrétaire général peut intervenir devant les organes délibérants de l’ONU et


influer sur leur ordre du jour en y faisant une question dont il juge important et urgent le
débat. Il peut présenter oralement ou par écrit des exposés sur toute question soumise à
l’examen des organes.

Dans le domaine diplomatique, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité


confient le plus souvent au Secrétaire général de multiples responsabilités telles que les
missions de médiation ou de bons offices qui tendent à suppléer l’inaction de certains
organes commis à cette tâche.

Dans le domaine du maintien de la paix et la sécurité internationales, le


Secrétaire général assume des fonctions exécutives de plus en plus nombreuses et la

43
. Jusqu’à ces jours, le Secrétariat de l’ONU a été dirigé par : Trygve Lie (norvégien 1946-
1953), Dag Hammarksjöld (suédois 1953-1961), U Thant (birman 1961-1971), Kurt Waldheim
(autrichien 1971-1981), Javier Pérez de Cuellar (péruvien 1981-1991), Boutros Boutros Ghali
(égyptien 1992-1997), Kofi Annan (ghanéen 1997-2006), Ban-Ki-Moon (sud-coréen 2007-
).
44
. Cet article 99 offre au Secrétaire général les mêmes prérogatives que celles que détient
l’Assemblée générale en vertu de l’article 11, paragraphe 3 de la même Charte.
45
. COT, J.-P. et PELLET, A. (dir.). op. cit., p. 1318.

32
pratique des opérations de maintien de la paix l’a chargé de responsabilités encore plus
lourdes que celles prévues par la Charte. En effet, le Secrétaire général a la
responsabilité de déterminer la composition de la force ou du groupe d’observateurs à
envoyer dans un Etat membre en conflit. Il en assume la direction et porte la
responsabilité des opérations. C’est à lui qu’il revient de négocier avec les Etats et le
pays hôte les conditions de déploiement des forces affectées à l’opération46.

Les opérations de maintien de la paix sont pour une durée limitée et soumise au
renouvellement tous les trois ou six mois suivant les circonstances. La tâche du
Secrétaire général s’en trouve simplifiée47.

2.2.- Les organes subsidiaires

En 1954, dans un document intitulé « Résumé des études du Secrétariat sur les
questions d’ordre statutaire relatives aux organismes placés dans le cadre de
l’Organisation des Nations Unies », un essai de définition de l’organe subsidiaire a été
proposé à la 9ème session de l’Assemblée générale. Suivant ce document, « Un organe
subsidiaire est créé par un organe principal de l’Organisation des Nations Unies ou sous
son égide, par délégation de ses pouvoirs, conformément à l’article 7, alinéa 2, de la
Charte, par résolution dudit organe considéré comme compétent en la matière sur
laquelle porte la création. L’organe créé fait partie intégrante de l’Organisation ». Il joue
le rôle de l’organe d’exécution complémentaire par rapport aux besoins de l’organe
principal.

Les organes subsidiaires peuvent assumer toutes les fonctions, toutes les
missions, tous les mandats nécessaires au fonctionnement de l’Organisation qu’un
organe principal jugera nécessaire de leur confier. En d’autres termes, à partir du
moment où les finalités de l’ONU l’exigent, toutes sortes de compétences peuvent être
transférées à des organes subsidiaires : compétences consultatives ou de décision,
compétences réglementaires ou juridictionnelles, compétences administratives ou
opérationnelles.

L’ONU compte aujourd’hui un nombre important d’organes subsidiaires entre


autres la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
(CNUCED), le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), l’UNITAR, et une quinzaine
de Programmes comme le PAM, le PNUD, le PNUE, etc.
2.3.- Les organismes spécialisés

L’ONU compte aussi des organismes spécialisés qui sont une pièce importante
de l’engrenage de l’organisation avec mission de l’accompagner à travers l’appui et la
promotion de ses programmes dans des secteurs spécifiques qui leur sont confiés. Parmi
ses organismes spécialisés, nous pouvons mentionner la FAO, l’OMS, l’UNESCO,
l’OIT, etc. Si les organes subsidiaires sont créés par une décision de l’organe principal,
les organismes spécialisés sont créés par un accord intergouvernemental.

Aujourd’hui l’ONU est intégrée par 194 Etats membres dont 55 sont africains,
52 asiatiques et du Pacifique, 24 de l’Europe de l’Est et des Balkans, 33 de l’Amérique

. Idem., p. 1321.
46

. Idem., p. 1322.
47

33
Latine et 30 de l’Amérique du Nord et de l’Europe occidentale. Les derniers Etats qui y
ont fait leur adhésion ont été la Suisse, le Timor Leste en 2002, Monténégro en 2006 et
le Soudan du Sud en 2011. L’Etat du Vatican n’est pas membre de l’ONU, mais il jouit
du statut d’observateur. Taïwan qui était reconnu comme membre par 25 Etats
membres, cessa de l’être depuis 1971 sur pression de la Chine populaire.

TROISIEME CHAPITRE
LA GUERRE FROIDE ET L’EMERGENCE DU SYSTEME BIPOLAIRE

I.- LA REALITE DE LA GUERRE FROIDE

Après que le Japon eut capitulé le 14 août 1945, cinq jours après que les troupes
américaines eussent lancé la deuxième bombe atomique sur la ville de Nagasaki, les
liens solides dont avaient fait montre les trois puissances de la Grande Alliance
commencèrent à s’affaiblir. La méfiance prenait place entre les Etats-Unis et l’Union
Soviétique. Ce qui expliqua l’échec de la Conférence de Londres tenue en septembre
1945 entre les ministres des Affaires Etrangères de trois pays (James Byrnes,
Mikhaïlovitch Molotov et Ernest Bevin) pour parler des traités de paix post-guerre. Il en
est de même de la Conférence de Moscou célébrée en décembre 1945 pour préparer les
traités de paix avec l’Italie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et la Finlande et qui ne
fut ramenée qu’au niveau des ministres des affaires étrangères. L’intransigeance russe et
l’extension du communisme sur les pays de l’Europe centrale et de l’Est n’avaient fait
qu’accroître la méfiance jusqu’à obliger les Etats-Unis et la Grande Bretagne de prendre
de la distance face à leur ancien allié48.

Dans un discours prononcé le 9 février 1946, Staline annonçait un nouveau


programme économique quinquennal pour préparer l’Union Soviétique à un conflit
inévitable contre le monde capitaliste. Ce discours fut considéré comme une déclaration
de guerre. Toutes ces péripéties de la politique soviétique obligeaient les Etats-Unis à
rompre avec leur tradition isolationniste de la politique extérieure. C’était le début de la
guerre froide que nous pouvons considérer comme un affrontement direct et non
belliqueux entre les deux superpuissances, les Etats-Unis et l’Union Soviétique, et aussi
entre les deux blocs; guerre qui donna naissance au nouveau système des relations
internationales qualifié de bipolaire.

Utilisé en filigrane depuis 1939 pour traduire parfois l’état des relations
diplomatiques entre certains Etats, ce terme s’est finalement précisé pour marquer
l’antagonisme dans les relations post-guerre de deux superpuissances, et par extension,
de deux blocs du système bipolaire, incapables de bâtir une paix durable, mais soucieux
de ne pas provoquer un nouveau conflit à l’instar de la Deuxième Guerre mondiale. En
effet, c’est le 12 mars 1947, lors du débat lancé par le Président Harry Truman sur l’aide
à accorder à la Grèce et à la Turquie dans le cadre de sa doctrine, « la doctrine
Truman », que Bernard Baruch, ancien conseiller du Président Roosevelt, employa pour

. FLEMMING, D. F., The Cold War and its Origins, 1917-1960, New York, Doubleday, 1961,
48

pp. 15-43

34
la première fois de manière officielle ce terme de « guerre froide »49. Il fut rendu
populaire par le journaliste Walter Lippmann dans son ouvrage « Cold War » publié
aussi en 1947.

Ce terme évoque « la dialectique d’un état à la fois de non-guerre et de non-paix


entre les deux superpuissances ou les deux blocs, un état de guerre impossible, mais de
paix improbable. Elle évoque la situation de deux Etats vivant dans une continuelle
suspicion, dans la situation et la posture des gladiateurs leurs armes pointées, les yeux
de chacun fixés sur l’autre (…) dans une continuelle veillée d’armes, leurs frontières
fortifiées, leurs canons braqués sur tous les pays qui les entourent »50.

Cette guerre froide n’était ni la paix, ni la guerre classique. Elle n’était qu’un
antagonisme fondamental entre les deux blocs, mais qui ne s’était jamais amplifié
jusqu’à la belligérance classique51. En d’autres termes, elle était la guerre, tout en ne
l’étant pas. En effet, cette guerre froide n’avait jamais débouché sur une guerre chaude,
du moins si nous faisons abstraction des guerres bien réelles que les deux
superpuissances se sont livrées de façon indirecte par Etats satellites interposés,
principalement dans les pays sous-développés.

Vue de l’Occident, cette guerre était le résultat de l’action menée par le Kremlin
et les partis communistes qui voulaient profiter des ébranlements provoqués par la
guerre pour atteindre l’objectif d’imposer le communisme à travers des vastes régions
du monde, mais sans pour autant mettre en péril l’humanité avec une autre guerre
mondiale dont l’Union Soviétique serait la première victime. Mais, vue de Moscou, elle
était seulement la conséquence du refus de l’Occident d’accepter le communisme et
l’action des mouvements ayant fondé leur dogme sur le marxisme-léninisme52.

Cette guerre correspond à la période d’affrontement latent entre les Etats-Unis et


l’Union Soviétique qui va depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à la chute
du Mur de Berlin. La périodisation de cette guerre froide a été divisée en trois phases :
- La période qui va de 1947 à 1962, de la doctrine Truman à la crise des missiles
au Cuba.
- La période qui va de 1962 à 1975 caractérisée par la coexistence pacifique, la
détente, l’entente et la coopération avec la création en 1975 à Helsinki de la
Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE).
- La période qui va de 1975 à 1989/1991 caractérisée par des négociations sur la
réduction des armements, le refroidissement et réchauffement des relations entre
les deux superpuissances, l’épuisement de l’Union Soviétique, la crise
économique de ce pays, l’affaiblissement de l’idéologie communiste et la chute
du Mur de Berlin.

Deux attitudes dans le chef de deux superpuissances ont marqué cette période de
la guerre froide à la fois même qu’elles lui ont servi de prétexte pour alimenter de plus
en plus le conflit qui, n’eût été l’essoufflement de l’Union Soviétique et le changement
de sa politique extérieure à l’avènement au pouvoir de Mikael Gorbatchev, aurait
continué jusqu’à ces jours.
49
. DELMAS, C., La coexistence pacifique, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, pp. 40-41.
50
. Vid. : SMOUTS, M-C., BATTISTELLA, D., VENNESSON, P., op. cit., p. 267.
51
. DELMAS, C., La coexistence pacifique, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, 1980, p. 3
52
. Idem., p. 47.

35
1.- L’antagonisme idéologique

L’antagonisme idéologique entre les deux superpuissances est resté l’un des
ferments de la guerre froide. Le camp capitaliste ou l’Occident, composé
essentiellement des pays de l’Europe occidentale, du Canada, du Japon et de l’Australie,
sous la direction des Etats-Unis, défendait l’économie du marché et la démocratie
libérale, alors que le camp communiste composé des pays de l’Europe de l’Est, la
Chine, la Corée du Nord, le Vietnam et le Cuba, sous la conduite de l’Union Soviétique,
défendait l’économie planifiée et un système politique à parti unique.

Les deux superpuissances se soupçonnaient et voyaient dans chaque action


entreprise par l’autre une provocation et une manifestation de mauvaise foi. Le fait que
les Etats-Unis prétendaient être le porte-étendard des libertés et du libéralisme opposés
au totalitarisme et au communisme que défendait mordicus l’Union Soviétique se
considérant comme chargée d’une mission de mettre fin à l’exploitation capitaliste, était
en soi porteur des germes d’une méfiance de plus en plus grandissante et d’un conflit
latent qui a débouché finalement sur la guerre froide.

L’antagonisme idéologique a conduit les deux superpuissances à déployer des


stratégies pour faire accepter leur idéologie comme la meilleure par rapport à celle de
l’autre. Et la superpuissance qui imposait son idéologie sur une région déterminée y
avait automatiquement la mainmise et le contrôle. Cette conquête des zones d’influence
ramenait des dividendes non seulement dans le domaine stratégique et sécuritaire, mais
aussi dans le secteur de l’économie et de la culture, l’idéologie étant elle-même en
étroite symbiose avec la manière de penser laquelle ne marche pas éloignée de la
culture.

Le lancement même de la bombe atomique le 6 août 1945 sur Hiroshima n’est


pas fortuit. Cette date fut bien méditée par les Etats-Unis. L’engagement de l’Union
Soviétique dans la guerre prévu pour le 8 août et qui intervenait le 9 du même mois
restait sans importance. La guerre était terminée depuis le 6 avec les ravages faits par la
bombe. L’Union Soviétique ne se trouvait plus en condition de réclamer les butins de
guerre et de se présenter partie prenante pour l’occupation des régions de l’Extrême-
Orient. Il fallait donc terminer cette guerre pour éviter cette éventualité.

2.- La méfiance réciproque entre les deux superpuissances

Les causes de la guerre froide n’étaient pas seulement à rechercher dans


l’antagonisme idéologique entre les deux superpuissances, sinon aussi dans la méfiance
réciproque nourrie par les gouvernements de ces deux pays à l’heure d’interpréter les
actions de l’un ou l’autre. L’Union Soviétique avait maintenu à l’égard de ses alliés
anglo-saxons, jusqu’à la fin de la guerre, les apparences d’associé. Cependant, elle
changea d’attitude lorsqu’arriva le moment de récolter les fruits de la victoire53.

En effet, menacée et ruinée économiquement par la guerre, l’Union Soviétique


était obsédée par l’idée de la reconstruction et concevait comme action légitime de
réparation des dommages subis durant la guerre, le démantèlement et le rapatriement
des usines des pays libérés par l’armée rouge. Mais, aux Etats-Unis, pays enrichi à la

. DELMAS, C., op. cit., p. 46.


53

36
faveur de la guerre et qui s’apprêtait à fournir à l’Europe une aide financière
substantielle inscrite dans le Plan Marshall, ce démantèlement était perçu comme la
preuve d’une volonté de mainmise de Moscou sur ces pays libérés54.

Intéressé par le redressement rapide des économies européennes, principal


débouché de la production américaine, Washington voyait dans le Plan Marshall le
meilleur moyen d’éviter que ne se reproduise la crise des années 20, alors que Moscou
voyait dans le Plan la preuve de la volonté hégémonique des Etats-Unis, surtout que ce
pays avait proposé le même Plan aux pays libérés par l’armée rouge, l’Union Soviétique
elle-même y comprise. Pour ce pays, cette proposition était une grave provocation.

Le 22 février 1946, dans un télégramme de 8.000 mots, George Kennan, alors


ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, avertissait le Département d’Etat de l’hostilité
soviétique envers le monde capitaliste, laquelle justifiait le système oppressif et
totalitaire que les communistes étaient en train d’imposer au peuple soviétique. Il
recommandait, par conséquent, que les Etats-Unis déploient des stratégies de contention
de l’expansion de la domination soviétique au-delà des frontières de cet Etat jusqu’à ce
que soit installé dans celui-ci un gouvernement plus modéré. C’était le début de la
doctrine Truman.

Le discours prononcé le 12 mars 1947 par le Président Harry Truman,


successeur de Franklin Roosevelt en 1945, -celui-ci décédait le 12 avril 1945-, devant le
Congrès, reste à bien d’égards, le lancement de la politique d’endiguement des velléités
expansionnistes de l’Union Soviétique. Les mots prononcés par Truman lors du
discours mentionné traduisaient clairement cette préoccupation : « Je crois que les
Etats-Unis doivent soutenir les peuples libres menacés d’asservissement par des
minorités armées ou des pressions venues de l’extérieur… Je crois que notre aide doit
consister essentiellement en un soutien économique et financier »55. En substance, la
doctrine Truman prétendait contenir l’avancée de la révolution communiste vers des
espaces libres et jadis sous influence de l’idéologie capitaliste.

Le Président sollicitait au Congrès qu’il approuve la concession d’une aide de


300 millions de dollars à la Grèce et de 100 millions de dollars à la Turquie, avec
l’objectif que ces pays puissent résister aux tentatives d’expansion communiste. Cette
attitude traduisait non seulement la crainte de voir l’URSS provoquer l’avènement en
Grèce et en Turquie de régimes à sa dévotion, mais aussi les préoccupations des Etats-
Unis devant la montée des partis communistes, surtout en France et en Italie. Il
s’agissait aussi d’amorcer une réflexion sur les raisons de l’attraction que le
communisme exerçait sur des pays dévastés par la guerre.

La doctrine Truman marquait une rupture avec l’isolationnisme préconisé par


George Washington qui, à la fin du XVIIIème siècle, conseillait à ses successeurs de ne
pas intervenir dans les affaires extra-américaines, une ligne de conduite que ne fut
abandonnée momentanément que pendant les deux guerres mondiales. Elle marquait
également un terme à l’illusion que se faisait Franklin D. Roosevelt, pour qui la
coopération avec l’URSS permettrait de construire un monde pacifique et harmonieux.
La réalité avait fini par montrer que l’URSS exploitait la bonne volonté des Etats-Unis

. SMOUTS, M-C., BATTISTELLA, D., VENNESSON, P., op. cit., p. 265.


54

. FONTAINE, A., Histoire de la guerre froide, 1. De la révolution d’octobre à la guerre de


55

Corée. 1917-1950, Fayard, Paris, 1965, p. 344.

37
afin d’élargir sa zone d’influence par tous les moyens, d’abord en Europe centrale, puis
en Grèce et en Turquie, et enfin en Europe occidentale. Il était donc temps de mettre fin
à cette situation56.

II.- LA GUERRE FROIDE ET LA POLITIQUE D’ENDIGUEMENT


DES ETATS-UNIS

1.- La guerre froide et le Plan Marshall

Du nom du général George Marshall qui, en janvier 1947, avait succédé à James
Byrnes comme Secrétaire d’Etat57, le Plan consistait en un programme d’aide
économique massive évaluée à plus de 12 milliards de dollars et destinés à la
reconstruction de l’Europe détruite par la guerre. L’objectif poursuivi par le Plan
Marshall était d’accélérer la récupération économique de l’Europe pour garantir sa
stabilité politique et protéger les investissements américains dans la région, et de cette
manière, éviter le basculement de ce continent, principalement de l’Europe Occidentale,
dans la zone d’influence soviétique58.

Bien que l’Union Soviétique elle-même fût invitée à être aussi bénéficiaire de ce
Plan ainsi que les pays de l’Europe de l’Est, elle le rejeta en demandant aux pays de
l’Europe de l’Est sous son influence à suivre son exemple. Et comme solution de
rechange, l’Union Soviétique annonçait le 5 octobre 1947 le lancement de son propre
programme d’assistance économique, dénommé Plan Molotov, base de la création du
COMECON.

Le Plan Marshall avait réussi à revitaliser l’économie de l’Europe occidentale


qui relançait encore une fois son fonctionnement sur les principes du libre marché et à
stabiliser les gouvernements de la région dont les fondements et l’exercice du pouvoir
reposaient sur des principes démocratiques et du respect des droits de l’individu. C’est
dans ce sens que les Etats-Unis et la Grande Bretagne avaient décidé d’unir en 1949 les
zones de l’Allemagne occidentale qu’ils occupaient pour créer la République Fédérale
d’Allemagne qui devait aussi participer dans le Plan Marshall. L’Union Soviétique
répliquait en créant à l’Est la République Démocratique d’Allemagne. Cette division de
l’Allemagne scellait la division de l’Europe en deux zones d’influence rivales : la zone
américaine et la zone soviétique et consacrait officiellement le début de la guerre froide
avec toutes les menaces que supposait le déclenchement de la course à l’armement
nucléaire.

2.- La guerre froide et la course aux armements

Le 29 août 1949, les soviétiques réussissaient l’explosion de leur première


bombe atomique. De cette manière, ils rompaient le monopole dont jusque là jouissaient
les américains. Cinq mois plus tard, précisément en janvier 1950, Truman approuvait la

56
. MELANDRI, P., La politique extérieure des Etats-Unis de 1945 à nos jours, Paris, PUF,
1995, p. 70.
57
. KISSINGER, H., Diplomacy, New York, Simon & Schuster, 1994, p. 494.
58
. Lire HOGAN, M., The Marshall Plan : America, Britain and the reconstruction of Western
Europe, 1947-1952, New York, Cambridge University Press, 1987. WEXLER, I., The
Marshall Plan revisited: The European recovery program in economic perspective, Westport,
Greenwood, 1983.

38
fabrication de la bombe de fission nucléaire ou bombe d’hydrogène dont les essais
d’explosion une fois finalisée sa fabrication, furent menés à bout en novembre 1952
donnant des résultats excellents. Les soviétiques procédaient à un deuxième essai de
leur bombe atomique le 3 octobre 1953.

La guerre froide lançait la course aux armements. Les deux réalités se


supportaient mutuellement et s’imbriquaient. L’une ne pouvait pas vivre sans l’autre.
Cette guerre froide amena les deux superpuissances à ce que Hans Morgenthau n’avait
cessé de souligner : la politique de puissance, laquelle déboucha sur le dilemme de
sécurité caractérisé par la course effréné aux armements devenue, à son tour, l’une des
marques identitaires de la même guerre froide. « Par effet purement mécanique, l’arms
control poussait, dans certains cas, à des réflexes de type « parkinsonien » et à
l’augmentation quantitative des armements »59. En d’autres termes, la paix par la peur
supposait un certain équilibre, dès lors qu’elle imposait une certaine stabilité du fait de
la remise en cause permanente de ses propres capacités et de l’élan à poursuivre la
course aux armements pour ne pas être supplanté.

Cette course effrénée aux armements de plus en plus stratégiques suscitait des
préoccupations même dans le chef des puissances qui les détenaient. Pour autant, les
deux superpuissances se sentirent butées à une exigence commune afin non seulement
de se garantir leur survie, mais aussi la survie de toute l’humanité. Le rapport enjeu-
risque révélait l’irrationalité du recours à de telles armes. Il fallait limiter au maximum
la possibilité d’un conflit et, par conséquent, limiter la course aux armements. L’accord
signé le 20 juin 1963, établissant une liaison directe entre Washington et Moscou,
facilita sur plusieurs points où persistaient des divergences, notamment, la non-
prolifération des armes nucléaires, l’interdiction des armes bactériologiques, la
dénucléarisation de l’Antarctique, de l’espace extra-atmosphérique et des fonds marins,
la prévention des accidents nucléaires, la limitation des expériences souterraines60.

Le 5 août 1963, les ministres des Affaires étrangères de l’Union Soviétique, de


la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, signaient le Traité de Moscou sur l’interdiction
des essais nucléaires. Cet instrument était le premier engagement international, le
premier accord entre l’Est et l’Ouest pour freiner la course aux armements61.

La limitation des armements devenait un point important de la politique


internationale, et principalement des politiques extérieures de deux superpuissances. Un
effort devait être fourni pour limiter la production et le nombre sur terrain de toutes les
armes de destruction massive. Les américains et les russes se mirent d’accord pour
entamer des négociations afin de limiter le nombre de leurs missiles intercontinentaux et
leurs fusées à ogives multiples. Ces négociations aboutirent aux accords SALT I
(Strategic Arms Limitation Talks) signés à Moscou le 26 mai 1972 entre Richard Nixon
et Leonid Brejnev, suivis quelques années plus tard de la signature des accords SALT II
intervenue à Vienne le 18 juin 1979 entre les présidents Jimmy Carter et Leonid
Brejnev.

59
. PUAUX, F., La politique internationale des années quatre-vingt. De Reagan à Gorbatchev,
Paris, PUF, 1989, p. 41.
60
. DELMAS, C., op. cit., p. 58
61
. DELMAS, C., oIdem., p. cit., p. 7 et p. 58.

39
Cependant, entre les deux signatures, l’équilibre des forces de deux
superpuissances s’était considérablement modifié. Si en 1972 les Etats-Unis avaient pu
accepter une supériorité quantitative de l’Union Soviétique en raison de son retard sur le
plan qualitatif de ses armes ; en 1979, l’Union Soviétique avait déjà comblé ce retard, et
sa supériorité quantitative devenait une menace pour les Etats-Unis. Cette position
avantageuse de l’Union Soviétique, doublée de l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée
Rouge en décembre 1979, réanimaient les réticences émises par le Sénat américain sur
les accords SALT II dont la ratification fut remise aux calendes grecques. Toutefois, ni
SALT I, ni SALT II n’avaient empêché que les américains pussent arriver à détenir vers
la fin de 1989, 12.849 têtes stratégiques et les russes plus de 10.000, bombardiers y
compris62.

L’Europe n’était pas épargnée de cet affrontement entre les deux


superpuissances. En 1979, pendant que les soviétiques déployaient leurs missiles SS 20,
SS 4 et SS 5 braqués sur l’Europe occidentale, les Etats-Unis leur répliquaient avec les
Pershing 2 et les missiles de croisière braqués sur le territoire soviétique. Cette situation
de menace permanente sur l’Europe n’était pas de nature à garder indifférents tant les
dirigeants européens que les populations de ce vieux continent63. C’est dans ce sens que
Ronald Reagan suggérait le 18 novembre 1981 la formule de l’ « option zéro », selon
laquelle les Etats-Unis seraient prêts à annuler le déploiement des Pershing 2 et des
missiles de croisière si les soviétiques démantelaient leurs missiles SS 20, SS 4 et SS 5.
La guerre froide devenait l’illustration fidèle du paradigme réaliste des relations
internationales. Elle n’a pu prendre fin que parce que l’Union Soviétique s’était
essoufflée. Devenue incapable de poursuivre sa politique de puissance et de faire face
au défi lancé par le Président Reagan avec son Initiative de Défense Stratégique (IDS)
ou la guerre des étoiles censée éliminer les armes nucléaires, l’Union Soviétique avait
fini par tirer l’éponge.

Finalement, on aura vu dans la guerre froide la résultante de l’interaction entre


une politique américaine s’efforçant de maintenir l’équilibre existant censé être en
faveur des Etats-Unis, et une politique soviétique s’efforçant de rompre ledit équilibre
supposé être en défaveur de l’Union Soviétique. Cette description correspondant à la
vision bipolaire du système international comme l’avait proposé Kenneth Waltz. Mais si
l’on voit dans la guerre froide un système unipolaire comme l’avait entrevu Kenneth
Organski en soulignant la prépondérance en ressources dont disposaient les Etats-Unis,
la guerre froide serait le résultat de l’interaction entre la politique de la puissance
satisfaite américaine désireuse de maintenir le statu quo et la politique du challenger
soviétique insatisfait et soucieux de rattraper son retard64.

3.- La guerre froide et la création de l’OTAN

Le premier pas vers la création de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord


(OTAN) fut la naissance de l’alliance anglo-française issue de la signature en mars 1947
du Traité de Dunkerque. Les deux pays signaient cette alliance pour créer un cadre de
défense et de sécurité collective, non seulement face à une Union Soviétique plus
encline à l’extension du communisme, mais aussi au cas où renaissait l’Allemagne avec
62
. PUAUX, F., op. cit., p. 42
63
. Beaucoup de mouvements pacifistes multipliaient des manifestations pour faire pression sur
leurs dirigeants afin de mettre fin à cette situation de menace.
64
. SMOUTS, M.-C., BATTISTELLA, D., VENNESSON, P., op. cit., p. 266.

40
ses velléités expansionnistes. Le Traité de Dunkerque constitua le noyau du Pacte de
Bruxelles signé le 17 mars 1948 et qui obligeait la Grande Bretagne et la France à
défendre les pays de Benelux en cas d’agression d’un pays tiers. Aussi faudrait-il
souligner qu’au cours de l’année 1947, l’Union Soviétique s’était fort impliquée dans
les changements des régimes en Hongrie, Bulgarie, Roumanie et en Pologne en
imposant des gouvernements favorables au communisme. Le « coup de Prague » : coup
d’Etat communiste perpétré en février 1948 en Tchécoslovaquie déclencha la sonnette
d’alarme pour accélérer les pourparlers sur un pacte de défense non seulement limité à
l’Europe, mais plus étendu à la région de l’Atlantique. Bien qu’il fût à l’origine de
l’Union Européenne Occidentale (UEO), le Pacte de Bruxelles fut le point de départ de
la création à Washington le 4 avril 1949 de l’Organisation du Traité de l’Atlantique
Nord, plus ample et qui intégrait les Etats-Unis, le Canada et quatorze nations
européennes pour une défense mutuelle65.

En effet, l’article 5 du Traité stipule qu’une attaque contre un Etat signataire du


Traité sera considérée comme une attaque contre tous les membres de l’Organisation et
fera que ceux-ci répondent à toute agression de ce genre prenant des mesures
appropriées, tant individuelles que collectives. L’allusion était faite plus à l’Union
Soviétique qu’à tout autre Etat. Sans les menaces de l’expansionnisme soviétique, les
solidarités atlantiques ne se seraient pas affirmées avec une telle détermination. De ce
fait, l’Alliance atlantique s’est constituée comme l’expression collective d’un reflexe de
défense face à la menace expansionniste soviétique avant tout, et ensuite face à d’autres
dangers66.

Dans le cadre de la stratégie militaire des Etats-Unis et de la politique


d’endiguement du communisme, l’OTAN a constitué un pacte multilatéral de grande
portée dès lors qu’elle a couvert une zone très importante et très étendue qui allait du
territoire américain aux territoires de ses alliés européens. Malgré des changements
intervenus à la fin du 20ème siècle, lesquels étaient principalement marqués par la chute
du Mur de Berlin en 1989 et la désintégration de l’Union Soviétique pour mettre fin à la
guerre froide, l’OTAN reste considérée comme l’élément indispensable de la sécurité
des Etats qui l’ont fondée. Elle reste un élément important de la dissuasion face à
plusieurs menaces qui guettent encore le monde.

III.- LA POLITIQUE D’ENDIGUEMENT EN ASIE DU SUD-EST

1.- La guerre de Corée

Déjà le 12 août 1945, deux jours avant la capitulation du Japon, l’URSS occupait
la Corée du Nord jusqu’aux confins du 38ème parallèle, considérée au début comme la
ligne de démarcation militaire et devenue par la suite la frontière qui divisait les deux
Corées. De part et d’autre de cette ligne, s’étaient installés deux gouvernements
différents et hostiles, appuyés l’un par les Etats-Unis, et l’autre par l’URSS.
L’expérience vécue par l’Allemagne quant à l’occupation des puissances alliées se
répétait en grandes lignes en Corée. La principale différence avec la situation en
Allemagne fut que les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux avaient maintenu leurs
forces d’occupation dans ce pays, alors qu’en Corée, ils avaient procédé à leur
65
. L’Union Soviétique répliquait en créant en 1955 le Pacte de Varsovie intégrant les pays de
l’Europe de l’Est.
66
. DELMAS, C., L’OTAN, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, 1981, p. 7.

41
évacuation, pour l’Union Soviétique en septembre 1948, et pour les Etats-Unis, en juin
1949, laissant une mission militaire de 500 membres avec mission d’entraîner dans ce
pays l’armée de la jeune république composée de 60.000 hommes67.

Au début de 1950, les autorités militaires sud-coréennes avertirent l’ONU et le


gouvernement américain des préparatifs nord-coréens pour une agression de la Corée du
Sud. Des opérations de guérillas réitérées étaient constatées dans la région du 38 ème
parallèle et le 25 juin 1950, les forces nord-coréennes franchissaient la ligne de
démarcation sur toute sa longueur. L’attaque armée de la République de Corée par les
forces nord-coréennes fut considérée comme une rupture de la paix et condamnée par le
Conseil de sécurité de l’ONU réunie en session à laquelle ne participa pas l’Union
Soviétique68. Le Conseil de sécurité réclama la cessation immédiate des hostilités et le
retrait des forces nord-coréennes.

De son côté, le Président Truman ordonna la livraison aux forces sud-coréennes


des équipements militaires nécessaires pour faire face à cette agression et autorisa le
général Mac Arthur, commandant suprême pour les puissances alliées au Japon, à
faciliter l’acheminement de ce matériel. Le 27 juin, il ordonna aux forces aériennes et
navales américaines de porter secours aux forces sud-coréennes sans, pour autant,
franchir le 38ème parallèle69. Le même jour, le Conseil de sécurité adoptait une résolution
sur des sanctions à prendre contre la Corée du Nord. L’URSS protesta contre cette
résolution qu’elle jugea illégale. Le 29 juin, face à la détérioration de la situation
militaire, le Président Truman autorisait l’aviation américaine à bombarder les objectifs
de la Corée du Nord et à procéder au débarquement des unités terrestres en Corée du
Sud.

Le 7 juillet, le Conseil de sécurité adopta une autre résolution décidant l’envoi


des forces des Nations Unies en Corée et le général Douglas MacArthur en fut désigné
commandant. Il devenait le chef des forces unifiées. Comprenant que ses absences aux
séances du Conseil de sécurité donnaient un réel avantage aux Etats-Unis qui faisaient
passer toutes les résolutions de cet organe, l’URSS autorisa son représentant Jacob
Malik à y siéger de nouveau à partir du 1er août 195070.

En septembre, les forces des Nations Unies passèrent à l’offensive. Arrivées au


38ème parallèle, un problème se posa. Fallait-il le franchir ? La France et la Grande-
Bretagne s’y opposèrent redoutant l’intervention chinoise ou soviétique, alors que le
Président de la Corée du Sud, Syngman Rhee, y était favorable. Le général Mac Arthur,
après un ultimatum lancé au gouvernement nord-coréen de déposer les armes et resté
sans réponse, ordonna le 2 octobre aux troupes sud coréennes et à celles des Nations
Unies de franchir cette ligne de démarcation. Mais, le gouvernement américain lui
interdit de ne rien entreprendre contre le territoire chinois sans l’accord de Washington.
MacArthur supportait difficilement ces injonctions qui ménageaient la Chine et

67
. FONTAINE, A., Histoire de la guerre froide 2. De la guerre de Corée à la crise des
alliances 1950-1963, Paris, Fayard, 1967, p. 19.
68
. Depuis longtemps, l’URSS avait décidé de ne pas participer aux débats du Conseil de sécurité
tant que la Chine nationaliste occupait le siège permanent qui, selon elle, devait revenir à la
Chine communiste.
69
. FONTAINE, A., Histoire de la guerre froide 2. De la guerre de Corée à la crise des
alliances 1950-1963, op. cit., pp. 20-22.
70
. DUROSELLE, J.-B., et KASPI, A., op. cit., p. 142.

42
limitaient son action. Cette divergence de vues entre le Président et son général
fougueux conduisirent à une rencontre de deux personnalités le 15 octobre dans l’île de
Wake, dans le Pacifique.

Pendant ces temps, précisément le 16 octobre, les forces chinoises étaient en


train de franchir discrètement le fleuve Yalu qui marque la frontière entre la
Mandchourie et la Corée pour porter secours aux troupes nord-coréennes. On ne s’en
rendit compte que dix jours plus tard avec la capture des premiers prisonniers. Les
affrontements furent violents et le 25 octobre, les forces des Nations Unies qui étaient
arrivées aux abords du Yalu durent se replier.

Le 6 novembre, MacArthur réalisa la gravité de la situation et déclara que ses


troupes étaient victimes d’un piège. Il ordonna que soient volés les ponts du fleuve Yalu
et autorisa une reprise de l’offensive pour récupérer les positions perdues. Prévenu, le
général Marshall, alors secrétaire américain à la Défense, interdit l’opération qui ne fut,
toutefois, autorisée que deux jours plus tard à la condition de ne bombarder que la rive
coréenne du fleuve, à l’exclusion des barrages fournissant de l’énergie électrique à la
Mandchourie. Par conséquent, une interdiction lui fut faite d’attaquer la Mandchourie.
Truman voulait éviter que ce conflit ne dégénérât en une guerre généralisée. Les
britanniques et les français partageaient les mêmes inquiétudes71.

Vers la fin de novembre, ayant reçu d’importants renforts, les troupes chinoises
et nord-coréennes lancèrent une redoutable attaque qui fit battre en retraite les forces
unifiées. Le 26 décembre, ces troupes traversent le 38ème parallèle. La Chine posa
comme condition préalable pour son retrait, un cessez-le-feu suivi d’un retour au 38ème
parallèle, l’abandon de la Formose par les Américains et l’admission de la Chine
communiste à l’ONU.

Le 25 janvier, les forces des Nations Unies lancèrent une contre-offensive qui,
au bout d’une forte résistance, finit par ramener, en mars, le front aux alentours du 38ème
parallèle. Mais, non content de cette situation, imbu de lui-même depuis sa victoire sur
le Japon et la capitulation signée par ce pays en 1945 devant lui-même pour marquer
définitivement la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le général MacArthur qui
agissait parfois sans se référer à sa hiérarchie à Washington, voulut aller au-delà de la
ligne de démarcation en imposant sa propre trêve aux nord-coréens et en menaçant la
Chine d’une extension de la guerre sur son propre territoire. Cet acte amena le Président
Truman à révoquer le 10 avril 1951 le général de tous ses commandements pour les
confier au général Matthew Ridgway.

Ce geste fut interprété comme une preuve de bonnes intentions du Président


Truman dans le sens qu’il ne voulait pas laisser s’étendre et s’intensifier ce conflit.
Nonobstant, les troupes chinoises lancèrent le 22 avril une nouvelle offensive qui fut
neutralisée par les forces alliées, désormais bien implantées sur un front continu tout le
long du 38ème parallèle et qui poussaient même en une pointe jusqu’à Pyong-Yang, la
capitale de la Corée du Nord. Le 18 mai, l’ONU votait, à la demande des Etats-Unis, un
embargo sur tous les produits stratégiques à destination de la Chine. Toutefois, au mois
de juin, les relations entre les belligérants se détendirent tellement qu’elles donnèrent
lieu à des négociations en vue de mettre fin à la guerre. Celles-ci s’ouvrirent le 10

. FONTAINE, A., Histoire de la guerre froide 2. De la guerre de Corée à la crise des


71

alliances 1950-1973, op. cit., pp. 27-28.

43
juillet 1951 entre les Etats-majors représentés par leurs généraux provenant des Etats-
Unis, la Chine et la Corée du Nord. Ces deux pays firent trois propositions 72:
- un cessez-le-feu immédiat avec interruption des bombardements, du blocus et
des actions de reconnaissance, avant même la négociation de l’armistice ;
- le 38ème parallèle devrait toujours être considéré comme la ligne de démarcation
militaire et une zone démilitarisée de 10 km de part et d’autre serait constituée ;
- toutes les troupes étrangères devraient être retirées dans le plus court délai
possible.

Les américains rejetèrent la proposition sur le cessez-le-feu qui aurait pu


permettre aux chinois et aux nord-coréens de réorganiser leurs troupes afin de reprendre
l’assaut. Ils n’acceptèrent pas non plus la proposition sur la ligne de démarcation fixée
au 38ème parallèle. Au nord de cette ligne, les troupes américaines tenaient des positions
stratégiques avantageuses. Finalement, ils considéraient l’évacuation des troupes
étrangères comme une question qui ne pouvait intervenir qu’après la signature de
l’armistice. Ces divergences affichées par les deux camps firent échouer les
négociations.

Une deuxième ronde de négociation fut ouverte vers le mois de septembre pour
aboutir à quelques résultats. Les chinois et les nord-coréens renoncèrent à leur exigence
de rétablir au 38ème parallèle la ligne de démarcation. Celle-ci fut finalement établie le
long du front existant à faire élargir avec une zone démilitarisée de 2 km de part et
d’autre. Les divergences qui naîtront de la question sur l’échange des prisonniers de
guerre conduisirent au blocage des négociations. Il a fallu attendre jusqu’en juillet 1953
pour que celles-ci reprennent et aboutissent à des résultats positifs. En effet, la
convention d’armistice fut signée à Pan Mun Jon le 27 juillet 1953. Une zone
démilitarisée de 4 km séparerait les armées de deux camps.

Si l’Allemagne a pu se réunifier effaçant, de la sorte, les vestiges de la guerre


froide pour se mettre à reconstruire la grande nation qu’elle a été avant le
déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, les deux Corées, au contraire,
continuent à vivre séparées et divisées, alimentant parfois des tensions à leurs frontières
et des risques d’un autre affrontement armé. Cet anachronisme de l’histoire nous
rappelle, par moment, la période de la guerre froide alors que celle-ci est censée avoir
pris fin depuis 1989. Le feu de la guerre froide se sera éteint, mais ses cendres brûlent
encore dans cette partie du monde. Le rejet mutuel favorisé par les deux idéologies qui
se vivent dans les deux Corées n’est pas de nature à favoriser un rapprochement
susceptible d’envisager dans un délai proche la réunification du territoire coréen.

2.- Le Traité de défense mutuelle avec le Japon

Pour éviter que la perte de la Chine puisse être l’occasion pour l’Union
Soviétique de contrôler l’Extrême Orient, les Etats-Unis optèrent d’appuyer les
nationalistes chinois repliés sur Taiwan. C’est aussi dans ce sens que le secrétaire d’Etat
Dean Acheson qui avait pris la tête du Département d’Etat en remplaçant George
Marshall exposa le 12 janvier 1950 sa stratégie pour affirmer que la victoire
communiste en Chine ne constituait pas une menace pour la région asiatique. Il précisa

. DUROSELLE, J.-B., et KASPI, A., op. cit., p. 147.


72

44
que le périmètre défensif des Etats-Unis s’étendait des îles Aléoutiennes en Alaska
jusqu’aux Philippines, en passant par le Japon et les îles Ryukyu73.

Le Japon devenait une pièce essentielle pour la défense de l’Extrême-Orient,


c’est-à-dire, une base avancée de la puissance militaire américaine à l’Ouest du
Pacifique. Plus tard, Taiwan le sera aussi. La guerre de Corée et le conflit en Indochine
donnèrent encore plus au Japon cette importance stratégique et aussi économique
convertissant le pays en une muraille contre l’expansion du communisme en Asie. Pour
autant, l’administration américaine n’avait pas tardé de signer en septembre 1951 le
Traité de paix avec le Japon et de restaurer totalement la souveraineté de ce pays. Il fut
signé le même jour un Traité de sécurité dans lequel les Etats-Unis s’engageaient à
défendre le Japon face à toute agression extérieure. En échange de cette protection
militaire, le Japon concédait aux Etats-Unis l’utilisation de manière ininterrompue de
ses bases et installations logistiques.

3.- L’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est

Au-delà de ce Traité de sécurité avec le Japon, les Etats-Unis signaient


également en 1951 un Traité tripartite de sécurité avec l’Australie et la Nouvelle-
Zélande, autrement appelé « Pacte ANZUS », un Traité de sécurité avec les Philippines
complétant ainsi le périmètre défensif des îles du Pacifique.

La création de l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE),


l’équivalent de l’OTAN, en septembre 1955 répondait au souci de préserver ce
périmètre de l’invasion soviétique ou de la Chine populaire. L’OTASE regroupait
comme membres les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la France, l’Australie, la Nouvelle
Zélande, la Thaïlande, les Philippines et le Pakistan. Bien que les Accords de Genève
conclus durant la Conférence de Genève de juin-septembre 1954 interdisaient à Laos,
Cambodge et Vietnam du Sud de faire partie des alliances militaires, un protocole du
Traité de l’OTASE reconnaissait aux Etats membres le droit de défendre et de protéger
ces pays en cas d’agression.

En cherchant à endiguer le communisme en Asie, les Etats-Unis étaient en train


de lutter, sans le vouloir, pour la cause française en Indochine. Toutefois, cette lutte
faisait cause commune dans la stratégie pour sauver le capitalisme et les valeurs du
monde libre. Par conséquent, les Etats-Unis étaient prêts à concéder l’aide économique
et technique à tout Etat en guerre se trouvant hors de son périmètre défensif à condition
que celui-ci soit disposé à ne pas adopter le communisme comme idéologie une fois
terminée la guerre. Cette démarche avait amené à la conception du Programme Point
Quatre. Ce Programme d’aide technique qui était destiné non seulement à Taiwan, mais
aussi aux autres nations sous-développées, avait comme finalité celle de combattre la
propagation du communisme dans ces pays en luttant contre la pauvreté. Pour autant, le
Programme incitait les entreprises américaines à investir dans les pays sous-développés
afin que ceux-ci se convertissent en source des matières premières pour les Etats-Unis et
débouchés des produits américains.

4.- Les autres foyers de tension

. FONTAINE, A., Histoire de la guerre froide 2. De la guerre de Corée à la crise des


73

alliances 1950-1953, Paris, Fayard, 1967, p. 14.

45
Durant la présidence de Dwight Eisenhower, la guerre froide s’était intensifiée
gagnant de nouvelles régions comme fut le cas du Proche-Orient, lorsque l’Egypte de
Gamal Abdel Nasser passait à dépendre plus de l’Union Soviétique ; et aussi celui de
l’Amérique Latine, lorsque Cuba basculait dans la zone d’influence soviétique une
année (mai 1960) après la victoire de Fidel Castro en janvier 1959 sur les forces du
Président Fulgencio Baptiste. L’antagonisme entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique
devenait de plus en plus intense et dangereuse à cause de l’accélération effrénée de la
course aux armements nucléaires.

Le fait qu’en 1955 Nasser eût fait recours à l’Union Soviétique sollicitant une
assistance qui l’aiderait à attaquer Israël, et que les soviétiques eussent répondu
favorablement à cette requête, provoqua de sérieuses préoccupations dans
l’administration du Président Eisenhower. Tchécoslovaquie, à la demande de l’Union
Soviétique, se chargea de ravitailler l’Egypte en armes, avions et chars de combat. En
avril 1956, une alliance militaire dirigée contre Israël fut signée entre l’Egypte, l’Arabie
Saoudite, la Syrie et le Yémen. En mai de la même année, Nasser rompait les relations
diplomatiques avec la Chine nationaliste pour reconnaître en même temps le régime
communiste de Pékin. Cette nouvelle donne politique dans la région obligeait les Etats-
Unis à revoir leur stratégie et à adopter une politique conséquente.

C’est ainsi que le 19 juillet 1956, le gouvernement d’Eisenhower réagissait en


informant le gouvernement de Nasser qu’il ne l’aiderait pas dans le financement pour la
construction du barrage d’Assouan. Le 26 juillet, Nasser répondait répliquant qu’il
nationaliserait le canal de Suez et utiliserait les revenus obtenus de cette opération pour
financer la construction du barrage. L’annonce de la nationalisation du canal de Suez fut
le détonateur de la guerre de Suez déclenchée en 1956 par la Grande Bretagne, la France
et l’Israël contre l’Egypte74. Une grande partie du pétrole utilisé par ces pays passait par
le Canal.

Le 5 janvier 1957, le Congrès accordait son autorisation au Président Dwight


Eisenhower d’utiliser la force au Proche-Orient contre toute agression armée provenant
de toute nation qui se trouverait sous l’influence du communisme international et de
fournir une assistance économique et financière à tout pays ou tout groupe des pays du
Moyen-Orient désireux d’en être bénéficiaire pour opposer la résistance aux possibles
avancées de l’Union Soviétique, étant entendu que cette assistance pourra comporter
l’emploi des forces armées américaines75.

Cette situation avait réussi à frustrer l’existence de la République Arabe Unie


(RAU) créée en février 1958 et intégrée par l’Egypte, la Syrie et le Yémen. L’Irak
exprimera ses intentions d’y adhérer lors de l’arrivée au pouvoir du général Abd al-
Karim Kassem au terme d’un coup d’Etat perpétré le 14 juillet 1958. Planait ainsi la
menace de voir entraînés dans ce groupe acquis à l’influence communiste, le Liban, la
Jordanie et l’Arabie Saoudite où le Roi Fayçal venait aussi d’être assassiné. Avec
l’assistance économique et militaire des Etats-Unis à ces pays, l’Irak abandonna ses

. KISSINGER, H., op. cit., pp. 522-549.


74

. La résolution dont le Président avait sollicitée l’approbation du Congrès et qui se convertit en


75

Doctrine Eisenhower fut approuvée avec 355 voix pour et 61 voix contre, avec une dotation
annuelle d’un montant de 200 millions de dollars annuels de prestation d’aide économique et
militaire aux pays du Proche-Orient.

46
ambitions pour réaligner sa politique en adéquation avec les intérêts occidentaux et la
Syrie sortait de la RAU en 1961, frustrant le rêve de Nasser de dominer le monde arabe.

La Doctrine Eisenhower fut le dernier maillon de la chaîne d’engagements en


termes de sécurité que les Etats-Unis avaient pris depuis la fin de la seconde Guerre
mondiale et marquait un pas de plus dans l’éloignement de la politique extérieure
américaine de référence isolationniste pour s’étendre à une nouvelle région de la zone
que les américains ne voulaient pas voir basculer dans la zone d’influence soviétique.

En 1958, les Etats-Unis assumaient de manière explicite l’obligation de défendre


dans le monde quelques quarante cinq pays, et l’obligation implicite d’en défendre plus.
Le gouvernement justifiait l’existence de tous ces traités de défense par le souci de
préserver le monde libre de la menace communiste et de garantir la sécurité même des
Etats-Unis.

IV.- LA COEXISTENCE PACIFIQUE

1.- L’idée de coexistence pacifique

L’idée de coexistence pacifique n’est pas absolument nouvelle. Elle avait déjà
été affirmée dans sa substance par les fondateurs de la doctrine marxiste,
particulièrement Vladimir Lénine dans le décret sur la paix de 1917 76. La coexistence
pacifique consiste à reconnaître que l’existence d’un Etat socialiste ne doit pas
automatiquement signifier un état de guerre permanent entre cet Etat et les Etats
capitalistes, au contraire, des relations pacifiques doivent être le trait caractéristique de
la relation entre ces deux Etats. A plusieurs reprises entre les deux guerres, Staline avait
lui-même affirmé la nécessité d’une coopération sur la base de la coexistence
pacifique77.

C’est la Chine qui rendit célèbre cette même idée de coexistence pacifique
lorsqu’elle y fit référence dans un traité conclu avec l’Inde en 1954 sur les relations à
maintenir dans la région du Tibet (Pancha Shila), lesquelles devaient être imbibées
d’une bonne dose de coexistence pacifique. C’est ainsi que depuis 1954, un grand
nombre de documents diplomatiques ont consacré le principe de coexistence pacifique.

Dans l’esprit de ses concepteurs, la coexistence pacifique est destinée à régir les
rapports entre les Etats relevant de formations socio-économiques différentes,
supposant, de cette manière, que le principe devait avoir une portée universelle. Cette
affirmation ressortait du communiqué sino-vietnamien du 7 juillet 1955, lequel déclarait
que « l’établissement de la confiance mutuelle entre les nations, l’élimination de la
tension internationale et le développement d’une coopération amicale entre les
différents pays dépendent de l’acceptation universelle et complète de ces principes par
tous les pays du monde en tant que principes directeurs de leurs relations mutuelles »78.

En février 1956, Nikita Khrouchtchev qui avait remplacé Joseph Staline à la tête
du Parti Communiste soviétique essaya de consolider son leadership en procédant à la
déstalinisation. Il exposa une série d’erreurs commises par son prédécesseur et
76
. DELMAS, C., op. cit., p. 8.
77
. GONIDEC, P.-F., et CHARVIN, op.cit., p. 310.
78
. Idem., p. 311.

47
s’engageait à diriger le pays sur de nouvelles bases. C’est dans ce sens qu’en politique
extérieure, il reconnaissait que la guerre entre le capitalisme et le communisme n’était
pas inévitable, il fallait pour autant mettre en pratique la politique de « coexistence
pacifique » convertie presqu’en sa doctrine. Celle-ci fut ainsi énoncée officiellement par
Malenkov 10 jours après la mort de Staline.

Afin de donner du crédit à sa doctrine et convaincre l’Occident de sa bonne foi,


Khrouchtchev dissolvait le 17 avril 1956 le Kominform : le Bureau d’Information des
partis communistes et ouvriers qui regroupait depuis 1947 les partis communistes des
pays de l’Europe de l’Est, de France et de l’Italie.

Toutefois, la coexistence pacifique ne signifiait pas, aux yeux des soviétiques, la


renonciation à l’expansion dans le monde du projet communiste, ni la conciliation de
deux idéologies capitaliste et communiste, à la base de la guerre froide 79. Seulement,
elle considérait que les disputes idéologiques et politiques entre les Etats ne devaient
pas être résolues par le biais de la guerre, mais par voie diplomatique. En d’autres
termes, la coexistence pacifique ne devait pas supposer seulement la volonté de ne pas
recourir à la guerre, la volonté de maintenir la paix internationale, de régler
pacifiquement les différends internationaux, mais elle prétendait aussi prioriser la
volonté de développer chaque jour davantage des relations de coopération sans
lesquelles les fondements de la paix internationale ne pourraient être véritablement
assurés80. Pour mettre fin à la guerre froide il fallait une politique de détente, d’entente
et de coopération dans les relations entre les Etats capitalistes et socialistes.

Par conséquent, la coexistence pacifique fait rejaillir deux idées qui font la
substance de son contenu81 :
- Elle implique que les Etats appartenant à des systèmes socio-économiques et
politiques différents renoncent à se conquérir mutuellement en recourant, au
besoin, à la lutte armée qui peut se convertir en une lutte mondiale.
- Elle implique que l’on recherche et consolide une coopération étroite entre tous
les Etats, même si ceux-ci appartiennent à des systèmes politiques et socio-
économiques différents.

Finalement, la coexistence pacifique aura été une opération politique ayant


permis à l’Union Soviétique de retourner en sa faveur le rapport des forces du fait de
s’être fait bénéficier, par sa reconnaissance d’une possible cohabitation des idéologies
l’une à côté de l’autre, des technologies et des crédits de l’Occident tout en continuant à
exporter la révolution communiste dans différentes régions du monde82.

2.- La coexistence pacifique et la détente

La coexistence pacifique et la détente ne doivent pas être confondues. Si nous


considérons la coexistence pacifique comme un modus vivendi établi dans les relations
entre Etats, en l’occurrence les Etats-Unis et l’Union Soviétique, ou groupe d’Etats,
c’est-à-dire, le camp capitaliste et le camp communiste, animés dès lors par des

79
. GUILHAUDIS, J.-F., Relations internationales contemporaines, Litec/LexisNexis, Paris,
2005, p. 396.
80
. GONIDEC, P.-F. et CHARVIN, R., op. cit., p. 315.
81
. Idem., p. 314.
82
. DELMAS, C., op. cit., p. 13.

48
idéologies différentes et poursuivant des objectifs différents, mais qui cherchent à
coopérer en gardant et en préservant l’essentiel de ce qui les caractérise, la détente n’est
qu’une simple atténuation de la tension qui a régné entre l’Est et l’Ouest à l’ère de la
guerre froide.

La coexistence pacifique était devenue un principe de la politique étrangère de


l’Union Soviétique au début des années 1960, et réaffirmé comme tel après la crise des
missiles au Cuba. Ayant pris conscience des risques et conséquences d’une guerre
nucléaires, en comprenant en même temps qu’une agression contre les Etats-Unis ou un
de leurs alliés pouvait conduire à une guerre nucléaire, l’Union Soviétique modifia son
comportement au point qu’à la guerre froide succéda la détente83.

QUATRIEME CHAPITRE
LA FIN DE LA GUERRE FROIDE

I.- LA CHUTE DU MUR DE BERLIN ET LA FIN DE LA GUERRE


FROIDE

1.- La perestroïka

Le paysage qu’offre l’Union Soviétique durant les années 80 révèle des carences
pour conclure à l’affaiblissement d’un pays qui a été l’une de plus grandes puissances
du monde contemporain. L’espérance de vie chez les hommes est tombée de 67 ans à 62
ans. La mortalité infantile a augmenté de 34%. Une vaste couche de la population se
réfugie dans l’alcoolisme. La crise dont souffre le pays remonte assez loin car elle a
commencé au moins huit ans avant la mort de Leonid Brejnev. Les dépenses militaires
pèsent lourdement sur l’économie absorbant entre 14% et 17% du produit national brut,
alors qu’aux Etats-Unis, elles avoisinent 6,4% du PNB84. L’Union Soviétique, durant
ces années 70, s’installait dans la léthargie et la société excellait de plus en plus dans la
pratique de corruption85.

L’arrivée au pouvoir le 11 mars 1985 de Mikhaïl Gorbatchev qui succédait à


Constantin Tchernenko décédé quelques jours avant, marquait un tournant décisif non
seulement dans la politique extérieure soviétique, mais aussi dans la gouvernance
interne de cet Etat. Signifiant « restructuration », la perestroïka86 devient la clé de voûte
de la politique interne et extérieure de Gorbatchev. Celui-ci veut restructurer et donner
de nouvelles orientations à l’action tant au niveau interne qu’à l’échelle internationale.
D’autre part, il veut laïciser l’Etat et instaurer un régime présidentiel, tournant de cette

83
. Idem., p. 71.
84
. PUAUX, F., La politique internationale des années quatre-vingt. De Reagan à Gorbatchev,
Paris, PUF, 1989, pp. 25-26.
85
. A ce propos, lire CARRERE D’ENCAUSSE, H., L’Empire éclaté, Paris, Flammarion, 1978.
86
. Ce terme est employé discrètement dès 1985, mais gagne de plus en plus du terrain en 1986 à
l’occasion d’un discours prononcé à Khabarovsk, en Extrême-Orient soviétique. Voir PUAUX
François, op. cit., p. 303.

49
manière dos au marxisme-léninisme87. Sur le plan interne, c’est une tentative
d’ouverture vers l’économie du marché en cherchant à renoncer à la centralisation
bureaucratique pour laisser jouer la loi de l’offre et de la demande, en dépit de la
résistance des apparatchik qui voyaient dans cette nouvelle orientation la fin de leurs
privilèges tissés au sein d’une économie devenue désordonnée, décadente et
improductive.

Après le désastre de Tchernobyl le 26 avril 1986, fut mise sur pied la politique
de glasnost, c’est-à-dire, de la transparence. L’Union Soviétique veut enlever la voile
pour faire découvrir à l’opinion tant interne qu’internationale ses problèmes, ses réelles
dimensions et sa vraie identité. La liberté de la presse et même de la télévision gagne du
terrain pour s’étendre à des confins jusque là insoupçonnés.

2.- La désintégration de l’Union Soviétique

Vers la fin des années 80, l’Union Soviétique est confrontée à des vastes
mouvements de revendications autonomistes. Beaucoup de peuples découvrent qu’ils
n’ont été dans l’Union que par les pesanteurs de l’histoire, précisément la volonté des
puissances sorties victorieuses au terme de la Deuxième Guerre mondiale, et veulent
exprimer leur droit à la différence et à l’autodétermination.

Les pays baltes : Estonie, Lettonie et Lituanie, annexés en 1940 par Staline avec
la complicité de Hitler étaient beaucoup plus avancés que les autres Républiques en ce
qui concernait les revendications autonomistes. Gorbatchev leur fit des concessions
dans le cadre de sa politique de réformes vers la décentralisation. Cette démarche
amorcée ouvrait la voie au nationalisme jamais éteint de ces trois pays.

Les trois Républiques européennes de l’Union Soviétique : L’Ukraine, la


Moldavie et la Biélorussie réclament elles aussi et de plus en plus leur droit à la
différence. Les groupes nationalistes se mettent à l’avant-plan et ne cessent de
multiplier des manifestations dans ce sens.

Il en est de même de trois Républiques du Caucase situées plus au sud de


l’Union Soviétique : la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les leaders nationalistes de
ces Etats sont aussi actifs et la plupart sont emprisonnés. En outre, les relations entre
l’Arménie et l’Azerbaïdjan n’étaient plus au beau fixe suite aux incidents survenus en
1988 dans l’enclave chrétienne du Haut-Karabagh située en Azerbaïdjan et où une
trentaine d’arméniens avaient été massacrés par des azéris musulmans chiites. Pour
autant, les arméniens réclamaient le rattachement de cette enclave à leur territoire. Mais,
Moscou refusait toute modification territoriale. Néanmoins, une « administration
provisoire » dépendant directement de l’autorité de Moscou est acceptée88.

A la fin de 1991, l’éclatement de l’URSS devenait évident. 13 de 15 Etats


formant l’URSS avaient abandonné l’Union. Le nationalisme antérieur à la seconde
Guerre Mondiale avait gagné beaucoup d’Etats, les pays baltes principalement. La
Russie héritait ainsi de la puissance soviétique. Elle devenait l’Etat successeur qui
devait détenir la majeure partie des forces économiques, l’autorité politique et les
moyens militaires de l’ancienne Union Soviétique.

. Idem., p. 306.
87

. PUAUX, F., op. cit., p. 312.


88

50
3.- La réunification de l’Allemagne

En 1955, les forces alliées rendaient à la République Fédérale d’Allemagne sa


souveraineté. L’événement le plus impactant a été la chute le 09 novembre 1989 du Mur
de Berlin, ce rideau de fer qui symbolisait la division du monde en deux camps. Cette
chute précipitait la perte de monopole du parti communiste en Allemagne de l’Est. Face
à ce changement, l’URSS accepta de rapatrier ses 300.000 soldats stationnés en
République Démocratique Allemande pourvu que les autorités allemandes de l’Est
comme celles de l’Ouest assument le coût de l’opération.

En février 1990, le principe de la réunification de deux Allemagnes est acquis et


le 3 octobre de la même année la réunification est proclamée officiellement. Entretemps,
l’URSS a perdu ses Etats satellites qui formaient le glacis défensif qu’elle avait monté à
la fin de la seconde guerre mondiale sur ses frontières occidentales : la RDA, la
Roumanie et la Bulgarie. En février 1991, le Pacte de Varsovie est officiellement
dissous. Le COMECON disparaissait le 28 juin de la même année.

II.- LE MULTIPOLARISME POLITIQUE ET LA BIPOLARITE


MILITAIRE

1.- la guerre de l’Irak et les tentatives d’hégémonie des Etats-Unis

La chute du mur de Berlin sonnait comme une victoire du camp capitaliste sur le
communisme, et même des Etats-Unis sur l’Union Soviétique. Conscients de cette
nouvelle donne, les Etats-Unis se considéraient comme le gendarme du monde et étaient
même tentés à prendre certaines initiatives de politique internationale sans trop analyser
les points de vue des autres acteurs majeurs. Si les européens, influencés par leur
expérience de l’intégration de l’Union Européenne, affichent un penchant vers le
multilatéralisme, les américains, au contraire, forts de leur avance sur divers aspects, ont
eu un moment ce penchant vers un unilatéralisme pour conserver ou consolider leur
puissance.

La guerre déclenchée en Irak par les Etats-Unis sans considérer les points de vue
des autres membres du Conseil de sécurité des Nations Uniesexprimait mieux cette
nouvelle attitude.

2.- La montée des puissances moyennes : Du G8 au G20

2.1.- Le Groupe de G8

Le Groupe dénommé G8 (autrefois G7) inclut les Etats-Unis, la France, le


Royaume-Uni, la République Fédérale d’Allemagne, l’Italie, le Canada, le Japon et la
Commission Européenne. Depuis juin 1997, la Russie participe aussi aux réunions de ce
groupe comme Etat membre.

Ce Groupe voit le jour en 1975 sur proposition de la France qui considéra utile et
indispensable que les pays aux économies les plus industrialisées puissent tenir des

51
sommets chaque année89 pour débattre des problèmes économiques et monétaires du
moment. Au sommet de Venise tenue en 1980, des questions politiques faisaient leur
entrée. En d’autres termes, la finalité poursuivie par ce groupe est de procéder à l’étude
et l’analyse des problèmes relatifs à la politique internationale et à l’économie mondiale
en vue de trouver des possibles pistes de solution.

2.2.- Le Groupe de G20

L’émergence de la Chine et d’autres puissances moyennes telles que l’Inde, la


Corée du Sud, le Brésil, l’Afrique du Sud ou le Mexique ont conduit à la création d’un
autre forum de réflexion distinct du G8. En effet, le G20 est aujourd’hui une plateforme
composée des pays développés et de certains pays en voie de développement aux
économies émergentes. En plus de la Commission Européenne et des Etats participant
au G8, le G20 incorpore l’Argentine, l’Australie, l’Arabie Saoudite, l’Afrique du Sud, le
Brésil, la Chine, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie et le Mexique.

Serait-il le G20 une manifestation évidente de la marche du monde vers un


multilatéralisme ? Certes, les relations internationales contemporaines fluent vers un
multilatéralisme, mais subissant parfois la pesanteur d’un certain unilatéralisme
américain cherchant à effacer une bipolarité militaire maintenue avec la Russie. L’ordre
international actuel oscille entre ces deux mouvements laissant conclure que les
questions internationales de large consensus paraissent asseoir de plus en plus la
tendance vers le multilatéralisme alors que le désaccord fait réapparaître une certaine
fissure qui nous rappelle l’époque de la guerre froide avec des camps regroupant les
alliés d’antan. La guerre en Syrie en est une démonstration.

III.- LE DEBAT SUR LA REFORME DE L’ONU

L’évolution des relations internationales depuis 1945 jusqu’à nos jours laisse
entrevoir des anachronismes qui appellent aujourd’hui à la reforme de l’ONU. Il est
évident que ce qui était vrai en 1945 lors de la création de cette organisation ne l’est
plus aujourd’hui, du moins dans une grande mesure.

L’adhésion massive en 1960 des pays principalement d’Afrique à cette


organisation à la faveur des indépendances qui avait émaillé cette période de l’histoire
du continent, la création de nouvelles institutions pour réguler les relations
internationales et au sein desquelles ces nouveaux pays veulent aussi jouer un rôle, la
chute du mur de Berlin et la disparition de l’Union Soviétique avec comme corollaire
l’affaiblissement ou l’évanouissement de la pesanteur qu’exerçait la politique des blocs
sur les relations internationales, c’est-à-dire, la disparition du système bipolaire au profit
d’un multipolarisme bien qu’encore embryonnaire, la tendance vers la mondialisation,
etc. toute cette évolution des relations internationales impose une reforme du système de
l’ONU pour l’adapter aux réalités actuelles.

Le sommet mondial réuni en 2005 à l’occasion du soixantième anniversaire de la


création de l’ONU a été le moment de relancer ce débat sur la reforme de

. De 1975 à nos jours, les différents sommets que le G8 a dû convoquer se sont tenus : 1 er
89

sommet à Rambouillet 1975 ; Venise 1980 ; Ottawa 21 juillet 1981 ; Versailles 1982 ;
Williamsbourg 28 mai 1983 ; Londres 8 et 9 juin 1984 ; Bonn 2-4 mai 1985 ; Tokyo mai 1986 ;
Venise juin 1987 ; 14ème sommet Toronto 20 juin 1988.

52
l’Organisation. Beaucoup d’Etats s’étaient mis d’accord sur le fait que le Conseil de
sécurité était devenu une institution rétrograde, vestige d’un passé révolu ou
l’expression d’un mal nécessaire dont il convient de limiter les effets et corriger les
abus90. La composition actuelle de cet organe ne répond plus aux réalités du moment. Le
droit de véto s’avère discriminatoire et le statut de membre permanent injuste. Certains
Etats revendiquent la suppression pure et simple du veto considéré comme un
mécanisme antidémocratique qui impose une aristocratie et consacre la domination de
certaines nations sur d’autres91.

Toutefois, le droit de veto a pour première raison d’être d’assurer l’équilibre


entre ses détenteurs, c’est-à-dire, entre les grandes puissances 92. Par conséquent, sa
suppression exigerait d’abord l’accord de cinq Etats détenteurs de ce privilège. Les
articles 108 et 109 de la Charte reconnaissent cette procédure dès lors qu’ils disposent
que tout amendement à la Charte, adopté par l’Assemblée générale ou par une autre
structure de révision, ne peut entrer en vigueur sans l’assentiment de tous les membres
permanents du Conseil de sécurité.

D’autre part, il résulte que si les membres permanents du Conseil de sécurité


renonçaient à ce privilège de veto que leur reconnaît l’article 27, ils feraient encore
usage de ce que l’on a pu appeler le « veto financier » et le « veto administratif »93. En
effet, ces Etats continueront à influer sur les décisions de l’ONU dès lors qu’ils
financent une grande part de son budget et qu’ils jouissent d’une plus grande présence
de leurs nationaux placés aux postes-clés du Secrétariat94.

Toutefois, d’autres Etats se sont prononcés en faveur de l’élargissement de ce


Conseil de Sécurité. Si les Etats-Unis avaient fait savoir que cette question de la reforme
du Conseil de sécurité n’était pas une priorité pour eux, et que s’il devait y avoir
réforme, celle-ci devrait porter sur tout le système à commencer par le Secrétariat de
l’ONU et le recrutement des fonctionnaires, l’Allemagne, le Brésil, l’Inde et le Japon se
portaient eux officiellement candidats à un siège de membre permanent au sein du
Conseil de sécurité, même sans droit de véto. Ces Etats proposaient l’entrée de six
nouveaux membres permanents, c’est-à-dire, eux-mêmes plus deux pays africains et de
quatre membres non permanents élus pour deux ans.

Par conséquent, le Conseil de Sécurité réintégrerait 25 membres. Le camp


opposé à ce groupe, à savoir, l’Italie, le Pakistan, la Corée du Sud et l’Espagne soutenait
lui la création d’une nouvelle catégorie de sièges pour les dix membres non permanents.

L’autre voie de réforme revendiquée est celle qui devrait déboucher au


changement du système de vote par pondération en vigueur dans les différentes
institutions issues de Bretton Woods tels que le Fonds Monétaire International et la
Banque Mondiale, système qui renforce le pouvoir de décision des pays riches au sein
de ces institutions et confine les pays sous-développés dans un rôle de figurants sans
voix au chapitre.

90
. COT, J.-P. et PELLET, A., op, cit., p. 496.
91
. Idem., p. 513.
92
. VIRALLY, M., L’organisation mondiale, Armand Colin, Paris, 1972, p. 105.
93
. Voir NERFIN, M., « Les nations Unies peuvent-elles être démocratisées ? », in Le Monde
diplomatique, décembre 1976.
94
. COT, J.-P., et PELLET, A., op. cit., p. 514.

53
COURS EN PREMIERE LICENCE DES RELATIONS INTERNATIONALES

Année académique 2008-2009

INTRODUCTION

Ce cours sur l’introduction aux relations internationales est une analyse


pratique du système international tel qu’il s’est structuré et tel qu’il fonctionne. En
d’autres termes, il est une étude sur ses acteurs, les secteurs dans lesquels ils interfèrent
et leurs interactions réciproques.

Il est conçu comme une photo instantanée et à la fois une image dynamique de la
scène internationale telle qu’elle est vécue. C’est pour autant dire que les relations
internationales sont un faisceau des liens nés des transactions et des interactions captées
dans tous les secteurs de la vie internationale allant de la politique jusqu’à l’économie
en passant par le social, le culturel, l’environnemental, etc.

L’étudiant qui embrasse cette discipline des relations internationales doit


commencer par dominer le paysage international, en connaître ses contours et les
acteurs qui y interagissent. C’est là le sens à donner à ce cours, loin d’entrer dans le
débat sur les théories, les explications ou justifications du comportement des acteurs qui
fait partie d’un autre cours : les théories des relations internationales.

Un débat existe quant au sens à donner aux concepts «système international » et


« société internationale ». Bien que beaucoup d’analystes ont tendance à utiliser l’un
pour l’autre faisant croire à une synonymie entre les deux concepts ; il faut toutefois
affirmer que l’image qu’inspire l’un n’est pas la même que celle à laquelle fait allusion
l’autre. Ce cours va essayer d’entrer aussi dans ce débat pour clarifier le contenu
supposé accompagner les deux concepts.

Les relations internationales sont traditionnellement considérées comme un


ensemble de liens, de rapports et de contacts qui s’établissent entre les Etats et relèvent
de la politique étrangère de ces derniers95. Ces rapports peuvent prendre diverses
formes qui peuvent aller de conflit à la coopération que ce soit sur les plans politiques,
économique, stratégique et culturel, etc. A y voir de près, cette conception ne prend en
considération que les interactions qui se tissent entre Etats et excluent celles qui se
situent en dehors du cadre étatique.

Bien que l´Etat joue un rôle central en relations internationales, il serait incorrect
de limiter les relations internationales aux seules interactions produites par cette
institution, surtout en cette époque où plusieurs relations économiques et culturelles
échappent, en partie, au contrôle des gouvernements.

. BRAILLARD, Philippe et DJALILI, Mohammed-Reza, Les relations internationales, Paris,


95

PUF, Coll. « Que sais-je ? », 2004, p. 3.

54
Eu égard à cette observation, une autre conception plus large des relations
internationales s’impose. Celle-ci prend en compte l’ensemble des phénomènes
internationaux comme champ d’investigation. Dans ce cas, les relations internationales
peuvent être définies comme l’ensemble des relations et communications susceptibles
d’avoir une dimension politique s’établissant entre deux groupes sociaux traversant les
frontières96.

Durant ces dernières années, le champ des relations internationales a pris une
grande importance en raison de grandes mutations qu’a expérimentées la société
internationale eu égard à la croissance des échanges internationaux et le développement
des réseaux de communication. De la sorte, ces relations se développent aujourd’hui
dans une société internationale qui vit l’ère de la globalisation.

Cette dimension nouvelle acquise par les relations internationales suscite un


intérêt qui invite à faire une réflexion systématique sur cette réalité. Le besoin d’une
telle réflexion se justifie dès lors qu’elle est susceptible d’éclairer les processus internes
à nos sociétés en raison de l’influence directe qu’exerce sur ces dernières
l’environnement international.

I.- LA SCIENCE DES RELATIONS INTERNATIONALES

La science des relations internationales naît durant l’entre-deux-guerres, période


qui vit se multiplier les travaux consacrés à l’étude des relations internationales et surgir
progressivement une véritable communauté scientifique prenant comme objet de
réflexion les phénomènes internationaux.

De cette manière, les relations internationales acquièrent une autonomie en tant


que champ d’étude, et ce processus s’affirmait par la création, dès la fin de la Première
Guerre mondiale, d’institutions d’enseignement et de recherche consacrées aux relations
internationales tant aux Etats-Unis qu’en Grande Bretagne.

La création de la première chaire de « relations internationales » remonte à 1919


sous les auspices de Zimmern suivi des « iusinternationalistes idealistes » surpris par la
barbarie dont avait fait preuve la Première Guerre mondiale.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce phénomène s’étendra


progressivement à l’Europe occidentale, à l’Union soviétique et même à quelques pays
du Tiers Monde.

Cette croissance de l’étude des relations internationales est en partie la


conséquence des répercussions qu’ont exercées les deux Guerres mondiales sur
l’ensemble de la société internationale ainsi que de l’importance prise par la politique
internationale à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Si traditionnellement, l’étude des relations internationales relevait de l’histoire


diplomatique, de la philosophie politique, de l’économie et du droit international,
aujourd’hui, de nombreuses autres disciplines, telles que la sociologie, la psychologie,
l’anthropologie, l’ethnologie ont aussi voix au chapitre. Cette évolution du champ

. Idem.
96

55
d’études a conduit à l’élaboration de nombreux modèles explicatifs et de nouvelles
théories, et poussé les chercheurs à revendiquer pour l’étude des relations
internationales un véritable statut scientifique.

II.- SYSTEME INTERNATIONAL, SOCIETE INTERNATIONALE ET


COMMUNAUTE INTERNATIONALE

1.- Signification de trois concepts

Les concepts de « système international », « société internationale » et de


« communauté internationale » ne doivent pas être passés sous silence dans l’étude des
relations internationales, dès lors que ce sont des catégories qui reviennent avec une
fréquence régulière tant dans les débats scientifiques que dans les analyses courantes
touchant aux thèmes internationaux, et que leur nette appréhension ou correcte
interprétation aide, non seulement à mieux comprendre le fonctionnement des relations
internationales, mais aussi à les définir et à mieux les théoriser.

L’usage qui est fait de ces concepts démontre l’ampleur de l’amalgame et de la


confusion de la part de leurs usagers ignorant parfois la signification, la portée et le
contenu qu’ils insèrent l’un ou l’autre.

Si la notion de système inspire l’idée d’un ensemble composé d’éléments qui


influent les uns sur les autres, interagissent entre eux créant des inputs qui doivent à leur
tour amener à des outputs, et enfin de feed-back, pour évoluer de cette manière dans une
dynamique émaillée des crises et des embellies ; celle de communauté internationale
inspire, quant à elle, l’idée d’union, d’un ensemble où priment des valeurs unitives qui
exigent la convergence des actions et le sens d’altruisme dans ses acteurs, alors que
celle de société internationale, enfin, supposerait un ensemble où prévalent des valeurs
et positions divergentes et dans lequel les acteurs agissent selon l’intérêt qu’ils
poursuivent pour satisfaire chacun ses propres besoins.

En d’autres termes, le concept de système amène au principe d’interaction des


éléments et de leur adaptation fonctionnelle permanente pour maintenir l’équilibre dudit
système. Le concept de société suppose l’état de nature et fait appel au principe
d’autoconservation pour garantir sa survie. Cet état de nature est tempéré par le contrat
social qu’établissent les individus entre eux pour répondre au problème de leur sécurité.
Enfin le concept de communauté suppose le principe de solidarité spontanée et innée
qui repose dans l’être humain. C’est ainsi que si dans la communauté les hommes
restent unis malgré leurs divergences, dans la société ces hommes restent séparés
malgré leurs convergences.

La communauté est une unité naturelle et spontanée, alors que la société est un
ensemble artificiel et créé. Dans la communauté, il y a intégration des éléments alors
que dans la société, il y a addition de ceux-ci.

56
Ainsi, la distinction entre ces concepts ne relève pas seulement d’un simple
problème terminologique, sinon d’une réelle différence conceptuelle. Le débat qui s’en
est suivi n’a jamais été clos quant à la préférence dans l’usage de l’un ou de l’autre.

1.1.- Le système international

Un système est généralement défini comme « un ensemble d’unités liées


entre elles par un ensemble d’interactions telles qu’un changement dans une unité ou
dans ses relations produit un changement dans les autres unités du système »97. Dans ce
sens, le système international est considéré comme un ensemble d’acteurs dont les
interactions sont suffisamment régulières pour que le comportement de tout un chacun
soit un facteur nécessaire dans le calcul présidant au comportement de tous les autres98.

Le système international s’est progressivement formé quand plusieurs acteurs


ont eu de plus en plus des contacts pour que leurs actions et décisions dans les domaines
économique, politique, social, culturel, etc. finissent par avoir des répercussions
réciproques de telle manière qu’ils sont devenus chacun partie d’un tout.

Le système international reste un tout complexe, formé d’éléments différents.


Cette donne a amené les analystes à identifier, selon le type d’interactions considérées,
plusieurs sous-systèmes, délimités fonctionnellement comme c’est le cas du système
monétaire international, le système financier international ; ou géographiquement
comme c’est le cas du système géostratégique Est-Ouest, ou encore le système universel
de valeurs, comme le protection et promotion des droits de l’homme, etc.

Si le concept de système international ne pose pas beaucoup de problèmes quant


à sa signification et l’idée même qu’il prétend inspirer dans l’étude des relations
internationales, le débat devient plus intéressant quant aux concepts de société
internationale et de communauté internationale.

1.2.- La société internationale

La société internationale suppose l’existence d’un groupe d’Etats qui, conscients


de certains intérêts communs et certaines valeurs qu’ils partagent, forment une société
pour se sentir liés les uns aux autres, et fondent des institutions communes pour
sauvegarder ces intérêts et valeurs.

Le concept de société internationale a été un concept clé pour l’Ecole Anglaise


des Relations Internationales, l’une des plus renommées par ses publications et par la
dynamique qu’elle a imprimée aux études des relations internationales99. C’est dans ce
97
. SMOUTS, M-C., BATTISTELLA, D. VENNESSON, P., Dictionnaire des relations
internationales, Paris, Dalloz, 2006, p. 519.
98
. Idem., p. 520. Voir aussi Jean-Jacques ROCHE, le système international contemporain, Paris,
Montchrestien, 1994.
99
. L’Ecole Anglaise des Relations Internationales est constituée par d’une dizaine d’historiens,
théoriciens et praticiens des relations internationales relevant du monde anglais ou anglophone
et qui, à partir de 1959, fondent le “British Committee for Theory of International Politics”
autour duquel ils se regroupent avec Hedley Bull, William Armstrong, Geoffrey Hudson et
Adam Watson comme membres principaux, les deux fondateurs étant Herbert Butterfield et
Martin Wight. Cette institutionnalisation était la concrétisation de la proposition de Kenneth
Thompson faite cinq années avant à Herbert Butterfield lui demandant de créer une entité

57
sens que Hedley Bull, l’un des membres influents de cette Ecole Anglaise, considère la
société internationale comme « un groupe d’Etats qui, conscients de certains intérêts et
valeurs communs, se conçoivent comme étant liés par un ensemble de règles communes
dans leurs relations réciproques et participent au bon fonctionnement d’institutions
communes »100.

Bull considère la société internationale comme interétatique, c’est-à-dire, composée des


Etats ; comme anarchique dès lors que le principe autour duquel elle est articulée repose
sur la souveraineté des Etats ; mais alors comme organisée, puisque elle est fondée sur
des normes internationales.

Pour autant, dans ses tentatives de comprendre l’ordre actuel existant en


politique internationale caractérisée, cependant, par l’anarchie entendue comme absence
de gouvernement mondial, Bull constate que les Etats constituent l’unité principale de la
politique internationale, un argument fondamental chez les réalistes, mais ces Etats ne
coexistent pas comme s’ils étaient dans un état de nature, seulement ils se voient limités
dans leurs impulsions belliqueuses par des normes et des institutions communes101.

La société internationale se caractérise par sa tendance à l’universalisation, son


hétérogénéité, la pluralité et la diversité de ses acteurs, principalement les Etats, par
l’interdépendance de ces acteurs, par la décentralisation du pouvoir politique, par la
distribution inégale du pouvoir politique et du pouvoir économique, et enfin par le
niveau faible d’intégration de ses acteurs.

L’idée de la société internationale coïncide avec les arguments du paradigme


réaliste. Elle reste en harmonie et concorde avec ces arguments même quand le débat est
élevé à un niveau intellectuel supérieur, alors que l’idée de la communauté
internationale peut être mise en harmonie avec ces mêmes arguments, mais parfois avec
difficultés et contradictions constantes.

Par conséquent, la société internationale se caractérise par des traits qui ne sont
pas ceux d’une association contractuelle, mais au contraire, des traits d’une relation de
domination que certains Etats exercent sur d’autres.

1.3.- La communauté internationale

L’usage du terme Communauté internationale en Relations Internationales est


accepté pour refléter ce qu’on aurait voulu voir exister dans les faits, c’est-à-dire, dans
le réel. Il s’agit d’un monde ramené à l’idéal projeté, pour ne pas parler de l’idéalisme,
ou encore mieux de l’énoncé d’un objectif, d’une aspiration légitime que les Etats
prétendent accomplir. Cette aspiration ou ce vœu est-il accompagné des faits qui
confirment et consolident ce terme ou s’agit-il seulement d’une construction creuse ?
C’est comme affirmait Daniel Colard quand il écrivait que si, d’un côté, la théorie de

britannique parallèle à « American Rockefeller Committee » formé dans son temps par Hans
Morgenthau, Reinhold Niebuhr, Arnold Wolfers, Kenneth Waltz.
100
. BULL, H., The Anarchical Society. A Study of Order in World Politics, Londres, MacMillan,
1995 (1ère éd. 1977), p. 13.
101
. BULL, H., The Anarchical Society, op. cit., p. 13 Idem.

58
l’état de nature va avec retard par rapport aux réalités internationales ; de l’autre côté, la
théorie de la communauté internationale va avec avance par rapport à son temps102.

La communauté ne suppose pas la somme d’éléments, sinon leur intégration.


Pour autant, sa forme est symétrique et organique. Dans cet espace, priment les valeurs
de bonté, d’éthique, la justice distributive et l’harmonie. L’ordre international actuel ou
les relations internationales contemporaines inspireraient-elles une telle image ?

L’image que donnent les relations internationales contemporaines fait croire


difficilement au format d’un ordre international bâti sur les fondations d’une
communauté internationale exhalant harmonie et convergence des valeurs. Au contraire,
l’observation des faits amène à croire au format de société internationale comme
structure qui entre le mieux en adéquation avec la réalité des relations internationales
contemporaines.

La communauté internationale suppose l’existence d’un pouvoir supranational


devant imposer les valeurs communes à tous 103. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec
l’existence de plusieurs Etats revendiquant chacun le respect de son indépendance et de
sa souveraineté de telle manière qu’en relations internationales, ces Etats reconnaissent
le principe d’auto-responsabilité et non des responsabilités partagées propre aux espaces
communautaires.

Comme la société internationale, la communauté internationale se caractérise par


sa tendance à l’universalisation, son hétérogénéité, la pluralité et la diversité de ses
acteurs, tant les Etats que les acteurs non étatiques y compris les individus, par
l’interdépendance, la cohésion et la solidarité entre ces acteurs, par l’existence des
intérêts communs et des valeurs communes à protéger, et enfin par l’existence des
normes impératives du droit ou ius cogens dont les traits fondamentaux sont
l’impérativité, la généralité et la primauté.

2.- Autres arguments du débat pour un distinguo entre « société internationale » et


« communauté internationale »

Pour essayer de ressortir encore davantage la différence conceptuelle entre ces


deux notions, certains auteurs recourent à la notion de responsabilité comme critère de
distinction. En effet, dans la société, prime toujours le principe d’auto-responsabilité.
Chaque associé ne répond que des actes qui lui sont imputables, c’est-à-dire, des actes
dont il est responsable, alors que dans la communauté, en plus de l’auto-responsabilité
de chaque membre, il existe aussi une responsabilité de tout l’ensemble face aux actes
de ses membres et la responsabilité de ceux-ci face aux actes de la totalité.

L’existence des intérêts communs aux Etats ne constitue pas un argument assez
suffisant pour parler de l’existence de la communauté internationale. Il faut que ces
intérêts soient crus, sentis et interprétés de la même manière, c’est-à-dire, qu’il y ait
aussi une union dans les idées.

. COLARD, D., Les relations internationales, Paris, Masson, 3ème éd., 1987, pp. 26-27.
102

. Voir DUPUY, J.R., La communauté internationale entre le mythe et l’histoire, Paris,


103

Economica, 1987.

59
L’usage des concepts « communauté internationale » et « société internationale »
se justifie surtout par ce fait que les relations internationales se meuvent sur deux
principes souvent opposés : le principe de l’hégémonie et celui de l’équilibre, ce dernier
émergeant quand une puissance n’a pas pu imposer son hégémonie. Pour autant,
pendant la période de l’hégémonie, les relations internationales se meuvent dans une
communauté internationale pour céder place à la société internationale quand cette
hégémonie est rompue à la faveur de l’équilibre.

De tout ce débat, nous pouvons au moins retenir que dans la vie internationale, il
y a lieu de rencontrer, d’une part, des aspects qui consolident l’image d’un monde
fonctionnant comme une société internationale, et d’autre part, des traits qui renforcent
la position de ceux qui s’inclinent pour le concept de communauté internationale.

Certains auteurs parlent même de l’existence juxtaposée de ces traits pour


donner lieu à une société internationale considérée comme une communauté légale. En
effet, le fait qu’il existe, d’un côté, un certain nombre de sociétés indépendantes,
organisées sur une base territoriale, et qui acceptent de coexister, et que de l’autre côté,
il se concrétise un élément psychologique sous la forme d’une conviction générale que
toutes ces sociétés sont en relation les unes avec les autres à travers les normes
applicables de manière réciproque et généralisée, lesquelles leur concèdent des droits,
en leur imposant au même moment des obligations et en leur distribuant des
compétences, ce fait, disions-nous, donne lieu à croire à une société internationale
fonctionnant comme une communauté internationale dès lors qu’elle est réglée sur des
normes acceptées par tous104.

C’est pour autant affirmer que nous sommes face à une société internationale
immergée dans un processus qui évolue vers une communauté internationale dès lors
qu’elle présente des caractéristiques de cette communauté bien que sa configuration ne
présente pas encore un cadre où peut se mouler correctement et totalement cette
communauté.

La présence des conflits ou même des guerres entre les Etats ne constitue pas un
obstacle à l’idée de communauté internationale, car à partir des intérêts de chaque Etat,
peuvent se développer des solidarités et des intérêts communs à tous les Etats, lesquels
justifient, dans une certaine mesure, l’existence d’une communauté internationale.

Il faut signaler que depuis les années 70, les travaux de certains internationalistes
et spécialistes en Economie politique Internationale 105 avaient mis en exergue
l’existence dans la société internationale des acteurs non étatiques et de l’influence de
leurs activités dans la politique internationale. Cette remarque pointait le fait que la
communauté internationale est en évolution constante et ne doit plus être circonscrite
seulement aux Etats, dès lors qu’elle inclut aussi d’autres sujets de droit international,
104
. Voir Hermann MOSLER, The international society as a legal community, Alphen aan del
Rijn, Sijhoff & Noordhoff, 1980, p. 2.
105
. A ce propos, vid., BURTON, J. W., World Society, Cambridge, Cambridge University Press,
1972 ; MANSBACH, R. W., FERGUSON, Y. H., LAMPERT, D. E., The Web of World
Politics. Non-State Actors in trhe Global System, Englewood Cliffs, NJ, Prentice Hall, 1976; et
également les travaux de KEOHANE, R.O. et NYE, J.S., Power and Interdependence: World
Politics in Transition, Boston Mass. Little & Brown, 1997; ROSENAU, J. N., The Study of
Global Interdependence : Essays on the Transnationalization of World Affairs, Londres, Pinter,
1980.

60
c’est-à-dire, des acteurs non étatiques, y compris l’individu, étant donné que ce droit
international régule les relations et reconnaît les droits ainsi que les obligations de ces
entités non étatiques, et en particulier, l’être humain.

Cette observation critique semble avoir donné beaucoup plus de poids à la


notion de communauté internationale. En se circonscrivant seulement aux Etats comme
seuls acteurs de relations internationales, la société internationale omet d’autres acteurs
et le rôle non moins négligeable qu’ils jouent en relations internationales. En outre, la
société internationale a tendance à aligner seulement les éléments d’ordre politique
omettant la dimension économique des relations internationales. Il est un fait que l’on
ne doit pas continuer à croire que ce qui est politique relève uniquement du domaine de
l’Etat.

Face à toutes ces critiques, témoins de transformations dues au phénomène de la


mondialisation, et conscients de la crise que traverse le concept de société international,
à cheval entre la société international des Etats et la société internationale des acteurs
non étatique et des individus, certains auteurs suggèrent le concept de « société
mondiale » considérée comme un système global de relations sociales dans lequel tous
les êtres humains sont, dans une certaine mesure, connectés, et qui couvre la totalité du
globe106. Un tel système existe-il ? Sont-ils en connexion parfaite tous les individus de
ce monde ? Devant ce doute, d’autres auteurs considèrent qu’il serait mieux de parler de
la « société post-internationale » pour marquer une différence avec la société
internationale des Etats comme seuls acteurs des relations internationales.

La société post-internationale serait définie comme l’ensemble des relations


sociales formé par des interactions qui se créent au sein de la société internationale des
Etats et entre tous les acteurs des relations internationales, gouvernementales et non
gouvernementales, publics et privés. Cette société est qualifiée de post-internationale
car, d’abord, elle est postérieure à la société internationale des Etats qui naît à partir du
XVIème siècle et se prolonge jusqu’au XXème siècle. Ensuite, elle a émergé après
l’existence préalable de la société internationale des Etats qui, grâce aux normes et aux
institutions qu’elle a créées, a favorisé la stabilité d’un ordre international dans lequel
les acteurs non étatiques se sont insérés progressivement pour réaliser des activités
transnationales de coopération et de conflit, convertissant ledit ordre en un ordre post-
international.

Aujourd’hui, l’usage des concepts « société internationale » et « communauté


internationale » est fait parfois indistinctement sans tenir compte des nuances qu’ils
contiennent et l’image qu’ils prétendent exprimer. Toutefois, il est un fait que les
juristes, probablement à cause du poids de la tradition iusnaturaliste et de la référence
réitérative à la communauté internationale faite par de nombreuses publications
internationales de caractère juridique, ont une tendance à utiliser le plus souvent le
terme de « communauté internationale », alors que la plupart des spécialistes en
Relations Internationales préfèrent l’expression de « société internationale » qui, selon
eux, reste celle qui reflète le mieux ce qu’est la réalité internationale contemporaine.

. Vid., BUZAN, B., From International to World Society. English School Theory and the
106

Social Structure of Globalization, Cambridge, Cambridge University Press, 2004.; SHAW, M.,
“Global Society and social responsibility : The theoretical, historical and political limits of
“International Society””, in Millenium: Journal of International Studies, Vol. 21, nº 3, 1992, pp.
421-434.

61
En effet, la notion de « communauté internationale » est devenue l’expression la
plus utilisée en droit international. Des fréquentes références y sont faites dans des
diverses résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies, dans la jurisprudence
internationale et dans certaines conventions internationales comme c’est le cas de la
Convention de Vienne sur le Droit des Traites de 1969.

III.- LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES

« Dans le champ des relations sociales, il faut entendre par acteur toute autorité,
tout organisme, tout groupe et même toute personne susceptible de jouer un rôle. Dans
le domaine des relations internationales, on peut considérer comme acteurs les entités
dont l’action dépasse le cadre des frontières d’un Etat et qui donc participent activement
aux relations et communications traversant les frontières »107.

Pour que l’on parle d’acteur, il faut que l’on soit en présence d’une entité
sociale, structurée ou d’un individu tirant son appui d’une quelconque organisation ou
promouvant un idéal reconnu.

Eu égard à cette observation, les relations internationales sont animées par


plusieurs acteurs, parmi lesquels il convient de citer l’Etat comme acteur principal. En
dehors de cette entité, il existe une série d’autres acteurs non étatiques qu’on peut
regrouper en quatre grandes catégories : les organisations internationales
gouvernementales, les organisations internationales non gouvernementales, les
entreprises multinationales, les collectivités locales et régionales. A ces acteurs, il faut
aussi ajouter l’individu.

1.- L’Etat comme acteur privilégié des relations internationales

L’Etat est une entité qui exerce un pouvoir souverain sur un territoire déterminé
habité par une population, et jouissant d’une reconnaissance internationale. La
souveraineté de l’Etat se réfère à l’absence dans ses relations politiques d’autorité
supérieure à lui pouvant s’afficher dans la circonscription territoriale où son autorité est
exercée.

Par ailleurs, un Etat doit avoir une population rattachée à lui par un lien
spécifique communément appelée la nationalité. Enfin, tout Etat a besoin de la
reconnaissance d’autres Etats pour pouvoir jouir de tous les droits que le statut lui
confère sur le plan international.

Au cours de ces dernières années, les relations internationales se sont tellement


planétarisées et intensifiées que l’on constate un foisonnement d’Etats allant des
superpuissances aux micro-Etats. Cette situation a conduit à une stratification ou une
catégorisation de ces Etats de manière à rendre le paysage un peu plus transparent.
Premièrement, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, deux Etats, les
Etats-Unis et l’Union Soviétique sortaient vainqueurs et renforcés. Ils ont profité de
cette nouvelle conjoncture pour acquérir une puissance et étendre leur hégémonie sur les
autres Etat de telle manière qu’il a fallu recourir à un autre concept pour mieux les
identifier : celui de superpuissance.

. BRAILLARD, P. et DJALILI, M.-R., op. cit., p. 31.


107

62
Trois facteurs concourent à cette réalité de superpuissance :
- la capacité de destruction massive et planétaire acquise grâce au développement
sur une large échelle d’armes nucléaires ;
- la capacité d’influer sur les relations internationales dans sa totalité, c’est-à-dire,
d’être potentiellement concerné par tout changement ;
- l’impossibilité d’être vaincu par aucune coalition de forces, sauf si parmi cette
coalition se trouve l’autre superpuissance.

La désintégration de l’Union soviétique laisse des doutes sur la capacité de la


Russie d’hériter du statut de superpuissance dont jouissait l’Union Soviétique et laisse,
par conséquent, les Etats-Unis comme l’unique superpuissance de la période actuelle.

Les éléments classiques de la puissance ont toujours été la population, la


cohésion nationale, la force militaire, la position géostratégique, la stabilité monétaire,
économique et sociale. Bien exploités et mis à profit, ces éléments peuvent mener à la
superpuissance. A l’ère actuelle, entrent en ligne de compte des éléments nouveaux tels
que les armes nucléaires, les ressources énergétiques, les capacités techniques et
scientifiques, l’existence d’un secteur industriel de pointe, etc.

Après cette catégorie des superpuissances, vient celle des grandes puissances.
Celles-ci influent sur le système international sans toutefois le dominer. Elles aspirent
souvent à jouer un rôle mondial, mais leurs capacités réelles ne leur permettent qu’une
influence limitée à une région ou à un secteur donné108.

Au-delà de la catégorie des grandes puissances, il y a celle des puissances


moyennes qui regroupe des acteurs dont les capacités ne leur permettent que l’exercice
d’une influence durable dans leur environnement immédiat. Parmi ces puissances
moyennes, figurent aussi bien certains pays du Tiers Monde.

Viennent après des Etats dont l’incidence en termes de puissance est faible et
même négligeable sur leur environnement immédiat. Toutefois, ces Etats peuvent se
doter des moyens capables de préserver leur indépendance et leur intégrité territoriale.

Viennent enfin des micro-Etats qui sont en principe dans l’incapacité de faire
respecter leur souveraineté par leurs propres moyens.

Cette stratification n’est pas figée. Elle est, au contraire, dynamique de sorte que
les frontières entre les différentes catégories sont reconnues mouvantes dès lors que
beaucoup d’Etats déploient des efforts pour acquérir des puissances et passer à la
catégorie supérieure.

2.- Les organisations internationales gouvernementales

2.1.- Concept

Le paysage international actuel est maillé par tout un ensemble d’organisations


internationales gouvernementales qui influent d’une manière ou d’une autre sur la

. BRAILLARD, P., et DJALILI, M.-R., op. cit., p. 35.


108

63
conduite des Etats et sur la marche des relations internationales, contrôlant ainsi le
comportement de ces Etats et garantissant la coopération internationale. L’architecture
institutionnelle de l’après-guerre est le témoin d’une véritable prolifération de ces
organisations internationales.

Une organisation internationale gouvernementale « peut être définie comme une


association d’Etats, établie par un accord entre ses membres et dotée d’un appareil
permanent d’organes, chargée de poursuivre la réalisation d’objectifs d’intérêt commun
par une coopération entre eux »109.

2.2.- Brève historique des organisations internationales gouvernementales

« Les organisations internationales gouvernementales remontent essentiellement


au XIXème siècle caractérisé par la multilatéralisation de la diplomatie et par un
développement économique et technologique, corollaire de la révolution industrielle en
Angleterre. Cette nouvelle dynamique fait apparaître des besoins fonctionnels de
coopération entre les Etats.

Cette coopération qui devait se traduire par une intensification des


échanges, ne pouvait se faire que par une amélioration des moyens de communication
entre ces Etats ou aussi la mise en commun de certaines structures administratives pour
gérer des intérêts communs. Cette situation va conduire à la mise en place de ces
structures administratives de coopération telles que la Commission permanente pour la
navigation du Rhin créée en 1815, la Convention sanitaire internationale créée en 1853,
l’Union télégraphique internationale de 1865, le Bureau international des poids et
mesures de 1875, l’Union postale universelle de 1878, l’Union pour la protection de la
propriété industrielle de 1883. Les relations internationales vont assister à une création
sans précédent des organisations internationales, surtout après le Seconde Guerre
mondiale avec la mise sur pied de l’Organisation des Nations Unies.

Les préoccupations de sécurité, l’interdépendance croissante dans les domaines


économique et technique vont amplifier ce phénomène 110. En outre, avec l’accession
progressive des pays du Tiers Monde à la vie internationale, d’autres éléments entrent
en ligne de compte pour expliquer la création de nouvelles organisations : besoins de
légitimation, nécessité implicite de consolidation de la sécurité interne des jeunes Etats,
sentiment d’appartenance à un ensemble plus large que l’Etat, situation de sous-
développement, nécessité de coalition pour améliorer le pouvoir de négociation
internationale face aux pays industrialisés, etc.111.

Du fait de leur nombre de plus en plus croissant et de leur dynamisme, les


organisations internationales gouvernementales sont devenues des entités
caractéristiques de la société internationale contemporaine.

109
. VIRALLY, M., “Définition et classification des organisations internationales: approche
juridique”, ien ABI-SAAB, G., (dir.), Le concept d’organisation internationale, UNESCO,
Paris, 1980, p. 52. Et aussi COLARD, D., op. cit., p. 91.
110
. BRAILLARD, P., DJALILI, M.-R., op. cit., p. 39.
111
. BRAILLARD, P., DJALILI, M.-R., « Les organisations internationales du Tiers Monde :
vers l’élaboration d’un nouveau cadre d’analyse », en Etudes Internationales, Vol. 16, 1985, pp.
493-504.

64
2.3.- Classification des organisations internationales gouvernementales

On peut classer les organisations internationales gouvernementales à partir de


certains critères tels que la couverture géographique ou le secteur d’activité. En partant
de la couverture géographique, on peut distinguer :
- les organisations internationales à caractère universel, comme c’est le cas de
l’Organisation des Nations Unies ;
- les organisations internationales continentales ou régionales, comme c’est le cas
de l’Union Africaine ;
- les organisations internationales subrégionales, comme c’est le cas de la
Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, (CEDEAO) ;
- les organisations internationales plurirégionales, comme c’est le cas de
l’Organisation de la Conférence Islamique.

En ce qui concerne le champ d’activité, on peut distinguer les organisations à


champ d’action général, comme c’est le cas de l’ONU, les organisations militaires,
comme c’est le cas de l’OTAN, les organisations économiques comme la Communauté
Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, les organisations techniques comme
l’Union internationale des télécommunications, les organisations scientifiques comme
l’Organisation européenne de la recherche nucléaire.

De par son existence même, l’organisation internationale constitue un élément


structurant du système international dés lors qu’elle impose certaines limites à l’action
des membres de ce système. En effet, par des normes qu’elle adopte, l’organisation
internationale tend à modifier les règles du jeu et crée pour les Etats de nouvelles
contraintes. De cette manière, ces nouvelles structures de coopération arrivent à modeler
les comportements des Etats.

En d’autres termes, l’organisation internationale ne jouit pas des mêmes


prérogatives et pouvoirs que l’Etat, cependant, elle peut prendre des initiatives
indépendamment des Etats et influencer de cette manière certaines décisions prises par
ces Etats.

3.- Les organisations non gouvernementales

Les organisations non gouvernementales (ONG) sont des structures de


coopération rassemblant des institutions non étatiques ou des individus qui acceptent de
mener ensemble des actions dans un domaine déterminé pour atteindre des objectifs
bien précis.
Ces organisations ont fait leur apparition au XIXème siècle pour
connaître une évolution considérable au XIXème siècle. Nous citerons le cas des
fédérations internationales de syndicats, du Conseil œcuménique des Eglises, des
organisations de défense des droits de l’Homme comme Human Rights Watch, Amnesty
International, des organisations à caractère humanitaire comme Médecins sans
frontières, etc.

65
Trois critères cumulatifs permettent de distinguer les organisations non
gouvernementales d’autres organisations 112:
- Le caractère international de leur composition et de leurs objectifs ;
- Le caractère privé de leur constitution ;
- Le caractère bénévole de leurs activités.
Bien que, par essence, les ONG n’appartiennent pas au système interétatique,
toutefois, par souci de légitimation et d’efficacité, elles cherchent à entrer dans le jeu
des relations interétatiques. C’est dans ce sens que beaucoup d’ONG ont obtenu un
statut consultatif auprès des organisations internationales gouvernementales.

Leur capacité d’action est restée la plus importante dans les domaines qui
n’empiètent pas directement la souveraineté et les intérêts vitaux des Etats, tels que la
culture, le développement, la science, etc. Nonobstant, les ONG sont parfois capables
d’exercer une influence dans des domaines plus politiques, s’ingérant de cette manière
dans le champ réservé des Etats. Elles le font en s’appuyant sur les opinions nationales
et internationales. Il en est ainsi des questions relevant des droits de l’homme et de
l’aide humanitaire113.

4.- Les sociétés multinationales

Les sociétés multinationales sont aussi considérées, et à juste titre, comme des
acteurs des relations internationales. Ce sont des entreprises à but lucratif ayant un
champ d’activité couvrant plusieurs pays dans lesquels sont installées leurs filiales alors
que le centre de décision et de contrôle est situé dans le pays d’origine.

Aujourd’hui, ces entreprises couvrent des secteurs les plus divers allant de
l’exploitation des matières premières aux prestations des services de toutes sortes,
bancaires ou financiers.

Trois rôles potentiels pouvant être joués par les entreprises multinationales dans
la vie internationale, peuvent être relevés 114:
- Un rôle d’acteur économique de premier plan, en raison de leurs moyens, de
leurs dimensions, de leur non dépendance de l’étroitesse d’une économie
nationale ;
- Un rôle propre, d’avoir une influence politique directe sur les gouvernements et
la politique des pays dans lesquels elles sont établies. Cette influence pourrait
être assimilée à une forme de diplomatie privée si elle s’exerce sans passer par le
canal du gouvernement du pays dans laquelle l’entreprise multinationale a son
siège ;
- Un rôle instrumental au service de la politique étrangère de l’Etat dans lequel
elle a son siège. Le gouvernement de cet Etat peut alors utiliser à son profit le
pouvoir que peut avoir la multinationale du fait de son champ d’opération qui
traverse plusieurs frontières nationales.

112
. Voir « La contribution des organisations non gouvernementales à la formation et à
l’application des normes internationales », en BETTATI, M., et DUPUY, P.- M., (dir.)., Les
ONG et le droit international, Economica, Paris, 1986, pp. 1-21.
113
. BRAILLARD, P., et DJALILI, M.-R., op. cit., pp. 49-50.
114
. BRAILLARD, P., et DJALILI, M.-R., op. cit., Idem., pp. 52-53

66
IV.- LA POLITIQUE ETRANGERE DES ETATS

Eu égard à la nature anarchique des relations internationales, la politique


étrangère des Etats prétend assurer un certain ordre minimal, un équilibre dans le
rapport des forces, par la voie de la diplomatie, du développement du droit international
ainsi que des organisations internationales.

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QUESTIONNAIRE

69
1.- Que signifient pour vous les accords de Locarno ?
2.- Quel est le contenu substantiel du Pacte Briand-Kellog ?
3.- Quelles furent les allégations brandies par le Japon pour abandonner la Société des
Nations ?
4.- Que savez-vous du Traité de Rapallo et quelles sont les motivations cachées ayant
déterminé les signataires à conclure ce traité ?
5.- Que signifient pour vous ces termes : Triple Alliance, Triple Entente, Forces de
l’Axe et Forces alliées ?
6.- Que savez-vous du Pacte anti-Komitern ?
7.- Que savez-vous du Pacte d’Acier ?
8.- Que savez-vous du Pacte de non-agression entre l’Allemagne et l’URSS ?
9.- Que savez-vous du Pacte tripartite de 1940 ?
10.- Que savez-vous du « Plan Barbarossa » et les prétextes brandis par Hitler pour le
justifier ?
11.- Quel fut l’ordre du jour de la Conférence de Téhéran ?
12.- Quel fut l’ordre du jour de la Conférence de Yalta ?
13.- Quelles furent les décisions prises à la Conférence de Potsdam ?
14.- Quels sont les buts de l’ONU ?
15.- Quels sont les principes de l’ONU ?
16.- Que savez-vous de la fonction du Secrétaire Général de l’ONU ?
17.- Quel est le contenu de la doctrine Truman ?
18.- Quelles sont été les principales manifesttions de la guerre froide ?
19.- Qu’entendez-vous par le dilemme de sécurité entre les deux superpuissances ?
20.- Quelles sont les motivations et décrivez le contexte ayant justifié la création de
l’OTAN ?
21.- Que savez-vous de la guerre de Corée ?
22.- Que savez-vous du Traité de défense mutuelle avec le Japon ?
23.- Que savez-vous de l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est ?
24.- Que savez-vous de la guerre de Suez ?
25.- Quel contenu donnez-vous à la doctrine Eisenhower ?
26.- Parlez de la coexistence pacifique ?
27.- Pourquoi les nations du monde en leur majorité plaident pour la réforme de
l’ONU ?

70
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74
UNIVERSITE DE MBUJIMAYI

THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES

DEUXIEME PARTIE

Prof. TSHIMPANGA MATALA KABANGU

75
COURS EN PREMIERE LICENCE DES RELATIONS INTERNATIONALES

Année académique 2008-2009

INTRODUCTION

La complexité des relations internationales et l’étendue du champ dans lequel se tissent


celles-ci ont conduit plusieurs analystes de cette matière à chercher comment
conceptualiser et systématiser l’étude de ces relations internationales afin de les rendre
saisissables, c’est-à-dire, appréhensibles et compréhensibles à tout celui qui s’y
intéresse.

Cette préoccupation est d’autant plus légitime que sans cette démarche, il serait difficile
de comprendre le comportement et la conduite de certains Etats face à des enjeux
importants, conjoncturels ou permanents, qui émaillent la politique internationale. Cette
même démarche retrouve également son importance pour un Etat à l’heure de concevoir
sa politique étrangère dès lors que celle-ci doit s’étoffer d’un contenu prenant en
considération les grandes préoccupations de la politique interne à mettre au diapason
avec les données de la politique internationale avec finalité de trouver des gains en
fonction de ces données.

L’interprétation de cette politique internationale ne peut se faire de manière objective et


rationnelle sans inclure ni comprendre les données qui la composent. Et tout cet
ensemble donne lieu aux relations internationales au sein desquelles agissent et
interagissent de différents acteurs dont le plus classique et le plus important reste l’Etat.

Dès lors, le cours de théories des relations internationales a comme but de parcourir de
manière analytique et rationnelle les grandes conceptions des relations internationales,
lesquelles ont cherché à schématiser ces relations pour aboutir à une photo instantanée
et simplifiée qui résume la nature de ces relations internationales.

76
Cependant, ces relations sont dynamiques et mouvantes à telle enseigne que prétendre
les définir à travers une photo instantanée et unique est une aberration. Pour autant,
plusieurs conceptions de ces relations internationales sont décrites aujourd’hui dans
différentes études sur le thème. Elles rivalisent en arguments sans toutefois prétendre
tant les unes que les autres au primat de la vérité pour occuper le trône pour avoir donné
l’explication finale et totalement convaincante de la réalité des phénomènes
internationaux.

C’est pour autant dire que les relations internationales sont parfois interprétées suivant
les idéologies des analystes de cette matière ou des auteurs, ou suivant les circonstances
du moment. Ces conceptions gardent chacun sa valeur scientifique, mais n’arrivent pas
à expliquer en un schéma simplifié ou une théorie unique la totalité des phénomènes
internationaux.

Ce cours est un exercice introductif à ce débat. Il a la prétention d’initier l’étudiant en


relations internationales à cette longue discussion qui naît depuis la fin de la Première
Guerre mondiale et qui continue jusqu’à nos jours sans aboutir sur un modèle théorique
qui fait consensus, satisfait et réunit l’unanimité de tous les chercheurs en la matière. Il
avertit l’étudiant de ne pas se limiter à assimiler les arguments brandis tant par les uns
que par les autres, mais d’aller au-delà cherchant à rencontrer aussi, à partir des réalités
nationales, régionales et mondiales, un schéma qui correspond et décrit le mieux ces
relations internationales. Ce serait une manière d’enrichir le débat et de l’amener un jour
à éclore sur ce modèle final tant recherché.

CHAPITRE

LES GRANDES CONCEPTIONS DES RELATIONS


INTERNATIONALES

I.- CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES

1.- Qu’entendre par grandes conceptions ?

Les grandes conceptions des relations internationales sont des courants à travers
lesquels peuvent être interprétées, schématisées, lues et comprises les relations
internationales contemporaines. Certains auteurs ramènent ces courants à ce qu’ils
appellent «théories » ou « modèle théorique », d’autres parlent des « paradigmes »,
d’autres encore d’ « école », d’autres encore mieux de « débat ». Mais, la démarche
reste la même dès lors que les efforts déployés tant par les uns que les autres tendent à
conceptualiser et à lire à travers un cadre simplifié et compréhensible les relations
internationales.

77
En effet, les théories ont la vertu de rendre compréhensible une réalité
complexe115. Etant aussi complexes, mouvantes et souvent insaisissables, les relations
internationales ont également besoin d’être captées à travers des lentilles réductrices.
L’image que nous transmettent ces lentilles est assimilable à la théorie. Plus il y a
d’images que ces lentilles peuvent nous transmettre à partir de l’approche ou de l’angle
où elles sont placées, plus il y a des théories.

De cette manière, les théories sont une conceptualisation de la réalité perçue et


observée, un ensemble des propositions transcrivant les idées et l’ordre du monde tel
qu’il est vécu, réduisant la réalité et la représentant par une construction rationnalisée et
simplifiée116.

2.- Le constat sur le débat actuel

L’étude des relations internationales est aujourd’hui fragmentée et éclatée à cause de


l’absence d’accord entre les chercheurs sur ce qui constitue la spécificité, l’essence de
son objet, et sur un cadre explicatif général permettant d’organiser la recherche. Pour
autant, il est fait constat pour l’étude des relations internationales :
- de l’absence d’un paradigme accepté par tous,
- de l’affrontement de plusieurs modèles explicatifs,
- de plusieurs conceptions de son objet.

Toutefois, les chercheurs sont d’accord, d’une manière générale, à reconnaître


l’existence à notre époque de trois grandes conceptions des relations internationales : la
vision réaliste, le paradigme de l’interdépendance, le paradigme de l’impérialisme et de
la dépendance.
Ces trois grandes conceptions des relations internationales sont en interaction
mutuelle et évoluent dans le temps. Elles ne sont pas rigides et closes sur elles-mêmes.
Ces paradigmes structurent, dune manière ou d’une autre, le regard que peut porter tout
observateur sur les relations internationales.

II.- LES GRANDES CONCEPTIONS DES RELATIONS INTERNATIONALES

1.- La vision réaliste des relations internationales

1.1.- Le paradigme réaliste

Le réalisme plonge ses racines dans une longue tradition qui remonte à
l’Antiquité avec Thucydide, et prend une forme particulièrement structurée au XVIIè
siècle dans des œuvres de Thomas Hobbes. Cette vision met l’accent sur l’aspect
conflictuel qui caractérise les relations internationales et l’anarchie comme trait
fondamental de la société internationale.

115
. LANDAU, A., Théorie et pratique de la politique internationale, L’Harmattan,
Paris, 2006, p. 7.
116
. ARON, R., “Qu’est-ce qu’une théorie des relations internationales? », en Revue
française de Science Politique, Vol. XXVII, nº 5, 1967, pp. 837-861.

78
En tant que paradigme des relations internationales, le réalisme contemporain
s’est développé comme opposition à une vision idéaliste de ces relations, vision qui
apparaît à la fin de la Première Guerre mondiale. Le postulat fondamental de l’idéalisme
repose sur la conviction selon laquelle les conflits violents entre Etats peuvent être
évités par une transformation de la réalité interétatique assise sur le règne du droit,
l’injonction de la morale dans la vie internationale et l’extension de la démocratie.

Selon les idéalistes, une société internationale constituée d’Etats démocratiques


serait tout naturellement portée, sous la pression modératrice des opinions publiques, à
régler ses conflits de manière pacifique, en appliquant les règles du droit et en se dotant
d’institutions internationales favorisant la coopération117.

Le projet idéaliste tourne autour de la sécurité collective dont les grands axes
sont la renonciation volontaire à la guerre comme instrument de politique internationale,
le désarmement et la réorganisation de la vie internationale de manière volontariste et
rationnelle.

Le président américain Woodrow Wilson a été, au lendemain de la Première


Guerre mondiale, le représentant et l’animateur de ce courant idéaliste avec, entre
autres, son projet de Société des Nations. Pendant la période de l’entre-deux-guerres,
au-delà de la Société des Nations, le pacte Briand-Kellogg signé en 1928 qui
revendiquait une renonciation à l’emploi de la force, et la doctrine Stimson de 1932 en
vertu de laquelle les Etats-Unis refusaient la reconnaissance diplomatique de tout
changement acquis par la force, incarnent la vision idéaliste.

Cette vision était presque empruntée au droit international et à la philosophie


politique.

L’échec de la Société des Nations, la montée des fascismes en Allemagne et en


Italie, l’éclatement de la Deuxième Guerre et l’émergence de la guerre froide, laissèrent
comprendre la faiblesse de la vision idéaliste des relations internationales à la faveur
d’un autre paradigme, -le paradigme réaliste,- qui privilégiait l’aspect conflictuel
comme caractéristique intrinsèque de ces relations.

Les réalistes ont dominé les relations internationales depuis la Seconde Guerre
mondiale. Elles considèrent l’univers politique mondial comme anarchique. Et ce
caractère anarchique du monde propulse la concurrence et le conflit entre les nations, au
même moment qu’il inhibe leur volonté de coopérer même lorsque ces nations partagent
des intérêts communs. La vision pessimiste qu’elles ont du système international pousse
à ce rejet118.

Décrivant les relations internationales comme anarchiques dès lors qu’elles sont
alimentées par des Etats se réclamant souverains et qui ne reconnaissent pas une autorité
politique supérieure et dont les interactions sont guidées par la recherche de l’intérêt
général, les réalistes définissent ces relations internationales comme conflictuelles.
L’état de nature décrit par Thomas Hobbes dans Le Léviathan (1651), dans lequel les
hommes vivent ensemble sans un pouvoir commun qui puisse les intimider, animés

. BRAILLARD, Philippe et DJALILI, Mohammad-Reza, op. cit., p. 11.


117

. ROCHE, J.-J., Les théeories des relations internationales, op. cit., Ed.
118

Montchréstien, Paris, pp. 29-30.

79
constamment par un instinct de défense et d’obtention de la gloire, est un état de conflit
perpétuel. Cet état de nature est extrapolé au niveau des relations entre Etats.
L’indépendance, la souveraineté et l’envie incessante qui caractérisent ces Etats
conduisent à la prémisse « bellum omnium contra omnes ». Les relations internationales
sont ainsi identifiées à l’état de nature. Les réalistes considèrent la destruction de
l’ennemi comme l’objectif final, acceptant tant la guerre préventive que la guerre
illimitée comme moyen d’atteindre cet objectif119.

Le courant réaliste a eu comme défenseur aux Etats-Unis Hans Morgenthau,


suivi de George Kennan, George Schwartzenberger, Kenneth Thompson, Arnold
Wolfers, Henry Kissinger. En France, nous citerons Raymond Aron.

Dans son ouvrage Politics among Nations. The struggle for Power and Peace,
publié en 1948, Hans Morgenthau considère les relations internationales comme
conflictuelles du fait des pulsions agressives qui accompagnent la nature humaine, et
aussi de la nature anarchique du système international, caractérisé par l’absence de toute
autorité capable d’imposer à ses membres un ordre contraignant.

L’Etat est l’acteur principal et central des relations internationales, et dans ses
rapports avec les autres Etats, chaque Etat est mû par la recherche de l’intérêt national
exprimé en termes de puissance. Pour autant, les relations internationales acquièrent
leur dynamique à travers l’évolution du rapport des forces entre les Etats.

Pour les réalistes, le conflit est inhérent aux relations entre les Etats, cela
constitue leur milieu existentiel. C’est pour cela que la politique est pour ces réalistes,
un lieu de conflits dans lequel un acteur doit démontrer sa force. La survie est le but
fondamental des Etats. Celle-ci dépend de la possession de plus de capacités que les
concurrents, et le plus souvent des capacités d’ordre économique et politique120.

Certaines de ces capacités sont mesurables (ressources, espace, armement,


démographie), et d’autres ne le sont pas (qualité du gouvernement, diplomatie, cohésion
nationale, éthique sociale, l’autorité morale, le prestige, etc). Certains auteurs parlent
d’éléments matériels et d’éléments immatériels.

Bien mises à profit, ces capacités amènent l’Etat à la puissance définie comme « la
capacité d’un acteur pour créer une conjoncture qui lui soit favorable »121 ou « la
capacité de modifier la volonté d’autrui »122. Dans ce sens que Morgenthau arrive à
affirmer que la politique internationale est un « effort continuel pour maintenir et
accroître la puissance de sa propre nation et pour restreindre ou réduire la puissance des
autres nations »123. La puissance est l’objectif premier de la politique internationale.

119
. WIGHT, M., International Theory: The Three Traditions, Leicester, Leicester
University Press, 1991.
120
. ROSENAU, J., Turbulence in World Politics. A Theory of Change and continuity,
Princeton University Press, Princeton, 1990, p. 191.
121
. Définition de Braudel cité par LANDAU, A., op. cit., p. 18.
122
. Définition de Robert Keohane cité par LANDAU, A., op. cit., p. 10.
123
. MORGENTHAU, H., Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace,
New York, Alfred A. Knopf, 2ème éd., New York, 1948, p. 211.

80
La notion de puissance est au centre des relations internationales. Autour d’elle,
se construisent les différentes catégories de systèmes : unipolaire, bipolaire ou
multipolaire. Pour cela, les réalistes placent l’Etat au centre de leur théorie, mais
n’ignorent pas les autres acteurs, individuels ou collectifs. Mais, ces acteurs non
nationaux sont dépourvus de tout intérêt.

Les Etats forts jouent un rôle de premier plan alors que les Etats faibles doivent
se replier dans un monde dominé par les plus forts en s’isolant ou en s’alliant aux plus
puissants.

Pour autant, la vision réaliste s’inscrit dans un effort de systématisation,


d’élaboration d’une théorie générale des relations internationales, fondée sur la mise à
jour des lois objectives du comportement politique qui ont leurs racines dans la nature
humaine.

C’est sur la base d’une compréhension et d’une reconnaissance de ces lois, c’est-
à-dire, de la nature anarchique et conflictuelle des relations internationales, et non à
partir d’un idéal abstrait qui refuse de prendre ces lois en considération, que doit être
selon Morgenthau, conduite la politique étrangère des Etats.

Le défenseur du réalisme le plus connu dans la culture et la littérature


francophones est Raymond Aron. Celui-ci partage l’essentiel de la vision réaliste de
Morgenthau. Cependant, il se livre, quant à lui, à l’analyse sociologique du champ
diplomatico-stratégique en mettant l’accent sur la nature non intégrée de ce champ.

En effet, Aron considère que le trait spécifique des relations internationales


réside dans « la légitimité du recours à la force de la part des acteurs »124. Les Etats
n’ayant pas renoncé à se faire justice eux-mêmes et à demeurer seuls juges de ce
qu’exige leur honneur, la survie des unités politiques dépend en dernière analyse, de
l’équilibre des forces, et les hommes d’Etat ont le devoir d’être soucieux d’abord de la
nation dont le destin leur est confié. La nécessité de l’égoïsme national dérive
logiquement de ce que les philosophes appelaient l’état de nature qui règne entre les
Etats »125.

Aron se différencie de Morgenthau sur le fait qu’il considère la notion de


puissance chère chez ce dernier auteur cité, comme imprécise, et celle de l’intérêt
national comme dépourvue de signification, car variant d’une situation et d’un Etat à
l’autre.

1.2.- Le néo-réalisme

Eclipsé par le paradigme de l’interdépendance durant les années 1960, à la


faveur de la détente, le réalisme refait surface dès la fin des années 1970 en raison de la
nouvelle guerre froide, et reprend une place prépondérante dans la réflexion sur les
124
. ARON, R., “Qu’est-ce qu’une théorie des relations internationales”, en Revue
Française de Science Politique, Vol., 17, 1967, p. 843.
125
. ARON, R., Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, Paris, 1962, p. 568.

81
relations internationales, cette fois-ci avec d’autres auteurs qui l’enrichissent avec de
nouveaux apports théoriques de telle manière qu’il est permis de parler du néo-réalisme.

En effet, les travaux de Kenneth Waltz, John Gerard Ruggie et Robert Gilpin
amènent de nouvelles thèses qui s’éloignent de celles de Morgenthau. Ces auteurs
rejoignent implicitement Raymond Aron dans leur insistance sur la nature anarchique
du système international, et en faisant un usage modéré des concepts d’ »intérêt
national » et de « puissance ».

Kenneth Waltz considère que la caractéristique fondamentale du système


international est l’organisation horizontale des relations d’autorité, donc sa nature non
intégrée et anarchique. Par conséquent, chaque Etat doit compter sur lui-même pour
défendre ses intérêts, si nécessaire par la force 126. Il y a donc au-delà des éléments de
changement, une continuité structurelle du système international.

Selon certains néo-réalistes comme Robert Gilpin, cette continuité structurelle


du système international marqué par un certain degré d’anarchie et d’affrontement des
intérêts, ne doit pas supposer un déterminisme structurel absolu du système. En effet, si
les petits acteurs peuvent voir leur comportement en grande partie structurellement
déterminé, il n’en est pas de même pour les grandes puissances qui peuvent transformer
à leur profit le jeu de la politique internationale en utilisant au mieux les moyens
matériels à leur disposition.

De ce constat, il existe des possibilités de voir s’opérer certains changements à


l’intérieur du système international, lesquels peuvent amener à la transition d’un régime
hégémonique à un autre, entraînant possiblement de nombreuses conséquences
conflictuelles, bien que ne remettant pas fondamentalement en cause la nature du milieu
interétatique.

2.- Le paradigme de l’interdépendance

Une deuxième conception des relations internationales met l’accent sur


l’interdépendance et la coopération, rejetant de ce fait, la thèse réaliste selon laquelle les
relations internationales contemporaines correspondent au modèle conflictuel.

La modernisation amorcée par la révolution industrielle et qui a connu, après la


Seconde Guerre mondiale, une impulsion avec les avances technologiques et la
croissance des échanges internationaux, a contribué à tisser un réseau complexe
d’interdépendances entre les différentes sociétés et à faire apparaître de nouveaux types
d’acteurs dans les relations internationales.

Le modèle de développement qui émerge de cette nouvelle ère marquée par


l’intensification des échanges et le développement de nouvelles technologies surtout en
matière de communication et télécommunication, a imposé de nouvelles tâches sociales
et économiques à l’Etat, lequel s’est montré de moins en moins apte à satisfaire à lui
seul ces nouvelles exigences127.

. Cité par BRAILLARD, P., et DJALILI, M.-R., op. cit., p.


126
15.
. BRAILLARD, P., et DJALILI, M.-R., op. cit., pp. 16-17.
127

82
D’autres acteurs, surtout les sociétés multinationales, ont émergé sur la scène
internationale et limité la marge de manœuvre des Etats.

Pour répondre aux demandes de développement économique et social, l’Etat a


dû s’ouvrir de plus en plus aux échanges et s’engager dans une interdépendance de plus
en plus croissante, laquelle a réduit son autonomie d’action.

En outre, toute une série de transactions économiques, technologiques,


culturelles et sociales échappent, en partie au moins, aux Etats et s’établissent à travers
les frontières entre les divers groupes sociaux. Apparaissent dans ce cas des forces
transnationales qui tendent à restreindre la marge de manœuvre des Etats et à influencer
les politiques publiques de ces mêmes Etats128.

Cette interdépendance se manifeste par la multiplication des structures de


coopération qui sont les organisations internationales et éclipse la nature conflictuelle
des relations internationales.

Cette vision de l’interdépendance en relations internationales était déjà présente


dans le fonctionnalisme de David Mitrany qui avait bien vu, à la fin de la Seconde
Guerre mondiale, dans les exigences de la coopération fonctionnelle, technique et
économique, les fondements d’un nouveau système international plus intégré129.

Cette même vision a servi d’argument et de soubassement théorique et


idéologique au développement des organisations internationales après 1945. Elle est
restée jusqu’à ces jours un des cadres théoriques de référence pour des recherches sur
ces organisations internationales, ainsi que sur la résolution des conflits130.

3.- Le paradigme de l’impérialisme et de la dépendance

Une troisième conception des relations internationales qui s’inspire plus ou


moins de la vision marxiste des relations sociales est celle-ci qui considère que le
système international, marqué par le dynamisme du capitalisme, est l’expression directe
du fonctionnement, de l’évolution et des contradictions de ce capitalisme. Celui-ci est
porteur d’une politique impérialiste à cause de ses contradictions.

Cette vision des relations internationales a pris forme dans les travaux de Rudolf
Hilferding, Nicholai Boukharine, Rosa Luxemburg et Lénine, lesquels ont cherché à
expliquer l’expansion coloniale de la fin du XIXème siècle ainsi que des conflits qui se
développent entre les puissances impérialistes131.

128
. KAISER, K., “Transnational Politics: Towards a Theory of Multinational Politics”,
en International Organization, Vol., 25, 1971, pp. 790-817.
129
. MITRANY, D., A Working Peace System, Quadrangle Books, Chicago, 1966.
130
. Voir HAAS, E. B., Beyond the Nation-State. Functionalism and International
Organization, Stanford University Press, Stanford, Calif., 1964, et aussi MORSE, D.,
“The Politics of Interdependence”, en International Organization, Vol. 23, 1969, pp.
311-326.
131
. LENINE, V., L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Editions Sociales,
Paris, 1971.

83
Selon Lénine, l’impérialisme est beaucoup plus qu’un simple phénomène
d’expansion coloniale. Il est la conséquence directe du développement des monopoles
et, en particulier, du développement du capital financier, processus qui est à l’origine
d’une lutte de plus en plus âpre sur la scène mondiale pour l’écoulement des surplus, le
contrôle de nouvelles sphères d’investissement, ainsi que l’approvisionnement en
matières premières. Le conflit entre les puissances impérialistes est donc inscrit au cœur
même du développement du capitalisme et de sa lutte pour la survie. Le partage des
zones d’influence, des intérêts et des colonies entre Etats impérialistes se fait
nécessairement par la force, et aussi en fonction des rapports de force132.

La théorie léniniste de l’impérialisme a servi de fondement à la conception des


relations internationales, adoptée par les Etats jadis marxistes, au premier rang desquels
l’URSS. En suivant la démarche de cette théorie, la structure socio-économique d’un
pays détermine, en fin de compte, son comportement international. En d’autres termes,
la politique étrangère est fonction des intérêts de classe et les conflits entre Etats sont
l’expression et la conséquence des contradictions inhérentes au mode de production
capitaliste.

De cette manière, le marxisme-léninisme considère la politique extérieure non


pas comme une sorte d’expression abstraite des intérêts généraux de la société divisée
en classes, mais comme une politique déterminée, en premier lieu, par les intérêts
économiques, politiques, idéologiques et autres de la classe dominante de ladite
société133. Par conséquent, seule la victoire du socialisme pourra assurer de manière
durable la paix dans le monde134.

Cependant, il faut souligner que cette conception marxiste-léniniste des relations


internationales telle que exposée par l’Union Soviétique n’est pas appréhendée de la
même manière par les Chinois. En effet, dès les années 1960, des divergences sont
apparues dans les conceptions soviétique et chinoise des relations internationales. Si
pour l’Union Soviétique, le monde est divisé en deux camps antagonistes, c’est-à-dire,
d’un côté le camp de l’internationalisme prolétarien, et de l’autre, celui de
l’impérialisme capitaliste ; pour la République populaire de Chine, c’est « la théorie des
trois mondes » qui exprime le mieux la réalité contemporaine.

Selon cette théorie, le monde est divisé en trois groupes d’Etats : le groupe des
pays hégémoniques réunissant les deux superpuissances, le groupe des puissances
industrielles capitalistes incluant l’Europe et le Japon, et enfin, le groupe des pays du
Tiers Monde, parmi lesquels la Chine.

Durant la même décennie 1960, de nombreux courants s’inspirant de cette vision


marxiste-léniniste des relations internationales, ont cherché à démontrer comment
l’impérialisme, après la décolonisation, est toujours le facteur dominant des relations
internationales permettant même d’expliquer la situation de sous-développement des

132
. LENINE, V., op. cit., Idem., pp. 107-108
133
. KAPTCHENKO, N., « La méthodologie marxista-léniniste en matière d’analyse des
relations internationales et de la politique extérieure », en La vie internationale, juillet
1984, p. 118.
134
. LYNCH, A., The Soviet Study of Innternational Relations, Cambridge University
Press, Cambridge, 1987.

84
pays du Tiers Monde. Ce courant est représenté par Paul Baran, Paul Sweezy, Samir
Amin, Pierre Jalee et Arghiri Emmanuel135.

Dans ces conditions, pour pouvoir survivre, le capitalisme doit s’appuyer sur
l’exploitation d’une périphérie afin d’y exporter ses capitaux qui y obtiennent des taux
de profits plus élevés, afin aussi d’y écouler une parte de sa production et de s’assurer
des sources d’approvisionnement en matières premières136.

Cette situation de dépendance de la périphérie, maintenue et renforcée par toutes


sortes de moyens : sociétés multinationales, organisations internationales, aide,
exportation des capitaux, autocolonisation, rôle de relais de l’impérialisme joué par les
élites du Tiers Monde, etc.., conduit ainsi à un pillage du Tiers Monde par les pays
capitalistes industrialisés137.

Après la désintégration de l’Union Soviétique et la fin de la guerre froide,


certains éléments du paradigme de l’impérialisme et de la dépendance ont été au centre
des débats, analyses et discours de nombreux opposants au processus de mondialisation
et au règne sans partage du libéralisme.

CHAPITRE II

VERITES ET FAIBLESSES DES PARADIGMES

Il est vrai que chacun de ces paradigmes touche à des vérités qui éclairent
certaines réalités ou certains aspects des relations internationales. Néanmoins, aucun
d’eux n’est à mesure d’expliquer de manière satisfaisante et globalisante la complexité
du champ des relations internationales.

Le réalisme de Morgenthau a le mérite de mettre au centre le rôle clé de l’Etat


dans les relations internationales, et souligne la nature conflictuelle et anarchique de
celles-ci.
Cependant, elle dissocie trop la politique étrangère de la politique intérieure, et sous-
estime le rôle des acteurs non étatiques, le poids des forces économiques, etc. En outre,
son analyse de la politique étrangère fondée sur le concept d’intérêt national exprimé en
termes de puissance est incapable de permettre une quelconque étude empirique du fait
de l’ambigüité et du caractère équivoque de ce concept. Comme dernière faite à ce
paradigme, celui-ci développe avant tout une vision de la politique étrangère centrée sur
les grandes puissances et peu adaptée à la réalité de petites et moyennes puissances138.
135
. Des économistes et sociologues, tels que André Gunder Frank, Fernando Cardoso et
Enzo Faletto, ont se sont inspirés de cette vision marxiste des relations internationales
pour étudier le cas spécifique de la situation de l’Amérique Latine et expliquer sa
dépendance à l’égard des Etats-Unis d’Amérique.
136
. BRAILLARD, P., et DJALILI, M.-R., op. cit., p. 22.
137
. Idem.
138
. Idem., p. 24.

85
Le paradigme de l’interdépendance attire, quant à lui, l’attention sur la croissance de
l’interdépendance entre les diverses sociétés à l’époque contemporaine, laquelle
favorise, dans les domaines économique, technique et culturel, l’émergence d’acteurs
autres que l’Etat et de forces transnationales de divers ordres.

Le paradigme de l’interdépendance a le mérite d’atténuer l’image d’un système


international voué à l’anarchie en mettant l’accent sur les éléments de coopération
présents dans ce système et notamment sur l’existence de régimes internationaux,
économiques, financiers, techniques, etc. qui réduit la marge de manœuvre des Etats 139.
En outre, le paradigme éclaire les liens étroits existant entre politique interne et
politique étrangère.

Cependant, les faiblesses du paradigme de l’interdépendance viennent du fait qu’il


limite trop son horizon historique à la période des années 60 marquée par la détente, et
avec ce risque de faire oublier que l’interdépendance n’est pas un phénomène nouveau.
En outre, il est discutable d’établir un corollaire entre interdépendance et coopération,
comme tendent à le faire les défenseurs de ce paradigme. Les faits démontrent que la
croissance de l’interdépendance entre les sociétés constituant le système international

. Idem.
139

86
n’a pas conduit à la disparition de la primauté de l’Etat ainsi qu’à l’atténuation de la
dimension conflictuelle de ce système.

Le paradigme de l’impérialisme et de la dépendance apporte une contribution utile à


la compréhension des relations internationales contemporaines en mettant l’accent sur la
nature souvent asymétrique de l’interdépendance.

En effet, l’interdépendance décrite plus haut ne suppose pas des relations de dépendance
mutuelle équilibrée entre des sociétés de dimensions et de niveaux de développement
différents ; mais au contraire, des relations de déséquilibre, marquées en filigrane d’un
cachet de puissance et d’influence qui amènent à une domination tacite des uns par les
autres.

Cependant, ramener les relations internationales à une dynamique de l’impérialisme


fondée essentiellement sur une variable socio-économique, minimisant les facteurs
politiques, culturels, psychologiques, idéologiques, etc. qui meuvent les relations
internationales, relève d’un simplisme et d’un réductionnisme incapable d’expliquer la
complexité des phénomènes internationaux.

En outre, expliquer le sous-développement essentiellement à partir de la situation de


dépendance est une simplification démesurée dès lors que cette démarche ne tient pas
suffisamment compte de la spécificité des situations propres à chacun des pays qui
vivent ce sous-développement.

Face à cette tendance réductionniste des paradigmes et à leur incapacité à donner une
explication globale des phénomènes des relations internationales, plusieurs chercheurs
anglo-saxons se réclamant du postpositivisme, du poststructuralisme ou encore du
postmodernisme, rejetaient en bloc, dès la fin des années 1980, toutes les traditions
intellectuelles ayant marqué, au cours de ces dernières décennies, les débats
paradigmatiques, et adoptaient par conséquent, une position dissidente.

Ces chercheurs visent à l’émancipation de l’étude des relations internationales en


dépassant les limites d’un discours soumis au rationalisme scientifique en privilégiant
une démarche fondée sur des critères de validation empirique ou hypothético-déductif et
conduisant à des recherches orientées vers la pratique.

En conclusion, on reconnaît l’incapacité de chacun des paradigmes à rendre compte de


manière complète les phénomènes de relations internationales. Toutefois, il y a lieu de
croire que les trois paradigmes analysés se complètent. Ils montrent les différentes faces
d’une seule et unique réalité faite à la fois d’harmonie et de conflit, d’interdépendance
et de dépendance, d’équilibre et de déséquilibre.

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UNIVERSITE DE MBUJIMAYI

91
THEORIES ET DOCTRINES DES RELATIONS INTERNATIONALES

Prof. TSHIMPANGA MATALA KABANGU

COURS EN PREMIERE LICENCE DES RELATIONS INTERNATIONALES

Année académique 2008-2009

INTRODUCTION

92
L’histoire des relations internationales depuis la 1 ère Guerre mondiale, et bien même
avant celle-ci, jusqu’à l’ère contemporaine, est émaillée des doctrines qui résument plus
ou moins l’état des relations internationales de l’époque en ce qui concerne la conduite
de la politique extérieure de certains Etats, surtout celles des puissances, ainsi que les
problèmes liés à la gestion de la paix et la consolidation de la sécurité internationale.

Un premier constat laisse entrevoir que ces doctrines sont souvent le produit des
politiques extérieures des Etats qui se disputent le contrôle de la gestion de ce monde et
qui ont longtemps marqué le système international qualifié de bipolaire. Nous faisons
allusion aux Etats-Unis d’Amérique et à l’ancienne Union Soviétique. Le deuxième
constat fait ressortir le fait que la majorité de ces doctrines sont émises par les différents
Présidents qui se sont succédé à la Maison Blanche confirmant, de cette manière, le
leadership américain quant à l’orientation et la conduite de la politique internationale.

Dès lors, la politique internationale est pleine de ces doctrines qui démontrent, non
seulement le souci de cohérence, dont ont fait montre certains gouvernements dans la
conduite de leur politique extérieure, mais aussi un avertissement aux autres Etats, dès
lors que ces doctrines sont toujours porteur d’un message voilé exprimant la volonté et
le ton que l’on veut imprimer aux relations internationales en général ou dans un
domaine déterminé.

Comme nous l’avons dit, les doctrines en relations internationales abondent surtout dans
la formulation de la politique extérieure. Mais, elles font aussi acte de présence dans la
conception des stratégies militaires. La paix et la sécurité internationale étant l’un des
objectifs fondamentaux des Nations unies et un des champs de recherche privilégiés de
la discipline des relations internationales, cette étude ne pourrait passer sous silence
l’analyse des doctrines militaires, considérant ainsi celles-ci comme faisant partie du
champ des relations internationales.

Etudier les doctrines en relations internationales équivaut à faire une analyse de ces
différents instruments que nous pouvons considérer comme des lignes de conduite que
certaines personnalités ou certains gouvernements sont arrivés à concevoir et à imposer
comme cadre de référence dans leurs actions de politique internationale.

I.- THEORIE ET DOCTRINE : ANALYSE DE DEUX CONCEPTS

La doctrine, selon la définition du Petit Robert, est un « ensemble de notions qu’on


affirme être vraies, et par lesquelles on prétend fournir une interprétation des faits,
orienter ou diriger l’action »140.

Si la doctrine en relations internationales reste l’idée que l’on se projette comme cadre
de référence qui doit servir de fondement à l’attitude, au comportement ou à la politique
étrangère que l’on adopte, la théorie en relations internationales est l’idée que l’on se
fait, l’image que l’on a sur la tendance que prennent les relations internationales.

. Cité par LE GUELTE, G., “Plaidoyer pour une doctrine”, en La revue internationale
140

et stratégique, nº 50, été 2003, p. 43.

93
Dans le domaine militaire, la notion de doctrine revêt presque ce même sens dès lors
qu’elle se réfère aux « principes fondamentaux par lesquels les forces armées ou
certains de leurs éléments guident leur action en soutien des objectifs nationaux »141.
Dans ce cas, il ne s’agit pas d’un cadre de référence pour la politique étrangère, mais
plutôt pour des stratégies militaires.

Par conséquent, la doctrine fournit aux militaires des indications sur les types de
menaces auxquelles ils doivent faire face et sur les orientations du pays en fonction
desquelles ils peuvent élaborer des plans d’opérations. De cette manière, elle précise la
nature et l’ampleur des moyens dont disposent les forces armées, ainsi que les
conditions de leur emploi.

La doctrine militaire est aussi un message vers les autres acteurs étatiques, et
constitue pour autant un avertissement envers ceux-ci sur ce qu’ils ne doivent pas faire
s’ils ne veulent pas provoquer des réactions plus ou moins violentes.

II.- LA NECESSITE D’UNE DOCTRINE

Une doctrine est d’abord destinée à l’opinion publique. Elle décrit la façon dont
le gouvernement perçoit la situation internationale, ce qu’il l’intention d’entreprendre et
les efforts que cela va exiger142. Plus qu’un instrument de propagande, la doctrine est un
instrument d’information sur une situation déterminée et surtout la possible tendance
vers laquelle peut s’incliner la solution à ladite situation.

Pour autant, la doctrine crée une culture dans l’opinion publique et prépare celle-
ci à des supputations qui puissent concorder avec l’action du gouvernement. Plus
l’opinion y adhère, plus la réalisation des objectifs du gouvernement dans le même
domaine ne pose pas des problèmes.

III.- LES DOCTRINES EN RELATIONS INTERNATIONALES

1.- Les doctrines en politique extérieure

1.1.- La Doctrine Monroe

La Doctrine Monroe est l’une des plus vieilles doctrines de la politique extérieure des
Etats-Unis. Elle résume l’idée contenue dans la déclaration faite devant le Congrès
américain le 2 décembre 1823 par le Président James Monroe. Celle-ci constitue la
première formulation explicite de la diplomatie américaine. Elle proclamait le non-
engagement des Etats-Unis dans les guerres européennes de nature interétatique ou
civile, au moment même où elle considérait l’Amérique Latine comme une zone

141
. Department of Defense, Dictionary of Military and Associated Terms, Washington,
D.C., US GPO, 1984, p. 113.
142
. LE GUELTE, G., op. cit., p. 48.

94
d’influence naturelle des Etats-Unis pour y interdire, par conséquent, toute intervention
européenne.

Les Etats-Unis considéraient toute tentative de la part des puissances européennes pour
étendre leur système ne fût-ce qu’à une portion quelconque de cette partie de la planète
comme dangereuse pour leur paix et leur sécurité. Cette interdiction faite aux puissances
européennes d’intervenir en Amérique Latine exprimait l’ambition des Etats-Unis de
faire de cette région sa chasse gardée.

Il faut bien souligner que la Doctrine Monroe a été lancée au moment où l’Espagne,
face à ses colonie révoltées d’Amérique, pensait faire appel à la Sainte Alliance pour
récupérer la situation143. La Doctrine Monroe exprimait la volonté du Nouveau monde
de s’affirmer de façon autonome loin des tentatives de domination des puissances
européennes qui considéraient les Amériques depuis le siècle des découvertes comme
un espace ouvert à leur conquête144. La Doctrine prétendait réserver « l’Amérique aux
américains », de telle manière qu’elle semblait être une doctrine fondée sur le principe
de non-ingérence145.

La Doctrine Monroe avait bien fonctionné durant cette époque grâce non pas à la
capacité de dissuasion des américains, mais au rôle d’équilibreur de facto joué par la
force navale britannique, désireuse au nom du statu quo d’empêcher toute intrusion
européenne sur le continent américain146.

Il n’est pas à confondre la Doctrine Monroe avec l’isolationnisme pur, dès lors que les
Etats-Unis n’ont jamais renoncé de manière explicite à une intervention dans
l’hémisphère occidental si leurs intérêts étaient menacés. C’est d’ailleurs l’interprétation
dont fera l’objet plus tard la Doctrine Monroe pour expliquer les interventions
américaines dans le monde occidental durant la guerre froide, notamment l’attaque
japonaise sur Pearl Harbor. Beaucoup d’analystes considèrent cette politique
interventionniste comme une rupture avec la Doctrine pour parler de la Doctrine
d’endiguement. Cependant, d’autres considèrent l’endiguement comme une
continuation de la Doctrine Monroe lato sensu147.

Pour autant, la Doctrine Monroe déclarait l’isolement des Etats-Unis, mais sans
renoncer à des interventions limitées sur le plan régional (Amérique du Nord et du Sud)
et dans l’hémisphère occidental, ni renoncer non plus à des relations commerciales,
culturelles ou intellectuelles avec l’Europe, la Chine ou le Japon.

Toutefois, l’isolationnisme est un courant de pensée déterminant la conduite à adopter


sur le plan de la politique extérieure, laquelle vise à limiter les engagements d’un Etat
dans les relations internationales. Les politiques habituellement associées à
143
. Pacte de fraternité et d’assistance mutuelle conclu le 26 septembre 1815 entre les
souverains de Russie, d’Autriche et de Prusse. Pour préserver l’équilibre en Europe,
l’Angleterre signaient le 20 novembre 1815 avec les mêmes souverains un autre Pacte :
la Quadruple Alliance.
144
. SMOUTS, M-C., BATTISTELLA, D., VENNESSON, P., Dictionnaire des relations
internationales, Paris, Dalloz, 2006, p. 355.
145
. Vid., DENT, D., The Legacy of the Monroe Doctrine, Westport, Greenwood, 1999.
146
. SMOUTS, M-C., BATTISTELLA, D., VENNESSON, P., op. cit., p. 355.
147
. Idem., p. 356.

95
l’isolationnisme peuvent encourager l’autarcie dans le secteur économique,
technologique ou culturel, refuser des alliances et les engagements diplomatiques et
militaires qu’elles impliquent, ainsi que la participation à des organisations
internationales, à des interventions militaires et rejeter même les velléités
d’expansionnisme.

Ce sens précis d’isolationnisme a été celui qui avait accompagné la politique extérieure
de certains Etats à des différentes périodes de leur histoire, comme a été le cas du
Royaume Uni, la Suisse, le Japon et la Chine. Cependant, l’isolationnisme aux Etats-
Unis signifiait une opposition à l’entrée en guerre de ce pays en dehors occidental,
lequel incluait l’Amérique du Nord et du Sud ainsi que l’Europe.

Depuis le discours d’adieu du Président George Washington (1789-1797), qui


conseillait à ses compatriotes de rester à l’écart des alliances permanentes, mais de
n’admettre que des interventions ou des alignements ponctuels en cas de danger,
l’isolationnisme était apparu comme une caractéristique importante de la politique
extérieure des Etats-Unis jusqu’au XXème siècle quand le Président Monroe devait y
apporter le contenu qui amena à la Doctrine Monroe : Non-intervention en dehors des
Amériques, non-intervention européenne dans les Amériques, mais intervention dans
l’hémisphère occidental, y compris l’Europe, en cas de menace à nos intérêts.

1.2.- La Doctrine Stimson

La doctrine Stimson, du nom de son concepteur Henry Stimson, secrétaire d’Etat


américain durant le gouvernement de Herbert Clark Hoover (1929-1933), a été lancée
en 1932. En vertu de cette doctrine, les Etats-Unis refusaient la reconnaissance
diplomatique de tout changement acquis par la force. Ceci signifie que tout changement
devait et doit se faire suivant des procédures légalement établies et reconnues par tous
les acteurs impliqués dans le jeu.

1.3.- La Doctrine Truman

Durant la Conférence de Yalta tenue en février 1945, les trois puissances de la


Grande Alliance : les Etats-Unis représentés par son Président Franklin Roosevelt,
l’Union Soviétique par son Président Josep Staline et la Grande Bretagne par son
Premier Ministre Winston Churchill, avaient inscrit à l’ordre du jour de cette rencontre
la question de l’Allemagne après la guerre, c’est-à-dire, le destin à réserver à ce pays
une fois vaincu, le sort des autres pays occupés par l’Union Soviétique, essentiellement,
ceux de l’Europe de l’Est, subissant une vague d’invasion idéologique communiste,
ainsi que la question des territoires de l’Extrême-Orient.
Un accord de principe fut trouvé entre les trois puissances qui projetèrent le
démembrement de l’Allemagne. La question de la Pologne fut la plus épineuse à cause
de l’intransigeance soviétique à occuper à tout prix une bonne partie du territoire et à
contrôler la gestion politique de ce pays. Il faut dire qu’au terme de cette Conférence de
Yalta, l’Union Soviétique a été la plus grande bénéficiaire dès lors que le Président
Roosevelt, dans sa stratégie de maintenir solide la Grande Alliance et d’éviter le
basculement de Staline vers les forces de l’Axe, surtout vers l’Allemagne, avait concédé
presque à toutes les revendications soviétiques. Roosevelt avait, en outre, cru dans la

96
bonne volonté de Staline et comptait beaucoup sur lui dans la création d’un nouvel ordre
international post-guerre qu’il voulait stable.

Cependant, la capitulation de l’Allemagne le 8 mai 1945 et le renforcement du pouvoir


de Staline, démontra jusqu’à quel point le Président Roosevelt fut naïf. La politique
expansionniste de l’Union Soviétique, le non-respect des engagements pris lors de la
Conférence de Yalta sur la Pologne et le soutien apporté à maints mouvements
révolutionnaires étrangers dans leur propagande en faveur de l’idéologie communiste,
surtout en Bulgarie et en Roumanie, devenaient une menace pour les intérêts
occidentaux.

En outre, après que le Japon eut capitulé le 14 août 1945, cinq jours après que les
troupes américaines eussent lancé la deuxième bombe atomique sur la ville de
Nagasaki, les liens solides dont avaient fait montre les trois puissances de la Grande
Alliance commencèrent à s’affaiblir. La méfiance prenait place entre les Etats-Unis et
l’Union Soviétique. Ce qui explique l’échec de la Conférence de Londres tenue en
septembre 1945 entre les ministres des Affaires Etrangères de trois pays (James Byrnes,
Mikhaïlovitch Molotov et Ernest Bevin) pour parler des traités de paix post-guerre.

Enfin, dans un discours prononcé le 9 février 1946, Staline annonça un nouveau


programme économique quinquennal pour préparer l’Union Soviétique à un conflit
inévitable contre le monde capitaliste. Ce discours fut considéré comme une déclaration
de guerre. Toutes ces péripéties de la politique soviétique obligeaient les Etats-Unis à
rompre avec leur tradition qualifiée d’isolationniste dans la politique extérieure.

En effet, le 22 février 1946, dans un long télégramme de 8.000 mots, George Kennan 148,
alors ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, avertissait le Département d’Etat de
l’hostilité soviétique envers le monde capitaliste, laquelle justifiait le système oppressif
et totalitaire que les communistes étaient en train d’imposer au peuple soviétique. Il
recommandait, par conséquent, que les Etats-Unis déploient des stratégies de contention
de l’expansion de la domination soviétique au-delà des frontières de cet Etat jusqu’à ce
que soit installé dans celui-ci un gouvernement plus modéré. C’était le début de la
doctrine Truman.

Le discours prononcé le 12 mars 1947 par le Président Harry Truman, successeur de


Franklin Roosevelt en 1945, -celui-ci décédait le 12 avril 1945-, devant le Congrès
reste, à bien d’égards, l’officialisation de cette doctrine consistant à promouvoir une
politique d’endiguement des velléités expansionnistes de l’Union Soviétique. Les mots
prononcés par Truman lors du discours mentionné traduisaient clairement cette
préoccupation : «Je crois que les Etats-Unis doivent soutenir les peuples libres menacés
d’asservissement par des minorités armées ou des pressions venues de l’extérieur… Je
crois que notre aide doit consister essentiellement en un soutien économique et
financier»149. En substance, la doctrine Truman prétendait contenir l’avancée de la
révolution communiste vers des espaces libres et jadis sous influence de l’idéologie
capitaliste.
148
. Vid., KENNAN, G. F., « « Long Telegram » from Moscow, february 22, 1946 », in
Foreign Relations of the United States, 1946, Washington, D.C, U.S. Government
Printing Office, 1969, Vol. VI, pp. 666-709.
149
. FONTAINE, A., Histoire de la guerre froide, 1. De la révolution d’octobre à la
guerre de Corée, 1917-1950, Fayard, Paris, 1965, p. 344.

97
Le Président sollicitait au Congrès qu’il approuve la concession d’une aide de
300 millions de dollars à la Grèce et de 100 millions de dollars à la Turquie, avec
l’objectif que ces pays puissent résister aux tentatives d’expansion communiste. Cette
attitude traduisait non seulement la crainte de voir l’URSS provoquer l’avènement, en
Grèce et en Turquie, de régimes à sa dévotion, mais aussi les préoccupations des Etats-
Unis devant la montée des partis communistes, surtout, en France et en Italie. Il
s’agissait aussi d’amorcer une réflexion sur les raisons de l’attraction que le
communisme exerçait sur des pays dévastés par la guerre.

Comme l’ont souligné certains auteurs, la doctrine Truman marquait une rupture
avec l’isolationnisme préconisé par George Washington qui, à la fin du XVIIIème
siècle, conseillait à ses successeurs de ne pas intervenir dans les affaires extra-
américaines, une ligne de conduite que ne fut abandonnée momentanément que pendant
les deux guerres mondiales.

Elle marquait également une rupture avec l’illusion que se faisait Franklin D.
Roosevelt, pour qui la coopération avec l’URSS permettrait de construire un monde
pacifique et harmonieux. La réalité avait fini par montrer que l’URSS exploitait la
bonne volonté des Etats-Unis afin d’élargir sa zone d’influence par tous les moyens,
d’abord en Europe centrale, puis en Grèce et en Turquie, et enfin en Europe occidentale.
Il était donc temps de mettre fin à cette situation150.

a) La Doctrine Truman et le Traité de Río

No seulement le gouvernement américain se mit à endiguer le communisme dans la


région de la Méditerranée orientale en évitant que la Grèce et la Turquie basculent dans
le camp soviétique, mais s’efforça aussi à protéger les pays de l’Amérique Latine. C’est
ainsi qu’en septembre 1947, les Etats-Unis et 19 Etats latino-américains signaient à Rio
de Janeiro le Traité Interaméricain d’Aide Mutuelle, connu sous le nom de Traité de Río
ou Pacte de Petrópolis.

Le Traité de Río était une alliance de durée indéterminée dont l’objectif principal était
de protéger les pays signataires de toute agression pouvant provenir des pays tiers, ou
même des pays qui l’ont signé. De cette manière, les Etats-Unis avaient réussi à créer
une zone de sécurité qui s’étendait de l’Amérique du Nord jusqu’à l’Amérique du Sud.
La création de l’Organisation des Etats Américains (OEA) à travers la signature le 30
avril 1948 à Bogota de la Charte constitutive de cette Organisation venait compléter ce
souci d’endiguement.

La lecture des principes sur lesquels se cimente l’Organisation laisse convaincre de la


préoccupation de sécurité et d’endiguement. Le respect de la souveraineté et de
l’indépendance des Etats membres, la solidarité entre eux et la non-ingérence faisaient
partie de ces principes. La référence faite dans la Charte à la pratique de la démocratie
représentative comme forme de gouvernement était l’expression du rejet du
communisme.

b) La Doctrine Truman et le Plan Marshall

. MELANDRI, P., La politique extérieure des Etats-Unis de 1945 à nos jours, PUF,
150

Paris, 1995, p. 70.

98
La Doctrine Truman est aussi à la base de la conception et du déploiement du
Plan Marshall, du nom du général George Marshall qui, en janvier 1947, avait succédé à
James Byrnes comme Secrétaire d’Etat151. Le Plan consistait en un programme d’aide
économique massive évaluée à plus de 12 milliards de dollars et destinés à la
reconstruction de l’Europe détruite par la guerre. L’objectif poursuivi par le Plan
Marshall était d’accélérer la récupération économique de l’Europe pour garantir sa
stabilité politique et protéger les investissements américains dans la région, et de cette
manière, éviter le basculement de ce continent, principalement de l’Europe Occidentale,
dans la zone d’influence soviétique.

Bien que l’Union Soviétique elle-même fût invitée à être aussi bénéficiaire de ce
Plan ainsi que les pays de l’Europe de l’Est, elle le rejeta en demandant aux pays de
l’Europe de l’Est sous son influence à suivre son exemple. Et comme solution de
rechange, l’Union Soviétique annonçait le 5 octobre 1947 le lancement de son propre
programme d’assistance économique, dénommé Plan Molotov, base de la création du
COMECON.

Le Plan Marshal avait réussi à revitaliser l’économie de l’Europe occidentale qui


relançait encore une fois son fonctionnement sur les principes du libre marché et à
stabiliser les gouvernements de la région dont les fondements et l’exercice du pouvoir
reposaient sur des principes démocratiques et du respect des droits de l’individu. C’est
dans ce sens que les Etats-Unis et la Grande Bretagne avaient décidé d’unir en 1949 les
zones de l’Allemagne occidentale qu’ils occupaient pour créer la République Fédérale
d’Allemagne qui devait aussi participer dans le Plan Marshall. L’Union Soviétique
répliquait en créant à l’Est la République Démocratique d’Allemagne. Cette division de
l’Allemagne scellait la division de l’Europe en deux zones d’influence rivales : la zone
américaine et la zone soviétique et consacrait officiellement le début de la guerre froide
avec toutes les menaces que supposait le déclenchement de la course à l’armement
nucléaire.

C’est dans ce sens qu’en août 1949, les soviétiques réussissaient l’explosion de
leur première bombe atomique rompant ainsi le monopole dont jusque là jouissaient les
américains. Cinq mois plus tard, précisément en janvier 1950, Truman approuvait la
fabrication de la bombe de fission nucléaire ou bombe d’hydrogène dont les essais
d’explosion une fois finalisée sa fabrication, furent menés à bout en novembre 1952
donnant des résultats excellents.

c) La Doctrine Truman et la création de l’OTAN

Le premier pas vers la création de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord


(OTAN) fut la naissance de l’alliance anglo-française issue de la signature en 1947 du
Traité de Dunkerque. Les deux pays signaient cette alliance pour créer un cadre de
défense et de sécurité collective, non seulement face à une Union Soviétique plus enclin
à l’extension du communisme, mais aussi au cas où renaissait l’Allemagne avec ses
velléités expansionnistes. Le Traité de Dunkerque constitua le noyau du Pacte de
Bruxelles signé le 17 mars 1948 et qui obligeait la Grande Bretagne et la France à
défendre les pays de Benelux en cas d’agression d’un pays tiers. Bien qu’il fût à
l’origine de l’Union Européenne Occidental (UEO), ce Pacte de Bruxelles fut le point

. KISSINGER, H., Diplomacy, New York, Simon & Schuster, 1994, p. 494.
151

99
de départ de la création à Washington le 4 avril 1949 de l’Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord, plus ample et qui intégrait les Etats-Unis, le Canada et quatorze
nations européennes pour une défense mutuelle152.

En effet, l’article 5 du Traité stipule qu’une attaque contre un Etat signataire du Traité
sera considérée comme une attaque contre tous les membres de l’Organisation et fera
que ceux-ci répondent à toute agression de ce genre prenant des mesures appropriées,
tant individuelles que collectives.

Dans le cadre de la stratégie militaire des Etats-Unis et de la politique d’endiguement du


communisme, l’OTAN constitue un pacte multilatéral de grande portée dès lors qu’elle
couvre une zone très importante et très étendue qui va du territoire américain à ceux de
ses alliés européens.

Pour éviter que la perte de la Chine puisse être l’occasion pour l’Union
Soviétique de contrôler l’Extrême Orient, les Etats-Unis optèrent d’appuyer les
nationalistes chinois repliés sur Taiwan. C’est aussi dans ce sens que le secrétaire d’Etat
Dean Acheson qui avait pris la tête du Département d’Etat en remplaçant George
Marshall exposa le 12 janvier 1950 sa stratégie pour affirmer que la victoire
communiste en Chine ne constituait pas une menace pour la région asiatique. Il précisa
que le périmètre défensif des Etats-Unis s’étendait des îles Aléoutiennes en Alaska
jusqu’aux Philippines, en passant par le Japon et les îles Ryukyu. Le Japon devenait une
pièce essentielle pour la défense de l’Extrême-Orient, c’est-à-dire, une base avancée de
la puissance militaire américaine à l’Ouest du Pacifique. Plus tard, Taiwan le sera aussi.

La guerre de Corée et le conflit en Indochine donnèrent encore plus au Japon


cette importance stratégique et aussi économique convertissant le pays en une muraille
contre l’expansion du communisme en Asie. Pour autant, l’administration américaine
n’avait pas tardé de signer en septembre 1951 le Traité de paix avec le Japon et de
restaurer totalement la souveraineté de ce pays. Il fut signé le même jour un Traité de
sécurité dans lequel les Etats-Unis s’engageaient à défendre le Japon face à toute
agression extérieure. En échange de cette protection militaire, le Japon concédait aux
Etats-Unis l’utilisation de manière ininterrompue de ses bases et installations
logistiques.

Au-delà de ce Traité de sécurité avec le Japon, les Etats-Unis signaient également en


1951 un Traité tripartite de sécurité avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, autrement
appelé « Pacte ANZUS », un Traité de sécurité avec les Philippines complétant ainsi le
périmètre défensif des îles du Pacifique.

La création de l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE), l’équivalent de


l’OTAN, en septembre 1955 répondait au souci de préserver ce périmètre de l’invasion
soviétique ou de la Chine populaire. L’OTASE regroupait comme membres les Etats-
Unis, la Grande Bretagne, la France, l’Australie, la Nouvelle Zélande, la Thaïlande, les
Philippines et le Pakistan. Bien que les Accords de Genève adoptés durant la
Conférence de Genève de juin-septembre 1954 interdisaient à Laos, Cambodge et
Vietnam du Sud de faire partie des alliances militaires, un protocole du Traité de

. L’Union Soviétique répliquait en créant en 1955 le Pacte de Varsovie intégrant les


152

pays de l’Europe de l’Est.

100
l’OTASE reconnaissait aux Etats membres le droit de défendre et de protéger ces pays
en cas d’agression.

En cherchant à endiguer le communisme en Asie, les Etats-Unis étaient en train de


lutter, sans le vouloir, pour la cause de l’impérialisme français en Indochine. Toutefois,
cette lutte faisait cause commune dans la stratégie pour sauver le capitalisme et les
valeurs du monde libre. Par conséquent, les Etats-Unis étaient prêts à concéder l’aide
économique et technique à tout Etat en guerre se trouvant hors de son périmètre défensif
à condition que celui-ci soit disposé à ne pas adopter le communisme comme idéologie
une fois terminée la guerre. Cette démarche avait amené à la conception du Programme
Point Quatre. Ce Programme d’aide technique qui était destiné non seulement à Taiwan,
mais aussi aux autres nations sous-développées, avait comme finalité combattre la
propagation du communisme dans le Tiers monde en luttant contre la pauvreté. Le
Programme incitait les entreprises américaines à investir dans les pays sous-développés
afin que ceux-ci se convertissent en marchés et sources de matières premières pour les
Etats-Unis.

1.4.- La Doctrine Hallstein

En 1955, après l’établissement des relations diplomatiques entre Moscou et


l’Allemagne de l’Est, le ministre des Affaires étrangères de la République fédérale
d’Allemagne (RFA), Walter Hallstein, avertissait que son pays romprait ses relations
diplomatiques avec tout Etat qui reconnaîtrait la République Démocratique
d’Allemagne (RDA). L’objectif poursuivi par cette décision était d’éviter que la
division de l’Allemagne fût considérée comme définitive. Cette doctrine resta en
vigueur jusqu’en 1967153.

1.5.- La Doctrine Eisenhower

Durant la présidence de Dwight Eisenhower, la guerre froide s’était intensifiée


gagnant de nouvelles régions comme fut le cas du Proche-Orient, lorsque l’Egypte de
Gamal Abdel Nasser passait à dépendre plus de l’Union Soviétique ; et aussi celui de
l’Amérique Latine, lorsque Cuba basculait dans la zone d’influence soviétique une
année (mai 1960) après la victoire de Fidel Castro en janvier 1959 sur les forces du
Président Fulgencio Baptiste. L’antagonisme entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique
devenait de plus en plus intense et dangereuse à cause de l’accélération effrénée de la
course aux armements nucléaires.

Le fait qu’en 1955 Nasser eût fait recours à l’Union Soviétique sollicitant une assistance
qui l’aiderait à attaquer Israël et que les soviétiques eussent répondu favorablement à

. BONIFACE, P., (dir.), Dictionnaire des relations internationales, Hatier Paris, 1996,
153

p. 23. Voir aussi FONTAINE, A., Histoire de la guerre froide, 2. De la guerre de


Corée à la crise des alliances, 1950-1967, Fayard, Paris, 1967, p. 153.

101
cette requête, provoqua de sérieuses préoccupations dans l’administration du Président
Eisenhower. Tchécoslovaquie, à la demande de l’Union Soviétique, se chargea de
ravitailler l’Egypte en armes, avions et chars de combat. En avril 1956, une alliance
militaire dirigée contre Israël fut signée entre l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Syrie et le
Yémen. En mai de la même année, Nasser rompait les relations diplomatiques avec la
Chine nationaliste pour reconnaître en même temps le régime communiste de Pékin.
Cette nouvelle donne politique dans la région obligeait les Etats-Unis à revoir leur
stratégie et à adopter une politique conséquente.

C’est ainsi que le 19 juillet 1956, le gouvernement d’Eisenhower réagissait en informant


le gouvernement de Nasser qu’il ne l’aiderait pas dans le financement pour la
construction du barrage d’Assouan. Le 26 juillet, Nasser répondait répliquant qu’il
nationaliserait le canal de Suez et utiliserait les revenus obtenus de cette opération pour
financer la construction du barrage. L’annonce de la nationalisation du canal de Suez fut
le détonateur de la guerre de Suez déclenchée en 1956 par la Grande Bretagne, la France
et l’Israël contre l’Egypte154. Une grande partie du pétrole utilisé par ces pays passait par
le Canal.

La doctrine Eisenhower faisait ainsi allusion à l’autorisation accordée par le Congrès 155,
le 5 janvier 1957, au Président Dwight Eisenhower d’utiliser la force au Proche-Orient
contre toute agression armée provenant de toute nation qui se trouverait sous l’influence
du communisme international et de fournir une assistance économique et financière à
tout pays ou tout groupe des pays du Moyen-Orient désireux d’en être bénéficiaire pour
opposer la résistance aux possibles avancées de l’Union Soviétique, étant entendu que
cette assistance pourra comporter l’emploi des forces armées américaines.

La Doctrine Eisenhower avait réussi à frustrer l’existence de la République Arabe Unie


(RAU) créée en février 1958 et intégrée par l’Egypte, la Syrie et le Yémen. L’Irak
exprimera ses intentions d’y adhérer lors de l’arrivée au pouvoir du général Abd al-
Karim Kassem au terme d’un coup d’Etat perpétré le 14 juillet 1958. Planait ainsi la
menace de voir entraînés dans ce groupe acquis à l’influence communiste, le Liban, la
Jordanie et l’Arabie Saoudite où le Roi Fayçal venait aussi d’être assassiné. Avec
l’assistance économique et militaire des Etats-Unis à ces pays, l’Irak abandonna ses
ambitions pour réaligner sa politique en adéquation avec les intérêts occidentaux et la
Syrie sortait de la RAU en 1961, frustrant le rêve de Nasser de dominer le monde arabe.

La Doctrine Eisenhower fut le dernier maillon de la chaîne d’engagements en termes de


sécurité que les Etats-Unis avaient pris depuis la fin de la seconde Guerre mondiale et
marquait un pas de plus dans l’éloignement de la politique extérieure américaine de
référence isolationniste pour s’étendre à une nouvelle région de la zone que les
américains ne voulaient pas voir basculer dans la zone d’influence soviétique.

En 1958, les Etats-Unis assumaient de manière explicite l’obligation de défendre


dans le monde quelques quarante cinq pays, et l’obligation implicite d’en défendre plus.
Le gouvernement justifiait l’existence de tous ces traités de défense par le souci de

. KISSINGER, H., op. cit., pp. 522-549.


154

. La résolution dont le Président avait sollicitée l’approbation du Congrès et qui se


155

convertit en Doctrine Eisenhower fut approuvée avec 355 voix pour et 61 voix contre,
avec une dotation d’un montant de 200 millions de dollars annuels de prestation d’aide
économique et militaire aux pays du Proche-Orient.

102
préserver le monde libre de la menace communiste et de garantir la sécurité même des
Etats-Unis.

1.6.- La Coexistence Pacifique

En février 1956, Nikita Khrouchtchev qui avait remplacé Joseph Staline à la tête du
Parti Communiste soviétique essaya de consolider son leadership en procédant à la
déstalinisation. Il exposa une série d’erreurs commises par son prédécesseur et
s’engageait à diriger le pays sur de nouvelles bases. C’est dans ce sens qu’en politique
extérieure, il reconnaissait que la guerre entre le capitalisme et le communisme n’était
plus inévitable, il fallait pour autant mettre en pratique une politique de « coexistence
pacifique ». Afin de donner du crédit à sa doctrine et convaincre l’Occident de sa bonne
foi, Khrouchtchev dissolvait le 17 avril 1956 le Kominform : le Bureau d’Information
des partis communistes et ouvriers qui regroupait depuis 1947 les partis communistes
des pays de l’Europe de l’Est, de France et de l’Italie.

1.7.- Le non-alignement et le neutralisme

2.- Les doctrines dans le domaine de la sécurité et des stratégies militaires

2.1.- La doctrine des représailles massives

Le 12 janvier 1954, John Foster Dulles, Secrétaire d’Etat américain jusqu’en


1959 durant l’administration de Dwight Eisenhower, signifiait à l’URSS que les Etats-
Unis utiliseraient immédiatement leurs armes nucléaires pour l’anéantir si elle lançait
une offensive, même mineure, en n’importe quel point du monde.

L’objectif fondamentale de l’avertissement de Dulles était de convaincre


l’adversaire qu’en cas d’attaque, il subirait, par des représailles massives, des
dommages supérieurs à ses gains sans qu’il ne connaisse à l’avance la nature et
l’ampleur de la riposte156.
La doctrine des représailles massives fut appuyée par le gouvernement américain
qui pensait donner une nouvelle image aux forces armées. Pour autant, il sollicita des
réductions importantes des forces traditionnelles pour augmenter, en échange, les armes
nucléaires. C’est ainsi que les effectifs de l’armée de terre et de la marine furent réduites
au moment même où augmentaient ceux des forces aériennes. En 1955, le Président
Eisenhower approuvait la fabrication du missile Atlas, le premier missile balistique
intercontinental (ICBM) des Etats-Unis, et du missile Thor, son premier missile

. Voir FREEDMAN, L., The Evolution of Nuclear Strategy, Basingstoke, Macmillan,


156

1989, p. 86.

103
balistique de portée intermédiaire (IRBM). En 1957, il approuvait la fabrication d’un
autre type de missile ICBM, le Minuteman, propulsé par combustible solide.

La réduction des effectifs de l’armée de terre et de la marine ne signifiait pas que


ces forces avaient cessé d’être importantes dans la stratégie militaire américaine. En
effet, celles-ci furent dotées des armes nucléaires tactiques de petite puissance
équivalente à moins de 20 kilotonnes de TNT pour compenser la supériorité de l’Union
Soviétique dans le domaine des forces terrestres.

2.2.- La doctrine de la riposte graduée

En 1960, John Kennedy fut élu Président des Etats-Unis. En 1961, il prenait les
commandes du pays et héritait du Président Eisenhower plusieurs dossiers difficiles et
complexes qu’il devait gérer avec beaucoup de diplomatie pour éviter l’accroissement
de la tension entre son pays et l’Union Soviétique. Il dut faire face à la crise de Cuba
avec l’invasion du Baie des Cochons, la crise de Berlin de 1961 au cours de laquelle
Khrouchtchev permit le 13 août 1961 au gouvernement de l’Allemagne de l’Est de
commencer la construction du mur de Berlin pour séparer la partie orientale de celle
occupée par les puissances occidentales, et la crise des missiles au Cuba en 1962.

Paradoxalement, c’est au cours de cette période que les stratèges militaires américains
se mirent à considérer que la doctrine des représailles massives était suicidaire, dès lors
que l’usage des armes nucléaires contre l’Union Soviétique provoquerait une riposte
nucléaire qui pourrait aussi détruire les Etats-Unis.

Eu égard à cette observation, le Président Kennedy avait insisté sur le fait que les Etats-
Unis devaient posséder la capacité d’affronter une agression communiste à tous les
niveaux sans nécessairement un holocauste nucléaire. Pour autant, il croyait nécessaire
de donner aussi de l’importance à la diplomatie, aux opérations contre les guérillas et
aux forces conventionnelles. C’est dans ce sens qu’en 1962, Robert McNamara,
ministre de la défense sous l’administration Kennedy refusait une stratégie nucléaire
fondée sur la destruction des villes ennemies, objectif poursuivi par la doctrine des
représailles massives. Toutefois, McNamara prétendait mettre à la disposition du
Président une panoplie d’autres solutions au cas où échouait la dissuasion fondée sur la
menace des représailles massives.

Pour autant, McNamara proposait la poursuite des négociations pour mettre fin
au conflit, même après une première utilisation des armes nucléaires. Le cas échéant, il
fallait éviter l’utilisation immédiate de tout l’arsenal américain, et procéder par des
frappes graduées. De là, la « doctrine de la riposte graduée ». Il s’agit d’une stratégie
fondée sur une « réponse flexible » que finit par adopter le gouvernement Kennedy et
qui permettait aux Etats-Unis de répondre dans n’importe quelle partie du monde, à
n’importe quand avec des armes et des forces appropriées à la situation.
Pour lutter contre les guérillas communistes, et surtout en prévision d’une
implication beaucoup plus forte au Vietnam du Sud menacé par le communisme, le
Président Kennedy approuva la création d’une nouvelle force antisubversive, dénommée
« les bérets verts ». En juin 1963, quelques 114.000 officiers militaires américains et
quelques 7.000 étrangers avaient reçu une instruction antisubversive à l’Ecole des
Forces Spéciales de l’Armée à Fort Bragg, en Caroline du Nord. Toutefois, cette
importance accordée aux forces conventionnelles et antisubversives en vertu de la

104
Doctrine de la riposte graduée n’avait pas empêché que le gouvernement puisse
augmenter son arsenal nucléaire. A la fin de la décennie 1960, les Etats-Unis possédait
1.059 missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), 700 missiles balistiques lancés à
partir des sous-marins (SLBM) et plus de 500 bombardiers B-52, dont l’autonomie de
vol était encore plus grande.

Cet accroissement de la puissance militaire américaine éliminait toute possibilité


de limiter la course aux armements nucléaires durant la présidence de Kennedy.
L’Union Soviétique s’était rendue compte de la supériorité des Etats-Unis dans ce
domaine et tentait de relancer son industrie d’armements nucléaires. Kennedy mourrait
assassiné le 23 novembre 1963. Et presqu’une année après, en octobre 1964,
Khrouchtchev était déchu et l’arrivée de Leonid Brejnev au pouvoir ouvrait un nouveau
chapitre dans la politique de défense de l’Union Soviétique et dans la course aux
armements. L’Union Soviétique était déterminée, désormais, à retrouver la parité avec
les Etats-Unis avant la fin de la décennie.

Mais, le programme antisubversif de Kennedy, la doctrine de riposte graduée ou


stratégie de « réponse flexible », l’accroissement de la puissance militaire étaient
l’héritage que laissait le Président assassiné à son successeur Lyndon Johnson pour
continuer la guerre au Vietnam du Sud.

2.3.- La Doctrine Johnson

Comme son prédécesseur assassiné, le Président Johnson était déterminé à contenir le


communisme à travers le monde, et surtout en Amérique Latine. Pour autant, la
politique latino-américaine du Président fut, en grande partie, imprégnée de la crainte de
l’expansion communiste. Etant donné que Cuba était considéré comme le maillon de la
contagion, le gouvernement Johnson s’efforça d’intensifier l’isolement de ce pays en
Amérique Latine. Vers la moitié des années 1964, après qu’un Comité de recherche de
l’Organisation des Etats Américains (OEA) eût confirmé que Cuba avait envoyé des
armes aux terroristes vénézuéliens, les ministres des Affaires Etrangères des pays
membres décidaient, par 15 voix pour et 4 contre, de rompre toutes les relations
diplomatiques avec le Cuba et de suspendre le commerce et le transport maritime vers
l’île. Vers la fin de la même année, tous les pays membres de l’OEA, à l’exception du
Mexique, appliquaient cette décision.

La crainte au communisme fut aussi un facteur important qui détermina la politique


américaine au Panama où l’agitation nationaliste revendiquant la nationalisation du
Canal de Panama, avait provoqué des troubles anti-américaines en janvier 1964. Dans
ses mémoires postérieurs, le Président commentait que cette violence fut fomentée par
Cuba qui collaborait avec le parti communiste panaméen auquel il avait envoyé de
l’argent et des armes.

En outre, la chute entre 1961 et 1964 de 7 gouvernements latino-américains élus


démocratiquement indiquait que la situation n’était pas bonne dans le continent, que la
démocratie ne réussissait pas à s’y enraciner et que la pauvreté n’avait pas diminué
comme l’avait projeté le Programme de l’Alliance pour le Progrès lancé par Kennedy en
août 1961 dans le cadre de l’OEA. Ce Programme contenait des mesures sur la réforme
agraire, la révision fiscal, l’amélioration de l’habitat, du secteur sanitaire et l’élimination
de l’analphabétisme.

105
Constatant l’échec du Programme, le Président et le Congrès avaient accepté de réduire
presque dans une proportion de 40 % les fonds destinés à l’Alliance pour le Progrès. En
mars 1964, Thomas Mann, sous-secrétaire d’Etat chargé des affaires interaméricaines,
communiquait aux ambassadeurs américains en Amérique Latine qu’au lieu de
promouvoir des réformes sociales, el gouvernement Johnson donnait désormais priorité
à la protection des investissements privés américains dans la région, lesquels étaient
évalués à 10 milliards de dollars. Pour autant, la carence des gouvernements
démocratiques forts dans la région obligeait au gouvernement Johnson à mettre plus sa
confiance dans l’élite militaire locale pour protéger ces investissements.

Par conséquent, pendant que diminuait le fonds destinés à financer l’Alliance pour le
Progrès, l’aide militaire aux gouvernements latino-américains augmentait. Le
gouvernement Johnson gardait l’espoir que cette aide qu’il concédait aux militaires
latino-américains évitait la nécessité d’intervenir de manière ouverte dans les affaires
internes de la région.

Cependant, cette stratégie fut momentanément interrompue lorsqu’en avril 1965,


Johnson dut envoyer 22.000 soldats américains à la République Dominicaine pour
empêcher que les rebelles pro Castro s’emparent du pouvoir au cours d’une guerre
civile qui s’était déclenchée dans le pays. Plusieurs manifestations anti-américaines se
produisirent dans le continent et le Président dut retirer les troupes en septembre 1966
cédant la place à une force militaire multinationale de l’OEA.

2.4.- La Doctrine Brejnev

Vers la fin des années 1960, Leonid Brejnev lança une idée selon laquelle tous
les pays communistes devaient intervenir par les moyens dont ils disposaient pour
sauvegarder les acquis du socialisme dans un autre Etat où ces acquis se trouvaient
menacés. C’était une manière de justifier l’entrée des troupes du Pacte de Varsovie en
Tchécoslovaquie en août 1968.

2.5.- La Doctrine Nixon

Le 20 janvier 1969, dans son discours d’investiture, Richard Nixon


déclara que les Etats-Unis étaient disposés à ouvrir une nouvelle « ère de négociations »
avec le monde communiste. Ce qui importait plus pour le nouveau Président était la
promotion des intérêts américains dans le monde. Si la coopération avec un Etat
communiste se prêtait à cet objectif, Nixon était prêt à modifier son attitude.

Il faut aussi signaler que diverses raisons justifiaient la coopération avec


l’Union Soviétique, notamment :
- Faciliter la sortie des Etats-Unis du bourbier vietnamien sans subir une défaite
humiliante en isolant le Vietnam du Nord de ses deux principales sources
d’approvisionnement : l’Union Soviétique et la Chine.
- Créer des conditions nécessaires pour consolider la détente entre les deux
superpuissances de manière à faciliter la signature de l’Accord SALT qui puisse mettre
fin à l’accroissement alarmant de l’arsenal nucléaire soviétique.

106
L’architecte intellectuel de cette nouvelle attitude de l’administration américaine
habituée à des solutions militaires au lieu des démarches diplomatiques pour résoudre
les problèmes de la guerre froide était Henry Kissinger. Professeur à l’Université de
Harvard avant son entrée au gouvernement en qualité de conseiller en matière de
sécurité nationale, et secrétaire d’Etat à partir de 1973, Kissinger avait toujours
privilégié la diplomatie. Pour autant, il suggérait la création d’un réseau des relations
internationales dans lequel pouvait participer l’Union Soviétique et qui permettrait de
résoudre les différents existant entre les deux superpuissances.

Pour ne pas être trop naïf, Kissinger croyait que Washington devait suivre une politique
tantôt d’encouragement pour créer la confiance quand l’Union Soviétique coopérait,
tantôt de menace quand elle faisait volte-face. C’est dans ce sens qu’il conçut la
politique de « linkage » qui consistait à faire des concessions à l’Union Soviétique au
cas où celle-ci était aussi disposée à faire acte de bonne foi dans certains domaines lui
indiqués par les Etats-Unis, principalement dans les négociations sur l’Accord SALT.

La doctrine Nixon a été rendue officielle en 1969. Elle était presque la copie de la
doctrine Kennedy ou Johnson basée sur la riposte graduée ou flexible dès lors qu’elle
insistait sur le fait que les Etats-Unis devaient être capables d’empêcher une agression
communiste en employant tant les forces conventionnelles que l’armement nucléaire.
Cependant, au lieu de lutter pour avoir la capacité de faire deux guerres et demie, c’est-
à-dire, de participer simultanément dans des conflits à grande échelle en Europe
(Europe de l’Est) et en Asie (Union Soviétique et Chine) et dans une guerre limitée dans
d’autres parties du monde (pays du Tiers-Monde), comme l’exigeait la stratégie de
Kennedy et Johnson, la doctrine Nixon optait pour la capacité de faire une guerre et
demie, c’est-à-dire, disposer des forces suffisantes pour faire une guerre importante en
un seul théâtre au même moment qu’une guerre limitée dans d’autres parties du monde.
Cette doctrine laissait entrevoir que les Etats-Unis ne considéraient plus la Chine
comme une menace pour leurs intérêts.

- La doctrine Nixon demandait également aux pays alliés des Etats-Unis qu’ils
se sentent engagés à répondre les premiers à une agression terrestre, et le cas échéant,
les s oient les premiers

2.6.- La Doctrine Carter

Baptiste dévoué, ingénieur nucléaire et gouverneur de Géorgie, élu Président des Etats-
Unis en novembre 1976, Jimmy Carter est arrivé à la Maison Blanche le 20 janvier
1977. Modéré et loin de la politique réaliste de Truman, de Kennedy ou de Nixon, pour
parler des Présidents les plus proches de son mandat, Carter s’inscrivait dans la ligne
droite de l’idéalisme de Woodrow Wilson dont il appuyait l’idée selon laquelle les
Etats-Unis devaient être le phare pour illuminer le monde et promouvoir les idéaux de la

107
liberté, la démocratie et les droits de l’homme. A l’instar de Wilson, Carter voulait créer
un nouvel ordre international basé plus sur une communauté d’intérêts que sur un
équilibre de pouvoir. Selon lui, ni les Etats-Unis, ni l’Union Soviétique ne devaient pas
prétendre contrôler le destin du monde. Au lieu de se disputer la direction du monde
avec l’Union Soviétique, les Etats-Unis devaient chercher à obtenir l’appui de celle-ci et
des autres pays dans leur tâche de résoudre les problèmes mondiaux tels que les conflits
régionaux157, la prolifération des armes nucléaires, la pollution de l’environnement et la
pauvreté.

En outre, le Président Jimmy Carter a toujours cru que la restauration et la promotion


des droits de l’homme et des libertés fondamentales devaient constituer l’axe de la
politique extérieure des Etats-Unis. C’est dans ce sens que dans la réunion de la
Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe tenue à Belgrade en novembre
1977, les Etats-Unis accusaient l’Union Soviétique et les pays de l’Europe de l’Est de
violer les droits de l’homme. Cette démarche avait exaspéré l’Union Soviétique qui la
considérait comme une ingérence des Etats-Unis dans sa politique intérieure et une
attitude susceptible de nuire à la détente.

Toutefois, les deux pays firent un effort pour avancer dans les négociations sur la
réduction des armes nucléaires stratégiques. De cette manière, el 18 juin 1979, Carter et
Brejnev signaient les accords SALT II (Strategical Arms Limitation Talks) qui
imposaient des restrictions, tant quantitatives comme qualitatives aux armes nucléaires
stratégiques.

Il faut souligner que Carter n’était pas naïf face à l’oppression de l’Union Soviétique en
matière des droits de l’homme, ou les menaces nucléaires de ce pays ou ses capacités de
nuire aux intérêts américains dans le monde. Mais, il pensait qu’il pouvait convaincre
l’Union Soviétique du bénéfice à tirer ensemble à partir d’une relation beaucoup plus
coopérative si ce pays minimisait les différences idéologiques et se concentrait sur les
vrais problèmes que les deux puissances devaient avoir intérêt à résoudre, notamment la
course aux armements nucléaires.

Cependant, l’invasion soviétique de l’Afghanistan le 27 décembre 1979 remettait en


question la politique d’ouverture et de coopération de l’administration Carter envers
l’Union Soviétique. Touché dans sa bonne foi, le Président américain répliquait en
renonçant aux efforts pour améliorer la détente et en adoptant la vieille politique
d’endiguement. Il réduit considérablement la vente de la technologie américaine à
l’Union Soviétique, imposa un embargo sur les céréales américains et annonça la non
participation des Etats-Unis aux jeux olympiques de Moscou. C’est ainsi que le 13
janvier 1980, dans un message sur l’état de l’union, Carter promulguait sa doctrine qui
consistait à défendre la région du Golfe Persique par une force armée que le
gouvernement n’allait pas tarder de déployer dans ladite région.

Pour autant, Carter proposa que tous les hommes d’entre 16 et 26 se rendent à
l’enrôlement pour remplir les files nécessaires. Il sollicita une augmentation annuelle
des dépenses militaires de l’ordre de 5% du budget au lieu de 3% qu’il s’était fixé
depuis 1977. Carter essaya de renforcer les relations des Etats-Unis avec la Chine
et le Pakistan. Et la nouvelle tension créée n’était pas de nature à favoriser la ratification

. Durant son mandat, il avait réussi que l’Egypte et l’Israël signent les accords de
157

Camp David comme étape de la marche vers la solution de la crise du Moyen Orient.

108
par le Congrès de l’Accord SALT II que le gouvernement de Reagan archivait
définitivement.

2.7.- La Doctrine Reagan

Gouverneur de Californie de 1966 à 1974, élu Président des Etats-Unis en novembre


1980, Ronald Reagan est arrivé à la Maison Blanche le 20 janvier 1981. Dans sa
déclaration la plus célèbre faite le 8 mars 1983, Reagan utilisa l’expression « l’empire
du mal » pour se référer à l’Union Soviétique. A ce Président, la détente était un non
sens dès lors qu’il la considérait comme une « rue à sens unique » où circulait seule
l’Union Soviétique. Cette situation était due au fait que ses successeurs avaient fait à
l’Union Soviétique des concessions tant économiques que financières qui ont finalement
permis à ce pays de mettre en place un système politique oppressif et des forces armées
menaçantes. C’est dans ce sens qu’il avait enterré définitivement l’Accord SALT II
qu’il considérait comme défectueux et favorisait l’Union Soviétique en maintenant la
supériorité nucléaire de ce pays sur les Etats-Unis. Et comme corollaire de ce constat, au
lieu d’insister sur la réduction des armes nucléaires comme le faisait son prédécesseur
afin d’atteindre la parité ou l’équilibre pouvant satisfaire les deux Etats, Reagan se mit
durant les premières années de sa présidence à récupérer le retard des Etats-Unis face à
l’Union Soviétique en accélérant la course aux armements du côté de son pays.

Entre 1981 et 1987, le budget du Pentagone augmentait sensiblement de 171.000


millions de dollars à 376.000 millions. D’importants systèmes d’armements nucléaires
que l’administration Carter avait archivés ont été réactivés tels que le bombardier B-1.
Le déploiement des missiles ICBM MX et du sous-marin Trident fut accéléré. De
nouveaux systèmes de défense balistique (BMD) furent mis au point, ainsi que la
fabrication des armes antisatellite (ASAT). Cette course aux armements était déclenchée
à bon escient pour asphyxier l’économie soviétique au cas où ce pays se mettait aussi
dans la danse.

L’administration Reagan considérait que les Etats-Unis possédaient la capacité


nécessaire pour s’affronter à l’Union Soviétique à tous les niveaux que peut prendre un
conflit nucléaire, tactique ou stratégique. Pour Reagan, au lieu de procéder par une
diplomatie des négociations sans fin et sans résultat, il faut imposer des restrictions
économiques à l’Union Soviétique et engager un bras de fer avec ce pays et supporter le
coût que cela exige, dure ce que dure le temps. En outre, la doctrine préférait envoyer
des fonds et concéder de l’aide militaires au Tiers Monde au bénéfice des régimes
politiques qui sont acquis à l’idéologie capitaliste et s’opposent au communisme, bien
que ceux-ci soient autoritaires. Cette stratégie semblait avoir atteint ses résultats à la
lecture de ce qui se passa en Union Soviétique une décennie après. Les transformations
opérées par le Président Gorbachev avec sa politique de Perestroïka et l’ouverture d’un
dialogue sincère entre ce pays et les Etats-Unis sont significatives.

Durant son deuxième mandat, Reagan avait flexibilisé sa politique face à l’Union
Soviétique à telle enseigne qu’en 1987, il signait le premier accord, considéré comme le
plus important durant toute la période de la guerre froide, sur la réduction des
armements : le Traité INF.

109
2.8.- La Doctrine de la défense anticipée ou Doctrine Bush

2.9.- La Doctrine de l’Elargissement Démocratique de Bill Clinton

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