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Bipolarisation et émergence 

5 du tiers-monde (1948-1975)
Le point sur le programme
Objectifs Ce chapitre montre comment la bipolarisation issue Points ●1962 : la crise des missiles
du de passage
chapitre de la guerre froide interfère avec la décolonisation et d’ouverture de Cuba.
et conduit à l’émergence de nouveaux acteurs. ●Les guerres d’Indochine
On peut mettre en avant : et du Vietnam.
– les modèles des deux superpuissances et
● L’année 1968 dans le monde.
la bipolarisation ;
– les nouveaux États : des indépendances à leur
affirmation sur la scène internationale ;
– la Chine de Mao : l’affirmation d’un nouvel acteur
international ;
– les conflits du Proche et du Moyen-Orient.

La logique du chapitre
Ce chapitre s’organise en deux séquences, conformément aux indications du programme. Dans un premier
temps s’établit la bipolarisation du monde, mise en évidence par les cartes de l’Europe et du monde (Repères
n° 1 pp. 138-139), puis par l’établissement de deux blocs opposés (Étude n° 1 pp. 140-141) qui s’affrontent en
Europe sur la question de Berlin (Étude n° 2 pp. 142-143) puis lors de la crise de Cuba (Point de passage n° 1,
pp. 144-145). La séquence se conclue par le cours 1 qui fait la synthèse des pages précédentes (pp. 146-147).
Dans un second temps sont abordés les nouveaux acteurs perturbant cette bipolarisation du monde, et dont
l’émergence est liée à la décolonisation (Repères n° 2 pp. 148-149) et à la naissance du tiers-monde (Étude n° 3
pp. 150-151). Ils s’affirment régionalement, à l’instar du Vietminh puis du Nord Vietnam communistes lors des
guerres d’Indochine puis du Vietnam (Point de passage n° 2 pp. 152-155). La Chine de Mao est un nouvel acteur
international qui se détache de l’URSS et se présente comme un leader du tiers-monde (Étude n° 4 pp. 156-157).
Au Proche-Orient, les anciennes puissances coloniales perdent de leur influence (nationalisation du canal de
Suez) et des guerres successives mettent aux prises des acteurs régionaux comme l’Égypte et Israël (Étude n° 5
pp. 158-159). L’année 1968 (Point de passage n° 3 pp. 160-161), est une année de contestation mondiale. L’en-
gagement des États-Unis au Vietnam est contesté au sein même du bloc de l’Ouest alors que le bloc de l’Est se
fissure avec le « printemps de Prague ». Le cours 2 (pp. 162-163) synthétise les apports de cette séquence.

Pour aller plus loin


Bibliographie
• Références spécialisées
– Fabrice Balanche, Géopolitique du Moyen-Orient, « Documentation photographique » n° 8 102,
La Documentation française, octobre 2014.
– L’URSS de Staline à Tchernenko, « Documentation photographique » n° 6 076, La Documentation française,
avril 1985.
– Sabine Dullin et alii, Atlas de la guerre froide, Autrement, 2017.
– Pierre Grosser (dir.), La guerre froide, « Documentation photographique » n° 8 055, La Documentation
française, février 2007.
– Yves-Henri Nouailhat, Les États-Unis et le monde de 1898 à nos jours, A. Colin, 2015.
Histoire Tle © Hatier, 2020.

– Xavier Paulès, La Chine, des guerres de l’opium à nos jours, « Documentation photographique » n° 8 093,
La Documentation française, avril 2013.
• Romans
Les romans d’espionnage se sont tout particulièrement intéressés à la guerre froide.
– John Le Carré, L’Espion qui venait du froid, 1963.
– Graham Greene, Un Américain bien tranquille, 1955.

5•1 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


Films et documentaires
– Daniel Costelle, Apocalypse : la guerre des mondes (1945-1991), 6 x 50 mn, 2019.
– Carol Reed, Le Troisième homme, 1949.
La guerre froide à Vienne, au cœur de l’Europe divisée en deux camps (adaptation du roman
de Graham Greene).
– Pierre Schoendoerffer, La 317e section, 1965.
La guerre d’Indochine vue d’une patrouille.
– Ken Burns et Lynn Novick, The Vietnam War, 2017.
Documentaire monumental traitant la guerre d’Indochine puis celle du Vietnam.
– Robert Zemeckis, Forrest Gump,1994.
Un candide Américain traverse les divers engagements de son pays de la guerre froide à son achèvement.

pp. 136-137 Ouverture Réponses aux questions p. 141


Les illustrations choisies (une photo, une affiche) 1. Les principaux bénéficiaires du plan Marshall sont
mettent l’accent sur l’axe principal de chacune des deux des pays de l’Europe du Nord-Ouest victorieux (France,
séquences. Royaume-Uni) ou vaincus (Allemagne, Italie), mais
La guerre froide tout d’abord, avec la crise de Cuba (oct. qui sont des puissances économiques européennes
1962), moment paroxystique de l’affrontement entre majeures, indispensables pour la reconstruction écono-
superpuissances dans une zone proche des États-Unis et mique du continent et sa stabilité et pour les échanges
sur une question particulièrement sensible (armement avec les États-Unis.
nucléaire).
2. a. Le discours du président des États-Unis est prononcé
Le second document est une affiche de propagande de à l’occasion de la signature du traité de l’Atlantique nord.
1964 illustrant les prétentions de la Chine communiste, De 1945 à 1948, le communisme s’est étendu dans les
désormais puissance nucléaire émancipée de la tutelle pays d’Europe de l’Est qui sont devenus des démocraties
soviétique, à jouer un rôle majeur dans la lutte des pays populaires. Ces pays ont pris modèle sur l’URSS et sont
du tiers-monde contre l’impérialisme américain. On tombés dans sa sphère d’influence.
remarquera l’absence de l’URSS, la Chine étant devenue
b. Selon Truman, les pays signataires ont un héritage
une puissance communiste concurrente.
commun : la démocratie, la liberté individuelle, le règne
du droit. Ils ont aussi adopté l’économie de marché. Ces
pp. 138-139 Repères peuples ont traversé les deux guerres mondiales. Néan-
moins, ils sont de cultures différentes.
Un monde bipolaire
c. L’Alliance atlantique assure à chacun de ses membres
Cette double-page permet une perception spatiale
que tous lui viendront en aide militairement s’il est
immédiate de la séparation de l’Europe et du monde en
agressé. Il s’agit d’établir «  un bouclier contre l’agres-
deux camps distincts et intégrés (OECE vs COMECON),
sion » et faire disparaître « la peur de l’agression ». Par
cohérents (tutelle d’une superpuissance, alliances et
ailleurs, ces pays acceptent d’entretenir entre eux de
pactes) et hostiles (bases et flottes, points de confron-
bonnes relations et une coopération économique.
tations) l’un envers l’autre. Rares sont les pays qui font
exception (Yougoslavie, États neutres). Le bloc de l’Est 3. Le rapprochement économique se traduit par l’in-
regroupe des pays rattachés spatialement les uns aux tensification des échanges commerciaux de chaque
autres, alors que le bloc de l’Ouest, conduit par les États- démocratie populaire avec l’URSS, et des réformes éco-
Unis, encercle spatialement le bloc de l’Est pour éviter nomiques (nationalisations massives, de l’industrie, des
son expansion selon les principes de l’« endiguement ». transports et des banques) calquées sur celles menées
Les deux cartes fournissent également les principaux par Staline en URSS.
repères spatiaux utiles pour aborder et compléter les
4. La conséquence politique des purges politiques dans
doubles-pages suivantes consacrées à la division du
les démocraties populaires est l’installation au pouvoir
monde en deux blocs et aux premiers conflits de la
de dirigeants totalement fidèles à Staline et à l’URSS.
guerre froide.
5. Sur l’affiche de Paix et Liberté (doc. 3), Staline est
pp. 140-141 Étude dépeint non comme le maréchal victorieux du IIIe Reich,
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mais comme un vulgaire voyou débraillé (débardeur,


Deux blocs opposés tatouages, surnom) et communiste (étoile rouge, fau-
Cette double-page montre les principaux aspects de cille et marteau) qui attire les pays en leur promettant
chaque camp établi à partir de 1947, en insistant sur la paix (colombe) pour mieux les soumettre par la force
leurs caractéristiques opposées dans les domaines idéo- barbare (la colombe est tenue en laisse et Staline tient
logique, politique et économique. un fléau, une arme offensive médiévale composée

5•2 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


d’un manche de bois et d’une chaîne terminée par une soviétique (uniforme, médailles), athlétique (taille),
masse de fer). Sur l’affiche soviétique (doc. 7), les États- veille, en s’appuyant sur l’expérience victorieuse de la
Unis sont représentés par l’Oncle Sam qui veut porter la guerre menée par l’URSS de 1941 à 1945 (titre de l’ou-
guerre (torche de la statue de la Liberté transformée en vrage). Il empêche l’Oncle Sam d’entrer dans la maison
arme de guerre) en Europe en utilisant la bombe ato- soviétique (CCCP – URSS – en dessous de l’affiche). La
mique dont elle a le monopole en 1948. Mais l’Oncle principale préoccupation des deux pays est la paix ou
Sam est un vieillard malingre alors que le militaire la guerre.

Synthèse

Camp Régime politique Alliances militaires Organisation économique Propagande


Américain Démocraties libérales Alliance atlantique – Plan Marshall et OECE Anticommuniste
– Économie de marché et antisoviétique
– Les États-Unis, principal
partenaire commercial
Soviétique Dictatures à parti Pacte de Varsovie – COMECON Anti-occidentale
unique, dirigées par des – Nationalisations et anti-américaine
Staliniens – L’URSS, principal
partenaire commercial

pp. 142-143 Étude passe ainsi de 210 000 personnes en 1961 à moins 20 000
avec ou sans autorisation.
Berlin, enjeu de la guerre froide
3. Selon Kennedy, le mur de Berlin est un « crime contre
(1948-1961)
l’humanité  » car il conduit à séparer définitivement
Cette étude montre comment les tensions de guerre Berlinois et Allemands de l’Ouest de ceux de l’Est. En
froide se manifestent d’abord en Europe, et plus préci- particulier, il sépare des familles. C’est un aveu d’échec
sément à Berlin, l’ancienne capitale du IIIe Reich, où les pour le camp soviétique, puisque les fugitifs le quittaient
puissances victorieuses sont présentes et voisines. Elles pour le camp occidental, dans l’espoir de conditions de
ont autorité sur un territoire qui, comme le reste de l’Al- vie meilleures et de libertés. Il prouve ainsi la supériorité
lemagne occupée, n’a pas encore d’État  ; les quartiers d’un régime sur un autre.
Ouest de Berlin tenus par les Alliés occidentaux sont un
avant-poste du camp occidental isolé dans la partie Est Synthèse
de l’Allemagne occupée par les Soviétiques. En 1945, l’Allemagne est un pays vaincu par les Alliés
(États-Unis, France, Royaume-Uni et URSS) et occupé
Réponses aux questions p. 143 militairement par les vainqueurs. C’est le cas notamment
1. Staline ordonne le blocus des quartiers de Berlin de Berlin, l’ancienne capitale du IIIe Reich, situé en terri-
occupés par les Occidentaux pour que ceux-ci les aban- toire allemand occupé par l’Armée rouge, et subdivisé en
donnent et qu’ils soient rattachés à la partie orientale de 4 parties, dont trois reviennent aux Occidentaux.
la ville, tenue par l’Armée rouge. Staline ne veut pas d’un Quand la guerre froide éclate, Staline veut réunir les
avant-poste occidental au milieu de la partie soviétique quartiers Ouest de Berlin au reste de la ville, qui serait
de l’Allemagne, mais il lève le blocus quand il réalise que alors entièrement sous contrôle communiste. En 1948,
les Américains, qui ont immédiatement riposté par un il établit un blocus, mais les Occidentaux répliquent par
gigantesque pont aérien, n’abandonneront pas les par- un pont aérien qui approvisionne Berlin-Ouest et conduit
ties de la ville tenues par les Occidentaux. Staline à lever le blocus au bout d’un an.
2. La construction du mur de Berlin est décidée par les L’URSS et les puissances occidentales ne parviennent
autorités soviétiques et est-allemandes (la RDA est pas à s’entendre sur le statut de Berlin, alors que de
dirigée par Walter Ulbricht) alors que près de 3  mil- très nombreux Allemands et Berlinois de l’Est fuient un
lions d’Allemands et des Berlinois de l’Est continuent régime de démocratie populaire (RDA) dictatorial et
de passer par Berlin pour fuir la démocratie populaire des conditions de vie difficiles, pour se rendre en RFA en
de RDA, ses mauvaises conditions économiques et de plein essor économique, où les libertés sont assurées.
son absence de libertés. De plus, les visiteurs venus de La RDA, avec le soutien soviétique, fait édifier un mur
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l’Est en visite à Berlin-Ouest se rendaient compte que la séparant définitivement et totalement les parties Ouest
propagande communiste sur Berlin-Ouest, la RFA et le et Est de la ville, ce qui met fin à l’exode, mais coupe
monde occidental était mensongère et qu’il existait un les relations entre les Allemands de l’Ouest et de l’Est.
monde meilleur. Une fois construit, le mur remplit vite Il provoque l’indignation du président américain John F.
son objectif, car le nombre de départs pour l’Ouest par Kennedy, qui n’a pu empêcher l’édification de ce mur en
Berlin va devenir très faible. Le passage de l’Est à l’Ouest août 1961, mais vient soutenir Berlin-Ouest en juin 1963.

5•3 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


pp. 144-145 Point de passage 1961 (débarquement de la baie des Cochons). Ces mis-
siles en cours d’installation sont en mesure de toucher
1962 : la crise des missiles de Cuba une large partie du territoire américain, ce qui est inac-
On met l’accent sur les enjeux de cette crise, paroxysme ceptable pour le président Kennedy.
de la guerre froide :
2. La guerre ouverte entre les deux superpuissances
– l’influence traditionnelle des États-Unis en Amérique
aurait pu éclater entre le 22 et le 24 octobre, quand
latine contestée par le communiste Fidel Castro sou-
les Américains mettent en place l’embargo autour de
tenu par l’URSS, qui menace la sécurité américaine via
Cuba : si les navires soviétiques en route pour Cuba ne
ses missiles pouvant atteindre le territoire américain ;
le respectent pas et veulent forcer le passage, ils sont
– au plus fort de la crise, possibilité d’une confronta- susceptibles d’être interceptés ou attaqués par la flotte
tion militaire directe et d’une escalade du conflit vers navale ou aérienne des États-Unis, ce qui constituerait
une issue atomique : pour la première fois, la situation un acte de guerre.
de «  guerre improbable  » (Raymond Aron) caractéri-
sant les relations entre les deux Grands est en passe 3. Khrouchtchev veut absolument éviter une confron-
d’être effacée ; tation directe avec les États-Unis car il est convaincu
– le règlement de la crise, sur fond de compromis, que ces derniers infligeraient des dégâts considérables
mais qui reste un échec pour l’URSS et qui entraîne par à l’URSS, que l’île de Cuba serait totalement détruite et
la suite l’effort d’armement nucléaire de l’URSS. que, de toute façon, le rapport de force nucléaire joue
en faveur des Américains. Comme le montre la lettre,
VIDÉO La crise des fusées l’URSS craignait réellement que le conflit entraîne une
guerre nucléaire qui infligerait d’immenses pertes non
Questionnaire seulement à Cuba mais aussi en URSS et dans le bloc de
1. Que photographient les avions américains U2 ? l’Est tout entier.
Des rampes de missiles nucléaires installés à Cuba et 4. Les solutions sont acceptables pour les trois protago-
dirigés contre les États-Unis. nistes :
2. Quelle partie du territoire américain est menacée ? – les bases de lancement de missiles menaçant le ter-
Les deux tiers du territoire, y compris Washington, la ritoire nord-américain sont démantelées ;
capitale, et New York.
– Cuba ne sera plus l’objet de tentatives de déstabili-
3. Que fait le président Kennedy ? sation ouvertes soutenues par les États-Unis ;
Il prononce un discours et met en place un embargo – les fusées américaines pointées sur l’URSS et instal-
autour de Cuba. lées en Turquie sont retirées.
4. Où doivent se rendre les cargos soviétiques ?
5. Lors de la crise, les dirigeants de l’URSS sont bien
Les 25 cargos soviétiques, dont certains contiennent des
conscients d’avoir dû négocier en position de faiblesse
armements, doivent se rendre à Cuba et pour cela forcer
nucléaire, et ils ont dû ordonner à leurs navires de
l’embargo.
rebrousser chemin. Après la crise, l’URSS s’emploie à
5. Qui dirige Cuba ? rattraper son retard sur les Américains par un effort d’ar-
Fidel Castro. mement considérable dans le domaine nucléaire.
6. Qui soutient les États-Unis ? Synthèse
L’Organisation des États américains.
L’installation de missiles par les Soviétiques sur l’île de
7. Qui soutient Cuba ? Cuba a lieu à la demande du dirigeant communiste Fidel
Des pays du tiers-monde comme l’Algérie. Castro, suite à la menace que les États-Unis faisaient
peser sur son régime depuis 1959 (baie des Cochons,
8. Que décide le dirigeant soviétique Nikita Khrou-
1961). Un avion espion américain U2 photographie les
chtchev ?
rampes de lancement des missiles en octobre 1962.
Il ordonne aux cargos de faire demi-tour et il démantèle
Ces missiles en cours d’installation sont en mesure de
les rampes de lancement installées à Cuba.
toucher une large partie du territoire américain, ce qui
est inacceptable pour le président américain John F.
Réponses aux questions p. 145
Kennedy.
Parcours 1 En conséquence, les Américains exigent le démantèle-
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1. Les causes de la crise sont liées à l’installation de mis- ment des installations et établissent un embargo total
siles par les Soviétiques sur l’île de Cuba, à la demande de l’île pour empêcher l’acheminement par des navires
du dirigeant communiste Fidel Castro, suite à la menace soviétiques de nouveaux armements. Mais cette initia-
que les États-Unis faisaient peser sur son régime depuis tive peut déboucher sur un conflit ouvert entre les deux
1959. Les États-Unis avaient soutenu du débarquement superpuissances si les navires soviétiques en route pour
de Cubains anticastristes pour renverser le régime en Cuba ne le respectent pas et veulent forcer le passage,

5•4 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


car ils sont susceptibles d’être interceptés ou attaqués – Cuba ne sera plus l’objet de tentatives de déstabili-
par la flotte navale ou aérienne des États-Unis, ce qui sation ouvertes soutenues par les États-Unis ;
constituerait un acte de guerre.
– pour l’URSS, le camp communiste garde Cuba, et les
La crise est résolue le 28 octobre 1962 à la suite d’une
fusées américaines installées en Turquie et pointées
négociation entre les dirigeants américains et sovié-
sur son territoire sont retirées.
tiques, qui aboutit à un résultat satisfaisant pour toutes
les parties : Néanmoins, c’est une victoire pour Kennedy et un échec
– les Américains voient les missiles menaçant leur ter- pour l’URSS qui a dû céder fade à la pression du géant
ritoire démantelés ; américain.

Parcours 2
Les facteurs déclenchants Le conflit La résolution de la crise
– Menaces nord-américaines sur – Embargo américain autour de – L’URSS démantèle et rapatrie ses missiles,
Castro et son régime. Cuba. contraint Castro à accepter le compromis
– Installation de missiles soviétiques – Possibilité de conflit ouvert en trouvé.
à Cuba pouvant atteindre les cas de viol de l’embargo par les – Les États-Unis s’engagent à ne plus
États-Unis. navires soviétiques transportant déstabiliser Cuba et à démanteler leurs
– Photographie des rampes de des armes à destination de Cuba. fusées visant l’URSS depuis la Turquie.
lancement par un avion espion – Navires soviétiques font demi-tour. – Le conflit entraîne par la suite un gros
étatsunien. effort d’armement nucléaire de l’URSS.

1. Une crise aux causes multiples pour tous les protagonistes : les Américains obtiennent
L’installation de missiles nucléaires par les Soviétiques que les missiles menaçant leur territoire soient déman-
sur l’île de Cuba faite suite à la demande du dirigeant de telés ; ils s’engagent à ce que Cuba ne soit plus l’objet de
l’île, le communiste Fidel Castro, soutenu par l’URSS. Le tentatives de déstabilisation ouvertes ; pour l’URSS enfin,
régime qu’il a installé depuis 1959 fait l’objet de tenta- le camp communiste garde Cuba et les fusées améri-
tives de déstabilisation encouragées par les États-Unis, caines installées en Turquie et pointées sur l’URSS sont
comme la tentative de débarquement anticastriste dans retirées. Il s’agit néanmoins d’une victoire américaine et
la baie des Cochons (avril 1961). d’un échec soviétique, qui a pour conséquence une accé-
lération de l’armement nucléaire par l’URSS.
En procédant à l’installation de ces fusées, Castro dis-
pose d’un moyen de rétorsion contre les États-Unis, et
l’URSS fait peser une menace capitale sur l’Amérique pp. 148-149 Repères
du Nord car ces missiles sont en mesure de toucher une
large partie du territoire américain. C’est inacceptable La décolonisation
pour le président américain John F. Kennedy qui prend Cette double-page inaugure la seconde séquence et vise
connaissance de l’existence de ces fusées le 14 octobre à repérer dans l’espace les zones et les étapes de la désa-
1962, grâce aux photos prises par un avion espion U2. grégation des empires coloniaux existant encore en 1945
(doc. 1). Ce mouvement s’accompagne de deux phéno-
2. Un déroulement qui laisse présager le pire, avant de
mènes situés sur le doc. 3 : la naissance du tiers-monde
s’orienter vers le compromis
avec la conférence de Bandoeng (1955) et l’apparition
En conséquence, le président Kennedy décide l’établis- du non-alignement (conférence de Belgrade, 1961).
sement immédiat d’un embargo total sur Cuba, pour
empêcher l’acheminement par des navires soviétiques Réponses aux questions p. 149
de nouveaux armements et il exige le démantèlement
des installations balistiques. Mais l’embargo peut débou- 1. La grande période de décolonisation de l’Asie se
cher sur un conflit ouvert entre les deux superpuissances déroule de 1947 à 1955, celle de l’Afrique entre 1956 et
si les navires soviétiques en route pour Cuba ne le res- 1964.
pectent pas et veulent forcer le passage, car ils peuvent
2. Les guerres d’indépendance ont lieu dans l’empire
être interceptés ou attaqués par la flotte navale ou
britannique (Malaisie, Namibie) et néerlandais (Indo-
aérienne des États-Unis. Cela constituerait un acte de
nésie). Elles concernent également les pays comme la
guerre et le début d’une dangereuse escalade pouvant
France (Algérie) et le Portugal (Angola, Mozambique)
conduire à l’affrontement nucléaire. La situation est au
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qui tardent à accorder l’indépendance à leurs colonies.


maximum de sa tension entre le 22 et le 25 octobre 1962,
date à laquelle Khrouchtchev donne l’ordre à ses navires 3. L’empire des Indes britanniques s’est morcelé en
de rebrousser chemin. plusieurs États en 1947 et 1948  : l’Inde et le Pakistan,
La crise est résolue fin octobre 1962 par une négociation composé du Pakistan occidental et du Pakistan oriental
entre dirigeants américains et soviétiques par-dessus (1947), le Sri lanka (1948), la Birmanie (1948). En 1971,
Fidel Castro, et elle aboutit à un résultat satisfaisant le Pakistan oriental se détache du Pakistan pour devenir

5•5 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


le Bangladesh. L’Indochine française se divise en Laos, Sukarno en avril 1955. La plupart des pays partici-
Cambodge et Vietnam en 1954. L’AOF se fractionne en pants sont asiatiques, car c’est cette partie du monde
une dizaine d’États en 1960, sauf la Guinée (1958). qui connaît la plus forte décolonisation. Des figures
majeures se dégagent, comme l’Indien Jawaharlal Nehru
4. Le tiers-monde a émergé à Bandoeng (Indonésie) en ou le Chinois Zhou Enlai. Les pays du tiers-monde affir-
1955 et à Belgrade (Yougoslavie) en 1961.
ment leur solidarité avec les peuples en lutte pour leur
indépendance, notamment en Afrique. Ils affirment éga-
pp. 150-151 Étude lement refuser toute nouvelle tutelle extérieure d’une
grande puissance.
L’émergence du tiers-monde
Le non-alignement, constitué à partir de la conférence
L’étude aborde l’émergence du tiers-monde  : la confé-
de Belgrade en 1961, poursuit cette volonté d’échapper
rence de Bandoeng en 1955, où les pays nouvellement
à la tutelle des deux grandes puissances. Ce mouvement
indépendants manifestent leur soutien aux luttes anti-
s’étend au-delà de l’Asie, avec l’entrée de pays d’Afrique
coloniales et leur volonté de ne plus être dominés  ; la
récemment décolonisés, et il intègre des pays socia-
conférence de Belgrade qui réunit la plupart de ces pays
mais aussi la Yougoslavie et Cuba en 1961 (d’autres pays listes européens comme la Yougoslavie de Tito, pays
d’Amérique latine se joindront ensuite au mouvement) d’accueil de la conférence de Belgrade et en marge du
pour former le mouvement des non-alignés qui reven- camp soviétique, ou d’Amérique latine, comme Cuba. Les
dique l’indépendance à l’égard des deux blocs ; enfin la participants insistent sur le désarmement nucléaire pour
naissance de la CNUCED et du Groupe des 77 en 1964, garantir la paix dans le monde.
qui montrent leur volonté de défendre leurs intérêts pour À partir du milieu des années 1960, les pays du tiers-
sortir du sous-développement. Ces documents soulignent monde, qui occupent de plus en plus de sièges à l’ONU
donc le glissement des revendications du tiers-monde, à mesure que la décolonisation se réalise, obtiennent la
au cours des années 1950 et 1960, de l’indépendance à création de la CNUCED (1964) et font pression sur la com-
l’égard des grandes puissances à la revendication d’un munauté internationale pour mettre fin aux échanges
nouvel ordre économique international. inégaux (bas prix à l’exportation des matières premières
venues du tiers-monde) et sortir du sous-développement
Réponses aux questions p. 151 (voir l’appel des 77).
1. Les pays représentés à Bandoeng sont plutôt asia-
tiques  ; ils ont subi la domination coloniale et ont été pp. 152-155 Point de passage
récemment décolonisés. Ils représentent plus de la moi-
tié de la population mondiale. Ce sont des pays pauvres Les guerres d’Indochine et du Vietnam
(11,2 % du revenu mondial). Ce point de passage, subdivisé en 2 séquences chacune
consacrée à un conflit, met en évidence les caractéris-
2. Les principes affirmés à Bandoeng refusent toute sou- tiques d’un conflit durable (30 ans) et majeur  : conflit
mission à une grande puissance, car il n’est pas question, colonial entre le Vietminh et la France, typique de la
une fois la tutelle coloniale combattue et abattue, de décolonisation mais où commencent à intervenir les
retomber dans la sujétion à d’autres puissances. deux grandes puissances dans le cadre de la guerre
3. Les pays représentés à Belgrade comprennent des froide ; puis conflit de guerre froide entre les Nord-Viet-
pays asiatiques du tiers-monde, mais aussi d’Afrique en nam communiste (obtenant un soutien matériel de
voie de décolonisation. Mais viennent s’y ajouter des l’URSS et de la Chine populaire) et le Sud-Vietnam
pays socialistes d’Amérique latine (Cuba) et d’Europe allié des États-Unis dans lequel les États-Unis inter-
(Yougoslavie). Ces pays non-alignés mettent l’accent sur viennent massivement à partir de 1964  ; échec d’une
la nécessité d’un désarmement, notamment nucléaire, superpuissance militairement engagée dans le conflit
ce qui n’a pas été débattu à Bandoeng. (1964-1975).

4. À partir de 1964, les pays du tiers-monde ont pour A La guerre d’Indochine (1946-1954) :
objectif principal de résoudre les problèmes écono- une guerre d’indépendance
miques (chute des prix à l’exportation, faiblesse de la
production), sociaux (malnutrition, sous-nutrition) aggra- VIDÉO Les débuts de la guerre d’Indochine
vés par la croissance démographique. Pour cela, les pays
concernés veulent faire pression sur la communauté Questionnaire
Histoire Tle © Hatier, 2020.

internationale.
1. Où se trouve Hanoï ?
Synthèse En Indochine.
Le tiers-monde émerge sur la scène internationale à 2. Qui a attaqué les Français et quand ?
partir du milieu des années 1950, avec la conférence Des «  bandes vietnamiennes  », des «  vietminh  » le
de Bandoeng organisée en Indonésie par le président 19 décembre 1946.

5•6 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


3. Quelle genre de scène nous montrent ces actualités ? côté, la France est aidée de plus en plus massivement
Une scène de guerre, avec des destructions et des com- par les États-Unis qui redoutent l’expansion du commu-
bats. nisme en Asie.
4. D’où sont chassés les insurgés et où se sont-ils repliés ? La France bénéficie au début de la guerre d’une supé-
Ils ont été chassés des villes et continuent le combat riorité en matériel écrasante mais, au fil du temps, le
dans les campagnes. Vietminh, aidé par l’URSS et la République populaire de
Chine (RPC) rattrape son retard, et parvient à contrôler
5 Combien y a-t-il eu de morts parmi les Français d’Indo-
les campagnes vietnamiennes qui entourent les grandes
chine à cette date ?
villes encore tenues par la France.
267 morts, soit 1/10e de la communauté française d’Ha-
noï. La défaite française de Diên Biên Phu, en mai 1954,
conduit aux accords de Genève (juillet) qui séparent pro-
Réponses aux questions p. 153 visoirement le Vietnam en deux parties, avec au nord le
Vietminh qui fonde le Nord-Vietnam, et au sud un terri-
Parcours 1 toire toujours sous influence française.
1. Ce texte est prononcé par le dirigeant communiste
et nationaliste vietnamien Hô Chi Minh, à la fin de la B La guerre du Vietnam (1955-1975) :
Seconde Guerre mondiale, lorsque les troupes japo- une défaite américaine
naises qui occupaient l’Indochine se replient et que le
pouvoir colonial français n’a pas encore été rétabli. VIDÉO Vietnam, la fin de la guerre
Cette proclamation s’inspire des principes de la Décla-
ration d’indépendance nord-américaine de 1776 Questionnaire
(recherche du bonheur) et de ceux de la Révolution 1. Quel événement important se déroule le 30 avril 1975
française (liberté, égalité en droit et de naissance). Ces et où ?
principes ont été bafoués par la puissance coloniale La capitale du Sud-Vietnam, Saïgon, est prise par le FNL.
française.
2. Qui est victorieux et qui est vaincu ?
2. Cette guerre pour l’indépendance est également un Le mouvement vietcong (FNL) et les soldats du Nord-Viet-
conflit de guerre froide car, d’une part, Hô Chi Minh et nam. Les perdants sont l’armée sud-vietnamienne et les
le Vietminh se réclament de l’idéologie communiste Américains qui la soutiennent.
et, d’autre part, ils reçoivent le soutien en matériel et
3. Combien de temps a duré la guerre ?
conseillers venus de la Chine communiste et de l’URSS.
Près de trente ans.
De leur côté, les Français bénéficient d’une aide finan-
cière et matérielle nord-américaine considérable, 4. Quelle situation prend fin au Vietnam ?
justifiée par la lutte contre l’extension du communisme La séparation du pays en deux parties.
en Asie.
5. Qui est opposé durant la guerre d’Indochine et durant
3. Au fil du conflit, le rapport de force entre le Vietminh quelle période ?
et les troupes françaises s’équilibre. De plus, le Vietminh Les Français sont opposés au Vietminh d’Hô Chi Minh, de
parvient à s’implanter dans la plupart des campagnes 1946 à 1954.
du Vietnam, et leurs forces gagnent du terrain, au point 6. Pourquoi les États-Unis d’Amérique interviennent-ils
d’encercler les grandes villes du pays. au Vietnam et quand envoient-ils leurs troupes ?
Les Américains interviennent à partir de 1964 pour stop-
4. La paix est fragile parce que le Vietnam n’est toujours
per l’expansion du communisme en Asie.
pas réunifié. La séparation est provisoire et le pays reste
divisé en deux parties opposées, chacune pouvant être 7. Quelle grande puissance aide le Nord-Vietnam et le
tentée de réunifier le pays sous sa direction. FNL ?
L’URSS.
Synthèse
8. Quels sont les effets du conflit aux États-Unis ?
La guerre d’Indochine débute comme une guerre d’indé-
Le discrédit du président Lyndon B. Johnson et un fort
pendance au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
mouvement pour la fin de l’engagement américain et la
quand Hô Chi Minh proclame l’indépendance après le
paix au Vietnam.
départ des troupes japonaises. Mais les Français veulent
Histoire Tle © Hatier, 2020.

reprendre leur colonie et une guerre se déclenche entre 9. Quand se situe le tournant décisif de la guerre du Viet-
les troupes françaises et le Vietminh à la fin de l’année nam ?
1946. Début 1968, à l’occasion de l’offensive du Têt.
Dans un contexte de montée de la guerre froide et de 10. Quand les États-Unis se retirent-ils officiellement du
constitution des blocs, le Vietminh est aidé par l’URSS Vietnam ?
puis par la Chine, devenue communiste en 1949. De son En 1973, après la signature des accords de Paris.

5•7 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


Réponses aux questions p. 155 nombreuses (près de 2 millions de morts) et des images
de bombardements au napalm scandalisent l’opinion
Parcours 1 mondiale.
1. Les Américains interviennent au Vietnam pour éviter Finalement, les communistes vietnamiens l’emportent
que le Nord-Vietnam communiste, aidé par le Vietcong, après que les Américains ont commencé à retirer leurs
ne renverse le gouvernement du Sud-Vietnam et ne réu- troupes (1969-1973) puis signé les accords de Paris.
nifie le pays sous son autorité. Les soldats nord-vietnamiens et maquisards vietcongs
2. Les Américains aident l’armée sud-vietnamienne, prennent Saïgon en avril 1975, le régime pro-occidental
nombreuse mais inefficace, à faire face à l’Armée chute et le pays passe sous l’autorité des communistes,
nord-vietnamienne (ALN) qui opère avec les maquis ce qui constitue un échec pour les États-Unis et le bloc
vietcongs (FNL) composés de communistes sud-viet- de l’Ouest.
namiens. L’URSS et la République populaire de Chine Parcours 2
aident le Nord-Vietnam par l’envoi de matériel militaire
et de conseillers. I. La guerre d’Indochine, guerre d’indépendance
et conflit de guerre froide (1946-1954)
3. Les deux camps s’affrontent de différentes manières :
bombardements nord-américains sur le Nord-Vietnam A. Les forces en présence
et la piste Hô Chi Minh ; attaques nord-vietnamiennes La guerre d’Indochine débute comme une guerre
sur les villes du Sud-Vietnam et les bases militaires d’indépendance au lendemain de la Seconde Guerre
nord-américaines  ; guérilla des vietcongs contre les mondiale, quand Hô Chi Minh proclame l’indépen-
convois américains dans les campagnes avec leur dance après le départ des troupes japonaises. Mais
cortège de répression des États-Unis (déversement d’her- les Français veulent reprendre leur colonie et une
bicides – agent Orange – dans les zones où se cachaient guerre se déclenche entre les troupes françaises et le
les Vietcongs au Sud-Vietnam  ; massacres dans les vil- Vietminh à la fin de l’année 1946. Dans un contexte
lages supposées aider les Vietcongs…). de montée de la guerre froide et de constitution des
blocs, le Vietminh est aidé par l’URSS puis par la Chine,
4. Les États-Unis s’engagent de plus en plus massivement
devenue communiste en 1949. De son côté, la France
en hommes et en matériel après le vote de la résolution
est aidée de plus en plus massivement par les États-
du golfe du Tonkin (août 1964) mais, à partir de 1969,
Unis qui redoutent l’expansion du communisme en
la vietnamisation du conflit conduit le président Nixon à
Asie.
retirer des troupes, à négocier les accords de Paris (1973)
et à aider le Sud-Vietnam en armes. B. L’évolution de la guerre

5. La guerre du Vietnam se solde par un échec pour les La France bénéficie au début de la guerre d’une supé-
Occidentaux  : le Sud-Vietnam est incapable de faire riorité en matériel écrasante mais, au fil du temps,
face aux communistes qui prennent la capitale en 1975. le Vietminh, aidé par l’URSS et la République popu-
Le camp occidental a perdu un pays allié au profit du laire de Chine (RPC) rattrape son retard et parvient à
monde communiste. contrôler les campagnes vietnamiennes qui entourent
les grandes villes encore tenues par la France.
Synthèse
C. Un règlement incomplet du conflit
Dans ce conflit, qui s’étend de 1955 à 1975, les Améri-
La défaite française de Diên Biên Phu, en mai 1954,
cains aident l’armée sud-vietnamienne, nombreuse mais
conduit aux accords de Genève (juillet) qui séparent
inefficace, à faire face à l’Armée nord-vietnamienne
provisoirement le Vietnam en deux parties, avec au
(ALN) qui opère avec les maquis vietcongs (FNL) com-
nord le Vietminh qui fonde le Nord-Vietnam, et au sud
posés de communistes sud-vietnamiens. L’URSS et la
un territoire toujours sous influence française.
République populaire de Chine aident en matériel mili-
taire et en conseillers le Nord-Vietnam. Les Américains
envoient d’abord des conseillers militaires, puis des II. La guerre du Vietnam : un conflit nationaliste
troupes (jusqu’à 500 000 hommes en 1968). et de la guerre froide (1955-1975)

La guerre est d’une extrême violence : bombardements A. Les forces qui s’opposent
nord-américains sur le Nord-Vietnam et la piste Hô Chi Dans ce conflit, qui s’étend de 1955 à 1975, les Amé-
Minh  ; attaques nord-vietnamiennes sur les villes du ricains aident l’armée sud-vietnamienne, nombreuse
Sud-Vietnam et les bases militaires nord-américaines ; mais peu efficace, à faire face à l’Armée nord-viet-
Histoire Tle © Hatier, 2020.

guérilla des Vietcongs contre les convois américains namienne (ALN) qui opère avec les maquis vietcongs
dans les campagnes entrainant en retour des violences (FNL) composés de communistes sud-vietnamiens.
et massacres de l’armée américaine (agent Orange, L’URSS et la RPC aident en matériel militaire et en
exactions dans les villages, usage du bombardement conseillers le Nord-Vietnam. Les Américains envoient
au napalm –  bombes incendiaires  – aussi bien au Sud d’abord des conseillers militaires, puis des troupes,
qu’au Nord-Vietnam). Les victimes civiles sont très jusqu’à 500 000 hommes en 1968.

5•8 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


B. La violence de la guerre parce que l’Inde est une puissance rivale en Asie du Sud.
Ce conflit est d’une extrême violence  : bombarde- Elle est également en conflit avec l’URSS, pour des ques-
ments nord-américains sur le Nord-Vietnam et la piste tions frontalières (1969) et parce que la RPC dispute à
Hô Chi Minh  ; attaques nord-vietnamiennes sur les l’URSS la direction du monde communiste et lui reproche
villes du Sud-Vietnam et les bases militaires nord-amé- son attitude conciliante avec les États-Unis pendant la
ricaines  ; guérilla des vietcongs contre les convois détente (1962-1972).
américains dans les campagnes entraînant en retour
4. Selon la RPC, Taïwan est une île qui doit revenir à la
une répression aveugle de l’armée américaine contre
Chine continentale et non en être séparée et obéir à un
les Vietcongs mais aussi les villageois du Sud-Vietnam.
régime anticommuniste fondé par Tchang Kaï-chek, le
Les victimes civiles sont très nombreuses (près de
chef nationaliste vaincu par Mao en 1949.
2 millions de morts) et des images de bombardements
au napalm scandalisent l’opinion publique mondiale. 5. Pour les États-Unis, le rapprochement avec la Chine
C. Un échec pour les États-Unis et le bloc de l’Ouest de Mao présente l’avantage de diviser le monde commu-
niste, de jouer sur la rivalité en son sein et d’entretenir
Finalement, les communistes vietnamiens l’emportent
de bonnes relations avec l’URSS comme avec la Chine,
après que les Américains ont commencé à reti-
ce qui permet de faire avancer les négociations amé-
rer des troupes (dès 1969) puis signé les accords de
ricaines avec le Nord-Vietnam, influencé et aidé par
Paris (1973). Soldats nord-vietnamiens et maquisards
l’URSS et la RPC. Du côté chinois, le rapprochement
vietcongs prennent Saïgon en avril 1975, le régime
avec les États-Unis permet de lever le veto américain à
pro-occidental chute et le pays passe sous l’autorité
l’obtention par la RPC du siège de membre permanent
des communistes, ce qui constitue un échec pour les
du Conseil de sécurité de l’ONU, jusque-là détenu par
États-Unis et le bloc de l’Ouest.
Taïwan, et d’envisager à terme un rattachement de cette
île par la négociation à la Chine continentale. Les bonnes
pp. 156-157 Étude relations de la Chine populaire avec les États-Unis per-
mettent aussi de contrebalancer les mauvaises relations
La Chine de Mao : un nouvel acteur de celle-ci avec l’URSS en Asie.
international
Le point de passage sur les guerres d’Indochine et du
Synthèse
Vietnam avait abordé indirectement le rôle régional La Chine communiste intervient dans divers conflits de
de la République populaire de Chine (RPC), dirigée la guerre froide et de diverses manières  : intervention
(par intermittence) par Mao Zedong (doc.  1). La posi- militaire ouverte aux côtés des soldats communistes de
tion géographique (doc. 2) de la RPC, son engagement Corée du Nord contre les bataillons de l’ONU emmenés
tiers-mondiste (doc.  3) et son intervention militaire en par les États-Unis lors de la guerre de Corée (1950-
Corée (doc. 4) en font un acteur incontournable, rival de 1953)  ; aide matérielle et en conseillers en faveur des
l’URSS. Pour contrer l’influence soviétique, les États-Unis communistes vietnamiens, laotiens et cambodgiens lors
vont composer avec la Chine populaire (doc. 5), recon- des guerres d’Indochine puis du Vietnam (1950-1975).
naissant son existence et lui permettant de jouer un
La RPC cherche à étendre son influence auprès des pays
nouveau rôle à l’ONU.
du tiers-monde lors de la conférence de Bandoeng (avril
1955), en proclamant sa solidarité avec les peuples en
Réponses aux questions p. 157 lutte pour leur indépendance. La Chine cherche égale-
1. La Chine communiste intervient dans divers conflits ment à étendre son influence par le gain de nouveaux
de la guerre froide et de diverses manières : intervention territoires à ses frontières, au besoin par la guerre  :
militaire ouverte lors de la guerre de Corée (1950-1953) invasion du Tibet (1950), conflits frontaliers avec l’Inde.
aux côtés des soldats communistes de Corée du Nord ; Du coup, ses projets rencontrent diverses oppositions
aide matérielle et en conseillers auprès des commu- et provoquent des tensions  : elle se trouve en conflit
nistes vietnamiens, laotiens et cambodgiens lors des avec l’Inde pour des questions frontalières (Arunachal
guerres d’Indochine puis du Vietnam (1950-1975). Pradesh, Aksai Chin), sachant que l’Inde est une puissance
rivale en Asie du Sud et au sein du tiers-monde. La Chine
2. La Chine de Mao cherche à étendre son influence de Mao, d’abord alignée derrière Staline, est également
auprès des pays du tiers-monde lors de la conférence de en conflit avec l’URSS pour des questions frontalières
Bandoeng (avril 1955), en proclamant sa solidarité avec (1969), mais aussi parce que la RPC dispute à l’URSS la
les peuples en lutte pour leur indépendance. La Chine direction du monde communiste et lui reproche une atti-
Histoire Tle © Hatier, 2020.

cherche également à étendre son influence par le gain tude trop conciliante avec les États-Unis lors de la crise
de nouveaux territoires à ses frontières, au besoin par la de Cuba par exemple (1962), puis à mesure que s’affirme
guerre : invasion du Tibet (1950), conflits frontaliers avec la détente entre les États-Unis et l’URSS.
l’Inde en 1962, avec l’URSS en 1969.
Néanmoins, au début des années 1970, la Chine de Mao
3. La RPC est en conflit avec l’Inde pour des questions se rapproche de l’Amérique de Richard Nixon et une
frontalières (Arunachal Pradesh, Aksai Chin), mais aussi visite de ce dernier en Chine est même organisée en

5•9 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


février 1972, avec une rencontre du président américain mandos) car elle se rend compte que les pays arabes,
avec Mao et des entretiens avec le chef de la diploma- écrasés par Israël en 1967, ne sont plus en mesure d’ob-
tie chinoise, Zhou Enlai. Ce rapprochement présente de tenir ces résultats pour les Palestiniens et qu’elle ne peut
nombreux avantages d’un côté comme de l’autre. Pour plus compter sur eux.
les États-Unis, le rapprochement avec la RPC présente
l’avantage de diviser le monde communiste, de jouer sur 5. La guerre du Kippour est déclenchée par les pays
la rivalité en son sein, et d’entretenir de bonnes relations arabes voisins d’Israël pour reprendre les territoires per-
tant avec l’URSS qu’avec la Chine, ce qui permet de faire dus en 1967. Ils attaquent par surprise, comme Israël en
avancer les négociations américaines avec le Nord-Viet- 1967, mais le bilan est mitigé, car les troupes arabes sont
nam, influencé et aidé par l’URSS et la RPC. Du côté à nouveau mises en échec.
chinois, le rapprochement avec les États-Unis permet Synthèse
de lever le veto américain à l’obtention par la RPC du
siège de membre permanent du Conseil de sécurité de Les conflits du Proche-Orient sont nombreux (en 1948-
l’ONU jusque-là détenu par Taïwan  ; cela permet aussi 1949, 1956, 1967 et 1973) car des puissances régionales
d’envisager à plus long terme un rattachement de cette n’ont cessé de s’y affronter. Les conflits opposent d’abord
île par la négociation à la Chine continentale. Les bonnes les pays arabes hostiles à la création d’un État d’Is-
relations avec les États-Unis permettent enfin de contre- raël (1948-1949), puis l’Égypte aux pays européens qui
balancer ses mauvaises relations avec l’URSS en Asie. contrôlent le canal de Suez ainsi qu’à Israël, enfin Israël
aux pays arabes (Égypte, Jordanie, Syrie) qui contestent
son existence, à quoi s’ajoute, à partir de la défaite
pp. 158-159 Étude
arabe de 1967, la lutte armée entreprise contre l’OLP
Les conflits du Proche-Orient jusqu’aux pour obtenir un territoire (les frontières du mandat bri-
tannique), un État indépendant, et le retour des réfugiés
années 1970
palestiniens sur leur terre.
Le Proche-Orient est, avec l’Asie, l’une des régions du
monde où s’affirment des acteurs régionaux issus de Le Proche-Orient a été, des années 1950 aux années
la décolonisation et moins inféodés aux deux Grands. 1970, un foyer d’instabilité dans le monde. Les Occi-
L’Égypte de Nasser illustre ce cas et son hostilité envers dentaux ont dû laisser le contrôle du canal de Suez à
Israël se trouve au cœur des multiples conflits qui agitent Nasser, qui a pu financer de grands travaux pour conso-
la région jusqu’aux années 1970. lider l’économie égyptienne. Mais Nasser a été mis en
échec en 1967, et l’Égypte et les autres pays arabes voi-
Réponses aux questions p. 159 sins d’Israël n’ont pu empêcher cet État d’occuper des
territoires importants (Cisjordanie et Jérusalem, Golan,
1. Les enjeux de la nationalisation du canal de Suez en Sinaï). Même l’offensive surprise de 1973 menée pendant
1956 sont le financement (par les taxes perçues pour la fête juive de Kippour n’a pas abouti à l’affaiblissement
le passage des navires par le canal) des grands travaux d’Israël. La tension dans la région reste très vive, d’autant
du barrage d’Assouan qui apportera des ressources en qu’à partir de la fin des années 1960, l’OLP engage une
électricité et étendra les surfaces cultivables par la sup-
lutte armée contre Israël pour faire valoir les droits du
pression de la crue du Nil. La nationalisation entraîne le
peuple palestinien.
retour aux Égyptiens d’une installation qu’ils ont contri-
bué à bâtir et qui se trouve sur le territoire égyptien,
et l’effacement de l’influence coloniale dans le pays, pp. 160-161 Point de passage
puisque le canal était aux mains d’intérêts étrangers
(franco-britanniques) très présents en Égypte depuis la
L’année 1968 dans le monde
fin du xixe siècle. L’année 1968 est une année de contestation mondiale
dont les événements sont exposés dans le document 4.
2. Les Français et les Britanniques sont lésés par la natio- Mais dans le cadre du chapitre, il s’agit avant tout de
nalisation du canal de Suez, et les Israéliens considèrent montrer pourquoi on peut considérer l’année 1968
l’Égypte de Nasser comme un ennemi résolu à faire dis- comme un moment fort dans la remise en cause de l’in-
paraître leur État. fluence des deux Grands dans le monde et des tutelles
qu’ils exercent au sein de leur camp respectif.
3. La guerre des Six Jours est un échec sévère pour les
pays arabes voisins d’Israël  : l’Égypte perd le désert du
Sinaï, la Syrie perd le Golan et la Cisjordanie est occupée
Réponses aux questions p. 161
Histoire Tle © Hatier, 2020.

par Israël qui s’empare également de Jérusalem. Parcours 1


4. L’objectif de l’OLP est de donner aux Palestiniens un 1. Les principaux acteurs concernés par les événements
territoire et un État et de permettre le retour des popula- de 1968 sont la jeunesse étudiante en Amérique (États-
tions palestiniennes chassées par les victoires militaires Unis, Mexique), dans les pays occidentaux (y compris
israéliennes de 1959 et 1967. L’OLP engage la lutte le Japon) mais aussi en Europe orientale (Pologne,
armée (appels à la violence et à la constitution de com- Tchécoslovaquie), les Noirs américains et certains

5•10 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


athlètes présents aux Jeux olympiques de Mexico. La vio- férent de celui établi en URSS au sein d’une démocratie
lence se produit dans des soulèvements (ghettos noirs populaire.
américains) et des manifestations, dans la répression
Ces événements s’accompagnent d’une violence lors des
des manifestations par les gouvernements (Mexique,
soulèvements (ghettos noirs américains) et des manifes-
Tchécoslovaquie) et par des attentats contre des figures
tations, mais aussi dans la répression de celles-ci par les
telles que le pasteur américain Martin Luther King ou le
gouvernements (Mexique, Tchécoslovaquie) et par des
démocrate américain Bob Kennedy. attentats contre des figures telles que le pasteur améri-
2. Les jeunes ont de plus en plus le sentiment qu’ils se cain Martin Luther King ou le démocrate américain Bob
battent pour un conflit qui ne les regarde pas et l’impres- Kennedy.
sion qu’ils ont été trompés par le discours de l’État. La Les répercussions de ces événements sont surtout la fra-
motivation anticommuniste de l’engagement militaire gilisation de la position des deux Grands dans le monde
est de plus en plus discutée, alors que des atrocités s’y et au sein de leurs camps respectifs : la guerre menée par
déroulent, que le conflit s’enlise et que la victoire semble les États-Unis au Vietnam est critiquée de toutes parts,
hors de portée après la spectaculaire offensive commu- notamment dans le monde occidental, d’autant que l’of-
niste du Têt début 1968. fensive du Têt montre qu’elle ne peut pas être gagnée
par les Américains. L’URSS s’est déconsidérée dans l’opi-
3. Les manifestations contre la guerre du Vietnam se nion par son intervention brutale en Tchécoslovaquie, de
déroulent surtout dans les grands pays d’Europe et d’Asie nombreux partis communistes réprouvent cette initiative
alliés aux États-Unis, et au sein de la jeunesse étudiante, et des pays communistes la condamnent, alors que la
souvent influencée par le maoïsme. Les conséquences Roumanie a refusé de se joindre aux troupes du pacte de
sont que les opinions publiques ne font pas bloc derrière Varsovie, et que l’Albanie l’a quitté après l’intervention.
les États-Unis pour mener à bien la lutte armée contre le
Nord-Vietnam, jugée « impérialiste ». Parcours 2
L’opposition à la guerre du Vietnam aux États-Unis et
4. Les tensions raciales aux États-Unis se traduisent par
dans le monde
des émeutes dans les grandes villes, qui éclatent en 1968
après l’assassinat du dirigeant noir Martin Luther King. Les manifestations contre la guerre du Vietnam se
Les revendications des Noirs sont spectaculaires aux déroulent surtout dans les grands pays d’Europe et
Jeux olympiques de Mexico quand deux athlètes noirs d’Asie alliés aux États-Unis, et au sein de la jeunesse étu-
américains victorieux, lèvent leur poing ganté de noir, diante souvent influencée par le maoïsme qui dénonce
sur le podium au moment de l’hymne américain, pour l’«  impérialisme  » nord-américain. C’est notamment le
mettre en lumière les discriminations dont souffrent les cas au Japon, où 170  universités sont touchées, car le
Afro-américains. Japon est une base arrière importante pour les troupes
américaines servant au Vietnam et le principal allié des
5. L’URSS intervient en Tchécoslovaquie avec des États-Unis en Asie.
troupes du pacte de Varsovie pour mettre fin au « socia- L’opposition à la guerre du Vietnam aux États-Unis
lisme à visage humain » de Dubcek, qui risquerait de se s’explique d’abord parce que les États-Unis sont massi-
répandre dans toutes les démocraties populaires et de vement engagés dans ce conflit et qu’une large partie
déboucher sur une demande de sortie du pacte de Var- de la jeunesse est susceptible d’aller servir sous les dra-
sovie. Cette intervention affaiblit le bloc communiste, peaux, la conscription ayant été rétablie. De plus des
car il se montre très divisé devant l’initiative soviétique : atrocités s’y déroulent, alors que le conflit s’enlise et que
de nombreux partis et pays communistes condamnent la victoire semble hors de portée après la spectaculaire
l’invasion, et l’Albanie quitte le pacte de Varsovie. offensive communiste du Têt début 1968. Beaucoup de
jeunes se questionnent sur le sens de cette guerre loin
Synthèse
des États-Unis.
Les événements de 1968 touchent pratiquement toutes
Les manifestations étudiantes de mai 1968 en France
les parties du monde et se déroulent dans les deux
En France, les manifestations de mai 1968 sont partiel-
camps dominés par les États-Unis et l’URSS.
lement liées au mouvement de contestation contre la
Ces événements font intervenir l’opinion (occidentale guerre du Vietnam, mais elles ont d’autres explications,
et notamment nord-américaine), le monde étudiant en propres à la situation française :
Amérique (États-Unis, Mexique), dans les pays occiden- – lassitude face à la présidence du général de Gaulle,
taux (y compris le Japon) mais aussi en Europe orientale un président âgé, au pouvoir depuis 10 ans, dont la pra-
Histoire Tle © Hatier, 2020.

(Pologne, Tchécoslovaquie), les Noirs américains et cer- tique autoritaire du pouvoir dans une Ve  République
tains athlètes présents aux Jeux olympiques de Mexico. présidentielle exaspère une large partie de l’opinion,
Les motivations de ces événements sont liées à différents notamment les jeunes ;
facteurs selon les régions du monde  : contestation de – volonté d’émancipation par rapport aux autorités
l’engagement américain au Vietnam  ; tensions raciales et hiérarchies traditionnelles (familiales, patronales,
aux États-Unis ; riposte à une tentative de socialisme dif- ecclésiastiques, universitaires) encore très rigides

5•11 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


envers une jeunesse de plus en plus nombreuse dans Partie I. La menace qui pèse sur les États-Unis
la population totale ; L’installation de missiles soviétiques à la demande de
– questionnement intellectuel sur l’épanouissement Cuba est révélée par le survol d’un avion espion améri-
et le bien-fondé des débouchés professionnels propo- cain U2 au-dessus de l’île le 14 octobre 1962.
sés à l’individu dans une économie de marché entrée
Cette demande de Fidel Castro fait suite à la tentative
dans l’ère de la production et de la consommation de
de déstabilisation du régime socialiste qu’il dirige depuis
masse (crédit, consommation, publicité).
1959, avec le débarquement d’anticastristes à la baie des
Les tensions raciales aux États-Unis Cochons, qui s’est avéré un échec en avril 1961.
Les tensions raciales aux États-Unis – très vives depuis le Les photographies prises révèlent au président Kennedy
milieu des années 1950 et le combat pour la déségréga- que cette installation est bien engagée –  avec 5 bases,
tion mené par Martin Luther King – se traduisent par des 24  missiles et 15 plates-formes de lancement des
émeutes dans les grandes villes. En 1968, elles éclatent fusées – et qu’elle expose à un bombardement nucléaire
après l’assassinat de Martin Luther King à Memphis en une large partie du territoire des États-Unis. C’est la pre-
avril. Les revendications des Noirs sont d’autant plus mière fois qu’une menace nucléaire si rapprochée du
spectaculaires qu’aux JO, deux athlètes noirs victorieux territoire américain est mise à jour.
baissent la tête et lèvent le poing ganté de noir sur le
podium au moment de l’hymne américain. Ils mani- Partie II. Les moyens utilisés pour répondre à cette
festent ainsi leur soutien au combat du Black Panther menace
Party et leur sympathie pour le programme du Black Dans ces conditions, l’administration américaine riposte
Power, qui a émergé au milieu des années 1960. immédiatement par des mesures de représailles gra-
Le printemps de Prague et sa répression duées :

L’URSS intervient en Tchécoslovaquie à la tête de – poursuite des vols d’avions U2 et blocus total de l’île
troupes du pacte de Varsovie pour mettre fin à une expé- par les flottes aériennes et navales américaines pour
rience de socialisme différent de celui établi en URSS, empêcher tout nouvel acheminement de matériel
et qui risquerait de se répandre dans toutes les démo- balistique, notamment des ogives nucléaires sovié-
craties populaires et s’accompagner d’une demande de tiques adaptables aux missiles ;
sortie du pacte de Varsovie. L’URSS annule les libertés – toute violation de l’embargo par un navire sovié-
concédées par Dubcek et impose à la Tchécoslovaquie tique entraînerait son interception, toute initiative
la «  doctrine de la souveraineté limitée  » qui restreint militaire de Cuba depuis ces installations entraînerait
considérablement les marges de réforme dans toutes les le feu nucléaire américain sur l’île ;
démocraties populaires d’Europe. – exigence du démantèlement immédiat des fusées
Ce faisant, l’URSS s’est déconsidérée en Tchécoslovaquie installées sur l’île de Cuba et rapatriement en URSS.
et dans l’opinion mondiale par son intervention brutale Pour mettre en œuvre sa décision, le président peut
pour écraser le printemps de Prague. De nombreux par- compter sur divers atouts, liés à la position acquise par
tis communistes réprouvent cette initiative et des pays les États-Unis durant la guerre froide :
communistes la condamnent, alors que la Roumanie de
– une opinion américaine informée par une allocution
Ceausescu a refusé de se joindre aux troupes du pacte de
radio et télédiffusée (doc. 3 p. 145) et qui soutient mas-
Varsovie, et que l’Albanie l’a quitté après l’intervention,
sivement Kennedy ;
pour se rapprocher de la Chine de Mao.
– la position américaine est diffusée dans plusieurs
dizaines de langues dans le monde pour prendre à
pp. 164-166 Exercices BAC témoin l’opinion mondiale ;
– le soutien des alliés de guerre froide traditionnels
Analyse de documents p. 164
des États-Unis  : les pays signataires du traité Atlan-
Introduction tique nord et une majorité d’États d’Amérique latine.
Les documents proposés sont deux tableaux résumant Partie III. La solution trouvée à la crise
des informations tirées d’un manuel universitaire ainsi
Forts de ces atouts, les États-Unis parviennent à sortir à
que l’extrait d’un message entre le principal dirigeant
leur avantage de cette crise de guerre froide.
soviétique de l’époque, Nikita Khrouchtchev, et son
homologue cubain, Fidel Castro, au cours de la crise de En situation d’infériorité stratégique (nucléaire) vis-à-
Cuba (fin octobre 1962). vis des États-Unis (doc. 5 p. 145), l’URSS va négocier une
Histoire Tle © Hatier, 2020.

Le sujet consiste à examiner les aspects de la crise de sortie de crise plutôt que de risquer une escalade de la
Cuba qui en font une crise de la guerre froide, ainsi que tension avec les Américains et risquer un bombarde-
la manière dont cette crise fut résolue. ment nucléaire américain dévastateur de Cuba, voire de
N. B. : Les connaissances et les documents utiles se trouvent l’URSS. Il ordonne aux navires soviétiques en route pour
aux pp. 144-145 du manuel (Point de passage « 1962 : la Cuba de stopper (24 octobre) puis de rebrousser che-
crise des missiles de Cuba ») et p. 147 (cours n° 1). min (25 octobre) sans violer l’embargo, puis négocie le

5•12 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


démantèlement des installations balistiques soviétiques Partie I. 1968 signe l’échec américain au Vietnam
à Cuba contre celui des missiles américains pointés sur L’ampleur de l’offensive du Têt, menée par le Nord-Viet-
l’URSS depuis la Turquie. nam et le Vietcong de janvier à mars 1968, conduit les
Nikita Khrouchtchev s’emploie ensuite à apaiser Fidel autorités militaires américaines à reconnaître que la
Castro, furieux de l’intensification des vols d’avions guerre est désormais impossible à remporter. Alliées à
espions U2 et des menaces américaines planant une armée sud-vietnamienne défaillante, les troupes
au-dessus de l’île, en lui faisant valoir les avantages américaines ont finalement repoussé l’offensive surprise
du compromis qu’il a trouvé  : promesse américaine de des communistes, mais avec difficulté. Les répercussions
non-attaque de l’île et garantie du maintien du régime de cette opération sont considérables  : une victoire
castriste à Cuba. Il n’en reste pas moins qu’il a négocié la américaine sur un adversaire communiste en mesure de
sortie de crise sans en référer à Castro. déclencher une offensive d’une telle ampleur est impos-
sible. Dès lors, quelles peuvent être les issues au conflit ?
Conclusion
Politiquement comme militairement, une intensification
Cette crise est bien une crise de guerre froide :
du conflit n’est plus envisageable :
– elle oppose la puissance dominante du camp occi-
– impossible d’envoyer des contingents supplémen-
dental à celle du monde communiste, par le biais d’un
taires (les soldats américains sont déjà plus d’un
régime castriste soutenu par l’URSS sur une question
demi-million sur place) ;
sensible, celle des armements nucléaires où les deux
grands se livrent à une rude compétition ; – de plus, les bombardements intensifs (depuis l’opé-
ration Rolling Thunder, 1965) du Nord-Vietnam par
– son déroulement met bien en valeur le contexte de
les B 52 américains – destinés à faire plier le Nord et
guerre froide, dans la mesure où elle oppose le camp
l’amener à négocier  – soulèvent l’indignation dans
occidental, solidaire des États-Unis, et le monde com-
l’opinion mondiale, notamment occidentale. De plus,
muniste où la Chine, les démocraties populaires et le
c’est un échec, car le Nord-Vietnam n’a pas renoncé
Nord-Vietnam appuient Cuba et l’URSS ;
pas à sa lutte armée pour réunifier sous son égide l’en-
– c’est un sommet de la guerre froide car, pour la semble du Vietnam (cf. offensive du Têt).
première fois, les deux Grands sont en situation de
s’affronter directement, puisque l’embargo américain Politiquement, l’opinion américaine, initialement assez
concerne des navires soviétiques et non plus seulement favorable à cet engagement au nom d’un anticommu-
par pays interposés (Allemagnes, Corées, Indochine). nisme largement répandu (bien avant la guerre froide),
se divise et se polarise de plus en plus nettement.
Portée de la crise :
D’une part, beaucoup réalisent que les pronostics opti-
– l’URSS démantèle et retire ses installations balis-
mistes d’une guerre victorieuse dans un avenir proche
tiques de Cuba, mais entame ensuite un considérable
faits par les dirigeants politiques (Johnson) et militaires
programme d’équipement nucléaire (doc.  5 p.  145)
(Pentagone, généraux sur place) américains sont tota-
pour ne plus se retrouver dans la situation d’infério-
lement démentis par les faits, et que ces derniers ont
rité qui a été la sienne lors de la crise de Cuba et l’a
dissimulé la situation, voire menti à l’opinion. D’autre
contrainte à céder ;
part, bien des Américains sont effrayés puis révoltés par
– si les États-Unis s’abstiennent de déstabiliser ouver-
les chiffres élevés de victimes (500 par semaine en 1968)
tement le régime castriste, ils poursuivent jusqu’à
parmi les boys partis servir au Vietnam, qui sont annon-
nos jours un effort pour en asphyxier l’économie,
cés tous les jours aux informations, à quoi viennent
interdisant à toute entreprise ayant des intérêts aux
s’ajouter les images d’avions militaires rapatriant les
États-Unis à traiter avec Cuba.
cercueils métalliques contenant les dépouilles, mon-
trées à la télévision (média de masse de l’époque, qui
Analyse de document p. 165 équipe 99 % des foyers américains) aux heures de grande
Introduction écoute. En 1968, le nombre des victimes (blessés et tués)
a dépassé celui atteint durant la guerre de Corée, quand
Le document proposé est tiré d’un ouvrage d’histoire
les troupes américaines avaient lutté sous la bannière
paru en 2005 et consacré à l’année 1968 dans le monde.
de l’ONU contre la Corée du Nord épaulée par la Chine
Cet extrait est centré sur les répercussions de la guerre
communiste de 1950 à 1953.
du Vietnam sur la superpuissance nord-américaine.
Nous verrons en quoi consistent les tensions de 1968 Enfin, le cortège d’exactions qui accompagne ce conflit
aux États-Unis et dans le monde, puis quelles en sont les achève de convaincre une large partie de l’opinion que la
Histoire Tle © Hatier, 2020.

répercussions. guerre du Vietnam méprise les idéaux d’une démocratie


N. B.  : Les connaissances et les documents utiles pour dont les États-Unis se réclament pourtant : les massacres
cette analyse de document se trouvent aux pp. 154-155 comme celui de My Lay (révélé ultérieurement) sont liés
(Point de passage « B. La guerre du Vietnam 1955-1975 »), au fait que les soldats américains font face à une gué-
pp.  160-161 (Point de passage «  L’année 1968 dans le rilla vietcong bien implantée dans les campagnes, et
monde ») et p. 163 (cours n° 2). bénéficiant du soutien (de gré ou de force) d’une par-

5•13 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


tie de la population civile sud vietnamienne, sensible nam, qui tous militent contre la guerre du Vietnam. Ces
à la perspective d’unité nationale. Dans l’incapacité mouvements de protestation appuient la candidature
de débusquer un ennemi insaisissable et qui l’assaille démocrate anti-guerre du Vietnam, incarnée par le séna-
sans cesse en terre étrangère, des troupes américaines teur Eugene McCarthy.
en viennent à se venger sur des civils désarmés au nom
Les États-Unis sont une «  maison divisée  » mais aussi
d’une supposée complicité, comme ce fut le cas à My
affaiblie économiquement. En effet, la puissance finan-
Lay, après un accrochage meurtrier avec l’ennemi. Ces
cière et monétaire des États-Unis est considérablement
épisodes peu glorieux sont rapportés par des témoins et affectée par un conflit qui dure depuis plus de 4  ans,
par une presse qui couvre le conflit de manière très com- dans la mesure où l’engagement vietnamien est financé
plète, et qui est très présente sur place. au moyen des réserves américaines en or, gages d’une
Partie II. Les répercussions considérables du conflit aux monnaie solide (puisque le dollar est convertible). Or
États-Unis en 1968 la situation n’est plus du tout celle de 1945 où le dollar
était « roi » et les réserves en or du pays représentaient
Paraphrasant le président républicain Abraham Lincoln
les trois quarts des réserves mondiales. L’affaiblisse-
(discours de 1858), le sénateur J. W. Fulbright a déclaré
ment de la position américaine a des répercussions
que les États-Unis étaient, 110 ans plus tard, une « maison
sur les marchés, d’autant qu’aucune issue au conflit
divisée » comme jamais depuis la guerre de Sécession.
n’est encore perceptible. Certes, le président Johnson a
Le président Johnson tire les leçons de son échec. Il est annoncé en mars 1968 qu’il commençait la « vietnami-
celui qui a engagé ouvertement les États-Unis dans la sation  » du conflit, mais rien ne dit que son successeur
guerre du Vietnam, après qu’il a fait voter par le Congrès la mettra en œuvre, et de toute façon cette orientation
la résolution du golfe du Tonkin (août 1964). C’est sous son consiste à retirer des troupes américaines mais à soute-
autorité que des contingents de plus en plus importants nir financièrement et en matériel militaire le régime et
de soldats américains ont été envoyés en Asie du Sud-Est, l’armée sud-vietnamienne, ce qui engendre encore des
afin de lutter contre l’expansion du communisme. John- coûts pour les Américains.
son a succédé à Kennedy assassiné en novembre 1963,
Si aux États-Unis, la guerre du Vietnam marque en 1968
puis a été élu à l’élection présidentielle de 1964. un tournant qui a des répercussions profondes sur la vie
Or 1968 est une année importante pour les États-Unis, car politique américaine et sur sa puissance économique,
l’élection présidentielle doit se dérouler en novembre. d’autres événements non moins importants se déroulent
Début 1968, Johnson mesure son impopularité au sein aussi, ailleurs, au même moment.
même de son propre parti lors des primaires qui l’op-
Partie III. 1968, une année capitale dans un monde agité
posent à un adversaire démocrate peu connu – Eugene
McCarthy – mais très hostile à la guerre du Vietnam, qui Il est d’abord fait allusion aux événements de Tchécoslo-
le met en difficulté dès le scrutin du New Hampshire, vaquie, où le dirigeant communiste Dubcek entend
alors que Johnson avait remporté triomphalement la procéder à des réformes (libertés accrues) qui éloignent
présidentielle 4 ans plus tôt ! cette démocratie populaire des dictatures à parti unique
installées par l’URSS depuis 1946. Cette politique de
Dans ces conditions, fait rarissime dans l’histoire poli- « socialisme à visage humain » provoque l’enthousiasme
tique américaine, le président sortant décide de ne pas se de la jeunesse tchèque, qui manifeste dans les rues son
représenter. Ce retrait est analysé comme la conséquence soutien aux mesures adoptées par Dubcek et bouscule
directe des échecs de la politique de Johnson au Vietnam parfois les forces de l’ordre, peu habituées à ce genre de
(voir partie I.), puisqu’on lui reproche des prédictions opti- situation. Mais la situation tchèque inquiète considéra-
mistes sur l’issue rapide et victorieuse dans ce conflit. De blement les dirigeants soviétiques, Brejnev en tête, car
son côté, le républicain Richard Nixon débute sa cam- ils craignent que l’exemple tchèque ne remette en cause
pagne en affirmant posséder une solution pour sortir les le « socialisme réel » établi dans les démocraties popu-
États-Unis du conflit, tout en se gardant bien de l’exposer, laires, en Pologne notamment où se produit un regain de
pour ne pas en compromettre les chances (on s’aperce- protestation. Une évolution de la situation sur le modèle
vra plus tard que cette solution est la vietnamisation du de l’insurrection hongroise de novembre 1956 est redou-
conflit, déjà annoncée par Johnson en mars 1968). tée par l’URSS car dans ce cas, les Hongrois avaient
Il n’est pas étonnant que la Pravda, organe du PCUS, réclamé de quitter le pacte de Varsovie.
dans un pays (URSS) engagé aux côtés du Nord-Viet- D’importants mouvements agitent la jeunesse étudiante
nam (expertise et matériel militaires), analyse ce retrait occidentale. Ils ont débuté en Italie où les universités
comme la conséquence directe de l’enlisement militaire ont été fermées et les manifestations se multiplient. En
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américain au Vietnam. En tout cas, dans les États-Unis de France, le mouvement du 22 mars dans l’université de
ce début d’année 1968, la situation politique est pertur- Nanterre a déjà mis sur le devant de la scène l’étudiant
bée par l’engagement croissant de la jeunesse (exposée Daniel Cohn-Bendit. Le mécontentement étudiant est en
à la conscription), du monde étudiant, des minorités partie motivé par la guerre du Vietnam, dans la mesure
raciales (Noirs américains proportionnellement plus où on dénonce l’« impérialisme américain » dont l’illus-
engagés dans le conflit) et les vétérans de retour du Viet- tration est l’engagement militaire en Asie du Sud-Est.

5•14 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


C’est également ce qui explique le développement de (cf. programme de Seconde) et une démocratie garan-
cette protestation étudiante au Japon, car ce pays est une tissant des libertés politiques assez étendues. En outre,
base arrière très importante pour la flotte américaine qui les États-Unis affirment leur croyance dans les vertus
opère au Vietnam. Les étudiants marquent leur solidarité de l’économie de marché et la liberté des échanges.
avec un peuple vietnamien victime des bombardements De l’autre, l’URSS dirigée par Staline depuis la fin des
nord-américains, de la déforestation par l’agent orange, années 1920 se réclame du marxisme et d’une révo-
mais aussi avec la résistance des vietcongs sud-vietna- lution bolchevique mise en œuvre par Lénine. C’est
miens et des dirigeants nord-vietnamiens. Ce soutien est également une république mais le régime politique
lié au fait qu’une partie de la jeunesse occidentale voue est une dictature de parti unique (PCUS) qui pratique
un véritable culte à Mao et à la Chine de la Révolution un culte de la personnalité effréné envers Staline,
culturelle (1966-1976), qui envoie conseillers et maté- considéré comme le constructeur du socialisme et le
riel militaires au Nord-Vietnam en guerre et ne cesse de principal vainqueur du IIIe Reich. Le régime soviétique
dénoncer les menées américaines et la mollesse de la prive ses citoyens de libertés et les expose à la Terreur,
lutte anti-impérialiste menée par l’URSS, accusée de pré- orchestrée par les purges staliniennes et menée à bien
férer la détente à la confrontation. par la police politique (NKVD puis MVD), aboutissant
Conclusion à la constitution d’un gigantesque complexe concen-
trationnaire appelé Goulag, où sont détenus près de
L’année 1968 est bien une année-charnière et capitale, en
5  millions de personnes au début des années 1950.
raison de toutes les tensions qui traversent les États-Unis
Enfin, l’économie soviétique a connu des réformes
comme le reste du monde. Aux États-Unis, l’échec de l’enga-
importantes sous Staline : la collectivisation de l’agri-
gement militaire au Vietnam est patent sur le plan militaire,
culture (kolkhozes) et de l’industrie, la planification
il perturbe beaucoup la vie politique ainsi que les assises
impérative, le développement d’un État tout-puissant
financières et monétaires de la puissance nord-américaine.
en matière économique, aux antipodes de l’économie
De plus, la guerre du Vietnam alimente une protestation
américaine.
qui ne se limite pas en 1968 aux États-Unis : la jeunesse
occidentale intensifie sa mobilisation, notamment dans Ainsi, lorsque la rupture entre les États-Unis et l’URSS
les universités (Italie, France, Japon, RFA). Enfin, dans le est consommée, le monde tend à se polariser vers l’un
monde communiste, le modèle politique établi dans les ou l’autre des deux modèles. Dans les pays d’Europe
démocraties populaires par l’URSS depuis Staline est une occidentale ainsi qu’au Japon occupé par les Améri-
nouvelle fois mis à l’épreuve (après l’insurrection hon- cains, ces derniers ont favorisé le retour à des régimes
groise de 1956) : la Tchécoslovaquie, dirigée par Dubcek, représentatifs comparables au leur, qu’il s’agisse de
suit une voie politique libérale, dont les dirigeants sovié- républiques (France, Italie, RFA) ou de monarchies
tiques s’inquiètent de plus en plus ouvertement. (Japon). De plus, les États-Unis soutiennent par les 12
milliards de dollars du plan Marshall l’effort de recons-
La fin des années 1960 verra-t-elle l’accentuation ou un truction des économies de marché dans tous ces pays,
coup de frein donné à ces tendances ? qui se coordonnent dans l’OECE. Le but recherché par
les États-Unis est de reconstruire des économies en
Question problématisée p. 166 mesure de commercer avec une économie américaine
Introduction florissante et en recherche de débouchés, tout en lut-
tant contre les progrès du communisme. Les dirigeants
La guerre froide, qui a éclaté juste avant 1948, marque le américains redoutent en effet que le communisme
monde de son empreinte. Elle oppose les deux Grands, prospère là où subsisteraient les difficultés maté-
les États-Unis et l’URSS, et leurs alliés respectifs. À l’autre rielles d’après-guerre en Europe, notamment dans
extrémité de la période, l’année 1975 constitue l’apogée des pays où les partis communistes sont forts (Italie,
de la détente entre les deux Grands. En même temps, France). Les Américains veulent également établir des
durant cette période, de nombreuses colonies accèdent relations diplomatiques et militaires fortes avec les
à l’indépendance jusqu’en 1975 où la décolonisation est pays de leur camp. Pour cela, ils concluent avec eux
presque achevée. des pactes ou des traités d’alliance (traité de l’Atlan-
Dans ces conditions, quelles sont les divisons du monde tique nord, pacte de Rio, pacte de Bagdad...) articulés
entre 1948 et 1975 ? sur des organisations militaires (OTAN, ANZUS, OTASE)
Nous verrons que le monde se divise en deux blocs, mais permettant d’établir un réseau encerclant le monde
qu’un troisième monde apparaît avec la décolonisation. communiste, dans le but d’endiguer cette menace.
Partie I. Le monde se divise en deux L’URSS installe –  là où l’Armée rouge et les partis
Histoire Tle © Hatier, 2020.

communistes locaux sont puissants (Europe centrale


A. Les deux superpuissances victorieuses des dictatures et orientale)  – des démocraties populaires dont les
fascistes en 1945 offrent des visages radicalement dif- dirigeants, progressivement purgés, sont des stali-
férents. niens dociles. Les économies de ces pays intègrent
D’un côté, les États-Unis d’Amérique sont une répu- le COMECON qui régit leurs relations industrielles
blique fédérale héritée de la guerre d’Indépendance et commerciales avec l’URSS, devenue leur principal

5•15 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


partenaire économique. Sur le plan diplomatique et effort militaire américain. La guerre du Vietnam,
militaire, l’URSS signe en 1955 avec ses satellites le qui dure jusqu’en 1975, n’a aucune incidence sur la
pacte de Varsovie, riposte à l’OTAN. Le monde com- détente entre les États-Unis et l’URSS, ni même sur le
muniste s’étend considérablement avec la victoire rapprochement entre la Chine de Mao et les États-Unis
de Mao qui proclame en octobre 1949 la République du président Nixon qui se rend en RPC en 1972.
populaire de Chine (RPC) et se range dans un premier
Transition : À partir de 1948, on observe donc la division
temps derrière l’URSS de Staline. Un pacte d’alliance
assez nette du monde en deux blocs aux orientations
et d’amitié entre les deux pays communistes est même
opposées, et qui connaissent entre eux des moments de
signé en 1950.
vive tension qui marquent les relations internationales. Il
B. La guerre froide est donc une situation et une période n’en est pas moins vrai qu’à partir du milieu des années
de «  guerre improbable et de paix impossible  » (Ray- 1950 apparaît un troisième camp.
mond Aron) entre les deux grands.
Partie II. L’émergence d’un troisième monde
États-Unis et URSS ne s’affrontent jamais directement,
Ce camp, composé des pays du tiers-monde, s’affirme à
mais par pays interposés et à l’échelle régionale. C’est
mesure que le processus de décolonisation touche les
d’abord le cas en Europe centrale, épicentre de la
différentes régions du globe.
guerre froide, et notamment en Allemagne occupée
par les armées de l’ex-Grande Alliance. Les tensions se A. La naissance du tiers-monde
focalisent à Berlin en 1948, lorsque Staline ordonne un La décolonisation touche d’abord l’Asie au lendemain
blocus total de la partie Ouest de la ville tenus par les d’une Seconde Guerre mondiale qui a beaucoup affai-
Occidentaux, afin d’obtenir son rattachement à la par- bli les puissances coloniales, et notamment la France.
tie Est tenue par l’Armée rouge. Les Alliés occidentaux, En Indochine, Hô Chi Minh proclame l’indépendance
Américains en tête, ripostent par un gigantesque pont du Vietnam dès septembre 1945. Même si la France
aérien qui contraint Staline à lever le blocus un an plus tente de reprendre pied dans la péninsule et engage
tard. Les tensions sans affrontement direct passent la guerre contre le Vietminh, le Laos et le Cambodge
alors en Asie, lors de la guerre de Corée, provoquée deviennent indépendants. La décolonisation africaine
en 1950 par l’offensive du Nord communiste contre le est plus tardive, et débute vers le milieu des années
Sud, défendu par les Occidentaux. Trois ans de guerre 1950 pour s’achever en 1975.
s’ensuivent, au cours de laquelle les troupes améri-
Entre-temps, à l’initiative de nouveaux États indépen-
caines, placées sous la bannière de l’ONU, en viennent
dants d’Asie (Indonésie, Inde), une conférence se tient en
à affronter des «  volontaires  » chinois envoyés par
avril 1955 à Bandoeng en Indonésie, qui réunit les pays
la RPC de Mao au secours de l’armée nord-coréenne
du tiers-monde. Le principe du soutien aux peuples en
au bord de la défaite. Les crises de guerre froide
lutte (Algérie, Maroc, Tunisie) pour leur indépendance
culminent avec celle de Cuba, en octobre 1962, car
est affirmé, de même que la volonté de n’appartenir
pour la première fois, les deux superpuissances sont
à aucun des deux blocs pour ne plus subir de tutelle
en situation de s’affronter directement. Mais l’URSS,
étrangère après avoir évincé les pays colonisateurs.
en situation d’infériorité nucléaire, retire ses missiles
Au fil du temps émerge la revendication (Groupe des
de l’île et obtient des Américains la promesse de ne
77) d’un développement axé sur des échanges plus
pas envahir Cuba et de retirer ses fusées pointées vers
équilibrés avec les pays développés, afin de sortir les
l’URSS depuis la Turquie.
économies du tiers-monde à la démographie galo-
La crise de Cuba marque cependant le début d’une pante d’une situation de sous-développement.
détente entre les deux blocs. Dès le milieu des années
Dans l’esprit de Bandoeng, la conférence des non-ali-
1950, le Soviétique Nikita Khrouchtchev avait préféré
gnés, qui se tient à Belgrade en 1961, regroupe des
la « coexistence pacifique » aux tensions de l’époque
pays du tiers-monde plus d’autres pays situés en
stalinienne. Au cours des années 1960 se développe la Europe (Yougoslavie) ou en Amérique latine (Cuba).
compétition dans tous les domaines (spatial, sportif aux Mais ce non-alignement doit être nuancé car, dans
Jeux olymiques) et un rééquilibrage des équipements les faits, la plupart des pays se situent dans l’orbite
stratégiques débouchant sur des accords (limita- de l’une ou de l’autre superpuissance : c’est ainsi que
tion des essais, SALT) établis sur la base d’une parité le Nord-Vietnam, Cuba ou l’Égypte dépendent pour
nucléaire. Il n’en reste pas moins des points de frictions leur approvisionnement comme pour leur armement
indirects dans le monde, comme en Asie du Sud-Est à de l’URSS ; d’autres pays d’Afrique noire, décolonisés,
partir de 1964, où les Américains interviennent mili- n’entretiennent pas moins d’étroites relations écono-
tairement au Vietnam contre le Nord-Vietnam et le
Histoire Tle © Hatier, 2020.

miques, diplomatiques et militaires avec la France.


Vietcong pour éviter que le pays, provisoirement divisé
en deux depuis les accords de Genève en 1954, ne soit B. Il y a cependant un cas de pays du tiers-monde qui se
réunifié sous l’égide d’un régime communiste. L’URSS dégage de l’influence des blocs : la Chine populaire de
et la RPC, de leur côté, soutiennent activement le Mao.
Nord-Vietnam par l’envoi de matériel, d’approvisionne- La RPC rompt entre 1959 et 1962 avec l’URSS pour
ment et de conseillers pour faire face au gigantesque des raisons idéologiques (Khrouchtchev a lancé la

5•16 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


déstalinisation et dénoncé un culte de la personna- remet pas en cause leur puissance au Proche-Orient,
lité envers Staline très semblable à celui voué en d’autant que l’État d’Israël possédait sans doute déjà
RPC à Mao) et stratégiques (l’URSS ne veut pas aider l’arme atomique.
à l’élaboration de la bombe atomique par la RPC).
Lorsque la RPC se dote de l’arme nucléaire en 1964, Conclusion
elle a les moyens d’une dissuasion envers les deux Les divisions du monde se sont complexifiées au fil du
superpuissances. temps  : d’une division entre deux blocs, on est passé à
Depuis sa création, la RPC n’a cessé d’affirmer son l’émergence d’un troisième camp, le tiers-monde, mais
rôle régional de premier plan en Asie : elle est inter- aussi à l’affirmation de puissances régionales – souvent
venue contre les Américains en Corée (1951) et les issus de ce tiers-monde  – qui contestent le poids des
a repoussés de sa frontière  ; elle fournit une aide superpuissances dans telle ou telle région du monde.
considérable au Vietminh pendant la guerre d’In- Dans ces conditions, ces divisions sont-elles vouées à
dochine, puis au Nord-Vietnam pendant la guerre
s’accroître, d’autres à apparaître, ou les deux Grands par-
du Vietnam  ; elle dispose en Corée du Nord et au
viendront-ils à limiter les fractures ?
Cambodge (à partir de 1975) de régimes alliés. La
RPC fait aussi entendre sa voix à la conférence de
Bandoeng (1955) et veut prendre la tête de l’offen- p. 167 Sujet blanc
sive des pays du tiers-monde contre l’« impérialisme
nord-américain » dénoncé à longueur de temps par Première partie : question problématisée
Mao. Symétriquement, la RPC nourrit de vifs griefs
Introduction
contre l’URSS, qui la conduisent à condamner la
répression du printemps de Prague par les troupes – situer le sujet dans le temps : fin de la Seconde Guerre
du pacte de Varsovie (août 1968), puis à des affronte- mondiale jusqu’à l’apogée de la détente.
ments frontaliers avec l’Armée rouge sur sa frontière – définir le sujet  : les États-Unis et l’URSS, principales
sino-soviétique (1969). puissances économiques, politiques et militaires du
Pour contrer le rival soviétique et renforcer son monde. «  Comment  » peut avoir pour synonymes «  de
influence régionale et mondiale, la RPC opte même quelle(s) manière(s) » mais aussi « avec quelle intensité ».
pour un rapprochement avec les États-Unis, où le – problématique du sujet : les façons de s’opposer entre
président Nixon cherche à établir les conditions d’un États-Unis et l’URSS ont-elles varié (de formes et d’inten-
règlement du conflit vietnamien et à diviser le monde sité) durant la période ?
communiste. Le voyage de Nixon en RPC en 1972
illustre ce rapprochement : la RPC, qui a obtenu le sou-
Partie I. Une opposition très forte au début de la guerre
tien américain pour récupérer le siège de la Chine au froide (1948-1962)
Conseil de sécurité de l’ONU au détriment de Taïwan
(1971), fait pression sur les dirigeants nord-vietna- A. Les raisons de l’opposition  : des intérêts et des sys-
miens pour discuter avec les Américains, ce qui aboutit tèmes très différents
aux accords de Paris (1973). – Des vues divergentes sur le monde d’après-guerre
C. Dans le même temps, d’autres pays que les États-Unis entre Staline (un glacis protecteur de démocraties
et l’URSS s’affirment comme puissances régionales, populaires autour de l’URSS) et les Américains (réta-
notamment au Proche-Orient. blissement des démocraties libérales, reprise des
échanges dans une économie de marché restaurée).
C’est le cas notamment de l’Égypte du colonel Nas-
ser qui, arrivé au pouvoir en 1954, se fait remarquer – Des régimes (idéologiques, politiques, économiques)
à la conférence de Bandoeng, puis entreprend avec diamétralement opposés.
succès d’évincer les intérêts franco-britanniques en B. Une opposition qui se traduit par la constitution de
nationalisant le canal de Suez puis en empêchant les deux blocs opposés à l’échelle du monde
Occidentaux de le reprendre. Il entend constituer une
– Camp occidental vs camp communiste  : pays
République arabe unie avec la Syrie (1958) et mettre
fin à l’État d’Israël. membres, aspects économiques, politiques, militaires
(alliances, traités et pactes…).
Le poids de l’Égypte au Proche-Orient est cependant
contrebalancé par une autre puissance régionale, – Une lutte de propagande virulente.
l’État d’Israël installé après la victoire de 1949 sur la C. Des tensions multiples entre les deux Grands mais
coalition arabe. Les Israéliens, soutenus et équipés par
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sans affrontement direct


les Occidentaux, écrasent les armées arabes (égyp-
– En Europe, autour de Berlin (1948-1949 puis 1961).
tiennes, syriennes et jordaniennes) lors de la guerre
des Six Jours, ce qui leur permet de devenir une puis- – En Asie, autour de la guerre de Corée (1950-1953)
sance régionale étendue grâce aux territoires annexés puis d’Indochine (à partir de 1950).
ou occupés (Golan, Cisjordanie, Gaza, Sinaï). La guerre – Culminaison en Amérique latine, avec la crise de
du Kippour, mal engagée mais remportée en 1973, ne Cuba (oct. 1962).

5•17 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


Transition Partie I. L’engagement militaire massif des Américains
La crise de Cuba, paroxysme des tensions entre les États- au Vietnam
Unis et l’URSS, inaugure une période d’atténuation et de
A. Ordonné par le président démocrate Lyndon B. John-
reconfiguration de l’opposition entre les deux Grands.
son
Partie II. Une opposition qui s’atténue sans totalement – Par anticommunisme (l. 2) et en vertu de la résolu-
disparaître (1962-75) tion du golfe du Tonkin (voir aussi doc. 1 p. 154) ;
A. La détente entre les États-Unis et l’URSS : l’atténuation – En raison de la situation du Sud-Vietnam, menacé
de l’opposition par le Nord et le Vietcong (l. 2 et 3, voir aussi doc. 2
– La parité nucléaire entre les deux Grands entraîne la p. 154).
négociation d’accords stratégiques (Salt, 1972). B. Les Américains engagent leurs forces au secours du
– La compétition pacifique entre les deux Grands Sud-Vietnam :
(aspects spatiaux, sportifs, etc.). – Des «  conseillers  » (l. 5) au début, puis des troupes
B. Une opposition par conflits régionaux interposés qui (l. 5 à 8) jusqu’à presque 400 000 hommes en 1966
subsiste cependant (doc. 6 p. 155) qui combattent au sol les communistes
(l. 8-9 et doc. 3 p. 154).
– La guerre du Vietnam (1964-1975) avec l’aide sovié-
tique au Nord-Vietnam et au Vietcong, dont la victoire – La flotte américaine (l. 13-14) et les ports nécessaires
est un échec pour les États-Unis en Asie du Sud-Est. pour l’accueillir (l. 14 et doc. 2 p. 154) et croiser dans
– Au Proche-Orient, des conflits israélo-arabes (1967, la mer de Chine.
1973) où chacun des deux Grands soutient (matériel, – L’aviation, dotée d’aéroports militaires (l. 14 et
conseillers, fonds) un camp : les succès militaires israé- doc. 2 p. 154) pour bombarder le Nord-Vietnam (doc. 2
liens sont autant d’échecs pour l’URSS qui soutient p. 154).
l’Égypte et les pays arabes voisins d’Israël (Syrie, Jor-
danie). Partie II. Un engagement massif pour des résultats
C. Une tension États-Unis-URSS qui laisse place à des limités et contestés
oppositions qui naissent et s’affirment dans et en dehors A. Un allié peu solide
de chaque bloc
– Un gouvernement de peu de poids (l. 28 à 30) face :
– Des pays du tiers-monde (ex  : Inde) refusent de se • au noyautage des centres de pouvoir sud-vietna-
ranger derrière les deux Grands et opposition (essor
miens par les communistes (l. 15-16) ;
du non-alignement).
• au pouvoir confisqué par les Américains sur place :
– La Chine de Mao, puissance atomique et puissance rôle de l’ambassadeur US (l. 22-23).
régionale communiste qui rompt avec l’URSS et met
– à des dysfonctionnements considérables (l. 25-26) :
fin à son opposition aux États-Unis : émergence d’une
opposition (à l’URSS) encore plus forte que celle entre • ravages de la corruption ;
les États-Unis et l’URSS. • armée sud-vietnamienne aussi corrompue que
noyautée et inefficace (l. 25-27).
Conclusion B. Un adversaire redoutable qui possède des atouts
Bilan et réponse à la problématique : considérables
– Les États-Unis et l’URSS se sont durablement oppo- – L’adversaire : des communistes nord-vietnamiens et
sés et par des moyens variés durant la guerre froide. du Vietcong, décidés à réunifier le pays sous la hou-
– L’intensité de cette opposition a cependant évo- lette d’Hô Chi Minh (p. 163) en abattant le régime
lué durant la période  : très forte jusqu’au début des sud-vietnamien (l. 2 et 3).
années 1960, elle s’est ensuite atténuée sans cepen- – Le noyautage de la population par les cellules
dant tout à fait disparaître. vietcongs (l. 17-19).
Ouverture : se demander si, dans la période suivante, les – L’aide des autres pays communistes en armement
oppositions qui naissent dans et en dehors des sphères (l. 32 et doc. 2 p. 154).
d’influence de chacun des deux Grands (par exemple en
– Des forces du Vietcong bien équipées et insaisis-
1968) ne vont pas prendre le pas sur l’opposition entre
sables en dépit des opérations américaines (l. 35-38
les États-Unis et l’URSS.
et doc. 4 p. 155).
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Deuxième partie : analyse de documents C. Des Américains meurtris et divisés

Les connaissances utiles pour ce sujet sont tirées de – Des pertes américaines au combat déjà préoccu-
l’exploitation des documents du Point de passage n°  2 pantes face à un ennemi coriace (l. 39 et doc. 6 p. 155).
(pp. 154-155) et du cours (pp. 162-163). On aura préala- – L’essor d’un mouvement pacifiste aux États-Unis
blement numéroté les lignes du texte. hostile à la guerre du Vietnam (doc. 2 p. 167).

5•18 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)


p. 169 Révisions 7. Dans quels conflits régionaux la Chine intervient-elle
de 1950 aux années 1970 ?
Répondre et mémoriser La Chine populaire intervient directement durant la
guerre de Corée (1950-1953) et indirectement lors des
1. Citez les principales alliances des États-Unis et de guerres d’Indochine (1946-1954) puis du Vietnam (1964-
l’URSS. 1975), plus des conflits frontaliers avec l’Inde (1962) et
Pour les États-Unis : le traité de l’Atlantique nord (1949) l’URSS (1969).
et l’OTASE (1954).
Pour l’URSS  : le traité d’alliance avec la République 8. Quelle est la cause de l’intervention franco-britan-
populaire de Chine (1950), le pacte de Varsovie (1955). nique et israélienne en Égypte en 1956 ?
L’intervention franco-britannique à Suez en novembre
2. Citez trois crises de la guerre froide et leurs dates. 1956 vise à reprendre le canal de Suez qui avait été
Crises de Berlin (1948-1949 et août 1961), crise de Cuba nationalisé par le président égyptien Nasser.
(oct. 1962).
9. Quels sont les territoires arabes occupés par Israël à la
3. Quels sont les pays réunis à Bandoeng en 1955 ? fin de la guerre des Six Jours ?
Les pays du tiers-monde, majoritairement issus de la À la fin de la guerre des Six Jours, Israël s’empare des
décolonisation en Asie (Indonésie, Inde). déserts du Sinaï et du Golan, ainsi que de la Cisjordanie
4. Quelle est la cause de la crise de Cuba et comment avec Jérusalem et de Gaza.
s’achève-t-elle ? 10. Quels événements de 1968 affaiblissent les États-
Elle provient de l’installation de missiles soviétiques Unis et l’URSS ?
à Cuba et se résout par le retrait de ces fusées, la pro- L’offensive communiste du Têt (janvier-mars) au Vietnam
messe américaine de ne pas envahir Cuba et de retirer affaiblit les États-Unis en guerre au Vietnam et nourrit
des fusées américaines installées en Turquie. le mouvement pacifiste aux États-Unis comme dans le
5. Quelles sont les dispositions des accords de Genève monde occidental, alors que le printemps de Prague en
(1954) ? Tchécoslovaquie met en difficulté le « socialisme réel »
L’arrêt des combats entre la France et le Vietminh, et une installé par l’URSS dans les démocraties populaires à
séparation provisoire au niveau du 17e  parallèle entre partir de 1947.
les parties Nord et Sud du Vietnam, avec le retrait des
troupes françaises de la partie Nord.
6. Quelles sont les forces qui s’affrontent lors de la guerre
du Vietnam de 1964 à 1975 ?
D’un côté les forces communistes, composées de soldats
nord-vietnamiens (Vietminh) et de maquisards sud-viet-
namiens (Vietcong), de l’autre les troupes américaines et
l’armée sud-vietnamienne.

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5•19 CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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