Vous êtes sur la page 1sur 25

Chapitre I : M

MEESSUURREESS RRH
HEEO
OLLO
OGGIIQ
QUUE
ESS

Dans cette partie, l’étude de la stabilité des barbotines céramiques à base d’argiles a
été réalisée par des mesures rhéologiques. Ces mesures permettent d’évaluer le degré de
défloculation de la barbotine. Ce dernier est influencé par plusieurs paramètres tels que la
teneur en matières sèches, la nature et le taux de défloculant, la température, le pH,…[1-6]

Nous nous sommes essentiellement intéressés à l’étude du comportement rhéologique


des deux argiles C3 et C4 [7]. Nous avons ainsi étudié l’effet de la fraction massique en
matières sèches et de la nature et du taux de défloculants (tripolyphosphate de sodium
‘TppNa’, métaphosphate de sodium ‘NaP’, métasilicate de sodium ‘MSi’ et enfin le trisilicate
de sodium ‘TSi’) sur le comportement rhéologique de ces argiles.

Dans le but de mieux comprendre le mode d’action des défloculants sur les deux
argiles C3 et C4, des mesures complémentaires (mesures du pH et de la conductivité, analyse
des surnageants, dosages des ions phosphates,..) ont été entrepris.
Chapitre I : Mesures rhéologiques

I. Généralités

I.1. Mouvement de cisaillement


Un matériau soumis à un ensemble de forces (contrainte de cisaillement) est
susceptible de se déformer. Cette déformation engendre un mouvement laminaire de
cisaillement [8]. Ce mouvement est défini comme étant un mouvement au cours duquel le
matériau présente une structure en lamelles, en couches adjacentes, d’épaisseurs infiniment
minces ; la déformation du matériau s’effectue par un glissement relatif des différentes
couches les unes sur les autres, sans qu’il y ait de transfert de matière d’une couche à l’autre.
C’est un mouvement strictement ordonné et stratifié qui se produit sans brassage du matériau
et sans variation de son volume.

I.1.1. Contraintes de cisaillement

Au cours d’un mouvement laminaire de cisaillement, deux couches successives en


contact, se déplacent l’une par rapport à l’autre. Il en résulte l’apparition de forces de
frottement qui s’exercent tangentiellement à la surface de la couche : ces forces tangentielles
sont appelées forces de cisaillement.

Figure I.1

Considérons deux éléments de surface infinitésimaux appartenant aux deux couches


consécutives (1) et (2) de vitesses parallèles V1 et V2 (figure I.1.). Si l’on suppose que

|V1|>|V2|, il est clair que la couche (1) exerce sur la couche (2) une force de cisaillement dF
parallèle au mouvement et tendant à l’accélérer. Réciproquement, la couche (2) exerce sur la

couche (1) une force de cisaillement - dF tendant à la freiner. Il est commode de rapporter ces

50
Chapitre I : Mesures rhéologiques

forces de cisaillement à l’unité de surface sur laquelle elles s’exercent ; on définit ainsi ce
qu’on appelle la contrainte de cisaillement τ :

dF
τ= (1)
dS

La contrainte de cisaillement (τ) est la grandeur dynamique fondamentale de la


rhéologie. Elle est exprimée en pascals ou en newton/m2.

I.1.2. Vitesse de cisaillement ou Gradient de vitesse

Considérons les particules de matière qui se trouvent entre deux plans parallèles, l’un
mobile, l’autre immobile au temps origine (arbitrairement choisi) t=0. A un instant t, chaque
particule de matière aura parcouru une distance u (x, t) où x est la distance séparant la
particule de matière du plan solide inférieur (figure I.2.).

Figure I.2.

La déformation de cisaillement (ε) traduit la variation de la distance parcourue u en


fonction de son éloignement de la plaque support fixe x :

du (x, t)
ε (x, t) = (2)
dx

Le gradient de vitesse ou vitesse de cisaillement (G), est la dérivée par rapport au


temps de la déformation de cisaillement :


G= (3)
dt

51
Chapitre I : Mesures rhéologiques

On peut donc écrire:

d  du  d  du 
G=  =   (4)
dt  dx  dx  dt 

du (x, t)
et puisque [ ] représente la vitesse v (x, t) de la couche x à l’instant t, on peut
dt
donc écrire :

dv (x, t)
G= (5)
dx

Le gradient de vitesse va traduire l’évolution de la vitesse au sein du fluide. Il est


exprimé en [s-1].

I.1.3.Equation rhéologique d’état

Il existe une relation entre le gradient de vitesse (G) et la force de cisaillement (τ).
Cette relation dépend des propriétés et de la nature du matériau. Nous noterons cette relation :

G = f [τ ] (6)

C’est l’équation rhéologique d’état de la substance, appelée aussi rhéogramme. Sa


connaissance détermine toutes les propriétés rhéologiques du matériau.

I.1.4. Viscosité

La viscosité est une propriétés analogue aux frottements des solides lors de leur
déplacement [8,9]. Le coefficient de viscosité η représente la force de frottement d’un plan
sur l’autre. Son unité est la poise (P) dans le système CGS, et le pascal seconde (Pa.s) dans le
système MKSA (1 Pa.s = 10 P). Elle est définie par la relation :

τ
η= (7)
G
G : gradient de vitesse exprimé en [s-1]
τ : force de cisaillement exprimée en [Pa]

52
Chapitre I : Mesures rhéologiques

I.2. Différents types de fluides

I.2.1. Fluides Newtoniens

Ces fluides ont une vitesse de déformation proportionnelle à la force de cisaillement


(fig. I.3-a). Ces fluides obéissent à l’équation rhéologique suivante :

τ =η G (8)

Le coefficient de viscosité est appelé donc viscosité absolue : il ne dépend pas de la


contrainte de cisaillement.

I.2.2. Fluides non newtoniens

Pour ces fluides, le rapport de la contrainte de cisaillement sur la vitesse de


déformation varie avec τ ou G et avec le temps. Dans ces conditions, on ne peut plus définir
une viscosité absolue. On parle néanmoins de viscosité apparente pour un τ ou un G donnés :

τ 
η apparente =  (9)
 G τ =τc

Le choix arbitraire de τ0 ou G0 fait qu’un fluide non newtonien n’est pas caractérisé
par sa viscosité apparente mais par l’ensemble de son rhéogramme.

I.2.2.1. Fluides plastiques

Il s’agit des fluides qui ne s’écoulent qu’à partir d’une certaine valeur de la contrainte,
notée τc, appelée seuil d’écoulement, et qui représente l’ordonnée à l’origine des
rhéogrammes (fig. I.3-b et I.3-c). On distingue deux types de fluides plastiques :

a- Fluides de Bingham [10]

Au delà d’un seuil d’écoulement τc, ils se comportent comme des fluides newtoniens :
toute augmentation de la force de cisaillement τ se traduit par une augmentation
proportionnelle du gradient de vitesse G (fig. I.3-b). Leur équation rhéologique d’état s’écrit
par conséquent :

τ < τc G=0

τ > τc τ = τ c +η ⋅G (10)

53
Chapitre I : Mesures rhéologiques

où η, dans ce cas, est un coefficient appelé viscosité plastique, et τc le seuil


d’écoulement. Il s’agit d’un comportement plastique idéal.

b- Fluides d’Herschel–Bulkley [11]

Ils manifestent un comportement plastique non idéal qui se traduit par le fait que leur
rhéogramme présente le plus souvent une concavité dirigée vers le bas (fig. I.3-c). Il s’agit
donc d’un comportement plastique fluidifiant. Pour décrire quantitativement un tel
comportement, on utilise essentiellement l’équation suivante :

τ < τc G=0

τ > τc τ = τc + K ⋅Gn n≤1 (11)

où n est l’indice de pseudo-plasticité, K la consistance et τc le seuil d’écoulement.

I.2.2.2. Fluides pseudo-plastiques

Par définition, c’est l’ensemble de tous les corps dont les rhéogrammes sont des
courbes passant par l’origine et dont la concavité est tournée vers le bas (fig. I.3-d). Ces
fluides présentent une viscosité élevée au repos qui diminue lorsque le gradient de vitesse
augmente. Plusieurs modèles ont été établis pour décrire ce comportement [8,9].

- Modèle d’Ostwald [12]

Il s’agit de la loi de puissance qui a pour expression :

τ = K ⋅Gn (12)

où n est l’indice de pseudo-plasticité (n ≤ 1) et K la consistance. D’après cette loi, le


coefficient de viscosité apparente a pour expression :

K
η= (13)
G (1− n )

I.2.2.3. Fluides dilatants

Ces fluides ont un comportement inverse de celui des fluides pseudo-plastiques


(fig. I.3-e). Ce sont des substances qui s’écoulent comme des liquides sous l’action d’une

54
Chapitre I : Mesures rhéologiques

lente contrainte, mais qui se solidifient lorsqu’on les agite brutalement. Contrairement aux
fluides pseudo-plastiques, les fluides dilatants sont rares en céramique.

I.2.2.4. Fluides thixotropes

Tout corps dont la viscosité apparente a tendance à décroître dans le temps quand on
lui applique une contrainte de cisaillement (ou gradient de vitesse) constante, est dit
thixotrope ; pourvu qu’après suppression du cisaillement et un temps de repos suffisant, sa
structure initiale se régénère (fig. I.3-f). Les substances constituées de particules élémentaires
en forme de disques, de feuillets ou de bâtonnets sont en général thixotropes. Il en est ainsi
pour les barbotines d’argiles [8,9,13,14].

Pour les fluides thixotropes, l’analogie avec les fluides pseudo-plastiques est grande :

- leur écoulement est facilité par l’agitation,


- au repos, on observe un retour au propriétés avant agitation, bien que le passage de
l’état fluide à l’état visqueux ne se fait pas aussi rapidement que la transformation initiale.

II. Méthodes expérimentales

II.1. Principe
L’étude du comportement rhéologique des barbotines céramiques a été réalisée sur un
rhéomètre à cylindres rotatifs (fig. I.4.). Ce dernier permet d’accéder à la connaissance de la
force de cisaillement (τ) et au gradient de vitesse (G) au sein d’un échantillon [8,9].

Figure I.4. : Schéma d’un viscosimètre à cylindres coaxiaux.

55
Chapitre I : Mesures rhéologiques

La mesure de la viscosité est effectuée en plaçant la barbotine à étudier entre deux


cylindres coaxiaux (l’un mobile, l’autre fixe). Lorsque le cylindre mobile est entraîné en
rotation, il se crée un gradient de vitesse G, à l’intérieur du fluide, proportionnel à la vitesse
de rotation n. Le fluide est alors le siège d’une contrainte (τ) : il oppose au cylindre un couple
résistant qui est directement mesuré par un capteur.

* Calcul du gradient de vitesse G

Dans le cas d’un viscosimètre rotationnel de ce type, le gradient de vitesse (G) est
calculé selon l’équation suivante [9] :

R 22 2π
G = 2ω ⋅ 2 avec, ω= ⋅n
R 2 - R12 60
D’où ;
π R2 
G =  ⋅ 2 2 2 ⋅n G = M⋅n [s-1] (14)
15 R 2 - R 1 

Avec, M un facteur qui dépend de la configuration du montage expérimental.

* Calcul de la force de cisaillement (τ)

La force de cisaillement (τ) est calculée à partir du moment du couple appliqué pour
avoir la rotation. Le moment des forces de frottement Ft qui s’exercent à la surface du mobile
en rotation est :

M d (Ft ) = Ft ⋅ R 1 = τ ⋅ 2π ⋅ R 12 ⋅ H = M résistant (15)

Pour continuer à faire tourner le mobile à vitesse constante, il faut que le moteur
exerce un moment qui le compense : M résistant = M moteur = M d

Md
Donc ; τ= [Pa] (16)
2π ⋅ H ⋅ R12

II.2. Appareillage
Les mesures rhéologiques sont réalisées sur un viscosimètre rotationnel HAAKE de
type ViscoTester 550, muni d’un cylindre de mesure de type MVII spécifiquement adapté
pour les barbotines épaisses [0,1–40 Pa.s] (fig. I.5.). Il permet de déterminer la viscosité

56
Chapitre I : Mesures rhéologiques

apparente et la force de cisaillement en fonction du gradient de vitesse. Il permet également


de contrôler la température de l’échantillon à l’aide d’un thermostat. Le pilotage du système
de mesure ainsi que l’acquisition des données sont assurés par un logiciel d’exploitation de
type RheoWin installé sur Windows.

II.3. Méthodologie
Les résultats de l’étude rhéologique sont largement liés au mode opératoire adopté
(mode rapide ou lent d’application du gradient de vitesse, temps de repos, température...)
[15,16].

La préparation de la barbotine est réalisée selon le protocole décrit précédemment


(Cf. Part. A. Chap. II. §. II.1). La barbotine à étudier est ensuite introduite dans le système de
mesure entre les deux cylindres coaxiaux. Dans le but d’obtenir des résultats reproductibles,
nous avons effectué toutes nos mesures dans des conditions identiques : une pré–agitation
croissante jusqu’à 200 s-1 pendant 2 minutes ; suivie d’une minute de repos (fig. I.6.). La
température de mesure est maintenue à 23 ± 1°C.

Pour les mesures, nous avons appliqué un faible gradient de vitesse croissant pendant
20 secondes jusqu’à G=10s-1 : ce qui permet de déterminer avec précision la limite
d’écoulement de la barbotine. Cette étape est suivie d’une montée en gradient jusqu’à 150 s-1
pendant 40 secondes. Le gradient est maintenu à 150 s-1 pendant 60 secondes. Enfin, une
descente en gradient de vitesse est effectuée pendant 60 secondes (fig. I.7.).

250 200
Gradient de vitesse (1/s)

200
Gradient de vitesse (1/s)

150

150
100
100

50
50

0 0
0 50 100 150 200 0 50 100 150 200
Temps (s) Temps (s)

Figure I.6.: Cycle de pré–agitation. Figure I.7.: Cycle adopté pour la mesure.

57
Chapitre I : Mesures rhéologiques

Les rhéogrammes [τ = f (G)] obtenus sont retracés sur Excel. Ils représentent le
comportement rhéologique de nos barbotines. Le traitement de ces courbes permet de déduire
le modèle mathématique décrivant le mieux ce comportement. Les calculs sont effectués en
se basant sur la méthode des moindres carrés. L’exploitation de ces résultats nous a permis de
déterminer les paramètres rhéologiques tels que la consistance (K), l'indice de pseudo-
plasticité (n), la limite d'écoulement (τc), la viscosité apparente,…

III. Résultats expérimentaux

III.1. Comportement rhéologique des argiles C3 et C4


Afin d’évaluer le comportement rhéologique des barbotines C3 et C4, nous avons
suivi l’évolution de la force de cisaillement (τ) en fonction du gradient de vitesse (G)
(fig. I.8. et I.9.). Les barbotines sont préparées à fraction massique constante (59,7% en
matières sèches). Le taux du dispersant étant fixe (0,35% de TppNa).

Nous avons remarqué que le comportement rhéologique des deux barbotines C3 et C4


est non-Newtonien (fig. I.8. et I.9.). Il présente une limite d’écoulement τc à partir de laquelle
l’écoulement de la barbotine commence. Nous avons également observé que la viscosité
diminue avec le gradient de vitesse pour les deux barbotines.

Le comportement complexe de ces argiles est en relation avec la stabilité de la


barbotine. En effet, l’équilibre dû aux interactions répulsives et attractives entre les particules,
conduit à la formation d’une structure tridimensionnelle des particules argileuses dotée d’une
certaine rigidité. Celle-ci se relâche quand on applique un gradient de vitesse à la suspension,
c’est à dire lorsqu’on ajoute une énergie mécanique à l’énergie électrostatique répulsive pour
contrecarrer l’énergie attractive. Quand le gradient de vitesse cesse, on revient
progressivement à l’équilibre initial.

La figure I.8. montre que, pour un gradient de vitesse inférieure à 26 s-1, le


comportement rhéologique de l’argile C3 est plastique idéal. Il est caractérisé par le modèle
de Bingham (τ = τc + η G), avec η la viscosité de la suspension. Alors qu’au delà de 26 s-1, la
force de cisaillement (τ) varie peu avec le gradient de vitesse (G). Nous pouvons en déduire

58
Chapitre I : Mesures rhéologiques

que cette argile a tendance à former un gel structuré qui glisse sur la surface du corps de
mesure (cylindre lisse en rotation).

Pour l’argile C4, le comportement rhéologique est plastique idéal dans la gamme de
gradient de vitesse étudiée [0–150 s-1]. Il est représenté par le modèle de Bingham
(fig. I.9.).

Nous avons également observé que les deux barbotines C3 et C4 sont thixotropes. Les
rhéogrammes correspondants présentent un hystérésis : la courbe de retour ne coïncide pas
avec celle de l’aller [8,13].

III.2. Effet de la fraction massique


Nous avons préparé des barbotines à différentes fractions massiques, tout en
maintenant constant le taux du dispersant (0,75 % de TppNa). Les figures I.10. et I.11.
montrent l’évolution de la force de cisaillement (τ) en fonction du gradient de vitesse (G)
pour les deux argiles C3 et C4. Le modèle mathématique le plus adapté, appliqué aux valeurs
expérimentales, conduit aux paramètres rhéologiques de la barbotine. L’incertitude représente
l’écart entre le modèle (valeur théorique) et la courbe expérimentale. Les mesures sont
effectuées à une température fixe (T=23 ± 1 °C).

Pour l’argile C3 (fig. I.10.), on remarque que le comportement rhéologique change


avec la teneur en matière sèche. En effet, pour des fractions massiques inférieures à 65,6% le
comportement rhéologique peut être assimilé à celui d’un fluide pseudo–plastique caractérisé
par l’équation d’Herschel-Bulkley ( τ = τ c + K ⋅ G n ), avec K la consistance et n l’indice de
pseudo–plasticité (n ≤ 1). Au delà de 65,6% massique (fig. I.10-b), le comportement
rhéologique est plastique idéal pour des gradients de vitesse inférieurs à 30s-1 ; alors que pour
des gradients de vitesse supérieurs, la barbotine a tendance à glisser sur les parois de la cellule
de mesure : les valeurs de la viscosité ne pouvant donc pas être calculées précisément à cause
de l’incertitude sur l’épaisseur de la zone de glissement.

Pour l’argile C4 (fig. I.11.), le comportement rhéologique est indépendant de la


fraction massique. En effet, le comportement reste plastique idéal dans la gamme de fractions
massiques étudiée.

59
Chapitre I : Mesures rhéologiques

Sur les figures I.12-a et I.12-b, nous avons suivi l’évolution de la viscosité apparente
η100 (G=100 s-1) et de la limite d’écoulement (τc) en fonction de la fraction massique pour les
deux argiles C3 et C4. Les valeurs de ces paramètres η100 et τc sont déduites directement de
la courbe expérimentale des figures I.10. et I.11.

(a) (b)

50 1.6
Argile C3 Argile C3

Viscosité apparente [Pa.s]


Limite d'écoulement [Pa]

Argile C4 Argile C4
40
1.2

30
0.8
20

0.4
10

0 0
56 58 60 62 64 66 68 56 58 60 62 64 66 68
fraction massique (%) fraction massique (%)

Figure I.12. : Evolution de la limite d’écoulement (a) et de la viscosité apparente (b) en


fonction de la fraction massique pour les argiles C3 et C4.

Les résultats (fig. I.12.) montrent que la limite d’écoulement et la viscosité apparente
augmentent avec la fraction massique. Cet accroissement est essentiellement dû à la
diminution des distances interparticulaires. Celles-ci favorisent les interactions attractives
entre les particules et conduisent ainsi à la floculation de la barbotine [17-19].

Nous avons observé une limite maximale de fraction massique à laquelle la barbotine
présente une viscosité et une limite d’écoulement trop élevées. Pour C3, la valeur de cette
limite est de 66,7% massiques, tandis que pour l’argile C4, elle ne dépasse pas 60,5%
massique. Cet écart est probablement dû à la différence de la nature minéralogique entre ces
deux argiles. En effet, la présence de la kaolinite et de la montmorillonite (argile gonflante)
dans l’argile C4, provoque une augmentation de la viscosité et de la limite d’écoulement
[5,20,21].

60
Chapitre I : Mesures rhéologiques

III.3. Effet de la nature et du taux de défloculant


Dans cette partie, nous avons essentiellement étudié deux types de défloculants. Il
s’agit du tripolyphosphate de sodium (TppNa) et du métasilicate de sodium (Na2SiO3) noté
MSi.

III.3.1. Effet du Tripolyphosphate de sodium (TppNa)

Nous avons préparé des barbotines composées essentiellement d’argile C3 ou C4.


Leur mise en suspension est effectuée dans l’eau contenant le TppNa à différents
pourcentages (0,15 ; 0,35 ; 0,55 ; 0,75 et 1,00% de la masse d’argile). La fraction massique en
matières sèches étant fixée à 59,7%.

Les figures I.13. et I.14. représentent l’évolution de la force de cisaillement (τ) en


fonction du gradient de vitesse (G) à différents taux de TppNa pour les argiles C3 et C4
respectivement.

Ces résultats confirment que le comportement rhéologique de l’argile C3 peut être


assimilé à un comportement pseudo-plastique, alors que celui de l’argile C4 est plastique
idéal. Les résultats montrent également que le comportement rhéologique des deux argiles est
indépendant de l’état de défloculation. On peut en déduire que le comportement rhéologique
est une propriété intrinsèque d’une argile, qui dépend essentiellement de sa nature
minéralogique. Toutefois, nous avons observé une variation des paramètres rhéologiques des
barbotines (limite d’écoulement, viscosité,...) avec le taux de TppNa.

Nous avons tracé l’évolution de la limite d’écoulement (fig. I.15-a) et de la viscosité


apparente (fig. I.15-b) en fonction de l’ajout du TppNa pour les deux argiles C3 et C4. Les
résultats montrent que, pour l’argile C3, l’ajout de 0,35% de TppNa est suffisant pour
abaisser la viscosité et la limite d’écoulement. Au delà de cette valeur, nous avons observé
une stabilité des paramètres rhéologiques de la barbotine.

Pour l’argile C4, la viscosité et la limite d’écoulement passent par un minimum à


0,75% de TppNa, qui traduit une stabilité optimale de la barbotine. L’ajout d’un excès de
TppNa entraîne la floculation du système.

61
Chapitre I : Mesures rhéologiques

(a) (b)

35 0.5
Argile C3 Argile C3

Viscosité apparente [Pa.s]


Limite d'écoulement [Pa]

30 Argile C4
Argile C4 0.4
25

20 0.3

15
0.2
10
0.1
5

0 0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2
%TppNa % TppNa

Figure I.15. : Evolution de la limite d’écoulement (a) et de la viscosité apparente (b) en


fonction de l’ajout du TppNa pour les deux argiles C3 et C4.

La diminution de la viscosité apparente et de la limite d’écoulement observée pour les


deux argiles est directement liée à l’augmentation de l’intensité des forces électrostatiques
répulsives entre les doubles couches électriques des particules. Cette augmentation pourrait
être due à l’adsorption de l’anion orthophosphate PO3-, issu de l’hydratation du TppNa, sur
les faces latérales des argiles, au niveau des sites (Al2[OH]4)2+ de la couche octaédrique. Ceci
permet un inversement de la charge positive de ces sites et donc un accroissement en valeur
absolue du potentiel électrocinétique. En plus, l’anion pyrophosphate P2O 74 - est doté d’un
pouvoir séquestrant vis à vis des cations plurivalents (Ca2+, Mg2+, …) [17,22,23]. Ces cations,
en s’adsorbant dans la couche de Stern, réduisent l’épaisseur de la double couche
électrochimique et entraînent ainsi la floculation de la barbotine. La défloculation est assurée
également par l’adsorption dans la couche diffuse des cations Na+. Le gros rayon ionique de
ces derniers, favorise l’augmentation de la double couche électrochimique et donc les forces
répulsives.

L’accroissement de la viscosité apparente et de la limite d’écoulement observé pour


l’argile C4 (au delà de 0,75% en TppNa) est dû à l’augmentation de la force ionique associée
au dispersant (principalement aux cations Na+ et aux anions non adsorbés P2O 74 - et PO3- qui
affectent l’extension de la DCE et par suite la diminution des interactions répulsives entre les
particules [24].

62
Chapitre I : Mesures rhéologiques

Pour mieux comprendre les mécanismes de la défloculation des argiles C3 et C4 par le


tripolyphosphate de sodium (TppNa), nous avons étudié l’évolution de certains paramètres
tels que le pH, la conductivité, les isothermes d’adsorption des ions phosphates et enfin la
nature des ions présents dans la barbotine.

a. Influence du pH et de la conductivité électrique

Les figures I.16. représentent l’évolution du pH et de la conductivité électrique en


fonction de l’ajout du TppNa pour les deux suspensions d’argiles C3 et C4.

Nous remarquons que l’introduction du TppNa modifie peu le pH de la barbotine pour


les deux argiles (fig. I.16-a). Ce dernier est compris entre 8 et 8,5. Il est nettement plus faible
que celui de la solution de TppNa à 1% (pH = 9). Ceci est dû à l’adsorption des ions OH- sur
l’argile. En effet, et comme le montrent les figures I.17-a et I.17-b, plus la teneur en matières
sèches augmente plus l’adsorption des ions OH- augmente ce qui entraîne une diminution du
pH.

Pour l’argile C3, le pH est légèrement supérieure à celui de la barbotine d’argile C4.
Ceci est en relation avec le point de charge nulle (PCN) des deux barbotines (9,2 et 8,8 pour
C3 et C4 respectivement).

Des mesures complémentaires de la conductivité électrique montrent (fig. I.16-b) une


augmentation quasi–linéaire de celle-ci en fonction de l’introduction du TppNa. Ce résultat
est prévisible étant donné que le tripolyphosphate de sodium s’hydrolyse en anions
orthophosphates et pyrophosphates et en cations Na+ (17). Ces ions augmentent la force
ionique et donc la conductivité de la suspension.

Na 5 P3O10 → 5Na + + PO3- + P2O 74-


(17)

Notons également que la conductivité de la barbotine C3 est nettement plus élevée que
celle de l’argile C4. Nous pouvons supposer que l’argile C3 contient plus d’ions solubles
provenant de la dissolution lente de celle-ci. L’analyse par ICP des surnageants des deux
argiles C3 et C4, sans additif, confirme bien ce résultat (fig. I.18.).

63
Chapitre I : Mesures rhéologiques

0.15
Argile C3

Argile C4

Concentration (g/l)
0.1

0.05

0
Al Ca Mg K Na P Si

Figure I.18. : Analyse par ICP des surnageants des argiles C3 et C4 sans additif.

b. Dosage des phosphates adsorbés

Pour mettre en évidence le mode d’action du TppNa sur les deux argiles C3 et C4,
nous avons suivi l’évolution du TppNa adsorbé par l’argile en fonction du TppNa introduit
(figure I.19.). Le dosage des ions phosphates est effectué selon le mode opératoire décrit dans
le chapitre II § II.5.

1.2
% TppNa adsorbé par l'argile

Argile C3
1 Argile C4

0.8

0.6

0.4

0.2

0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2
% TppNa introduit

Figure I.19. : Taux d’adsorption en fonction du taux d’ajout en TppNa pour C3 et C4.

Pour l’argile C3, nous avons remarqué que pour des taux de TppNa inférieurs à
0,75%, l'ion tripolyphosphate ne s’adsorbe pas sur la surface de l’argile. Au delà de cette
teneur, l'adsorption commence ; ce qui se traduit par une diminution de la limite
d’écoulement (fig. I.15-a).

64
Chapitre I : Mesures rhéologiques

Pour l’argile C4, on remarque que les ions tripolyphosphates s’adsorbent sur la
surface dès les premiers ajouts du TppNa. Nous pouvons en déduire que ces ions se dissocient
et s'adsorbent plus aisément sur la surface de cette argile. Au delà de 0,75% en TppNa, nous
notons une augmentation de la pente de la courbe de l’isotherme d’adsorption qui se traduit
par une augmentation brutale de la viscosité (fig. I.15-a).

c. Analyse des surnageants

Pour approfondir davantage notre étude, nous avons analysé, par ICP, les surnageants
obtenus après centrifugation des deux barbotines d’argiles C3 et C4 à différents taux de
TppNa. Les résultats obtenus sont représentés sur les figures I.20-a et I.20-b.

Ces résultats confirment ceux de la figure I.19.. En effet, pour C3, on remarque une
augmentation en concentration des éléments magnésium, sodium et potassium
(fig. I.20-a) jusqu’à un taux d’ajout de 0,75% en TppNa. Au delà de ce point, la concentration
de ces ions diminue. L’observation de la figure I.19., montre qu’au delà de 0,75% en TppNa
précisément, le taux d’adsorption des ions phosphates se stabilise. Par conséquent, toute
quantité supplémentaire introduite aura un rôle séquestrant vis à vis des cations plurivalents.
Le pouvoir d’adsorption de C4 augmente avec la quantité de TppNa ajoutée. Par conséquent,
on remarque une augmentation continuelle de la concentration des cations dans le surnageant
(fig. I.20-b).

Nous remarquons également que l’introduction du TppNa augmente le taux de


presque tout les éléments (Mg, K, Na, Si,..) dans la suspension. Nous pouvons en déduire que
le TppNa favorise l’échange ionique entre l’argile et le milieu suspensif.

L’analyse des surnageants montrent que :

- le taux des cations plurivalents (Ca et Mg) dans les surnageants augmente en
fonction de l’introduction du TppNa. Ceci peut être expliqué par la complexation de ces
éléments par le TppNa,

- pour le potassium, la concentration est nettement plus élevée dans C3 que dans C4.
En effet, l’argile C3, est composée essentiellement de l’illite qui contient des ions potassium
logés dans l’espace interfolliaire,

65
Chapitre I : Mesures rhéologiques

- le largage de l’aluminium et de la silice est plus prononcé pour le cas de l’argile C4.
Ceci est probablement dû à la présence de phases argileuses, à grand pouvoir d’échange
cationique, en particulier la montmorillonite (Cf. Part. A. tableau I.2.).

d- Influence du métaphosphate de sodium (NaPO3)

Dans le but de comprendre le rôle des ions composants le TppNa ( Na + , PO 3- et

P2 O 74- ) dans la défloculation des argiles C3 et C4, nous avons utilisé un autre défloculant : le
métaphosphate de sodium (NaPO3). Par rapport au TppNa, ce dernier présente, pour un taux
de sodium équivalent, un taux de PO 3- plus élevé.

Le tableau suivant (tableau I.1.) représente les taux de défloculant (TppNa et NaPO3)
utilisés dans cette étude ainsi que les valeurs de la viscosité apparente obtenues.

Viscosité apparente [Pa.s]


- 4-
Na + PO 3 P2 O 7 Argile C3 Argile C4
0,35 % 0,11 0,08 0,16 0,12 0,43
TppNa
0,95 % 0,30 0,20 0,45 0,01 0,40
0,48 % 0,11 0,38 -- 0,63 0,63
NaPO3
1,31 % 0,30 1,03 -- 0,17 0,38
Tableau I.1. : Valeurs comparatives de la viscosité apparente en fonction de la nature
des défloculants.

Pour une meilleure représentation, nous avons choisi de tracer l’évolution de la


viscosité apparente en fonction du taux des ions Na + et PO 3- des deux défloculants TppNa et
NaPO3 pour les deux argiles C3 et C4 (figures I.21-a et I.21-b).

On remarque dans ce cas également, une différence de comportement des deux argiles
vis à vis du défloculant :

- pour l’argile C3 quelque soit la nature du défloculant, l’augmentation de la


concentration en ions phosphates ( PO 3- ) ne favorise pas la défloculation,
- pour l’argile C4, on observe la même tendance pour les faibles concentrations et une
tendance inverse pour les fortes concentrations en défloculants. Ce résultat confirme nos

66
Chapitre I : Mesures rhéologiques

constatations antérieures (fig. I.19.) selon lesquelles, pour l’argile C4, le mécanisme de la
défloculation est activé à partir d’une teneur donnée en ions phosphates adsorbée.

e- Conclusion

De ces résultats, nous tirons les conclusions suivantes [7] :

- la défloculation de l’argile C3, se fait dans un premier temps, par la complexation


des ions floculants (Ca2+ et Mg2+) par le P2 O 74- d’une part et par l’adsorption des ions Na+

dans la double couche électrochimique d’autre part. L’adsorption des ions PO 3- ne se fait que
pour des concentrations élevées en TppNa et ne contribue pas à la défloculation de cette
argile [17,18].

- pour l’argile C4, la défloculation se fait essentiellement par l’adsorption des ions
PO 3- sur les surfaces latérales des particules d’argile. Cette adsorption commence à partir
d’une teneur donnée en TppNa ajouté. L’adsorption des ions Na+ sur la DCE et la
complexation par les ions P2 O 74- des cations coagulants contribuent également à la bonne
stabilité de la barbotine.

- l’argile C4 présente des viscosités plus élevées que l’argile C3. Ceci est dû
principalement à leur nature minéralogique différente. En effet, la présence de la
montmorillonite (argile gonflante) et de la kaolinite dans l’argile C4 semble être responsable
de cette augmentation.

III.3.2. Effet du Métasilicate de sodium (MSi)

Dans le but de comparer l’efficacité des différents défloculants, nous avons également
étudié l’effet du métasilicate de sodium (MSi) sur la stabilité des barbotines d’argile C3 et C4
[25]. Les barbotines ont été préparées à différents taux de métasilicate de sodium (MSi). La
teneur en matières sèches étant fixée à 59,7% massique. Le comportement rhéologique de ces
deux argiles, en fonction du taux de MSi introduit, est représenté sur les figures I.23. et I.24.

Nous avons ensuite suivi l’évolution de la viscosité apparente et de la limite


d’écoulement en fonction de l’ajout du métasilicate de sodium (MSi) pour les deux argiles C3
et C4. Les résultats obtenus sont représentés sur les figures I.25-a et I.25-b.

67
Chapitre I : Mesures rhéologiques

(a) (b)
50 900
Argile C3
Argile C3

Viscosité apparente (100 s-1) (cP)


Argile C4
Argile C4
40
Limite d'écoulement (Pa)

600
30

20
300

10

0 0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
%MSi %MSi

Figure I.25. : Evolution de la limite d’écoulement (a) et de la viscosité apparente (b) en


fonction de l’ajout du MSi (59,7% massique).

On remarque que pour l’argile C3 (fig. I.25-a), la viscosité apparente et la limite


d’écoulement diminuent avec l’introduction du MSi. A 0,75% du MSi, nous avons remarqué
que la barbotine présente un comportement Newtonien : la limite d’écoulement est quasiment
nulle (τc = 0,5 Pa).

Pour l’argile C4 (fig. I.25-b), nous observons un optimum de viscosité et de limite


d’écoulement qui correspond à 0,55% d’ajout de MSi. Nous pouvons en déduire que la
présence de ce minimum est liée à la nature minéralogique de cette argile.

Rappelons que cette allure a été observée en utilisant le TppNa (fig. I.15). Ceci laisse
présager que ce comportement est lié à la nature de l’argile indépendamment de celle du
défloculant.

Dans le but de comprendre l’action du métasilicate de sodium, nous avons étudié


l’évolution de certains paramètres tels que le pH, la conductivité électrique et l’emploi d’un
autre défloculant plus riche en silice (trisilicate de sodium ‘TSi’).

a- Influence du pH et de la conductivité électrique

Sur les figures I.26-a et I.26-b, nous avons tracé l’évolution du pH et de la


conductivité électrique en fonction de l’ajout du métasilicate MSi.

68
Chapitre I : Mesures rhéologiques

(a) (b)

10.2 3.5
Argile C3 Argile C3
3 Argile C4

Conductivité (mS/cm)
Argile C4
10
2.5
9.8 2
pH

9.6 1.5

1
9.4
0.5

9.2 0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 0 0.2 0.4 0.6 0.8
% MSi % MSi

Figure I.26. : Evolution du pH (a) et de la conductivité électrique (b) en fonction de l’ajout


du MSi pour les deux argiles C3 et C4 (59,7% massique).

Les résultats obtenus montrent que :

- le pH augmente avec l’introduction du MSi (fig. I.26-a), et qu’il est largement


supérieur au point de charge nulle (PCN) des deux argiles (9,2 et 8,8 pour C3 et C4
respectivement). Nous pouvons supposer alors que les surfaces de bords des particules seront
chargées négativement. Ce qui favoriserait les interactions répulsives et entraînerait la
défloculation de la barbotine

- la conductivité reste quasiment constante (fig. I.26-b). On peut en déduire que toute
la quantité de MSi introduite est combinée.

b- Influence du trisilicate de sodium ‘TSi’

Le métasilicate de sodium (Na2SiO3, 5H2O) est composé essentiellement de deux


groupements : sodique Na2O et silicique SiO2. Pour mieux connaître le rôle de chaque
groupement, nous avons utilisé le trisilicate de sodium (Na2Si3O7, 3H2O) comme défloculant.
Ce dernier présente, à quantité de sodium fixe, une teneur plus élevée en groupement
silicique. Les résultats de la viscosité apparente obtenus sont réunis sur le tableau suivant
(tableau I.2.) et représentés sur les figures I.27-a et I.27-b.

69
Chapitre I : Mesures rhéologiques

Viscosité apparente [Pa.s]


Na2O SiO2 Argile C3 Argile C4
0,35 % 0,10 0,10 0,34 0,23
MSi
0,55 % 0,22 0,21 0,03 1,54
0,57 % 0,10 0,34 0,91 0,19
TSi
1,22 % 0,22 0,73 0,52 0,42
Tableau I.2. : Valeurs comparatives de la viscosité apparente en fonction de la nature de
défloculants.

Pour l’argile C3, les résultats obtenus montrent que à concentration fixe en Na2O, la
viscosité apparente augmente. On peut en déduire que la présence de quantité plus élevée de
silice dans cette barbotine, ne favorise pas la défloculation. Celle-ci sera le résultat de
l’adsorption des ions Na+ dans la DCE et surtout à l’inversion de la charge positive
développée sur les surfaces latérales des particules argileuses. Cette inversion est due à
l’élévation du pH par l’ajout du MSi selon la réaction (18) :

SOH surface + OH - ↔ SO surface


-
+ H 2O (18)

où S désigne les sites réactifs de la surface (Al, Si, Mg,..)

Pour l’argile C4, on remarque que la présence du trisilicate de sodium ‘TSi’ favorise
la défloculation : à concentration constante en Na2O, la viscosité apparente a tendance à
diminuer. Nous pouvons donc supposer que le groupement silicique est à l’origine de cette
tendance : l’adsorption des ions SiO32- sur les surfaces latérales de l’argile serait plus
prononcée. Nous pouvons en déduire que, la défloculation de cette argile se fait d’une part par
l’adsorption de Na+ et par l’inversion des charges de bords d’autre part. L’inversion de ces
charges se fait par augmentation du pH et par adsorption des ions siliciques.

IV. Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons étudié le comportement rhéologique des argiles C3 et
C4. Nous avons essentiellement étudié l’effet de la teneur en matières sèches et l’effet de la
nature et du taux de défloculants (TppNa et métasilicate de sodium). Pour bien mener cette
étude, nous avons effectué des mesures supplémentaires (mesures de pH, de conductivité,

70
Chapitre I : Mesures rhéologiques

analyse des surnageants, dosage des ions phosphates,..). Ces mesures nous ont permis de
mieux comprendre les mécanismes de défloculation et d’en tirer les conclusions suivantes :

3 le comportement rhéologique de l’argile C3 est pseudo plastique tandis que celui de


l’argile C4 est plastique idéal. Cette différence de comportement est due essentiellement à la
différence de la nature minéralogique entre ces deux argiles,

3 la présence de la kaolinite et de la montmorillonite (argile gonflante) dans l’argile


C4, provoque une augmentation rapide de la viscosité apparente pour une concentration en
matières sèches égale à 60,5% massique. L’absence de ces phases argileuses et le fort
pourcentage de silice (32% massique) dans l'argile C3 favorisent la défloculation. En effet, la
viscosité apparente n’augmente que pour une teneur en matières sèches égale à 66,7%
massique.

3 la défloculation des argiles C3 et C4 par le TppNa se fait essentiellement par


complexation des ions floculants d’une part et par adsorption des cations Na+ dans la couche
électrochimique d’autre part. L’adsorption des ions phosphates dès les premiers ajouts de
TppNa, sur les surfaces de bords de l’argile C4 contribue à la bonne défloculation de cette
argile. Pour l’argile C3, cette adsorption ne se manifeste que pour des concentrations en
TppNa supérieure à 0,75%.

3 la défloculation des argiles C3 et C4 par le métasilicate de sodium permet d’obtenir


des résultats très satisfaisants. En effet, l’emploi d’une faible concentration en MSi conduit à
des viscosités convenables. Comme pour le cas du TppNa, la défloculation se fait par
complexation des ions floculants d’une part et par adsorption des cations Na+ dans la couche
électrochimique. L’augmentation du pH de la suspension par ajout du MSi, contribue
également à la défloculation de ces argiles.

3 l’adsorption des ions phosphates (TppNa) et des groupements siliciques (MSi) sur
l’argile C4, montre que cette argile présente des sites chargés positivement sur les surfaces de
bord. Ces sites sont susceptibles de fixer ces anions, ce qui permet d’inverser le signe de ces
charges et donc de favoriser les forces de répulsion. Pour l’argile C3, l’adsorption de ces ions
est tardive et négligeable. Nous pouvons en déduire que cette argile présente moins de sites
chargés positivement.

71
Chapitre I : Mesures rhéologiques

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1. ROSSINGTON K. R., Ceram. Eng. Sci. Proc. 19, N° 2, pp. 65-76, (1998)

2. GÜNGOR N., Interceram 46, N° 4, pp. 244-249, (1997)

3. GÜLER C., BALCI E, Applied Clay Sci. 13, pp. 213-218 (1998)

4. CHANG S.H., Rheologica Acta 32, N° 3, pp. 263-269, (1993)

5. BLANCHART P., Ind. Céram. N° 913, pp. 170-174, (1996)

6. MARCO J., GIMENO R., LUCAS F., RODRIGUEZ M., NEGRE P., FELIU C.,
SANCHEZ E., BOU E.; Cer. Acta 8, N° 6 pp. 35-51 (1996)

7. ASSIFAOUI A., SAGHIRI A., DAOUDI A., MOUSSA R., BLANCHART P.,
Annales de Chimie, Science des matériaux, 25, Supp.1, pp. S311-S314 (2001),

8. COURAZE G., GROISSIORD J.L.; Initiation à la rhéologie; Ed. Lavoisier Tec &
Doc, Paris (1980)

9. JOUENNE C. A.; Traité de céramiques et matériaux minéraux; Ed. Septima, (1990)

10. BINGHAM E.C.; Fluidity and plasticity ; Mc Graw Hill, (1922)

11. HERSCHEL W. H., BULKLEY R., Kolloïd Z., 39, N°291 (1926)

12. OSTWALD W., Kolloïd Z., 36, N°99 (1925)

13. ALBERTAZZI A., RASTELLI E.; Cer. Acta 9, N° 4 pp.5-11 (1997)

14. AMOROS J.L., SANZ V., BELTRAN V., MONZO M.; Cer. Acta. 11, N° 2-3 pp.
59-72 Feb. (1999)

15. WU K., HARGUS P.M.; Ceram. Eng. Sci. Proc. 13, N° 1-2 pp. 445-458 (1992)

16. WU K.; Ceram. Eng. Sci. Proc. 14, N° 1-2 pp. 41-56 (1993)

17. BAUDET G., Ind. Céram., N°753, pp. 627-723, (1981)

18. LUCKHAM P.F., ROSSI S.; Adv. in Colloid and Interface Sci., 82, pp. 43-92
(1999)

19. RAJALA M., KOSKELA E., FALABU D.; Ceram. Eng. Sci. Proc. 13, N° 1-2 pp.
126-131 (1992)

20. CARTY W. M.; Am. Ceram. Soc. Bull. pp 72-78 Aug. (1999)

72
Chapitre I : Mesures rhéologiques

21. WILLIAMS D.J.A.; Trans. J. Br. Ceram. Soc. 81, pp. 78-83, (1982)

22. ANDREOLA F.; Am. Ceram. Soc. Bull. pp. 68-71, Dec. (1998)

23. FAISON J., HABER R.A.; Ceram. Eng. Sci. Proc. 12, N° 1-2 pp. 106-115 (1991)

24. ÖZEL E., AY N., PÜTÜN E.; Am. Ceram. Soc. Bull. 78, N°5 pp. 73-75 May
(1999)

25. YILDIZ N.; Applied Clay Sci. 13 pp. 65-77, (1998)

73

Vous aimerez peut-être aussi