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Préface.......................................................................................................................................................................................................................1
Présentation du projet ASARA ..................................................................................................................................................................................2
Présentation du recueil de capitalisation................................................................................................................................................................3
Abréviation et Acronymes .........................................................................................................................................................................................7
Comment lire les codes couleurs du recueil ? ........................................................................................................................................................8
Chapitre I - Amélioration de la disponibilité alimentaire
« Du champ à la cuillère » : l’amélioration de la production d’igname ...............................................................................................................11
pour combler le déficit alimentaire des ménages à faible revenu agricole
D'une innovation à une pratique paysanne améliorée : cas de la culture de manioc ......................................................................................15
sur « billon amélioré » dans le Sud de Madagascar
La relance de la culture de mil dans les zones semi-arides du Grand Sud Malagasy.......................................................................................21
La patate douce vietnamienne : « Disponibilité ininterrompue dans l'alimentation des ménages vulnérables »............................................25
Chapitre II - Augmentation de la production
« La mise en place de blocs agroécologiques dans les zones semi-arides de Madagascar » : .......................................................................30
expérience multi acteurs pour le changement d’échelle dans la diffusion de techniques agroécologiques.
Les bas-fonds drainés dans le littoral Sud-Est de Madagascar : « une possibilité d'exploiter de nouvelles parcelles rizicoles »...................35
L’OCT : mode opératoire efficient combinant l'amélioration des infrastructures agricoles collectives ...........................................................39
et l’accès individuel au petit matériel de production
"L'adaptation des normes semencières à un contexte régional” : .....................................................................................................................44
cas du système de semence de qualité déclarée dans l'Androy et l'Anosy
"L'herbe à élephant Relaza” : une opportunité d'amélioration de la production des petites exploitations agricoles familiales ....................49
Intégration des MMAV dans le réseau de santé animale dans le Sud de Madagascar ....................................................................................52
Modèle et place des boutiques d'intrants dans le dispositif de production agricole dans le Sud....................................................................56
Chapiitre III - Développement des chaînes de valeur et augmentation du revenu
Autonomiser les plates formes comme structure de pilotage et promotion d'une chaine de valeur ...............................................................62
Amélioration de la qualité des produits agricoles pour favoriser l'accès aux marchés : ..................................................................................67
cas des unités mobiles de collecte et d’extraction de miel
Expérimentation et diffusion de la variété de pomme de terre Bandy Akama dans le district de Betroka .....................................................70
Technique améliorée d'élevage de poulet gasy en Androy et Anosy : une réponse à la décapitalisation des cheptels ..................................74
Technique améliorée d'élevage de poulet gasy à Vangaindrano : ......................................................................................................................80
vers une autonomisation financière des femmes chefs de ménages
Amélioration du revenu des éleveurs de caprins grâce à une combinaison d'actions structurées..................................................................82
Chapitre IV - Amélioration de l'accès aux financements : crédit et subvention
Crédit Avec Éducation: retour d'expériences et conseils pratiques pour en améliorer l'impact positif ...........................................................90
sur les conditions de vie des femnes chefs de ménages
Efficacité et efficience des services financiers aux petits producteurs: ............................................................................................................95
subvention de petit matériel agricole via des boutiques d'intrants
Collecte des apports bénéficiaires en numéraires via le réseau des caisses IMF pour améliorer la traçabilité des versements...............100
Appui à la filière pèche dans la région Anosy (FDAR) ........................................................................................................................................105
Chapitre V- Genre et Gouvernance
Coordination locale des projets d’appui au développement pour une meilleure pérennisation des actions...............................................112
Accès des femmes rurales à la propriété foncière en vue de leur autonomisation.........................................................................................116
Préface
En 2018, l'Union européenne (UE) et la République de Madagascar célèbrent
le 60ème anniversaire de leur partenariat. La République de Madagascar se trouvait
en effet, en 1958, parmi les premiers pays tiers avec lesquels l’UE a établi un
cadre contractuel – l’accord entre la Communauté économique européenne (CEE)
et les 16 Etats Africains et Malgaches Associés (EAMA). Au fil des années, ce
partenariat s'est diversifié, consolidé et approfondi. Il couvre aujourd'hui des
aspects aussi bien politiques qu'économiques, commerciaux et de coopération.
La coopération au développement constitue un pilier central de l'engagement de
l'UE à Madagascar. Elle constitue également l’outil principal pour soutenir
le pays dans ses efforts de lutte contre la pauvreté et d'amélioration de la gouver-
nance. Elle s’appuie sur des instruments divers comme le 11ème Fonds Européen
de Développement, doté d'un budget initial de 518 million d'euros, mais aussi
M. Antonio Sanchez-Benedito
le Plan d’Investissement extérieur et les lignes budgétaires spécifiques ainsi que
Ambassadeur, Chef de Délégation de l’UE les prêts concessionnels de la Banque européenne d’investissement. À ces aides
auprès de la République de Madagascar s’ajoutent les financements de l’UE aux programmes verticaux dont bénéficie
et de l’Union des Comores Madagascar, comme le Fonds global pour l’éducation et l’alliance GAVI pour la
vaccination, ou encore l'aide humanitaire à travers ECHO.
La sécurité alimentaire, et plus largement le développement rural, constituent
de longue date l'un des principaux secteurs de concentration de l'aide au dévelop-
pement de l'UE à Madagascar. Contribuer à réduire l'insécurité alimentaire,
à améliorer la situation nutritionnelle des ménages, à augmenter la production
agricole et à développer les chaines de valeur inclusives à travers la diffusion
d'innovations et le renforcement des capacités des producteurs sont autant de
domaines prioritaires dans lesquels l'UE a soutenu ses partenaires ces dernières
années, en particulier dans les régions les plus vulnérables du pays, telles que
celles du Sud.
Le projet ASARA (financé à hauteur de 36 millions d'euros dans le cadre du 10ème
FED), à travers de nombreuses actions, souvent innovantes, a contribué à l’amélio-
ration de la sécurité alimentaire et à l’augmentation des revenus des ménages
ruraux en tachant de prendre en compte les problématiques importantes des trois
régions du Sud et du Sud-Est de Madagascar, qui se trouvent de plus en plus
fragilisées par les effets du changement climatique. Les interventions des opéra-
teurs du projet ASARA ont permis d'obtenir des résultats tangibles en matière
d'amélioration de la disponibilité en matériels végétal et animal résilients, d'accès
à l’eau agricole, d'augmentation de la productivité agricole et de l’élevage, de
renforcement de la capacité d’investissement, de développement de chaines de
valeur plus favorables aux producteurs, de diffusion de l’agro-écologie ou encore
de promotion de l'égalité de genre.
Pour autant, les changements à l’échelle de territoires aussi vastes ne peuvent se
faire qu’à travers des interventions intégrées qui s’inscrivent dans la durée, ce qui
nécessitent la mobilisation de tous les acteurs du développement.
Le présent recueil, fruit d'un travail de capitalisation d'une dizaine d'opérateurs du
projet ASARA, constitue un outil de diffusion de certaines expériences et bonnes
pratiques qui, nous l'espérons, seront utiles aux acteurs du développement rural à
Madagascar. L'UE s'attachera en particulier à valoriser ce travail dans le cadre
du programme AFAFI SUD (financé à hauteur de 30 millions d'euros dans le cadre
du 11ème FED), qui interviendra dès 2018 dans la continuité du projet ASARA.
Je vous invite donc à découvrir ces expériences et bonnes pratiques, à les partager
et à en tirer le meilleur profit pour continuer à semer les graines d'un développement
rural inclusif et durable.
Bonne lecture !
Présentation du projet ASARA
L
es régions Androy, Anosy et Atsimo Atsinanana comptent
parmi les régions les plus pauvres deMadagascar, enregistrant
une proportion importante de ménages agricoles en situa-
tion ou à risque d’insécurité alimentaire. L’Union Européenne,
à travers le projet ASARA, est intervenue entre décembre 2012 et
décembre 2018 au niveau de ces trois régions pour contribuer à
réduire la pauvreté des populations rurales et leur vulnérabilité aux
chocs climatiques et environnementaux. Les populations dans la
zone d’influence de Fort-Dauphin et de son port, en particulier
100.000 ménages agricoles, ont été ciblés par ce projet, doté d'un
budget de 36 millions €.
L'intervention du projet ASARA s'est articulée autour de 6 axes :
- La promotion et la diffusion des innovations dans des Champs
Écoles Paysans (CEP) en accompagnement des paysans relais
favorisant la diversification et l’adaptation de variétés
culturales et zootechniques adaptées
- Le développement et le renforcement des services d'appui
à l'agriculture avec de nombreux prestataires intervenant dans
la formation, les services vétérinaires et phytosanitaires,
l’outillage agricole, le stockage, etc.
- Le développement de la production agricole commerciale,
pour les filières « phares » ciblées sur les demandes, comme le
ricin, le miel, le haricot sec et le caprins, en partenariat avec les
privés
- La réhabilitation d'infrastructures productives rurales
(transport, irrigation, stockage, aménagements antiérosifs, et
pistes) réalisés par des entreprises locales, avec l’approche
HIMO pour les pistes
- L’extension des réseaux de microfinance à travers l’augmenta-
tion des points de services de proximité, l’accroissement du 2. Le développement de la finance rurale :
volume de financement à l'agriculture, la professionnalisation • 3 opérateurs mettent en place et/ou opérationnalisent
des institutions de microfinance et l’amélioration de la gouvernance le Fonds de Développement Agricole dans chacune des
- L’opérationnalisation du FDA dans les 3 régions d’intervention. régions :
- Androy : AFDI
L’exper tise de 13 opérateurs aux compétences af firmées - Anosy : CARE
et variées a été sollicitée pour l’exécution des différentes activités - Atsimo Atsinanana : CRS
du projet, notamment : •CECAM développe les services financiers en Anosy et
dans le district de Vangaindrano
1. L’appui à la production : 7 opérateurs principaux sont inter- •Fivoy développe les services financiers en Androy et dans
venus sur 8 districts et 1 opérateur a mis en œuvre une action le district de Betroka
transversale d’appui au Ministère de la Présidence en charge de
l'Agriculture et de l'Elevage dans le secteur de la santé animale 3. Le soutien aux chaînes de valeur, par la GIZ
• Androy :
4. Les infrastructures routières, par des entreprises de travaux
- Ambovombe : GRET et CTAS
avec l’assistance technique de Louis Berger et de EGIS Inframad.
- Bekily : AIM et Manambina
- Beloha : CRS
L’Unité de suivi et de coordination du projet (USCP) a été chargée
- Tsihombe : AVSF
du suivi et de la coordination du projet ASARA ainsi que de l’appui
• Anosy :
aux opérateurs.
- Amboasary : AVSF et FAFAFI
- Betroka : ADRA et Manambina
De nombreuses ressources (Atlas, guides et manuels, films, pho-
- Taolagnaro : WHH et EFA
tos…) sont disponibles sur le site internet du projet Amélioration de
• Vangaindrano : Fiantso et ses partenaires Haona Soa,
la Sécurité Alimentaire et Augmentation des Revenus Agricoles
Cedii et Tandavanala
(ASARA) et du projet Actions Intégrées pour la Nutrition et l’Alimentation
• Anosy, Atsimo Atsinanana et Androy pour le soutien (AINA) pour découvrir les actions, résultats et expériences de ces
à l’harmonisation de la santé animale : AVSF interventions : http://asara-aina.eu
Pré s entation du recueil de capitalisation
La capitalisation est un processus qui s’inscrit dans la recherche d’amélioration d’une expérience
ou d’une pratique. Le projet ASARA s’inscrit dans cette logique. Les opérateurs du projet ontainsi décidé de
capitaliser certaines expériences et bonnes pratiquesconstatées au cours de l’exécution de ce projet, et ce
pourdeux raisons essentielles : la conservation du/des savoirs acquis, et la construction collective du/des savoirs
en vue d'une large diffusion.
Les opérateurs du projet ASARA sont des organisations ayant des expertises variées et de longue date dans le
développement rural à Madagascar ou dans d’autres pays, et pour certains dans les régions Anosy,
Androy, et Atsimo Atsinanana. Dans ce sens, ils ont eu à exécuter ou adapter des expériences ayant fait leurs
preuves dans d’autres contextes, ou tester des innovations aux titres d’une expérience. Ainsi, aux termes des
cinq années de mise en œuvre du projet ASARA (2012 – 2018), les opérateurs ont réalisé la capitalisation de
leurs expériences et bonnes pratiques, sous le pilotage, la coordination de l’Unité de Suivi et de Coordination
du Projet (USCP) et l’appui d’une consultante externe mobilisée par l’USCP.
L’experte a été chargée d’animer la concertation entre les intervenants et a assuré le cadrage du contenu et de
la forme des produits de capitalisation. Son intervention a démarré en octobre 2017 et s’est achevée en mai
2018.
Dans le cadre de cet exercice, les définitions suivantes ont été retenues :
« La capitalisation de pratiques analyse et confronte plusieurs actions, les siennes et celles des autres,
alors que dans la capitalisation d’expériences, on procède généralement à l’introspection d’une
expérience à travers le vécu des différents acteurs d’une même expérience » (A. Gueye-Girardet, 2015) »
Les thématiques relèvent des principaux domaines d’intervention du projet ASARA, à savoir :
i) l’appui à la production,
ii) le développement de la finance rurale, et
iii) le soutien aux chaînes de valeur.Certaines actions mises en œuvre, entre autres la
microfinance, le stockage et les aménagements, sont toutefois peu mises en valeur
dans ce document.
Les principaux critères retenus pour sélectionner les thématiques ont été :
- L’existence de résultats :
i) quantitatifs,
ii) et/ou qualitatifs) attribuables directement à l’expérience ou la pratique,
- La transposabilité de ces résultats dans le sens où les résultats ne seront pas altérés dans un contexte
similaire ou proche des conditions de mise en œuvre,
- La transférabilité des résultats ou un partage sans condition particulière
- L’existence de leçons à tirer ou leçons apprises
Le document de capitalisation de chaque opérateur a été élaboré et présenté sous la forme d’une fiche
d’expérience, d’une fiche de pratique ou d’une fiche méthodologique selon le cas. Au total, 22 fiches ont été
élaborées. Chaque opérateura mûri ses connaissances au cours des ateliers, discussions avec les groupes-
cibles et a ainsi rédigé progressivement chaque fiche, avec l'appui de l'experte. Ce processus de capitalisation
a été mis en œuvre sur une période de 6 mois (octobre 2017 – mars 2018).
Les fiches sont assemblées sous la forme d’un recueil. Douze opérateurs y ont mis à disposition leurs
savoirs. Dans l’ordre alphabétique, ce sont ADRA, AFDI, AIM, AVSF, CARE, CECAM, CRS, CTAS, FIANTSO, GIZ, GRET,
et WHH.
Pré s entation du recueil de capitalisation
Ce recueil est présenté selon la mission du projet ASARA : « Amélioration de la sécurité alimentaire et
augmentation du Revenu ». Ainsi, le recueil est subdivisé en cinq chapitres distincts, au sein desquels ont été
groupées les thématiques, selon l’ordre suivant :
Les thématiques suivantes ont été choisies pour faire partie de ce recueil :
La réduction des pertes post récolte ou de capture a été également traitée par le projet ASARA (stockage,
conservation, transformation) mais ne fait pas l’objet de fiche de capitalisation. Deux Guides ont été produits
et disponibles sur ce sujet : le « Guide de stockage des céréales et légumineuses » et le « Manuel technique de
diminution des pertes post capture de la filière Poisson dans le sud ».
Environ 300 kms de pistes rurales ont été réhabilitées au cours de l’exécution du projet ASARA,contribuant à la
réduction du temps et coût de transport, et à l’augmentation des flux commerciaux en production agricole, mais
ce volet n’a pas été traité dans ce recueil
Pré s entation du recueil de capitalisation
L’accès au marché vise à stimuler l’intérêt et l’investissement des agriculteurs et éleveurs, des petites
exploitations familiales. Quatre filières, dont le ricin, le miel, le caprin et le haricot sec sont considérées comme
phares et ont fait l’objet d’un appui conséquent du projet, aboutissant à des partenariats entre les producteurs
et les opérateurs du secteur privé. Outre ces chaines de valeur, de nombreuses spéculations contribuent à
l’augmentation des revenus des producteurs et ont également été promues (dont le poulet, caprin, pomme de
terre).L’augmentation du revenu des agro-éleveurs, par la reconquête du petit élevage (poulet gasy et caprin) et
la diffusion de la pomme terre – spéculation longtemps l’apanage des hauts-plateaux du centre – est aussi
sélectionnée comme thématiques dans ce recueil.
Cinq expériences et bonnes pratiques sont documentés dans ce troisième chapitre, à savoir :
12. Autonomiser les plates formes comme structure de pilotage et promotion d'une chaine
de valeur
13. Amélioration de la qualité des produits agricoles pour favoriser l'accès aux marchés :
cas des unités mobiles de collecte et d’extraction de miel
14. Mécanisme de l'introduction et de diffusion de la variété de pomme de terre Bandy
Akama dans le district de Betroka
15. Technique améliorée d'élevage de poulet gasy : une réponse à la décapitalisation des
cheptels, et vers une autonomisation financière des femmes chefs de ménages
16. Amélioration du revenu des éleveurs de caprins grâce à une combinaison d'actions
structurées
L’extension du réseau de microfinance contribue à l’accès au financement des petites exploitations agricoles
familiales surtout dans les zones peu ou mal desservies en infrastructures structurantes (routière, communi-
cation, etc.). 39 nouveaux points de services ont été créés au cours de ce projet. Des produits financiers, comme
le crédit avec éducation (CAE) destinées aux femmes chefs de ménages, ont permis le développement des
commerces de produits agricoles.
La finance rurale a également fait l’objet du soutien du projet ASARA à travers la mise en place des FDA des
régions Androy et Atsimo Atsinanana et à l’opérationnalisation du FDA Anosy créé en 2009. Des subventions
octroyées par le FDA ont contribué à financer de l’appui conseil aux producteurs, du matériel agricole, d’élevage
et de pêche artisanale, de petites infrastructures productives, de la recherche appliquée ainsi que des projets
portés par les organisations de producteurs.
17. Crédit Avec Éducation : retour d’expérience et conseils pratiques pour en améliorer
l’impact positif sur les conditions de vie des femmes chefs de ménages
18. Efficacité et efficience des services financiers aux petits producteurs : subvention de
matériels agricoles via des boutiques d’intrants
19. Collecte des apports bénéficiaires en numéraires via le réseau des caisses IMF pour
améliorer la traçabilité des versements
20. Appui au secteur pêche à travers le fonds de développement agricole dans la région
Anosy
Pré s entation du recueil de capitalisation
Les questions transversales, telles que le Genre et la Gouvernance rapportées dans ce document, ont été
également intégrées aux approches opérationnelles du projet ASARA, et ont fait l’objet de deux expériences
conduites dans le district de Vangaindrano, dont la proportion élevée des femmes chefs de ménages très
vulnérables, est particulièrement importante.
21. Coordination locale des projets d’appui au développement pour une meilleure
pérennisation des actions
22. Plaidoyer pour l’accès des femmes chefs de ménages à la terre, en vue de leur
autonomisation
À l’instar de l’étendue des secteurs d’activités et de la diversité des acteurs concernés par la sécurité
alimentaire, ce recueil s’adresse aussi à un large panel d’utilisateurs. Toutefois, il cible prioritairement :
« La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur
permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. » (Définition de la Conférence mondiale de
l'alimentation de 1996)
Abréviations et Acronymes
AC Agent Communautaire FIDA Fonds International pour le Développement de l’Agriculture
AC Association de crédit (CAE) FIFAMANOR Fiompiana Fambolena Malagasy Norveziana
ACN Agent Communautaire Nutrition FOAC Formation sur l’Organisation de l’Association de Crédit
ACSA Agent Communautaire de Santé Animale FOFIFA Foibe Fikarohana ho an’ny Fampandrosoana ny Ambanivohitra
ACT Argent Contre Travail (Centre National de Recherche pour le Développement Rural)
ADRA Adventist Development and Relief Agency GCV Grenier Communautaire Villageois
AFAFI -SUD Appui au Financement de l'Agriculture et aux Filières GIZ Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit
Inclusives (dans le Sud) GPS Groupement de Producteurs de Semences
AFDI Agriculteurs Français et Développement International GRC Gestion des risques et de catastrophes
AG Assemblée Générale GRET Groupe de Recherche et d’étude Technologique
AGR Activité Génératrice de Revenu GS Groupe de solidarité
AIM Action Intercoopération Madagascar GSDM Groupement Semi-Direct de Madagascar
AINA Actions Intégrées pour la Nutrition et l’Alimentation HIMO Haute Intensité de Main d’œuvre
ANCOS Agence Nationale de Contrôle Officiel des Semences ICRISAT Institut International de Recherches sur les Tropiques
et Plants Semi-Arides
AROPA Appui au Renforcement des Organisations IMF Institution de microfinance
Profession-nelles et aux services Agricoles (Projet) MMAV Mpiompy Mpanampy ny Asa Veterinera
ASARA Amélioration de la Sécurité Alimentaire et Augmentation MPAE Ministère auprès de la Présidence en charge
des Revenus Agricoles de l’Agriculture et de l’élevage
AUE Association des Usagers de l’Eau OCDE Organisation de Coopération et de Développement
AVSF Agronomes et Vétérinaires Sans Frontière Économique
BI Boutique d’intrants OCT Outils Contre Travail
BIF Birao Ifoton’ny Fananan-tany (ou Guichet Foncier) ONG Organisation Non gouvernementale
BVPI Bassin versant et Périmètres Irrigués (Programme) ONN Office National de Nutrition
CAE Crédit Avec Éducation ONVDM Ordre Nationale des Docteurs Vétérinaires
CAEM Centre d’Accueil des Enfants Malnutris de Madagascar
CECAM Caisse d’Épargne et de Crédits Agricoles Mutuels PAC Programme d’Action Communautaire
CEE Communauté économique européenne PAM Programme Alimentaire Mondial
CEF Compte à l’Exploitation Familiale PL Paysan Leader
CEP Champs École Paysan PMS Paysan Multiplicateur de Semences
CIRAD Centre International de Recherches PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
pour le Développement PRA Poulet de Race Améliorée
CIRAE Circonscription de l’Agriculture et de l’Élevage PRL Poulet de Race Locale
CMS Centre Multiplicateur de Semences PSAEP Programme Sectoriel Agriculture Élevage et Pêche
COMESA Common Market for Eastern and Southern Africa PTA Poulailler Traditionnel Amélioré
CROA Comité Régional d’Orientation et d’Allocation (FDA) RES Réseau d'Épidémio-Surveillance
CRS Catholic Relief Service RRC Réduction de risque de catastrophe
CSA Centre de Service Agricole SAD Service d’Animation du Développement
CTAS Centre Technique Agroécologique du Sud SADC Southern African Development Community
CTD Collectivité Territoriale décentralisée SDMAD Semis Direct de Madagascar
CUMA Culture Maraîchère SLC Service Local de Concertation
DOIT Développement Organisationnel Institutionnel et Technique SQD Semences de Qualité Déclarée
DPV Direction de protection des végétaux SREL Service Régional de l’Élevage
DR Direction Régionale (FDA) STD Service Technique Déconcentré
DRAE Direction Régionale de l’Agriculture et de l’élevage TMOS Technicien de Maitrise d’Ouvrage et de Suivi
DRHP Direction Régionale de ressources halieutiques et de la pêche UC Unité de collecte
EAMA États Africains et Malgaches Associés UE Union Européenne
ECHO European Commission Humanitarian Aid Head Office UPR Unité de Production de Reproducteurs
EF Éleveur-Formateur URL Unité de Recherche Langoustière
EL Éleveur Leader USCP Unité de Suivi et de Coordination du Projet (ASARA)
FAFAFI Fanentanana Fambolena Fiompiana VCT Vivres Contre Travail
FAO Organisation pour l’Agriculture et l’Alimentation VSLA Village Saving and Loan Association
FDA Fonds de Développement Agricole WHH Welt hunger hilfe
FFH Freedom From Hunger (ONG)
Comment lire les codes couleurs du recueil ?
Amélioration
de la disponibilité alimentaire
« Du champ à la cuillère »:
L’introductionde l’igname domestiquée à Bekily
pour combler le déficit alimentaire des ménages
à faible revenu agricole
L ’introduction et la promotion de la
c u l t u r e d ’ i g n a m e c o n s t i t u e n t u n e
démarche permettantd’améliorer la disponibi-
lité d’une alimentation de qualité pour les ménages
ruraux pendant les premiers mois de la période de soudure,
L’introduction d’une nouvelle spéculation agricole, et son adoption,
dépendent de plusieurs déterminants qui ne pourraient être
connus à l’avance. Cela pourrait être le niveau de rendement,
la facilité de production, la conservation aisée, le goût, la
simplicité du mode de cuisson, ou une combinaison de
entre octobre et décembre. En effet, la récolte est généralement tous ces paramètres.Pour l’igname, l’expérimentation
assurée en juillet et août, et sa facilité de conservation jusqu’à menée a tenté de mettre en lumière tous ces facteurs,
4 mois permet aux ménages de Bekilyde disposer d’une source d’où un ensemble d’actions allant de la production à
d’alimentation même au mois de décembre. L’igname est une sa valorisation en tant qu’aliment de base.
espèce qui s’adapte au stress hydrique, etrépond bien au contexte
agro-climatique de la zone cristalline de Bekily. Grâce à ses qualités L’expérience a été conduite par AIM avec son
agronomiques – rendement élevé et rusticité – et gustatives, l’igname partenaire local,l’Association Manambina,dans
offre aux producteurs une possibilité relativement aisée d’intensifi - le cadre de la mise en œuvre du projet ASARA
cation de la production et de diversification alimentaire. L’igname est dans le District de Bekily. A différents stades de
normalement préparée en pépinière entre les mois d’août et septembre cette expérience, les deux partenaires ont fait
et mise en terre entre octobre et décembre. Face à l’efficacité de sa appelaux expertises et savoir-faire d’autres
diffusion auprès des producteurs, elle offre un revenu supplémentaire acteurspour faciliter la diffusion de la culture
aux producteurs de semence, leurpermettant ensuite d’acquérir d’autres - et l’adoption du produit dans la consomma-
denrées nécessaires à la diversification de l’alimentation. tion quotidienne des ménages.
1
AROPA, « Situation de référence du Programme PARECAM », Ministère de l’Agriculture, 2010.
2
« Enquête périodique auprès des ménages », INSTAT, 2010.
11
A m él i or at i on d e l a d is pon ib i li t é a li m en ta i re
La zone cristalline de Bekily présente cepen-
dant un fort ensoleillement, et une faiblesse
et une irrégularité des pluies. Une spéculation
pouvant s’adapter plus aisément à ces condi-
tions agro-climatiques serait une bonne alter-
native pour renforcer et diversifier les
pro ductions agricoles servant d’alimentation
de base.La culture d’igname a été ainsi
choisie à cause de sa mise en culture très
précoce vers le mois d’octobre avant les pre -
m
ières pluies, et de sa faible exigence en
entretien et en eau. En plus, un pied d’igname
peut rendre 12 à 35 kg au moment de la
récolte, contre 5 à 7 kg/pied pour le manioc
cultivé traditionnellement, et 10 à 15 kg/pied
Photo 2: Cartographie des Communes d'expérimentation de la culture d'igname pour le manioc cultivé en « basket compost ».
Fort de ce premier constat comparatif, des
expérimentations de son adaptabilité pédo -
climatique et culinaire ont été conduites
durant l’année 2014. Les expérimentations se
sont déroulées dans les communes de Bekily,
d’Antsakaomaro, de Beteza,d’Ambatosoala,
deBeraketa, de Manakompy, de Belindo et
de Tanandava. Ces communes représentent
les 5 zones agroécologiques du district de Be-
kily (Zones Est, Ouest, Sud, Nord, et Centre).
S’ensuit une analyse des résultats des expéri-
mentations pour déterminer les meilleures
conditions de culture et les itinéraires tech-
niques optimaux pour sa production.
Les résultats finaux ont été repris et répli-
qués à travers des démonstrations tech-
niques sur des parcelles dédiées. Cette
seconde étape dura toute l’année 2015
afin depouvoir maitriser les itinéraires tech-
Photo 3: Production d'igname au cours de la récolte 2015
niques, le traitement post récolte en vue En 2016, ont commencé la diffusion à travers paysans expérimentateurs, les paysans
d’une meilleure conservation. Quant à son des champs écoles paysans et la vulgarisation l e a d e r s , l e s p ay s a n s fo r m a te u r s , l e s
utilisation dans l’alimentation, AIM a fait de l’igname. Cette année a été aussi marquée producteurs de semences,les structures
appel à l’Office National de la Nutrition par l’intensification de la production des spé c ia l isées en nutrition et en vente
(ONN) au cours de cette même année pour- semences d’igname, la vulgarisation de sa d’intrants agricoles, les agents communau-
définir les différentes recettes à base culture et la promotion de sa consommation. taires, la Direction Régionale de l’Agricul-
d’igname. Des démonstrations culinaires ture et de l’Elevage de l’Androy (DRAE), le
ont ainsi été organisées dans les 19 com- Ces actions ont été entreprises en collabo- Centre de Service Agricole Mavitriky (CSA),
munes du district de Bekily. ration avec différentes entités dontles l’ONN, etc.
1
Source : https://www.lanutrition.fr/bien-dans-son-assiette/aliments/fruits/figue-de-barbarie/les-caracteristiques-de-la-figue-de-barbarie, 15/03/18.
12
A mé li o ra t io n d e la d i spo ni bi l i té al i me nt ai r e
13
A m él i or at i on d e l a d is pon ib i li t é a li m en ta i re
Répartis dans 5 Communes, les PMS ont 3.000 kg ont été vendus à des projets de
produit plus de 5.000 kg de semences du- développement ou projets humanitaires
rant la période de récolte en juillet et août intervenant dans la zone. Le reste de la
2017. Elles ont été mises en terre à partir production a été écoulé sur le marché local
du mois d’octobre à décembre 2017par à travers des ventes directes entre PMS et
plus de 2.000 paysans adoptants. Le nom- paysans et auprès des boutiques d’intrants.
bre de pieds d’igname cultivés par ménage Le revenu de cette vente est estimé à
varie entre 10 et 500 pieds, avec une 4.500.000Ar pour les14 PMS soit 500.000 Ar
moyenne de 35 pieds par ménage. Les nou- par producteurs. Pour ces PMS, ce revenu
veaux adoptants préfèrent démarrer par un permettrait d’acquérir 285kg de riz blanc
nombre de pieds moins nombreux, tandis soit une consommation de 120 jours pour
que les initiateurs augmentent leur taille un ménage de 6 personnes.
d’exploitation d’une campagne à une autre,
d’où cette variation du nombre de pied Aux termes de cette expérience, deux
plantés par ménage.La production totale paramètres ont été consistants pour
d’igname,prévue pour la campagne 2017- ex p l i qu e r l ’ a d o p t i o n d e l a c u l t u r e
2018, est estimée à environ 1.200 T, soit d’igname par les agriculteurs du district
environ 600 kg/ménage. Cela permettrait à de Bekily:
un ménage de producteur de 6 personnes,
composé de 2 adultes et 4 enfants, de se • Le premier est le niveau élevé de ren-
nourrir au moins pendant 125 jours, à rai- dement de l’igname, comparé surtout
son de 1,6 kg/repas pour 3 repas par jour, à celui du manioc ; Photo 4: Un pied d'igname récolté
par un paysan du Bekily
permettant de combler 80% de la période
de soudure. Selon les enquêtes menées par • La deuxième est le goût très apprécié des agriculteurs à cultiver ce tubercule.
l’équipe du projet, en décembre 2017 et de l’igname dans les différentes pré- L’igname est même suggérée dans les
janvier 2018, auprès des ménages produc- parations culinaires salées ou sucrées recettes pour prévenir la malnutrition chez
teurs d’igname, ces derniers ne souffrent pour l’alimentation humaine. les enfants en bas âge : une recette à base
pas encore de disette en cette période de de farine d’igname, mélangée avec de la
soudure. L a c o l l a b o r a t i o n ave c l ’ O N N , p o u r l a farine de légumes séchées (carotte, cour-
recherche de recette d’igname et les gettes…), et d’arachide. Cette recette est
Sur les 5.000 kg de semences d’igname démonstrations culinaires réalisées, a actuellement utilisée par les Centres
produites par les PM Sen 2017, environ contribué au processus de prise de décision d’Accueil des Enfants et des Mères (CAEM).
4. Leçons apprises
Avant l’expérimentation, la population à Bekily considérait l’igname comme
Aux termes de cette expérience,
l’aliment des pauvres. Sa culture intéressait peu les paysans, et sa consom-
il a été conclu que :
mation était très rare. Avec l’appui de l’Association Manambina, un effort de
- La diffusion d’une innovation auprès des ménages ruraux- sensibilisation conséquent a dû être considéré pour que les ménages accep-
nécessite au moins 3 années afin de mener à bien toute la tent de faire évoluer leurs habitudes alimentaires, et démarrent les expéri-
démarche, allant de tests expérimentaux jusqu’à l’adoption mentations en milieu paysan.
effective d’une spéculation agricole par les ménages ruraux.
- La diffusion d’une innovation appelle une approche systé- L’implication des Centres d’Accueil des Enfants et des Mères (CAEM) dans
l’éducation nutritionnelle et l’utilisation de l’igname dans la farine nutrition-
mique et multi-acteurs, étant donné la multitude des
nelle pour la prévention de la malnutrition a suscité l’intérêt des femmes à
acteurs concernés à chaque étape (expérimentation /
pratiquer sa culture. En effet, actuellement l’igname est très prisée dans
démonstration / diffusion, agriculture et nutrition) et le
l’alimentation des enfants en bas âge et cela a démultiplié l’adoption de
système social, organisationnel et éco nomique dans lequel
l’igname auprès des femmes agricultrices.
cet ensemble d’acteurs s’insèrent
- La disponibilité locale de semences de qualité doit être Actuellement, de leurs propres initiatives, certains paysans expérimentent
assurée, à travers la formation de PMS de proximité. des techniques apprises lors de l’expérience avec d’autres tubercules et
L’appui des services techniques déconcentrés de l’État, est légumineuses pour améliorer le rendement. Il s’agit, entre autres, de la
pour cela déterminant. pratique de l’association de culture tubercule/légumineuse, et de l’utilisa-
tion du basket compost combinée avec la technique du buttage.
Mots-Clés : Igname domestiquée, itinéraire technique améliorée, agriculture familiale, adapation au changement climatique, zone semi-aride, rendement
Auteurs : - ANDRIAMAHARAVO Solofo, Coordonnateur Régional.
- RAZAFINDRAHAGA Franck, Chargé de Programmes.
14
A m él i or at i on d e l ’a ccè s à l’ al i me nt at i on A mé li o ra ti o n d e la d i spo ni bi l i té al i me nt ai r e
D'une innovation à une pratique
paysanne améliorée :
Cas de la culture de manioc sur « billon amélioré »
dans le Sud de Madagascar
1
Sondage de rendement effectué par la CIR AGRI et CSA Amboasary Atsimo_ Août 2016.
15
A m él i or at i on d e l a d is pon ib i li t é a li m en ta i re
Variable de quelques ares
Surface exploitée Moins de 0.5 ha De 0.5 à 3 ha De 3 à 11 ha
à 3 ha
Vivrière, rente, utilisation
Vivrière, rente, utilisation
Type de culture Vivrière, manuelle Vivrière, manuelle de la charrue (location ou
de la charrue (propriétaire)
propriétaire) ou manuelle
Familiale, entraide
Main d’œuvre Familiale et entraide Familiale et entraide Familiale et entraide
et salarié
Consommation du mé- Consommation
Destination culture Consommation du ménage Consommation du ménage
nage, vente du ménage, vente
Un seul repas, consomma- Un seul repas, consomma-
Stratégie en période Un seul repas, consommation de Deux repas,
tion de fruit de cactus et tion de fruit de cactus et
de soudure fruit de cactus et vente d’animaux vente de capital
vente de terre et d’animaux vente d’animaux
2
Enquête AVSF_ District AmboasaryAtsimo_Novembre 2017
16
A mé li o ra t io n d e la d i spo ni bi l i té al i me nt ai r e
La technique consiste à concentrer de la
matière organique riche ou composte au
niveau de chaque pied de manioc. Pour cela,
le producteur doit préparer, deux mois avant
la date de plantation des boutures, des trous
d’environ 60cm de côté et de profondeur, en
y introduisant les matières pour la formation
d’un composte. La composition du composte
recommandée est une propor tion de
matières végétales vertes, de matières végé-
tales sèches, du fumier de parc à zébu, et de
cendre et de l’eau pour déclencher la
décomposition. Le temps de décomposition
prévu est, au moins, de deux mois dans le
cas où il n’y aurait pas d’apport régulier en
eau.Cette pratique permet de i) fertiliser le
sol sur une période maximale de deux ans,
ii) ameublir le sol,
iii) maintenir l’humidité,
Photo 2: Parcelle de manioc en basket compost
iv) concentrer des éléments riches pour
la croissance du manioc et ainsi avoir
En termes de rendement, sur la campagne suivie, le rendement a été multiplié par 7 (tableau
des rendements meilleurs,
ci-dessous), obtenu certainement par l’amélioration de fertilité du sol, et le maintien de
l’humidité – alimentée par quelques précipitations – au niveau des pieds de manioc. v) faciliter la récolte.
Sur les parcelles d’expérimentation, chaque
paysan relais a produit environs 250 pieds • La disponibilité de main d’œuvre : Comme à dos et/ou par brouette. Il faut noter que
en « basket compost », soit une surface pour la technique traditionnelle, la confec- 2 ares de parcelles nécessiteraient 1 char-
moyenne de 25 ares, les pieds de manioc tion des trous se fait avec des bèches rette de fumier, l’équivalent de 200kg.
étant espacés de 1m les uns des autres.Au et demande ainsi beaucoup de main Enfin,les matières végétales deviennent
cours de l’année suivant cette expérience, d’œuvre, estimée 1800 h/j par ha pour rares à causedes défrichements des
la disponibilité alimentaire des paysans assurer la trouaison, la fertilisation, la forêts, l’accroissement des surfaces agri-
appuyés était de 8T soit l’équivalent de la plantation, le sarclage,larécolte , soit 26 coles et la rareté des parcelles en friche.
nourriture de plus de 12 mois d’un ménage fois plus que la technique traditionnelle. La distance estimée à parcourir pour le
avec les rendements moyens obtenus . Cette technique s’avère aussi gourmande transport de biomasse varie de 2 à 5 km.
en main d’œuvre nécessaire à la collecte
Cependant, moins de 10% des paysans • Le chevauchement des activités cultu-
et remplissage des trous et au transport
avaient adopté la technique du basket com- rales : Les activités de trouaison, de
de la matière organique.
post (surface moyenne d’adoption : 2 ares) collecte et d’enfouissement de la bio -
à la fin de l’année 2016 aux vues des nom- • L'accès à la matière organique (matière masse,qui doivent se réaliser deux mois
breuses contraintes auxquelles ils étaient- verte, herbe sèche et fumier) : En effet, les avant la plantation afin d’assurer un
confrontés pour sa mise en place. parcelles sont, en général, loin du village bon dégrée de décomposition, se chevau-
et des parcs à zébus. Le transport de fu- chent avec les activités de récolte des
Les contraintes majeures de cette tech- mier est ardupour les ménages qui ne dis- cultures de grande saison et de contre
nique ont été analysées par les paysans posent pas de charrette et doiventle faire saison.
lors du bilan de campagne. Il s’agirait de :
3
L a méthodologie de diffusion par paysans-relais est basé sur le principe de l’horizontalité de la transmission et par la démonstration in situ.
Sur la base d’une estimation de la consommation moyenne par ménage de 7 personnes d’environ 3 kg/jour de manioc
17
A m él i or at i on d e l a d is pon ib i li t é a li m en ta i re
En conclusion, la technique de « basket Tableau 2: Comparaison du rendement entre technique traditionnelle
compost » semble plus adaptée aux zones et basket compost
sédimentaires et volcaniques ayant de
ressources forestières à disposition et de
savanes arborées. Par ailleurs, l’innovation
introduite estplus adaptée aux ménages de
Rendement (T/ha)
typologie 4, ayant accès à des moyens de
transport (charrette et bœuf) et à une main
d’œuvre salariale dans la zone d’inter -
Manioc sur billons
vention. 5 t/ha
(pratique traditionnelle)
Manioc sur Basket Compost
35 t/ha
(pratique innovante)
Ainsi, la technique dorénavant dénommée
Les propositions des groupements « Billon Amélioré » reprend le principe de
ont été les suivantes : concentration de composte au niveau de
> Selon la technique traditionnelle :
- Valoriser les déchets et rejets des chaque pied de manioc et introduit la tech-
la confection des billons se fait avec
aliments des zébus, mélangés à la nique de culture traditionnelle en billon ma-
des bèches et demande beaucoup de
fumure pour faire du composte, nuel ou avec charrue.
main d’œuvre (262h/j par ha de prépa-
- Utiliser le composte mûr dans les ration du sol, le buttage,la collecte de
Pour démontrer cette nouvelle technique,
billons traditionnels, biomasse, la plantation, et le sarclage)
50 groupements ont exploité 6ha de par-
- Utiliser le composte mûr dans les celles pendant la campagne agricole
> Selon la technique « m écanisé » :
billons traditionnels améliorés avec de 2016-2017. L’accompagnement par le
La création de billon peut se faire par
l’utilisation d’une charrue, projet a consisté en une formation tech-
charrue, et permet de réduire considé-
nique et une subvention en bouture.
- Acquérir du matériel commun (charrue, rément le temps de travail et la péni -
charrette, brouette)pour faciliter la pré- bilité
Selon la possibilité des ménages, la prépa-
paration du sol et le transport ration du sol et la plantation se sont faites
de deux techniques différentes :
5
Enquête AVSF, District Amboasary Atsimo_ Novembre 2017
18
A mé li o ra t io n d e la d i spo ni bi l i té al i me nt ai r e
Les contraintes précédemment mention-
nées ont pu être surmontées, à travers une
meilleure organisation collective :
- Un apport commun de matériels – à
partager – pour surmonter le manque
de mains d’œuvre. Ces matériels ont
été, dans un premier temps, subven-
tionnés par le projet, puis gérés collecti-
vement pour assurer leur entretien et
renouvellement, par le paiement de
cotisation par les membres du groupe-
ment. Ils ont pu s’outiller à long terme.
- La collecte directe des résidus, rejets et
fumiers des parcs à zébus assure le
volume de biomasse nécessaire. A titre
de rappel, le volume de biomasse est
de 200kg de fumier pour une parcelle
de 2 ares, ce qui représente un volume
identiqueà celui préconisé pour le
« basket compost ». L’accès à la matière Photo 3: Parcelle de manioc en "billon amélioré"
organique est donc ainsi facilité.
A l’issue de cette campagne, le projet a évalué à 38% le taux d’adoption compost. On observe que l’adoption d’une innovation ne dépend pas
de la technique, un taux bien meilleur par rapport au basket compost. Ce seulement d’une nouvelle combinaison des facteurs de production et son
taux d’adoption du billon amélioré, plus élevé, ne peut pas s’expliquer à impact sur les revenus. D’autres facteurs organisationnels comme la
partir des indicateurs de productivité, car en effet le billon amélioré enre- charge de travail, l’accès et la disponibilité des ressources et bien d’autres
gistre des valeurs inférieures de productivité que la technique de basket encore pourraient être déterminants.
19
A m él i or at i on d e l a d is pon ib i li t é a li m en ta i re
4. Leçons tirées
L’élément fondamental pour la réussite
Facteurs clés de la réussite de la technique innovante demeure la motivation au changement. Dans
ce cas-ci, il se traduit par la participation volon-
taire des paysans à l’adoption d’une nouvelle
technique, en passant en premier lieu par son
expérimentation et la validation de l’expérience.
La démarche d’accompagnement, à travers un
groupement de paysans, a été beaucoup plus
prometteuse que l’individualité. Les échanges
de bonnes pratiques entre pairs ont été essen-
tiels à la mise en place de solutions adaptées,
qui ont pris en compte les facteurs contrai-
gnants au regard des participants. De cette
manière, il a été démontré que les itinéraires
techniques peuvent être toujours adaptés au
contexte qui prévaut.
Par ailleurs, la place du technicien animateur a
été aussi la clé du changementcar il s’est posi-
tionné comme un animateur-technicien, capa-
ble de fournir des informations techniques ou
des éléments d’aide à la décision, mais surtout
d’accompagner le groupe dans la réflexion et la
Photo 4: Récolte de manioc sur billon amélioré recherche de solutions adaptées à leur réalité.
Difficultés rencontrées
Effet pervers de l’assistanat aux paysans : Les pay- Inégalités socio-économiques entre les Manioc, image associée à une stratégie
sans ont pris l’habitude de recevoir des indemnités membres d’un groupe : Les membres des de survie : La culture de manioc consti-
en échange à leur participation à des réunions ou groupes ne disposent pas souvent des mêmes tue une stra tégie de survie pour les pay-
des formations, même s’ils sont les bénéficiaires ressources,rendant laborieuse l’adoption de la sans les plus vulnérables. Ces ménages
directes de ces activités. De telles pratiques sont cou- nouvelle technique pour les moins nantis. De ce n’ont pas la possibilité d’investir et de
rantes dans le Sud de Madagascar et ont constitué qui précède, la mobilisation des contributions prendre le risque d’adopter de nouvelles
un facteur limitant à l’approche promue par AVSF pour l’acquisition du matériel commun est pratiques, sans une démonstration de la
pour l’apprentissage et ensuite l’adoption de la inégale parmi les membres et l’utilisation en est preuve de la réussite. Le temps de
technique. En effet, AVSF a promu une démarche vo- affectée : ceux qui ont contribués le plus à démonstration dans les champs écoles
lontaire de la part des groupements paysans et ne les l’achat de matériel commun bénéficient de pour convaincre du profit d’une telle
ont pas indemnisés pour se former afin d’améliorer l’usage routinier voire exclusif du matériel. Pour pratique est à prendre en considération
leur technique agricole, et en conséquence la produc- éviter ces difficultés, l’origine de la création du dans la démarche et l’approche.
tivité et son incidence sur la disponi bilité alimentaire groupe (cohésion sociale, membre d’une même
de chaque paysan. lignée…) est la clé de la réussite.
Pérennisation
La pérennisation des résultats positifs ou des acquis de la démarche de Dans le cas des groupements les plus avancés, un accompa-
recherche-action dépend fortement d’une solide structuration des grou- gnement en gestion basé sur les calculs des coûts et béné-
pements, de l’organisation, de la mobi lisation des ressources, et de la fices des tech n iques expérimentées et la mise en place
gouvernance qui en découle.La réussite du processus est dépendante de d’un « compte à l’exploitation familiale » ou CEF s’avère né-
la structure des relations sociales au sein du groupe. cessaire.
Conclusion
Cette expérience montre que l’innovation n’est pas la finalité, mais plutôt nouveaux problèmes. Le changement n’est pas le produit
un processus social et interactif dans un environnement particulier et sys- d’une simple dif fusion/adoption, mais un processus à
témique. La démarche d’’appropriation d’une innovation doit toujours tenir plusieurs dimensions avec de multiples interactions au cours
compte des besoins et des stratégies adaptées à l’agriculture paysanne. duquel les paysans ne sont pas des récepteurs passifs des
innovations. Ce processus doit mettre un place un espace de
Cette expérience a démontré que des pratiques promues ne répondent dialogue et de réflexion avec les paysans pour engager une
pas toujours aux problèmes des paysans et,a contrario, leur posent de démarche de recherche active de solutions.
Mots Clés : Manioc, innovation, adaptation, appropriation, compost, rendement, recherche-action, approche "groupement"
Auteurs : - REROLLE Julia, Assistant Technique Transversal
- ANDRIAMAMPIONONA Lôla Rakotoanadahy, Assistant Technique Suivi-évaluation
20
A mé l i or at i on d e l a d i sp oni bi l i t é al i me nt ai r e
La relance de la culture du mil
dans les zones semi-arides
du Grand Sud de Madagascar
Les régions semi-arides
du Sud Malagasy reçoivent régulièrement moins de
400mm de pluies par an. Cette faible pluviométrie, combinée à des
vents desséchants, n’est pas favorable à la plupart des cultures de céréales,
en particulier la culture de maïs, pourtant pratiquée traditionnellement et largement par les
paysans de l’Androy. Une des céréales les plus tolérantes au manque d’eau est le mil. Sa culture,
existante puis en nette régression, a été relancée dans le Sud avec l’introduction de nouvelles variétés,
auprès des petites exploitations agricoles familiales.
Au fil des essais expérimentaux avec les paysans et des collaborations avec la recherche internationale, des
variétés appréciées par les paysans ont pu être identifiées. Elles ont été ensuite multipliées, mises à disposition
des paysans et diffusées plus largement. Aujourd’hui, le mil apparait comme une culture pouvant à la fois
fortement contribuer à l’alimentation quotidienne des ménages et à l’augmentation de leur revenu.
La culture de cette céréale pourrait apporter une solution à la principale
contrainte aux cultures céréalières en région Androy et celles qui
présentent un contexte similaire.
Les sorghos et mils sont, en revanche, des céréales
adaptées aux zones semi-arides, avec un besoin en
eau 25 à 40% inférieurs à ceux du maïs. Ils consti-
tuent des cultures de référence dans les autres par-
ties du monde exposée aux contraintes climatiques
similaires à celles de l’Androy. Par le passé, ces cul-
tures étaient d’ailleurs pratiquées dans le grand Sud,
mais ont régressé au fil du temps, jusqu’à devenir
très marginales.
1
Serge B., Fidy R. 2017. Mission d’appui aux structures productrices de semences.
2
Programme Objectif Sud dont l’une des activités principales futde diversifier les cultures pratiquées par les exploitants agricoles.
21
Am é li o ra ti o n d e l a d i spo ni bi l it é al im e nt ai r e
3
Un centre de 80ha, au bord de la rivière Mandrare,doté de structures d’irrigations.
22
A mé l i or at i on d e l a d i sp oni bi l i t é al i me nt ai r e
23
Am é li o ra ti o n d e l a d i spo ni bi l it é al im e nt ai r e
L’ouverture de la législation semencière
pour la production de semences a été aus-
sidécisive. Elle a permis la production locale
des semences de mil et leur accessibilité
aux petites exploitations agricoles.
Aux regards des expériences dans les
autres pays présentant des contextes simi-
laires au grand Sud de Madagascar, le travail
sur la mécanisation – au cours de la trans-
certaines conditions, être le facteur de
maintien de la production et d’augmenta-
tion des surfaces cultivées par les petits
producteurs agricoles.
En lien à l’alimentation humaine, la farine
de mil pourrait être une bonne alternative
au maïs, et plus particulièrement dans les
farines infantiles et dans les industries
agroalimentaires, lorsque les conditions de
production des autres céréales habituelles
ne sont pas aisées aux regards des condi-
tions climatiques qui prévalent. À ce stade,
la production de mil est efficiente comparée
à la production d’autres céréales.
Photo 6: Décorticage et battage mécanique du mil
Dans le Sud malagasy, et probablement
formation – mérited’être renforcé, étant La poursuite vers la transformation et la dans des contextes similaires, le mil estes-
donné que le battage et le décor t icage production de farineest indispensable pour sentiel pour la sécurité alimentaire tout en
m a n u e l s d u m i l s o n t d e s t â c h e s augmenter le revenu des producteurs. combinant un potentiel intéressant pour la
pénibles. L’augmentation de revenu pourrait, sous génération de revenus.
Mots Clés : Mil, céréale alimentaire, zone aride, relance agricole, système de semence de qualité déclarée, semences améliorées, Sud malagasy
Auteurs : - RANAIVOhARIMANANA Tolotra (CTAS)
- LhERITEAU Fabrice (Gret)
- RAMARAkOTO ketamalala (ANCOS)
- RAkOTOMAMONjy Siméon (FOFIFA)
24
A mé li o ra ti o n d e la d i spo ni bi l i té al i me nt ai r e
La variété Vietnamienne de patate douce :
disponibilité ininterrompue
dans l'alimentation des ménages vulnérables
La patate douce est un complé-
ment dans l’alimentation des mé-
1. Environ cinq mois de déficit alimentaire à combler
nages ruraux dans la partie chez les ménages ruraux du district de Fort-Dauphin
L
Sud-Sud-Est de Madagascar, dans
es ménages du littoral Sud-Est sont soudure située entre les mois de janvier à
le district de Fort-Dauphin, au
généralement confrontés à une longue mars. La variété « La Réunion », de 3 mois
même titre que le manioc. Prati-
période de soudure variant de trois (3) contre 4 à 5 mois pour les variétés locales
quement, elle remplace
à six (6) mois selon les communes. Les com- usuelles, est déjà cultivée par la population.
au moins une des rations journa-
lières de riz, aliment de base des munes du littoral en sont les plus touchées Elle permet d’étager les récoltes, pour avoir
Malagasy. La plantation de patate avec une moyenne de 5 mois dans l’année un complément alimentaire sur de plus
douce figure comme une stratégie répartie en 2 périodes dont une entre les longues périodes.
pour atténuer l’insuffisance voire mois de janvier-mars et une autre entre les
l’absence du riz dans l’alimenta- mois d’août-octobre. Ces périodes corres- La recherche-action sur la patate douce vise
tion des ménages ruraux, et rares pondent aux mois où les réserves alimen- à rendre disponible un complément alimen-
sont les paysans qui ne la culti- taires des ménages, principalement le riz taire, issu de l’agriculture familiale, au profit
vent. La patate douce est donc issu de l’agriculture familiale, sont épuisées des ménages ruraux qui sont confrontés à
répandue, mais son rendement est et pendant lesquelles ceux ayant une acti- une longue période de soudure annuelle,
faible, la variété locale ne produit vité génératrice de revenu doit acheter de la afin que la durée et les effets de ce manque
qu’une seule fois dans l’année. nourriture. Pour ceux qui n’en ont pas, la de nourriture soit durablement atténués.
La production ne couvre pas chasse, de la cueillette et de la pêche sont
suffisamment les besoins de les alternatives courantes. Les tubercules Après un diagnostic initial en Août 2014,
complément des ménages, ayant comme la patate douce et le manioc sont trois variétés à maturation rapide et non
donc peu d’effets sur l’atténuation usuellement utilisés comme complément photopériodiques ont été testées dans les
de la période de soudure. alimentaire, en remplacement du riz, pour trois axes du Sud-Sud-Est du pays (Manante-
ces ménages ruraux. Leur cultivation est nina, Ranomafana, et Ranopiso). Il s’agit des
L’introduction et la diffusion de la courante, et il est donc essentiel pour ces variétés ayant été déjà introduites à Farafan-
variété de patate douce vietna- ménages de disposer de ces deux cultures gana (littoral Sud-Est), à savoir la Bora (chair
mienne ont confirmé les résultats vivrières dans leur exploitation. orange), la Naveto, et la Vietnamienne. Le
prometteurs de cette variété dans choix de ces 3 variétés est motivé par le
le district de Farafangana, sur le La culture de patate douce demeure clas- fait que la côte littorale Est de Fort-Dauphin
même littoral Est mais plus au sique tant sur la technique, culture en bute, présente des caractéristiques pédoclima-
Nord de Fort-Dauphin. Un gain que sur les variétés, généralement locale et tiques similaires à celle de Farafangana.
de productivité significatif par photosensible –Tsirenala, La Réunion – qui Malheureusement, les attaques de rava-
campagne et trois à cinq récoltes ne tubérisent qu’une seule fois dans geurs notamment des insectes foliaires ont
par an ont fait de cette variété une l’année. Cette variété a un cycle long de plus eu raison des variétés Bora et Naveto. La
des solutions viables en termes de de 5 mois dont la récolte est étagée entre le vietnamienne a, en revanche, bien résisté à
disponibilité alimentaire pour les mois d’août et le mois de décembre. Ainsi, ces attaques, et la décision de sa production
ménages ruraux. La vietnamienne la population ne dispose pas de ce complé- et sa diffusion dans les petites exploitations
peut aussi être une source de ment alimentaire au cours de la période de familiales ont commencé ainsi.
revenu non négligeable surtout
pour les femmes chefs de mé-
nages, qui ne disposent pas de 2. Les caractéristiques de la patate douce vietnamienne
parcelles agricoles étendues ou par rapport aux variétés habituelles
exploitent les petites parcelles
mises à leur disposition de La patate douce vietnamienne est une patate
manière temporaire. douce ayant un cycle de trois mois et n’est
pas photosensible. Elle peut donc tubériser
La zone agroécologique permet- toute au long de l’année.
tant un meilleur développement
de cette variété est connue aux La plantation se fait idéalement en butte
termes de cette recherche-action, alignée écartée de 25 cm l’une de l’autre.
et l’intensification de sa diffusion Elle peut se faire également sans butte, sur
devrait s’ensuivre. Quelques une plate-bande bien préparée. Dans ce cas,
points d’atten tion, comme le le matériel végétal nécessaire est de 25 kg de
risque de croisement des variétés lianes pour un are.
et l’utilisation de fumier orga-
nique, sont à noter pour maintenir Toutefois comme toute patate douce, il faut
le niveau de résultat atteint ou plus un sol léger, bien drainé et sans excès
encore l’améliorer. d’azote. La vietnamienne peut aussi se déve- Photo 1: La patate douce vietnamienne
25
A m él i or at i on d e l a d is pon ib i li t é a li m en ta i re
lopper en zone sableuse, à une altitude Tableau 1: Comparaison de la vietnamienne à la variété locale
inférieure à 10m. Sa culture sur cette zone
nécessite, toutefois, une fumure organique Variété locale Variété vietnamienne
5t par hectare au minimum. Port Rampantes Érigée
Cycle Plus de 5 mois Moins de 3 mois
Elle présente aussi un certain nombre d’avan-
tages comparé aux variétés habituelles comme
Exigence en sol Alluvionnaire et tanety riche (bas de pente)
le montre le tableau ci-dessous. Exigence en eau Faible à moyen Forte
Altitude 0 à 900m 0 à 1700 m
Outre les caractéristiques majeures liés à la Production en sol alluvionnaire 5 à 12t/ha 20 à 30t/ha
non photosensibilité et la durée de maturation,
Production en sol de bas de pente 3 à 7 t/ha 7 à 15t/ha
la vietnamienne peut être cultivée à une
altitude beaucoup plus élevée et son potentiel Stress par rapport aux adventices Faible à moyen Forte
de production est compris entre 15t à 30t à Exigence en fertilisation organique Faible Faible à moyen (5t/ha)
l’hectare selon la fertilité du sol. A l’exception Toute l’année mais besoin d’eau au
du littoral Est, elle demande quand même de mois de septembre
l’eau pour la période sèche, généralement de Période d’installation Mars-avril
à décembre, sauf pour le
Septembre à Décembre. Par ailleurs, il a été littoral Est
observé que la patate douce vietnamienne est
bien adaptée à une pluviométrie moyenne à Échelonné à partir du
Récolte Échelonné à partir du 70ème jour
élevée. 5ème mois
3. Démarche d’introduction et de diffusion de la patate douce vietnamienne
La variété vietnamienne a été introduite entre les mois d’Octobre Tableau 2: Nombre de paysans adoptant la vietnamienne
et Novembre 2015 Nombres
Communes Remarques
- Des parcelles d’essais ont été directement installées à partir de paysans
Novembre 2015 ; les lianes provenaient de Farafangana. Après Manantenina 180 La variété vietnamienne est en train
des visites échanges, le choix des agriculteurs (de l’axe littoral de supplanter les autres variétés
Ampasimena 11
surtout) s’est tourné sur la patate douce vietnamienne. à Manantenina Une forte demande
Laboakoho 11 est déjà ressentie dans les autres
- L’installation des pépinières de patate douce vietnamienne :
après l’essai, des lianes provenant de Farafangana ont été Mahatalaky 75 communes du district de Fort-Dauphin.
installées sur 0.151 ha de 21 agriculteurs. Ces parcelles ont été
concentrées au niveau des champs écoles paysans (CEP). Des L’intérêt majeur de la plantation de cette variété est plutôt orienté sur l’augmen-
doutes ont été ressentis lors de l’installation des pépinières horstation de la production annuelle plutôt que le rendement. En effet, avec une
saison habituelle (au mois de novembre) mais elles ont été surface moyenne de 0.02 ha par ménage, la production moyenne enregistrée
estompées après observation du développement végétatif de la par une famille est0,3 t avec les variétés traditionnelles. En revanche, une famille
variété. peut récolter entre trois et cinq fois par an avec la vietnamienne, multipliant ainsi
proportionnellement le volume de production. Pour les familles disposant d’une
- La diffusion de la variété : Les pépinières se sont multipliées petite parcelle, la vietnamienne permet de la valoriser et la faire produire toute
spontanément sur l’axe littoral. En fait, la production de lianes au long de l’année. Au cours des enquêtes menées lors de la diffusion, un ren-
est devenue une activité génératrice de revenu car elle est dement moyen de 15 tonnes par hectare a été enregistré.
vendue. La sècheresse au mois de 2015 et 2016 était une
opportunité pour la diffusion de la nouvelle variété car les Les lianes ont été partagées spontanément entre les paysans au cours de la
variétés locales n’ont pas été conservées (ne pouvant pas se période de diffusion et il n’est pas aisé de les quantifier totalement. L’on estime
développer hors saison). La diffusion de cette variété a été cependant qu’au moins 900 paysans auraient cultivé la vietnamienne sur
surtout spontanée et se faisait sous forme de tache d’huile qui se 0,02ha en moyenne. Avec trois récoltes annuelles par an, une production de
transmettait de bouche à oreille, mais surtout grace à des visites 810 tonnes de patate douce vietnamienne seraient disponibles dans ces petites
échanges intra/intercommunales entamées durant le projet. exploitations familiales, soit environ 900Kg par famille.
Photo 3: Plate-bande de la vietnamienne
Photo 2: Tubercule de la vietnamienne à partir du 70ème jour sur le CEP d'Ampasamasay, Commune de Manantenina
26
A mé li o ra ti o n d e la d i spo ni bi l i té al i me nt ai r e
La disponibilité continue de la patate douce a Tableau 3: Comparaison entre le riz paddy et la patate douce,
changé l’habitude alimentaire des agriculteurs. production d'1HA
Cette disponibilité continue d’aliment d’appoint
allège la période de soudure de moitié. Éléments de comparaison Riz paddy Patate douce
Tout au long de la phase de diffusion, la
non sensibilité à des facteurs externes,
généralement d’origine naturelle, a été
largement observée pour cette variété.
En effet, aucune information sur l’effet
néfaste de la faible pluviométrie, du fort
ensoleillement, ou d’attaque d’insectes
ou autres agents nuisibles à la culture,
n’ont été rapporté par les équipes de
suivi ou les paysans contrairement aux
variétés habituelles. Photo 4: Séance de dégustation de la patate douce avec les paysans de Mahatalaky,
Commune de Mahatalaky
Mots Clés : Patate douce, variété vietnamienne, agriculture familiale, itineraire technique améliorée, zone littoral, disponibilité
Auteurs : - DANIEL Meijering, Chef de projet (WHH),
- RAMIANDRISOA Anthony Sismondy, Chef de projet Adjoint (WHH)
- RARIVO Ravoatra, Expert en aménagement Bassin Versant et lutte anti-érosive (ONG EFA/WHH)
27
Augmentation
de la production
L’augmentation de la production contribue également à l’amélioration de la disponibilité
alimentaire, mais relève davantage de l’accès à l’alimentation, à travers le développement
et la structuration des services aux agriculteurs et éleveurs, la construction ou la
réhabilitation d’infrastructures rurales, et notamment les aménagements agricoles,
et l’amélioration de l’alimentation du bétail. Sept expériences et bonnes pratiques sont
documentés et mises en exergue dans ce second chapitre.
A ug me nt at i on d e l a pr od uc ti on
« La mise en place de blocs agroécologiques
dans les zones semi-arides de Madagascar » :
expérience multi-acteurs pour le changement d’échelle
dans la diffusion de techniques agroécologiques.
Les zones semi-arides du 1. La necessité des pratiques agroécologiques
Grand Sud Malagasy sont
exposées à des risques de
dégradation importants des
sols notamment en raison de
multiples facteurs d’érosion
comme des sols fragiles, des
vents violents, des pluies rares
mais parfois intenses. Ces
facteurs sont de nature à
compromettre sévèrement la
production agricole s’ils ne
sont pas fortement atténués.
Photo 1: Les tamariniers inclinés par le vent témoignent de la puissance
Par ailleurs, la faible disponibi- et de la fréquence
lité, voire l’absence, d’intrants La déforestation de la zone semi-aride du de surface des sols en pente, entraînant
et de moyens d’irrigation font Grand Sud a connu un fort accroissement occasionnellement des glissements de ter-
depuis une vingtaine d’années1. Le district rain et des coupures de routes.
que les solutions agroécolo- d’Ambovombe ne compte plus aujourd’hui
giques sont les seules pratiques que de rares petites forêts abritant des tom- Ces facteurs, à eux seuls, permettent d’expli -
à pouvoir assurer une disponi- beaux et bénéficiant, à ce titre, de tabous. quer l’appauvrissement croissant des
Quelques arbres isolés tels que les tamari- sols,et en conséquence laissés en jachère.
bilité alimentaire par l’agri - niers ont également survécu. L’ensemble du Pour limiter ces dégradations et inverser la
culture. terroir a, cependant, été défriché et seules tendance, des solutions simples d’aggra -
quelques lignes de cactus tenant lieu de dation des terres existent : i) la fixation des
délimitation entre parcelles protègent encore sols par des plantes pérennes, et ii) la mise
Après avoir expérimenté un partiellement les sols de l’érosion pluviale. en place de brise-vent.
certain nombre de solutions
Des vents secs soufflant avec force toute La préservation de la partie superficielle
techniques avec les paysans, le l’année mais sur tout durant la saison des sols, la plus riche en éléments fertiles
Gret (Professionnel du dévelop- FAOSA2, d’août à octobre, emportent la par- pour les cultures, n’est cependant pas suffi-
pement solidaire), le CTAS tie superficielle des sols sableux, creusent sante pour assurer une production agricole
les parcelles et provoquent la formation de satisfaisante. Les cultures sont soumises à
Centre Technique Agroécolo- dunes. Les pluies sont rares mais parfois plusieurs facteurs limitant l’expression de
gique du Sud), et le GSDM intenses, et charrient également les horizons leur potentiel :
(Professionnel de l’agro- i) le dessèchement des sols par les vents son de leur coût prohibitif ou de l’impossi-
écologie) ont mis en place plu- secs et le soleil, bilité d’y recourir. L’absence de commerce
sieurs dispositifs de diffusion. ii) la perte des éléments fertiles par lessi- organisé et la rareté de sources d’eau
vage ou par l’épuisement à la suite de pour les cultures irriguées sur la majeure
Celui ayant donné les résultats partie du territoire du Sud constituent des
la répétition des cycles de culture, et
les plus spectaculaires repose facteurs limitants pour l’accès aux res-
iii) les attaques d’insectes et d’oiseaux. sources normatives par les petits produc-
sur la constitution de blocsde L’usage d’intrants utilisés dans les mo- teurs. Une des alternatives est l’usage de
parcelles contiguës et aména- dèles d’agriculture normative, comme pratiques agroécologiques con sistant à
gés sur plusieurs hectares : les semences hydrides, les engrais et recourir à des écosystèmes pour régé -
pesticides, et l’irrigation, est hors de nérer la fertilité des sols et protéger les
les blocs agroécologiques. portée des populations locales en rai- cultures.
1
En Androy, de 1990 à 2005, le taux annuel de déforestation avoisinait 0,66 %. Les forêts d’épineux constituaient 95 % du couvert forestier de l’Androy en 2005 (381.803 ha)
mais leurs superficies ne couvrent cependant que 21% de la région.
2
FAOSA signifie “saison des vents”
30
A ug me nt at i on d e l a pr od uc ti on
2. Les techniques testéees/diffusées
Plusieurs ensembles de techniques
ont été testés par une soixantaine
de paysans partenaires, répartis
entre les districts d’Ambovombe,
de Tsihombe et d’Amboasary
Atsimo de 2005 à 2017 dans diffé-
rents contextes agroécologiques.
Seul un faible nombre d’entre elles
ont été approuvées par les paysans.
Certaines innovations ont été
adaptéesgrâce à des techniques
proposées par les paysans
eux-mêmes. Les trois principales,
jugées reproductibles en milieu
paysan Malagasy, seront
présentées ci-après : Photo 2: Une parcelle-type d'aménagement agroécologique
1. La technique d’agroforesterie
2. Les plantes couvrantes
La technique d’agroforesterie – ayant incon- Le principal itinéraire technique pratiqué
testablement remporté la plus forte adhé- Certaines légumineuses alimentaires
par les paysans consiste à planter des
présentent l’avantage de produire à la
sion – est l’utilisation du pois d’Angole bandes de pois d’Angole, souvent sur deux
fois des graines destinées à la consom-
(Cajanuscajan var indica), un arbuste parti- (2) lignes en quinconce à espacés de
mation humaine et une importante
culièrement résistant au manque d’eau, cinquante centimètres (50 cm). Ces bandes
biomasse protégeant les sols contre
vivant trois à quatre années et fournissant sont séparées de dix mètres (10m) la
l’érosion et l’ensoleil lement, tout en
un ensemble de services utiles : première année puis de vingt mètres (20m) restituant de la matière organique
la secondeannée, ce qui équivaut à la améliorant la fertilité des sols. Parmi
i. Production de nourriture : Deux suppression d’une bande sur deux. En ces légumineuses, certaines variétés
récoltes de grains sont possibles troisième année, les bandes sont rem - locales de niébé (Vignaunguiculata)
chaque année, en ver t sous placés progressivement par semis. sont très couvrantes. Les pois de Lima
forme de grain frais ou en sec, de (Konoke, Phaseoluslunatus) sélec -
juin à novembre D’autres pratiques, telles que la plantation tionnés avec l’appui du GSDM et du
ii. Production de bois de chauffe : d’arbres en bordure de parcelle contre le FOFIFA (Centre National de Recherche
Le pois d’Angole peut être recepé sens des vents dominants, ont séduit les pour le Développement Rural) sont,
tous les ans paysans bien qu’ils aient été réticents au pour leur part, davantage appréciés
iii. Protection des cultures contre le début à cause de certaines croyances. Des pour leur cycle de vie de trois (3) ans.
vent : Le pois d’Angole est géné- jeunes plants d’arbres utiles – cultivés en L’utilisation de ces plantes extrê -
ralement planté en haies sépa- pépinières – sontdistribués aux paysans mement résistantes à la sécheresse
rées de 10 à 20 mètres. Dans qui les plantent tous les deux mètres, les garantit une production alimentaire et
ces couloirs, les autres cultures, arrosent si nécessaire avec l’appui des une protection des sols sans qu’il soit
principalement vivrières, peuvent techniciens pour l’acheminement d’eau, et nécessaire de ressemer à la deuxième
être pratiquées en bénéficiant les laissent ensuite pousser en veillant à les et troisième année.
d’une protection contre les vents protéger contre les animaux en divagation.
secs. L’avantage de ces cultures, réduisant
Les essences les plus efficaces et appré-
les risques d’échec et les besoins en
iv. Restauration de la fertilité des ciées sont : le varo (pour son bois), l’acacia
semences, est évident pour de nombreux
sols : Les paysans ont observé (pour le bois et l’apiculture), l’anacardier
paysans.
qu’une parcelle dégradée pouvait (pour ses fruits).
être reprise en culture après 2 ou
3 années de culture de pois d’An-
gole en plein champ.
v. Fourrage : Les feuilles peuvent
être consommées par les rumi-
nantsaprès les récoltes.
31
Au g me nt at i on d e l a pr od uct i on
3. Les bandes fourrageres antierosives
Les sols sableux sont facilement emportés par ruissellement
suivant les pentes des parcelles. Un des moyens pour remé-
dier à cette fragilité et de favoriser l’infiltration des eaux plu-
viales, est d’utiliser des bandes fourragères plantées
perpendiculairement aux pentes. Le brachiaria (brizantha et
marandu), une céréale pluriannuelle particulièrement résis-
tante à la sécheresse, a été testée avec succès. Des effets de
terrassement sont nets au bout trois ou quatre saisons, tout
en garantissant une source pérenne de fourrage appétée par
les animaux.
Deux méthodes existent pour la mise en place de ces aména-
gements : le semis par graines ou le bouturage.
3. Les premiers dispositifs de diffusion
Les premiers dispositifs de diffusion des
techniques testées avec succès se sont
construits à partir d’une logique « paysans
à paysans ». Les raisons justifiant ce choix
sont documentées pour d’autres contextes
et s ’ a p p l i qu e n t p a r t i c u l i è r e m e n t e n
Androy-Anosy : meilleure crédibilité des
agents de diffusion, capacité de diffusion
plus large qu’avec des techniciens car
ils sont présent de façon permanente au-
près des bénéficiaires, for tes compé-
t e n c e s p r a t i q u e s , p é r e n n i t é d e l a
présence et renforcement de capacité
mieux assurés, bonne capacité d’écoute
et de réflexion permettant de contribuer
for tement à la conception même des
innovations.
Le dispositif des paysans relais, mis en
place par le Gret et transféré au CTAS,
repose sur la sélection de paysans ayant
testé avec succès un cer tain nombre
de techniques, à savoir la formation aux
techniques d’animation, l’équipement
en suppor ts didactiques en malgache
(des posters plastifiés) et en vélos, et l’or- Photo 3: Paysans-relais au cours d'une animation villageoise
ganisation devisites échanges accompa- Entre 2011 et 2017, plus de 80 paysans tions par an au profit d’une centaine de pay-
gnées de distributions de petites quantités relais ont été formés et appuyés par une sans. De bons résultats ont été observés
de semences, en nature ou sous forme de équipe d’une demi-douzaine de techni - pour la diffusion des techniques exposée,
bons d’achats pour faciliter la mise en pra- c iens. Chacun de ces paysans relais a en en particulier l’utilisation du pois d’Angole,
tique. moyenne animé une vingtaine de forma - pratiqué par environ quinze mille ménages.
32
A ug me nt at i on d e l a pr od uc ti on
Le concept de blocs agroécologiques
Un bloc agroécologique est un aménage-
ment physique et biologique collectif d’un
s eul ten a n t, c on s ti tués de p a rc el l es
contiguës de familles paysannes volon-
taires, issues d’un à plusieurs fokontanys.
D’une superficie initiale minimum de dix
(10) hectares, le bloc présente une forte
diversité biologique étagée à vocation nutri-
tionnelle, productive et environnementale.
Les plantes rampantes jusqu’aux grands ar-
bres sont associées dans le bloc pour créer
un effet « oasis » protecteur contre les
érosions éoliennes et pluviales.
Le concept émane du constat qu’un certain
nombre de pratiques ont un impact plus fort
lorsqu’elles sont mises en œuvre à large
échelle, notamment les techniques de
protection des sols contre l’érosion. La Photo 4: Vue aérienne de bande de pois d'Angole au niveau d'un bloc
maîtrise du ruissellement est plus efficace
lorsqu’elle est appliquée à l’échelle d’un Partant de zones déjà bien sensibilisées par nées à collaborer pour planifier l’aménage-
bassin versant que sur une simple parcelle. les actions des paysans relais, l’idée fut ment d’un ensemble de 10 ha de parcelles
Pour obtenir un effet écosystème, il faut donc de travailler à l’échelle de fokontany contiguës. La première année, 14 blocs
pouvoir intervenir à l’échelle de plusieurs ou groupe de fokontanys. A l’aide d’images furent animés, puis leur nombre fut porté
exploitations. satellites, les communautés ont été ame- à 27 l’année suivante.
4. Un concept convaincant et approprié pour les paysans
En trois ans, les superficies plantées en ment 10% en 2015. Tous ces chiffres mon- une montée en puissance de la culture du
pois d’Angole ont presque triplé tandis que trent que la dynamique de plantation du mil à barbe qui couvrait 255 hectares en
le nombre de ménages concernés a qua- pois d’Angole dans la zone littorale de l’An- avril 2017 soit un an seulement après sa ré-
druplé. En août 2017, la zone d’emprise droy est réelle et que la densification spon- introduction dans l’Androy par le Gret et le
des blocs était de 4975 ha. Les cultures de tanée au sein de la zone d’emprise des CTAS. Actuellement la superficie moyenne
pois d’Angole couvraient 26% de cette zone blocs entre avril 2015 et août 2017 est pro- aménagée par bloc est d’environ 50ha.
d’emprise contre 17% en 2016 et seule- metteuse. De plus, elle s’accompagne par
Le niveau d’adoption des techniques est
assez variable d’un bloc à l’autre en raison
d’une multitude de facteurs dont
i) des conditions différentes de climats,
ii) des quantités de semences plus ou
moins importantes mises à disposi-
tion des bénéficiaires,
iii) des systèmes d’exploitation agricole
plus ou moins liés à l’élevage et la
pêche. Globalement, les résultats
sont plutôt satisfaisants, d’autant
qu’environ 30% de ménages ont pra-
tiqué certaines techniques par simple
effet tâche d’huile, sans avoir reçu
d’appui ni des techniciens, ni des
paysans relais. Cette dynamique
spontanée est la marque d’une réelle
appropriation des innovations dont on
peut espérer qu’elles parviennent à
Photo 5: Cartographie des blocs agroécologiques mis en place diffuser naturellement au cours des
dans le cadre du projet ASARA années à venir.
33
Au g me nt at i on d e l a pr od uct i on
5. De nombreux facteurs associés
et complémentaires pour la réussite
de la diffusion 6. Une expérience à consolider, ouvrant
Durant deux des trois années d’expérimentation, la zone sur une perspective de mise à l’échelle
d’intervention a été victime du phénomène El Niño se manifestant
par l’irrégularité de pluie combinée à une hausse sévère de la Le bon fonctionnement du modèle incite à poursuivre la dynamique
température. La production agricole en était sévèrement affectée. d’extension en travaillant sur les zones périphériques des blocs agroé-
Paradoxalement, ces évènements ont permis de révéler avec cologiques formés. Néanmoins, une densification des pratiques à
d’autant plus de contraste la différence d’efficacité entre les itiné- l’intérieur des zones d’emprise doit également être soutenue. Il en est
raires techniques traditionnels et les pratiques innovantes diffu- ainsi de l’utilisation des bandes fourragère encore trop peu généra -
sées. La résistance au manque d’eau et les effets protecteurs des lisée en comparaison des bénéfices apportés. Elle nécessite un appui
brises vents de bois d’Angole sont apparus avec acuité et évi- renforcé notamment en semences et boutures, en sensibilisation, et
dence par les paysans. L’appui des paysans-relais a été décisif en formation. En outre, certaines techniques, telles que l’utilisation de
pour la sensibilisation des populations aux techniques diffusées. nouvelles variétés précoces de dolique ou de légumineuses nouvelle-
ment introduites comme les pois chiches, récemment validées par les
Diverses compétences essentielles sont également apparues paysans relais pourront étoffer le paquet technologique diffusé.
comme des clés de réussite. La connaissance de la culture et des
us et coutumes par les agents du Gret et CTAS, ainsi que le L’expérience mérite parallèlement d’être répliquée sur d’autres districts,
recours à un cadre assez âgé et respecté dans toutes les phases comme à Tsihombe ou Amboasary Atsimo où le système devrait produire
préparatoires, notamment au cours des réunions publiques, a été des résultats comparables car les écosystèmes sont relativement
essentielle. Il s’est avéré stratégique de connaître les limites similaires.
géographiques des lignages ainsi que leurs relations pour
prévenir des conflits sociaux ou jalousies de tous ordres. Du point de vue des thématiques, il est important d’utiliser la dyna-
mique des communautés engagées dans les activités des blocs pour
Une bonne planification a été également nécessaire pour que les les accompagner dans des activités liées à la diversification nutrition-
semences et les plants puissent être livrés à temps au moment nelle et la santé, au conseil à l’exploitation agricole familiale pour la
des semis. Le sérieux de l’équipe et la bonne coordination avec la gestion de leurs moyens et ressources à disposition. La mise en place
gestion des stocks de semences a donc été un facteur de réus- et la consolidation des blocs apporteraient un effet de synergie
site. L’équipe en charge des activités sur les blocs comprenait un permettrait de lutter plus efficacement contre l’insécurité alimentaire.
assistant technique expatrié confirmé, un cadre Antandroy socio-
anthropologue expérimenté, un jeune ingénieur des hautes terres Une dernière direction intéressante à mentionner porte sur la consti-
et quelques techniciens de la région sollicités ponctuellement, tution de filières pour assurer des débouchés aux espèces nouvelle-
ainsi que l’ensemble de l’équipe du CTAS pour la gestion des ment cultivées et mettre en place des unités de transformation au
semences. Cette diversité culturelle, se traduisant aussi par une niveau des chefs lieu des districts. Les cultures de pois d’Angole et de
diversité de compétences managériales et techniques, a rendu pois de Lima peuvent, par exemple, être commercialisées sous forme
les activités efficaces et a contribué à éviter nombre de dysfonc- de pois cassés emballés. Les cultures de mil, qui s’insèrent très bien
tionnement qui auraient pu compromettre la réussite des acti - dans la dynamique des blocs agroécologiques, pourraient être
vités, tels qu’un mauvais dimensionnement de l’activité, des utilisées pour la production de farine à usage industriel ou pour les
maladresses de communication avec les communautés ou un plats traditionnels (mokary,boko-boko…), la production de son pour
retard dans la livraison des semences ou des plants. l’élevage, ou entrer dans la confection de multiples produits (savons,
alcools…). La production centralisée au niveau de blocs devrait
Enfin, le facteur temps a aussi été particulièrement important : le favoriser l’émergence de dispositifs organisés et gérés à terme par les
temps pour identifier et former des paysans relais, le temps pour paysans pour ces filières d’avenir.
former des équipes bien intégrées et techniquement compé-
tentes, le temps pour intégrer le dispositif dans un système
efficace de fourniture de semences.
Mots Clés : Agroécologie, zone semi-aride, approche "paysan à paysan", bloc agroécologique, pois d'Angole
Auteurs : - LhERITEAU Fabrice (Gret),
- RANAIVOhARIMANANA Tolotra (CTAS),
- RATRIMO Adrien (CTAS),
- MAhARETSE Jérémie (Gret)
34
Au gm e nt at i on d e l a p r od uct i on
Les bas-fonds drainés :
une opportunité d’augmentation
et de mise en valeur des terres agricoles inexploitées
Les parcelles agricoles sont assez 1. Multiples facteurs contraignant le développement
rares sur la partie extrême du
Sud-Est Malagasy, caractérisée par
des petites exploitations agricoles familiales
une région montagneuse prolongée Une démographie galopante face à un ac- bandes de sables très pauvres et ne donnant
de petites vallées étriquées et du croissement lent des terres agricoles. qu’une production médiocre en culture
front sableux de l’Océan Indien. La zone littorale Sud-Est, allant de Farafan- vivrière. En réponse, les paysans ayant accès
Ces petites vallées, dénommées gana à Taolagnaro, abrite les agriculteurs les à de la main d’œuvre et un moyen financier
aussi des bas-fonds, sont rarement plus pauvres de Madagascar avec un taux tentent d’aménager les espaces « marginaux »
ou peu exploitées pour l’agriculture d’insécurité alimentaire élevée. Ce taux y est disposant de l’eau en adoptant leur propre
du fait d’une absence de maitrise très accentué car les zones propices aux technique. Toutefois, tous les agriculteurs ne
d’eau : trop sèche ou trop inondée cultures vivrières ne suffisent pas à la popu- disposent pas de tels moyens d’où l’exploita-
pour les saisons agricoles habi- lation, habituée à consommer du manioc et tion des zones forestières souvent fertiles
tuelles. Avec des aménagements du riz comme aliment de base. En effet, un mais avec une pratique nuisible à l’écosys-
hydroagricoles adéquats, les ménage agricole de 8 personnes possède tème et au maintien de la biodiversité. Est
bas-fonds sont cependant une environ 0,1 ha de rizière, sans aucune possi- mentionnée ici, à titre d’exemple, la tech-
opportunité d’accès à la terre bilité d’extension. Pourtant,des espaces nique « sur brûlis », le riz étant la principale
agricole pour les paysans environ- potentiellement cultivables existent mais spéculation, objet de cette pratique agricole.
nants et offrent aussi une alterna- ils ne sont pas exploités faute de moyens Avec un rendement moyen de 800 kg/ha,
tive à l’exploitation forestière et de technicité adéquats, par manque de une famille ne peut disposer de nourriture
incontrôlée. L’aménagement des volonté de la par t des paysans et des que 27 jours par an, le reste étant comblé
bas-fonds a été testé dans cette services publics, voire du secteur privé, et à par le manioc et la patate douce. L’aména -
zone entre 2015 et 2017 dans le cadre cause des problèmes fonciers, etc. gement d’un bas-fonds à vocation rizicole
du projet ASARA par Welthunger- peut être une bonne alternative à l’exploi -
hilfe (WHH), sur les notes d’expé- Un faible volume de production rizicole. Sur la tation forestière et la pratique de « sur brulis »
rience de la société Semis Direct zone côtière Sud Est, l’espace cultivable est si ces bas-fonds se localisent à proximité des
de Madagascar (SDMAD) dans les rare : il y a des dizaines de kilomètre de forêts protégées.
régions de Vatovavy Fitovinany et
Atsimo Atsinanana, situées sur le
même littoral et plus au Nord de la
Région Anosy. La reproductibilité
2. Une opportunité de la nature à saisir :
de cette expérience est confirmée les bas-fonds à drainer et à aménager
par les quatre sites aménagés et les La bande côtière, située entre l’Océan Indien sur le flanc Est du pays et le début des montagnes,
résultats démontrant un début comprend des milliers d’hectare de petits bas-fonds dont la superficie varie de quelques
d’amélioration de la productivité et dizaines à plusieurs centaines d’hectare. La plupart ne sont pas cultivés à cause d’une forte
du mode d’exploitation des toxicité ferreuse. Les petits bassins versants qui les entourent ne donnent pas de ressources en
bas-fonds par les paysans. eau suffisantes pour permettre leur irrigation.
Photo 1: État initial d'un bas-fonds à Andranomanga, Commune Rurale d’Iaboakoho,
District de Fort-Dauphin, Région Anosy
1
À raison de 3kg de paddy par jour pour une famille de 8 personnes
35
A u gm en t at io n de la p ro d uct i on
Toutefois, ces bas-fonds sont également une Encadré 1: Définition et élément de fonctionnement d'un bas-fonds
zone de cueillette, surtout des matières pre-
mières pour l’artisanat, de pâturage en pé- Les bas-fonds sont les fonds plats ou concave des vallons ou petites vallées. Ils constituent
riode sèche et quelques fois de pêche. Leurs souvent des axes de convergences des eaux de surface et des nappes phréatiques. Les
potentialités ne sont donc pas seulement cul- sols sont engorgés ou submergés pendant une période plus ou moins longue de l’année.
Les bas-fonds sont ainsi caractérisés par un lit mineur peu marquant voire inexistant. Ils se
turales au niveau du système de production
distinguent des marais au sens strict qui, faute d’exutoire sont engorgés en permanence.
des paysans du Sud-Est.
Les bas-fonds se différencient généralement par la présence d’une concentration de
Deux conditions préalables doivent être prio- matière organique souvent tourbeux. Cependant, il n’y pas de sol spécifique de bas-fonds
ritairement réunies et vérifiées pour aména- car suivant leur évolution, toute la gamme de texture de sol peut s’y rencontrer.
ger un bas-fonds. La principale est l’existence
d’un exutoire et d’une pente permettant de L’alimentation en eau des bas-fonds est multiple : pluie, ruissellement, nappes phréatiques,
faire évacuer l’excédent d’eau. La disponibi- remontées capillaires ou éventuellement des sources. Les écoulements peuvent être
lité d’une main d’œuvre conséquente est la superficiels ou en profondeur. Son fonctionnement dépend de plusieurs paramètres dont
seconde condition car le travail se fait ma- le climat, la taille et la forme des bassins versants, la végétation, et reste très complexe.
nuellement. À titre de référence, il faudrait en La hauteur et le calendrier des inondations, la vitesse des crues et surtout l’existence d’un
exutoire (après drainage) déterminent la faisabilité d’un aménagement de drainage et
moyenne 300 homme-jours de travail pour
de mise en culture.
drainer un bas-fonds d’un hectare.
D’autres conditions comme le retour rapide 3. Une reproduction et adaptation de l’expérience
sur investissement doit être considéré.Si la
valeur actuelle d’une journée de travail par
d’aménagement des bas-fonds des régions
HIMO est de 5.000 Ar, l’équivalent de 1.3€, le de Vatovavy Fitovinany et d’Atsimo Atsinanana
coût moyen par ha est de 1.500.000 Ar ou L’expérience des bas-fonds drainés provien- En plus, de a volonté d’étendre les superfi-
390€ou l’équivalent de 1.5t de paddy vendu nent de la région de Vatovavy Fitovinany et cies agricoles exploitées était ressentie de la
localement. Cette quantité peut être récu - celle d’Atsimo Atsinanana où la société Semis part des bénéficiaires. Plusieurs réunions
pérer dès la première année de mise en valeur Direct de Madagascar (SDMAD) dans le relatives aux règles de gestion des périmètres
si les coûts de la préparation et de la défriche cadre du projet BVPI/SEHP en partenariat et de partage non approprié de terrain ont été
ne sont pas considérés. Théoriquement, un avec le Programme Alimentaire Mondial alors entreprises pour prévenir les éventuels
projet de drainage ayant un retour sur inves- (PAM) a réussi à drainer 1.250 ha de marais conflits fonciers et sociaux.
tissement de plus de 3 ans n’est pas un projet entre 2007 et 2008. Les résultats, surtout la
viable, dans le cas du Sud-Est, où les proprié- hausse de production de riz, obtenus de ces Pour le cas de Mahatalaky, 3 fokontany sont
taires sont des petits producteurs agricoles. périmètres étaient palpables dès la première concernés par l’aménagement : Mahatalaky,
mise en valeur en grande saison rizicole. Les TsiharoaAmbondro et Tsiharoa Ampasy. Pour
Ensuite, viennent la clarification du statut des travaux ont permis à la fois de faire nourrir la Iaboakoho, un seul fokontany (Iaboakoho)a
terres composant le périmètre à drainer et les population pendant 3 à 4 mois de travaux et bénéficié de l’aménagement.Pour les deux cas,
questions d’organisations des futurs exploi- de béné ficier d’une récolte dès la première il a fallu 19.185 Homme – Jours de travail. Une
tantsavant et après les travaux d’aména - année. journée de travail équivaut à 5 h de travail. La
gement.Pendant l’étude de faisabilité contribution des futurs usagers est une journée
technique, social et économique, il est impor- L’ONG WHH, à son tour, a recensé 22 marais de travail non payé, une fois par semaine.
tant de s’interroger sur le statut des terres – de type bas-fonds sur la bande côtière
le bas-fonds en l’occurrence – et l’organisa- Sud-Est de la Région Anosy. Ces bas-fonds Après les travaux, les paysans exploitants les
tion des usagers du périmètre à drainer. représentent 133 ha de surface à drainer. deux bas-fonds, et membres de facto de l’AUE,
En effet, le bas-fonds étant très difficile à Deux des bas-fonds ont été étudiés et rete- ont été formés sur les techniques culturales
travailler depuis plusieurs dizaines d’années, nus pour être aménagés. La principale de bas-fonds drainés. Ces pratiques sont
il est probable qu’il appartienne au domaine contrainte était surtout d’ordre budgétaire, notamment i) la préparation du sol par déca-
de l’État ou ont été partiellement en usufruits car les fonds disponibles ne permettaient page et brûlis superficiel, ii) le semis direct à
par les paysans environnants. Les éventuels de drainer qu’une super ficie totale de sec en poquet,iii) le sarclage et contrôle des
litiges fonciers doivent donc être détectés 120 ha.Les périmètres ayant fait l’objet de adventices, variété Primavera, S70, ou Tsipala
avant l’aménagement. En outre, comme tout demandes auprès de CSA ou des COBA ont (paille longue). Les membres du bureau de
aménagement, les périmètres drains néces- été priorisés, dans l’optique que l’infrastruc- l’AUE ont été également formés sur la mise en
sitent des entretiens et une protection. Ces ture réhabilitée soit gérée par une associa- place de batardeau permettant de remonter
activités sont confiées aux usagers, par la tion motivée et capable de s’organiser et de le niveau de l’eau dans le drain pour permettre
réglementation en vigueur, qui s’organisent gérer correctement l’infrastructure. Les une irrigation par épandage latéral.
habituellement autour d’une AUE2. En l’absence travaux ont été réalisés par Haute Intensité
d’une motivation et de signe de cohésion de Main d’œuvre (HIMO) en Argent Contre Enfin, un manuel de gestion, d’entretien et de pro -
sociale, l’aménagement ne peut être viable. Travail (ACT). tection du périmètre a été octroyé à l’AUE concerné.
2
Association d’Usagers de drains ou de l’eau
36
A ug me nt at i on d e l a pr od uc ti o n
Tableau 1: Principales caractéristiques des bas-fonds retenus pour être aménagés
Surface mise
Longueur
Nom Mode mise en valeur Coût Coût Surface mise
Année Surface du drain
Périmètre Commune en œuvre avant du drainage du drainage en valeur
de drainage drainé (ha) principal
drainé des travaux drainage (Ar) (Ar/ha) 2017 (ha)
(km)
(ha)
Photo 3: Bas-fonds d'Andranomanga en cours de drainage Photo 3: Drain du bas-fonds réalisé
4. Un changement radical du paysage exploité et une meilleure gestion
de la conduite de culture pour une meilleure productivité
Une transformation du milieu. En modifiant
les flux hydriques dans lesbas-fonds avec
une alternance des conditions d’inondation
en saison de culture (anaérobie) et d’assec
en contre saison, les caractéristiques
physico-chimiques du sol (tourbeux) sont
observées par l’état de la végétation 3
cultivée notamment le riz.
Sur l’aspect environnemental, le riz étant
prioritaire, le paysage herbacé à base
de cypéracées a été transformé en zones
productives. L’écosystème faunistique et
floristique est, certes,modifié mais trouve
rapidement un équilibre au bout d’une
saison de culture. En effet, les conduites
de culture, par le travail du sol, l’apport de
fumure organique via l’amélioration de la
structure du sol conditionnent cette trans-
formation du milieu.
Photo 4: Drain du bas-fonds de Bekotraky à Mahatalaky en cours de réalisation
3
Verdure de l’exploitation, thalage bien développé
37
A u gm en t at io n de la p ro d uct i on
Photo 5: Drain du bas-fonds de Bekotraky à Mahatalaky, réalisé et long de 6km
Des gains de productivité en riziculture. Le Table 2: Comparaison des caractéristiques des bas-fonds avant et après
gain en riz supplémentaire est de 50% à drainage
100% pour les zones où la culture de riz
n’a pas été possible avant l’aménagement. Avant drainage Après drainage
Le rendement moyen rizicole dans le
bas-fonds de Mahatalaky était de 1t/ha - Profonde à raison de 1m de profon- - Sèche à humide,
avant l’aménagement, contre 2,5 t après deur, 10cm de profondeur,
aménagement (sondage de rendement - partie des rizières, la plus fertile, - La partie supérieure des rizières
par les équipes du projet).Le gain n’est pas Rizière flotte et se déplace hors des est stable même en cas d’inon -
uniquementen termes de rendement mais parcelles dation
aussi en nombre de saison rizicole. Avant - Les parcelles restent inondées - L’eau de pluie se retire au bout de
l’aménagement, un périmètre de 20 ha, 2 à 4 semaines après la pluie 2 heures.
situé sur la partie haute du bas-fonds a été
Mode de Piétinage, labour et repiquage
exploité pour le cas de Mahatalaky, et Impossible à piétiner et à labourer
production aisément réalisés
uniquement pendant la « petite » saison
rizicole. L’aménagement a rendu une super- Superficie 20 ha pourMahatalaky 120 ha pourMahatalaky
ficie de 60ha additionnelle, au milieu du
cultivable 0,5 ha pourIaboakoho 13 ha pourIaboakoho
bas-fonds, exploitable en petite saison. Le
nombre de riziculteurs ont également En cas d’inondation, 25 à 50% de par-
augmenté comme l’est particulièrement le
celles peuvent produire, le reste flotte Environ 1/15 des graines produites
cas de la Commune d’Iaboakoho, enregis- Production
et se déplace. Sur cette production, sont vides
trant plus de 35 nouveaux ménages béné-
1/3 des graines sont vides.
ficiaires. Logiquement, la période de soudure
alimentaire de ces ménages exploitants Période La production assure l’alimentation de La production assure l’alimentation
les bas-fonds drainés ont été réduite à de soudure base durant 2 mois de base pendant 5 à 6 mois
3 mois.
5. Les effets induits positifs et négatifs non anticipés
Des recours au feu ont été nécessaires au démarrage à cause des Les zébus disposent de pâturage en contre saison.Étant secs,les
difficultés de mise en valeur. En effet, les types de végétation typiques zébus peuvent, en effet, parcourir sans difficulté le bas-fond drainés
du bas-fonds d’Iaboakoho (majoritairement des « Fandrana » fortement durant la petite saison rizicole.
lignifiés et avec un enracinement très important) sont difficiles à
enlever. Il y a également le fait que le rendement enregistré est Le maraichage est une activité alternative de mise en valeur des
encore reproché faible (1t/ha), à cause du sol encore peu évolué bas-fonds drainés. Les petsaï, tomate, carotte, concombre sont
alors que les coûts des travaux d’installation des cultures élevées. des spéculations observées dans le bas-fonds de Bekotraky. La pro-
duction est essentiellement vendue et est estimée à 500.000 Ar
L’aval des bas-fonds peut être sur drainé. Observé sur la partie avale par saison par ménage. Chaque ménage fait 1 à 2 saisons de
de Bekotrakydevenue trop sèche, elle exige une irrigation pour maraichage par an dans le bas-fond drainé, soit 500.000 à 1.000.000Ar
permettre une riziculture. de revenu additionnel.
Mots Clés : Infrastructures hydroagricoles, bas-fonds, drainage, valorisation, riziculture irriguée, HIMO, culture maraichère, rendement, argent contre travail
Auteurs : - DANIEL Meijering, Chef de projet (WHH),
- RAMIANDRISOA Anthony Sismondy, Chef de projet Adjoint (WHH)
- RARIVO Ravoatra, Expert en aménagement Bassin Versant et lutte anti-érosive (ONG EFA/WHH)
38
Au gm e nt at i on d e l a p r od uct i on
L’OCT:
Une approche efficiente combinant
l'amélioration des infrastructures agricoles collectives
et l’accès individuel au petit matériel de production
39
A u gm en t at io n de la p ro d uct i on
3. La démarche expérimentale
L’idée d’aménagement hydroagricole débute par une demande Durant deux semaines, trois réunions sont organisées :
signée par des petits producteurs agricoles auprès d’AIM, qui com-
mande une étude de faisabilité technique et financière détaillée des • 1ère réunion :
travaux nécessaires en vue d’une maitrise d’eau d’un périmètre
agricole. Les travaux à exécuter en HIMO (débroussaillage, reboi - Information du projet d’aménagement auprès des décideurs locaux
sement des berges, creusement des canaux…) sont identifiés au et représentants des opérateurs intervenant dans la Commune ;
cours de cette étude. information sur la démarche choisie pour l’exécuter.
Une unité dénommée « cellule de projet », constituée des décideurs
L’ensemble des travaux d’aménagement pourrait être une réhabili-
locaux et chefs traditionnels, est mise en place à ce stade. Elle est
tation ou une nouvelle construction des divers ouvrages hydrau- vouée à disparaitre une fois les travaux réalisés. Ses principales
liques. Dans certains cas, une association des usagers de l’eau tâches sont :
(AUE) existe mais aucune n’est formalisée selon la règlementation
- Le recensement des paysans
en vigueur. Pour d’autres, l’assemblée des demandeurs constituera
souhaitant participer à l’HIMO et à l’identification
la future AUE. et la détermination des besoins en outils de chaque main
d’œuvre, en collaboration avec l’Association Manambina,
Phase de préparation
- La conduite du recrutement des
travailleurs, avec le bureau de l’AUE,
Une fois ces informations connues et les travaux techniquement et
financièrement faisables, la préparation consiste en une campagne - L’organisation du chantier HIMO,
en collaboration avec le bureau de l’AUE,
d’information, de communication et d’instruction aux acteurs locaux
concernés. - Le suivi permanent des travaux HIMO avec l’Agent
Surveillant de chantier.
40
Au gm e nt at i on d e l a p r od uct i on
Phase d’exécution des travaux HIMO L’organisation des travaux est présentée dans le tableau ci-dessous :
Une convention est établie et signée entre Organisation
l’AUE et l’opérateur AIM pour marquer le Activités Personnel – clé
début des travaux HIMO.
d’appartenance
La commande des outils, selon les besoins • Responsable Technique, • AIM
Encadrement technique des
prioritaires des bénéficiaires, a été effectuée • Ingénieur de contrôle • Bureau d’étude chargé
travaux
par la boutique d’intrants. et le technicien surveillant du contrôle des travaux
En général, un chantier HIMO dure une quin-
Organisation et encadrement
zaine de jour, mais en fonction des critères • Chef d’équipe • AUE
de l’équipe de réalisation
cités plus haut et de l’organisation locale
pour une meilleure équité entre les béné - Organisation • AUE
ficiaires, chaque participant peut réaliser • Membres
et gestion des travaux HIMO • Cellule de projet
jusqu’à 10 jours de travail effectif.
• Technicien Animateur • AIM
Vérification des réalisations
• Membres • Cellule de projet
Établissement
• Responsable Technique • AIM
des bons d’outils
Approvisionnement et distri -
• Détenteur/Gérant • Boutique d’Intrants
bution des outils agricoles
Suivi, accompagnement et
• Technicien Animateur • AIM
encadrement dans l’utilisation
• Membres de bureau • AUE
des matériels agricoles
Photo 1: Travaux HIMO à Manaravolo
41
A u gm en t at io n de la p ro d uct i on
A la fin du chantier, le projet vérifie la qualité des travaux et établit ainsi
les bons d’outils de chaque travailleur, à partir des fiches de présence.
La distribution des bons d’outils est réalisée par l’Association Manam-
bina, environ 2 semaines après la vérification. Entre temps, la
Boutique d’intrants s’approvisionne en outils et intrants souhaités par les
participants et suivant la liste établie avant le démarrage du chantier.
Concernant les dates d’échange des bons, le gérant de la boutique
d’intrants en fait une annonce officielle par voie d’affichage. Il est à
noter que les outils et intrants constituentune commande spéciale au
niveau d’une BI, et l’échange des bons d’outils se fait en fonction de
l’arrivée des articles. Les échanges des bons d’outils durent environ
une semaine.
Une fois que les travailleurs ont obtenus leurs outils/intrants respec-
tifs, le boutiquier dresse une liste des récipiendaires et les articles
échangés. Ensuite, il l’envoie au projet pour vérification et paiement.
Dépendant du nombre et de la valeur marchande des articles, le
boutiquierpeut demander le paiement par tranche (souvent en deux Photo 2: Modèle de bons d'outils échangés
tranches), ou en totalité. dans une boutique d'intrants
Phase de valorisation des parcelles individuelles
La mise en place de parcelles d’apprentis- Au cours de la préparation du site d’appren- nouvelles techniques agricoles pour qu’un
sage des techniques de Système de Rizicul- tissage, des matériels et intrants spécifiques maximum d’apprenants y participe. Le
ture Améliorée (SRA) est recommandée par comme des sarcleuses, cordes de repiquage nombre de parcelles d’apprentissage
la Direction Régionale de l’Agriculture et de et de semences de qualité de riz sont mis à dépend du nombre d’apprenants, à raison
l’Élevage de l’Androy auprès des usagers de disposition des apprenants, en complément de 25 personnes au maximum par parcelle.
nouveaux périmètres irrigués, et est discutée de leurs matériels individuels comme
dès la phase d’étude préalable. Ces parcelles l’angady et/ou la charrue pour le labour. Au Sachant que la majorité des paysans dans
d’apprentissage sont mises en place après cours du cycle d’apprentissage, ils s’orga - le District de Bekily expriment toujours une
la réception provisoire des travaux, période à nisent pour la gestion des matériels et des réticence aux nouvelles techniques avant
laquelle la fonctionnalité du barrage est intrants. d’avoir constaté les résultats positifs obte-
testée et l’identification des parcelles conve- nus par leurs pairs. De ce fait, le projet s’est
nables à un apprentissage est facilitée. La formation se fait en cascade, les PL sont basé sur un effet de levier produit par les
formés par le technicien agricole en pré- paysans apprentis pour entraîner les autres
Le choix des parcelles se base sence des animateurs d’AIM sur le site. Ces à adopter le SRA.
sur les critères suivants : derniers assistent ensuite les PL à former
leurs pairs. Ce cycle d’apprentissage dure L’Association Manambina a mobilisé 2
• Être accessible, visible et irrigable une année soit durant deux campagnes experts en socio-organisation et en mobili -
même en période d’étiage ; agricoles. sation communautaire. Le coût de la mobili-
• Appartenir à un membre dynamique sation des experts se situent entre 200.000
de l’AUE qui accepte de devenir un L’adhésion au site d’apprentissage est à 300.000Ar par étape et pour laquelle la
Paysan Leader (PL). libre mais les paysans sont sensibilisés de durée effective de travail est de deux à trois
l’avantage de se former et d’apprendre de jours.
- Manaravolo, Commune de - La création ou réhabilitation de 11,823 km de canaux d’irrigation ;
Vohimanga pour 120 ha - L’équipement de 515 petits exploitants agricoles en outils agricoles et de semences améliorées. Parmi
- Mahazoarivo, Commune ces exploitants agricoles, 219 sont des femmes dont environ 30% sont des cheffes de ménages ;
Beraketa pour 45 ha - Concernant les outils et intrants distribués, 1.192 petits matériels agricoles dont 110 charrues et
- A na r a b e I I, C om m un e 965 angady, 3.611 kg de semences dont 3.025 kg de riz et le reste pour les cultures de contre
d’Ankaranabo pour 20 ha saison sur rizière. Réalisé et distribué entre décembre 2015 et avril 2017, l’OCT équivaut à une subven-
- Ankonatsy, Commune de tion de 38.800.000Ar, injectée directement dans l’économie locale en tant qu’équipements productifs
et intrants agricoles de bonne qualité pouvant améliorer la productivité des parcelles exploitées.
Maroviro pour 20 ha
42
A u gm en t at io n de la p ro d uct i on
Photo 3: Cartographie des périmètres irrigués Photo 4: Rizière exploitée après les travaux à Manaravolo
avec l'expérience HIMO/OCT
La réception provisoire de ces 4 périmètres a L a p ro d u c t i o n r i z i c o l e a é v i d e m m e n t teindre 156.000 Ariary/are/campagne pour
été réalisée entre décembre 2016 et avril augmenté après les aménagements hydro- un ménage 1 . Cependant, le revenu généré
2017. Les parcelles nouvellement aménagées agricoles. Comme le cas d’Anarabe II, aucune dépend des spéculations cultivées et de la
sont d’abord cultivées par du maniocafin de exploitation n’a été faite avant la campagne superficie de la culture. Notons que les légumes
rendre le sol plus meuble et également de 2015-2016, période de réception des travaux, comme la carotte, le chou ou la pomme de terre
l’aplanir. La culture de riz débute au cours de alors que ce périmètre est actuellement valent plus que les brèdes ou feuilles vertes.
la campagne suivante. La grande saison est exploité à 100%.
généralement consacrée à la riziculture, la L’OCT a par ailleurs contribué à limiter la circu-
culture de manioc et de maïs, et la saison En termes de revenu, la pratique de la culture lation d’argent liquide et ainsi atténuer les
intermédiaire pour les cultures maraichères maraichère en contre saison, sur rizière, peut risques d’insécurité qui prévalent déjà dans la
(carotte, pomme de terre, choux, salade…). générer un revenu supplémentaire pouvant at- zone d’expérimentation.
5. Leçons apprises
L’importance du capital confiance que les Le rôle prépondérant des membres des 2017-2018 avec sérénité, grâce aux semences
bénéficiaires accordent à l’association bureaux des AUE dans le contrôle de l’utilisation et outils agricoles obtenus de l’HIMO/OCT.
locale. L’existence d’une association locale, des outils. La sècheresse récurrente entrainant
connaissant le contexte socio-culturel local, une situation de famine est à l’origine de déca- Une meilleure visibilité des boutiques
est importante dans l’expérimentation de pitalisation des ménages pendant les périodes d’intrants.Le choix de distribuerles outils,
cette nouvelle démarche. Sa connaissance de soudure : vente de bétails, de matériels intrants et semences à traversles boutiques
du contexte a permis d’économiser un agricoles, de semences, voire des ustensiles de d’intrants a permis aux gérants de ces bou-
temps précieux dans l’établissement d’un cuisine. Le risque que les ménages bénéfi- tiques de sensibiliser les travailleurs à appli-
contact et d’une relation de confiance avec ciaires de l’approche HIMO/OCT vont vendre les quer les nouvelles techniques agricoles
les paysans et les décideurs locaux. Même matériels agricoles n’est donc pas négligeable. apprises et diffusées au cours de cette expé-
si les pratiques HIMO rémunérées exis- rience. Le nombre d’adoptants des innovations
taient dans la zone d’intervention, le but Dans la présente expérience, les membres techniques agricoles est actuellement de 7255
visé par ces pratiques, généralement des bureaux des AUE, en plus de leurs producteurs (selon les données du rapport 2017).
admis par les travailleurs, est de répondre tâches habituelles, se sont également res-
à u n b e s o i n i m m é d i a t d e l i q u i d i t é e t ponsabilisés dans le contrôle de l’utilisation Un fonctionnement effectif des AUE. La capa-
d’alimentation. L’OCT décale, en revanche, effective des outils. Cette prise de responsa- cité de valorisation optimale des infrastruc-
la réponse à ce besoin par un investisse- bilité a porté ses fruits, ce qui a permis à tures a augmenté considérablement l’intérêt
ment permettant aux paysans de se pren- l’expérience d’atteindre l’objectif escompté. des producteurs vis à vis de leur AUE. A cela
dre en charge sur une plus longue durée, s’ajoute le contact continu entre membres de
générant des réticences au commence- La disponibilité de semences et d’intrants malgré bureau (dans leur rôle de contrôle et autres)
ment. Certes, les deux approches peuvent les effets néfastes de la sècheresse en début de et simples membres. Les AUE de ces périmè-
créer des infrastructures productives, mais campagne agricole. Malgré la perte de semence tres ont, de manière spontanée, adopté des
l’OCT tente en plus de maximiser la mise à la suite d’une sécheresse relativement prolongée organisations pratiques comme la collecte de
en valeur des périmètres aménagés au en début de l’année 2017, les paysans bénéfi- cotisation, la gestion de l’eau, et les menus
profit des exploitants. ciaires ont pu entamer la grande campagne entretiens des infrastructures.
1
Selon les données collectées par l’équipe ASARA, le revenu généré par les CUMA en contre saison sur une parcelle de 100 m² est de 156.000Ar. Les spéculations-types
sont des carottes, du chou, du gros oignon, et du petsay pour 20m2 de platebande chacune.
Mots Clés : Infrastructures hydroagricoles, petits matériels agricoles, intrants, semences, HIMO, bons d'outils, riziculture irriguée, culture maraichère, outil contre travail,
boutiques d'intrants
Auteurs : - RAHARISOAVELOHANTA Linà, Directrice Exécutive
- ANDRIAMAHARAVO Solofo, Coordonnateur Régional.
- RAZAFINDRAHAGA Franck, Chargé de Programmes.
43
A u gm en t at io n de la p ro d uct i on
L'adaptation des normes semencières
à un contexte régional :
cas du système de semences de qualité
déclarée (SDQ) développé en Androy et Anosy
Le Grand Sud Malagasy est réputé pour 1. Les limites du cadre légal en vigueur
L
ses conditions particulièrement diffi-
a région Androy et une partie de la n La première fut la difficulté à faire
ciles pour la production agricole produire les semences localement.
région Anosy, régulièrement confron-
et a fortiori des semences, soumises tées à des épisodes de sécheresse, Le fonctionnement du secteur
à des exigences juridiques particulières. doivent faire face de manière chronique semencier conventionnel nécessite
Le climat sec, les sols pauvres, la faible à un problème de pénurie de semences un dispositif pérenne d’approvi-
disponibilité des parcelles et les agricoles. Les paysans, habitués à resse- sionnement. Cependant, cette
mer les grains issus de la récolte précé- a c t i v i t é n ’ e s t p a s c o n s i d é r é e
difficultés de transports sont autant
d e n te s o n t , e n e f fet , d é p o u r v u s d e comme rentable par les opérateurs
d’éléments qui s’ajoutant aux privés, et apparaît inapplicable
semences de qualité lorsque les récoltes
contraintes des normes qui ont n’ont pas été suffisantes pour leurs be- pour des groupes de producteurs
lourdement pesé sur la production de soins alimentaires, ou dans les situations locaux, en raison de normes de
semences. Leur manque de disponibilité où il a fallu ressemer au-delà de leurs production trop contraignantes-
a affecté l’agriculture dans son ensemble. capacités en cas de début de saison telles que i) le nombre de contrôles
défavorable. Sans réserve suffisante, ils au cours de la production, ii) les
De 2011 à 2017, le Gret (Professionnel doivent se tourner vers les seules graines d i s t a n c e s d ’ i s o l e m e n t d e s
du développement solidaire), le CTAS à l e u r d i s p o s i t i o n : a u n i v e a u d e s parcelles de production, iii) les
(Centre Technique Agroécologique marchés locaux. Ses graines sont souvent exigences sur les semences mères,
de mauvaise qualité et ne correspondant et iv) les précédents culturaux.
du Sud), le FOFIFA (Centre National
p a s n é c e s s a i r e m e n t a u x v a r i é t é s
de Recherche pour le Développement
adaptées au contexte local lorsqu’elles n La seconde contrainte fut l’in-
Rural), l’ANCOS (Agence Nationale proviennent d’autres régions. adaptation des variétés diffusées
de Contrôle Officiel des Semences par rappor t aux conditions de
et Plants) et la FAO (Organisation pour Pour faire face à ces situations, les productions locales. Leur besoin en
l’Agriculture et l’Alimentation) ont actions d’urgence et de développement intrants (pesticides, irrigation,
ont travaillé sur la mise à disposition de engrais) étant impossible à satis-
collaboré à la mise en place d’un
semences améliorées, de variétés suppo- faire par les producteurs locaux, les
système de production locale de semences
s é e s p e r fo r m a n te s et a d a p t é e s a u potentialités de ces variétés ne
de variétés adaptées au contexte contexte,soit à travers des distributions p o u v a i e n t g é n é r a l e m e n t p a s
régional, préservant des exigences ou par l’appui à des producteurs de s’exprimer. Les variétés locales,
de qualité minimum. Ce système repose semences, et la mise en place d’un sys- pour leur part, n’étant pas inscrites
sur l’adaptation de normes officielles tème de production. Ces expériences sur le catalogue national, ne pouvaient
ont cependant rapidement montré leurs pas faire l’objet de production de
aux contraintes du milieu,
limitespour deux raisons principales : semences.
objet de la présente fiche.
44
Au gm e nt at i on d e l a pr od uct i on
Pour pallier cette seconde contrainte, deux tion.Le défi à relever fut donc de deux
pistes de solutions ont été identifiées: sor tes : i) concevoir et légaliser de
nouvelles normes permettant d’enre-
v L a va l o r i s a t i o n d e s va r i é t é s d i te s g i s t r e r d e s va r i é t é s r a p i d e m e n t –
« l o c a l e s » , l e s p l u s p e r fo r m a n te s , locales ou introduites –, ii) permettre
adaptées aux contextes et largement aux paysans locaux de produire les
utilisées par les paysans. Cependant, semences avec des normes de produc-
ces ressour-ces locales ne pouvaient pas tion et de contrôle répondant à leurs
être commercialisées sans un travail contraintes.
préalable d’amélioration et de caracté-
risation, en vue d’une reconnaissance Pour cela, le Gret et la FAO ont, d’abord,
légale. initié une démarche basée sur le système
Semences de Qualité Déclarée » de la FAO
v L’introduction des variétés en provenance à partir de 2011, formalisant un cadre
d’autres pays aux conditions pédoclima- conceptuel pour l’application de normes
tique similaires, mais nécessitant aussi
locales, et basé sur la concertation.
un travail d’adaptation et d’homologa-
2. En quoi consiste la mise en place de nouvelles
v Les taux de germination minimum requis
(60 à 80 % selon les espèces), ainsi
normes semencières adaptées au contexte ? que les taux d’humidité maximum des
semences (12 à 14 % selon les epèces).
Les lois semencières nationales sont et présentent souvent une importanteva-
établies suivant le modèle OCDE (zone du v Les distances d’isolement requises
riabilité dont découle une forte capacité
COMESA et de la SADC). Comme leur nom entre les champs des producteurs de
de résilience. Cette variabilité est un
l ’ i n d i q u e , e l l e s s o n t d ’ a p p l i c a t i o n semences et celles de champs voisins
atout, mais s’oppose aussi malheureu-
générale sur l’ensemble du pays, sans pouvant les contaminer (20 à 100 m
sement à une exigence d’homogénéité et
tenir compte de spécificités régionales selon les espèces).
de stabilité nécessaires à la reconnais-
parfois contraignantes, notamment dans sance des variétés. Diversité et homogé-
l e s z o n e s d ’ i n s é c u r i t é a l i m e n t a i r e v Le nombre de générations possibles à
néité forment ainsi une équation peu
chronique. Une solution fut de concevoir partir de semences de base, sans que
évidente à résoudre. Un travail de réfle-
une couche réglementaire complémen- les semences ne perdent leur qualité
xion fut donc engagé pour réviser les
taire, permettant une adaptation des (2 à 4 selon les espèces)
normes standardssur les critères de dis-
n o r m e s g é n é r a l e s a u x c o n t r a i n t e s tinction, de stabilité et d’homogénéité
spécifiques de zones délimitées. v Le nombre de contrôles au minimum
(DHS) des variétés, revues pour être
acceptable pour limiter les coûts de cette
applicables auxvariétéslocales.
Concrètement, les variétés locales avec opération (1 à 2 selon les espèces)
l e u r s p a r t i c u l a r i t é s c o mp l exe s s o n t Ensuite, il a été nécessaire d’adapter les
reconnues et valorisées. Elles résultent Enfin,il a fallu former les techniciens,
normes de production et de contrôle des
généralement de multiples brassages paysans et contrôleurs à ces nouvelles
semences, pour chaque espèce :
règles.
45
A ug me n ta ti o n d e la p ro du ct i on
3. Les principales étapes du processus
Les étapes clés du processus mis en place techniciens du CTAS et du Gret. Ce travail les procédures d’inscription des variétés.
furent, d’abord, de recueillir les attentes de bureau fut enrichi par des rencontres Concrètement, plusieurs voies ont été défi-
des acteurs de la filière. Le Gret a, dans un sur le terrain et des échanges avec les nies en fonction du type de plante concerné.
premier temps, réuni les producteurs de paysans. Après un atelier d’une semaine,
semences avec qui il avait travaillé pour l e s r é s u l t a t s f u r e n t p r é s e n t é s a u x • Les variétés issues de la recherche natio-
leur demander les évolutions souhaitées partenaires locaux pour approbation. Un nale et inscrites au cataloguepeuvent faire
sur les normes. Leur témoignage filmé fut programme scientifique de recherche sur l’objet d’une simple « transcription » dans le
présenté à un comité de pilotage de projet certains éléments techniques a dû être mis registre régional.
p our les sensi b i li ser à ces attentes. en œuvre pour trancher sur cer taines
Quelques idées clés s’endégageaient :i) la questions liées aux associations culturales • Pour les variétés locales, le modèle stan-
volonté de produire de semences des par exemple. Les échanges au sujet de ces dard consiste à homogénéiser les res-
variétés « locales », et ii) de pouvoir cultiver normes ont duré environ trois ans. sources phytogénétiques par « sélection
sur le même champ des semences et conservatrice », identifier leurs caractères
des cultures alimentaires (associations En même temps, la FAO appuya la forma- distinctifs puis vérifier la stabilité de ces ca-
culturales), ainsi que iii)la volonté d’une li sati on d’un comi té consulta ti f pour ractères. Le FOFIFA et l’ANCOS sont forte-
réduction des distances d'isolement. l’inscription des variétés, dont le rôle ment mobilisés dans cette procédure et
principal était de valider l’existence des travaillent en parallèle. La procédure a pris
Viennent ensuite l a forma li sa tion de variétés qui seraient cultivées suivant les au moins 2 années. Cependant,au cours
normes techniques prenant en compte les nouvelles normes. Composé de représ de cette phase, la production de semences
demandes paysannes, tout en respectant entants du Ministère en charge de l’agri- peut être appliquée avec l’allègement de
les exigences de qualité attendues par les culture, des directeurs régionaux de ce certaines règles. Cette souplesse a éviter
autorités par un groupe de travail constitué Ministère, de représentants des produc- de priver les populations locales de se-
des autorités nationales (ANCOS), de repré- teurs de semences, de l’ANCOS, du FOFIFA, mences des variétés qu’ils affectionnent
sentants de la recherche (FOFIFA) et de de la FAO et du Gret, ce comité a défini pour de raisons procédurales.
Photo 1 : Cycle d'enregistrement des variétés (liste A : variétés issues de processus de sélection conventionnels,
liste B : variétés locales)
46
Au gm e nt at i on de l a p r od uct i on
4. L’aboutissement à un système réglementaire plus performant
En l’espace de quelques années, une En août 2017, trente-sept (37) variétés disposera de moyens de fonctionnement.
cinquantaine de variétés jusque-là exclues locales étaient caractérisées, et inscrites Toutes ces variétés figurent dans un
des circuits de commercialisation formels au registre.Ces variétés ont été proposées registre régional. Les fiches variétales, qui
(faute d’existence juridique) sont entrées par le CTAS, qui doit en assurer la mainte- décrivent les plantes enregistrées sont
dans le système des semences de qualité nance.Ellessont désormais protégées des é g a l e m e n t a c c e s s i b l e s s u r i n te r n e t
déclarée des régions Androy et Anosy. risques d’extinction, tant que cette structure (www.semencesdusud.com/ASARA/SDQ).
Photo 3 : Registre régional des espèces concernées
par le SQD des régions Androy et Anosy
Photo 2: Fiche variétale
niveaux relativement ambitieux, permettant
Ce système qui permet donc à la fois la où les législations semencières sont dans de subvenir aux besoins d’environ 20.000
préservation de la biodiversité des plantes la même impasse qu’avaient connue les ménages annuellement. Il met à leur dispo-
à usage agricole et l’appui au développe- populations du Sud Malagasy. sition des semences de qualité, issues
ment est également cité en référence majoritairement des variétés locales, dont
dans une publication internationale sur le Le CTAS, ONG Malagasy créée en 2013, a ils ont besoin à des tarifs accessibles. Les
« Droit aux semences1 ». Il offre un modèle pu grâce aux normes établies propulser sa volumes de semences produites sont
transposable à d’autres régions du monde production de semences certifiées à des passés de 137t en 2015 à 238t en 2017.
1
“Le droit aux semences, un droit essentiel pour les paysan-nes-s ! », coordination Sud, mai 2017.
47
A ug me nt a ti on d e l a pr od u ct io n
La culture du pois d’Angole, s’est, en effet,
dif fusée très rapidement grâce à une
production massive de semences. En
quelques années, le nombre de parcelles
cultivées en pois d’Angole a atteint le seuil
des 15.000. Le même processus est
engagé avec des variétés de pois de Lima
extrêmement résistantes à la sécheresse
et dont la saveur est localement appréciée,
ainsi qu’avec une variété de mil résistante
a u x a t t a q u e s d ’ o i s e a u x g r â c e à d e s Photo 4: Cette variété de mil à barbes particulièrement résistante aux conditions
« barbes » piquantes. Le mil, céréale la plus de sècheresse et aux attaques d'oiseaux fait partie des variétés dont les semences
résistante aux contraintes de manque
sont désormais accessibles en Androy.
4. L’importance de la concertation et la co-construction des normes
Le système SQD avec les normes semen- togénétiques locales en des délais de des centres de recherche internationaux
cières appliquées aujourd’hui dans deux temps relativement courts, et a permis la sont actuellement en cours d’intégration
régions du Grand Sud Malagasysemble mise en place d’une filière semences per- dans le système (une cinquantaine d’ac-
relativement satisfaisant en termes formante. Des structures permettant le cessions).
d’adaptation et de prise en compte des maintien et le développement de ce sys-
attentes et contraintes paysannes. Il tème sont en place pour lui permettre Néanmoins, le processus s’est heurté à de
apporte des solutions à l’épineuse ques- d’évoluer encore. Un grand nombre de res- nombreuses reprises à des blocages liés
tion de l’homologation de ressources phy- sources phyto- génétiques fournies par à des perceptions différentes sur les ques-
tions réglementaires entre dif férents
acteurs. Les stratégies de négociations se
sont avérées être un élément déterminant
pour avancer dans la construction du
système. La formalisation méthodique de
collaborations étroites entre autorités,
centres de recherche nationaux-interna -
tionaux, ONG a été essentielle pour faire
aboutir une démarche de longue haleine.
Près de six années d’engagement ont été
nécessaires.
Mots-clés : Semences améliorées, normes nationales,
normes régionales, caractérisation, recherche,
coopération internationale, service technique
déconcentré
Auteurs : Fabrice Lheriteau (Gret),
Photo 5: Des femmes récoltant une variété de pois d'Angole enregistrées dans le Tolotra Ranaivoharimanana (CTAS),
SQD Androy et Anosy. La diffusion de cette variété a eu un impact fort Ketamalala Ramarakoto (ANCOS),
sur la sécurité alimentaire des ménages vulnérables. Siméon Rakotomamonjy (FOFIFA)
48
Au gm e nt at i on d e l a p r od uct i on
L’herbe à éléphant « Relaza » :
une opportunité d’amélioration de la production
des petites exploitations agricoles familiales
Les fourrages sont essentiels en mêm e temps pour l’agriculture et l’élevag e. Habitués à un
élevage extensif, les agro-éleveurs laissent les animaux en divagation, de pâturage en pâturage,
sur des terres de plus en plus dénudées et appauvries à cause des feux de brousse ou exploitées
comme terres agricoles. Cultiver des plantes fourragères est une expérience testée en région
Anosy par quelques agro-éleveurs motivés et qui ont décidé de changer de pratiques, dans le but
d’améliorer d’abord l’alimentation animale, ensuite la qualité des fumures organiques, et enfin
pour lutter contre l’érosion et l’appauvrissement des sols. L’expérience a produit des résultats
significatifs sur ces trois aspects, et méritent une reproduction à une échelle plus étendue.
1. Des petites exploitations agricoles peu productives s’expliquant, entre autres,
par un manque de fourrages
Le faible rendement dans l’agriculture et l’élevage dans le District de Fort- - L’insuffisance ou la très faible utilisation de fertilisant, notam-
Dauphin est causé par des pratiques d’agro-élevage n’accordant que peu ment la fumure organique dans l’agriculture. La fumure de
d’importance à l’alimentation animale et à la protection des sols. parc à bovin est le fertilisant le plus courant alors que les
agro-éleveurs en produisent peu et de moindre qualité. Les
Après le diagnostic de la problématique en matière de production agricole ateliers d’élevage de bovin sont rudimentaires, ne permettant
dans le district de Fort-Dauphin, réalisé en Juillet 2014, une analyse en pas d’amasser des fumures : les bovins sont souvent laissés
laboratoire des différents types de fumure organique disponibles au en divagation pour une majeure partie de la journée pour
niveau des agriculteurs a été effectuée. Les résultats ont été obtenus en éviter de collecter des fourrages et alimenter le bétail dans un
juillet 2016. étable. Ainsi, les agriculteurs n’utilisent guère de fumures
organiques pour cultiver du riz, du manioc ou de la patate
Une amélioration de la fumure de parc est proposée à la suite des douce, la conséquence est bien évidemment un rendement
résultats ci-contre. Une prospection de plantes fourragères, auprès de faible et donc un volume de production correspondant.
FIFAMANOR, a été entamée. L’introduction d’une plante fourragère,
l’herbe à éléphant Relaza, a été choisie pour résoudre ces trois probléma- - L’insuffisance de fourrage en saison sèche. A cause de la
tiques. Les expériences de WHH, dans la diffusion de l’herbe à éléphant, réduction du volume des précipitations en saison sèche et les
au Rwanda ont été aussi déterminantes dans ce choix. pratiques de feux de brousse, le fourrage se fait rare en
saison sèche. Étant nécessaire à l’alimentation bovine, une
Tableau 1: Résultats d'analyse des fumures de parc, Juil- nette réduction de la production laitière est observée, durant
let 2014 cette saison, sur l’Axe Fort Dauphin – Ranopiso, à cause de la
rareté des plantes fourragères.
Type MS1 % N2 %
Compost ASARA Manantenina 38,85 3,03 - Un appauvrissement progressif des terres agricoles,
dénudées et sans protection. Deux types d’érosion sont
Poudrette de parc Manantenina 85,17 1,62 observés : l’érosion hydrique qui est observé surtout pour
Poudrette de parc Ranomafana 61.73 1,63 l’axe du littoral Est – de Fort-Dauphin vers Ranomafana ; et
pour l’axe du Sud – de Fort-Dauphin vers Ranopiso, l’érosion
Poudrette de parc Ranopiso 34,51 2,94 est surtout éolienne. La productivité agricole et les terres
Poudrette de parc Manambaro 25,65 2,07 exploitables diminuent avec l’appauvrissement du sol.
2. Le choix de l’herbe à éléphant Relaza
L’herbe à éléphant (Pennisetumpurpureum) est une
plante fourragère. Elle est une graminée tropicale
Production annuelles Apport nutritif
pluriannuelle. Elle est à croissance rapide et est la plus Variété UFL UFL/Kg MAT % PDIE g/Kg PDIN g/kg
répandue à Madagascar. Il en existe 3 variétés à MS (t/ha)
(Milliers/ha) MS MS MS MS
savoir : le Kizozi, la Relaza, et le cala. Pour le district de
Taolagnaro, le choix s’est porté sur la Relaza, à cause Kizozi 8-65 5,6 - 46 0,71 15,1 99 108
de son potentiel en biomasse estimé à plus de 30t par
hectare. Cala 6,5 - 80 4,5 - 56 0,7 17,4 99 123
Relaza 8 - 85 5,6 – 59 0,7 15,4 90 108
Des éléments de comparaison de la Relaza par rapport
aux autres variétés de la même espèce sont présen- LMS : Matière sèche MAT : Matière Azotée Totale
tées dans le tableau ci-contre, selon FIFAMANOR : UFL : Unité fourragère Laitière PDIE, PDIN : Protéines Dissoutes Intestinales
1
Matière Sèche
2
Azote
49
A ug me nt at i on d e l a pr od uct i on
La Relaza a le plus fort taux de matière sèche La Relaza est une plante tropicale. En d’autres
par rapport aux 2 autres variétés, Kizozi et termes, elle est adaptée à une région chaude
Cala. Par rapport aux autres plantes locales et pluvieuse. Elle pousse sur un sol à PH
habituellement consommées par les zébus compris entre 4.5 à 8.2, et de ce fait supporte
(comme les repousses d’Aristida, les petits bien l’acidité. Elle se développe à une altitude
panicums, etc.), aucune n’a le potentiel en de 2m à 2.000 m. Elle nécessite un sol bien
biomasse de l’herbe à éléphant. labouré, profond de 20 à 25 cm, et drainé.
Par rapport aux plantes servant de lutte contre La Relaza se multiplie par bouture à une
l’érosion hydrique comme le vétiver ou le bra- densité de 62.500 boutures par hectare avec
chiariahumidicola, la relaza présente un enra- un écartement de 45 cm entre chaque bouture.
cinement latéral suffisamment dense pour Les boutures de Relaza sont relativement ré-
retenir le sol. Il a également une forte capacité sistantes. Toutefois, il est conseillé de les trans-
de rétention d’eau grâce à ses multiples poils planter directement après la coupe. Si l’objectif
absorbants. de la plantation de Relaza est de lutter contre
l’érosion hydrique ou éolienne, la densité de
Enfin, la Relaza, installée comme brise semis conseillé est le double soit environ
vent,peut atteindre une hauteur de plus 125.000 plants par hectare.
de 3m.
Une fois le choix de la Relaza confirmé, une
équipe de WHH à Fort-Dauphin et des paysans Photo 1: Champs d'Herbe
relais ont suivi une formation à Antsirabe. à Éléphant Relaza
3. Détails de la démarche 4. Des petites exploitations d’agro-élevages ayant
pour la diffusion un potentiel de productivité en hausse
de la Relaza Une augmentation de la quantité de fourrage Concernant la production laitière, le projet
Un total de 123 agriculteurs dans 14 Com- et de fumier disponible dans les ateliers n’a pas encore enregistré des données
munes du district de Fort – Dauphin ont d’agro-éleveurs. Une vache laitière de 500kg chiffrées, d’autant plus que les appuis
bénéficié de l’introduction de Relaza, réalisée produit annuellement de la bouse d’environ réalisés concernent surtout le volet produc-
aux mois de juin et juillet 2016. Les boutures, 64kg. Avec la même alimentation, un zébu tion agricole et conduite d’élevage. Toute-
utilisées pour ce premier essai, proviennent de 370kg produirait 38kg de bouse par an. fois, les effets induits par la vulgarisation de
de FIFAMANOR (Antsirabe).Les pépinières Dans les ateliers d’élevage ayant utilisés la cette espèce permettent de confirmer que
ont été préparées et installées, en même Relaza, une augmentation de 50% de bouse la filière laitière à Fort-Dauphin peut très
temps que l’approvisionnement des boutures a été observée. bien être propulsée à un marché plus
provenant d’Antsirabe. Pour le démarrage, élargi, à cause de l’utilisation de cette
100.000 boutures ont été commandéeschez Dans les ateliers des agro-éleveurs ayant espèce.
FIFAMANOR.Les semis ont été réalisés au reçu la première vague de Relaza, le temps
mois de Juillet 2016, avec les doses de de gardiennage des zébus a été réduit Une amélioration de la structure du sol
fumures nécessaires pour l’installation selon de plus de moitié. En effet, le temps de destinée à l’agriculture. Plus de 3.600
les quantités suivantes : parcours à la recherche de pâturageest mètres de bandes antiérosives ont été
réduit vue que les fourrages sont désormais installées en suivant des courbes de
- Fumure organique : 200 à 300 kg/are plantés proches des parcelles de cultures et niveau, protégeant les parcelles agrico-
- NPK 11-22-16 : 4kg/are des villages. De même, le temps dépensé au lesde l’érosion hydrique. Le ruissellement
- Urée : 1kg/are dont 50% au semis et moment de l’ingurgitation a été réduit par étant retenu, l’infiltration de l’eau s’amé -
50% au stade végétatif lorsque les feuilles l’augmentation de l’appétence des zébus lioreet les dégâts qui en sont causés sont
atteignent 60 cm. (surtout par rapport aux fourrages autoch- amoindris. La culture de Relaza a ainsi permis
tones). De ce fait, pour les zébus de traie, une conservation et une amélioration de la
Une première installation a été réalisée sur une reprise rapide des forces de l’animal est structure du sol, dont l’impact est la dimi-
les parcelles de ces 123 agriculteurs formés constatée après les travaux de piétinage des nution proportionnelle de l’apport de fumier,
(1,6 ha en cumul), avec succès malgré la rizières. et donc une réduction des dépenses liées
sècheresse prolongéeentre décembre 2016 à cet intrant. Les producteurs principa -
et Janvier 2017. La quantité de fourrage consommée par lement ciblés sont ceux qui exploitent les
zébu a augmenté passant de 20 kg/jour à versants en bordure de forêts et ceux qui
La diffusion de la Relaza a démarré au début 25 à 30 kg/jour en consommant la Relaza, cultivent en proximité du littoral (venteux,
de l’année 2017. Les boutures sont récupé - qui est 2 fois plus appétant. cas de la commune d’Anala patsy).
rables chez les agriculteurs forméset les
pépiniéristes, puis auprès des adoptants. Les
boutures se transmettent gratuitement sans
contrepartie entre paysans, et des partages
de connaissances sont constatés entre
les paysans intéressés, particulièrement
dans les conduites de cultures et les consé-
quences positives que peut engendrer cette
plante fourragère.
50
Au gm e nt at i on d e l a p r od uct i on
Photo 3: Champ de Relaza après une 3ème coupe
à Ifarantsa
Photo 3: Relaza utilisée comme bande anti-érosive
à Analapatsy
Un facteur limitant est aussi à retenir au cours de cette expérience. Sans une
gestion rationnelle de pâturage,la divagation des zébus limite le dévelop -
pement des plantes ainsi que sa diffusion à une plus large échelle. En
plus avec le système d’élevage semi-intensif, les zébus peuvent accéder
facilement aux champs de culture lorsque les boutures sont encore jeunes,
et sont encore fragiles.
Protection des ressources en eau dans les zones de plantation de la Relaza.
La culture de la Relaza permet d’entretenirle volume des nappes phréa-
tiques, sinon de les augmenter progressivement. Dans la Commune de
Ranopiso, elle a permis de protéger les sources d’eau. En effet, avec une
amélioration de la structure du sol avec plus de matières organiques, la
capacité de rétention d’eau est beaucoup plus importante.
Des opportunités pour la diffusion rapide de la Relaza. L’installation d’une
usine de production de provende et d’exportation de zébus (BOVIMA) dans la
régionpourrait accroitre la motivation des agro–éleveurs pour améliorer
l’alimentation et la production des bovidés.
Par ailleurs, les tiges de Relaza sont utilisées comme mur pour l’habitat
humain ou animal.
Des vols de boutures ont été constatés, mais ceci peut également être une
opportunité de diffusion. De manière plus structurée, la diffusion pourrait se
Photo 4: Mr Fanjona, intéressé
par la Relaza, à Analapatsy faire à travers la multiplication des visites-échanges entre agriculteurs de
mêmes zones agroécologiques, les formations en cascade des agriculteurs
par en dupliquant les types de formations reçues par les paysans relais, le
nombre de pépinières et leur superficie. La formation de conseillers agricoles
en intégration de l’agriculture à l’élevage : production fourragère, production
agricole par une meilleure production fumière serait une base essentielle du
développement de l’agriculture familiale.
Mots Clés : Culture fourragère, Relaza, bande antiérosive, élevage de bovin, fumier, productivité, amélioration du sol,
Auteurs : - DANIEL Meijering, Chef de projet (WHH),
- RAMIANDRISOA Anthony Sismondy, Chef de projet Adjoint (WHH)
- RARIVO Ravoatra, Expert en aménagement Bassin Versant et lutte anti-érosive (ONG EFA/WHH)
51
A u gm en t at io n de la p ro d uct i on
Intégration des MMAV
dans le réseau de santé animale
dans le Sud de Madagascar
L’ONG Agronomes et Vétérinaires Sans 1. Un réseau de santé animale faiblement organisé
Frontières (AVSF) a exécuté le projet et déstructuré
L
FAGNATSARA ou projet d’appui
a zone du Sud de Madagascar est agents de santé communautaire, etc…Une
à l’harmonisation du dispositif des réputée pour être une zone d’élevage multitude d’acteurs aux compétences
agents de santé animale et de de grands et petits ruminants. La variées, mais presque similaires, et qui
renforcement du réseau de santé santé animale est un service faiblement exercent parfois dans des zones identiques.
animale. Cette Action Pilote est mise développé d’une part et rarement pris en Le réseau de santé animale était ainsi
compte par les agro-éleveurs d’autre faiblement organisé, presque déstructuré.
en œuvre en partenariat avec
part,ce quiaffecte négativement le dévelop-
le Ministère de l’Agriculture et de
pement et la croissance des cheptels. Cette Une homogénéisation des services de
l’Élevage (MPAE) et l’Ordre National faiblesse du ser vice est, par ailleurs, proximitéde ces multiples auxiliaires est
des Docteurs Vétérinaires exacerbée par les aléas climatiques, devenue impérative pour accompagner le
de Madagascar (ONDVM) dans le cadre notamment la sècheresse et l’irrégularité développement des élevages de ces
du projet ASARA. Exécuté depuis 2015 des précipitations, qui sévissent dans ces régionsà travers la mise en place d’une
régions. formation unique, qui permettrait :
jusqu’en 2018, le projet a ciblé 6 zones
d’actions pilotes dans 5 districts
D e p l u s , l e f a i b l e d é p l o i e m e n t l o c a l l Aux autorités compétentes de mieux
différents des régions Anosy et Androy. des agents du service public de la santé suivre les activités relatives aux actes
animale, lié à une répartition géographique de santé dans une zone bien définie,
hétérogène des élevages et à des infra-
Présent à Madagascar depuis 2004, structures routières de mauvaise qualité,a l Aux vétérinaires sanitaires d’encadrer
AVSF dispose d’une forte expertise eu pour conséquence le délaissement des ces nouveaux acteurs formés, qui leur
éleveurs depuis de longues années. transmettront des données épidémio-
dans le domaine de l’élevage et en
logiques actualisés au sein de leur
particulier dans la formation et la mise
D e p u i s qu e l qu e s a n n é e s , d i f f é r e n t s zone d’intervention.
en place des agents communautaire services d’élevage et de santé ont été
de santé animale (ACSA). L’expérience mis en place au niveau des Districts, maté- La finalité d’une telle restructuration est
acquise pendant ces quinze années à rialisés par la présence des CIRAE (Circons- d’offrir à un grand nombre d’éleveurs un
Madagascar a pu être réinvestie dans la cription de l’Agriculture et de l’Elevage). service de proximité en santé animale afin
A ceux-là s’ajoutent les opérateurs privés, d’améliorer l’état sanitaire des cheptels et
mise en place d’un maillage vétérinaire
lesvaccinateurs, les agents d’élevage, les développer ainsi leur système d’élevage.
efficace répondant à un besoin central
des éleveurs : « disposer d’un service
de santé animale de proximité leur
permettant de soigner leurs animaux
sans difficulté ».
Cette fiche décrit l’intégration
d’Éleveurs Auxiliaires à la profession
vétérinaire ou Mpiompy Mpanampy
ny Asa Veterinera (MMAV),
dans un maillage vétérinaire existant.
52
A ug m en ta t io n d e la p ro du ct i on
2. La mise en place de MMAV, une solution pour l’amélioration du maillage
vétérinaire
L’intégration des MMAV dans un maillage vétérinaire existant permet d’of frir des
services de santé de proximité efficace et d’enrayer la multiplicité des agents de santé sur le
terrain. En d’autres termes, il s’agit d’uniformiser et de standardiser la qualité des services
offerts directement aux agro-éleveurs.
Démarche de la mise en place de MMAV
Les principales étapes de la démarche n Réalisation d’une étude préalable sur l’état v D é f i n i t i o n d e s c o m p é t e n c e s
d’amélioration du maillage vétérinaire ont des lieux de la santé animale à Mada- requises suivant les besoins des
été les suivantes : gascar, éleveurs, des vétérinaires sani-
taires (VS), des autres techniciens
n Concertation régulière au démarrage et n Définition des attributions des MMAV de l’administration vétérinaire,
en cours du processus avec le Minis- tenant compte des professions qui
tère en charge de l’Agriculture et de ex i s te n t d é j à a u s e i n d u m a i l l a g e v Constitution des modules / théma-
l’élevage (MPAE) à travers notamment existant et de la spécificité et valeur tiques de formation et d’évaluation,
ces services techniques déconcentrés, ajoutée potentielle de ce nouvel agent, v Définition des critères de sélection
et avec l’Ordre National des Docteurs ou du profil d’un MMAV
Vétérinaires de Madagascar (ONDVM), n Homogénéisation ou standardisation
gardien de la profession vétérinaire, des compétences des MMAV n Formation, évaluation et suivi des MMAV
La démarche se base essentiellement sur l’amélioration de la qualification et de la Les thématiques à aborder ont été sélec-
capacité technique des agents impliqués dans le service vétérinaire de proximité. tionnées sur la base des besoins émis
par les éleveurs, mais également en fonc-
Étape 1 :Formation des formateurs (VS) et évaluateurs (SREL) tion des limites de capacité d’intervention
des MMAV en termesd’actes vétérinaires
u VS et SREL formés préalablement par des techniciens de l'équipe Nationale d'In- simples.L’objectif étant d’offrir la possibi-
génierie de Formation A gricole et Rurale à la méthode dite d'Approche lité aux éleveurs d’avoir accès à un ser-
Par les Compétences (APC) vice de santé minimum à proximité, grâce
u VS formés par les représentants du MPAE et l'ONDVM sur l'outil de formation à la présence des MMAV.
(guide formation) qu'ils vont utiliser pendant la formation des MMAV
Étape 2 : Critères de sélection des MMAV
u Les critères de sélection des apprenants MMAV ont été les suivants :
u Être un éleveur, âgé entre 20 et 50 ans ;
u Résider dans sa zone d’intervention établie par le VS ;
u Être disponible pour répondre aux besoins des éleveurs ;
u Savoir lire, écrire et compter ;
u Être de bonne moralité ;
u Bon niveau de compréhension, d’écoute et de technicité.
Étape 3 : Déroulement de la formation des MMAV
u 12 semaines de formation réparties comme suit :
v Partie 1 : Vaccination et déparasitage ;
v Partie 2 : Identification des maladies courantes et réalisation de premiers soins
d’urgence ;
v Partie 3 : Alerte et surveillance des maladies ; castra-tion et sensibilisation aux
éleveurs.
u Évaluations à la fin de chacune des parties.
Étape 4 : Opérationnalisation des MMAV
u Cérémonie officielle de sortie des MMAV (Attestation de réussite)
u MMAV opérationnels, suivis et encadrés par les VS et la DRAE
53
A ug me n ta ti o n d e la pr o du ct i on
Suivi de la formation
A l’issue de la formation, une phase de
suivi débute. Des documents de suivi des
activités des MMAV ont été élaborés avec
les VS afin de collecter et consolider tous
les actes sanitaires effectués par chacun
d’entre eux. Ces documents représentent
des sources d’information précieuse dans
le cadre du suivi épidémiologique de la
zone de couverture des VS. Ces informa-
tions sontensuite transmises au Service
Régional de l’Élevage (SREL) puis à la Di-
rection du Service Vétérinaire (DSV) par le
VS sous la forme d’un rapport mensuel
obligatoire. La DSV réinvestira ces informa-
tions pour améliorer l’orientation de la
stratégie d’intervention nationale en ce qui
concerne l’élevage et plus particulièrement
la santé animale.
3. Une couverture de proximité en santé animale plus étendue au profit
des agro-éleveurs
l Une couverture sanitaire plus étendue.
114 MMAV répartis dans les 5 districts
d’inter vention sont opérationnels
depuis le mois de décembre 2017. Les
MMAV sont présents dans un rayon de
10 km autour de leur village et cou-
vrent une vaste superficie. Leur pré-
s e n c e p e r m e t à p l u s d e 3 0 . 0 0 0
agro-éleveurs éloignés d’accéder à un
service de santé animale.
l U n e a m é l i o r a t i o n s i g n i f i c a t i v e
de lasanté animale dans les zones
d’intervention. L’accès au service de
santé animale de proximité a permis
desensibiliser les éleveurs à l’impor-
Figure 2 : Zone de couverture des MMAV dans les régions Androy et Anosy, tance de la prophylaxie sanitaire afin
Décembre 2017. de développer leur élevage.
54
A ug me nt at i on d e l a pr od uc t io n
Selon les déclarations du Dr Samson,VS dans le District de Beloha, les résultats L’ensemble des vétérinaires sanitaires
suivants ont été obtenus : pilotes se réjouissent des interventions des
- En termes de vaccination : MMAV puisqu’ils leurs permettent d’avoir
•En novembre 2017, 2.870 volailles ont été vaccinées contre 875 volailles un nombre d’informations croissant sur
au mois de juillet, et à peine 215 volailles au mois de février 2017. leur zone d’intervention, et ainsi, de répondre
•Le nombre de caprins vaccinés a également augmenté car il n’y avait eu qu’une efficacement aux besoins des éleveurs.
dizaine de vaccinations réalisées avant la formation (janvier à mai 2017), alors
que ce nombre est passé à 1.000 têtes en novembre de la même année. Dans ce nouveau schéma du maillage
- En termes de déparasitage : vétérinaire, le vétérinaire sanitaire améliore
• En 2017, 17 volailles avaient été déparasitées en février contre 127 volailles en la santé animale dans sa zone d’action, mais
novembre. développe aussi son activité grâce aux
• De même pour les caprins à la même période, le nombre d’animaux déparasités MMAV. L’accompagnement et le soutien du
a été quadruplé, allant de 75 caprins en février à 311 caprins en novembre. VS aux MMAV à travers un suivi régulier et
- En termes de déclaration des maladies : des déplacementssporadiques en cas de
Le taux de déclaration de maladie a aussi été exponentiel, car aucune déclaration nécessité, permet de faire des MMAV de
n’avait été recensée dans le District de Beloha avant l’opérationnalisation des MMAV, véritables alliés dans la lutte contre les
depuis le mois de juillet 2017 le VS affirme désormais recevoir plus d’une vingtaine maladies animales qui inhibent le dévelop-
d’appels par mois.
pement de l’élevage.
4.Rôle prépondérant des acteurs locaux dans la réussite de cette expérience
L’implication des acteurs locaux nique du Vétérinaire Sanitaire au cours de sont les garants de la santé animale dans
la formation, mais également de faciliter la le district pour lequel ils ont été mandatés.
Afin d’intégrer une dynamique locale, dans gestion des différents aspects administratifs En conséquence, ils sont les seuls à pouvoir
les zones pilotes, le projet FAGNATSARA et financiers afférents à la formation. Toutefois, dispenser une formation vétérinaire dans
a travaillé en collaboration avec des ONG l’harmonisation des différentes procédures leur zone d’intervention.Pareillement les
opérant dans le cadre du projet ASARA propres à chaque opérateur ont parfois agents de la DRAE, techniciens du service
intervenant dans les zones pilotes. CRS est constitué une contrainte supplémentaire public en charge de la santé animale, exer-
l’opérateur partenaire de mise en œuvre au cours de cette expérimentation. cent leurs prérogatives pour assurer le suivi
du projet à Beloha, AIM à Bekily, ADRA à e t l e s é v a l u a t i o n s d e s M M AV. A c e t
Betroka et enfin respectivement AVSF a L’implication du MPAE, à travers la DSV, et effet, une convention tripartite entre la
travaillé dans les districts de Tsihombe et ces services déconcentrés (DRAE, VS) DRAE, chaque VS et chaque MMAV a été
Amboasary Atsimo. Cette collaboration a a étédéterminant durant la préparation et établie pour le cadrage des attributions des
permis de faciliter l’accompagnement tech- l’exécution des formations. En effet, les VS MMAV.
5. Un bilan positif, et de nouvelles étapes nationales pour sa reproduction
au profit de tous les agro-éleveurs nationaux
Les résultats obtenus de cette action pilote charge de l’agriculture et de l’élevage ainsi en place des MMAV. A la fin de chaque écriture,
sont concluants. A ce stade, une feuille de qu’auprès de l’ONDVM. des ateliers de validation doivent être réali-
route a été construite de manière conjointe Il s’agit de : sés par le Ministère de l’Agriculture et de
et collaborative avec les parties prenantes • Un « guide » de formation à destination l’Élevage et des acteurs de la santé animale.
à l’expérience afin d’assurer la pérennisa- des formateurs, adapté à différentes Enfin, la formation des formateurs pourrait
tion du dispositif au retrait du projet. Les situations que peuvent rencontrer les être dispensée par l’ENIFAR aux vétéri-
responsabilités respectives de chaque MMAV sur le terrain, n a i r e s d e s S e r v i c e s R é g i o n a u x d e
acteur ou agent ont ainsi été définies pour • Un manuel de formation illustré à desti- l’Élevagedes 22 régions, ainsi qu’à des
atteindre cet objectif. nation des MMAV pour garantir un maintien vétérinaires sanitaires pour une reproduc-
des compétences requises des MMAV, tion à l’échelle nationale de la formation.
Au terme de cette expérience, seule l’écri- • Un manuel de mise en place des MMAV
ture des référentiels d’activités des MMAV p o u r p e r m e t t r e d e p o u r s u i v r e l e s Toutefois, le coût de la formation reste élevé
a été achevée. La formation des MMAV démarches en cours après une phase de si elle est dispensée de manière indépen-
serait, aujourd’hui, en mesure d’être repro- suivi des activités des MMAV. dante. Ce coût pourrait être financé dans le
duite grâce aux référentiels et à la forma- cas où la formation serait inscrite au regis-
tion des formateurs. Un ensemble de Elle doit être poursuivie par l’écriture des tre des formations, soit par le Ministère de
matériels pédagogiques a été élaboré pour référentiels de certification nationale des l’Agriculture et de l’Élevage dans la cadre
appuyer la formation de futur MMAV et MMAV et de formation, puis la formation des d’un programme Étatique, soit par des
sera disponible auprès du Ministère en formateurs pour la reproduction de la mise financements extérieurs.
Auteurs : - RAKOTOARIMANANA Ravo, Responsable du Projet FAGNATSARA
- Grégoire PLEURDEAU, Assistant Technique Élevage et Santé Animale
55
A u gm en t at io n de la p ro d uct i on
Modèles et place des boutiques d'intrants
dans le dispositif de production agricole à Bekily,
dans le Sud de Madagascar
A Madagascar, les agriculteurs ont un accès limité aux facteurs de production. Les services destinés au dévelop -
pement de l’agriculture familiale sont peu développés, qu’il s’agisse de conseil ou d’orientation, de fourniture en
équipements ou matériels agricoles, voire d’aménagement des espaces agricoles. A Bekily, l’état des lieux du CSA
en 2013a mentionné que l’utilisation par les producteurs d’intrants et techniques améliorées ne se fait qu’occa-
sionnellement, sauf pour la riziculture. Les données statistiques ne sont pas disponibles, mais il est constaté
que le tissu de prestataires de service est très limité et ne couvre pas des domaines d’activités diversifiés au
même titre que la diversité du paysa nnat dans cette zone. Un pool de pre stataires de servicede
proximité,pour l’approvisionnement en matériels et intrants aux paysans, capable d’adapter leurs offres
aux besoins et exigences des producteurs de façon pérenne et professionnelle serait une des réponses
aux besoins des agriculteurs. Parmi ces prestataires sont les boutiques d’intrants, permettant (i)
d’améliorer l’accès des paysans producteurs aux matériels/intrants agricoles et (ii) d’assurer la
pérennisation des activités d’augmentation de la productivité et de la production.
Présent à Bekily, AIM a opté pour la mise en place de ces boutiques d’intrants. Le processus s’est
basé sur une démarche participative et la valorisation des compétences locales pour s’assurer de
l’appro priation par les paysans des services offerts par les boutiques d’intrants. La collaboration avec la
Direction Régionale de l’Agriculture et de l’Élevage (DRAE) a permis de renforcer la capacité technique
des boutiquiers et des Paysans Multiplicateurs de Semences (PMS), à travers des séries de formations
utiles et nécessaires au développement de leur offre de service respective.
Ainsi, six boutiques d’intrants ont été mises en place en 2015, et couvrent les six zones agroécologiques
de Bekily. Actuellement, elles sont capables de jouer leur rôle dans l’approvisionnement en matériels et en
intrants agricoles aux producteurs. Elles contribuent également au développement des activités des PMS, et des
fabricants locaux de matériels et outillages agricoles. L’ensemble de ces prestataires constitue actuellement un
dispositif local interdépendant contribuant à l’amélioration de la productivité agricole dans le District de Bekily.
1. Une zone propice à l’agriculture avec des besoins évidents en services
aux agriculteurs
Le District de Bekily se situe à l’extrême Nord à soc pour le travail du sol. Une marge L’équipement des ménages en matériels
de la région Androysur une zone cristalline. d’amélioration de la productivité est ainsi tractés demeure encore faible. Mise à part les
Cette localisation géographique lui confère possible dans ces cas. Ce constat a cons - dotationseffectuées des projets d’urgence,
une multitude de zone agroécologique allant titué un des critères de base pour l’implan - le mode le plus courant d’acqui s ition de
d’une région à végétation épineuse dans tation des boutiques d’intrants. matériels agricoles par les ménages est
le Sud et Sud Est,à une région à savane l’achat direct aux marchands itinérants
arborée avec plusieurs cours d’eau dans sa Ainsi, six communes rurales ont été retenues, et saisonniers, après avoir économisé
partie Nord. De nature pour l’élevage exten- à savoir : Beraketa, Vohimanga, Ambahità, progressi vement ou à la suite d’une bonne
sif, le District de Bekily offre aussi des Antsakoamaro, Bekitro et Bekily. Les com- campagne agricole suivie d’une vente
plaines à fortes potentialités agricoles munes rurales de Beraketa et de Vohimanga concluante.Pour satisfaire cette demande, il
pour le riz, le maïs, l’arachide, les autres disposent de la plus vaste étendu de terrains a été observé qu’une dizaine de marchands
légumineuses, et le manioc, constituant les rizicoles, tandis que les autres communes se importent leurs marchandises auprès des
principales spéculations agricoles dans ces situent dans des zones à forte densité de fournisseurs se trouvant dans d’autres
zones1. population. régions (Fianarantsoa et Antsirabe).Les
marchands ambulants proposaient des
L’agriculture dépend généralement de la Une demande en équipements et matériels matériels et outils agricoles de qualité
pluviométrie en l’absence d’aménagement agricoles irrégulièrement satisfaite. L’acquisi- médiocre. Par ailleurs, un recensement
hydroagricole permettant de maitriser l’eau tion d’une charrue fait partie de la stratégie conduit par AIM et le CSA de Bekily, en 2014,
d’irrigation. Cependant, dans les bas-fonds des ménages pour accroitre les parcelles a permis d’identifier plus d’une quarantaine
de l’Est, inclus dans les communes de Bera- exploitées et en conséquence le volume de de forgerons fabriquent de petits matériels
keta et Vohimanga, l’agriculture irriguée est production. En même temps, les paysans agricoles,maisquatre seulementavaient la
possible. Cette situation, appuyée par une peuvent profiter des premières pluies capacité de répondre aux besoins du marché
topographie douce, a conduit la communauté lorsque le sol est rapidement préparé, et local. Les fabricants locaux de matériels
à pratiquer l’agriculture extensive sur une procéder tout de suite au semis, gage de la manquaient de connaissances techniques et
grande superficie, obligeant les paysans à réussite d’une campagne agricole dépen- ne disposaient pas de matériaux (acier, fer)
utiliser du matériel tracté comme les charrues dante de la pluviométrie. pour la fabrication.
1
Plus de 900 ha de rizière, soit 2/3 des rizières disponibles dans la région Androy.
56
Au gm e nt at i on d e l a p r od uct i on
Une offre quasi-inexistante en semences de
qualité et en produits phytosanitaires. Avant
l’exécution desprojets ASARA et AINA dans
le district, aucune production de semence
de qualité n’existait. Les paysans achetaient
leurs semences parmi les produits agricoles
du marché local, en triant les graines (cas
de l’arachide). Le prix de graines à semer
peut monter jusqu’à 4.000 Ar le kilo d’ara-
chide, 3.200 Ar le kilo de pois de terre, un
prix équivalent à celui de semence de qua-
lité,alors qu’ils sont de qualité moindre et
d’origine inconnue. Les autres semences,
comme le riz, sont souvent importées de 2. Faciliter l’émergence des services aux agriculteurs,
Tuléar, Ihosy, Fianarantsoa et Antananarivo adaptés au contexte local
ou envoyées par des connaissances se
trouvant dans ces localités. En outre, l’irré- L’expérience consiste à faire émerger une
(i) l’octroi d’un lot de démarrage,
gularité de la pluie au début et au cours de boutique d’intrants pour proposer à la vente
la campagne agricole conduit souvent à la régulière des matériels, des petits équipe- (ii) l’appui à la promotion et la facilita-
perte d’une partie voire de la totalité des ments, des semences et intrants de qualité, tion dans la mise en relation avec
semis, d’où la nécessité d’un second semis. à un prix accessible, aux agriculteurs afin les fournisseurs,
d’améliorer leur productivité. (iii) ainsi que dans la recherche de
Les produits phytosanitaires sont vendussur débouchés comme la collaboration
les marchés hebdomadaires mais à des Pour se faire, des boutiquiers locaux sont avec le FDA2 de la Région Androy et
prix inaccessibles aux paysans. A titre d’illus- identifiées et sélectionnés pour : les autres projets et organismes
tration, les prix des produits à base de intervenant dans le district de Bekily.
pyréthrinoïde (Decis, Karate, Akito…) varient - Couvrir en offre de biens et de services
entre 800 à 1.000 Ariar y/ml chez les agricoles des zones propices à l’agri- Les boutiques d’intrants ont aussi servi
marchands ambulants, s’il en existe, contre culture afin de pouvoir intensifier la comme points d’échange des bons d’outils
500 à 650 Ariary/ml pour un prix « normal ». production agricole dans ces zones ; dans le cadre des activités HIMO/OCT 3
Les marchands ambulants ne proposent - Mettre en relation ces boutiquiers testées par AIM dans la zone.
que de produits phytosanitaires limités avec les fournisseurs tels que les PMS
au Decis et Karate (les plus utilisés par et les fabricants locaux de matériels La particularité de cette expérience réside
les agriculteurs), traitant uniquement les agricoles, afin de valoriser les compé- dans le fait que les clients futurs, c’est-à-
insectes aériens. Les produits contre les tences locales et faciliter l’approvision- dire lespaysans eux-mêmes, participent
maladies végétales (bactériennes, néma- nement des boutiques d’intrants. à l’identification et la sélection des bouti-
todes, cryptogamiques, virales…) ne sont quiers avec qui ils vont commercer plus tard.
pas proposés à la vente et ces vendeurs L’approche menée par AIM,pour accom -
ne connaissent ni le dosage ni les risques pagner le développement de ce nouveau Trois préconditions ont été essentielles
encourus sur les produits proposés. L’utilisa- service, se base sur la collaboration avec à cette expérience :
tion des produits phytosanitaires est sou- des épiciersdéjà bien installés. L’extension
vent réalisée de façon empirique et sur de leur offre de service contribue à dévelop- i) le pilotage des leaders locaux pour
instruction des marchands ambulants. Les per leurs commerces, à travers un service mieux cibler les boutiquiers,
traitements culturauxsont inefficaces ou utile au développement économique local. ii) l’acceptation des épiciers ou bouti-
présentent des problèmes de dosage, AIM s’appuie sur la valeur de leur relation-client. quiers locaux de proposer cette offre
pouvant aussi affecter la santé des paysans de services additionnels,
en cas de surdosage. AIM a privilégié la prise de risque calculé et iii) l’existence de fournisseurs locaux
le partage de responsabilité, en apportant pouvant approvisionner les bouti-
Environ 35.000 exploitations agricoles des appuis stratégiques aux boutiquiers no- quiers de manière régulière et à un
sont recensées dans les six communes tamment dans le démarrage de l’activité prix acceptables pour les futurs clients.
sélectionnées. comme :
1
Voir la fiche “financement des petits matériels agricoles via les boutiques d’intrants” dans ce recueil
2
Voir la fiche “OCT/HIMO” dans ce recueil
57
A u gm en t at io n de la p ro d uct i on
3. Favoriser la participation effective des agriculteurs, futurs clients,
dans le processus de sélection du boutiquier
En premier lieu, un comité de gestion, regrou -
pant les personnalités de la commune (élus, Une première série de formation est
agriculteurs, ray aman-dreny, etc.) a été donnée aux boutiquiers sur la gestion
créé. Sa première mission a été d’identifier financière et commerciale, les outils de
le futur boutiquier et les besoins en maté- gestion des stocks, caisse, etc., étant
riels et intrants agricoles, d’assurer la mobi- donné que les détenteurs sont des com-
lisation et la sensibilisation des producteurs merçants locaux et ont déjà les notions
locaux ainsi que la communication entre les
de base de la gestion commerciale.
producteurs et le boutiquier. Les activités de
sensibilisation et d’information ont été
menées conjointement par AIM, l’Association L’ouverture d’une boutique d’intrants fait
Manambina, le Comité de gestion et le CSA l’objet d’une animation et de promotion
Mavitriky de Bekily. Celles-ci ont permis, Photo 1: Lot de démarrage commerciale pendant une journée,
entre autres, de par tager la vision sur d'un boutiquier p e n d a n t l a qu e l l e u n e c é r é m o n i e
l’action qui prône un rapport qualité/prix le conduite avec les autorités locales a été
Si le boutiquier accepte les conditions fixées,
meilleur possible pour les clients (produc- organisée. D’autres animations ont lieu
un accord de partenariat est établi. Une des
teurs). avant chaque campagne agricole soit
conditions demandées au boutiquier est la
mise à disposition d’un local réservé à la bou- 2 fois dans l’année.
La présélection du boutiquier s’est baséesur
tique d’intrants, et sa sécurisation. Le projet
l’identification par les communautés des Après une première campagne agricole,
a apporté ses appuis à travers la fourniture
individus répondant aux critères de sélection
des matériaux pour le renforcement de la sé- une autre série de formation a été réali-
suivants :
curité et la visibilité ainsi que pour l’aménage- sée pour les BI, à savoir : le marketing,
ment intérieur (planche et bois carré pour les la culture entrepreneuriale, la réponse
i) épicier déjà bien installé, étagères, peinture etc.). aux offres du Fonds de Développement
ii) disposant d’une fibre commerciale Agricole Régional et un recyclage sur la
Une fois que le local est prêt, la dotation ini- gestion financière et commerciale.
et de notion en agriculture,
tiale est enclenchée à partir de la liste des
iii) capacité à investir et s’investir dans besoins recensés par le comité de gestion
Une collaboration avec la Direction
le développement de l’activité. Un avec d’autres jugées nécessaires dans la
Régionale de l’Agriculture et de l’Élevage
devis technique sur l’ouver ture promotion des innovations techniques agri-
d’une BI, dans lequel les aspects de coles. A cet effet, la première action de mise (DRAE) de l’Androy a également permis
la rentabilité et de l’envergure du en relation des boutiques d’intrants avec les la formation de ces boutiquiers sur l’uti-
marché avaient été analysé, est fournisseurs grossistes a été réalisée, car lisation des produits phytosanitaires.
établi, et s’ensuit un protocole de les détenteurs participent à la prospection Cette formation a été dispensée par la
collaborationà l’issue d’un entretien et à l’acquisition des marchandises. Cette Direction de la Protection des Végétaux
avec AIM. Ce protocole fixe le mode approche participative a comme objectif (DPV). A la fin de la formation, les bouti-
opératoire de la mise en place et les de rendre conformes les marchandises à quiers se sont vus décernés une autori-
conditions pour la gestion de la dota- acquérir, par rapport aux besoins réels des sationde revente de produits phyto -
tion initiale. producteurs en termes de qualité, forme et sa nitaires par la DPV.
type de produits.
4. Des boutiques d’intrants de plus en plus connues et des chiffres d’affaires
en hausse progressive
Les boutiques d’intrants ont été mises en Depuis leur ouverture en 2015, environ le FDAR Androy, ainsi que AIM dans le cadre
place depuis 2015. Au total, six boutiques 5.500 paysans ont été les clients réguliers de l’approche HIMO/OCT, s’approvisionnent
d’intrants sont fonctionnelles, et réparties des BI. 45% du volume de vente concerne également en matériels tractés auprès des
dans le District de Bekily. Ces boutiques ont les outils tractés. Viennent ensuite les boutiques d’intrants pour leur intervention.
contribué de manière significative à la réso- semences et les outils manuels avec
lution des problèmes d’approvisionnement respectivement 26% et 15% du chiffre
en matériels, semences et intrants agricoles d’affaires. Cette situation confirme le fonde-
de qualité au profit des petits producteurs ment des premiers critères de sélection des
agricoles locaux. sites d’implantation des BI et la réponse
choisie aux besoins des paysans. Mais, il
Le fonctionnement actuel des 6 boutiques faut noter que certains ménages se regrou-
d’intrants, de l’approvisionnement, en pas- pent et achètent ensemble les outils tractés
sant par la contractualisation avec le FDAR, (charrue, herse…), étant donné le pouvoir
les projets et les organismes intervenants d’achat relativement bas de chaque
dans la Région Androy jusqu’à la vente aux ménage, ce qui augmente le nombre de
paysans, se résumedans la figure suivante : ménages bénéficiaires des BI. Les projets et
58
Au gm e nt at i on d e l a p r od uct i on
Concernant les semences et les
outils manuels, tous les agricul-
teurs s’y intéressent et leur vente
ne cesse d’augmenter. La proxi-
mité des boutiques d’intrants et
leur accessibilité (prix abordable)
en sont les principales causes.
Le chiffre d’affaires total annuel
d e s s i x B I é t a i t d ’ e nv i ro n d e
20 millions d’Ar en 2016, première
année d’exploitation et a atteint
83 Millions d’Ar à la fin de l’année
2017.
Les boutiques d’intrants mises en place
à l’échelle du projet ASARA
L’appuiau développement des (i) la gestion individuelle par
services agricoles est une action un commerçant (cas de
soutenue par l’ensemble des l’approche de AIM),
opérateurs mettant en œuvre (ii) la gestion individuelle sous
la composante « appui à la pro- mandat d’un comité de
duction » du projet ASARA, et gestion, et
notamment la mise en place (iii) la gestion associative ou
e t l ’ a c c o m p a g n e m e n t d e s par un réseau d’un Village
boutiques d’intrants. Saving and Loan Associa-
tion (VSLA) ou littéralement
Aux termes du projet, 138 bou- Association et Mutuelle de
tiques d’intrants sont accom - crédit villageois.
pagnées dans les 8 districts
d’intervention du projet. Elle sont Ces boutiques offrent des ser-
été mises en place suivant des vices similaires à celles dudistrict
approches différentes. Au total de Bekily. Le chiffre d’affaires
3 modèles de gestion de boutiques m oye n a n n u e l e s t e s t i m é à
ont été appliqués : 2.800.000 Ariary par boutique.
5. Leçons apprises : répondre effectivement aux besoins des demandeurs
pour pérenniser le service
Le choix du boutiquier est parmi les facteurs déterminants de la propres parcelles. Ils jouent ainsi un rôle non négligeable dans
réussite de cette expérience. Au cours de ce choix, la consultation l’offre de services contribuant à l’amélioration de la productivité
de la communauté des paysans – futurs clients du boutiquier – a agricole dans leur localité.
été une méthode de présélection du boutiquier. La dimension
sociale de la démarche a été importante au même titre que les Selon les données recueillies auprès des boutiquiers, les besoins
critères de rentabilité financière du service. Au fur et à mesure du exprimés commencent à se diversifier, conduisant les BI à
développement des boutiques d’intrants, cette relation sociale du élargir leur gamme de produits comme par exemple en semence de
boutiquier avec la communauté s’est intensifiée, et les boutiquiers pois de terre, le « voanjobory marakely » pour suppléer à la variété
ont acquis des connaissances techniques inhérentes à l’utilisation Nilon communément cultivée.
des intrants comme les semences (densité de semis, calendrier prépa-
ration du sol…), et les produits phytosanitaires (dosage, type de Bon nombre d’organisations expriment un intérêt pourla valorisation
produit utilisé selon la maladie des plantes ou la lutte à mener) ainsi des boutiques d’intrants dans les activités d’appui au développe-
quedes matériels agricoles (mode d’utilisation…) qu’ils vendent. ment rural. Les commandesde ces organisations en intrants et
Ces boutiquiers, pour la plupart également agriculteurs, sont ainsi matériels auprès des boutiques ne cessentd’augmenter puisque les
devenus des « conseillers techniques » des agriculteurs, grâce à coûts de logistiques s’en trouvent réduits et la qualité des produits
leurs connaissances théoriques et pratiques développées sur leurs est rassurante.
Mots Clés : Boutique d'intrants, paysans multiplicateurs de semences, fabricants locaux de materiels agricoles, produits phytosanitaires, petites exploitations agricoles,
Auteurs : - ANDRIAMAHARAVO Solofo, Coordonnateur Régional.
- RAZAFINDRAHAGA Franck, Chargé de Programmes.
59
Développement
des chaînes de valeur,
augmentation du revenu
L’accès au marché vise à stimuler l’intérêt et l’investissement des agriculteurs et éleveurs, des
petites exploitations familiales. Quatre filières, dont le ricin, le miel, le caprin et le haricot sec
sont considérées comme phares et ont fait l’objet d’un appui conséquent du projet, aboutissant
à des partenariats entre les producteurs et les opérateurs du secteur privé. Outre ces chaines
de valeur, de nombreuses spéculations contribuent à l’augmentation des revenus des produc-
teurs et ont également été promues (dont le poulet, caprin, pomme de terre).L’augmentation
du revenu des agro-éleveurs, par la reconquête du petit élevage (poulet gasy et caprin) et la
diffusion de la pomme terre – spéculation longtemps l’apanage des hauts-plateaux du centre
– est aussi sélectionnée comme thématiques dans ce recueil.
D é v e lo ppe me n t d es c haî ne s d e v al e ur e t a ug me nt at i on d u r ev e nu
La plateforme agricole,
une structure de coordination
de la promotion d'une chaîne de valeur
D
d’activités des professionnels es séries de discussions entre les tion à tous les niveaux des acteurs qui ne
produisant et transformant ce bien différents acteurs et professionnels sont pas en mesure de fournir les informations
pour le marché, allant de la production, respectifs des chaînes de valeur requises pour la gestion des passerelles
la transformation, le conditionnement miel, caprin et ricin ont été organisées, au entre la production et la commercialisation
et la vente aux consommateurs finaux. début de l’année 2014, pour déterminer d’un produit, objet de la chaîne de valeur ».
La chaîne de valeur, selon les principes les principaux enjeux de ces filières. Il est Lorsque la problématique interfère entre au
de base énoncés par Michael Porter, vise apparu que : moins deux maillons ou deux profession-
à tirer une/des valeurs ajoutées nels de la chaîne de valeur, elle pourrait
en examinant les possibilités d’avantages v Les i ntrants agri coles au ni veau constituer un enjeu à l’émergence d’une
concurrentiels du produit ou de ses des paysans sont insuf fisants en plateforme car elle inhibe l’avantage
quantité et en qualité contraignant la concurrentiel le long de cette filière.
transformations pour en tirer le maximum
mise à l’échelle de la production,
de bénéfices. Ainsi, le développement v L es p roduc teur s a g ri c ol es et l es C’est dans ce contexte que les profession-
d’une chaîne de valeur dépend de la éleveurs ne connaissent pas nécessai- nels des chaînes de valeur miel, ricin et ca-
performance de chaque maillon, ou rement l’ensemble des maillons – ou
prin ont projeté et décidé de mettre en
professionnel, le long de la chaîne, et se autres professionnels – en aval de la
chaîne et leurs exigences respectives, place les plateformes pour assurer le pilo-
fonde sur une synergie entre les acteurs,
v Le système de transformation des tage et la gouvernance des filières. Le but
la poursuite d’un/des objectifs communs,
produits est sous développé : les trans- ultime est d’assurer une redistribution de la
et une prise de décision coordonnée. formateurs ne respectent pas un stan- valeur ajoutée entre les segments de la
Dans les régions Androy et Anosy, d a r d r e q u i s o u i g n o r e n t l e s chaîne, promouvoir les standards et les
exigences des consommateurs ou normes existants, renforcer la capacité des
les filières comme le ricin, le miel et
d’autres demandeurs,
le caprin sont porteuses mais ont plusieurs professionnels à produire un bien de qua-
v Le système de conditionnement des
goulots d’étranglements, au niveau de produits et la chaîne de distribution lité et en quantité suffisante, ou bien adap-
chaque professionnel et particulièrement sont peu développés, ter le produit à la demande de l'acheteur.
au niveau des petits producteurs agricoles. v Les infrastructures structurantes ne ré-
pondent pas aux besoins de fluidité Pour ces cas-ci, deux principes ont été res-
Pourtant, des marges d’amélioration
entre les maillons de la chaîne. Le pectées : i) mobiliser les acteurs privés, et
existent, autant sur la quantité que sur problème de transport pour l’achemi- ii) placer ces acteurs directs au cœur de la
la qualité des produits commercialisés. nement des produits à cause du mau- décision pour l’appui au développement
La résolution des problèmes identifiés vais état des routes et un coût de
des chaînes de valeur. Les professionnels
relève de la responsabilité de l’ensemble transport trop élevé sont cités ici à titre
d’exemple. de la chaîne doivent discuter des intérêts
des acteurs de la chaîne de valeur,
communs et mais aussi ceux divergents,
intégrant également les services pour s’accorder ensuite sur des objectifs et
Prise dans une chaîne de valeur, le pro-
techniques de l’État. La mise en place des règles à établir et respecter. Une bonne
blème pourrait se présenter de la manière
d’une plateforme regroupant l’ensemble suivante : « le faible niveau de structuration communication est essentielle pour ce type
de ces acteurs s’est donc révélée des producteurs, par exemple, entrainerait d’action collective. La mise en place de la
nécessaire pour identifier de façon des difficultés dans la quantification du plateforme comme une structure de concer-
concertée les actions à entreprendre volume potentiel de la production et l’orga- tation et de pilotage pour la promotion de
et prendre les décisions appropriées. nisation de la commercialisation auprès ces chaînes de valeur est apparue comme
des collecteurs. Un coût logistique trop im- une évidence.
Le retour d’expériences de ces trois
plateformes, objet de cette fiche, apporte portant au niveau des collecteurs induirait
un prix exorbitant de la vente auprès de Par ailleurs, il est important de noter que
un éclairage sur les avancées en termes
transformateurs et s’enchaînerait des de- réaliser des bénéfices de telle coopération
de création de valeur ajoutée au niveau
mandes moins importantes des consom- présuppose le respect et la confiance mutuels
de chaque maillon de la chaîne de valeur
mateur s intermédiaires et f inaux en entre chaque maillon de la chaîne. Le compor-
concernée, les contraintes de telle tement de chaque groupe d’acteur doit être
recherche d’autres biens plus compétitifs,
organisation ainsi que les perspectives prévisible, même si des différences subs-
etc. S’y ajouterait la fluidité encore faible
en termes de consolidation des plateformes tantielles d’intérêt peuvent exister.
et/ou émergente des systèmes d’informa-
en vue de la promotion des filières
agricoles et d’élevage.
62
D é v e lo ppe me n t d e s c haî ne s d e v al e ur e t aug me nt at i on d u r ev e nu
En général, une plateforme est mise
en place pour :
• Créer une espace de concertation des
acteurs de la filière,
• Promouvoir une bonne circulation des
informations économiques utiles aux
acteurs de la filière,
•Réfléchir sur les thèmes de plaidoyer
et de lobby identifiés par les acteurs
et à la lumière de la stratégie de déve-
loppement de la filière (production,
commercialisation, amélioration des
conditions cadres),
•Sensibiliser pour la professionnali-
sation de l’agriculture : semences
a m é l i o r é e s , v u l g a r i s a t i o n d e s
techniques modernes Photo 1 - Discussion entre les membres de la plateforme
64
D é v e lo ppe me n t d e s c haî ne s d e v al e ur e t aug me nt at i on d u r ev e nu
1
Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) met en œuvre le Projet de Moyens de Subsistance Durables et Lutte Contre la Pauvreté.
65
D é v el o ppe me nt d es ch aî ne s d e v al e ur e t a ug me nt at i on d u re v e nu
4. Des points d’attention pour une promotion continue des chaînes de valeur
Des points d’attention sont à retenir sensibilisation sur les rôles et attributions la mise en place des outils de gestion
notamment la gestion tournante des plate- des membres pour éviter le chevauche- et de planification pour faire fonctionner
fo r m e s e n t r e a c te u r s d i r e c t s d u r a n t ment des postes à responsabilité. Une correctement la plateforme, la réalisation
au minimum 1 campagne culturale ; et la sensibilisation continue sur l’appropriation d’audit interne voire externe pour assurer
présidence doit être assurée par un(e) de la vision, mission et valeur de la plate- une bonne gestion financière. Enfin, un
élu(e) qui soit aussi issu(e) de ces acteurs forme ainsi qu’un renforcement de la soli- appui pour la recherche de financement et
directs. darité entre les membres de la plateforme le développement des ressources finan-
sont aussi nécessaires pour qu’ils soient cières des plateformes s’avère judicieux.
En termes de gouvernance et organisa-
reconnus et confortés dans leurs rôles.
tion, des améliorations méritent aussi Un accompagnement externe est recom-
d’être mentionnées, à savoir l’élaboration En termes de gestion et opérationnali- mandé durant les premières années
des critères pour les administrateurs qui sation, sont recommandés l’élaboration afin d’appuyer la plateforme sur tous ces
vont siéger aux organes exécutifs, une de plan d’action annuel et de budgétisation ; différents points.
Mots Clés : Chaîne de valeur, plateforme, valeur ajoutée, coordination, miel, caprin, ricin, accès au financement, gouvernance d'une filière
Auteurs : - SOLOFOHARINIAINA Ludovic
- NENANA Bodo
66
Dé v e l oppe m en t d e s c haî ne s d e v al e ur et aug me n ta ti o n d u r e ve nu
Amélioration de la qualité des produits agricoles
pour favoriser l'accès aux marchés :
cas des unités mobiles de collecte
et d’extraction de miel
1. L’apiculture :
une filière en plein essor, orientée vers le marché
Entre 2007 et 2013, le nombre de ruches a
L’apiculture est une activité
augmenté de 8% et les exportations de miel L’augmentation d’une production de
ayant un potentiel de développement d e 61 % d a n s l e m o n d e . M a l g r é c et te qualité devait passer par des appuis
dans la partie Sud et Sud Est croissance, l’offre en miel n’arrive pas à sa- avant de conquérir les marchés :
de la grande île à cause de tisfaire la demande. Dans ce contexte, il
l’abondance des plantes apparaissait pertinent de développer la - Augmenter le volume de production de
production du miel des régions du Sud et du façon stable
mellifères. Elle est une activité
Sud-Est de Madagascar, en l’orientant vers
additionnelle souvent pratiquée des produits de terroirs comme les miels de - Maîtriser et contrôler la manutention et
par les agriculteurs car elle exige baie rose, de cactus, de litchi... très appré- la commercialisation du miel
peu d’investissement en capital ciés des exportateurs et des consomma-
- Protéger et augmenter les ressources
et le temps à y consacrer est teurs.
mellifères
réduit. L’apiculture est une acti-
Cette activité à fort potentiel a donc été - Informer e t former les apiculteurs aux
vité à la fois viable et rentable, et choisie par la GIZ dans le cadre du projet
maladies et ennemies des abeilles
peut servir de complément de ‘Résilience par chaînes de valeur1, afin de
revenu pour les petits producteurs constituer à terme un revenu additionnel - Mettre en place des structures faitières
agricoles. De plus, l’activité peut aux chefs de ménages, notamment aux plus pérennes et opérationnelles
vulnérables.
être pratiquée aussi bien par
les hommes que par les femmes. La mise en place des unités d’extraction standard. Elles ont permis d’attirer des
mobile consistait à doter des apiculteurs acheteurs, et par conséquence d’augmenter
s t r u c t u r é s , e n m a t é r i e l s p e r m et t a n t la production à un prix de vente rémunéra-
d ’ a s s u r e r u n e p ro d u c t i o n d e qu a l i t é teur pour les producteurs.
2. Un potentiel de développement de la filière miel
mais des producteurs isolés les uns des autres
Les régions du Sud et du Sud-Est de Mada-
gascar sont caractérisées par un enclave-
ment impor tant entre les villages, les
communes d’une même région, et vers les
autres régions de Madagascar. Les petits
producteurs sont éparpillés dans des vil-
lages isolés ce qui ne facilite pas la mise en
vente du produit. Les acheteurs cherchent à
accéder au produit à un coût concurrentiel.
Seuls des points de collecte regroupant une
quantité de miel suffisante, et avec un stan-
dard de qualité commercialisable, pou-
vaient attirer ces acheteurs.
L’acheminement des ruches pour la récolte
du miel vers un point de collecte, ou la
fourniture d’un miel de qualité auprès de ce
Photo 1: Unité mobile d'extraction et de collecte de miel
1
Le projet ‘Résilience par chaînes de valeur’ est cofinancé par la Deutsche Zusammenarbeit. Il constitue la Composante ‘Chaîne de valeur’ du projet ASARA
67
D év e l opp em e nt d e s cha în es d e v al e ur e t aug m en ta t io n du r e v en u
3. Des unités mobiles : extraction, collecte, formation et conseil aux apiculteurs,
et plus encore…
Les extracteurs mobiles sont gérés par de
petits groupes de personne appelés les
unités de collecte (UC). Ils assurent la
récolte et la collecte du miel au niveau des
organisations des producteurs d’une même
commune. Ces unités sont composées de
4 apiculteurs, dont 2 reconnus comme
« paysans formateurs » et 2 producteurs
désignés par l’organisation de producteurs
de la commune.
Une unité de collecte couvre en moyenne
100 producteurs de miel, soit 200 à 300
Photo 2 : Organisation
ruches. d’une unité mobile
Dans le cadre du projet Résilience par
chaines de valeur, 25 unités mobiles ont
été mises en place par la GIZ : 12 en Anosy, production, en tenant compte des périodes a f fe c t é s d ’ u n e p a r t à l ’ e n t r e t i e n e t
4 en Androy et 9 à Atsimo Atsinanana, de production du miel, en général 2 fois par maintenance des matériels (40%), et
couvrant ainsi 25 communes. an en fonction des zones (baie rose/litchi ; d’autre part à la rémunération du personnel
niaouli/litchi ; etc.). de l’unité mobile (60%).
Outre la récolte et la collecte de miel, l’unité
mobile est aussi un moyen de former les L’unité mobile joue également un rôle La récolte moyenne annuelle par unité
apiculteurs. Les 2 apiculteurs ‘paysans important dans la commercialisation des mobile est de 8 tonnes de miel, soit un
formateurs’1 de l’unité mobile assurent un produits puisqu’elle travaille étroitement chiffre d’affaires moyen de 56.000.000Ar
rôle de conseiller aux producteurs pour avec les coopératives ou les opérateurs en 2017. L’unité mobile prélèverait ainsi
qu’ils adoptent de bonnes pratiques économiques acheteurs de miel 8.000.000Ar. Le budget d’entretien et
apicoles, notamment la conduite du rucher d’amortissement du matériel est estimé
et la préservation de la survie de la colonie. L’unité mobile reçoit en échange de ses à 3.200.000Ar et chaque personnel est
L’unité mobile fixe le calendrier de la services 1.000Ar en numéraire ou en miel indemnisé à hauteur de 1.200.000Ar par
campagne de récolte pour chaque site de par litre de miel extrait. Les revenus sont an pour le service rendu.
1
Ils sont agréés par le Fonds de Développement Agricole (FDA) de chaque région comme « paysans formateurs », et constituent ainsi une offre de services de proximité
68
D é ve l op pe me nt d e s cha în e s d e va le u r e t au gm e nt at i on du r e v e nu
3. Une augmentation
significative du volume
de production locale
et du prix aux produc-
teurs
En 2013, avant l’installation des unités mo-
biles, le prix du miel était de 2.100Ar/kg sur
les marchés locaux, pour atteindre jusqu’à
7.000Ar/kg en 2017. L’augmentation du prix
du miel aux producteurs est due à l’amélio-
ration de la qualité du miel, et également
au regroupement des producteurs, facilitant
la négociation du prix et une diminution des
coûts de logistique pour les acheteurs.
La production n’a cessé d’augmenter,
passant de 2 tonnes en 2014, à 7,8 tonnes
en 2016 et 39 tonnes en 2017. Environ
3.000 apiculteurs, dont 400 femmes
chef fes de ménages, ont été intégrés
à cette chaîne de valeur et voient leurs
Photo 3: Magasin de stockage de miel revenus considérablement augmenter.
4. Une marge d’amélioration pour augmenter le volume
de production du miel de terroir
La chaîne de valeur miel a fait une formi- Toutefois, des marges d’amélioration exis- Enfin, il est impératif de garder une atten-
dable avancée avec la mise en place des tent afin d’augmenter la performance de la tion continue sur la maitrise du cahier des
unités mobiles d’extraction et de collecte de filière miel à travers les unités mobiles charges, notamment l’augmentation sinon
miel dans les zones de producteurs, isolées d’extraction et de collecte de miel. D’abord, la stabilité du volume de miel produit et le
les unes des autres mais présentant un une forme de reconnaissance de ces unités maintien de la relation de confiance avec
avantage certain avec leur miel de terroir. par une certification pour un agrément de les collecteurs pour écouler les produits
Du point de vue structurel, les unités la miellerie mobile auprès des organismes continuellement sur le marché.
mobiles sont le maillon ultime pour connec- compétents serait un gage de valeur ajoutée.
ter les petits producteurs aux collecteurs et
autres transformateurs et distributeurs. Ensuite, une réflexion pour l’amélioration
Elles créent une valeur qualitative et mar- de l’efficience est encore nécessaire.
chande additionnelle au miel offert sur le Le déplacement de matériel d’extraction
Mots-clés : Unité mobile de collecte et d'extrac-
marché. Les unités mobiles, actives depuis et de collecte autre qu’à dos d’homme et tion de miel, miel, apiculteurs, orga-
2015, disposent d’un personnel formateur à vélo devra être repensé. Il s’agit de propo- nisation des apiculteurs, formation,
conseil, conduite du rucher, paysan
ayant des aptitudes pour la manutention. ser des moyens de déplacement plus formateur
Elles peuvent continuer à exercer sur la performants sans augmenter excessive-
Auteur : Onja RAKOTOLALAO, Expert
base de ces acquis. ment les charges de l’unité. Technique en chaine de valeur
69
D év e l opp e me nt d e s cha în e s d e va le u r e t au gm en t at io n du r e v en u
Expérimentation et diffusion de la variété
de pomme de terre Bandy Akama
dans le District de Betroka
La pomme de terre occupe la quatrième
1. Trouver une solution pour l’augmentation du revenu
place derrière le riz, le manioc et la patate des paysans afin de réduire la période de soudure
douce en termes d’alimentation de base de
la population Malagasy. Elle est surtout
produite en milieu rural comme une culture Les divers ateliers de concertation avec les comme : l’aménagement et la préparation
d e r e n t e , m a i s p e u t c o n s t i t u e r u n producteurs en 2014 dans 21 communes du sol, la fertilisation, le semis, l’entretien
complément alimentaire lorsque le riz vient
avaient mis en exergue que i) le district de et la récolte. Durant la phase de diffusion
à manquer. Initialement cultivée dans les
régions des hauts plateaux de Madagascar, Betroka dispose une potentialité agricole des résultats, les PL ont assuré l’appui et
la pomme de terre commence à se cultiver pour cette spéculationà peine exploitée conseil des producteurs-adoptants.
dans d’autres régions tempérées du pays, ii) les principales cultures vivrières, dont le
grâce au développement d’itinéraires riz et le manioc, ne sont plus suffisantes Les PL sont des paysans volontaires, mais
techniques améliorés. pour répondre aux besoins alimentaires de ils sont conscients du risque d’échec comme
la population. de réussite au cours de l’expérimentation.
Ainsi, ADRA, dans le cadre du projet ASARA,
a introduit cette spéculation par des tests De 2015 à 2016, des tests variétaux ont L’existence d’une intervention antérieure
variétaux dans 21 communes du district
d'abord été réalisés pour identifier les variétés du Fer t, en 2005 dans la commune de
de Betroka, durant 2 contre-saisons
successives, avant de diffuser les variétés de pomme de terre les plus adaptées aux Tsaraitso, qui a initié la promotion de la
adaptées dans l’ensemble de la zone. Les zones de culture. Les zones répondent aux pomme de terre a facilité également la
variétés introduites et testées sont Bandy conditions pédoclimatiques appropriées à la sensibilisation et l’adhésion des producteurs
A ka m a , M a h a r evo e t M eva , p a r u n e pomme de terre et ont aussi des précédents à cette expérience.
approche « paysan leader » et la diffusion a culturaux favorables1, entre autres, l’oignon,
été faite en cascade auprès des paysans l’arachide, le riz et le maïs.
adoptants.
L’approche choisie pour l’expérimentation
L’expérimentation et la dif fusion ont
démontré des résultats positifs mais aussi
de la culture de pomme de terre s’est faite
à travers des paysans leaders (PL) dont les
2. La phase expérimentale
quelques contraintes qui méritent d’être
l e v é s . L a p o m m e d e t e r r e a p e r m i s tâches, au cours des tests, sont la gestion
une amélioration du revenu des petits des parcelles d’essai qui sont les principaux Pour l’expérimentation, 42 PL ont été
producteurs, et une amélioration consé- lieux d’apprentissage. La gestion des volontaires et servi de points focaux sur le
cutive de leurs conditions de vie. parcelles d’essai est constituée des tâches terrain. Trois variétés de semences de
pomme de terre ont été sélectionnées :
Bandy Akama, Maharevo et Meva, avec des
matériels adéquats.
Les paramètres de mesure utilisés pour
analyser les résultats d’essai sont :
- La productivité
- L’adaptation du milieu
- L a s e n s i b i l i t é e t l a r é s i s t a n c e a u x
ravageurs et diverses maladies
- La précocité
La phase test a été conduite durant 2 cam-
pagnes suivant un protocole opératoire iden-
tique sur toutes les parcelles. Deux sites
d’expérimentation ont été installés par com-
mune. Chaque site est constitué de 3 par-
celles de culture pour chacune de trois
Photo 1: Préparation des parcelles avec la technique d'irrigation goutte à goutte. variétés.
1
Température de 15-20*C, sol de textures légères, riches en matières organiques, pH neutre.
70
Dé v e l oppe m en t d e s c haî ne s d e v al e ur et aug me nt a ti on d u r e ve nu
Concernant spécifiquement le rendement :
m e s u r e d u r e n d e m e n t t o t a l e t
mesure du rendement commer-
cia- lisable (tubercules de diamètre
> 35 mm). La forme des tubercules
a également été décrite.
Photo 2 : Pomme de terre en phase de développement végétatif.
Meva 3 Peu nécrosé
Tableau 2 : Mesures agronomiques des 3 variétés expérimentales
Rendement
Pourcentage
Rendement Commercialisable Poids moyen
Commercialisable
Délai (kg/are) (Kg/Are avec de tubercules
Date de récolte Variété (diamètre>35mm)
Plantation-récolte (a) un diamètre commercialisable
((b)/(a))x100
de tubercules > en g
35 mm)(b)
10 Sept 80 jours BandyAkama 145 129 89% 137
21 Sept 91 jours Maharevo 120 108 90% 132
25 Sept 95 jours Meva 165 136 82% 130
71
D év e l opp e me nt d e s cha în e s d e v a le ur e t au gm en t at io n du r e v en u
Rendement commercialisable. À l’are, le
Figure 1: Résultat comparatif du rendement commercialisable des 3 variétés
rendement moyen de l’essai est de 143,3kg
dont 124,3kgsont commercialisables2 soit
86.7%, ce qui est satisfaisant. Il n’y a pas
eu d’autres déchets comme des tubercules
verts, et les dégâts de taupins sont faibles
et peu pénalisants.
La variété Maharevo est la moins productive
mais avec un rendement commercialisable
supérieur ou proche de 90%. Les variétés
Meva et Bandy Akama présentent un rende-
ment plus élevé mais le pourcentage
commercialisable est compris entre 76 et
89%.
Pour les variétés les plus précoces, Bandy
Akama et Maharevo, le rendement commer-
cialisable est proche de 90%.
2.2. Leçons apprises durant la
phase expérimentale
L’expérimentation au champ dans les condi-
tions « normales » permet de simuler dans
un contexte réel – notamment pour le
paysan lui-même et aussi pour les condi-
tions culturales . La méthode comparative
est également utile pour permettre un choix
éclairé en tenant compte de toutes les
caractéristiques positives et négatives de
chaque variété. Photo 3: Pomme de terre commercialisable
Cet essai a permis une évaluation de Tableau 3: Comparaison des critères de choix des 3 variétés
3 variétés de pomme de terre disponibles
et pouvant être adaptées dans toutes Critères Bandy Akama Meva Maharevo
les Communes du district de Betroka. Rendement >15T/ha >15T/ha >15T/ha
En reprenant les 4 critères de sélection Précocité ++ - +
de la meilleure variété, les caractéristiques
Calibre 137g 130g 132g
des 3 variétés peuvent être résumées selon
le tableau suivant : Homogénéité de forme ++ + -
2
Tubercules de diamètre > 3.5 mm
72
D év e l opp e me nt d e s cha în e s d e v a le u r e t au gm en t at io n du r e v en u
3. La phase de diffusion
À la suite des résultats des tests variétaux, contexte géo-climatique est favorable v Conquérir de nouveaux marchés de
les deux variétés qui s’avèrent être adap- à savoir : Analamary, Bekorobo, Betroka, pomme de terre à l’extérieur du district
tées dans la zone à savoir BandyAkama Ianabinda,Tsaraitso, Isoanala, Benato Toby, : à Ihosy pour Jangany, Andriandampy,
et Meva ont été diffusées. Une dotation de Ambalasoa, Andriandampy et Naninora. Tsaraitso, et à Ambovombe et For t
9.600 kg semences a été attribuée à 460 Dauphin pour Ianabinda, Isoanala,
bénéficiaires issus de 16 communes Chaque paysan a récolté environ 165kg de Bekorobo, Beapombo 2
sélectionnées. Des lots de de matériel pomme de terre avec un revenu pouvant
comme les pulvérisateurs pour le traite- aller jusqu’à 250.000Ar. 95% des ménages Par ailleurs, la pratique de contre saison sur
ment phytosanitaire ont été aussi fournis bénéficiaires sont satisfaits du rendement rizière, en rotation culturale avec le riz, procure
aux paysans adoptants. Cette diffusion obtenu. Grâce à cette nouvelle spéculation, une diminution du temps de travail de sol
a été accompagnée par les PL auprès des ils ont eu la capacité de : en début de campagne pour la riziculture et
paysans adoptants. v Subvenir aux besoins liés à la scolarisation une augmentation de rendement de riz de
de leurs enfants l’ordre de 30% comparé à la technique de
La diffusion a été faite durant la période de v Réduire la période de soudure d’environ riziculture sans rotation culturale avec les
contre-saison – le plus optimal pour la 1 à 2 mois selon la taille du ménage, à maraîchères. La rizière étant fertilisé, amendée
pomme de terre car en période fraiche, partir du revenu généré par la vente de et facile à labourer après la récolte de
mais la contre-saison est aussi inscrite dans pomme de terre, pomme de terre.
les pratiques d’exploitation agricole locale3.
Monsieur Tovondrainy Florentin, 38 ans, paysan domicilié dans la Commune Ianabinda a pu
construire sa maison d’habitation avec la culture et la vente de pomme de terre. Pendant trois
Au cours de cette phase de diffusion, la
années successives, il a eu une recette annuelle d’environ 700.000 Ar. Il a conclu que le nom
récolte de pomme de terre dans l’ensem
de la variété BandyAkama n’est pas le fruit hasard, Selon lui, cette variété est vraiment « un bon
ble des communes est de 112 Tonnes dont
compagnon » qui a sauvé des paysans en difficulté économique au sein du district.
80% proviennent des 10 communes où le
Tableau 4: Problèmes rencontrés et solutions adoptées Malgré cette expérimentation et une phase
de diffusion concluante pour la variété Bandy
Problèmes rencontrés Pistes de solutions ou solutions adoptées Akama, des problèmes ont été rencontrés
et des solutions ont pu être adoptées.
- Engrais utilisés non contrôlés - Renforcement d’appui sur l’élaboration de
- Action limitée des bios pesticides : compostage
faible niveau de protection phytosa- - Partenariat avec DPV (direction de protection
nitaire des végétaux) 4. Pérennisation des acquis
- Authenticité de semences certifiées - Structuration et appui des Groupements
Production
- Mise en relation des producteurs avec
- Contact extérieur difficile pour la les clients sur le marché externe et mettre permet de stabiliser l’offre de pomme de
commercialisation en place un système d’information sur terre sur le marché et fidéliser les clients et
- Manque de cadre de concertation le marché extérieur et structuration les consommateurs.
entre les acteurs de coopération comme appui
à la commercialisation Conquérir de nouveau marché à l’échelle
- Manque de structure de commer-
cialisation locale, régionale et nationale. La demande
demeure toujours un moteur de la production,
- Manque et insuffisance de magasin - Construction des magasins de stockage
ainsi s’en assurer permet de dif fuser
de stockage et matériels adéquats (étagères, palettes…)
Conservation
intensivement la pomme de terre Bandy
- Difficulté de conservation de semences - Approvisionnement de sac en filet.
Akama.
plus longtemps par rapport - Formation en stockage de production
à la situation climatique.
Mots clés : Pomme de terre, Bandy Akama, méthodologie expé-
- Disponibilité et accès difficile rimentale, diffusion, production, rendement, revenu, culture de rente,
aux emballages Auteurs : - RANAIVOTAHINA Zo Harisandratra (CR Sud ADRA)
- MAROLAHY Dominique (CP ASARA) ,
- SOLOFONIAINA Maminirina (RTVA ASARA) ,
3
70% des paysans dans la zone organisent leur exploitation surtout maraîchère en contre-saison. Par conséquent, - EDINO Jean Noelson (M&E ASARA)
les légumes sont disponibles au marché presque toute l’année, et plus particulièrement d’Août à Septembre.
73
D é v e lo ppe me n t d es c haî ne s d e v al e ur e t a ug me nt at i on d u r ev e nu
Technique améliorée d'élevage de poulet gasy
en Androy et Anosy:
une réponse à la décapitalisation des cheptels
D
cet élevage permet aux familles de années, et selon le degré de vulnérabilité
ans les régions Anosy et Androy,
subvenir à leurs besoins quotidiens, l’élevage de volaille est répar ti du ménage, l’on assiste à une décapitalisation
et progressivement d’accumuler un géographiquement de manière partielle ou totale des cheptels de volaille.
revenu plus important leur permettant homogène étant donné que la plupart des
d’acquérir un cheptel de caprins ménages le pratique. Le cheptel moyen est Cet élevage à cycle court constitue une
de 17 volailles par ménages . L’élevage de épargne et une source de trésorerie en cas
ou de zébus : signe d’une ascension
volaille reste une activité peu demandeuse d’urgence survenue dans la vie quotidienne
sociale, par l’amélioration des des ménages ruraux. En d’autres termes,
d’investissement et peu couteuse. En effet,
techniques d’élevage. Des améliora- l e s p o u l e t s g a s y s o n t é l e v é s e n l’élevage de volaille peut être considéré
tions techniques permettent de divagation et ne bénéficient pas de soins comme un compte épargne, dont le cheptel
maintenir un cheptel « capital » particuliers en termes de gardiennage de base est le capital.Les « sorties » sont
en place, débouchant sur une bonne et d’alimentation. les produits de la vente, les volailles mortes
ou perdues et les intérêts sont les volailles
reproduction du cheptel
Ce modèle d’élevage a sa propre fonction issues de la reproduction du cheptel de
et l’augmentation du revenu issu base. Dès lors que les sorties dépassent
dans la vie sociale et économique des agro-
de cette activité économique. éleveurs de ces régions : les volailles sont les intérêts issus de la reproduction, la
L’expérience d’AVSF dans les régions vendues pour couvrir les besoins financiers, décapitalisation débute réduisant le chep-
du Sud Malagasy, présentée dans certes mineurs mais périodiques. De tels tel à quelques têtes jusqu’à l'épuisement.
cette fiche, démontre que de néces- besoins financiers apparaissent en cas de De telle situation rend le ménage encore
c h o c s c l i m a t i qu e s , p a r exe mp l e u n e plus vulnérable à d’autres chocs, les
saires et utiles améliorations de la
sècheresse prolongée affectant les récoltes enlisant dans un cycle infernal de pauvreté.
conduite de l’élevage de poulet gasy, De ce qui précède, l’élevage de volaille a
issues de l’agriculture familiale, ou en cas
ont abouti à un accroissement de maladies affectant les animaux d’éle- certainement une place non négligeable
du revenu – difficile certes à démontrer vage, ou en cas de chocs économiques dans la vie économique des agro-éleveurs
mais identifiable par l’amélioration comme la flambée des prix des produits de du Sud. Il mérite une attention soutenue
des conditions socio-économiques p r e m i è r e n é c e s s i t é . S e l o n l e d e g r é p o u r s e d é ve l o p p e r e f f i c a c e m e n t e t
d e s é v é r i t é d u c h o c , d e p l u s e n p l u s contribuer à l’amélioration des conditions
des ménages ruraux et particulièrement
récurrents au cours de ces dernières de vie socio-économiques des agro-éleveurs.
de celles des femmes.
1
Selon une enquête réalisée en octobre 2017 dans le district de Tsihombe auprès de 385 éleveurs
74
D é v e lo ppe me nt d es ch aî ne s d e v al e ur e t a ug me nt at i on d u re v e nu
75
D év e l opp e me nt d e s cha în e s d e v a le ur e t au gm en t at io n du r e v en u
La divagation diurne reste souvent de
mise, mais une complémentation est
nécessaire pour apporter à l’animal une
source supplémentaire d’énergie, de vitamines,
voire de protéine pour améliorer ou maintenir
la croissance des animaux, mais également Photo 2: Mangeoire couverte pour distribution de complément alimentaire
influer sur l’état de santé des animaux.
Des rations complémentaires, à base de n Le logement des animaux
sous- produits et produits agricoles, sont Le poulailler traditionnel dans les régions D a n s l e c a d r e d e l ’ a m é l i o r a t i o n d e s
diffusées aux éleveurs.Cette complémen- Androy et Anosy est souvent restreint à techniques d’élevage, un modèle de
tation peut être composée de son de riz, l’espace minimum nécessaire (total ou poulailler traditionnel amélioré (PTA) a été
son de maïs, maïs, mil, manioc, patate d’une partie) du cheptel du ménage et est p r o m u p a r AV S F d a n s l e s d i s t r i c t s
douce, légume, fruit, coquillage, reste de fabriqué à base de matériaux disponible de Tsihombe et d’Amboasary Sud.
poisson, termites ou vers. Les proportions non marchand.
76
D é v e lo ppe me nt d es ch aî ne s d e v al e ur e t a ug me nt at i on d u re v e nu
Le PTA a plusieurs avantages, il permet de :
a. Lutter efficacement contre les prédateurs nocturnes.
b. Améliorer l’alimentation des volailles en concentrant en un seul lieu, des mangeoires et abreuvoirs permettant de
pratiquer une complémentation alimentaire.
c. Suivre l’état de santé de ses animaux lorsque le cheptel est réuni en fin de journée
d. Faciliter les actes vétérinaires au besoin, très tôt le matin avant la sortie des animaux.
L’utilisation de matériaux locaux par les éleveurs permet une large adaptation du mode de construction du poulail-
ler. L’essentiel étant d’offrir aux volailles les avantages cités précédemment.
77
Dé v e l oppe m en t d e s c haî ne s d e v al e ur et aug me nt a ti on d u r e ve nu
n La Reproduction des jeunes.La mise en place de lieux de
La gestion de la reproduction est amé liorée ponte et de couvaison dans le poulailler
en respectant le bon sexe ratio mâle/ améliore également le taux d’éclosion des
femmes (1/10), optimisant ainsi la fécon- pondeuses.
dation des reproductrices, et par consé-
quent augmentant le nombre de poussins Cependant, il n’y a pas encore de sélection
i ssus de l’élevage. La séparati on des génétique des reproducteurs ou de schéma
jeunes des adultes permet également de d e r e p ro d u c t i o n . U n r e n o u v e l l e m e n t
maintenir un bon taux de reproduction tout périodique des coqs permet d’éviter des
en garantissant une croissance normale problèmes de consanguinité.
t a n t d e s u b v e n i r a u x b e s o i n s d e s améliorées. De plus, l’élevage de volaille Seul l’aspect santé, qui est défini par un
ménages. L’adoption des techniques est principalement une activité menée protocole bien strict a été adopté sans
améliorées permet de maintenir un effec- p a r l e s fe m m e s , p e r m e t t a n t a i n s i d e modification de la part des éleveurs. Mais
t i f - c h e p t e l c o n s t a n t c h a q u e a n n é e subvenir aux besoins liés aux activités il s’agit d’une des améliorations qui a été
jusqu’àaugmenter l’effectif dans 86 % des familiales et sociales dont elles sont la plus adopté par les éleveurs aux vues
ménages ayant adoptés les techniques responsables. des résultats positifs sans appel et de la
disponibilité en produits vétérinaire.
« Je fais de l’élevage de volaille depuis des années. J’élevais des volailles de manière
traditionnelle, en divagation. Depuis 2016, j’ai suivi les conseils des techniciens. J’ai
construit mon propre poulailler amélioré, un investissement assez onéreux au départ, mais
j’y suis arrivée. Les autres femmes du village étaient sceptiques quand elles m’ont vu
construire une maison pour mes poules. J’ai vacciné et déparasité tous mes animaux,
fabriqué des mangeoires et abreuvoirs en bois, et donné chaque jour un peu de maïs, du
son de maïs ou des restes de manioc. Mes volailles sont en bonne santé et se reproduisent
très bien. C’est à ce moment que les autres femmes du village ont entendu mes conseils et
ont reproduit ce système elles aussi. Aujourd’hui, nous sommes plus de 15 femmes dans
notre groupement. L’élevage de volaille nous permet de payer l’écolage de nos enfants,
acheter quelques vivres en période de « kere » (famine) et acheter des caprins. J’ai démarré
l’élevage avec 5 volailles, et en moins de 18 mois j’ai déjà réussi à en avoir près de 70. Je
souhaite que toutes les femmes de mon groupement puissent développer leur élevage de
volaille et ainsi assurer l’avenir de nos enfants »
Mme ARIVOE Tantiny, présidente du groupement des éleveurs de volaille dans la commune de Behazomanga,
fokontany TevareSenoro, District de Tsihombe
79
D é v e lo ppe me n t d es c hai ne s d e v al e ur , au gm en t at io n de r ev e nu
Technique améliorée d’élevage de poulet gasy
à Vangaindrano :
vers une autonomisation financière
des femmes chefs de ménages
Du fait d’un accès très limité aux terres agricoles pour les femmes séparées de leur
conjoint, dans le district de Vangaindrano, région Atsimo Atsinanana, des activités écono-
miques ne nécessitant pas de parcelles agricoles étendues peuvent constituer une alternative
de source de revenu. L’élevage de poulet de race locale, dont la demande est constante voire
en hausse dans la zone, est l’une de ces alternatives et a été promu par Fiantso dans le cadre
du projet ASARA. Une collaboration avec le Vétérinaire Sanitaire et le Chef de Poste de
l’Élevage a été engagée pour développer cette activité génératrice de revenu. Les acquis
et les leçons apprises au cours de cette action sont documentés dans cette fiche.
1. Une conduite d’élevage améliorée combinée avec l’amélioration de la race locale
et une gestion de l’exploitation
Les mêmes problématiques que ceux des régions Anosy et Androy se - Une analyse de faisabilité technique et financière de l’élevage de
posent à Vangaindrano, mais certes à moindre échelle, car ce district poulet a été effectuée avec comme unité d’étude un cheptel de
est plus orienté vers l’agriculture vivrière et de rente. base de 5 poules et 1 coq. Cette étude a permis de :
• Déterminer la capacité de production de chaque éleveuse
Dessolutions techniques ont été apportées pour les femmes chefs
tenant compte de sa propre organisation et obligation sociale,
de ménage du district de Vangaindrano, dont :
• Identifier avec elles les services en lien à l’élevage dont elles
- L’amélioration de la santé animale par la vaccination et autres auraient besoin,
traitements essentiels, • Déterminer les charges et le revenu brut ainsi que les
marges pour chaque unité standard.
- L’amélioration de l’habitat en vulgarisant le poulailler clôturé
et séparé de l’habitat des humains, équipé de perchoir, de - En outre, les éleveurs ont été appuyés pour planifier la vente avec la
mangeoire, d’abreuvoir, et de pondoir ; campagne de girofle durant laquelle la demande et le prix du poulet
sont en hausse avec l’arrivée massive des collecteurs dans la zone.
- L’amélioration de l’alimentation avec vulgarisation de l’apport
régulier de complément alimentaire comme le son de riz, En termes pratiques, l’objectif d’autonomisation des femmes
fruit à pain, fruit du jacquier, résidu de récolte, vers de terre chefs de ménages se traduit de la manière suivante :
et termite ; • Au second cycle de production, les productrices se chargent de
- L’amélioration de la race par l’introduction de coq de race Leghorn l’achat des intrants à partir des marges bénéficiaires obtenus,
et Rouge Fermier dans les fermes des Paysans Producteurs de • Au troisième cycle, elles investiront sur les matériels et
Reproducteurs ; équipements nécessaires.
2. Une adoption des techniques générant une augmentation du revenu
des éleveuses
250 éleveuses parmi les 337 appuyés par Fiantso dans le
district ont adopté au moins deux techniques vulgarisées,
permettant la réduction significative du taux de mortalité des
cheptels et en conséquence l’augmentation du cheptel de base.
Après 17 mois de suivi, le projet a constaté que le cheptel avait été
multiplié par 5.
Il ressort que les sous-zones Ouest et Sud-Ouest de Vangaindrano
sont plus performantes car la totalité des producteurs adoptent
au moins 2 techniques. Dans le cas de non-adoption de deux
techniques, l’augmentation finale est très variable et surtout dispro-
portionnelle. Mais il apparaît nettement que lorsque la vaccination
Photo 1: Séance de vaccination par les vaccinateurs n’est pas pratiquée, le taux de mortalité avant 6 mois est nettement
villageois dans la CR de Masianaka plus important.
80
D é v e lo ppe me nt d es c hai ne s d e v al e ur , au gm en t at io n de r ev e nu
Tableau1: Évolution du cheptel entre Mai 2015 et Octobre 2016
Nombre d’éleveurs utilisant Augmentation et mortalité des animaux durant 17 mois
Cibles
des techniques d’élevage améliorées (mai 2015-octobre 2016)
Éleveurs pratiquants Nombre d’animaux
Augmentation du cheptel
Taux augmentation (%)
Taux de mortalité (%)
Nombre d’éleveurs
Taux adoption (%)
Au moins 2 techniques
Une ration alimentaire
Consommés, vendus
En début de période
Morts à l’âge adulte
Nombre d’OP
Un habitat amélioré
En fin de période
Morts <6 mois
La vaccination
Achetés
Nord 4 52 0 29 6 32 62 233 367 0 9 45 45 143 61 10
Centre 6 80 16 23 24 35 44 572 666 51 144 405 104 193 34 11
Ouest 3 44 26 41 25 44 100 271 785 25 120 94 69 557 206 7,3
Sud-ouest 5 92 81 92 82 92 100 502 5920 0 3617 228 157 9035 1800 1,6
Sud 5 68 1 36 12 35 51 366 870 0 10 74 38 514 140 4,1
Total 23 337 136 233 161 250 74 1944 8581 76 3900 846 413 10442 537 3,2
autres, le faible taux de vaccination car le main- l’amélioration de la conduite d’élevage de poulet estimé à 58.500.000Ar si l’unité est de
tien de la température du vaccin n’est pas gasy. La couverture signifie notamment des 15.000Ar durant la campagne de girofle. En
aisé avec plusieurs jours d’approche. Avec agents vaccinateurs qualifiés et plus proche des Octobre 2016, si les producteurs maintiennent
l’utilisation des réfrigérateurs, le coût de la dose éleveurs, dotés d’équipements adéquats, et d’un au moins le cheptel de base de 1.944 unités,
est nettement plus élevé d’une part (500Ar à minimum de fonds de roulement pour acheter les une marge de 6.647 unités auraient pu être
Van gaindrano et 1.000Ar à Masianaka), et les intrants nécessaires. La proximité et le fonds de vendus, générant ainsi un revenu additionnel de
vaccinateurs villageois n’ont pas pu investir roulement sont des conditions ou critères, pour le 99.705.000Ar permettant aux producteurs
davantage pour du matériel de froid. moment, non remplis pour les zones enclavées. appuyés d’investir effectivement sur le matériel
et intrant nécessaire pour redémarrer l’activité.
Il apparaît ainsi que la couverture en soin de Sur les 3.900 poulets vendus durant la période Le revenu supplémentaire moyen est de
santé animale est un déterminant essentiel pour suivie, le revenu obtenu par les producteurs est 260.000 Ariary par ménage et par cycle.
3. Maintenir des reproducteurs de qualité dans la zone pour assurer la viabilité de l’activité
En 2017, des unités de production de repro- Tableau2: Évolution des UPR de Janvier à Décembre 2017
ducteur s (UPR) ont été identif iées et
appuyées pour qu’un approvisionnement Nombre d’animaux
Augmentation du cheptel
Taux augmentation (%)
en jeunes volailles soit assuré au retrait du fi-
Taux de mortalité (%)
Type d’élevage
Achetés durant la période
Nom de l’éleveur
Consommés, vendus
nancement. Ces UPR sont sélectionnées sur
Morts moins de 6 mois
En début de période
Morts à l’âge adulte
À la fin de période
la base de leur performance. 17 éleveurs et producteur
Commune Localité
de reproducteurs
éleveuses, dont 13 femmes chefs de ménages,
sains
sont devenus des UPR. Si les poulets de race
améliorés (PRA) ont montré des résultats
moindres et variables, les poulets de race
locale (PRL) ont été beaucoup plus de perfor- Sylvain Soamanova Eteny PRA 48 121 0 82 12 0 143 298 5
mant. En général, il apparaît que le nombre Soatsara Batama Tsiately Anambotaky PRA 48 132 0 101 14 0 171 356 6
de cheptel de base est l’élément déterminant Zafito Pauline Ampasimalemy Mahandroa PRL 12 59 0 28 24 0 51 425 21
Julson Ampasimalemy Iabomary CPAG 42 36 0 0 0 6 0 0 14
et consistant dans cette différence de perfor-
Baotalata Masianaka Ankatafa PRL 12 44 0 28 9 0 52 433 11
mance. Lorsque le cheptel de base est : Volamena Masianaka Jadoa PRL 12 69 0 24 14 0 74 616 13
- Inférieur à 10, le taux d’augmentation Tsarafeno Sophie Masianaka Ambalavala PRL 8 54 0 39 10 0 75 937 9
brut varie de 775% à 938%, Béatrice Masianaka Nosiomby PRA 48 62 0 15 7 0 23 48 8
Tsapitahory Masianaka Nosiomby PRL 14 51 0 21 9 0 49 350 11
- Entre 10 et 12, le taux varie entre Ravenas Francis Masianaka Nosiomby PRL 7 48 0 19 8 0 52 742 11
425% et 690% Biliny Masianaka Ankatafa PRL 8 56 0 24 10 0 62 775 11
Fenaliny Masianaka Ankatafa PRL 7 48 0 24 7 0 58 828 9
Pour les 3 PRA de 48 unités de volaille, le Razanamaria Masianaka Ankatafa PRL 9 42 0 15 5 0 43 477 8
taux est respectivement de 48%, 298% et de Armeline Masianaka Ankatafa PRL 11 53 0 23 2 0 63 572 3
356%. Certes en dessous des performances Ralihasy Masianaka Ankatafa PRL 8 58 0 21 4 0 67 837 5
des PRL, mais avec un écart trop important Lizy Elisabeth Masianaka Ankatafa PRL 10 41 0 23 6 0 48 480 9
pour que le résultat soit uniquement affecté Pelasoa Masianaka Ankatafa PRL 12 42 0 27 5 0 52 433 7
Soafaly Masianaka Ankatafa PRL 10 64 0 23 8 0 69 690 8
au nombre de cheptel de base, facteur
confirmé aussi dans ce cas-ci. PRA: Poulet de Race Améliorée, PRL: Poulet de Race Locale, CPAG: Canard Prêt à Gaver
Mots Clés : Poulet Gasy, Femme, élevage à cycle court, technique d’élevage amélioré, amélioration de la race, unité de production de reproducteur
Auteurs : - ANTILAHY Herimpitia Estelle Rolande, Consultante
- FIANTSO
81
D é v e lo ppe m en t d e s c haî ne s d e v al e ur e t aug me nt at i on d u r ev e nu
L’amélioration du revenu des éleveurs de caprins grâce
à une combinaison d’actions structurées
L
ménages agro-éleveur s de la zone. e district de Beloha, en région Androy, Entre ces deux saisons distinctes, à partir
Plusieur s facteur s contraignants – est une zone ayant une forte potentia- du mois d’août jusqu’aux premières pluies
climatique, économique, social, parfois lité en termes d’élevage. L’élevage et suivantes, se situeune saison sèche à très
conjoncturels mais surtout de survenue
l’agriculture y est pratiqué par plus de 91% sèche, et très venteuse, le « Faosa ». Les
récurrente – affectent négativement le
des ménages (tableau 1) selon l’enquête de paysans ont observé des retards de pluie
développement et la croissance des
référence, du début du projet porté par d’une année à une autre, prolongeant la
cheptels caprins et, par conséquent, des
conditions de vie socio-économiques des CRS, en 2014. L’élevage de bovin et de périodesèche jusqu’au mois de janvier et la
agro-éleveurs. En effet, une vente conco- caprin sont les plus pratiqués du fait de leur période venteuse jusqu’au mois de février.
mitante à ces facteurs, voire une décapi- place dans la vie quotidienne et la culture Pendant la saison humide, les fourrages
talisation du cheptel caprin, traduit : de peuple Antandroy. En effet, l’élevage ca- verts sont disponibles en grande quantité
i) d’abord une régression du niveau de vie prin constitue une forme d’épargne, mobili- pour une courte période alors qu’ils se raré-
et du rang social d’un ménage, ii) ensuite sable rapidement par les ménages, en cas fient en période sèche et la situation est
une difficulté certaine de subvenir aux be- d e m a u va i s e r é c o l te o u p e n d a n t l e s empirée par le manque d’eau. Les éleveurs
soins alimentaires et nutritionnels des périodes de disette. Cet élevage fait partie sont obligés d’affourager leur bétail à l’aide
membres de la famille, iii) enfin un accès de la stratégie de survie des ménages de fausses-tiges de cactus, dont les épines
de plus en plus laborieux aux autres ruraux exposés à divers chocs – clima- ont été éliminées par brulage superficiel.
services sociaux de base comme l’éduca- tiques, sociaux, économiques.Étant donné Habituellement, les cactus ordinaires sont
tion, l’eau et les soins de santé primaire.
cette fonction précise sur le système de pro- utilisés, mais en fonction des difficultés, les
Aux vues de la complexité de la probléma-
duction de ces ménages et de son influence cactus rouges– pauvres en nutriments – le
tique en lien à l’élevage de caprin, des
sur leur capacité de résilience aux chocs, le sont également. Cette pratique, de survie
actions intégrant plusieurs domaines
d’activités se doivent d’être exécutées de caprin a été choisi en vue d’un accompa- cer tes, permet de couvrir à la fois les
manière structurée au profit des éleveurs gnement aux agro-éleveurs pour améliorer besoins en eau et en aliment des animaux
de caprins. L’existence et le déploiement les techniques d’élevage. pour les petits éleveurs. Les éleveurs ayant
d’un instrument financier au profit de un important cheptel pratiquent la trans-
la ruralité comme le fonds de développe- En 2014, des enquêtes approfondies ont humance. Ainsi, les animaux perdent beau-
ment de l’agriculture de la région Androy permis de comprendre la problématique coup en poids et en valeur marchandedu-
(FDA Androy), et l’action d’insertion des suivante en lien à l’élevage caprin dans le rant cette période sèche de l’année. Ils sont
éleveurs auxiliaires de santé animale district de Beloha. vulnérables à diverses maladies et parasi-
(MMAV) dans un maillage vétérinaire exis- tismes. Les jeunes animaux souffrent à la
tant à travers le ministère en charge Climatique.La sècheresse récurrente ou fois de la malnutrition et la déshydratation
de l’agriculture et de l’élevage, l’Ordre Na- l’irrégularité des précipitations entraine une
tional des Vétérinaires de Madagascar
faiblesse de la disponibilité en eau et
(ONDVM) et l’ONG AVSF, ont été détermi-
enfourrage pour le bétail. Il y a deux saisons
nant dans la combinaison des actions Activités %
favorables à l’agriculture, dans le district de
structurées ayant permis l’amélioration
de la conduite de l’élevage caprin. L’intro- Beloha :
Élevage 0,96 %
duction de techniques adaptées dans la
conduite de cet élevage est un élément n la saison de pluie, chaude et humide,
qui va normalement du mois de décembre Élevage
essentiel, combiné à ces éléments struc- 91,37 %
et agriculture
turants. L’amélioration de la qualité et du au mois de mars : localement désigné
nombre de cheptel de caprin au niveau par « Asara » ou la grande saison agricole,
Agriculture 7,67 %
des ménages ont été une des principales
sources d’amélioration du revenu des n la saison fraiche et humide, « Asotry »
agro-éleveurs et certainement de leurs d’avril à juillet, consacrée aux cultures de Tableau 1: Repartition des paysans
conditions socio-économiques. La consé- contre-saison. par principale activite.
quence sur l’amélioration de leur niveau
de sécurité alimentaire et nutritionnelle
en sera une suite logique.
1
CRS a été mandaté fin 2013 par la Délégation de l’Union Européenne à Madagascar (DUEM) pour mettre en œuvre la Composante ‘Appui à la production’ du projet ASARA, dans
le district de Beloha, Androy.
82
D é v e lo ppe me nt d es ch aî ne s d e v al e ur e t a ug me nt at i on d u re v e nu
parfois à la dernière minutepour assurer
leur survie. Les ventes se font de manière
groupée ouindividuelle, soit au niveau de
chaque marché hebdomadaire communal
ou chaque mardià Beloha. Du fait de leur
perte en poids, les animaux sont, pour la
plupart des cas, en mauvais état. Le nombre
élevé d’animaux en vente sur le marché
alors que les acheteurs sont peu nombreux
est en défaveur des vendeurs. À titre d’illustra-
tion,le prix d’un mâle adulte castré, locale-
ment appelé « Kobatroka », est de 40.000
Ar en cette période, alors que les charges
liées à l’élevage d’un caprin situent entre
50.000 à 100.000 Ariary le prix rémunérateur
Photo 1 : Brulage des épines de cactus pour l'affouragement des animaux d'élevage pour l’éleveur. En saison favorablec’est-
en période sèche.
à-dire après une bonne récolte lorsque les
v Sanitaire. Les maladies et l’infestation de v Zootechnique. Dans le district de ménages veulent reconstituer le cheptel
parasites entrainent une forte mortalité Beloha, l’élevage caprin se fait exclusive- « capital », la même unité peut valoir 200.000 Ar.
surtout chez les jeunes animaux. Les maladies ment en mode extensif. Chaque matin, les
diarrhéiques et digestives, appelées locale- animaux sont amenés hors de l’enclos vers v Conséquences. La récurrence de la
ment «Mendovoly» et «Menantsinay» sont les pâturages ou les forêts proches,et y sont sècheresse dans le District de Beloha,
prévalentes. Il en est de même des maladies ramenés en début de soirée. Les enclos, c o m b i n é e a u x te c h n i qu e s d ’ é l eva g e
de la peau dénommées localement «Reda- partagés avec les bovins, ne sont pas géné- rudimentaires, compromet l’élevage de
vava» et «Mandrambo» soit causées soit ralement entretenus et nettoyés. Ils sont caprin. L’indisponibilité en alimentation
accentuées par l’hyper-parasitisme. Le dépourvus de toiture pour les abriter contre humaine, durant la période de soudure, est
charbon bactérien, une maladie infectieuse les intempéries. l’élément déclencheur de la vente progres-
pouvant tuer l’animal infecté en moins sive à bas prix du cheptel caprin aboutis-
d’une journée en l’absence de traitement et La majorité des éleveurs ne gère et ne sant parfois sur une décapitalisation du
en fonction de la sévérité de la maladie, contrôle pas la reproduction, causant la cheptel. En effet, les ménages investissent
sévit aussi dans la zone. Ces maladies sont consanguinité des descendants. La consan- en achetantdu bétail en période de récolte
présentes durant toute l’année mais les guinité est la cause de la mortalité à la à un prix élevé, mais sont contraints de les
maladies digestives connaissent une naissance, les malformations, et la faible vendreà moitié prix, voire le quart de son
augmentation de la prévalence pendant résistance aux maladies. prix en deçà de son prix rémunérateur, pour
l’intersaison (mois d’octobre – décembre). se procurer de la nourriture en période de
En cas de survenue de la maladie, les éleveurs Au cours de la saison sèche, les éleveurs soudure. Les récoltes suivantes pourraient
font surtout recours à la médecine tradition- sont contraintsd’amener leurs troupeaux permettreaux agro-éleveurs de se recapita-
nelle à base de plante ou de racinesavec vers des points d’eau permanents, partagés liser, mais de tels cas se raréfient. En outre,
une efficacité hypothétique. En 2014, 16 % avec ceux de plusieurs autres villages l’effectif du cheptel peut aussi diminuer
des éleveurs connaissent le déparasitage, voisins. De telles pratiques favorisent égale- àcause des décès d’animaux consécutifs à la
et 41 % la vaccination pour les autres ment la transmission des maladies et des malnutrition, la faible couverture sanitaire,
espèces à part les bovins, mais ne les prati- parasites. l’absence d’eau d’abreuvement, et la dégra-
quent pas dans leur exploitation. Par consé- dation des races due à la consanguinité. Il
quent, le taux de mor talité du cheptel v Économique. Chaque année, les agro- est alors fréquent de rencontrer des ménages
caprin est élevé du fait de la récurrence de éleveurs passent une période d’environ ayant plusieurs têtes de caprin en début
certaines maladies et l’infestation parasi- 5 à 6 mois durant laquelle les réserves d’année, et qui n’en disposent plus après la
taire,combinée à l’absence de traitement alimentaires des ménages sont épuiséesen période de soudure. Au pire, ils se retrouvent
curatif adéquat. Selon l’enquête de référence attendant la récolte suivante. Cette période dans l’incapacité de racheter le capital
en 2014, ce taux est de l’ordre de 23 %. se situe entre le mois d’août et le mois de cheptel si la récolte agricole est mauvaise.
mars. Pour se procurer de la nourriture, le
cheptel est vendu progressivement, et Une action structurée au niveau de huit (8)
Communes dans le district de Beloha a été
m e n é e p o u r t e n t e r d e r é s o u d r e c e t
ensemble de problèmes, en agissant sur les
multiples causes de régression de l’élevage
caprin. Il s’agit de développer des actions
intégrées, tenant en compte plusieurs
contraintes, afin d’augmenterl’effectif
du cheptel et impacter positivement sur
Figure 1: Taux de mortalité des animaux d'élevage dans le district de Beloha, 2014 le revenu des agro-éleveurs.
83
Dé v e l opp em en t d e s chaî n es d e v al e ur et aug me n ta ti o n d u r e ve n u
2
CRS a été mandaté fin 2013 par la Délégation de l’Union Européenne à Madagascar (DUEM) pour mettre en œuvre la Composante ‘Appui à la production’ du projet ASARA, dans
le district de Beloha, Androy.
84
D é v el o ppe me nt de s ch aî ne s d e v al e ur e t a ug me nt at i on d u re v e nu
m Identification et formation des éleveurs-leaders
Ils ne sont pas directement rémunérés ni
par le projet, ni par les services étatiques
mais leur motivation première est l’améliora-
tion de leur propre ferme, donc l’exemplarité.
Entre le mois de juin 2016 et mai 2017, les
Éleveurs-Leaders (EL) identifiés ont suivi les
modules de formations théoriques, des tra-
vaux pratiques et d’accompagnement sur le
terrain, axés sur :
- L’habitat amélioré,
- L’intérêt de la vaccination et du dépa-
rasitage,
- L’amélioration de l’alimentation animale, Photo 3: Éleveur-leader effectuant une sensibilisation sur les maladies des animaux
- La castration d’élevage
m Amélioration de l’habitat des animaux d’élevage
Par rapport à l’enclos traditionnels, les - Le cloisonnement de l’ensemble de l’en- spécifique pour les opérations sanitaires
enclos amélioréssont caractérisés par : clos selon une fonction bien précise : (vaccination, déparasitage, castration,
- La séparation du cheptel caprins des bovidés. i) pour les chèvres en gestation, ii) une etc.)
La pratique courante étant la mise en quarantaine pour les animaux malades, - L’installation d’ombrières : pour la protection
commun de ces deux cheptels, iii) pour les chevreaux, et iv) une cloison contre le soleil et la pluie, et éviter ainsi
la recrudescence des maladies comme
le piétin sur les sabots dû à l’humidité de
la litière
- L’installation des abreuvoirs de proximité.
C e s e n c l o s o n t é t é e s s e n t i e l l e m e n t
construits à partir de matériaux locaux pour
faciliter leur réplication. 20% sont payés en
nature (matériaux locaux et le transport)
p a r l e s m e m b r e s d e s g ro u p e m e n t s .
Pour un enclos d’une capacité de 10 têtes,
le coût estimatif est de l’ordre de 75.000Ar.
Les enclos-écoles restent la propriété des
groupements, les membres s’organisent
pour les installer, les entretenir et mettent
à disposition du bétail sur lesquels des
tests et démonstrations d’innovations sont
Photo 4: Ferme-École et Habitat amélioré à Tsimilofo, Commune rurale de tranoroa effectués.
85
D é v e lo ppe m en t d e s c haî ne s d e v al e ur e t aug me nt at i on d u r ev e nu
m Prophylaxie sanitaire et médicale
Ces formations concernent les prophylaxies travail afin que les éleveurs s’habituent pour payer en totalité les rappels. Les membres
sanitaires et médicales contre les maladies à leurs services. sont ensuite encouragés à pratiquer ces
animales comme la pratique de la quaran- soins dans leur propre exploitation.
taine, la vaccination et le déparasitage. Les CRS a pris en charge à hauteur de 80% les
formations sont souvent suivies par des premières vaccinations et déparasitages Après les séances de démonstrations,
séances de pratique ou de démonstration. à titre démonstratif. Les éleveurs paient les éleveurs intéressés contactent directe-
Ces démonstrations se font avec les MMAV, directement les 20% restant au MMAV qui ment les MMAV qui estiment les besoins en
servant ainsi de cadre promotionnel à leur effectue la prestation. Ils cotisent ensuite intrants vétérinaires, vont les commander
au niveau du VS et fixent les rendez-vous
avec les communautés pour la réalisation
des actes.
LesMMAV établissent et soumettent un
rapport mensuel au VS superviseur et
u n e c o p i e à C R S . L e c o n te n u d e c e s
rapports estdébattu au cours des réunions
mensuellesdes VS et MMAV.Les VS y
informent aussi les MMAV sur les décisions
du Ministère en charge de l’Élevage sur les
actions à l’échelle nationale, par exemple,
les animations et recommandations pour
éviter l’expansion de la rage. Les VS trans-
mettent ensuite toutes les informations
remontées par les MMAV au Service Vétéri-
naire Régional pour la constitution d’une
base de données.
Photo 5: démonstration de vaccination, de déparasitage et de bouclage de caprin
m Amélioration de l’alimentation
L’amélioration de l’alimentation complète les plante à une grande teneur en eau et multiple, les fruits constituent une source
actes sanitaires de prophylaxie et de traite- constitue une alternative d’alimentation inté- alimentaire et peuvent être vendus en
ment des maladies pour maintenir l’effectif ressante en période de faible disponibilité période sèche. Des paysans leaders sont
du cheptel, la reproduction et la bonne des fourrages. Il a l’avantage de faire appuyés pour la production de souches et
condition physique des animaux pour la tomber ses épines une fois les fausses- l’animation en vue de la diffusion de sa
vente. Améliorer l’alimentation des caprins tiges matures et ne nécessite plusde culture. Les premières étapes de cet
par de petites actions faisables est une brulage avant affouragement,contrairement apprentissage débutent au niveau de sites
approche promue dans le cadre de cette au cactus classique. De plus, son utilité est vitrines destinés à la diffusion.
expérience. Ainsi, la diffusion de cactus
inerme, la valorisation des résidus de
récolte par la pratique de l’ensilage, la
production de paille et de plante fourragère
ont été initiés. Les différentes techniques
ci-dessous ont été diffusées au niveau de
3 sites pour l’ensilage et la culture du
Bracharia, de 2 sites pour la conservation
des pailles et de 2 sites pour la démonstra-
tion des avantages de la culture de cactus
inermes pour l’année 2017. Ces sites ont
servi de centre de débats lors de visites-
échanges et ontpermis de mobiliser les
éleveurs apprenants des autres fermes
écoles.
Diffusion de cactus inerme. Le cactus
inerme est une plante à vocation fourragère
adaptée aux conditions climatiques des
régions sèches. Connu des agro-éleveurs
Photo 6: Champs de diffusion de cactus inerme
habitués à utiliser le cactus classique, cette
86
D é v e lo ppe me nt d es ch aî ne s d e v al e ur e t a ug me nt at i on d u re v e nu
Valorisation des résidus de récolte par la
pratique de l’ensilage. Pratique nouvelle et
testée à ce stadedans la zone, cette mode
de conservation par voie humide, permet
d’optimiser la disponibilité en fourrages et
en résidus de récolte durant la saison des
pluies, et de les utiliser plus tard pendant la
saison sèche. Cette différence de disponibi-
lité et de possibilité entre ces deux saisons
justifiela diffusionde cette technique de
conservation.L’utilisation des produits peut
ensuite être optimisée comme aliments de
complémentspendant les périodes difficiles.
Production de paille. Cette forme de conser-
vation par voie sèche des sous-produits en
pailles vient en complément de la forme de
conservation par ensilage. L’utilisation ex- Photo 7: Séance d'apprentissage et de démonstration de production de Bracharia
clusive des pailles se heurtent cependant
avec l’indisponibilité en eau pendant la pé- m Amélioration de la reproduction
riode sèche. La castration fait partie des techniques De préférence, les mâles n’ayant pas
développées à la fois pour la gestion de la ces critères sont castrés afin d’écarter les
Production de plante fourragère. Le Bracha- reproduction et l’engraissement des mâles, caractères non désirés et garder une
ria, choisi pour son adaptabilité dans la mais le premier objectif prime. race performante au fur et à mesure des
zone, et selon l’expérience d’un EL, est une générationsdans la population caprine.
espèce fourragère résistant bien à la sèche- En effet, les mâles reproducteurs doivent L’engraissement vient une fois que les
resse une fois qu’il est suffisamment ins- avoir des qualités spécifiques : bonne taille mâles repro-ducteurs ont dépassé l’âge de
tallé en début de saisonde pluie. Il peut et posture, une historique positivesur la cinq ans. Ils doivent être à leur tour castrés,
rester vertpendant une période plus ou résistance aux maladies, l’absence de et valorisés dans la production de viande,
moins long de l’année si les apports en eau déformations physiques ou malformations, pour laisser place à des jeunes mâles
sont suffisants. le rapport entre viande et carcasse, etc. reproducteurs.
87
D é v e lo ppe m en t d e s c haî ne s d e v al e ur e t aug me nt at i on d u r ev e nu
Figure 2: Proportion d'adoption de techniques amélioré parmi les agro-éleveurs
de caprin
88
Amélioration
de l’accès aux financements :
crédit et subvention
L’extension du réseau de microfinance contribue à l’accès au financement des petites exploi-
tations agricoles familiales surtout dans les zones peu ou mal desservies en infrastructures
structurantes (routière, communication, etc.). 39 nouveaux points de services ont été créés au
cours de ce projet. Des produits financiers, comme le crédit avec éducation (CAE) destinées
aux femmes chefs de ménages, ont permis le développement des commerces de produits
agricoles.
La finance rurale a également fait l’objet du soutien du projet ASARA à travers la mise en place
des FDA des régions Androy et Atsimo Atsinanana et à l’opérationnalisation du FDA Anosy créé
en 2009. Des subventions octroyées par le FDA ont contribué à financer de l’appui conseil aux
producteurs, du matériel agricole, d’élevage et de pêche artisanale, de petites infrastructures
productives, de la recherche appliquée ainsi que des projets portés par les organisations de
producteurs.
Le Crédit Avec Éducation :
retour d’expériences et conseils pratiques
pour en améliorer l’impact positif
sur les conditions de vie des femmes chefs de ménages
Cette fiche présente l’expérience 1. Des femmes chefs de ménages n’ayant pas accès
de la CECAM en lien avec le crédit aux ressources productives en milieu rural
D
avec éducation ou CAE dans plusieurs
ans le District de Vangaindrano, rural, permettrait d’améliorer les conditions
communes et localités du District de r é g i o n At s i m o At s i n a n a n a , l e s de ces femmes. Un capital, sous forme de
Vangaindrano depuis 2014. Le CAE femmes ont un statut social et éco- crédit, est une des solutions courantes.
est un produit financier doté n om i que p a r ti c ul i er. A c e ti tre, el l es Ainsi, l’Institution de Microfinance (IMF)
d’un service non-financier additionnel n’héritent pas du patrimoine laissé par leur CECAM – aux vues de ses portefeuilles de
– l’éducation – pour des femmes parent et dépendent ainsi de leur conjoint service et l’avantage offerte par la CAE – a
p o u r to u te s d é c i s i o n s é c o n o m i qu e s décidé de lancer cette approche au profit
chefs de ménages ou non et qui sont
relatives à sa vie de famille voire personnelle. des femmes du District de Vangaindrano. Il
membres d’une association dénommée La situation s’aggrave lorsque celles-ci se est escompté que les femmes disposent
Association de Crédit (AC). Cette fiche trouveraient séparées de leur conjoint avec d’un capital productif tout en développant
renseigne sur les caractéristiques des enfants à charge. Elles doivent assurer leurs connaissances et pratiques dans le
particulières de la fourniture de ce elles-mêmes leur subsistance, et rares – domaine sanitaire, nutritionnel et financier.
service financier et son impact sur bien qu’ils existent – sont les membres de Le développement de la culture d’épargne
la famille leur venant en aide. La proportion fait partie intégrante du processus du CAE.
l’amélioration effective des conditions
des femmes, chefs de ménage, n’est pas En ef fet, une épargne obligatoire est
de vie sociale et économique de pourtant négligeable, elle est de 52% selon demandée à chaque membre au cours de
femmes clientes et membres des AC. la dernière estimation fournie par le District réunions régulières des bénéficiaires du
À travers cette fiche, des éléments de Vangaindrano en 2016. CAE, dont le montant est fixé dans le
d’analyses essentiels sont apportés règlement intérieur. Un montant supérieur
pour ceux qui sont intéressés Le District de Vangaindrano est, par ailleurs, au versement fixé est considéré comme
une des localités la plus exposée aux aléas une épargne volontaire.
dans la fourniture et la promotion de
naturels sur son front Est, comme le
tel service. Pourraient en être concer- cyclone et l’inondation. Les catégories Étant donné le statut spécifique des femmes,
nés les Institutions de Microfinance socio-économiques, les plus vulnérables à mentionnées plus haut, l’implication des
(IMF), les organisations de la société de tels chocs climatiques, sont celles qui a u to r i t é s l o c a l e s d e p rox i m i t é a é t é
civile et de l’administration publique ne disposent pas suffisamment de terres judicieuse pour la réussite de l’expérience.
œuvrant dans la promotion de la agricoles pour diversifier leur production ou Il s’agit notamment du chef de fokontany et
celles qui n’en disposent pas du tout des chefs traditionnels. Outre les femmes,
femme, le financement rural ou
comme les femmes chefs de ménages. b é n é f i c i a i r e s e t a c t r i c e s d e c e t t e
l’accès au crédit en milieu rural. Offrir une alternative à l’accès à la terre, expérience, l’animatrice CAE – une techni-
principal facteur de production en milieu cienne au sein de CECAM – est également
un des acteurs-clés de cette expérience.
2. Un crédit combiné à l’éducation comme alternative
Un cycle de CAE s’organise en trois temps : (FOAC). Les AC n’existent pas avant l’animation iv) le respect des échéances de rembourse-
avant le déblocage, durant la phase de effectuée par l’équipe de la CECAM. Le ment. Au cours de cette première étape, la
remboursement et le début d’un nouveau recrutement d’une ACest obligatoirement partici-pation des Chefs de fokontany et
cycle de CAE. précédé de quelques séances d’animation. des leaders traditionnels est sollicitée pour
Dès cette phase de prise de contact, il est que les autorités locales et les membres de
La première étape, avant le déblocage, primordial de faire connaitre aux intéressées relation se connaissent et offrent une
concerne le processus de recrutement i) l’objectif du CAE, ii) l’obligation d’assister opportunité aux leaders locaux de prodiguer
de l’AC et les réunions de Formation sur aux réunions hebdomadaires, iii) la consti- des conseils aux membres.
l’Organisation de l’Association de Crédit t u t i o n d ’ u n e é p a r g n e o b l i g a to i r e , et
90
A mé l io r at i on de l ’acc è s a ux f i na nce me nt s
l’Animatrice CAE tient un rôle majeur dans
Le crédit avec éducation ou CAE est une approche pour fournir un service financier,
le processus de la formation de l’organisa- à un groupe spécifique. Il a été lancé à Madagascar vers les années 2000. L’ONG FFH
tion de l’association de crédit ou FOAC qui (FreedomFromHunger) l’a disséminé dans le cadre d’un programme du PNUD (Programme des
est réalisée en cinq séances : Nations Unies pour le Développement) dénommé Microstart (littéralement « commencer petit »).
Le produit CAE est ancré sur le crédit et l’épargne des bénéficiaires. Le CAE a ses spécificités dans
HISTORIQUE ET CARACTERISTIQUES DU CAE le domaine de services non financiers en introduisant dans sa procédure d’octroi une série de
thème d’éducation dans les domaines tels que sanitaire, nutritionnel et financier.
• FOAC 1 : Adoption du règlement de Les bénéficiaires du CAE sont des femmes, appelées membres, regroupées dans une
l’AC et présentation du livret d’épargne association de crédit (AC). Une telle association est composée d’au moins 15 membres. Chaque
AC est composée d’au moins 3 groupes de solidarité (GS) ayant 5 membres.
• FOAC 2 : Élection du comité de gestion
L’AC est dirigée par un bureau, composé d’un président, d’un trésorier et d’un secrétaire.
de l’AC et discussion sur les notions
L’AC se réunit une fois par semaine. Cette réunion coïncide avec la date de remboursement du
d’appartenance et de solidarité crédit. Une formation au profit des membres de l’AC, par l’Animatrice CAE, est également réali-
• FOAC 3 : Formation sur les procédures sée à ce moment. En d’autres termes, les réunions hebdomadaires sont marquées par une séance
de gestion et de services de crédit d’éducation, suivie du remboursement de crédit arrivé à échéance.
par l’AC1 La structuration des AC contribue à forger la garantie sociale sur le CAE car elle lui confère
une reconnaissance vis-à-vis des autorités et d’obtenir ainsi une certaine caution sociale. De plus,
•FOAC 4 : Formation sur la procédure l’incitation à l’épargne au niveau de l’AC d’une part et l’épargne volontaire de chaque membre
d’analyse de prêt et préparation de la d’autre part matérialise la garantie financière offerte.
demande de prêt. A ce stade, la demande
de prêt individuelle est discutée au La troisième étape, aprèsque tous les
sein de l’AC. Après la validation des rembour-sements sont ef fectués,est
membres, la demande est transmise relative à la préparation d’un nouveau cycle
aux techniciens pour une pré-validation de crédit, et d’accompagnement vers
technique avant le passage du dossier l’autonomisation. Commencée à partir de
en Commission d’octroi de la caisse. la 14ème semaine soit deux semaines
• FOAC 5 : Discussion des ser vices avant la dernière échéance du prêt, l’AC se
éducatifs et préparation à l’inaugura- réunit pour préparer la demande suivante.
tion de l’AC. Également un moment Des activités comme l’intégration de
solennel où les membres prêtent nouveaux membres et le recyclage sur les
serment pour respecter les règle- thèmes FOAC, complète les activités
ments régissant l’AC. habituelles de préparation et de validation
de crédit au cours de la première étape.
La deuxième étape englobe les activités Normalement, le nouveau prêt est dispo-
Photo 1 : Déblocage du crédit pour les
de formation, de suivi et de contrôle, nible une semaine après l’échéance du
membres de l'AC.
et le remboursement hebdomadaire. Elle prêt précédent.
commence au moment du déblocage, des femmes ayant accès au CAE. Les
effectué au moment de l’inauguration de Pratiquement, les dif férents thèmes modules de formation sont ceux standards
l’AC. Pendant les 16 semaines qui suivent, d’éducation, à savoir l’éducation financière, conçus par CIGAP. Les femmes pourront
les techniciens (Animatrice, Inspecteur, la santé maternelle et infantile, et le aussi profiter des sensibilisations en
Superviseur) visitent régulièrement chaque développement de la confiance en soi, matière de vaccination et de planning
membre pour s’assurer que leur activité se contribue à l’autonomisation progressive familial dans certaines communes. L’amélio-
déroule convenablement et leur permettre ration de leur revenu confère auxfemmes
de rembourser à temps. de nouvelles ambitions les poussant
à s’affirmer et à gagner plus d’autonomie.
En cas de non remboursement, le recouvre-
ment pourrait s’effectuer en trois étapes : Il n’y a pas d’exigence de garantie matérielle
• Au niveau du GS : le remboursement de pour le CAE. La caution solidaire entre les
l’échéance en retard y est discuté. Souvent, membres fait office de garantie. Le CAE
le problème est résolu à ce niveau. p e r m e t d o n c d e fa i r e b é n é f i c i e r d e s
• Au niveau de l’AC : en cas de répétition centaines de ménage d’un prêt financier
des retards, le GS n’arrive plus à supporter qu’ils ne peuvent accéder auparavant, car
seul le poids du retard, la situation du elles ne disposent pas de matériels ou
membre est discutée au niveau de l’AC. immobilisations en garantie.
• Au niveau des techniciens de la CECAM :
les techniciens n’inter viennent que
lorsque la situation du membre défaillant
devient critique : refus de payer, risque Photo 1 : Réunion hebdomadaire
des membres d’un AC.
de fuite, ou déni de l’association.
1
Souvent, les membres de l’AC arrivent à réunir les documents administratifs (copie de la carte d’identité nationale, photo d’identité, certificat de résidence)
ainsi que la somme de Ar 24 200 pour régler la part sociale fixe (Ar 20 000), le droit d’adhésion (Ar 3 000) et le prix du carnet (Ar 1 200) au stade de FOAC3.
91
A m él i or at i on d e l ’a ccè s aux f in anc em e nt s
3. Une amélioration effective des conditions de vie sociale et économique
des femmes membres de l’Association de crédit
Tableau 1 : Situation du CAE de 2014-2017 dans les 4 caisses
Quatre caisses propo-
sent le CAE pour le dis- Encours en fin Nombre Nombre de Taux Nombre Nombre AC
trict de Vangaindrano. Période Octroi
de période AC femmes à 0j Animatrices par Animatrice
Il s’agit de la caisse de
Vangaindrano, de Lopary, 2014 42 010 000 34 813 750 25 625 100% 5 5
d e T s i a t e l y e t d e
M a t a n g a . L e C A E
2015 183 270 000 91 010 000 33 825 100% 5 7
intéresse les femmes,
au point que le nombre
de clients a doublé entre 2016 355 960 000 123 685 410 45 1 125 100% 5 9
2014 et 2017, le montant
de crédit octroyé a été 2017 389 610 000 118 586 105 51 1 093 98% 5 10
multiplié par 9.
FICHE SIGNALETIQUE DE L'ASSOCIATION DE CREDIT VONONA
Madame M arie Thérèse, 45 ans, vi t
seule avec trois enfants à charge dont
deux filles et un garçon. Elle avait une
petite gargote comme principale activité
économique. Depuis 2014, elle est
membre de l’AC MIRAY HINA I afin de
développer ses activités. Au bout du le
8ème cycle de crédit, elle a pu s’acheter
deux autres machines à pâte grâce
à l’amélioration de son revenu et ses
deux filles aînées lui viennent en aide
aux vues du développement de son acti-
vité. Elle a construit une maison en tôle,
plus solide, au bout du 10ème cycle
de crédit.
Actuellement, elle entame le 12ème
cycle de crédit, ses activités se dévelop-
pent et elle a engagé un employé pour
l’aider.
Son remboursement hebdomadaire
n’a jamais été en souffrance.
92
Am é li or a ti on d e l ’ accè s au x f i nan ce me nt s
Tableau 2 : Simulation d'un remboursement de crédit par cycle
Cycle de crédit 1 2 3 4 5 6 7 8
Chiffres d'affaires 187.500 187.500 250.000 250.000 312.500 375.000 375.000 375.000
Prix de revient
150.000 150.000 200 000 200 000 250 000 300 000 300 000 300 000
(=montant du crédit obtenu)
Bénéfice hebdomadaire 37.500 37 500 50 000 50 000 62 500 75 000 75 000 75 000
Remboursement hebdomadaire 10.700 10 700 14 300 14 300 17 900 21 400 21 400 21 400
Épargne hebdomadaire 1.000 1 000 2 000 2 000 2 500 3 000 3 000 3 000
Dépenses de ménage
25.800 25.800 33.700 33.700 42.100 50.600 50.600 50.600
(fixes et variables)
Montant épargné en 16 semaines 16.000 16.000 32.000 32.000 40.000 48.000 48.000 48.000
93
A m él i or at i on d e l ’a ccè s aux f in anc em e nt s
• En termes de taux de remboursement, le
Madame Caroline, une femme marginalisée de 45 ans, avec 5 enfants à charge,
C A E a f f i c h e u n t a u x à p l u s d e 9 9 %
à échéance alors que le taux des crédits habite à Nanasana Vangaindrano. Elle vend des produits de la vannerie comme
dits classiques tourne autour de 92% activité principale depuis son adhésion au sein de l’association de crédit MAZOTO.
• En termes de nombre d’emprunteurs Elle a pu construire une maison en bois au bout du 9ème cycle et a acheté un vélo afin
dans les 4 caisses concernées par le CAE,
que son fils puisse apporter leurs produits au marché.Actuellement à son 12ème cycle
sur les 3.549 crédits octroyés, 2.200
de crédit, la réussite la pousse à faire mieux afin de pouvoir scolariser un de ses fils
concernent les femmes bénéficiaires de
crédit CAE soit une proportion de 62%. au lycée.
4. Des enseignements à retenir impérativement connaissance de leurs administrés. Ils facili-
pour se lancer dans le CAE tent aussi l’obtention des cer tificats de
résidence, les légalisations de signature : les
La constitution et les caractéristiques de l’AC Une forme de vie associative devrait exister femmes ont moins peur de se présenter
sont des éléments fondamentaux pour la entre les membres du groupe, étant donné au bureau du Fokontany ou au bureau de la
réussite de cette approche, en vue de la four- que le risque de ne former une association Commune car une présentation a été déjà
niture d’un service financier spécifique. Parmi uniquement pour obtenir le crédit existe, et ce réalisée au début de la création de l’AC.
les caractéristiques pouvant tendre vers la risque n’est pas négligeable. L’éducation
réussite, le CECAM a observé et analysé les demeure cependant un service essentiel En cas de problème de non remboursement
attributs suivants : appor té dans cette approche et elle se ou de conflit à l’intérieur de l’AC, l’intervention
développe avec la vie du groupe. Dans une de ces autorités de proximité a été souvent
a. La cohésion entre les membres du groupe vie de groupe, le non-respect du règlement décisive.L’implication des autorités locale
associatif, qui est le lien qui fait que la cau- interne nuira d’abord à la relation entre les vient en complément de la caution solidaire
tion solidaire fonctionne correctement. membres, et induirait aussi un problème vis-à-vis comme une caution sociale/morale renfor-
Cette cohésion se traduit par l’existence de l’IMF lorsqu’un membre est défaillant. çant la maitrise des risques pour l’IMF.
d’un pacte entre les membres et par l’en-
traide au quotidien. De ce qui précède, la réunion hebdomadaire L’intégrité des techniciens de l’IMF dans
b. La diversité au sein du groupe,en effet avec doit être effective pour tous les membres et l’accomplissement de leurs tâches est
ses vécus et ses caractères, leurs origines chacune doit respecter ses engagements également déterminant.Obtenir un prêt en CAE
différentes, l’AC gagne plus en dynamisme en termes de formation et de remboursement est relativement facile par rappor t aux
et la vie interne du groupe est plus enrichie du crédit.Ainsi, l’existence et la dynamique de autres crédits classiques, augmentant en
par les apports de chacune des membres. groupe est importante lorsqu’elles influent conséquence les risques de détournement
positivement sur les membres et leur capacité ou autres combines malsaines de la part des
c. L’existence d’un leader au sein de l’associa- respective à honorer leur engagement. techniciens en charge du portefeuille. Pour que
tion pouvant servir d’animateur et surtout le crédit remplisse ses fonctions économiques
d’exemple pour les autres membres. Dans l’exercice de leur activité et la vie asso- et sociales, des techniciens intègres, cons -
d. L’intégrité de chaque membre du groupe, ciative, l’écoute est importante car les avis cients de la dimension sociale et économique
car un seul membre défaillant peut déman- des unes et des autres, en ce qui concernent du crédit, ainsi que leur rôle d’éducateurs dans
teler totalement le groupe à cause de la leurs pratiques et leurs attentes, pourraient le processus sont des conditions sine qua non.
caution solidaire. aussi enrichir le concept. L’implication des
autorités locales dans le processus, permet Le CAE ne pourrait être soutenue qu’avec un
Dès la constitution de l’AC, il convient de clari- de baliser les risques inhérents au crédit. rapport de confiance entre l’IMF et les femmes
f i e r l e s a t t e n t e s d e s m e m b r e s p o u r Sans leur implication, le processus est voué à membres de l’AC, prises individuellement.Par
éviter l’insatisfaction en cours d’exécution et l’échec. La prise de conscience des autorités ailleurs, les IMF, comme la CECAM, devrait
de ce fait, annuler les effets bénéfiques du des problèmes socio-économiques dans leur aussi pouvoirintégrer des pratiques appro-
c r é d i t . L e s a t t e n t e s c o n c e r n e n t circonscription devrait les amener à considé- priées au contexte particulier de chaque zone
i) l’obtention d’un prêt pour démarrer ou sou- rer le CAE comme un outil efficace pour aider d’intervention et même de chaque AC dans ses
tenir une activité, ii) le suivi des formations, iii) les vulnérables. Ils facilitent l’identification offres de service pour servir plus de femmes
la constitution d’une épargne, et iv) avoir une des femmes cibles et leur intervention permet dans une situation de marginalisation écono-
vie ou expérience associative. aussi de limiter certains risques par leur mique et sociale.
5. Mise à l’échelle…
A l’intérieur du territoire d’un district, la Plus la distance géographique entre les ainsi que des contraintes liées aux infra-
mise en œuvre du CAE est simplifiée par la localités, les différences culturelles et les structures structurantes (voie de communi-
proximité entre les AC et permet ainsi de diversités climatiques sont importantes, cation défaillante et/ou absence de NTIC)
faciliter la reproductibilité des pratiques du plus complexe sera la mise en place du seront également à prendre en considéra-
fait de la quasi-similarité du contexte. CAE. Des contraintes sociales et culturelles tion dans la préparation au CAE.
Mots-Clés : Crédit à terme, cycle de crédit, femmes chefs de ménages, association de crédit, animatrice CAE, Institution de Microfinance, revenu, profitabilité
Auteurs : - RAHERIMANDIMBY Vonjisoa, DAE Atsimo Atsinanana
- RANDRIANASOLO Tahina, CECAM Atsimo Atsinanana,
- RAZAFINDRATSIMA Désiré Person, Directeur CECAM Anosy,
- RAZOMANANA Holy, UNICECAM
94
A m él i or at i on d e l ’a ccè s au x f in anc em e nt s : cr éd i t e t s ubv e nt i on
Efficacité et efficience des services financiers
aux petits producteurs :
subvention de matériels agricoles via
des boutiques d’intrants
C
oncernant le service « Accès aux place du contrôle a posteriori convenu L’instruction des dossiers relevant de
facteurs de production », le plus initialement. Par ailleurs, une partie des l’accès aux matériels individuelsreprésente
demandé par les producteurs au petits producteurs agricoles est peu un volume de travailimportant, alors que le
FDA, différents itinéraires permettent aux habituée à utiliser les services des IMF traitement des dossiers ne demande pas
p e t i t s p r o d u c t e u r s d ’ e f fe c t u e r u n e si bien qu’ils préfèrent payer en totalité nécessairement de qualification spécifique.
demande de subvention au FDAR : leur part de 50% et s’adresser directe- À titre de comparaison, l’instruction d’une
ment au FDA Androy via les CSA ou les demande de formation pourrait demander
1. Le demandeur monte un dossier de projets intervenant dans la région. l’examen du module de formation proposé
demande de f inancement passant ou des suppor ts techniques pouvant
d’abord par un Centre de Ser vices 3. Le demandeur passe par une organisa- conduire à des rectificatifs déterminants,
Agricoles (équipe technique puis comité tion paysanne régionale qui élabore et ce qui ne serait pas le cas pour l’instruction
de pilotage), avant d’être transféré au dépose directement un dossier au d’un dossier de demande de matériels
FDA pour examen par la DR et le CROA. niveau du FDA régional. C’est le cas, par individuels. L’accès aux matériels de
exe mp l e d e 3 0 p et i t s p ro d u c te u r s production reste cependant déterminant
2. Le demandeur passe par une institution agricoles, dont les demandes ont été pour l’amélioration de la productivité
de microfinance (IMF) qui élabore et portées par la chambre d’agriculture agricole et l’intérêt des petits producteurs
dépose un dossier au niveau du FDA régionale. pour ce service est amplement justifié.
régional. Pour ce cas-ci, le demandeur
contribue à hauteur de 50%, dont 30% 4. Un opérateur mettant en œuvre un Afin de continuer à rendre service aux
sont empruntés auprès de l’IMF. Cepen- p ro j e t d e d é ve l o p p e m e n t p o r te l a petits producteurs agricoles et de réduire
dant, en raison de dérapages constatés1, d e m a n d e d e s p e t i t s p r o d u c t e u r s les charges de traitement de ces dossiers
le CROA a décidé que les demandes agricoles en élaborant et déposant un sans perdre en efficacité, une procédure
acceptées par l’IMF soient validées par dossier directement au niveau du FDAR. plus adaptée a été testée et a prouvé un
le CROA avant le déblocage, en lieu et résultat positif méritant une duplication
lorsque le contexte de mise en œuvre le
Nombre permettrait.
Guichet %
de bénéficiaires concernés
Tableau 1 : Les guichets utilisés par les producteurs pour les demandes
en matériels individuels auprès du FDA
1
Il s’agissait notamment de vente fictive de zébu (à une période où les bœufs de trait étaient encore éligibles) opérée au sein de la famille (entre père et fils).
95
A mé li o ra ti o n d e l’ acc ès au x f i nan ce me nt s : cr é d it et sub ve n ti on
L’objectif initial de l’expérience est de
subventionner l’acquisition de 200 petits
matériels agricoles, à titre individuel en quatre
mois, et ce entre le 15 mai et le 15 septembre
Photo 2 :
2017. Toutefois, leprix unitaire des matériels–
Matériels agricoles objet de cette expérience - n’excéderait pas
proposés dans 200.000 Ariary.
la Boutique d'intrants
de Vohimanga Cette expérience constitue une première
p o u r l e F D A A n d r o y e t l e s a u t r e s F D A
régionaux aux regards des dif férentes
pratiques mentionnées plus haut.
2. La Démarche Adoptée
L’ ex p é r i e n c e a i mp l i qu é t ro i s a c te u r s apports bénéficiaires correspondants procédures du FDA et le lien avec les bou-
p r i n c i p a u x – l e s g é r a n t s d e b o u t i q u e n Dépôt des apports des bénéficiaires en tiques d’intrants
d’intrants, l’équipe d’AIM et le FDA Androy – numéraire au niveau du compte spécifique, n Mise à disposition auprès de la boutique
dont les attributions respectives prévues sont ouvert à cet effet d’intrants d’échantillon pour chaque type
les suivantes : n Envoi de la liste des demandeurs avec de matériel agricole éligible3
leurs commandes ainsi que du reçu attes- n Suivi et accompagnement du gérant de la
v Gérant de boutique d’intrants : tant le dépôt des apports bénéficiaires boutique d’intrants dans les aspects
n Signature d’une lettre d’engagement et au FDA Androy organisationnel et administratif
ouverture d’un compte spécifique (IMF) n Commande des matériels auprès des
pour les transactions relatives à la colla- fournisseurs v FDA Androy :
boration avec le FDA Androy n Livraison des matériels aux bénéficiaires n Vérification de la liste des demandeurs
n Sensibilisation des petits producteurs au niveau de la boutique et du reçu relatif au dépôt des apports
agricoles sur l’opération menée et expli- n Envoi des bons de livraison et de la facture bénéficiaires
cation sur les conditions et procédures au FDA Androy n Établissement du bon de commande
appliquées auprès de la boutique d’intrants
n Enregistrement des demandeurs et vérifi- n Vérification des pièces justificatives et
cation de leur statut de petit producteur v AIM virement de la subvention sur le compte
agricole2 n Sélection des boutiques d’intrants IMF du boutiquier
n Établissement de la liste des demandeurs n Sensibilisation de petits producteurs n Visite de contrôle auprès d’un échantillon
avec leurs commandes et collecte des agricoles sur les aspects pratiques et les de producteurs bénéficiaires
2
Selon le protocole de collaboration entre le FDA Androy et l’opérateur AIM, un petit producteur agricole est un agriculteur ou un éleveur comme principale activité économique, sur la
base de leur déclaration. Le protocole n’a pas apporté de précisions particulières ni sur les critères correspondants ni sur les modalités de vérifications.
3
La mise à disposition est faite après l’établissement de la convention entre la boutique d’intrants et le FDA fixant le prix plafond de chaque matériel éligible
96
A mé li o ra ti o n d e l’ acc ès au x f i nan ce me nt s : cr é di t et sub ve n ti on
En plus de ces acteurs, il y a : (i) les demandeurs qui s’inscrivent sur
une liste, paient leurs apports bénéficiaires et procèdent à l’enlève-
3. Des résultats proches
ment du matériel et (ii) les fournisseurs qui approvisionnent la de l’objectif initial
boutique en fonction des commandes.
Le schéma ci-après synthétise les étapes entreprises. A l’issue du délai fixé pour réaliser le test, 178 petits maté-
riels ont été livrés à 131 producteurs, sachant qu’un deman-
Figure 1 : Démarche adoptée lors du test d’une procédure deur a la possibilité de demander plusieurs matérielsà
simplifiée pour la subvention de petits matériels condition que le montant total ne dépasse pas 200.000
individuels Ariary. Sur l’objectif initial de 200 petits matériels agricoles à
livrer, le taux de réalisation est de 89%.
L e m o n t a n t t o t a l d e s m a t é r i e l s l i v r é s é t a i t d e
18.980.000Ariary dont 15.184.000 Ariary de subvention et
3.796.000Ariary d’apports bénéficiaires. L’apport bénéficiaire
constitue 20% de la valeur totale des matériels individuels.
l Une appréhension de la part des pro-
ducteurs combinée à un délai trop
court pour les mettre suffisamment
en confiance
Au commencement de l’expérience, les
a n i m a te u r s c o m m u n a u x d ’ A I M e t l e
gérant respectif des deux boutiques
d’intrants ont mené des actions de sensi-
bilisation auprès des petits producteurs Photo 3 : Gérante de la boutique d’intrants de Beraketa et matériels agricoles
agricoles, aboutissant à un résultat mitigé exposés dans son local
(encadré ci-contre).
fourn i sseur s, al or s que l e g éran t de des boutiquiers aurait dû se faire auprès
Vohimanga a été obligé d’avancer de la des fournisseurs locaux.Il est apparu que
C o n s é c u t i v e m e n t , l e m o n t a n t d e l a
trésorerie pour l’achat des matériels. Ces ces derniers n’ont pas la capacité d’honorer
s u bve n t i o n i n i t i a l e m e n t a l l o u é – d e
deux différentes situations pourraient d’importantes commandes en lien avec
32.000.000 Ariary – n’a été consommé
aussi expliquer le niveau de performance un contexte difficile : i) localité sans élec-
qu’à hauteur de 47%.
d e s d e u x b o u t i q u i e r s à l ’ i s s u e d e tricité obligeant les équipementiers à tout
l’expérience. fabriquer à la main, ii) approvisionnement
Le fait que les producteurs ne sont pas
en fer à partir d’Antananarivo, d’Antsirabe
encore habitués aux services proposés
l Faible capacité des fournisseurs locaux ou de Fianarantsoa, etc. La valorisation
par les boutiques d’intrants aurait pu
Dans une logique de solidarisation de de ces fournisseurs locaux a été rendue
contribuer à ce résultat. L’opérateur AIM a
l’économie locale, l’approvisionnement difficile au cours de cette expérience.
cependant préféréne pas trop élargir le
champ de la sensibilisationau risque Encadré 1 : Prob a bl es ca uses de la fa i bl es se de m oti va t ion de pa r t i ci pa ti on
d’avoir une commande dépassant le des petits producteurs à l’expérience
montant disponible.
Des antécédents, liés à des versements d’apport en numéraire sans obtention
l Difficulté du boutiquier à avancer de de matériels ou aux demandes déposées au CSA mais restant sans réponse, ont été
la trésorerie évoqués comme étant la cause de cette réticence, selon l’un des boutiquiers. Sur un
Une contrainte supplémentaire serait objectif de 100 petits matériels agricoles, seulement 40 ont été commandés et livrés
la trésorerie des boutiquiers. En effet, auprès de 39 producteurs dans son cas.
le FDA Androy n’a octroyé aucune avance
à ces derniers, étant donné que la totalité Du côté de l’opérateur AIM, le temps consacré à l’expérimentation a été limité.
d e l a s u b v e n t i o n a é t é p ay é e a p r è s En effet, bien que le protocole de collaboration entre FDA Androy et AIM ait été signé le
livraison des matériels. La gérante de la 15 mai 2017, les lettres d’engagement des deux gérants n’ont été signées qu’au mois de
boutique d’intrants de Beraketa a pu né- Juillet 2017. La date finale d’inscription des bénéficiaires a été fixée au 15 Septembre
gocier un paiement différé auprès de ses 2017 . La période préalable de sensibilisation a été ainsi fortement réduite.
4
Voir la fiche “Modèles et boutique d’intrants” d’AIM
98
Am él i or at i on d e l ’a ccè s au x f in anc em e nt s : cr éd i t e t subv e nt i on
5
Fiche de suivi du matériel demandé, des apports bénéficiaires correspondants et de la subvention du FDA prévue, bon de livraison, facture.
99
A m él i or at i on d e l ’a ccè s aux f in anc em en t s : c r éd i t e t s ubv e nt i on
La collecte de l’apport des bénéficiaires,
en numéraire, via le réseau des caisses IMF
pour améliorer la traçabilité des versements
Le FDA des Régions Androy et Anosy ont expérimenté des procédures visant à améliorer
l’efficience de ses services et l’efficacité de leurs actions au profit des producteurs agricoles
et des pêcheurs de ces deux régions. Les fiches suivantes présentent ces expériences ainsi que
les leçons apprises au cours de chaque expérimentation.
L
e Fonds de Développement (FDA) de la Cette démarche constitue une première auprès des prestataires. Ces deux pratiques
Région Androy a été mis en place en expérience à Madagascar dans la mesure présentent deux inconvénients respectifs :
Janvier 2014. Parmi l’équipe de cette o ù a u c u n d e s q u i n z e F DA r é g i o n a u x
Direction Régionale(DR) du FDA Androy existants actuellement, n’a, à ce jour, * Pour la première, la traçabilité est relative
figurent des Techniciens d’appui à la adopté ce mode de collecte. et il arrive que le prestataire ne recouvre
Maîtrise d’Ouvrage et de Suivi (TMOS) dont pas réellement l’AB rendant dès lors la
l e s p r i n c i p a l e s r e s p o n s a b i l i t é s s o n t En effet, dans les autres FDA régionaux, collecte fictive ;
(i) d’assurer le suivi du bon déroulement de deux types de collecte et de paiement sont
l ’ e n s e m b l e d e s s e r v i c e s f i n a n c é s , pratiqués : (i) pour le service d’appui à la * Quant aux autres services, soit les frais
(ii) d’informer le CSA de l’évolution des activi- production, le prestataire de service assure de déplacement vers le chef-lieu de
tés, (iii) d’informer la DR sur l’évolution des lui-même la collecte des AB en numéraire et région pour déposer l’AB au niveau du
activités, les effets et impacts des presta- établit un reçu correspondant ; (ii) pour les compte bancaire du FDA régional repré-
tions financées, et (iv) de l’interpeller sur autres services, les bénéficiaires assurent sentent une charge importante, soit la
l’ensemble des dossiers à problème. directement le dépôt de l’AB en numéraire traçabilité n’est pas assurée pour le cas
soit au niveau du compte bancaire du FDA du paiement direct au prestataire.
En vertu du principe de non-gratuité des régional (pour les infrastructures), soit
services, les bénéficiaires paient un apport
en numéraire dont le montant varie en
fonction du type de service, du niveau
d’enclavement de leur commune et de la
présence ou non d’une institution de micro-
finance (IMF) au sein de leur commune .
Cette contribution est communément appe-
lée Apport des Bénéficiaires (AB). La DR a
tenu à ce que ce principe – qui serait un
indicateur de la motivation du demandeur –
soit respecté, même dans un contexte
contraignant où les moyens financiers des
producteurs sont limités. Dans ce sens, elle
a fait le choix d’assurer la collecte de ces
ABen numéraire via une institution de
m i c ro f i n a n c e ( I M F ) , e n l ’ o c c u r r e n c e
la Mutuelle du Mandrare/Fivoy. Ce choix a
été motivé à la fois par l’assurance d’une
traçabilité des versements et la réduction
des frais de déplacement des bénéficiaires.
100
Am él i or at i on d e l ’a ccè s au x f i nanc e me nt s : cr é di t e t subv e nt i on
1. Processus de collecte
et de transfert de l’apport
des bénéficiaires
À l’arrivée des demandes de financement
au niveau du FDA Androy, la DR instruit les
dossiers et les présente ensuite au CROA,
qui ultimement décide de l’allocation finan-
cière. Cette décision est assor tie d’un
procès-verbal et d’annexes incluant, entre
autres, la liste des bénéficiaires avec le
montant respectif de leurs apports respec-
tifs, en numéraire. Dans le cas d’une
réponse positive aux demandes, la DR
informe les Centres de Services Agricoles
(CSA) - le principal guichet pourvoyeur de
dossiers du FDA - et les TMOS en leur
envoyant une copie du procès-verbal de la Photo 4: Une bénéficiaire, dans le cadre de l'expérience, ayant eu accès
session du CROA. Par la suite, les CSA et à un matériel de production
TMOS informent les bénéficiaires à travers
dif férents canaux (visites à domicile, Une fois informé, le bénéficiaire recourt à plusieurs options pour s’acquitter de son ap-
annonce radiophonique, af fichage au port :
niveau de la Commune, collaboration avec
* Option 1 : dépôt au niveau de la caisse de l’IMF située dans le chef-lieu de
les membres des assemblées paysannes district par le bénéficiaire concerné (cas des matériels individuels) ou par le représen-
ou les agents techniques communaux des tant du groupement concerné (cas des services d’appui à la production ou des
projets dans le cadre du programme ASARA). infrastructures) accompagné par le TMOS.
Par souci d’équité et de transparence, la DR * Option 2 : dépôt par un tiers (une connaissance du bénéficiaire) accompagné
du FDA Androy a décidé d’organiser elle-
par le TMOS. L’émissaire reçoit le reçu et le transmet au bénéficiaire.
même la collecte des AB avec l’appui des * Option 3 : dépôt par le TMOS à qui le béné-ficiaire remet son apport
TMOS. Afin de tenir en compte le coût de ennuméraire, en particulier pour les communes éloignées du chef-lieu de district.
déplacement dans les dépenses des Ce cas apparaît, par exemple,pour la Commune d’Imanombo, située à 124 km
demandeurs, le FDA Androy s’est appuyé d’Ambovombe, chef-lieu de district. Le TMOS remet le reçu au bénéficiaire lors
sur le réseau régional des caisses Fivoy, de son passage dans les localités concernées.
implanté au niveau de chaque district.
Le dépôt de l’apport en numéraire se fait
auprès des caisses locales au niveau du
chef-lieu de district et généralement le jour
du marché (photo ci-contre). Cela permet au
bénéficiaire de valoriser son déplacement
pour d’autres activités. Par ailleurs, les
TMOS assurent une permanence au niveau
du CSA lors du jour de marché et peuvent
ainsi accompagner les bénéficiaires ou
leurs émissaires lors du dépôt.
Les montants collectés sont ensuite
transférés depuis ces caisses vers le
compte « Fonds de Service » du FDA Androy
domicilié au chef-lieu de Région avant
d’être reversés au prestataire de service.
101
A mé l i or at i on d e l ’ac cè s aux f i na nce me n ts : cr é d i t e t su bv e nt i on
Photo 3 : Reçu fourni au bénéficiaire par l'IMF. Photo 3 : Carnet de compte du FDA
Androy
1
Selon l’EPM 2010, les dépenses monétaires d’un ménage de la région Androy sont estimées à 54,4% du revenu, ce qui représentent 280.160 Ar (le revenu agricole annuel
moyen d’un ménage de la région Androy est de 515.000 Ar).
102
A mé l io ra t io n de l’ acc ès a ux f i nan ce me nt s : cr é d it e t sub v en ti o n
Si l’intérêt de la procédure n’est plus à
démontrer pour le FDA, l’IMF en tire aussi
un avantage non négligeable. En effet, de
tels dépôts à vue constituent un montant
non négligeable dans sa trésorerie. Lorsque
le calendrier de virement auprès du compte
du FDA est connu au préalable, comme le
cas actuellement, ces montants sont à la
disposition de l’IMF pour son usage et est
donc valorisé dans ce sens. En outre, cette
p r o c é d u r e e x p é r i m e n t a l e e s t a u s s i
un moyen pour sensibiliser les paysans à
l’utilisation d’autres services financiers que
peuvent offrir les IMF et pourraient constituer, Photo 4 : Une bénéficiaire, dans le cadre de l'expérience, ayant eu accès
à termes, un outil de bancarisation efficace à un matériel de production
en milieu rural.
- Infrastructures d'ap-
pui à la 7 5.316.900 759.557 334 15.919
production
- Équipements
2 10.206.000 5.103.000 23 443.739
collectifs
- Matériels
2.797 236.570.000 2.962 79.868
individuels
Renforcement
1 1.806.220 1.806.220 15 120.415
de capacités
TOTAL ou
3.100 276.887.930 89.319 9.807 28.234
MOYENNE
Source : S&E FDA Androy
103
A mé l i or at i on d e l ’ac cè s aux f i na nce me nt s : cr é d i t e t su bv e nt io n
Si les demandes de transferts ne sont pas
3. Contraintes et points Contraintes liées au traitement
régulières, l’IMF n’est pas toujours en
manuel des dossiers
d’attention mesure d’assurer le montant de transfert
demandé dans un délai raisonnable pour une
Le report des opérations sur les carnets IMF
question de trésorerie, ce qui constitue un
n’est pas toujours très rigoureux ; sans
handicap pour le FDA.
Certes, les avantages sont non négligeables, informatique les erreurs sont parfois corri-
mais des contraintes et points d’attention gées avec retard. Les caisses de collecte
sont observés concernant cette procédure. IMF ne sont pas informatisées, du moins au
4. Enseignements et mise
R isques liés aux d épositaires
niveau des caissiers et la situation est telle
en perspective avec les
alternatifs
qu’il n’est pas toujours aisé de procéder
au contrôle des reports du montant des
procédures du FDA
apports versés au moment du dépôt, en
L’expérience de la collecte de l’appor t
Lorsque le coût de déplacement du paysan particulier quand les bénéficiaires concer-
en numéraire des demandeurs de finance-
surpasse le montant de l’apport à verser nés sont en nombre important. Toute la ges-
m e n t s a u p r è s d u F DA a m o n t r é p l u s
dans la caisse de l’IMF la plus proche, le tion se fait sur support papier et la DR ne
d’avantages que de contraintes, certes à
recours au TMOS pour assurer la collecte et dispose des informations qu’à chaque fin de
lever. Les risques potentiels sont inhérents
le paiement est préconisé. Ce sont notam- mois, lors de la réunion mensuelle des TMOS,
aux zones enclavées et faiblement desser-
ment les cas des paysans habitant les et se base sur les copies des carnets
vies en infrastructures structurantes.
communes situées dans la partie Nord du transmises… Les erreurs sont par fois
district d’Ambovombe. De telle démarche constatées avec plusieurs mois de retard. Parmi les enseignements à tirer, les parties
est lourde à mettre en place et délicate prenantes ont noté la nécessité de réduire
pour le TMOS en termes d’insécurité. Handicap lié à la durée relative- la longueur de la procédure de transfert
ment longue du transfert entre effectif, et le rapprochement des informa-
En outre, certains paysans souhaitant éviter l’IMF local et le compte « fonds de tions bancaires entre les caisses locales
les déplacements font appel à des intermé- service » et le compte final du « Fonds de service ».
diaires qui ne sont pas toujours fiables. Ils
Ensuite, les alternatives adoptées par les
peuvent se retrouver dans une situation
Le transfert des fonds est assez long et se bénéficiaires pour éviter le déplacement
d’attente, croyant au paiement de leur
fait en trois étapes : de la caisse IMF du vers le chef-lieu de district montrent
obligation, alors qu’il n’en est rien. Bien que
chef-lieu de district vers la caisse centrale l’importance de la proximité. Il est tout à fait
fortement déconseillée, cette pratique tend
IMF du chef-lieu région puis vers le compte envisageable d’augmenter le nombre de
à se maintenir.
b a n c a i r e Fo n d s d e S e r v i c e s d u F DA caisses de collecte pour limiter les frais de
Androy. La vérification de l’effectivité des déplacement des paysans-bénéficiaires.
Charge de travail supplémentaire transferts se fait par échange de courrier Cela implique une ouverture de comptes
de la DR entre la direction de l’IMF, le TMOS et la DR FDA au niveau des différentes caisses
du FDA. Il en est de même pour la demande disponibles et le dépôtpourrait être facilité
Le dispositif de collecte des apports exige de transfert et le déclenchement du proces- par une meilleure collaboration avec l’IMF –
une présence du TMOS pour accompagner sus de transfert. Il arrive que la demande en lui fournissant la liste des bénéficiaires
les bénéficiaires au moment du dépôt ou soit faite de manière peu irrégulière et sans et le montant de leurs apports en numéraire
effectuer même le dépôt. Cela constitue visibilité, l’IMF peut aussi manquer de respectifs - afin de supprimer l’accompa-
donc une charge de travail supplémentaire trésorerie. Cette durée relativement longue gnement du TMOS lors du dépôt.
pour le TMOS. La traçabilité des versements du transfert est un handicap dans la procédure.
demande donc de la rigueur de la part du Cela demande une grande rigueur et des Nonobstant ces considérations, il est à
TMOS pour vérifier l’exactitude du montant échanges de courriers réguliers avec la noter que la traçabilité de la subvention
payé, le numéro de dossier correspondant, direction Fivoy pour commanditer les transferts prime pour le FDA. Le justificatif du verse-
la vérification des écritures passées par le puis s’assurer, via le TMOS, que ces transferts ment de l’apport bénéficiaire étant jugé
caissier, etc. sont bien mentionnés dans les carnets. suffisant qu’il soit établi par une IMF ou par
un prestataire de service. Le FDA national
* S’il y a des erreurs, notamment si * Si un dossier est annulé, par prévoit le versement de la subvention au
le montant effectivement payé ne exemple, à la suite d’une défaillance niveau d’un compte ouvert par le bénéficiaire
correspond pas au montant dû, de prestataire de service, le FDA auprès d’une IMF. L’AB pourrait donc également
il est impératif que le bénéficiaire Androy procèdera au rembourse- être versé au niveau de ce compte et le reçu
procède à un versement complé- ment de l’apport au demandeur. correspondant fera office de justificatif.
mentaire. Ce sont des opérations addition- Pour ne pas alourdir le déplacement des
nelles à réaliser pour le TMOS, bénéficiaires et au regard des alternatives
Mots-clés : Fonds de développement agricole (FDA),
Subvention aux agriculteurs, traçabilité des nécessitant de la rigueur, et à adoptées par ces derniers pour éviter le
versements, Institution de Microfinance (IMF), déplacement vers le chef-lieu de district, il serait
apport des bénéficiaires,
enregistrer respectivement au
TMOS et à la DR. pertinent pour les bénéficiaires d’ouvrir ce
Auteurs : - Holy Raharinjanahary, consultante Afdi compte au niveau de la caisse la plus proche
- Afdi
de leur lieu de résidence permanente.
104
A mé l i or at i on de l 'ac cè s a ux f i na nce me nt s
Appui au secteur pêche
à travers le fonds de développement agricole
dans la région de l’Anosy
Par ailleurs, les villages de pêcheurs se
1. Une activité artisanale exposée à de nombreuses trouvent, la plupart du temps, dans des
contraintes mais avec un fort potentiel zones difficiles d’accès, éloignées des
de développement marchés. La vente de chaque capture se
fait au jour le jour et les produits sont
Le FDA de la Région Anosy a été financé Des matériels et équipements de capture presque tous écoulés à l’état frais emprun-
par l’Union Européen (projet ASARA), très sommaires. La majorité des pêcheurs tant un circuit de commercialisation très
appuyé par CARE International, à partir de traditionnels ont comme seul équipement simplifié. La capture d’un pêcheur, à la
janvier 2014. Les demandes de subvention une palangre, un filet à maillant, des méthode artisanale, au cours d’une année
auprès du FDA de la Région Anosy, concer- nasses et des pirogues monoxyles en bois. est estimée à 600 kg. Il travaille tous les
nant le secteur pêche, sont relativement Le coût d’équipement d’un pécheur s’élève jours sauf le dimanche, lorsque les condi-
bas, représentant 17% des demandes en moyenne à 800.000 Ariary (100.000Ar tions sont favorables, mais plus intensé-
reçues. Elles concernent généralement le pour la palangre, 100.000Ar pour le filet à ment d’avril à novembre.
service « formation » et « matériels et équi- maillant, 8.000Ar pour une nasse etla pi-
pements » mais les pêcheurs sont généra- rogue revient entre 450.000 à 650.000 Ar) Un circuit court de commercialisation des
lement davantage intéressés par des .L’acquisition des matériels se fait par les produits de la pêche frais et/ou conservés,
appuis en équipements. Le coût moyen des propres moyens du pêcheur. Avec des ou transformés.La demande locale des
demandes en matériels et équipements équipements et matériels sommaires, ils ne produits de pêche est limitée, d’une part, à
s’avère cependant élevé, et les plafonds de peuvent pas accéder à de nouveaux sites cause des habitudes culinaires et, d’autre
subvention fixés par le Manuel de Procé- de pêche, plus éloignés en mer, au péril de part, par le faible pouvoir d'achat de la
dures du FDA font que de telles demandes leur sécurité. population. La population locale est habituée
soient relativement limitées1 . à consommer du poisson frais. Les produits
1
Jusqu’en juin 2017, le plafond de subvention du FDA pour du matériel individuel ‘non motorisé’ était de 250.000 Ar, il a été relevé à 2.000.000 Ar par la suite
105
A m él i or at i on d e l 'a ccè s aux f in anc em e nt s
La pêche langoustière est une des filières
porteuses de l’Anosy. Elle se pratique
d’avril à décembre, et la fermeture est
fixée entre janvier etmars, en vue de la re-
production naturelle. La quantité de prise
de langouste par pirogue peut atteindre
30kg à chaque sortie.
Un collecteur achète en moyenne 500kg
de langouste par jour, payée au pêcheur
20.000Ar/kg.
Les collecteurs livrent ensuite les exporta-
teurs basés à Taolagnaro, qui estiment
à 160 tonnes la prise annuelle dans les
normes.
Photo 2: Grattage des œufs de langouste ovée interdite et pourtant
pratiquée localement
Les langoustes sont pêchées à la perche ce langoustes et également à la détérioration g o u s t e d a n s l e s z o n e s d e c a p t u r e
qui nécessite des moules comme appâts. d e s p r i s e s p a r l a c o u p u r e d e l e u r s habituelle. Pour influer sur ces multiples
La production naturelle de moules ne antennes. Les pêcheurs ne rejettent pas contraintes, le FDA Androy a soutenu des
répond plus à la demande accrue du sec- les jeunes langoustes et les femelles en actions à la demande des pécheurs, de
teur. Les pêcheurs utilisent alors le filet phase de reproduction, contribuant ainsi à leur organisation et des centres de services
mais ceci conduit à la capture de jeunes la diminution rapide de la réserve de lan- du secteur.
106
A mé l io r at io n de l 'acc è s a ux f i na nce me nt s
107
A m él i or at i on d e l 'a ccè s aux f in anc em e nt s
La transformation des produits frais crée
de la valeur ajoutée
Les produits de pêche ont augmenté avec l’utilisation de
matériels et équipements plus modernes. Les produits des
captures sont désormais commercialisées en produits frais
et en produits transformés grâce à des techniques de
fumage, de salage et de séchage. Peu coûteuses, ces
techniques réduisent les pertes des produits frais et
permettent aux consommateurs d’avoir des produits de la
mer toute l’année sur le marché local car ils se conservent
aisément. L’application de cette technique a, non seulement,
eu un impact sur l’amélioration du revenu des ménages,
mais a pallié aux périodes de soudure par la consom-
Photo 3: Le thon fumé est un produit apprécié et compétitif sur le marché mation des produits transformés et conservés.
Le FDA a soutenu la pêche langoustière
via les actions financées en recherche
appliquée : i) système de multiplication et
de grossissement des moules, ii) conduite
des viviers flottants à langouste ovée.
La première étape de l’expérimentation
a été réussie, les 16 femelles ovées sont
vendues et les œufs relâchés. Les pêcheurs
de langoustes ont été informés que les
œufs peuvent être relâchés au bout de
21 jours et la pratique de grattage ne se fait
plus. Les pêcheurs ont confectionné leurs
p ro p r e s c a s i e r s , l o c a l e m e n t a p p e l é
« fameloma » au lieu et place des viviers
p o u r g a r d e r l e s f e m e l l e s o v é e s . E n
moyenne, un pêcheur dispose d’un à trois
casiers.
L’expérimentation de parcage de langouste
ovée, est étendue dans les zones suivantes
: Sainte Luce, Evatraha, Ambolovohitsy
et Ambinaninibe.
La mise en place des bassins contrôlés ou
l’utilisation des viviers flottants par les
Photo 5: Modèle de vivier flottant pour le pontage des langoustes ovées pêcheurs semblent être sur la bonne voie,
grâce à la réussite de cette expérience et
aussiaucontrôle régulier des agents de la
DRHP. Sur 150 pêcheurs de langoustes de
Taolagnaro enquêtés en 2017, 119 déclarent
utilisés du « fameloma » lorsqu’ils capturent
des femelles ovées. Le littoral de l’Anosy
s’étend sur 200km, et réunit 70% de la
réserve langoustière de Madagascar. L’envi-
ronnement marin y est donc favorable mais
les pratiques de la pêche langoustière
menace dangereusement l’espèce. 30% de
la capture est inférieure au seuil de tolé-
rance de 20 cm, sans parler du grattage
des œufs de femelles. Le parcage apporte
ainsi une solution pour que l’espèce soit
préservée, assurant ainsi un revenu perma-
nent pour les pêcheurs et les autres profes-
sionnels dont les activités dépendent de la
pêche langoustière. Photo 6: Production de langouste, une niche pour les pêcheurs artisanaux
Mots Clés : Fonds de développement agricole (FDA), pêche artisanale, innovation, grossissement de moules, parcage de langouste ovée, transformation de produit de mer, materiel
et équipement de pêche
Auteurs : - ANTILAHY Herimpitia Estelle Rolande, Consultante
- CARE
109
Page de garde 5:Mise en page 1 06/05/2018 17:30 Page 1
Genre et gouvernance
Coordination locale
des projets d’appui au développement
pour une pérennisation des actions
Dans le district de Vangaindrano, Région Atsimo Atsina- houlette du Maire en exercice, a été considérée comme
nana – littéralement Sud-Est, classée parmi les moins un cheminement et uneopérationvisantcette coordination.
avancées du pays, l’amélioration de la coordination des Le SAD est un service aux mêmes titres que les services
actions de développement au niveau d’une Commune communaux usuels tels que la voirie, l’ état civil, les
a été considéré comme un facteur contribuant, voire actions socio-culturelles, etc., alors que le SLC est un
déterminant, sur la pérennité des acquis des projets de espace de concertation de tous les acteurs intervenants
développement exécutés sur le territoire communal. La dans la Commune. La redynamisation du SAD et du SLC
coordination se manifesterait par l’usage à bon escient de a été testée dans une vingtaine de Communes du District
toutes les ressources locales disponibles mais parfois l de Vangaindrano, et a démontré des résultats positifs
imitées – humaines, financières, technologiques et maté- pouvant être reproduits au profit d’autres Communes ru-
riels, etc. au niveau des communes rurales pour avoir un rales de Madagascar. Des leçons s’en sont également
impact plus élargi sur les populations, une des gages de la dégagées afin de mieux appréhender les contraintes de la
viabilité des acquis. La mise en place ou la redynami - mise en place ou de la redynamisation de ces deux services
sation d’un Service d’Animation du Développement communaux et garantir un développement durable prenant
(SAD) et du Service Local de Concertation (SLC), sous la ses racines à partir des collectivités territoriales de base.
1. Les Communes : des territoires sous-administrés
Administrant au moins 10.000 habitants, les communes, objet En l’absence d’une stratégie pour augmenter et renforcer la capacité tech-
de cette expérience, disposent de 7 à 10 personnels exécutifs et nique du personnel communal, il s’avère judicieux de gérer le problème de
environs une vingtaine si on y inclut les conseillers communaux. La coordination présent, du fait de l’existence de multiples acteurs qui inter-
population dispose donc d’un agent de la commune pour 1.478 à viennent dans les Communes. Le but est de permettre aux élus et exécu-
1.000 administrés. Faute de rémunération, voire d’un manque de tifs communaux actuels de construire les édifices de la pérennisation des
motivation et de contrôle, les agents de la commune ne travaillent pas acquis de tous les projets de développement au sein de leur territoire.
non plus en permanence. Une situation tendant à s’empirer dans les
communes rurales enclavées. La redynamisation du Service d’Animation de Développement (SAD) et le
Service Local de Concertation (SLC), régie par la législation et la règle-
Dans un autre registre, des organisations menant des projets de mentation en vigueur, a été choisie comme démarche pour coordonner
développement s’implantent dans ces communes sur une période toutes les actions au sein d’un territoire communal.
déterminée et travaillent directement avec les administrés pour
plusieurs raisons. D’abord, la recherche de l’efficience pour cibler Encadré 1: Cadre Législatif et règlementaire d'un SLC
directement les populations dans le besoin et la participation active.
La loi organique n° 2014-018 du 14 août 2014, sur la décentrali -
Ensuite, l’absence évidente de leadership de la part de la commune
sation à Madagascar, dans son article 15 stipule : « La mise en
(bureau désert, document de stratégie et de planification inexistant,
œuvre des compétences et des attributions des Collectivités décentra-
etc.) est invoquée comme récurrente. Enfin, des potentiels détourne-
lisées s’exerce de manière participative et en toute transparence. A cet
ments de l’objectif des projets en politique partisane et des conflits qui
effet, les Collectivités territoriales décentralisées doivent mettre en
en sont générés au détriment des administrés ; complètent les argumen- place une structure deconcertation. Les modalités d’application du
taires pour ne pas canaliser les actions, dès la conception et le commen- présent article seront précisées par voie réglementaire ».
cement des projets, dans les arcanes de l’administration communale.
Le décret n° 2015 – 957 relatif à la Structure Locale de Concertation des
Lorsque plusieurs acteurs interviennent de la même manière au sein Collectivités territoriales décentralisées stipule dans son article 3 :
d’un territoire communal, le risque de délivrer des messages contra- « La Structure Locale de Concertation est un espace de dialogue et
dictoires existe et a été même prouvé à plusieurs reprises. Les de consultationpermettant la participation inclusive de tous les
ressources disponibles ne sont pas utilisées efficacement : la multipli- acteurs de développement aussi bien publics queprivés.Elle cons -
cation des comités ad hoc attribuée à telle ou telle autre organisation titue un outil d’aide à la définition, à l’orientation, aux modalités de
dans une même localité est un des exemples les plus connus, entrai- mise en œuvre et desuivi-évaluation des politiques publiques de la
nant parfois la répétition sans fin d’une même activité pour une Collectivité.Le principe de fonctionnement de la Structure Locale de
même catégorie socio-économique de population plus ou moins à la Concertation est de favoriser la libertéd’expression, la participation,
même période. Pire, les résultats positifs ou acquis d’un projet ne l’engagement et la responsabilisation des citoyens ».
durent pas, faute d’un leadership et d’une structure pérenne impli-
quée dans l’exécution, permettant d’administrer la continuité voire Dans son article 2, le même décret stipule que « Le chef de l’exécutif
l’extension des activités sur l’ensemble du territoire communal. Dans de chaque Collectivité territoriale décentralisée crée par voie d’arrêté
la plupart des cas, les impacts du projet s’estompent dès la fin du une Structure Locale de Concertation, après délibération du
financement, à l’exception de infrastructures dont la gestion Conseil.Une copie dudit arrêté est transmise au Représentant de
l’État territorialement compétent pour contrôle de légalité ».
s’émousse et laisséeaux usagers sans suivi et contrôle.
112
G en r e e t g ouv e r nan ce
2. Une démarche expérimentale encadrée par la réglementation
La mise en place du SAD au niveau des 23 communes du district de Vangaindrano
s’est faite en deux étapes :
Première étape : Test de l’approche et de l’outil auprès de trois Communes : Commune
Urbaine de Vangaindrano, Communes Rurales d’Ampataka et de Tsiately.
Au cours de cette phase test, les activités se sont déroulées de la manière suivante :
• Information et sensibilisation des 3 Maires sur le SAD et le SLC : • La responsabilisation de la Commune pour que les discussions sur
- La définition et les raisons d’être du SAD, le développement soient issues de la population de base.
- Les interventions (activités et zones) de chaque animateur, - Planification de réunions périodiques ;
résumées sur un croquis simplifié. Cette spatialisation est un outil - Conseil et appui technique aux Maires pour latenue périodique et
permettant de constater visuellement d ‘une manière succincte à intervalle régulière des réunions SAD ;
la situation de la commune en termes de développement. - Alimentation et mise à jour des données sous différentes formes :
- L’intégration de toutes les interventions des membres SAD cartographie illustrative, tableau illustratif, document physique, ...
surtout dans le domaine de la sécurité alimentaire. Au cours de cette première étape, le personnel de FIANTSO a joué le
Entre un ou deux mois après ce premier contact avec le Maire, une rôle de secrétariat et a diffusé le compte rendu de réunion auprès des
première réunion du SAD est convoquée par le Maire. participants.
Deuxième étape : À la suite des premières expériences dans les
3 communes mentionnées précédemment, le processus a été Service d’Animation Service Local
dupliquée auprès des 20 communes restantes, à savoir : Masianaka,
de Développement (SAD) de Concertation (SLC)
Matanga, Ampasimalemy, Mahabe, Marokibo, Manambondro,
Outil d’aide à la définition,
Fenoambany, Sandravinany, Vohimalaza, Isahara, Lopary, Soamanova,
à l’orientation, aux modalités
Vohitrambo, Ranomena, Ampataka, Bekaraoka, Tsianofana, Anilobe, Outil d’éclairage technique
Fonction
de mise en œuvre et de
Bevata, Ambongo. de la SLC
suivi-évaluation des politiques
publiques de la Collectivité
Des séances de sensibilisation et de redynamisation ont été menées
sous l’égide du Maire, suivis de la spatialisation des interventions - Le représentant de la Commune
sur le territoire de la Commune, et la planification des réunions désigné par le Maire ou son
• L’Exécutif et l’organe
périodiques (mensuelle ou bimestrielle) du SAD. adjoint, ou un autre personnel délibérant de la Commune ;
rétribué sur le budget
En 2016, le SAD a été révisé du fait de sa complémentarité à la communal. Il est le leader du SAD, • Les Services Techniques
déconcentrés implantés dans
structure locale de concertation qui joue d’autres rôles. Les principaux - Les techniciens d’appuis sur le ressort de chaque Collecti-
rôles du SAD sont : terrain des organisations vité territoriale décentralisée ;
• L’animation du développement communal avec et pour les exécutant des projets
• Les Opérateurs Économiques ;
de développement,
populations de base ; • Les Organisations de la
• L’élaboration et la réactualisation des documents cadres du - Les membres des Assemblée Société Civile ;
Paysannes (CSA),
développement communal en collaboration avec les autres • Les Notables et Leaders
partenaires intervenants dans la Commune ; - Les membres du Tranoben’ny traditionnels ;
Membres
• L’appui aux assemblées paysannes (AP) et des membres du Tantsaha communal,
• Les partis et organisations
Comité de Pilotage du Centre de Servie Agricole (CSA) dans - Les paysans leaders (PL) politiques locaux ;
l’émergence et la remontée des demandes paysannes ; et paysans formateurs (PF) • Les Associations des
encadrés par les organisations femmes, des Associations
• L’assurance de la priorisation des activités de dévelop -
exécutant des projets des jeunes et des groupes
pement au niveau de la commune ;
de développement, vulnérables ;
• La participation à la sensibilisation et la mobilisation des
- Les Animateurs Communau- • Les cellules de concertation
paysans sur les innovations ; existantes
taires (AC) et Animateurs Com-
• L’appui à la coordination et le pilotage du processus de munautaires nutritionnels (ACN). • Les représentants des
développement local ; Fokontany pour les
- Les Services Techniques
• L’éclairage technique dans la concertation (SLC), la consul- déconcentrés implantés dans le Structures Locales de
Concertation communale
tation pour améliorer les délibérations communales en ressort de chaque Collectivité
faveur du développement local territoriale décentralisée
113
G e nr e e t go uv e rn anc e
Un Atelier-test, basé sur le concept ajusté
du SAD, a été organisé dans la Commune
Rurale de Vohitrambo en Novembre 2016 pour
partager l’importance de la concertation et
d’éclairage technique, entre les membres
composant le SAD de la Commune, etle rôle de
la coordination dévolu à la Commune. Les par-
ticipants1 ont été composés des techniciens
des ONG (FIANTSO, WHH, GIZ) et autres ac-
teurs de développement (CECAM, FDA, CSA),
d e s AC e t AC N , d e s P ay s a n s L e a d e r s e t
Paysans formateurs. Durant cet Atelier, chaque
intervenant a détaillé ses activités dans la
Commune et les possibilités d’intégration avec
celles des autres. Photo 1: Atelier SAD au profit de la Commune Rurale
de Vohitrambo
Troisième étape : FIANTSO a procédé à un accompagnement plus rapproché des SAD qui se sont impliqués activement
dans la mise en œuvre.
Trois ateliers2 ont été organisés pour déterminer l’importance du SAD dans les actions de développement et son utilité
pour la Commune.
3. Un début prometteur de coordination locale et communale des actions
de développement
Parmi les vingt-trois, huit SAD sont classés « Parmi elles, se distinguent nettement les Ces préconditions sontnécessaires pour
assez dynamiques ». Il s’agit des communes communes rurales de Lopary et de Masia- faire fonctionner durablement ce type
de Lopary, Soamanova, Vangaindrano, n a k a q u i o n t c o m m e n c é à t e n i r d e s d e s e r v i c e é t a n t d o n n é q u e l e s é l u s
Ampasimalemy, Bekaraoka, Masianaka, réunions périodiques du SAD et les techni- communaux, particulièrement les Maires,
Matanga et Mahabe. Les critères de classe- ciens de FIANTSO, mettant en œuvre le s’intéressent plutôt à la construction d’infra-
ment des communes selon leur dynamisme projet REEL, sont invités en tant que mem- structures physiques qu’à la gestion et la
sont : bres du SAD. La pérennisation du système planification de ces constructions. Il importe
est effective dans ces deux Communes. peu, dans beaucoup de cas, si les infra-
- Inscription des réunions SAD dans structures répondent ef fectivement à
l’agenda du Maire Les communes, à travers les animateurs du des besoins prioritaires ou si elles seront
- Tenue de réunion périodique et systé- SAD, disposent de savoir-faire etd’outils de utilisées et gérées convenablement. Grace
matique du SAD visualisation/spatialisation des actions de à la mise en place du SAD, en termes de
- Participation active des animateurs de développement qui sont réalisées sur son programmation, la Commune rurale de
développement local dans les réunions terri toire. Cette méthode ainsi que la Lopary a procédé à l’élaboration du PAC
du SAD démarche et les outils utilisés sont aisé- (Programme d’Activités Communautaires)
- Disponibilité et mise à jour des données ment reproductibles au niveau localpar les relatif à la santé et à la nutrition initié par la
sur la situation de sécurité alimentaire techniciens de la Commune et les chefs fo- Croix Rouge Malagasy, à travers le projet
et d’informations techniques et écono- kontany,sans l’intervention financière et « Rongatry ».
miques au niveau de la Commune technique des promoteurs de projets de
développement. Les Communes disposent d’un espace de
concertationpour débattre des problèmes
La capacité technique existe donc, mais de gestion à l’intérieur de son territoire. Le
mener de telles activités nécessite cepen- cas de la Commune rurale de Matanga en
dant des préconditions : est une illustration : « La dégradation de
• Une conviction des élus et de l’exécutif piste d’accès vers les fokontany a entraîné
communal de l’utilité de la spatiali - l’inflation du prix du riz sur le marché. Le
sation dans la définition des plans ou problème a été évoqué et discuté au niveau
programmes d’actions communales SAD, et a abouti à la sortie d’un arrêté com-
coordonnés munal réglementant l’utilisation de la piste
• Une volonté de l’exécutif d’accomplir présentement en réhabilitation »
Photo 2: Croquis des interventions régulièrement cette activité avec les
dans la CR Ampasimalemy responsables locaux concernés.
1
Avant 2016, les autorités traditionnelles ont été membres du SAD mais la pratique a vu qu’ils sont mieux places dans le SLC qui est l’outil d’aide à la décision de la Commune.
2
Un atelier pour chaque zone dans le District de Vangaindrano : Nord, Sud et Centre
114
G en r e e t g ouv e r nan ce
Le cas des minorités et des groupes margi- Le SAD se présente également comme un
nalisés, trouvent des défenseurs dans une canal d’information vers les administrés à
s t r uc t ur e c om m e l e SA D . L e c a s d e s travers les animateurs du développement
femmes formatrices sans terre de Lopary a qui y participent. Ainsi, les réunions du SAD
été exposé/discuter à la réunion du SAD, ontpermis par exemple d’informer sur
compte tenu de l’existence d’une loi garan- l’existence de loi interdisant l’utilisation des
tissant l’octroi gratuit par l’État des terres vaches comme caution de garantie dans la
moins de 10 hectares « non exploitées ».. microfinance, de présenter les prestataires
de service aux agriculteurs, et à partager
des sur les concours agricoles.
Ces résultats particuliers atteints néces -
sitent cependant une adhésion de la part Photo 4: Réunion du SAD
des porteurs de projet de développement, dans la Commune rurale de Marokibo
actifs dans les Communes, pour participer
dans les réunions régulières du SAD, sans petits producteurs agricoles via les PL et PF
que cela ne devienne une imposition de la membres du SAD d’entreprendre des
part des élus communaux. démarches auprès du CSA. Ainsi, le nombre
de demandes parvenues au CSA au cours
A l’échelle du district, les demandes pay- de l’année 2017 est au nombre de2.664.
Photo 3: Champ de Culture sannes parvenues au Centre de Service Ces demandes concernent notamment les
de Mahampy à Iabomora, CR de Lopary Agricole CSA « MirayHina » de Vangaindrano petits matériels agricoles pour le marai-
ont été relativement faibles, de l’ordre chage et l’horticulture, les matériels de
Dans un autre registre mais pour tant de 542demandes pour l’année 2015. La pêche pour les pêcheurs artisanaux, des
corrélé, en guise d’avancées sur ce sujet redynamisation du SAD, dans ces 23 com- semences et des intrants pour la culture de
sensible dans le Sud-Est, les « lonaky » ont munes, avait permis de sensibiliser les légumineuses, etc.
mis à disposition dugroupement de femmes
« Miaramandroso » d’Iabomary dans la
même commune deLoparyun terrain d’un
hectare pour cultiver le « mahampy », princi-
pale matière première pour la vannerie, et
qui fait la renommée de cette commune ;
quand la situation de ces femmes ont été
abordées au cours de la réunion périodique
du SAD.
4. Mesurer les performances du SAD pour sa durabilité
Au-delà des critères pour mesurer le dynamisme du SAD Ces performances suggèrent que :
mentionnés plus haut, une tentative de mesure de la
performance du SAD est décrite ci-après : - En amont :
• Données sur les secteurs d’activités prioritaires de la • Les autorités traditionnelles participent dans les processus
commune régulièrement mises à jour : semestriel de prises de décision de la Commune et se conforment aussi
ou annuel à l’application et le suivi des décisions prises
• Existence d’un outil de programmation ou de plani - • Les membres du SAD, notamment les animateurs des projets de
fication des activités de développement élaboré par développement implantés sur le territoire communal et les paysans
l’exécutif communal : soit à l’échelle du fokontany, leaders et formateurs, informent régulièrement et de manière intègre
soit à l’échelle de la commune, soit à l’échelle intercom- l’évolution des conditions de vie de la population locale
munale
• Existence de réglementation ou de décision concertée - En aval :
de l’exécutif communal avec les autorités tradition- • Les planifications et/ou programmations existantes sont connues
nelles à la suite d’un débat au sein du SAD par les concernés et sont appliquées selon le planning
• Application effective des réglementations ou décision • Les nouvelles règlementations sont rendues exécutoires dès que la
concertée prise, sous contrôle de légalité légalité est contrôlée et confirmée
Mots Clés : Collectivité territoriale décentralisée, Commune Rurale, Service d'Animation du Developpement (SAD), Service Local de Concertation (SLC), coordination,
projet de developpement
Auteurs : - ANTILAHY Herimpitia Estelle Rolande, Consultante
- FIANTSO
115
G e nr e e t go uv e rn anc e
Plaidoyer
pour l’Accès des femmes rurales à la terre
en vue de leur autonomisation
Les femmes chefs de ménages du district de 1. Des femmes chefs de ménages marginalisées
Vangaindrano, estimées à 52% des chefs de et pourtant contributeursaux activités
menages en 2016, sont les principaux
pourvoyeurs de revenu pour assurer la économiques et sociales locales
subsistance de leurfamille. Avec des enfants L’ethnie Antesaka, à l’instar des sociétés patriarcales, accordent une
à charge, celles-ci ne disposent pas de primauté aux hommes surtout les ainés dans les décisions sociale, écono-
parcelles agricoles du fait d’une organisation mique, et règlementaire régissant leur communauté. Cette supériorité
sociale et économique garantissant s’applique prioritairement à l’obligation sociale communément appelée
l’exploitation de la terre à ceux qui honorent « Adidy », et dont le droit correspondant est l’accès aux facteurs de produc-
les obligations sociales ou « adidy ». en tion les plus importants en milieu paysan, la terre. Ainsi, les rizières, les
parcelles agricoles alluvionnaires, et même les collines [re]boiséesse trans-
étant mariées ou en couple, la femme
mettent entre le père et celui qui honore l’Adidy, ses sœurs étant supposées
beneficie de l’usage de la terre avec son bénéficierd’un droit d’usage et d’exploitation des parcelles agricoles chez sa
conjoint mais en beneficie rarement en cas belle-famille et ayant aussi les mêmes conditions obligataires. Cette
de séparation, alors qu’elle est aussi celle primauté due à un règlement communautaire, somme toute logique, a été
qui, souvent, a la charge des enfants du dénaturée au fur et à mesure pour aboutir à ce que les enfants mâles soient
couple. Elles deviennent donc des salariés aussi priorisés pour la scolarisation si les parents ne disposent pas de
agricoles, à la recherche d’un travail au jour moyens suffisants pour traiter de manière égalitaire tous leurs enfants. La
le jour. Rares sont celles qui ont un travail faiblesse du revenu a conduit à prioriser ceux qui doivent honorer l’Adidy au
independant leurpermettant d’être nom et pour le compte de la famille.
autonomes financierement.
Cette pratique est fermement et jalousement gardée par les hommes de la
communauté pour plusieurs raisons plutôt contemporaines, mais pas néces-
Du fait de son role economique et social sairement par respect de la tradition. Parmi ses raisons, les suivantes méritent
evident, l’acces à la terre pour ces femmes d’être mentionnées :
devrait evoluer vers une application effective
de leur droit. ce droit etant deja garanti par Du coté des hommes :
les lois foncieres à Madagascar. en parallèle,
- La diminution évidente des parcelles agricoles exploitées par un
la capacité technique de ces femmes chefs ménage, connu sous le phénomène de « micro-parcellisation des
de ménages à développer une activité indé- parcelles agricoles due à l’héritage ». Même partagé entre
pendante génératrice de revenu mérite aussi enfants mâles uniquement, rares sont les héritiers qui ont
un renforcement immédiat. Si les femmes exploité de nouvelles parcelles par manque de technique et de
démontrent qu’elles ont la capacité perspective de gestion rationnelle du terroir. La micro-parcelli -
d’améliorer leur niveau de revenu, grâce à sation serait bien évidemment exacerbée s’ils vont devoir partager
l’accès à la terre, et contribue au les terres agricoles avec leurs sœurs.
dévelop pement économique local, le statut - La crainte d’un partage de décision économique avec la belle
quo pourrait évoluer. famille de leurs sœurs ou inversement la volonté de réduire le
nombre des décideurs sur les ressources productives et donc les
Le travail de plaidoyer mené par l’ONG produits qui vont en découler. Les femmes sont toujours consi -
FIANTSO et ces femmes chefs de dérées comme dépendante de leur conjoint, et une fois en couple
ménages dans 7 communes du district de ou mariée leur mari parlera et décidera aussi pour son compte.
Vangaindrano, avec ses allies, auprès des
Du coté des femmes :
autorités traditionnelles et communales, a
permis de faire bouger le statut quo tout en - Le faible niveau d’instruction, dans une société de plus en plus
ameliorant l’autonomisation economique instruite, semble confirmer le statut de facto de non-décideur
des femmes. et non-acteur économique qui leur a été attribué. Ce niveau
d’instruction limitée – ne dépassant pas le niveau du primaire –
et le statut entretenu par les stéreotypes sont contraignants pour
Cette fiche présente ce retour d’experience. des éventuelles revendications de changement de leur part.
116
G en r e e t g ouv e r nan ce
La combinaison de multiples facteurs sociaux et économiques, Force est cependant de constater que ces femmes continuent à se
notamment une gestion de terroir inadéquate et la faiblesse des charger des enfants : alimentation, scolarisation, soins de santé…
rendements agricoles due à des techniques inadaptées, exacerbée avec leurs propres capacités.
par les pertes dues aux chocs climatiques ont poussé les hommes à
une migration de travail massive dans les autres grandes villes En somme, la reconquête du droit de la femme chef de ménage no-
de Madagascar (Mahajanga, Antsiranana, Toamasina et Toliara). La tamment la garantie d’un accès égalitaire aux ressources produc-
migration du travail a pris une proportion considérable après l’ouragan tives en milieu paysan, la promotion du droit à la scolarisation pour
Gretel en 1997 et s’est amplifiée chaque fois qu’un cyclone tropical filles et garçons de même parent, et le soutien à des activités géné-
suivi d’inondation prolongée touche les communes du littoral Sud-Est ratrices de revenu (AGR) constitueraient des solutions pour l’émanci-
du district de Vangaindrano. La migration du travail est la principale pation et l’autonomisation de ces femmes à statut particulier.
stra tégi e de sur vi e des m éna ges de ce di st rict résul tant à
une proportion importante de femme devenue chefs de ménages. Les défis sont de deux sortes pour ces solutions :
Cette proportion est estimée à 52% selon le chef de District de
- Concernant le droit et l’accès aux ressources productives,
Vangaindrano en 2016. Cependant, ces femmes ne jouissent pas
notamment la terre agricole, et le droit à la scolarisation,
pleinement du droit d’exploitation des parcelles agricoles de leur
le défi réside dans la recherche d’un compromis entre le
conjoint, car les frères de ce dernier sont prioritaires comme étant
droit coutumier accordant la primauté aux hommes et le
celui qui va honorer à son tour l’Adidy.
droit positif1.
Ainsi, les femmes chefs de ménages sont devenues des - Concernant le soutien aux AGR, le défi est d’être efficace
salariés agricoles, à la recherche d’un travail au jour le jour sans la garantie de parcelles agricoles alors que les
a p p e l é e l o c a l e m e n t « d ô k e r a » , a v e c u n s a l a i r e femmes sont en milieu paysan et les ressources finan-
journalier de de 1.000Ar à 3.000Ar au maximum. Rares cières sont limitées.
sont celles qui arrivent à développer une activité
indépendante génératrice de revenu, nécessitant un L’ONG FIANTSO a tenu à relever les défis relatifs à l’accès à la terre
capital même modique ou un fonds de roulement. pour ces femmes et le soutien aux AGR, dans le but d’autonomiser
socialement et économiquement les femmes chefs de ménages.
2. Une démarche de plaidoyer ciblant les autorités patriarcales nécessitant
des multiples alliés
L’expérience a été testée entre 2015 et 2017 dans
7 Communes Rurales du district de Vangaindrano
à savoir :Lopary, Tsianofana, Masianaka, Mahabe,
Marokibo, Fenoambany, et Sandravinany.
Concernant le droit et l’accès égalitaire à la
propriété foncière, des séances d’information et
de formation, menées par les agents compétents
concernant les statuts des terres et la gestion de
conflit lié à la propriété foncière, sont effectuées
durant les réunions périodiques du SAD 2 dans
chaque commune. Les chefs traditionnels et les
autorités communales y sont présents pour trouver
les compromis mentionnés plus haut. Il est à noter
que des particuliers ont aussi participer à ces
réunions en signe de leur engagement citoyen.
Les réunions du SAD sont tenues mensuellement
ou tous les deux mois. Il arrive donc que les
questions sur l’accès à la propriété foncière soient
débattues plus d’une fois avant de trouver une
solution qui convient à toutes les par ties en
présence.
Concernant le soutien aux AGR, l’approche s’est
faite à travers des groupements de femmes, plus Photo 1: Agenda de la réunion du SAD Lopary, la question foncière soulevée
ou moins organisés, au niveau des fokontany. par FIANTSO est le 3ème ordre du jour
1
En 2015, la loi sur la réforme foncière garantit l’octroi gratuit par l’État des terres inferieures à 10ha non exploitées aux femmes chefs de ménages. Il existe aussi plusieurs
conventions sur les droits humains qui ont été ratifié par le Gouvernement de Madagascar.
2
Voir la fiche “Coordination locale des actions d’appui au développement pour une pérennisation des actions”
117
G e nr e e t go uv e rn anc e
Au cours de ce processus, le rôle de l’ONG FIANTSO en tant MirayHina, l’Institution de Microfinance CECAM, le Fonds de
que promoteur de cette expérience est aussi de fédérer Développement Agricole (FDA) de la région Atsimo Atsina-
d’autres acteurs de développement dans le paysage local nana et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) sont parmi
autour de cette initiative. Le centre de Service Agricole (CSA) les acteurs contributeurs aux résultats de cette expérience.
3. Un pas décisif vers le changement du statut quo
La promotion de l’accès à la terre et le soutien aux AGR ont chacun - Développement de la culture maraichère (CUMA) au profit
apporté des résultats concrets voire intimement liés. 35 groupements de 424 membres : 133 variétés de semences
et 270 kg d’engrais guanomad comme demande d’appui ;
En 2015, au démarrage effectif des AGR, FIANTSO, à travers le - Culture de « Mahampy » la principale matière de vannerie au
projet ASARA a appuyé les AGR suivantes : profit de 70 artisanes-agricultrices : une demande de 500
éclats de souches pour le démarrage.
- Élevage de poulets de race locale ou « gasy » au profit de 18 grou-
pements de 219 membres : 1.202 têtes comme cheptel de base ;
- Élevage de canard au profit de 5 groupements de 49 membres :
445 têtes comme cheptel de base ;
Pour chaque catégorie d’activité, des formations techniques ont
été apportées autant à l’agriculture4 qu’au petit élevage56.
Photo 2: CUMA avec les itinéraires techniques apprises
et la production qui en découle
3
Haricot vert, petit pois, poireau, gros oignon, carotte, tomate, aubergine, poivron, concombre, choux, choux fleur, radis, ramirebaka.
4
Mise en place et entretien des plates-bandes, technique de semis et de repiquage, entretien et récolte
5
Habitat amélioré, vaccination et autres soins de santé animale, alimentation améliorée
6
Voir la fiche “Amélioration du revenu des femmes rurales grâce à l’élevage de poulet gasy” par FIANTSO
118
G en r e e t g ouv e r nan ce
Cette fiche rapporte les bonnes expériences Au total, 783 femmes (soit 82% de tous les
relatives au développement de la culture Pour réaliser cette mise à l’échelle, sont producteurs de CUMA) ont bénéficié de cet
maraichère et de la culture du Mahampy. intervenus trois acteurs essentiels : appui à la mise à l’échelle : 1.605 arrosoirs,
i) le CSA pour le montage et le con - 1.490 angady lahy, 446 mètres de corde,
Concernant la culture maraichère, ces activi-
seil sur les demandes de subven- 22 pioches, 118 pelles, 431 brouettes, 543
tés ont été mise à l’échelle à partir de 2017
tions en matériels agricoles, râteaux et 155 pelles, à travers le CSA et le FDA.
dans le but d’approvisionner régulièrement,
en quantité d’environ 3 tonnes par semaine, ii) le FDA pour le financement en Dans le même registre, 9 terroirs ont été
les marchés animés de Vangaindrano, de maté r ielq agricoles et l’accom - aménagés en plates-bandes, par système
Lopary, de Manambondro et d’Ambalabe p a g n e m e n t p a r d e s p ay s a n s HIMO/VCT, en partenariat avec le PAM. Environ
Masianaka. La stratégie est de répartir les formateurs de proximité, et 320 ares reparties en 1.469 plates-bandes
productions et les variétés de CUMA entre
iii) le PAM pour financer les travaux ont été emblavés sur des donations de
plusieurs localités et groupements. A cet
d’aménagement des parcelles terrains, à titre temporaire, ou pour 5 ans.
effet, chaque groupe de producteursindique
agricoles en Haute Intensité de Ces actes terriers sont visés d’abord au niveau
son programme cultural, la ou les spécula -
Main d’œuvre. du Fokontany et ensuite au niveau de la
tions cultivées, la date probable de récolte et
Commune.
le volume de production prévisionnelle.
Tableau1: Terrain mis à disposition pour les AGR des femmes chefs de ménages
Superficie Nombre Nombre Mode de faire valoir
Commune Localité
aménagée (are) de plates-bandes de bénéficiaires des terrains
Ampasimalemy Vohilava 75 400 20 Terrain privé
Tsianofana Maropingo 35 150 15 Donation
Tanisoa 60 300 40 Donation
Masianaka Nosiomby 10 37 12 Utilisation temporaire
Ambalavala 15 48 8 Utilisation temporaire
Marokibo Marokibo 35 154 38 Utilisation pour 5 ans
Mahabe Mahabe 25 100 14 Utilisation pour 5 ans
Fenoambany Ambatosarotra 35 160 20 Utilisation pour 5 ans
Sandravinany Sandra 1 30 120 18 Utilisation pour 5 ans
TOTAL 320 1 469 185
La volonté de changer un statut quo sur les femmes chefs de chefs de ménages à la terre soit débattu ouvertement et un premier
ménages a été le point de départ de cette expérience. Il est pas vers le changement est enclenché. Ces preuves tangibles
apparu que le plaidoyer engagé par les femmes et l’ONG ont mobilisé des acteurs spécialisés dans le financement rural –
FIANTSO auprès des autorités communales/locales et les chefs pour cette fois une subvention -, une expertise prouvée sur le
traditionnels a nécessité des preuves tangibles de changement droit foncier sans oublier l’expertise en agriculture familiale et en
économique pour que le statut quo sur l’accès des femmes petit élevage pour dynamiser ce premier changement.
La filière « Mahampy » est celle qui a la plus dynamisé ce change- sition 1ha de terrain, plus proche du village et donc plus aisé à
ment, non seulement vers l’accès à la terre mais aussi vers une surveiller, pour reprendre et intensifier la culture. Le rendement est
autonomisation des femmes à travers la professionnalisation de leur estimé à 2.25t/ha sur cette parcelle alors qu’il est de 0.9t/ha en cas
métier d’artisan. de cueillette. L’exploitation de cette nouvelle parcelle a débuté au
mois de Novembre 2017 et s’est étalée jusqu’en Décembre 2017, le
Le « Mahampy » : de la cueillette à la domestication grâce à l’accès à cycle de production est de 7-8 mois, et le kilogramme de Mahampy
la terre. Le premier débat sur l’accès à la terre des femmes chefs de sèche8 vaut 800Ar.
ménages a commencé en constatant l’amenuisement des Mahampy
(Lepironiaarticulata) sur les zones de cueillette habituelles, alors que Pour les autorités traditionnelles, l’enjeu est double : la renommée
cette matière première peut être cultivée et les techniques de plan- du village et de la commune en vannerie est à préserver et l’économie
tation sont déjà maitrisées7. La première expérimentation de culture de l’artisanat peut aussi enclencher un développement social car
ayant été dévastée par les zébus en divagation car le site est éloigné les femmes artisanes sont celles qui s’occupent de la santé, de
du village. Les chefs traditionnels ont alors décidé de mettre à dispo- l’éducation et de l’eau potable pour chaque ménage.
7
La préparation du sol a commencé aux mois de septembre et octobre, suivi de la plantation (par éclat de souche). Le 1er sarclage, l’épandage de guanomad et d’urée s’est fait
au mois de Février, le 2ème au mois d’Avril et le 3ème au Juin. La récolte est prévue au mois de Juillet- Août.
8
Le taux de dissécation est de 40%.
119
G e nr e e t go uv e rn anc e
Photo 3: De la plantation à la récolte de Mahampy et les articles de vannerie
Le « Mahampy » : la professionnalisation vers l’autonomisation grâce
à l’accès au crédit. Le développement rapide de la filière Mahampy a
suscité de nouvelles initiatives et a abouti à la contractualisation - 3.000 Unités par mois de Harona GM à 1.600Ar l’unité,
avec une fabrique d’exportation de produits artisanaux. Ce nouveau soit 4.800.000Ar par mois
marché a pu être obtenu grâceau crédit avec éducation (CAE)
- 3.000 Unités par mois de Harona MM à1.200Ar l’unité,
proposé par la CECAM Vangaindrano9. Vingt-cinq artisanes membres
soit 3.600.000Ar par mois
d’une association de crédit ont obtenu un CAE de 50.000MGA
chacune au premier cycle pour accroitre leur volume de production. - 3.000 Unités par mois de Harona PM à 800Ar l’unité,
Ce montant permet d’acquérir individuellement 62.5kg de Mahampy 2.400.000Ar par mois
soit 1562.5kg pour les 25 membres. Le CAE a été accordé le
- 600 à 3.000 Unités de Tsihy GM (1,80m x 1m) à
22 Janvier 2018 pour une échéance de remboursement de
2.000Ar l’unité, soit au moins 1.200.000Ar par mois
16 semaines, à raison de 3.700Ar par membre par semaine. Les
membres ont eu recours au CAE pour honorer des contrats signés
avec deux exportateurs de la Capitale : L’autonomisation de ces femmes est sur la bonne voie.
4. Des facteurs favorisants avec des effets multiplicateurs inattendus
Outre le support technique et financier des Parmi ces facteurs favorisants, peuvent être par l’IMF CECAM ont aussi été décisifs
alliés de l’ONG FIANTSO mentionnés ci-des- cités également l’existence du BIF (Birao pour démontrer que le renforcement des
sus dans ce plaidoyer pour le changement Ifoton’nyFananan-tany) dans les communes, capa c ités techniques des femmes chefs
de l’accès à la terre des femmes chefs de à l’instar de la Commune de Lopary, pour la de ménages est essentiel pour influencer le
ménages, d’autres facteurs favorisants ont certification de la propriété foncière mais processus de décision.
aussi permis d'influencer la prise de décision aussi pour l’arbitrage des conflits sociaux
des autorités traditionnelles et des autorités liés au foncier. Tous les accords relatifs à la Par ailleurs, l’expérience a été un moyen de
communales pour enclencher ce chan - mise à disposition et les donations des valoriser des terrains laissés à l’abandon ou
gement structurel. Les sessions du SAD ont terrains ont été officialisés auprès des mal exploitées, à travers ces accords de
été déterminantes car elles ont été un lieu registres du BIF, sinon au niveau de la Com- donation ou de mise à disposition temporaire.
privilégié pour débattre des problèmes mune lorsque ce service foncier communal Cette expérience laisse présager de meilleure
sociaux et économiques, d’une catégorie n’existe pas encore. gestion de terroir, voir des ventes de terrains
spécifique de la communauté, avec des pour les femmes chefs de ménages, la vente
éclairages techniques nécessaires aux En outre, l’existence d’une forte demande de étant aujourd’hui le moyen principal pour
décideurs politiques – les élus communaux produits artisanaux et la mise en relation elles de supplanter les droits coutumiers et
et les chefs traditionnels. Le SAD a démontré avec revendeurs sont aussi des supports de devenir propriétaire définitive d’un terrain
que les engagements politiques des autorités incontestables pour accroitre le volume de agricole.
locales nécessitent une traduction pratique production et en faire de l’ar tisanat un
qui devrait résoudre les problèmes soulevés emploi profitable. Les subventions apportées
par les techniciens et les administrés. par la FDA et les solutions de crédit proposées
9
Voir la fiche “Crédit Avec Éducation” de la CECAM
Mots Clés : Accès à la terre, foncier, plaidoyer, femmes chefs de ménages, activité generatrice de revenu, agriculture familiale, élevage à cycle cour, vannerie.
Auteurs : - ANTILAHY Herimpitia Estelle Rolande, Consultante
- FIANTSO
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