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Problématique : Comment le narrateur, à partir d’un récit de voyage pittoresque, dénonce-t-il le mode
de vie des Européens ?
III-La sagesse du vieillard critique l’Europe et fait l’éloge de la vie du « sauvage » (l. 23 à la fin)
A- Dénonciation de la folie des Français (l. 23-27)
C’est le vieillard qui clôt le dialogue par une longue diatribe, au ton oratoire et persuasif :
« Vraiment, dit alors mon vieillard (lequel comme vous jugerez n’était nullement lourdaud), à cette
heure connais-je10 que vous autres Mairs, c’est-à-dire Français, êtes de grand fols. »
Sa tirade débute par un adverbe assertif (« vraiment »). Le souffle presque épique s’appuie sur une
succession de phrases interrogatives, qui sont des interrogations rhétoriques. Cette tirade est bien
structurée, se structure à l’aide de connecteurs logiques (« car », « mais, parce que … ») et oppose la
folie des Européens (« vous autres ») à la sagesse des Indiens (« nous ».). Par ce « nous », le vieil Indien
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se présente comme le porte-parole de son peuple tout entier. A court d’arguments, le narrateur ne
prend plus la parole.
-La critique des Français souligne que leur cupidité entraîne de l’inconscience face aux dangers et aux
souffrances :
« car vous faut-il tant travailler à passer la mer, sur laquelle (comme vous nous dites étant arrivés par-
deçà) vous endurez tant de maux, pour amasser des richesses ou à vos enfants ou à ceux qui survivent
après vous ? La terre qui les a nourris n’est-elle pas aussi suffisante pour les nourrir ? »
-Avec un esprit très pratique, le « sauvage » s’appuie encore sur des us et coutumes qu’il juge absurdes,
remettant en cause la pratique des héritages et des successions que vient de lui exposer le narrateur.
Indirectement le narrateur aborde le concept de relativité des coutumes, et donc de l’absurdité à
vouloir imposer sa culture à autrui :
« Nous avons (ajouta-t-il), des parents et des enfants, lesquels, comme tu vois, nous aimons et
chérissons ; mais parce que nous nous assurons qu’après notre mort la terre qui a nous a nourris les
nourrira, sans nous en soucier plus avant, nous nous reposons sur cela. »
-Au contraire, les Tupinambas respectent la nature, mère nourricière, envers laquelle il faut avoir de la
reconnaissance. L’expression « terre (…) qui (les/nous) a nourris » est répétée. Le verbe « nourrir » est
employé trois fois (au passé et au futur). Leur vie paraît plus sage car elle est guidée par la tempérance,
connotée par les mots « suffisante » et l’expression « sans nous en soucier plus avant ». -Ce ne sont pas
des « sauvages » dénués de sentiments humains profonds : ils ont le sens de la famille et respectent
toutes les générations, ancêtres (« parents ») et enfants : « Nous avons (ajouta-t-il), des parents et des
enfants, lesquels, comme tu vois, nous aimons et chérissons ».
-Ils ne sont pas irresponsables et savent se projeter dans l’avenir : « mais parce que nous nous assurons
qu’après notre mort la terre qui a nous a nourris les nourrira ». Cela leur procure une sérénité que les
Européens n’ont plus : « (« nous nous reposons sur cela »).
Conclusion : (Bilan) -Dans un dialogue vivant et réaliste Jean de Léry fait un réquisitoire contre les
nations qui se disent « civilisées », et au contraire un éloge des « sauvages ».
-Ce texte qui n’est au départ qu’un témoignage personnel prend de l’importance par sa dimension
humaniste. Il a sans doute influencé les réflexions de Montaigne sur le colonialisme dans l’essai « Des
Cannibales ».
-(Ouverture) Il annonce aussi le combat du siècle des Lumières (XVIIIe siècle). Montesquieu, par
exemple, reprendra dans ses Lettres persanes (1721) le procédé du regard naïf de l’étranger sur la
France. Voltaire s’en inspirera dans des contes philosophiques comme L’Ingénu. Le mythe du bon
sauvage naîtra de récits de voyage comme celui de Jean de Léry.
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