Vous êtes sur la page 1sur 4

3 L’orthographe des mots

Objectifs du chapitre
Comprendre l’importance de l’orthographe d’usage.
Maîtriser les principales règles d’accord.
Aborder les pouvoirs poétiques et comiques de l’orthographe en littérature.

Démarche
Le texte de Rousseau permet de poser à la fois des questions d’orthographe qui
répondent aux préoccupations des élèves (les fautes d’orthographe, l. 4) en leur mon-
trant que ces questions ont toujours existé, et des questions poétiques : Rousseau
prend des risques pour défendre une forme verbale peu connue (conjugaison du
verbe férir) et triompher de ses détracteurs. Paradoxalement, l’orthographe qui pais-
sait erronée est dotée d’un pouvoir poétique.

1. Observer l’orthographe des mots


a. vit : verbe voir au passé simple de l’indicatif, 3e pers. du sg. – vie : nom commun
fém. sg.
b. davantage : adverbe. À ne pas confondre avec la forme d’avantage (préposition de
élidée devant voyelle suivie du substantif avantage au sg. ou au pl.). Ex. : je n’ai pas
autant d’avantages que…
La langue et le discours

c. Mlle = abréviation de Mademoiselle. – M. = Monsieur (et non pas Mr. = Mister, en


anglais). – Mme = Madame. – Me = Maître. Ou bien Mgr = Monseigneur…
d. vieux (masc.) ➙ vieille (fém.) – pareil (masc.) ➙ pareille (fém.) – dédaigneuse (fém.)
➙ dédaigneux (masc.) – délicieux (masc.) ➙ délicieuse (fém.)
Contrairement au nom, qui possède généralement un genre constant (masculin ou
féminin), l’adjectif qualificatif en français présente un genre variable (masculin et
féminin). On note ici que pour former le féminin de l’adjectif qualificatif, on ajoute en
PARTIE 1

général un -e et on modifie la consonne qui précède. On remarque toutefois la dif-


férence entre les formes féminines correspondant aux deux adjectifs se terminant
par -eux au masculin : vieille, délicieuse.

CHAPITRE 3 L’orthographe des mots 29


2. Comprendre et expliquer l’orthographe
a. consommés s’accorde avec le sujet les Piémontais (l. 2) dont il est attribut. – rares
s’accorde avec ces moments (l. 17) dont il est épithète.
b. fier (adj. qual.) ➙ ferus, farouche, sauvage. L’adjectif français ne peut donc pas com-
porter de -t final.
c. Alors que la faute d’orthographe semble certaine d’après l’étymologie de l’adjec-
tif, le narrateur fait preuve d’une érudition surprenante en montrant que fiert n’est
pas un adjectif mais une forme du verbe férir. La justification semble scientifique-
ment valable puisque le -t final présent dans la devise est ainsi fondé par la désinence
latine. Mlle de Breuil, dont le narrateur est amoureux, tombe ici sous le charme d’une
telle érudition : le narrateur a réduit ses interlocuteurs au silence (l. 10-11) et le jeu
de regards échangés par la suite avec Mlle de Breuil lui laisse entrevoir la possibilité
d’un amour partagé… Au moins le jeune Rousseau a-t-il ici vécu un moment heureux
qui s’oppose aux nombreux « outrages de la fortune » dont il est victime depuis sa
naissance.

EXERCICES
Exercice 1
1 Soumise ainsi que l’onde où l’arbre se reflète
J’ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au cœur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir. (Anna de Noailles)
2 En haut du quartier, les dernières ruelles, bordées d’habitations de terre, s’éche-
lonnent vers un terrain vague qui se prolonge en terrain de football, qui lui-même
clôt la grand-rue de Nyamata. Ce terrain, équipé de poteaux de buts en fonte, gon-
dolé à la saison sèche, boueux à la saison des pluies, ne décourage jamais une foule
de joueurs de tous âges, qui se relaient toute la journée. Plus bas, sont disséminés
les rares pavillons en dur, où résident de nombreux enseignants, magistrats, ou com-
merçants. (Jean Hatzfeld)

Exercice 2
1 — Vil camus, sot camard, tête plate, apprenez
Que je m’enorgueillis d’un pareil appendice,
Attendu qu’un grand nez est proprement l’indice
D’un homme affable, bon, courtois, spirituel,
Libéral, courageux, tel que je suis, et tel
Qu’il vous est interdit à jamais de vous croire,
Déplorable maraud ! […] (Rostand)
2 […] Moi, je suis pauvre, et n’eus
Tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus.
Peut-être aurais-je aussi quelque blason illustre
Qu’une rouille de sang à cette heure délustre ;
Peut-être ai-je des droits, dans l’ombre ensevelis,
Qu’un drap d’échafaud noir cache encor sous ses plis […] (Hugo)

Exercice 3
méchant ➙ méchamment – solide ➙ solidement – brillant ➙ brillamment – constant
➙ constamment – gentil ➙ gentiment – fin ➙ finement – excellent ➙ excellemment
– probable ➙ probablement – prudent ➙ prudemment – ardent ➙ ardemment.

30
Exercice 4
1. Ne répondez pas tous à la fois ! 2. Cette année, il y a plusieurs chapitres à étudier.
3. À peu de choses près, on dirait qu’il a l’art de gagner à tous les coups.
Exercice 5
1 Où qu’il soit, où qu’il aille, l’homme continue à penser avec les mots, avec la syn-
taxe de son pays. (Martin du Gard)
2 J’arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier (Aragon)
3 Lambert, ou calme ou abasourdi, ne répondit à aucune de nos questions. (Balzac)

Exercice 6
a. 1. adverbe. 2. adjectif qualificatif. 3. adverbe. 4. adjectif qualificatif. 5. adjectif quali-
ficatif. 6. adverbe. 7. adverbe. 8. adjectif qualificatif.
b. 1. invariable. 2. Ses enfants lui étaient particulièrement chers. 3. invariable. 4. C’étaient
des hommes droits, justes, intègres. 5. La lune lui paraissait étrangement basse.
6. invariable. 7. invariable. 8. Les résultats furent bons malgré tout.
c. On peut hésiter pour la phrase 3, où droit peut être considéré aussi comme un adjec-
tif attribut du sujet et donc s’accorder avec celui-ci : Les soldats se tiennent droits.
Exercice 7
1. J’ai bu tout mon verre. – Nous avons relu ces quelques vers de Hugo. – Le ver étant
dans le fruit, j’ai laissé ma pomme de côté. – Le maillot de l’équipe adverse était du
plus beau vert. 2. L’arbitre siffla la fin du temps réglementaire. – Midi était passé,
tout le monde avait faim. 3. Il était une fois un roi et une reine… – Il avait foi dans cet
homme qui lui avait montré par le passé qu’il était bien digne de confiance. – Atten-
tion, boire trop d’alcool nuit au foie ! 4. Depuis le décès de sa femme, il était empreint
de tristesse. – Nous avons contracté un emprunt pour l’achat de notre voiture.
Exercice 8
a. 1. Les résultats de l’économie mondiale vont croissant. – Les résultats croissants
de l’industrie agro-alimentaire sont un signe de la reprise mondiale. – Nous avons
acheté des croissants pour toute la famille. 2. Les aimants permettent d’afficher
au tableau des documents sans les abîmer. – Aimant particulièrement les champi-
gnons, ils attendaient l’automne avec impatience. – Ils se félicitaient d’avoir eu des
parents aimants. 3. Les locataires vivaient dans des appartements communicants. –
Ces entreprises étaient contrôlées par de brillants communicants. – Ils se voyaient
rarement, communiquant par les réseaux sociaux dès qu’ils le pouvaient.
b. Propositions : 1. Ils surveillaient le rivage avec une attention croissante. 2. Son frère
s’était montré particulièrement aimant lors de la tragédie qu’il avait vécue. 3. Selon le
principe des vases communicants, les passagers du premier métro basculaient dans la
rame stationnée en face, et vice-versa.
La langue et le discours

Exercice 9
a. taches : marques salissantes. À ne pas confondre avec tâches, travail à effectuer,
ouvrage. b. [j] : huitième (l. 9) ; gribouillis (l. 13). c. tombai (l. 2) ; administration (l. 12).
d. Le dernier paragraphe montre que le narrateur enfant considère l’orthographe
avec la plus grande indifférence : Je n’avais rien compris à cette affaire. Il n’accorde
aucune importance aux règles orthographiques (pas plus qu’au soin apporté à la
PARTIE 1

copie, l. 13-14), et ses énormes erreurs ne l’affectent pas (l. 25-26). La chute de la phrase
(voilà tout, l. 27) montre même que l’enfant ne cherche pas à comprendre l’utilité de
l’orthographe, considérée comme un savoir que l’on possède ou que l’on ne pos-

CHAPITRE 3 L’orthographe des mots 31


sède pas, sans en mesurer les conséquences pour la communication. e. Le narrateur
adulte regarde avec une forme de tendresse teintée d’humour l’enfant qu’il était.
Face à la violence de l’univers des adultes représenté par les règles d’orthographe
et leur application et incarné par le grand-père, le proviseur et « l’administration »
(l. 12), le narrateur enfant, soutenu par sa mère (prise d’un « fou rire », l. 19), apparaît
libre et détaché des lois extérieures. De la part du narrateur devenu adulte, l’humour
est manifeste : l’enfant « qui ne savait pas l’orthographe » (l. 27) est devenu un écri-
vain et un philosophe… Deux modes d’écriture entrent ici en opposition : d’une part
une écriture naïve, spontanée, détachée des codes de l’orthographe et de la gram-
maire, mais qui empêche toute communication, et fait de celui qui écrit l’habitant
d’un « île aérienne » (l. 1-2), vivant dans la « solitude » (l. 28) ; d’autre part une écriture
qui respecte les codes et les règles, rend possible la communication et s’insère dans
une stratégie littéraire, comme celle du narrateur écrivain en train d’écrire Les Mots…
Exercices 10 et 11
La lecture du texte de l’exercice 11 (Molière) met en évidence deux rapports à l’ortho-
graphe différents : le Maître de philosophie décrit scientifiquement, consciencieuse-
ment, les principes de la prononciation. Il s’appuie sur un discours physiologique, qui
rend compte des mouvements de la bouche. Monsieur Jourdain, en revanche, par
ses nombreuses exclamatives, envisage les voyelles et leur prononciation selon une
perspective esthétique et s’émerveille naïvement : cela est beau (l. 29), admirable (l.
40). À la sobriété du discours du premier s’opposent les nombreuses exagérations
et répétitions du second (A, E, I, I, I, I, l. 34), A, E, I, O, I, O (l. 40)… C’est le décalage entre
ces deux modes de discours qui rend la scène comique.
On notera également les effets comiques provoqués par les interjections « Ah ! »
(l. 29 et 46) qui viennent se confondre avec les voyelles A évoquées depuis le début
du texte : principes articulatoires du Maître de philosophie et expression sensible du
discours de Monsieur Jourdain s’entremêlent ici pour le plus grand plaisir du spec-
tateur-auditeur.

32

Vous aimerez peut-être aussi