Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
1 Si mes ouvrages me survivent, si je dois laisser un nom, peut-être un jour, guidé par ces
Mémoires, quelque voyageur viendra visiter les lieux que j’ai peints. Il pourra reconnaître
le château1 ; mais il cherchera vainement le grand bois2 : le berceau de mes songes a
disparu comme ces songes. Demeuré seul debout sur son rocher, l’antique donjon pleure
5 les chênes, vieux compagnons qui l’environnaient et le protégeaient contre la tempête.
Isolé comme lui, j’ai vu comme lui tomber autour de moi la famille3 qui embellissait mes
jours et me prêtait son abri : heureusement ma vie n’est pas bâtie sur la terre aussi
solidement que les tours où j’ai passé ma jeunesse, et l’homme résiste moins aux orages
que les monuments élevés par ses mains.
En second lieu, vous direz si cet extrait présente des adverbes ou des adverbiaux incidents de
phrase. Si oui, vous vérifierez par des tests leurs propriétés catégorielles puis vous préciserez
leurs sous-catégories.
Une apposition entendue dans une acception large vérifie les quatre propriétés suivantes :
Guidé par ces Mémoires, quelque voyageur ne viendra pas visiter les lieux que j’ai peints.
Demeuré seul debout sur son rocher, l’antique donjon ne pleure pas les chênes, vieux
compagnons qui l’environnaient et le protégeaient contre la tempête.
Isolé comme lui, je n’ai pas vu comme lui tomber autour de moi la famille4 qui embellissait
mes jours
1
Il s’agit du château de Combourg, en Bretagne, où Chateaubriand a passé la plus grande partie de son enfance.
2
Ce grand bois environnant le château était le lieu privilégié des rêveries du jeune François-René. A la date où
l’auteur rédige ses Mémoires, ce bois a disparu.
3
Il ne faut pas oublier que la famille de Chateaubriand a payé un lourd tribu aux échafauds dressés par la
Révolution française.
4
Il ne faut pas oublier que la famille de Chateaubriand a payé un lourd tribu aux échafauds dressés par la
Révolution française.
Tel est le cas pour les 4 séquences candidates à la fonction « apposition »
Guidé par ces Mémoires, quelque voyageur (sujet du verbe viendra) viendra visiter les lieux
que j’ai peints.
Demeuré seul debout sur son rocher, l’antique donjon (sujet du verbe pleure) pleure les
chênes (COD du verbe pleure), vieux compagnons qui l’environnaient et le protégeaient
contre la tempête.
Isolé comme lui, j’ (sujet du verbe ai vu) ai vu comme lui tomber autour de moi la famille5
qui embellissait mes jours
Propriété 3 : L’apposition est souvent apte à entrer dans une construction attributive avec
le verbe être dont le terme support de l’apposition est le sujet syntaxique. Cette caractéristique
est vérifiée pour toutes les structures examinées.
Guidé par ces Mémoires, quelque voyageur (…) = accord au masc. sing. commandé par le
nom voyageur.
Demeuré seul debout sur son rocher, l’antique donjon (…) = accord au masc. sing.
commandé par le nom donjon
Isolé comme lui, j’ (…) = accord au masc. sing. commandé par le référent du sujet j’
(…) les chênes, vieux compagnons qui l’environnaient et le protégeaient contre la
tempête : il n’y a pas ici accord morphosyntaxique de l’apposition avec les traits de genre et
de nombre du support puisque cette apposition est un SN (qui porte donc ses marques
propres). Mais il y a, sur le plan sémantique, une forme de cohérence qui s’impose : l’apport
référant à une collection d’individus (les chênes), l’apposition dénote elle aussi une collection
d’individus (vieux compagnons)
5
Il ne faut pas oublier que la famille de Chateaubriand a payé un lourd tribu aux échafauds dressés par la
Révolution française.
6
Pensez bien à un moment ou un autre dans votre copie à préciser le statut catégoriel des appositions identifiées.
Isolé comme lui : syntagme participial
Riegel & al. restreignent les appositions aux seuls SN en position d’apport.
Dans le relevé précédent, on est donc conduit à ne retenir comme apposition, en ce cas,
que le SN « vieux compagnons qui l’environnaient et le protégeaient contre la tempête ».
Peut-être un jour quelque voyageur viendra visiter les lieux que j’ai peints.
Heureusement ma vie n’est pas bâtie sur la terre aussi solidement que les tours où j’ai passé
ma jeunesse.
sont des adverbes de phrase comme le montrent leur réaction aux tests suivants :
Peut-être un jour quelque voyageur ne viendra pas visiter les lieux que j’ai peints.
Heureusement ma vie n’est pas bâtie sur la terre aussi solidement que les tours où j’ai passé
ma jeunesse.
*C’est peut-être qu’un jour quelque voyageur viendra visiter les lieux que j’ai peints.
*C’est heureusement que ma vie n’est pas bâtie sur la terre aussi solidement que les tours où
j’ai passé ma jeunesse.
Ils peuvent donc figurer en tête de phrase négative et ils ne sont pas focalisables, ce qui
constituent la conjonction des deux traits définitoire des adverbes de phrase.
Ces deux adverbes ne sont pas des conjonctifs car ils peuvent figurer sans difficulté en tête
d’un discours sans présupposer un contexte amont. Ce sont donc des disjonctifs.
7A noter que heureusement est classé comme un adverbe (disjonctif d’attitude) évaluatif et peut-être
comme un adverbe (disjonctif d’attitude) modal.