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Point linguistique
L’apposition

Introduction.

D’après Neveu, le terminus a quo de la longue histoire de l’apposition se trouve


dans la typologie médiévale des figures de construction. Ainsi trouve-t-on posé dans la
Summa Grammatica de Roger Bacon (1214-1292 – XIIIe s.) le distinguo entre l’appositio
immediata (ex. animal homo : l’animal homme) et l’appositio mediata (ex. homo currit,
verbi gratia, Sor : « un homme court, par exemple, Socrate ».). Une chose est sûre : dès
cette époque, l’apposition désigne des constructions binominales coréférentielles. Du
XVIIIe s. au XXe s. , le sort de cette structure en grammaire a été fréquemment agité,
discuté, parfois abandonné.

1. L’approche fondée sur le critère sémantico-référentiel de la coréférence

Longtemps, la pierre de touche définitoire de l’apposition a été d’ordre sémantico-


référentiel: elle nécessite en ce cas une coréférence entre le terme support et le terme
apposé.
L’approche proposée par D. Denis et A. Sancier-Château (1994 : 41-46) dans leur
Grammaire du français relève typiquement de cette approche. Les auteurs considèrent
que l’apposition peut se définir « à partir de deux critères sémantiques :
- la co-référence, comme on l’a vu. Elle pose un rapport d’identité. Les termes mis
en rapport réfèrent au même titre, on peut dire qu’ils sont superposables ;
- mais aussi la prédication : le phénomène désigne (…) le fait d’établir entre deux
termes une relation telle que l’un dit quelque chose (prédicatif) de l’autre
(thème). »(41).
Suivant cette approche, une apposition peut être détachée
Par ex : Sartre, l’auteur de La Nausée, est né en 1905

Mais aussi liée :


Par ex :
Constructions « directes » : Le roi Louis XIV, un discours fleuve, …
Constructions « indirectes » : La ville de Paris, le mois de mars, …

Dans les années 2000, beaucoup de travaux de recherche en linguistique ont fleuri
sur l’apposition. Parmi eux, on retiendra en part. ceux de F. Neveu et de M. Forsgren.

2. La position défendue par M. Riegel & al. (2016, 353-357)

L’apposition y est définie une désignation « strictement formelle et étymologique »


caractérisant la place - « position à côté de » - qu’occupe un GN apposé par rapport à un
autre GN. L’apposition, dans leur approche (comme dans celle défendue par F. Neveu,
voir supra), fait partie des constructions en position détachée. Il ne peut donc pas y
avoir d’apposition liée.
Sur le plan catégoriel, les auteurs réservent le terme d’apposition aux seuls
Groupes Nominaux.
Sur le plan syntaxique, le GN apposé est un modifieur du GN en position
détachée. Il s’applique donc à un syntagme constitué et n’entre pas dans la construction
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du GN lui-même comme le ferait une épithète ou un CDN. Le détachement se matérialise
par la présence de virgules.
Sur le plan prédicatif, l’apposition correspond à l’attribut d’une proposition
attributive réduite, donc sans copule.

M. Riegel & al. distinguent deux types de modifieur du GN en position détachée

- les constructions attributives détachées


- les constructions absolues détachées

Les premières se caractérisent par le fait qu’on peut y voir des propositions
attributives réduites. Y figurent l’apposition et les groupes adjectivaux (& al. cf. infra).
Les secondes regroupent des constructions particulières qui, notamment, dérivent
d’une structure N1 avoir N2 Pred2

Autrement dit :

Modifieurs du GN en position détachée


Constructions attributives détachées Constructions absolues
Appositions Groupes adjectivaux , détachées
Groupes prépositionnels,
GN apposés seulement Groupes participes,
relatives, complétives, … Les mains dans les poches,
Le lion, terreur des forêts il (…)
Paris, la capitale de la Furieux, il sortit
France De bonne humeur, il
chantait

CCl : Riegel, Pellat & Rioul réservent la fonction « apposition » aux seuls GN entrant
dans des constructions attributives détachées modifieurs d’un GN.

Lyon, Capitale de la Gaule, est une ville universitaire.


Sartre, l’auteur de la Nausée, est mort en 1970.

3. La position défendue par F. Neveu (et fréquemment rencontrée)

- Le terme apposé est nécessairement détaché et constitue sémantiquement et


pragmatiquement un prédicat second (par / à une prédication première
PRED1)
- L’apposé constitue un apport « incident » à un support qui seul opère la
référence ; parler de « coréférence » entre support (appartement à la PRED1)
et apport n’a pas de sens selon lui, puisque le mécanisme référentiel est
uniquement le fait du support.
- Sur le plan catégoriel, le terme apposé peut être un SAdj, SParticipial, un SN
déterminé ou non, un SP.
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(F. Neveu, 2000 : 109)

Sans vouloir vous effrayer, voici – POUR INFORMATION - la définition que proposer F.
Neveu (2000) de l’apposition :

Définition La notion d'apposition s'applique à un type de construction qui peut


être décrit comme la mise en séquence par appariement de deux segments linguistiques
hiérarchiquement ordonnés, constituant une expression désignative complexe,
formellement disjointe par le détachement, composée : 1/ (i) d'un support actanciel
syntaxiquement autonome dans la construction, (ii) pivot argumental interprédicatif , (iii)
occupant une position référentielle dans l'énoncé, (iv) susceptible par conséquent d'être
engagé dans une chaîne de référence, d'y tenir le rôle de pointeur nominal ou pronominal,
et donc de participer activement à la cohésion textuelle, (v) présenté par l'encodeur comme
non-fini au plan informationnel et appelant une expansion de nature sémantique non
restrictive, (vi) présupposant chez le décodeur, avec des finalités de communication fort
variables selon les contextes, un scénario interprétatif, ce qui manifeste son inscription
dans un milieu linguistique régi par le principe pragmatique de coopération ; 2/ (i) d'un
terme descripteur détaché, (ii) occupant une position périphérique à la structure
argumentale de l'énoncé, (iii) de nature variée mais nécessairement compatible avec la
caractérisation actancielle (descripteur adjectival, participial, nominal déterminé, nominal
non déterminé, nominal absolu, nominal prépositionnel), (iv) formant un apport dont le
fonctionnement syntactico-sémantique est régi par un mécanisme d'incidence exercé en
direction du support, et confirmé par des faits rectionnels (accord en nombre, voire en
genre), (v) définissant avec son point d'appui une sphère actancielle affectée d'une forte
coalescence, observable, sur la ligne de l'énoncé, à la tendance marquée de son évolution
dans la zone de localité du support, qu'il lui soit antéposé ou postposé, (vi) dont la fonction
générale est de prédiquer les propriétés de son contrôleur, soit par extraction de rôle
actanciel à valeur qualificative, soit par extraction directe d'une qualification actancielle,
(vii) formant un prédicat second, de type attributif, mais non fini au plan syntactico-
sémantique, (viii) inapte à modifier la vériconditionnalité de la prédication d'ancrage, (ix)
susceptible d'activer des valeurs circonstancielles aléatoires, variables selon sa nature et
son positionnement dans l'énoncé, mais non intégrées et construites par le micro comme
par le macrocontexte, (x) dont le contrôleur est nécessairement instancié dans la
prédication première, même de manière oblique, (xi) constituant avec lui une cellule
référentielle et informationnelle (…).

Conclusion.
Notion beaucoup débattue surtout à partir des années 2000.
Au moins trois lignes de césure entre les définitions existantes= i) la question de la
coréférence (dimension sémantico-référentielle), ii) la question du détachement (liée à
la précédente), iii) la question de la catégorie du syntagme apposé (seulement SN ou
non ?) . Selon l’option théorique choisie, les occurrences catégorisées comme relevant de
l’apposition diffèrent.

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