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Les constructions détachées comme cadres de discours

Author(s): Bernard Combettes


Source: Langue Française , DÉCEMBRE 2005, No. 148, Les adverbiaux cadratifs
(DÉCEMBRE 2005), pp. 31-44
Published by: Armand Colin

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/41559189

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Bernard Combettes
Université Nancy II
UMR ATILF

Les constructions détachées


comme cadres de discours

INTRODUCTION

Dans bon nombre de langues, la zone initiale de l'énoncé revêt une impor-
tance particulière du point de vue discursif. Il est relativement naturel - il suffit
pour s'en convaincre de se référer aux théories de l'iconicité - que soient placés
dans cette position des constituants qui assurent une liaison avec le contexte
antérieur, qu'il s'agisse des éléments thématiques, par exemple, ou des connec-
teurs. Cette zone reçoit également, de façon privilégiée, des unités qui ont une
portée large vers l'aval du texte, dépassant les limites de la phrase ou de la
proposition. Ces relations ne sont évidemment pas biunivoques : la position
initiale peut remplir d'autres fonctions discursives et pragmatiques, et, inverse-
ment, la progression du dynamisme communicatif n'est pas toujours réalisée
dans une linéarisation qui respecterait systématiquement l'ordre thème/rhème.
Force est de constater toutefois la très grande diversité des constituants suscep-
tibles d'occuper cette position privilégiée : diversité morphologique (syntagmes
nominaux, adjectivaux, adverbiaux) et diversité syntaxique d'une part, ces
constituants pouvant se trouver plus ou moins intégrés à la structure proposi-
tionnelle, jusqu'à être dotés d'un statut d'éléments périphériques, même si, à
l'écrit, la ponctuation ne permet guère de signaler ces gradations ; diversité des
relations sémantiques, d'autre part, que ces unités entretiennent avec le
contexte, en particulier avec le contexte de droite : des circonstants détachés aux
éléments topicalisés, en passant par les modalisateurs d'énoncé ou dénoncia-
tion, les domaines auxquels renvoient les expressions de la zone initiale sont
évidemment très différents. Il n'est donc pas surprenant que les fonctions
discursives soient également très diverses, liées qu'elles sont, en grande partie,
à ces propriétés morphosyntaxiques et sémantiques. C'est ce niveau textuel que
nous essayerons de mettre en relation avec les caractéristiques qui relèvent du

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système de la langue, en faisant l'hypothèse que ce dernier, dans ses spécifi-


cités, joue un rôle fondamental dans ce que l'on appelle ordinairement le
codage de la cohérence discursive ; la grammaticalisation - au sens large,
comme spécialisation dans le domaine textuel d'une structure donnée - ne
s'opère pas indépendamment de la nature même des éléments qui entrent en
jeu dans la construction.

I. CADRES DE DISCOURS ET CONSTRUCTIONS DÉTACHÉES

Parmi ces constituants initiaux, on peut délimiter une catégorie relativement


bien identifiée, sur laquelle portent bon nombre de travaux (cf. Charolles &
Prévost, éds. 2003), celle des cadres de discours. Les études qui décrivent le
fonctionnement de ce type de constituant s'intéressent essentiellement aux
adverbiaux (adverbes, syntagmes prépositionnels, et variantes de ces deux
classes). C'est par exemple ce type d'éléments que Dik signale comme constitu-
tifs de la catégorie « setting » parmi les unités hors proposition (Dik, 1997, II,
379 sq.). Le cas des subordonnées circonstancielles, qui sembleraient pouvoir
être rapprochées des compléments, qu'il s'agisse des compléments de temps ou
de cause, est moins souvent pris en considération, la présence d'un contenu
propositionnel créant sans doute une différence importante avec les syntagmes
référentiels que sont à Paris ou en 1980 , par exemple. Nous examinerons ici un
type de constituant que l'on peut considérer comme une situation intermé-
diaire, dans la mesure où il s'agit des prédications réduites, regroupées d'ordi-
naire sous la dénomination de constructions détachées. L'étude de ces
structures, qui, pour une bonne part, sont classées par la tradition da
gorie des « appositions », a déjà été abordée sous l'angle de la te
(Neveu, 1998a, 1998b ; Combettes, 1998a) ; nous les mettrons ici en p
avec les cadres de discours : dans quelle mesure peut-on considérer q
des différences de forme elles ont des propriétés communes avec ce
dans le domaine de la discursivité et qu'elles fonctionnent, du m
certains contextes, comme des organisateurs textuels ? Le fait que ces
tions se trouvent souvent placées en zone initiale n'autorise évidemm
les assimiler sans examen à la catégorie des cadratifs. La mise en rel
propriétés morphosyntaxiques, sémantiques, discursives, est indi
pour déterminer ce qui leur est spécifique et ce qu'elles partagent avec
ducteurs de cadres.

Si nous accordons une certaine pertinence à cette sous-classification, qui


consiste à privilégier la nature prédicative des constituants, c'est qu'on peut
supposer que ces caractéristiques, et les conséquences qu'elles entraînent au
plan sémantique et référentiel, peuvent être des facteurs déterminants dans leur
fonctionnement discursif.

I • I • Dans un premier temps, nous rappellerons rapidement les différences


qui permettent de distinguer plusieurs types de constructions détachées, même
si la prédication seconde demeure un facteur commun à l'ensemble (cf. Van der

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Bussche, 1988 ; Furukawa, 1996) ; ceci nous permettra de constater que ces
distinctions vont d'ordinaire de pair avec des variations dans le type de
contenu auquel ces expressions renvoient. À partir des structures subordon-
nées, dans lesquelles la prédication apparaît sous la forme d'une proposition
complète, dotée d'un sujet et d'un syntagme verbal, on peut établir la hiérarchi-
sation suivante :

- les constructions analysées traditionnellement comme des subordonnée


participiales, avec sujet exprimé (la porte (une fois) fermée, ...) ;
- les infinitifs prépositionnels, sans sujet exprimé (avant de partir , . . .) ;
- les gérondifs (en arrivant , . . .) ;
- les participes (arrivé devant la porte, ... ; sortant de chez lui, . . .) ;
- les adjectifs (furieux, il a claqué la porte) ;
- les syntagmes nominaux sans déterminant (secrétaire du comité, il...) ;
- les constructions absolues (sa valise près de lui, ...).
Il est facile de constater qu'une caractéristique générale traverse ce classement,
dans la mesure où la prédication implique un sujet sous-jacent, l'expression de
cette catégorie n'étant obligatoire que dans le cas des subordonnées. Se pos
ainsi le problème de la coréférence de ce sujet avec un élément du contexte d
droite. Trois cas sont à envisager :
- coréférence possible mais non obligatoire pour les subordonnées circons
tancielles ;
- non coréférence : c'est le cas des propositions participiales (*la fenêtre (une fois)
ouverte, elle se mit à grincer) ;
- coréférence nécessaire : c'est le cas des autres constructions, du moins selon
une certaine norme écrite dont on sait qu'elle est loin d'être respectée dans
l'usage réel.
Si le sujet sous-jacent est une propriété commune à toutes ces structures, on
peut se demander s'il convient d'ajouter à cette liste des syntagmes préposition-
nels, très proches des circonstants, mais qui, comme les constructions déta-
chées, renvoient à une prédication réduite ; deux cas sont à distinguer : les
compléments spatiaux ou temporels, qui précisent la position du sujet : à Paris,
il a cherché tout de suite un appartement, que l'on interprète comme : une fois à
Paris, une fois arrivé à Paris, ... ; certains compléments de « manière » constituent
également une catégorie intéressante : dans une phrase comme : d'une voix forte,
il dit..., le groupe initial correspond à une construction détachée du type :
parlant d'une voix forte, ... De même, dans : avec son chien, X se promène (cité par
Charolles, 2003, 14), le groupe prépositionnel est interprété comme le serait une
subordonnée (lorsqu'il est avec son chien). Le fonctionnement textuel de ces cons-
tructions semble pouvoir légitimement être mis en parallèle avec celui des
autres constructions détachées, dans la mesure où les problèmes de la portée et
de la coréférence se posent d'une façon identique.

1.2. Un autre critère doit également être envisagé, d'ordre sémantique, qui
prendrait en compte le lien établi entre la construction détachée et le contexte
de droite ; il y a là un facteur important, dans une comparaison possible avec
les cadres de discours, des caractéristiques communes pouvant apparaître.

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Trois types de relations sont à prendre en considération : le premier concerne


les valeurs temporelles, essentiellement traduites par les formes de participes,
les gérondifs, et les infinitifs prépositionnels, et correspondant au marquage de
la chronologie, qu'il s'agisse de simultanéité ou de postériorité. La deuxième
relation recouvre des valeurs circonstancielles diverses, qui sont également
portées par des participes ou des infinitifs, mais aussi par des éléments nomi-
naux. Si la causalité et l'hypothèse sont les liens sémantiques les mieux repré-
sentés, d'autres relations, comme l'opposition ou la concession, peuvent
apparaître dans certains contextes. Le point important réside ici dans le fait que
le type de lien circonstanciel n'est pas marqué formellement, comme il l'est par
la présence d'une préposition devant un infinitif, par exemple, ou par la
conjonction dans le cas des subordonnées. C'est seulement par l'interprétation
contextuelle que s'opère la relation sémantique. Les informations sur le
contenu, fournies par des indices divers (inférences à partir du lexique, système
des modes et des temps), permettent d'attribuer des valeurs différentes à la
construction détachée dans les trois séquences : fatigué , il s'est assis / fatigué , il se
serait assis / fatigué , il a continué à marcher. Tout cela est bien connu et nous
n'insisterons pas sur le détail de ces effets de sens, retenant simplement le fait
que le constituant détaché ne contient pas, en lui-même, une information qui ne
dépend que de la prise en compte du contexte. Un troisième cas est constitué
par les constructions détachées que l'on pourrait qualifier de « descriptives »,
terme sans doute peu adéquat, mais qu'il convient essentiellement d'opposer à
« circonstancielles » : l'emploi du groupe initial ne paraît pas correspondre à
l'établissement d'une liaison sémantique particulière, les deux prédications
renvoyant à des états différents du référent concerné, comme s'il y avait simple
juxtaposition d'informations indépendantes (assis devant la porte , Paul attendait
patiemment). Ce type de construction détachée, à la différence des autres tours,
ne peut être mis en parallèle avec des subordonnées conjonctives ; la compa-
raison avec des relatives semble en revanche plus pertinente. D'un point de vue
diachronique, on rappellera sur ce point que ce constituant « descriptif » se
trouve placé entre le sujet nominal et le syntagme verbal jusqu'à une période
relativement récente (Combettes, 2000), alors que les groupes à valeur circons-
tancielle sont placés en zone initiale, de la même façon que les subordonnées.

1.3. Il est difficile d'établir des relations systématiques entre ces catégories
sémantiques et les diverses caractéristiques formelles énumérées plus haut.
Ainsi, si les constructions absolues sont plutôt descriptives, elles n'en sont pas
moins compatibles avec des contextes dans lesquels elles peuvent prendre
valeur circonstancielle ( menottes aux poignets , il ne pouvait plus bouger). En ce
sens, ce sont sûrement les participes et certains adjectifs qui correspondent à la
plus large gamme de possibilités.

Ces distinctions ont un rôle important dans la problématique que nous


voulons illustrer ici. On peut en effet partir de l'hypothèse que les constructions
détachées descriptives, ainsi que les compléments de manière, ont un fonction-
nement interne à la proposition, ne permettant pas une portée plus large sur la
suite du discours, alors que les valeurs circonstancielles autorisent un plus

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grand degré de liberté par rapport au contexte immédiat et jouent, par là même,
un rôle textuel plus large. La prise en compte de ces deux types de propriétés
(référence à un sujet sous-jacent, valeurs déterminées par le contexte de droite)
conduit à considérer que ces expressions sont dotées des deux grandes caracté-
ristiques relevées par M. Charolles (2003), qui, comparant les cadres de discours
et les anaphores, constate : « Les deux grands systèmes de relations qui inter-
viennent dans la cohésion extraphrastique sont donc étroitement liés, sauf
qu'ils tirent dans deux directions opposées : les anaphores et les connecteurs
tirent vers l'amont, les adverbiaux cadratifs vers l'aval, avec, bien entendu,
toutes sortes de formes qui tirent dans les deux sens... » (p. 45). Les construc-
tions détachées méritent ainsi une attention particulière, dans la mesure où
elles peuvent remplir ces deux fonctions, du moins dans bon nombre de cas. Le
sujet sous-jacent et certains types de complémentation assurent la continuité
référentielle, tandis que le contenu sémantique, dans le cas des valeurs circons-
tancielles, joue un rôle dans la portée vers l'aval du texte.

II. CONTINUITÉ RÉFÉRENTIELLE ET PORTÉE

Dans la mesure où un cadre discursif, tout en introduisant un nouvel espace


dans le texte, demeure toutefois dans ce que l'on peut appeler la continuité
topicale du texte, il n'est pas étonnant que des liens anaphoriques, plus ou
moins directs, se créent avec l'amont : un passage narratif, par exemple une
biographie, sera caractérisé par l'ouverture de cadres successifs correspondant
aux différents moments d'une chronologie, qui pourraient être considérés
comme des thèmes dérivés ; cette relation peut d'ailleurs être explicitée par des
expressions comme : quelques années plus tard , après une dizaine d'années, etc. Le
texte narratif n'est pas seul concerné par ces relations anaphoriques ; qu'il
s'agisse du texte descriptif ou du texte argumentativ les cadres successifs sont
interprétés comme des éléments symétriques, de la même façon que les
contenus des phrases qui les suivent sont compris comme relevant du même
topique discursif. Le fonctionnement des constructions détachées doit être
rapproché de ce rôle de lien référentiel. En effet, le sujet de la prédication
seconde coïncide souvent avec le réfèrent thématique du contexte antérieur ; la
construction détachée apparaît ainsi comme une sorte de constituant « intermé-
diaire », qui maintient l'identité référentielle tout en introduisant une nouvelle
caractérisation. Tout se passe comme s'il était nécessaire d'éviter une surcharge
qui conduirait à une double attente, l'identification du référent et l'interpréta-
tion de la valeur sémantique de l'expression initiale ne pouvant se combiner
dans la même zone de l'énoncé. La différence majeure avec les cadres de
discours adverbiaux réside dans le fait que ces derniers, sauf exception, ne
présupposent pas ce maintien d'un référent, mais s'ouvrent d'ordinaire sur des
contenus propositionnels ; des séquences comme : En Chine , PI, P2, ...En
France , P3, P4 ou comme : En 1980, PI, P2, ...En 1990, P3, P4 n'impliquent pas
obligatoirement la présence d'un thème qui demeurerait constant à travers
l'ensemble des phrases. Le passage suivant fait bien apparaître ce double statut
de la construction détachée : le référent une singularité est repris, grâce à

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l'anaphore elle , comme thème des trois dernières phrases et les adjectifs anté-
posés, tout en renvoyant à ce réfèrent, entretiennent une relation d'opposition
avec le contexte de droite, relation qui pourrait être rendue par des subordon-
nées (Bien qu'elle soit unique, ...) :
(1) Il pourrait suffire, pour y parvenir, de demeurer fidèle à un événement, une
rencontre, une singularité. Unique, chacune contient un infini. Circonscrite et déli-
mitée. elle ne cesse pourtant de se poursuivre. Isolée, elle est inépuisable.
(R.-P. Droit, Le Monde, 24/01/9 7)

Il est intéressant de noter qu'une sorte d'équilibre semble se créer entre les deux
propriétés (lien avec l'amont, portée vers l'aval), la structuration du texte par
des constructions détachées successives autorisant des relations anaphoriques
moins rigides que l'emploi des formes de pronom sujet qu'exige une certaine
norme écrite. Dans le paragraphe suivant, la première personne apparaît sous
trois formes différentes (je, mon (mépris), moi), les relations de causalité et
d'opposition établies par les adjectifs antéposés l'emportant sur la « symétrie »
référentielle :

(2) Mais qu'ai-je gagné à ma nature réservée ? (...) Froid et sec en matière visuelle, je
n'ai rien de l'enthousiaste et du sentimental (...) Poli, laudatif. admiratif pour les
suffisances qui se proclament intelligences supérieures, mon mépris caché rit (...)
Aventureux et ordonné, passionné et méthodique, il n'y a jamais eu d'être à la fois
plus chimérique et plus positif que moi. (Chateaubriand, René )
La grande fréquence de la continuité thématique a sans doute en partie sa cause
dans le fait que les syntagmes adjectivaux, à la différence des circonstants
cadratifs, ne comportent pas de marque qui signalerait leur rôle sémantique.
Cette propriété n'autorise évidemment pas, à elle seule, à assimiler les cons-
tructions détachées à des cadres ; c'est la portée de l'expression, ainsi que son
rôle dans la structuration textuelle qu'il convient de privilégier. Si la notion de
portée semble relativement claire lorsqu'il s'agit des adverbiaux, son applica-
tion aux constructions détachées mérite une justification, la nature référentielle
et prédicative de ces dernières pouvant poser des problèmes particuliers. On
remarquera en effet que le maintien d'un thème identique en aval du texte ne
peut être tenu pour un critère déterminant, même si cette continuité va souvent
de pair avec l'ampleur de la portée ; dans un passage narratif à thème constant,
par exemple, un participe détaché peut établir une relation causale avec le
prédicat qui le suit sans que cette relation se maintienne sur l'ensemble de la
séquence (Épuisé par son travail, X décida d'aller faire un tour. Il rencontra Y. Ils
discutèrent...). D'une manière générale, on peut considérer que la relation
sémantique établie avec la suite du texte par la construction détachée peut être
évaluée de la même façon que dans le cas d'un adverbial. Qu'il s'agisse par
exemple de la causalité ou de l'hypothèse, un participe ou un adjectif détaché
ne présente pas, théoriquement, de différence fondamentale avec une subor-
donnée ou un syntagme prépositionnel. Les deux expressions en cas de réussite ,
reçu à son examen peuvent se substituer à la subordonnée dans la séquence : S'il
est reçu à son examen, il sera enfin soulagé ; il pourra s'inscrire en deuxième année ;
tout le monde le félicitera ; mais il s'agit justement d'un passage caractérisé par la
continuité référentielle. En irait-il de même si le texte ne présentait pas ce type

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de cohérence, mais était constitué de la juxtaposition de propositions sans réfè-


rent commun ?

Il convient donc d'examiner si toutes les sous-catégories de constructions


détachées présentent bien cette équivalence avec les autres cadres discursifs et
si les caractéristiques propres à telle ou telle expression ont une influence sur
leur fonctionnement textuel. Ce sont ces variations dans le domaine de la portée
que nous allons à présent observer, en prenant en compte les divers types que
nous avons distingués plus haut.

III. CONSTRUCTIONS DÉTACHÉES DESCRIPTIVES

Dans bon nombre de cas, les expressions que nous avons qualifiées de
descriptives peuvent être considérées comme le résultat du détachement de
constituants étroitement liés à la prédication principale, dans une relation de
type attributif. Une gradation s'établit entre les trois énoncés : il est sorti furieux
/ il est sorti, furieux / furieux , il est sorti , gradation qui conduit d'une prédication
unique à la prédication seconde (cf. Eriksson, 1980, 1993 ; Forsgren, 2000) ;
l'antéposition - pour des raisons qui relèvent davantage d'une problématique
stylistique - si elle conduit à la formation d'une prédication seconde et rend
ainsi autonome la forme adjectivale, n'entraîne pas, en raison du sémantisme
du verbe principal, la création de relations circonstancielles et conserve au
groupe antéposé une valeur attributive. Ceci est particulièrement net lorsque le
verbe indique l'apparition ou la localisation du référent :
(3) Une allumette craqua (. . .) Étroite et haute, une chambre apparut.
(]. Green, Le mauvais lieu)

Ce type de construction trouve d'ailleurs également sa place après le verbe, la


ponctuation permettant de traduire des degrés dans la relation attributive :
(4) Devant lui , à gauche , se tenait debout - très droite, mais la tête basse - une très
jeune fille. (J. Gracq, La Presqu'île)
Si l'on considère le fonctionnement textuel de telles
que, comme on peut s'y attendre, elles constituent d
tifs », interprétés comme des propositions réduites
forme verbale, mais qui, au niveau discursif, ne pr
avec les prédications principales. Dans la description
ment de la structure phrastique ne modifierait en ri
bras et les pieds nus , sa tête était entourée. . ., etc.) :
(5) Une vieille femme gardait le cimetière , accroupie sur
inclinée sur ses genoux. Elle avait un sarrau rayé de ble
éclatant, mal attaché sur ses épaules. Les bras et les pied
fichu noir, et le visage à moitié caché par des cheveux to
la main, comme un emblème de toutes les fragilités hum
baguette de roseau. (E. Fromentin, Une année dans le Sahel)
Il est rare que ces expressions dépassent le cadre de la simple juxtaposition
d'énoncés descriptifs pour prendre des valeurs circonstancielles. Le passage
suivant comporte une opposition, soulignée par en revanche, entre les traits,

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énumérés dans les groupes détachés, que la jeune enfant tient de sa mère et
ceux qu'elle doit à son père, contenus dans la prédication principale :
(6) Elle allait avoir huit ans. Grande pour son âge. blonde aux yeux bruns comme sa
mère, avec les mêmes cheveux ruisselants, aux ondes souples moirées de reflets, elle
montrait en revanche, dans le feu de ses regards, dans l'élan de ses moindres gestes,
l'ardente vitalité du jeune seigneur de Bonavent. (M. Genevoix, La forêt perdue)

La structuration ainsi obtenue demeure cependant interne à la phrase et ne peut


être considérée comme un cadre pour la suite du texte ; le fait même qu'il y ait
opposition, contraste, limite la portée au contexte immédiat.
Ce fonctionnement des expressions descriptives, qui correspond à une
portée restreinte au sein de la proposition, se retrouve lorsqu'il s'agit des
compléments de manière que nous avons évoqués plus haut, auxquels on pour-
rait substituer des adjectifs ou des participes. Qu'il s'agisse d'adverbes :
(7) Convulsivement. Tchen enfonça le poignard dans son bras gauche.
(A. Malraux, La condition humaine)

de groupes prépositionnels :
(8) puis, avec un ricanement effroyable, d'un coup, ils se tuaient.
(G. Flaubert, Salammbô)

de constructions absolues :

(9) et, le menton dans la main, les barbares soupiraient. (id.)


on voit comment ces constituants initiaux ne modifient que le prédicat d'action
qui les suit. Dans les deux derniers exemples, d'ailleurs, la phrase qui les contient
correspond à la fin de la séquence narrative. Comme les adjectifs, ces groupes
sont à considérer comme des éléments détachés du noyau prédicatif de la struc-
ture de la proposition. Leur position dans la zone postverbale (Tchen enfonça
convulsivement le poignard) ne modifierait en rien les relations sémantiques.

IV. CADRES LOCALISATEURS ET TEMPORELS

Les adverbiaux qui introduisent dans le texte un cadre spatial ou temporel


ne présentent pas de problèmes particuliers en ce qui concerne la détermination
de leur portée, le contenu des propositions du contexte de droite permettant
d'ordinaire de fixer avec assez de précision l'étendue de la relation sémantique
qu'ils établissent. Toutefois, lorsqu'un thème constant est présent dans le texte,
l'expression localisatrice peut être comprise non seulement comme un nouveau
cadre spatial pour l'ensemble des prédications qui se trouvent sous sa portée,
mais également comme la dénotation du lieu où est situé le réfèrent théma-
tique ; dans l'exemple suivant, le groupe à la maison renvoie à la localisation des
personnages et se comprend comme une fois arrivés à la maison :
(10) Ils partirent vers la gare (...) Quand le train se mit en marche, Berthe soupira (...)
À la maison. Philippe dit (. . .) (P. Nizan, Le cheval de Troie)
Un participe ou un adjectif peuvent expliciter cette relation, le point de repère
spatial étant alors introduit sous la forme d'un complément constituant du

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groupe détaché. Dans le passage suivant, le syntagme assis dans ma chambre joue
le rôle de cadre pour l'ensemble du texte, comme le ferait le groupe préposi-
tionnel ( dans ma chambre) s'il était utilisé seul, sans participe :
(11) Assis dans ma chambre, je suis dans le quartier général du bruit de tout Г apparte-
ment. j'entends claquer toutes les portes , leur bruit m'épargne seulement
d'entendre les pas des gens qui courent d'une pièce à l'autre. (. . .) Mon père enfonce
la porte de ma chambre (. . .) On soulève le loquet de la porte d'entrée (...) à présent
va commencer un bruit plus délicat (. . .) (F. Kafka, Grand bruit)

Il est intéressant de noter que la construction détachée se trouve parfois coor-


donnée au circonstant cadratif, ce qui montre bien l'équivalence des deux expres-
sions, le syntagme prépositionnel ne servant pas uniquement à localiser des
« états » qui correspondraient aux prédications du contexte de droite, mais sous-
entendant la présence du référent ainsi situé. Dans les extraits suivants, les
groupes prépositionnels au-delà et à côté du mausolée, qui semblent fonctionner
comme des circonstants de lieu cadres de l'état de choses dénoté par la phrase
d'accueil, sont en fait attirés vers la zone de la prédication seconde, étant coor-
donnés aux participes présents, comme s'ils correspondaient à situé au-delà (à côté) :
(12) Un peu plus loin que le cimetière , on trouve un endroit (...) je veux parler du café
des platanes. Le lieu assurément est fort joli (...). Au-delà, et tenant au café, se
prolonge , par une courbe fort originale , une fontaine arabe , c'est-à-dire un long mur
dentelé vers le haut (. . .) (E. Fromentin, Une année dans le Sahel)
(13) Â côté du mausolée, et communiquant par une porte avec l'enclos réservé, s'étend le
cimetière public. (id.)

Les cadres localisateurs pos


problème du degré d'intégrat
propositionnelle, de la liaison
cipale. Ici encore, un équilibr
de la portée textuelle. Il est ai
(14) Bâtie sur un éperon qui sem
longue vallée. (J. Green, Le mauvais lieu)
dans laquelle le groupe initial ne dépend pas du verbe do
référent comme le ferait un circonstant, et l'exemple suivan
(15) Sur le sommet de la butte , debout entre les deux issues
construction (...) (Maupassant, Mont-Oriol)
qui fait apparaître une relation, au niveau syntaxique et a
beaucoup plus étroite entre le syntagme sur le sommet et s
sujet constitue d'ailleurs un bon indice de ce statut lié
(cf. Fuchs & Fournier, 2003). Les verbes dont le rôle est d
duire, un référent entraînent cette structuration de la pr
conséquence une portée plus étroite de la construction dé
toutes proportions gardées, des groupes à valeur descriptiv
(16) Scellée au mur , près du bombement extérieur du puits , à l'
pressoir , il y a une pompe (. . .) (Y. Peyré, La bibliot

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Les adverbiaux cadratifs

La combinaison d'un participe et d'un complément de lieu entraîne souvent


la superposition du cadre temporel et du cadre spatial. Dans les énoncés
suivants, les constructions détachées traduisent à la fois le changement de lieu
et la progression chronologique, qui pourrait être également exprimée par un
adverbial (à mon arrivée) ou par une subordonnée ( lorsque j'arrivai) :
(17) Je me traînai comme je pus jusqu'à mon appartement (. . .) Arrivé devant ma porte ,
même avant d'avoir pu l'ouvrir , il me fut impossible de me soutenir davantage.
(E. Fromentin, Dominique)
(18) Nous montâmes ensemble (...) Arrivée dans l'antichambre (...) une lueur de
présence d'esprit lui revint. (id.)
On remarquera cependant que, dans ce type
du discours fait que la construction détaché
portion assez restreinte du texte, la progres
décalage temporel entre le groupe détaché
contexte de droite.

(19) À peine arrivée sous bois , elle prit le galop. Je fis comme elle , et je la suivis. Elle hâta
le pas dès qu'elle me sentit sur ses talons , cravacha son cheval et sans motif le lança
à fond de train. Je me mis à son allure (. . .) (id.)
Il est à noter que les subordonnées temporelles, qui ont un contenu
celui des constructions détachées participiales, paraissent assure
plus facilement que ces dernières une portée textuelle large. On peu
sur ce point (17) et (18) au passage suivant, dans lequel la proposition
voit pas sa portée limitée à la première phrase, mais sert de cadre à
du paragraphe :
(20) Aussitôt qu'il fut installé près de nous, ma vie changea, en ce sens du
en ßt deux parts. Je ne renonçai point aux habitudes prises, mais on m'en
nouvelles. J'eus des livres, des cahiers d'étude, des heures de travai
contractai qu'un goût plus vif pour les distractions (. . .) (id.)

Y. LIENS LOGIQUES

Lorsqu'il s'agit d'établir avec le contexte de droite des relations de causalité,


d'opposition ou d'hypothèse, les constructions détachées constituées de parti-
cipes, présents ou passés, sont les structures les mieux représentées et leur fonc-
tionnement est alors très proche de celui des subordonnées qui leur
correspondent sémantiquement. Un indice de cette propriété est fourni par la
moindre rigidité du lien référentiel qui va également de pair avec l'ampleur de
la portée textuelle. Ainsi, dans l'extrait suivant, les participes vaincu , abattu , que
le contexte conduit à interpréter avec une valeur causale, ont-ils une portée sur
l'ensemble du paragraphe, le maintien du topique s'opérant par des formes
diverses de la première personne ( mes projets , ma force , me, je) :
(21) Vaincu par la glorieuse douleur de la sainte, abattu par les grandeurs de la religion,
tous mes projets de violence s'évanouirent ; ma force m'abandonna ; je me sentis lié
par une main toute puissante, et au lieu de blasphèmes et de menaces, je ne trouvai
dans mon cœur que de profondes adorations. (Chateaubriand, René)

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Ces constructions, lorsqu'elles sont de type adjectival ou formées d'un subs-


tantif sans déterminant, entrent fréquemment dans des structures rhétoriques,
avec des effets de symétrie, d'opposition, de contraste, qui réduisent leur portée
aux limites de la phrase :
(22) Poète, Valéry n'a pas de démon. Prosateur, c'est , si l'on veut, le colosse de la pensée
pour album. (]. Gracq, Lettrines)
On peut rapprocher ce fonctionnement de celu
tout se passe comme si l'absence de marque exp
allait de pair avec une réduction de la portée, d
de raccourci, de formule de conclusion, là où u
participial pourraient avoir une portée beaucoup
(23) Deux choses ont servi Fouché dans l'imaginatio
Robinson, on sent que cet homme aurait filé Vendredi. (id.)
(24) La beauté de cette femme s'en trouve atteinte (...) ; simplement et candidement
sotte, il n'en serait rien. (id.)

Tout se passe comme si la natur


de l'adjectif, était un obstacle à l
subordonnée, alors que les part
verbale, sont plus facilement int
nelles réduites. Cette différence
portée des formes nominales au
caractérisées par des effets de sy
de « manière », s'il est plus rare,
(25) Avec un pareil compagnon, j'étais
chambre étroite , sans horizon , sans
murailles (...) C'était l'hiver , il pleu
(E. Fromentin,

le groupe initial avec un pareil c


rapport au prédicat qui le suit ( êt
prète pas comme étant sous la po
fait, par la description d'un pa
narrateur, ce prédicat de la prem
avec le complément antéposé en

VI. LES CONSTRUCTIONS DÉTA


ET LA STRUCTURATION DU TEXTE

Quel que soit le type de discours, les expressions cadratives ont pour
fonction essentielle de marquer les articulations du texte. Jouant en ce sens
un rôle identique à celui des syntagmes topicalisés, qui signalent la réactiva-
tion d'un référent ou l'introduction d'un nouveau référent dans le flux
discursif, elles délimitent des portions de texte qui se définissent par
tion à leur entourage contextuel. Si elles signalent l'ouverture d'un
espace, elles sont également, dans le fil du texte, des signaux de ferme

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Les adverbiaux cadratifs

C'est cette double fonction, à la fois vers l'amont et vers l'aval, qui permet de
les rapprocher de certaines progressions thématiques, comme la progression
à thème éclaté, par exemple. Les constructions détachées, lorsqu'elles fonc-
tionnent comme cadres, peuvent assumer cette opération de structuration du
texte. Dans l'article suivant, qui rapporte les difficultés financières de la
société Buffalo Grill , après une introduction qui insiste sur la gravité de la
situation, les deux paragraphes qui constituent le corps de l'article débutent
par des syntagmes adjectivaux détachés qui renvoient à deux aspects succes-
sifs de l'événement. : le manque d'expérience, cause de « cafouillage » (peu
habituée...), la volonté de réagir ( soucieuse de redresser...). Ces adjectifs cadra-
tifs, à valeur causale, ont une portée qui s'étend sur l'ensemble du para-
graphe, les diverses propositions développant les conséquences du contenu
de ces prédications réduites :
(26) Buffalo Grill traverse une période de vaches maigres. Sur les six premiers mois de
l'année, près du quart du chiffre d'affaires est parti en fumée (. . .)
Peu habituée à être exposée, cette société , qui n'avait jusqu'à présent (...), se
retrouva soudain au cœur d'une tempête juridico-médiatique. Elle tenta, non sans
maladresse et cafouillage, d'établir un contre-feu (...)
Soucieuse de redresser son image. Buffalo Grill a demandé à sa nouvelle agence de
communication de mener une enquête (...) D'où il ressort que les traces de la crise
sont profondes. (...) (Le Monde, 3/10/03)
Un exemple du même ordre peut être fourni par le tex
référence aux contraintes qui pourraient freiner la fabrica
génériques en Inde. L'introduction générale est suivie
graphe, qui décrit l'activité de l'Inde dans ce domaine, les
lées par la construction détachée participiale (dotée d'une in
le deuxième paragraphe relate le changement imposé, a
construction détachée à valeur causale (membre de l'OMC...),
les deux parties étant soulignée par le connecteur or :
(27) L'Inde pourrait restreindre les possibilités de fabriquer des mé
La moitié des médicaments (...) sont des génériques fabriqués
Dotée d'une industrie pharmaceutique privée dynamique et d'u
là extrêmement souple sur les brevets. l'Inde est devenue le nu
générique (...) Les fabricants de génériques indiens les ont
divisés par dix par rapport à ceux des laboratoires occidentaux.
Or, membre de l'OMC depuis sa création. l'Inde était tenue de
en conformité avec les accords internationaux. Le 26 décembr
ment a promulgué une ordonnance amendant la législation sur l
(Le Monde, 21/03/05)

Dans des passages de ce type, les constructions détachées on


identique à celui des adverbiaux. Par leur portée, elles cont
tion de séquences discursives qu'elles situent en même tem
autres unités du texte. La différence majeure qui les disti
la présupposition d'un sujet sous-jacent, fait jouer aux préd
rôle particulier dans le domaine de la continuité référentiel
renforcer leur fonction dans la structuration du discours.

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Les constructions détachées comme cadres de discours

CONCLUSION

Les quelques éléments de description que nous venons de présenter


montrent qu'il n'est guère possible de déterminer a priori , sur la base des seules
propriétés morphosyntaxiques, si une prédication seconde en début d'énoncé
joue un rôle de cadre discursif. La prise en compte des informations fournies
par le contexte demeure indispensable pour évaluer le statut exact du détache-
ment. Il paraît toutefois envisageable de construire une échelle qui rende
compte de la plus ou moins grande accessibilité à la fonction de constituant
cadratif. Deux caractéristiques ont ici une importance particulière et permettent
de hiérarchiser les divers types de constructions : d'une part, l'identité plus ou
moins grande avec la structure de base de la prédication, réalisée par les subor-
données. La nature verbale du participe et de l'infinitif les rapproche de ce pôle,
alors que les adjectifs et les compléments de manière s'en éloignent ; d'autre
part, la possibilité pour les expressions de comporter des marques, comme les
conjonctions ou les prépositions, qui explicitent les relations sémantiques. La
combinaison de ces deux propriétés va dans un même sens en autorisant plus
facilement l'interprétation de la construction détachée comme une proposition
réduite qui, comme les subordonnées conjonctives, contient les informations
permettant l'identification de son rôle textuel. L'absence de ces caractéristiques
entraîne en revanche un fonctionnement de la construction détachée étroite-
ment lié au sémantisme et à la structure de la phrase d'accueil et restrein
d'autant sa portée. Les spécificités des diverses expressions conduirait ainsi à l
hiérarchisation suivante :

subordonnée > infinitif > participe > adjectif > substantif> constr. absolue >
compl. « manière »

Les expressions proches des subordonnées partagent avec elles la propriété


d'être plus « ouvertes », sans contrainte particulière sur le contexte de droite,
sur les types de procès, qu'elles peuvent introduire. Il n'en va pas de même
pour les constituants situés à l'autre extrémité de l'échelle, qui impliquent la
présence de prédicats spécifiques, renvoyant à une catégorie limitée d'états de
choses. C'est cette liaison plus ou moins étroite avec la structure proposition-
nelle qui nous semble jouer un rôle important dans le fonctionnement textuel
de ces groupes antéposés, en particulier en ce qui concerne l'étendue de la
portée. Dans la mesure où propriétés sémantiques et propriétés morphosyntaxi-
ques sont ici étroitement liées et trouvent leur motivation au plan discursif,
cette problématique de l'intégration des divers constituants et de leur hiérarchi-
sation syntaxique devrait être replacée dans le cadre plus large d'une descrip-
tion fonctionnelle de la structure de la phrase et de ses divers niveaux.

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