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6 La phrase

Objectifs du chapitre
Rappeler les constituants de la phrase simple et de la phrase complexe.
Dégager la portée stylistique de la construction des phrases.
Améliorer la qualité de l’écrit et de l’oral des élèves en travaillant sur la syntaxe.
Affermir les bases nécessaires au traitement de la question de grammaire à l’oral du bac.

Démarche
Les deux textes permettent de confronter deux niveaux d’expertise opposés : Cha-
teaubriand (texte 1) joue habilement du rythme et de la construction de la phrase
pour écrire cette parodie de scène de guerre ; l’élève (texte 2) peine à structurer ses
phrases, qui deviennent difficilement compréhensibles. Il s’agit donc pour l’élève de
prendre conscience de l’importance de la syntaxe dans la communication écrite (et
orale dans une moindre mesure). L’objectif minimal est d’assurer sa correction gram-
maticale. L’objectif maximal est de savoir user de la syntaxe comme d’un véritable
élément stylistique.

1. Savoir construire une phrase


a. Phrase difficile à lire car longue et complexe : procède par coordination de deux
segments complexes (« Le narrateur… dans laquelle… qui… et… qui… que… »). À cette
complexité syntaxique se mêle un glissement dans le thème de la phrase. Centrée
au début sur « l’événement relaté », elle en vient à une analyse stylistique de la rapi-
dité de l’action. Ce manque de cohésion discursive, qui tient à l’absence de maîtrise
syntaxique, entrave la lecture. On peut signaler aussi la perturbation introduite par
l’insertion des exemples qui augmente la difficulté de la lecture.
b. Il manque le verbe conjugué, l’élève n’ayant utilisé qu’une forme participiale (« étant
ramenées »).
c. Plusieurs propositions sont bien sûr acceptables, du moment qu’elles ramènent la
phrase à une longueur « confortable ». On attend surtout que les élèves séquencent
le texte en fonction de son sens.
Proposition : Le narrateur transforme l’événement relaté en une scène de guerre, dans
laquelle le fuyard tient un siège, défendu par de l’eau et des pommes cuites qui rap-
pellent l’huile bouillante du Moyen Âge. En outre, les verbes au présent de narration
(« Les bonnes fondent sur moi… ») expriment bien l’intensité et la rapidité de l’action. Et
celle-ci s’exprime également par les verbes de mouvement que sont « fondre », « échap-
per », « courir », « pourchasser », « monter ». Enfin, les bonnes sont ramenées à un groupe
anonyme présenté avec humour comme « armée femelle », « avant-garde ennemie »,
finalement contraint à « lever le siège ».
La langue et le discours

2. Analyser l’expressivité de la phrase


a. Il s’agit de phrases complexes constituées le plus souvent de propositions indé-
pendantes juxtaposées. Les seules conjonctions de coordination sont lourdement
chargées de sens : « mais » (l. 1) introduit une opposition qui précipite la suite des évé-
nements (Hervine est repêchée et l’histoire pourrait s’arrêter là, mais elle dénonce
François !) ; « et » (l. 4 et 5) suggère la vaillance de la résistance… Le texte comporte
PARTIE 1

aussi deux phrases simples et brèves (l. 3 et 7).


b. La juxtaposition des propositions et les deux phrases simples créent un rythme
rapide, scandé par l’action et par le mouvement. Ce rythme est un élément fort de

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la dimension parodique du texte, qui transforme une anecdote d’enfance en scène
de siège.

EXERCICES
Exercice 1
1. Le héros s’est précipité dans son refuge et a attendu des renforts. 2. La circulation,
trop dense, ralentit la progression des véhicules. 3. Dans cet extrait, Verlaine présente
un jardin familier qu’il n’a pas vu depuis longtemps. 4. Ce roman passionnant, hale-
tant, est à faire partager au plus grand nombre.
Exercice 2
Propositions : 1. L’inspecteur leva la tête car on avait frappé à la porte. 2. L’automobi-
liste s’arrêta parce qu’il avait repéré l’obstacle. 3. Les promeneurs repartirent, si bien
qu’ils arrivèrent au refuge avant l’orage. 4. Comme nous avons examiné le person-
nage principal, nous allons maintenant analyser l’espace.
Exercice 3
1. Julien Sorel est condamné à mort pour avoir tiré sur Madame de Rênal. 2. Ce poème
d’Apollinaire, publié en 1913, fait partie d’Alcools. 3. Nous nous sommes préparés à par-
tir. Il nous a alors salués. 4. Après cette deuxième partie, nous pourrons nuancer ce
point de vue dans un troisième mouvement de notre réflexion.
Exercice 4
Proposition : La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide.
Elle lui déplut, enfin. Il n’aima pas comment elle était habillée. Il n’apprécia pas sa coif-
fure trop figée ni son maquillage appuyé. Il n’aima pas l’expression fermée de son visage,
ni ses propos convenus. Elle n’était pas son type de femme…
Exercice 5
1. Coordination : Vous n’avez rien fait et le peuple souffre. Vous n’avez rien fait, alors
le peuple souffre. Le peuple souffre, mais vous n’avez rien fait. Le peuple souffre, or
vous n’avez rien fait… Subordination : Comme vous n’avez rien fait, le peuple souffre.
Vous n’avez rien fait, si bien que le peuple souffre. Alors que le peuple souffre, vous
n’avez rien fait. Tandis que le peuple souffre, vous n’avez rien fait. Bien que le peuple
souffre, vous n’avez rien fait…
On peut faire sentir aux élèves les nuances de sens selon la place des propositions
et le choix du coordonnant ou du subordonnant.
2. Coordination : Elle avait reçu beaucoup d’éducation et avait appris à lire à son fils.
Elle avait reçu beaucoup d’éducation, elle avait donc appris à lire à son fils. Elle avait
appris à lire à son fils, car elle avait reçu beaucoup d’éducation… Subordination : Parce
qu’elle avait reçu beaucoup d’éducation, elle avait appris à lire son fils. Comme elle
avait reçu beaucoup d’éducation, elle avait appris à lire à son fils. Elle avait reçu beau-
coup d’éducation, de sorte qu’elle avait appris à lire à son fils…
3. Coordination : Trois jeunes filles étaient habillées en alpinistes et escaladaient la
façade de l’immeuble. Trois jeunes filles étaient habillées en alpinistes, or elles esca-
ladaient la façade de l’immeuble… Subordination : Trois jeunes filles qui étaient habil-
lées en alpinistes escaladaient la façade de l’immeuble. Trois jeunes filles étaient habil-
lées en alpinistes alors qu’elles escaladaient la façade de l’immeuble…
Exercice 6
1. Rythme croissant (ternaire : « les uns… les autres… d’autres… »). 2. Rythme croissant
(ternaire : « je connais » x 3). 3. Rythme décroissant (ternaire : « il n’y a… » x 3).

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Exercice 7 corrigé
Exercice 8
a. Types de phrase : – impératif : l. 1-2. – déclaratif : l. 8 (« J’aime mieux… ») et dernière
phrase (l. 9-13). – interrogatif : l. 3-8 (trois phrases segmentées elles-mêmes en huit
questions : les majuscules indiquent les débuts des phrases ; les points d’interroga-
tion séparent soit des phrases soit des propositions indépendantes qui sont elles-
mêmes interrogatives).
Formes : – exclamative : 3 exclamations (l. 1, 5-6, 9-10), qui ne forment pas à elles seules
des phrases mais s’intègrent à des phrases déclaratives ou interrogatives. – négative,
couplée au type interrogatif (« N’être plus à moi ? » [l. 5]) ou à la forme exclamative
(« …n’être pas à moi seul ! » [l. 6], « Que le Ciel ne me donna-t-il un courage… ! » [l. 9]).
b. Les types et formes de phrase, leur brièveté, l’abondance de la ponctuation, expri-
ment l’agitation intense du narrateur. Le type interrogatif dit l’acuité de son incrédu-
lité, face à la rupture souhaitée par Julie. L’exclamation, comme l’usage du type impé-
ratif, exprime le sentiment de colère et de révolte.
Exercice 9
Proposition : Je te trouve bien cruelle, Julie. Si tu me rends mon cœur, fasse qu’il soit
tel qu’il me fut donné. J’ai bien des difficultés à comprendre ce que tu m’écris, ce que tu
cherches à me faire entendre : mais je crains de deviner que tu envisages d’en épouser
un autre et de m’abandonner ou, pire, de m’obliger à te partager. Non, j’aime mieux te
perdre que te partager. Puisse le Ciel me donner un courage digne des transports qui
m’agitent… Avant que ta main se fût avilie dans ce nœud funeste abhorré par l’amour et
réprouvé par l’honneur, j’irais de la mienne te plonger un poignard dans le sein.
L’exercice doit permettre de saisir que la modalité des phrases est intraduisible :
toute la force expressive du texte initial disparaît si on le prive des modalités excla-
matives et interrogatives.
Exercice 10
Proposition : Voilà donc où se situe la porte d’entrée. À gauche de cette porte, un plan
de travail blanc, surmonté de deux rayonnages qui courent jusqu’au fond du bureau.
Des tiroirs sont encastrés sous le plan de travail. Sur les étagères, une multitude de
livres : dictionnaires, grammaires, critique littéraire, littérature contemporaine. Au fond
de la pièce, une fenêtre qui donne sur le jardin. En face du plan de travail, même prin-
cipe d’étagères dont l’une présente des photographies, dessins d’enfants, bibelots, vide-
poches. Beaucoup de blanc. Puis, c’est la porte de la chambre, le radiateur. Blanc, bien sûr.
Exercice 11
a. v. 1, discours du lion : type impératif, phrase brève. v. 5-8, réponse du moucheron :
une phrase interrogative, une phrase déclarative.
b. Cette partie de l’exercice peut permettre de préparer l’oral de l’EAF. Dans ce cas,
on peut approfondir l’approche de la construction des phrases en allant jusqu’à leur
analyse logique. v. 1 : le verbe à l’impératif est suivi d’une apostrophe au moucheron,
La langue et le discours

doublement désigné par deux périphrases : « chétif insecte / excrément de la terre ».


Le rythme ne peut ici s’étudier sans que l’on fasse appel à la construction de l’alexan-
drin, marqué par un premier hémistiche découpé en 2/4. Ainsi le premier hémistiche
est-il mis en parallèle avec le second. v. 5-8 : structure en verbe + prop. subord. com-
plétive (penses-tu que…) avec en incise le verbe de parole. Cette complétive comporte
deux verbes conjugués (fasse peur / soucie) coordonnés par la conj. de coord. « ni ».
Il s’agit donc d’abord (v. 5-6) d’une phrase complexe comportant trois propositions.
PARTIE 1

Rythme marqué par l’alexandrin du v. 5, l’enjambement du v. 5 au v. 6, et la fluidité de


l’enchaînement des deux verbes dans la complétive. Phrase suivante (v. 7-8) : phrase
complexe composée de deux prop. indépendantes juxtaposées. Rythme marqué par

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la présence de deux octosyllabes.
c. Proposition : L’inversion du rapport de force entre le lion et le moucheron se lit dans
la construction des phrases. En effet, l’étude du discours direct de l’un et de l’autre per-
sonnage présente d’emblée une disproportion en faveur de l’insecte. Sûr de lui, le lion se
fait bref, dans un alexandrin qui vomit des injures dès le premier hémistiche : « Va-t-en,
chétif insecte, excrément de la terre. » Le sens comme le rythme assimilent en effet l’im-
pératif à une première insulte, complétée des deux suivantes, en gradation. Le mouche-
ron ne se démonte pas et répond plus longuement, en quatre vers dont deux sont consti-
tués d’une interrogation rhétorique (v. 5-6). Face à l’insulte, le moucheron raisonne : il
montre l’inanité du statut du lion (interrogation rhétorique) et, grâce à une analogie, sa
propre toute-puissance, écorchant au passage la vanité du roi (« Un bœuf est plus puis-
sant que toi… »). Le rythme est ample et ferme, structuré par l’alexandrin suivi des trois
octosyllabes. La syntaxe, claire (verbe suivi d’une complétive, phrases brèves et indé-
pendantes, simplement juxtaposées) atteste un esprit calme, fort, solide face au violent
mépris exprimé par le lion. Cette prise d’armes verbale est confirmée par le narrateur qui
déploie ensuite la description de la charge du moucheron sur plusieurs vers : sujet de
plusieurs verbes, le « chétif insecte » est à l’honneur, dans une série de propositions jux-
taposées ou coordonnées qui soulignent son sens de la stratégie : « …il sonna la charge,
/ Fut le trompette… il se met au large, / Puis prend son temps, fond sur le cou… ». Ainsi
la phrase, dans son organisation et son rythme, se fait-elle révélatrice d’un rapport de
forces inversé, qui signe, un temps, la puissance du petit face au grand.

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