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10 La ponctuation

Objectifs du chapitre
Rappeler les règles de l’usage de la ponctuation.
Proposer un entraînement à la lecture à voix haute fondée sur l’attention portée à la ponctuation.
Créer des automatismes dans l’usage de la ponctuation en production écrite.
Sensibiliser aux liens entre la ponctuation et le sens.
La langue et le discours

Démarche
La prose de Colette épouse ici le rythme d’un discours, qu’il s’agisse de celui qui est
tenu effectivement par les personnages ou de celui que semble tenir le narrateur. La
ponctuation, parfois inattendue, joue un rôle important dans la vivacité et la spon-
tanéité recherchée de cet incipit. L’objectif est ici de faire la part entre l’usage régu-
lier de la ponctuation et sa forme plus personnelle, dont la valeur stylistique est
alors à interroger.
PARTIE 1

1. Connaître l’usage de la ponctuation


a. Deux emplois de la majuscule : en début de phrase et au début des noms propres

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(la Pervenche, Vinca, Philippe).
b. – l. 2-3 : cas d’usage obligatoire, entre le complément circonstanciel de moyen et
le sujet, puis entre le groupe nominal sujet « la Pervenche » et l’apposition « Vinca
aux yeux couleur de pluie printanière ».
– l. 4-5 : la virgule n’est pas obligatoire avant une proposition subordonnée relative.
Ce qui la rend ici nécessaire est son enchâssement dans la complétive « que sa jupe…
appartenait à la crevette… » : la relative est ainsi « démarquée » au sein de la complé-
tive. Sans virgule, la structure de la phrase est moins compréhensible.
– l. 10 : la virgule est obligatoire devant une apposition, ce qui est le cas du participe
présent « comparant ».
c. La virgule devant le verbe « répondit » isole l’apposition « Vinca aux yeux couleur
de pluie printanière ». Si on supprime celle-ci, on retrouve la séquence canonique :
… la Pervenche répondit qu’elle allait…

2. Apprécier les effets de la ponctuation


a. Cet incipit comporte 3 phrases interrogatives : la première relève du discours direct,
question posée à Vinca par Philippe. Les deux autres reviennent au narrateur : l’une
(l. 7) permet d’expliquer l’attitude hautaine de Vinca (son « signe de tête hautain »
marque bien le refus de répondre à une question dont la réponse est si évidente !)
tout en prenant le lecteur à témoin ; pour l’autre (l. 11), il s’agit d’une forme de dis-
cours indirect libre de Philippe, d’un accès à ses pensées. De façon générale, l’inter-
rogation contribue à la vivacité du rythme de cet incipit, à son style « naturel » et
permet au lecteur de se sentir impliqué dans les relations entre les personnages.
b. « en effet » pourrait ne pas être placé entre virgules. Les virgules constituent ici
une forme d’accentuation, qui pourrait aussi se traduire par des caractères gras ou
italiques. Il s’agit d’insister sur l’évidence de la réponse muette de Vinca, manifeste-
ment agacée d’être questionnée sur une activité dont chaque élément de sa tenue
vestimentaire est un signe patent.
c. Là encore, la virgule accentue l’effet d’énumération des indices : la narratrice simule,
dans sa description de Vinca, l’agacement de la jeune fille qui estime que sa tenue
parle pour elle. Si Vinca prenait la parole, tout le passage pourrait être lu en discours
indirect libre. En réalité, le narrateur expose habilement le caractère de Vinca et sa
proximité avec le personnage, dont elle prend en charge les pensées muettes.

EXERCICES
Exercice 1
après-midi : après-/midi ; après-mi/di – affoler : af/fo/ler – déplacement : dé/pla/ce/
ment – examen : exa/men – rongeur : ron/geur – éléphant : élé/phant – pastiche :
pas/tiche – moite : 1 seule syllabe, ne peut pas se couper. – Rappel : trait d’union en
fin de ligne.

Exercice 2
Verrières est abritée – du côté du nord – par une haute montagne – c’est une des branches
du Jura. Les cimes brisées du Verra se couvrent de neige dès les premiers froids d’oc-
tobre. Un torrent – qui se précipite de la montagne – traverse Verrières – avant de se
jeter dans le Doubs – et donne le mouvement à un grand nombre de scies à bois ; c’est
une industrie – fort simple – et qui procure un certain bien-être à la majeure partie des
habitants – plus paysans que bourgeois.
De nombreux groupes de mots peuvent être placés entre tirets. Il importe de sensi-
biliser les élèves au danger de la fréquence de cette ponctuation qui, excessive, brise

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le rythme de la lecture (exemple de la version corrigée ci-dessus, qui envisage un trop
grand nombre de possibilités). Par ailleurs, les tirets sont surtout les bienvenus lors-
qu’ils viennent isoler une précision dont le lecteur pourrait se passer mais qui mérite
toutefois une certaine attention. Ainsi, les tirets semblent déplacés pour « qui se pré-
cipite de la montagne », car l’image relève du cliché ; en revanche, « du côté du nord »
comme « plus paysans que bourgeois » peuvent aisément être placés entre tirets.

Exercice 3 corrigé
Exercice 4
Possibilité 1 : Elle va à la danse. Le jeudi, avec plaisir, elle joue aussi au tennis.
➙ Les compl. circonstanciels de temps et de manière ne portent que sur « joue au
tennis ». On ignore quand elle va à la danse.
Possibilité 2 : Elle va à la danse le jeudi. Avec plaisir, elle joue aussi au tennis. ➙ Le
compl. circ. de temps est clairement rattaché à « va à la danse ». On ignore quand
elle joue au tennis, mais on sait qu’elle le fait « avec plaisir ».
Possibilité 3 : Elle va à la danse le jeudi avec plaisir. Elle joue aussi au tennis. ➙ Les
deux compl. circ. sont rattachés à « va à la danse ». Aucune information n’est don-
née quant au tennis.

Exercice 5
Version originale de Baudelaire :
Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j’étais placé était d’une grandeur et d’une
noblesse irrésistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon
âme. Mes pensées voltigeaient avec une légèreté égale à celle de l’atmosphère ; les pas-
sions vulgaires, telles que la haine et l’amour profane, m’apparaissaient maintenant aussi
éloignées que les nuées qui défilaient au fond des abîmes sous mes pieds ; mon âme
me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j’étais enveloppé ; le
souvenir des choses terrestres n’arrivait à mon cœur qu’affaibli et diminué, comme le
son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le ver-
sant d’une autre montagne.
Grammaticalement, chaque point-virgule pourrait être remplacé par un point (suivi
d’une majuscule). Le choix de Baudelaire fait mieux ressortir le mouvement continu
de la pensée.

Exercice 6
1 Ponctuation typique du discours direct, marqué par l’usage du tiret, une ponc-
tuation forte (interrogation, exclamation) et les points de suspension qui indiquent
ici le rythme propre à l’oral. La réplique pourrait figurer dans une pièce de théâtre.
2 Ponctuation sobre qui démarque des phrases souvent nominales. Le discours
direct n’est pas signalé (ni guillemets, ni tirets), signifié seulement par les proposi-
tions incises « dit l’ingénieur », « dit l’aubergiste », « pensa Simon ». Le narrateur tend
ainsi à gommer les ruptures entre récit et discours, faisant des passages descriptifs
de brefs monologues intérieurs modalisés : Trop tôt sans doute ». La discrétion de
La langue et le discours

la ponctuation favorise ici cette confusion des discours.

Exercice 7
L’usage de la ponctuation peut s’avérer perturbant pour le lecteur dans cet incipit
de La Route des Flandres : une seule phrase, segmentée par des virgules dans un pre-
mier temps, puis dépourvue de toute ponctuation. Le discours direct est inséré dans
le texte sans aucun autre signe typographique que la majuscule à « Les chiens ». Le
PARTIE 1

lecteur est donc entraîné dans une prose ininterrompue, fluide, devant laquelle il
peut hésiter entre deux attitudes : se laisser porter par le mouvement du texte ou
au contraire tenter de réinstaurer une structure grammaticale.

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Exercice 8
L’exercice peut être mené à la maison avec enregistrement individuel. Il constitue un
entraînement à la lecture orale de l’EAF.

Exercice 9
Proposition de ponctuation ordinaire pour le texte de Claude Simon :
Il tenait une lettre à la main. Il leva les yeux, me regarda, puis de nouveau la lettre,
puis de nouveau moi. Derrière lui, je pouvais voir aller et venir, passer, les taches rouges,
acajou, ocre des chevaux qu’on menait à l’abreuvoir. La boue était si profonde qu’on
enfonçait dedans jusqu’aux chevilles, mais je me rappelle que, pendant la nuit, il avait
brusquement gelé ; et Wack entra dans la chambre en portant le café, disant : « Les
chiens ont mangé la boue […] ».

Exercice 10
Propositions : La pomme ? un fruit non-défendu ! / Le fruitburger : un burger qui vous
veut du bien…/ Entre vous et nous, c’est une question de bon goût ! / Croquez la vie !

Exercice 11
Proposition : Philippe la rattrapa en quelques sauts. Elle lui lança un coup d’œil sombre,
sans ralentir sa marche vers les rochers. Allait-il vraiment la suivre jusqu’au bout, dans
ses habits ridicules de garçon de bonne famille ? On ne plaisantait pas avec la première
partie de pêche de l’été, il fallait en être pleinement, ou pas !

Exercice 12
Proposition : L’usage de la ponctuation dans ce début de roman est presque inexis-
tant. L’unique phrase est simplement entrecoupée de virgules dans un premier temps,
puis dépourvue de tout signe de ponctuation, au point d’insérer totalement la phrase
au discours direct dans le corps du texte. D’où une fluidité qui emporte le mouvement
de la lecture ; ce qui ne va pas d’ailleurs sans effets déroutants. Où se trouve finalement
dans cette scène – dont le caractère incertain est renforcé par l’arrière-plan que forme
le mouvement des chevaux – ce narrateur-personnage qui dit « moi » ?

Exercice 13
a. Les points de suspension peuvent avoir dans cet extrait deux valeurs :
– valeur rythmique, dans la réplique du pompier par exemple ; ils suggèrent des
pauses, un ralentissement, la recherche du mot juste.
– valeur d‘interruption, en fin de réplique : celle de M. Martin (l. 4) peut être interrom-
pue par celle du pompier, comme Mme Smith peut l’être par M. Smith à la ligne 6.
Dans ce cas, le rythme s’accélère.
Ce signe de ponctuation peut donner lieu à des interprétations scéniques très dif-
férentes.
b. Points d’interrogation : l. 16-17 et 26. Habituellement, la forme interrogative au
théâtre favorise le dialogue. Dans les scènes d’exposition, elle facilite l’information
du spectateur en permettant à un personnage de fournir des éléments sur l’intrigue,
la situation. Plus généralement, elle conduit un personnage à se confier, analyser ses
sentiments, exprimer ses intentions, sa réflexion… Elle est donc un instrument essen-
tiel du langage dramatique, auquel elle insuffle également un rythme et une mélodie.
Dans l’extrait de Ionesco, l’interrogation revêt bien cette fonction puisqu’elle per-
met au pompier de préciser l’évocation de l’incendie puis prolonge quelque peu la
présence de ce dernier par une dernière question avant sa sortie : « À propos, et la
Cantatrice chauve ? ».
Toutefois, elle n’aboutit pas, loin s’en faut, à une clarification de l’information. L’in-
terrogation sur l’incendie à venir est en effet absurde – la réponse le confirme par
un double jeu de mots, « feu de paille » et « brûlure d’estomac », qui joue sur le sens

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figuré du lexique. De même, la question sur la « Cantatrice chauve », abusivement
introduite par la locution adverbiale « à propos », amène une réponse comique : « Elle
se coiffe toujours de la même façon ! ». Elle souligne par ailleurs la fonction poétique
du langage, par une référence au titre de la pièce. Ainsi l’interrogation contribue à
la simulation d’un dialogue traditionnel dans lequel dominent en fait le comique de
l’absurde et la mise en lumière du pouvoir créatif du langage.
c. Points d’exclamation : l. 29, 30 et 32. L’exclamation, par les variations mélodiques
qu’elle entraîne, apporte de la vivacité, du rythme à un texte théâtral. Elle exprime
des émotions : de la surprise, de la colère, de la joie, etc. Dans l’extrait de Ionesco, la
forme exclamative est employée au moment du départ du pompier et souligne l’ac-
célération de la fin de la scène. Elle peut être expressive (« Ah ! » du pompier), mais
elle tend surtout à souligner le comique des répliques ou du moins leur caractère
inattendu, insolite : « Bon feu ! »
d. Proposition : L’usage particulier de la ponctuation contribue ici à la mise en pièces
du dialogue de théâtre traditionnel. L’enchaînement des répliques, tout d’abord, signalé
par les alinéas et les tirets, peut contribuer à désorienter le lecteur : « Vous exagérez… »
(l. 7) s’adresse-t-il au pompier (version logique) ou au « Tout de même… » de Mme Smith
(l. 6), ce qui constituerait un effet comique ? L’antithèse de « froid » et « chaleur » dans les
premières lignes oppose M. et Mme Martin et suggère la difficulté de la communication
entre ces deux personnages. C’est aussi le cas des interruptions signalées par les points
de suspension : « – Tout de même…/ – Vous exagérez…/- Écoutez […] » qui brisent la flui-
dité du dialogue et empêchent celui-ci d’aboutir à l’expression d’une pensée claire. Le
type de phrase interrogatif, censé faciliter la clarté du message, brouille aussi les pistes
en interrogeant sur l’absurde : qu’est-ce qui provoquera l’incendie « dans trois quarts
d’heure et seize minutes exactement », demande Mme Smith aux lignes 16 et 17 ? Plus
tard, le pompier interroge à brûle-pourpoint sur la « Cantatrice chauve » et provoque un
« silence général » qui ne prendra fin que par la répartie comique de Mme Smith : « Elle
se coiffe toujours de la même façon ! » (l. 28-29). Ainsi, l’interrogation manque ici à sa
mission première qui est de permettre un échange clair entre des personnages et une
information pour le lecteur. En réalité, la ponctuation témoigne de la confusion du dia-
logue en montrant par exemple que la réflexion du pompier ne se développe pas com-
plètement : les points de suspension, dans sa réplique des lignes 8 à 14, entravent la
phrase, la réduisant parfois à sa forme nominale : « Mon rêve. Mon idéal… » (l. 10). Enfin,
ce sont encore les points d’exclamation qui viennent accélérer le rythme de la fin de la
scène et scander la sortie du pompier. La ponctuation est donc bien ici un élément fort
du langage dramatique, qui contribue à la déconstruction du dialogue théâtral.

La langue et le discours
PARTIE 1

CHAPITRE 11 L’énonciation 59

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