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14 Le discours rapporté

Objectifs du chapitre
Identifier les différentes formes du discours rapporté : discours direct, discours indirect, discours
indirect libre et discours narrativisé (ou récit de paroles).
Apprendre à repérer ces formes dans les textes et à analyser les effets produits par chacune d’elles.

Démarche
Le texte de Zola présente les trois formes principales du discours rapporté. Il per-
met de repérer aisément les caractéristiques qui les distinguent, tout en faisant
apparaître l’intérêt narratif et dramatique de ces différentes modalités. L’étude de la
langue mène ainsi à l’interprétation des effets littéraires.

1. Identifier les formes du discours rapporté


a. Discours direct : l. 1-2, 7, 15. Guillemets, expressivité de l’oral (phrases exclamatives
et interrogatives), indices d’énonciation (vous…). C’est Henri qui interpelle Roubaud.
b. Discours indirect : qu’il avait dû quitter Le Havre […] de six heures quarante (l. 3-4).
Verbe introducteur : expliqua (l. 3). Transposition au discours direct : … expliqua : « J’ai
dû quitter Le Havre, ce matin même, par l’express de six heures quarante. » Modifica-
tions : suppression de la subordination (les deux-points remplacent que, guillemets,
changement de personne (il ➙ je) et de temps (plus-que-parfait ➙ passé composé),
complément de temps modifié en fonction de l’énonciation (le matin ➙ ce matin).
c. Dans les phrases des lignes 4-6 et 8, on pourrait ajouter au début : Roubaud dit que…,
ou répondit que… Dans le passage qui marque la fin de l’extrait (l. 16-18), les exclama-
tions reproduisent le discours de Roubaud, bien que l’on soit dans le discours indi-
rect d’après les temps et les pronoms personnels. On est donc dans le discours indi-
rect libre.

2. Comprendre les choix d’écriture


a. La poursuite du discours indirect impliquerait la multiplication de propositions
subordonnées dépendant de verbes de parole (expliqua que…, dit que…). Quand plu-
sieurs phrases se suivent, de telles constructions grammaticales deviennent vite très
pesantes. Le discours indirect libre, plus léger et plus souple, peut aisément prendre

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le relais du discours indirect : il n’y a pas d’ambiguïté quant à la nature du locuteur,
dont le narrateur épouse ainsi les propos tout en préservant le mouvement du récit.
b. Les deux modalités du discours rapporté qui alternent ici sont le discours direct
et le discours indirect libre. Du côté du discours direct, des questions simples, qui
relaient et suscitent à la fois la curiosité du lecteur : c’est sur Roubaud qu’on s’inter-
roge. Du côté du discours indirect libre, des propos plus développés qui dévoilent
progressivement la situation et les projets immédiats du personnage : c’est vers Rou-
baud que se tourne notre attention ; c’est lui qui paraît important pour la suite de
l’histoire. Par le discours indirect libre, ses propos se fondent dans la narration. Il est
ainsi au premier plan.

EXERCICES
Exercice 1
Discours direct : 2, 7. Discours indirect : 1, 5. Discours indirect libre : 3, 6. Discours nar-
rativisé : 4.

Exercice 2
Marques du discours direct :
– tirets marquant le changement de locuteur ;
– temps verbaux : présent (l. 2, 5, 9, 10, 11), passé composé (l. 3) ;
– pronoms personnels de la 1re et de la 2e personne : vous (l. 3), moi (l. 9).
On pourra noter également le verbe de parole en incise (demanda, l. 1) ainsi que la
phrase interrogative (l. 1-2) et la forme exclamative (l. 5).

Exercice 3
1 – Verbes de parole : demandai (l. 1), répondit (l. 3).
– Conjonction de subordination : qu’ (l. 3). Noter aussi le pronom interrogatif ce qui (l. 1).
– Temps verbal : imparfait de l’indicatif (amenait, avait, était envoyée).
– Pronoms personnels : elle (3e personne).
2 – Verbe de parole : informa (l. 3).
– Conjonction de subordination : que (l. 3).
– Temps verbaux : imparfait de l’indicatif (désirais, appelait), conditionnel présent
(futur dans le passé : offrirait).
– Pronoms personnels : je-me (l. 3-4), il (l. 3-4). N.-B. : Dans le discours direct, je serait
vous et il serait je.

Exercice 4
Une phrase d’annonce permet d’identifier la locutrice : Mais elle me raconta… (l. 3-4).
Toutes les phrases du second paragraphe pourraient être introduites par une pro-
position du type : elle raconta que…, elle dit que… La précision D’après elle (l. 7-8) rap-
pelle qui est la personne qui raconte (Julie, mère de Léonce, tous deux membres d’une
La langue et le discours

famille frappée par le destin à chaque génération). La transposition à la 1re personne


est un bon moyen de vérification (dans ce cas, D’après elle disparaît).

Exercice 5
Présence de guillemets : DD, oui.
Construction sous forme de proposition subordonnée : DI, oui.
Maintien du type de phrase tel qu’il est énoncé : DD, oui.
PARTIE 1

Traits de la langue orale : DD, oui. (Possible aussi dans le DIL.)


Transposition des marques d’énonciation : DI et DIL, oui.
Verbe de parole ou de pensée en incise (entre virgules) : DD, oui.

CHAPITRE 14 Le discours rapporté 73


Exercice 6
1 Récit de paroles : Je me mis à bégayer des vers… je chantais mes plaisirs… — Le nar-
rateur résume en quelques mots ses élans poétiques.
2 Récit de paroles : la deuxième phrase (Sa qualité de vieux fou reconnu…, l. 3-7)
résume les propos par lesquels l’abbé Faria expose à Dantès sa nouvelle situation,
qui rend possible cette invitation.
Exercice 7
Discours indirect libre : Qui pouvait-elle être ? À coup sûr, pas une gueuse, comme il
l’avait pensé, car elle était trop fraîche. Mais pourquoi lui avait-elle conté une histoire
si peu croyable ? (l. 3-6). Marques du DD : absence de mot subordonnant, respect
des types de phrase (interrogatives directes), traces de la langue orale (une gueuse).
Marques du DI : absence de guillemets et de tiret introducteur, transposition des
indices d’énonciation (il au lieu de je) et des temps verbaux (imparfait et plus-que-
parfait au lieu de présent et passé composé).
Exercice 8
– affirmer : dire avec certitude, énoncer (un jugement) comme vrai. – Le suspect
affirma qu’il était innocent.
– soutenir : affirmer, assurer (avec des arguments). – Je soutiens que ce n’est pas possible.
– objecter : dire en opposition à qqn. – « Non, je ne suis pas d’accord, les conditions ne
sont pas favorables », objecta-t-elle.
– prétendre : affirmer avec force (mais sans convaincre et en éveillant des doutes).
– « Ce n’est pas moi qui ai commis cette erreur », prétend-il – mais je n’en crois rien.
– laisser entendre : insinuer, suggérer par allusion, de manière indirecte. – On m’a
laissé entendre qu’elle partait, mais je n’en suis pas certain.
– confirmer : affirmer l’exactitude d’une information, attester, garantir. – Je confirme
que ce témoignage est exact.
– ajouter : dire en plus. – « Eh bien ! ajouta-t-elle, que pensez-vous de cette idée ? »
– répondre : dire en réponse à une question. – Quand j’eus achevé de l’interroger, il
répondit qu’il n’avait jamais vu cet individu.
– suggérer : insinuer, sous-entendre, faire penser (sans le dire clairement), proposer
discrètement. – J’ai suggéré que nous allions au cinéma.
– proclamer : dire avec certitude, énoncer à haute voix, publiquement, de façon offi-
cielle. – « Les Jeux sont ouverts », proclama le héraut.
– annoncer : faire savoir, communiquer une nouvelle. – Elle annonça qu’elle avait choisi
un nouveau projet d’études.
– murmurer : dire à voix basse, en chuchotant. – « Cher ami, murmura-t-il, j’ai un secret
à vous dire. »
– s’imaginer : se figurer, croire, penser à tort. – Elles s’imaginaient qu’elles étaient les
meilleures.
– supposer : présumer, proposer comme hypothèse, sans certitude. – Je suppose que
vous avez compris…
– proposer : faire connaître sans imposer, présenter comme possibilité. – « Allons
bavarder dans ce café », proposa-t-elle.
– admettre : reconnaître, considérer comme valable. – J’admets que j’ai eu tort.
Exercice 9
Transposition au discours indirect : Lucien demanda qui était Monsieur Doguereau.
L’homme lui répondit que c’était bien lui. Lucien lui annonça qu’il était auteur d’un
roman. Monsieur Doguereau lui fit remarquer qu’il était bien jeune. Lucien rétorqua
que son âge ne faisait rien à l’affaire. Acquiesçant, le vieux libraire trouva que L’Ar-
cher de Charles IX était un bon titre, et il demanda à Lucien s’il pouvait lui dire son
sujet en deux mots.

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Exercice 10
a. DD : l. 6-8. DI : l. 9-10, 10-11, 13-14, 15, 16-17.
b. Transposition au discours direct :
– J’allais répondre que c’était justement parce qu’il s’agissait de criminels. > J’allais
répondre : « C’est justement parce qu’il s’agit de criminels. » ➙ changement de temps
verbaux, ponctuation (guillemets).
– Mais j’ai pensé que moi aussi j’étais comme eux. ➙ Mais j’ai pensé : « Moi aussi, je suis
comme eux. » ➙ changement de temps verbaux, ponctuation (guillemets).
– Il m’a seulement demandé du même air un peu las si je regrettais mon acte. ➙ Il m’a
seulement demandé, du même air un peu las : « Regrettez-vous votre acte ? » ➙ chan-
gement de temps verbaux, ponctuation, pronoms personnels.
– J’ai dit que, plutôt que du regret véritable, j’éprouvais un certain ennui. ➙ J’ai dit : « Plu-
tôt que du regret véritable, j’éprouve un certain ennui. » ➙ changement de temps
verbaux, ponctuation.
Exercice 11
Proposition (à partir du discours prononcé par le général de Gaulle à l’hôtel de ville
de Paris le 25 août 1944 (manuel, p. 33) :
Lors de la Libération de Paris, de Gaulle prononça ces paroles célèbres : « Paris outragé !
Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! » [DD] Pour lui, il importait de ne pas dis-
simuler l’émotion du moment. Non ! Il ne fallait pas dissimuler cette émotion profonde
et sacrée [DIL]. Il souligna que Paris avait été libéré par lui-même, grâce à la France
tout entière [DI]. Etc.
Exercice 12
a. DD : l. 6 : le soldat américain ; l. 10-11 : idem ; l. 12 : le narrateur ; l. 14 : le soldat amé-
ricain ; l. 19 : idem.
b. Les indices d’une familiarité dans le discours du soldat montrent la complicité qui
peut s’établir entre les deux hommes. L’universalité de la grossièreté (Merde, Coño)
va dans le sens d’une humanité partagée. L’expression mon vieux (l. 6) est révélatrice
de ces liens étroits entre les deux hommes.
c. Le discours direct n’est en fait qu’un artifice pour faire croire que le narrateur rap-
porte ainsi fidèlement les paroles des personnages. En effet, le narrateur corrige :
Mais il n’avait pas dit « merde », bien sûr (l. 15). L’objectivité et l’authenticité du discours
direct ne sont donc qu’apparentes : l’auteur choisit sa traduction ou sa formulation
pour emmener le lecteur là où il veut le conduire.
Exercice 13
a. Indices du discours indirect libre :
– Marques du discours direct : absence de mot subordonnant, respect des types de
phrases (exclamative, l. 2 ; interrogative, l. 11-13).
– Marques du discours indirect : absence de guillemets et de tirets ; transposition
des indices d’énonciation (Je ➙ Il) ; transposition des temps verbaux (imparfait, plus-
que-parfait, conditionnel présent).
La langue et le discours

b. Ce type de discours rapporté permet de mêler deux voix : celle de celui qui parle/
pense (ici Frédéric Moreau) et celle du narrateur, ici critique ! Le narrateur présente
ainsi, avec un certain recul critique, les réflexions qui traversent l’esprit de Frédéric
Moreau. La dernière phrase permet d’interrompre le discours indirect libre, mais aussi
de souligner l’absurdité de la scène, et son caractère violent : le prêtre se mouche
(l. 13-14) et la bonne sœur remue un peu le feu (l. 14). Par ailleurs, en même temps que
ces deux personnages interrompent (l. 14-15) la pensée de Frédéric, ils interrompent
PARTIE 1

le texte ! Aussi cette dernière phrase est-elle pleine d’ironie à l’égard de la scène, en
même temps qu’elle suggère la perte d’une certaine société qui n’est plus (le prêtre,
la bonne sœur…).

CHAPITRE 14 Le discours rapporté 75


Exercice 14 corrigé
Exercice 15
a. Formes du discours rapporté : récit de paroles (l. 1-5), DIL (l. 5-7), DD (l. 8-9), DIL (l.
10-13), DD (l. 14-16), DIL (l. 17-21). Dans un premier temps, le récit raconte que Zabelle
parle sans entrer dans le détail de ses propos. Puis le DD (tirets, indices d’énoncia-
tion, formes interrogative et exclamative) alterne avec le DIL (transposition des pro-
noms personnels et des temps verbaux, absence de subordination).
b. Le DD introduit une apparence de dialogue, alors que c’est la cousine Zabelle qui
accapare la parole : elle ne cherche que l’assentiment de l’auditoire. La narration tra-
duit ce flot verbal ininterrompu et exprime les rêves du personnage en épousant
son discours au moyen du DIL.

Exercice 16
a. Discours direct : (l. 20 à 25) ; Discours indirect libre : l. 5 à 8 et l. 10 à 16.
b. Proposition : L’extrait ouvre un événement dramatique : les pensées désordonnées de
Thérèse vont aboutir au silence. Cela se fait par étapes : les phrases se déconstruisent
peu à peu, les interrogatives s’imposent, et la syntaxe éclate, allant vers davantage de
phrases nominales, ou de verbes isolés. C’est le discours indirect libre qui domine pour
retranscrire ces pensées et ces paroles de Thérèse. Il donne à voir le mécanisme spon-
tané mais confus de la mémoire, qui opère par association d’idées et succession rapide
de pensées et de sentiments. Quant à la seule répartie retranscrite au discours direct
(l. 20-25), elle exprime un ordre et des recommandations pour Thérèse. Il y a ainsi rup-
ture entre le discours indirect libre attribué à Thérèse et le discours direct employé par
le juge d’instruction.

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