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République du Benin

Université Nationale
Ministère de l’Enseignement d’Agriculture
Supérieur et de la Recherche
Scientifique

VULGARISATION
AGRICOLE

Equipe d’enseignement :
Dr. Ir. Florent Okry (Coordonnateur du cours, okryflorent@gmail.com)
Dr. Ir. Edmond Totin
Dr. Gerard Zoundji

2020-2021
Syllabus

Domaine : Sciences Agronomiques


Semestre N : 2
 UE : Vulgarisation Agricole
 Volume horaire : 50h
 Enseignants : Dr. Ir. Florent Okry, Dr Ir. Edmond Totin, Dr. Jacques Aguia Daho, Dr. Gerard Zoundji

Objectif général

Ce cours vise à familiariser les apprenants avec les concepts de base et les approches de vulgarisation agricole qui ont
prévalu au Benin.

Objectifs Spécifiques

 Savoir :
A la fin de ce cours l’apprenant doit être en mesure de :

 Décrire les concepts clés utilisés en vulgarisation agricole ;


 Caractériser les approches de la vulgarisation agricole qui ont prévalu au Benin de la période
précoloniale a nos jours
 Analyser les processus de changement de comportement induits par la vulgarisation

 Savoir-faire :
 Être capable d’analyser une stratégie de vulgarisation agricole
 Mettre en œuvre une approche de conseil a l’exploitation agricole

Contenus de l'unité d'enseignement

Ce cours est organisé en 4 chapitres :

1. Notions de base en vulgarisation agricole


Ce chapitre présente les concepts (ou rubriques) dont la connaissance/considération est nécessaire pour mieux
appréhender l’animation de vulgarisation. Un accent particulier est mis sur les concepts de :
 Vulgarisation
 Méthode de vulgarisation
 Types de vulgarisation
 Stratégie de vulgarisation

2. Vulgarisation et modification de comportement


Ce chapitre discutera des grands modes d’utilisation et la rationalité de l’espace agricole par les communautés rurales
du Benin. En autre, il s’agira de discuter :
 Processus de changement du comportement
 Facteurs qui influencent la diffusion des innovations

2
 Types d’adoptants

3. Evolution des approches de vulgarisation agricole au Benin


Ce chapitre discutera de l’historique des approches de vulgarisation au Benin.
- Période coloniale, 1894-1959
- Période postcoloniale, 1960-1971
- Période allant de 1972 à 1985
- Période après 1985

4. Quelques approches de vulgarisation


Ce chapitre présente quelques éléments de trois approches de vulgarisation
- Le champ Ecole Paysan
- Le conseil agricole
- Les TIC et la vulgarisation (approche de vulgarisation par vidéo)

Méthodes d’enseignement
- Cours magistraux basés sur des méthodes actives et interrogatives
- Travaux de recherche et discussion en groupe
- Pratique de représentation et d’analyse de cartes, travaux de terrains.

Modalités d'évaluation et critères


- Travaux de groupe comptant pour 25% de la notation finale
- Examen sur table : 75%
Présence, ponctualité et participation active au cours sont fortement encouragées. Une attention particulière sera
accordée à la qualité de la langue et à la présentation des travaux

Lectures proposées
- Van Den Ban, Anne W., Stuart, Hawkins, Han, Brouwers Jan, et al. La vulgarisation rurale en Afrique.
KARTHALA Editions, 2005.
- Morize, J. Manuel pratique de vulgarisation agricole (Volume 1. Volume 2). Le Technicien d'agriculture
tropicale.
- Jouve, P. (1988). Quelques réflexions sur la spécificité et l'identification des systèmes agraires. Cahiers de la
Recherche-Développement, (20), 5-16.

3
QUELQUES NOTIONS DE BASE EN VULGARISATION AGRICOLE

Le concept de "Vulgarisation"
Le mot "Vulgarisation" vient du latin "vulgus" qui veut dire peuple, foule. L’adjectif "vulgaris"
veut dire ordinaire, vulgaire. Il en découle que vulgariser signifie mettre à la portée de tous,
répandre, rendre une connaissance accessible au grand public, faire connaitre, propager
(Larousse). Au-delà de cette définition étymologique de la vulgarisation, il existe aussi une
diversité de conception de la vulgarisation basée sur les attentes que l’on se fait de l’exercice de
vulgarisation. Pour certains, la vulgarisation permet d’éclairer le chemin ; pour d’autres de
procurer des conseils sans s’engager, ou en s’engageant, d’apprendre aux gens à résoudre leurs
problèmes eux-mêmes, de simplifier les connaissances de sorte à les rendre compréhensibles
pour le commun des mortels. Pour d’autres, c’est la formation qui prend le pas (Ameur, 1994)1.
En général, les défis auxquels le monde agricole se trouve confronter de nos jours, notamment
avec une forte croissance démographique et les perturbations climatiques, impose un besoin
de transformation des systèmes de production afin de répondre aux besoins de consommations
des populations. Entre autres, l’objectif de la vulgarisation est de supporter ce processus de
transformation des systèmes de production. De ce fait, la vulgarisation rurale peut être définie
comme :
"L’activité d’un organisme, qui vise à réaliser les objectifs politiques de cet organisme en
encourageant des clients à changer volontairement d’opinion et/ou de comportement. A cet
effet, le vulgarisateur aide ses clients à réfléchir systématiquement sur les objectifs qu’ils
poursuivent, s’efforce d’améliorer la communication entre les clients en leur transmettant de
l’information provenant de la science de la politique et du marché." (van Den Ban et al, 20052)
D’un point de vue centré sur l’individu, la vulgarisation est aussi perçue comme : "Une
intervention intentionnelle visant à promouvoir la constitution d’opinions et la prise de décisions
rationnelles par voie de communication" (van Den Ban et al, 2005)
En vulgarisation, la communication est l’élément central, tout se fait par la communication. La
réalité du terrain, au contact des agriculteurs, nous apprend le besoin de prudence et de
mesure, la nécessité du dialogue et de l’écoute attentive, de la concertation. Il en est ainsi
parce que de par la vulgarisation, l’on travaille sur l’homme (ici le producteur) et l’on cherche à
modifier son comportement, ses pratiques et ses habitudes.

1
Ameur, Charles. Vulgarisation agricole, approches et orientations. Sér. A, 1994, no 024.
2
Van Den Ban, Anne W., Stuart, Hawkins, Han, Brouwers Jan, et al. La vulgarisation rurale en Afrique. KARTHALA
Editions, 2005.

4
La notion de "méthode de vulgarisation"
Les méthodes de vulgarisation sont évolutives dans le temps, au fur et à mesure que le milieu
se transforme, devient plus réceptif et se responsabilise et au fur et à mesure que le service de
vulgarisation lui-même acquiert de l'expérience et renforce ses moyens. II y a eu la vogue de la
transmission de messages, le plus souvent techniques. Les agents étaient alors considérés
comme de simples intermédiaires entre la recherche et les producteurs. Ce n'est que
graduellement que la nécessite de considérer les exploitations agricoles comme des entités
complexes de production a fini par être reconnue.
La vulgarisation est à la fois un état et un comportement. II s'agit avant tout d'écouter avant de
parler, de comprendre, d'analyser et de synthétiser les problèmes, les contraintes et les
aspirations des producteurs. II s'agit de cultiver I’art du diagnostic. II faut avoir la volonté
d'aider le producteur à résoudre ses problèmes quand bien même on ne parviendrait pas à n'en
solutionner qu’un seul parmi mille. Une agriculture performante repose sur un certain nombre
de services d'appui dont la vulgarisation. Pour que la vulgarisation aide l’agriculture à être
performante, il lui faut une bonne méthode.
La "méthode de vulgarisation" est la manière de s'y prendre pour vulgariser une technologie ou
une information. Les méthodes touchent à toutes les fonctions de la vulgarisation, par exemple :

 La manière dont seront élaborés les programmes de vulgarisation, avec participation ou


non des producteurs dans le diagnostic et la prise en compte ou non de l'exploitation
agricole dans sa globalité et avec son environnement, etc.

 La manière dont on approchera le public pour le sensibiliser, l'informer, le former ou


l'organiser, en procédant par exemple à une diffusion générale pour tout le monde ou,
en travaillant avec des groupes ou des personnes préalablement sélectionnées, etc.

 La manière dont sera faite la diffusion du contenu de la vulgarisation dans le milieu


agricole, avec ou sans moyens pédagogiques, avec ou sans parcelles de démonstration,
etc.

 La manière dont sera organisé le travail du vulgarisateur et la circulation de


l'information entre les différents intervenants.

Exercice : Texte à lire aux étudiants… V ou F pour tester la capacité d’écoute des apprenants !
Il n'existe pas qu'une "méthode de vulgarisation". Le choix des méthodes se fait tout au long du
processus de vulgarisation, en fonction des attentes fixées :
- Conception et finalité. « Elever le paysan au niveau d'un vrai partenaire économique,
capable de participer à son auto-développement », il implique alors de privilégier

5
certaines méthodes (participatives) aux dépens de certaines autres (directive et
contraignante).
- Objectifs, thèmes et contenu. Des innovations techniques simples aux résultats évidents
(semences améliorées) pourront être présentées aux producteurs à travers des
parcelles de démonstration.

Types de vulgarisation
On peut distinguer en général 3 types de vulgarisation :
- La vulgarisation formative ou éducative. Elle vise à résoudre les problèmes d’une
manière interactive en considérant que les producteurs sont capables de résoudre eux-
mêmes leurs problèmes. Le but final dans ce type de vulgarisation est que l’agent de
vulgarisation travaille à faciliter le processus en amenant progressivement les
producteurs à régler le problème auquel ils se trouvent confronté. Ce faisant, la
vulgarisation sert à renforcer la capacité du producteur et le prépare à une certaine
autonomisation.
- La vulgarisation informative, dans ce type de vulgarisation, l’agent présente aux
producteurs toutes les solutions possibles à son problème et le laisse faire son choix,
compte tenu de ses réalités sociales, culturelles et économiques. Le défi dans ce type de
vulgarisation est de trouver le moyen le plus adéquat pour faire passer l’information aux
producteurs. Il faut que le message lui soit compréhensible, complet et actuel.
- La vulgarisation persuasive, dans ce cas, la vulgarisation se donne comme mission de
convaincre les producteurs de la nécessité de changer de comportement (ex : utiliser
des extraits aqueux biologiques pour réduire la pollution, immatriculer les engins pour
réduire le taux de criminalité, …). Cette fois, il ne suffit plus d’assister les producteurs
aux décisions délibérées selon leurs propres intérêts. Ils doivent accepter les messages,
appréciés ou non-appréciés. Ce type de vulgarisation est utilisé pour résoudre les
problèmes collectifs, par exemple la pollution de l’environnement et la pénurie de
l’énergie.

La stratégie de vulgarisation agricole


Un programme de vulgarisation doit avoir des objectifs spécifiques et clairs, décomposés en
sous-objectifs avec des relations de contribution bien identifiées des uns vers les autres. Ce
cheminement vers l'objectif principal est appelé « stratégie de vulgarisation »3.

3
Morize, J. Manuel pratique de vulgarisation agricole (Volume 1. Volume 2). Le Technicien d'agriculture tropicale.

6
La stratégie reflète la façon dont les méthodes et les moyens seront utilisés, dans l'espace et
dans le temps, pour apporter des solutions aux problèmes identifiés au départ, en utilisant les
opportunités qui se présentent pour atteindre les objectifs visés.
Dans le cas d’un projet agricole par exemple, la stratégie doit être connue de tous les
participants du projet et permet au personnel du projet de savoir exactement où et comment
les différentes activités mise en œuvre conduisent aux objectifs visés. La stratégie doit être
adaptée à la capacité de la cible visée à supporter et comprendre le message véhiculé par le
canal de communication choisi (ex., moyens audiovisuels).
Le choix d'une stratégie, du moins son adaptation locale, est donc à prendre très au sérieux
parce qu’il détermine la réussite ou non de la vulgarisation. Au niveau national, on ne peut que
déterminer les grandes orientations et mettre au point les outils qui faciliteront la maîtrise des
méthodes et des techniques à combiner, mais il revient à l’agent vulgarisateur de
comprendre/d’identifier les outils adaptés à la population ciblée.
Voir ci-dessous, un exemple de stratégie appliquée à un objectif spécifique ou à un thème de
vulgarisation.

Pour «Améliorer la valeur génétique du troupeau», la stratégie de vulgarisation pourrait être:

1- Commencer par une enquête pour déterminer les performances actuelles, le degré de satisfaction des
éleveurs. Cette enquête aurait un caractère participatif en impliquant un maximum de gens à travers des
réunions de réflexion avec le public.
2- Faire une sensibilisation générale destinée au public des éleveurs (réunion, visite à l'extérieur, restitution des
résultats de l'enquête et des visites, discussion des premières conclusions, montages de diapositives,
affiches, etc...)
3- Placer quelques bétails sélectionnés chez les éleveurs progressistes, en leur assurant la formation et l'appui
nécessaires pour garantir les résultats et montrer aux autres éleveurs les possibilités d'amélioration avec de
telles vaches.
4- Diffuser des taureaux reproducteurs comme géniteurs pour des croisements d'amélioration. Leur gestion est
confiée à des éleveurs, à des groupements ou à des salariés. Le danger est que, du fait du suivi et de l'appui
dont ces éleveurs progressistes bénéficieront, ils ne soient trop favorisés par rapport à ceux qui les suivront
par la suite. Il faut, en effet, que le succès soit possible pour tous.

Attention de ne pas donner une impression artificielle de facilité.

Source : Manuel pratique de vulgarisation agricole (Volume 2)

Exercice : Les apprenants par groupe de 10 membres, peuvent proposer une stratégie pour
encourager les producteurs à adopter la nouvelle variété du riz IR-841, qui a un rendement
relativement élevé et qui a aussi un arome parfumé. Les "vulgarisateurs" doivent aussi
encourager les producteurs à souscrire à une assurance agricole proposée par les banques de la
place.

7
Vulgarisation, une composante intégrale du système agraire
La vulgarisation agricole est un instrument de développement. Pour permettre un
développement équilibré de l’agriculture, la vulgarisation doit être considérée comme l’une des
composantes fonctionnelles d’un système agraire.
Jouve (1988)4 analyse le système agraire et en distingue trois grandes composantes :
- Les éléments correspondant aux caractéristiques du milieu naturel, ayant une influence
sur le mode d’exploitation agricole de l’espace considéré (les caractéristiques des sols,
du climat, de la végétation naturelle).
- Les éléments socio-économiques du peuplement humain qui sont en relation avec
l’exploitation de l’espace occupé par ce peuplement (les caractéristiques
démographiques de la société rurale considérée, que son organisation économique ou
la nature des rapports sociaux).
- Enfin les éléments caractérisant les techniques d’exploitation agricole du milieu,
techniques considérées au sens large c’est-à-dire incluant aussi bien les techniques
culturales et zootechniques proprement dites, que l’outillage, le matériel végétal, les
modes d’aménagement du milieu.
D’un autre point de vue, Adams (1982) y distingue 6 fonctions dans un système agraire, ce sont :
- La production (la production végétale et animale) ;
- L’approvisionnement et le crédit (obtention des intrants physiques) ;
- La commercialisation qui a trait au stockage, au transport et à la vente des récoltes ;
- La recherche pour l’innovation
- La vulgarisation a pour but la transmission des connaissances aux producteurs
- La régulation pour faciliter et règlementer l’allocation des ressources au niveau de
l’exploitation agricole.

En général, la vulgarisation est conçue comme un instrument politique qui peut être utilise par
un Etat ou une entreprise afin de stimuler des changements volontaires de comportements au
niveau des producteurs. La vulgarisation est surtout efficace s’il y a une bonne collaboration
entre différents instruments du système agraire.
Très souvent, en tant qu’agent de vulgarisation, on essaye de réaliser des changements qu’on
estime être dans l’intérêt des producteurs, sans toujours tenir compte des réalités sociales,

4
Jouve, P. (1988). Quelques réflexions sur la spécificité et l'identification des systèmes agraires. Cahiers de la Recherche-
Développement, (20), 5-16.

8
culturelles, historiques et économiques de ces derniers. On peut être facilement étonne après
tant de sensibilisation, de visite et de démonstration que très peu de producteurs ont adopté la
variété de semence ou en général, la technologie que l’on a tenté de promouvoir pendant
longtemps. Mais avec un peu de recul, on peut comprendre que ce n’est parce qu’une variété
de semence donne de bons rendements, ou demande peu d’eau pour sa croissance qu’elle est
forcément la meilleure pour une certaine catégorie de producteurs. Une variété à haut-
rendement peut ne pas avoir un gout apprécié. Parfois même, les producteurs préfèrent
prendre moins de risque en utilisant leurs propres variétés locales dont ils maitrisent déjà son
comportement, et qui, bon an mal an, lui garantit un minimum de production de base pour
assurer sa sécurité alimentaire. En conclusion, il est important de savoir que d’autres facteurs
aussi entrent en ligne de compte dans la prise de décision du producteur, et pour cela, l’agent
de vulgarisation devrait prêter davantage attention aux facteurs exogènes qui guident aussi le
choix des producteurs et rechercher plus à renforcer les capacités des producteurs a prendre
leurs propres décisions.

9
VULGARISATION ET MODIFICATION DE COMPORTEMENT
Il est montré dans le chapitre précèdent que la vulgarisation vise à modifier le comportement
du producteur pour l’amener à
adopter une pratique/technologie
promue. Nous avons aussi mis en
évidence la délicatesse de cette
opération parce que de vraies
questions dans la pratique de
vulgarisation restent "pourquoi
jugeons-nous important pour le
producteur de changer de
comportements ? Quelle légitimité
avons-nous, en tant qu’agent de vulgarisation pour imposer un changement de
comportement ?" Pour éviter de se culpabiliser, il est important de bien prendre connaissance
des attentes et des réalités socio-économiques autours du producteur.

Processus de changement du comportement


Le comportement d’un individu résulte d’un ensemble de facteurs très différents qui
déterminent la situation au cours d’une interaction dynamique de la personne et de son
environnement. Selon van Den Ban et al. (2005), dans le mécanisme de changement de
comportement, la personne fait l’expérience dans son environnement (par exemple, le
producteur peut apprendre à partir de l’expérience d’autres producteurs autour de lui et se
faire une idée par rapport à la performance d’une technologie promue pour adoption). Quand
l’individu est convaincu de l’utilité de l’innovation, alors il mobilise ses forces psychiques pour
l’adoption de l’innovation. De la même manière, l’individu est capable de mobiliser ses forces
psychiques quand un évènement négatif ou nuisible apparait dans son environnement.
Le processus de changement de comportement passe par trois étapes successives, selon van
den Ban et al. (2005) :
- La suppression de l’équilibre existant (la situation de départ dans lequel l’agent de
vulgarisation veut introduire une nouvelle technologie ou une pratique) ;
- La progression vers un nouveau niveau d’équilibre ;
- La consolidation du nouveau comportement.
Dans chacune de ces trois phases, la vulgarisation facilite et encourage la modification du
comportement. L’équilibre peut être rompu par (i) l’apport de forces d’impulsion, soit par (ii)
par le retrait de forces d’inhibition, ou encore (iii) par la combinaison de ces deux actions. Si les
forces d’inhibition sont très importantes et que l’équilibre est rompu uniquement par l’apport

10
de forces d’impulsion, la tension interne du nouvel équilibre sera très forte et les risques de
rechute augmenteront, La tension interne et le danger de rechute sont minimises quand les
deux actions se produisent simultanément.

La diffusion des innovations


Plusieurs facteurs conditionnent la rapidité de l’adoption par les potentiels "consommateurs"
(dans le cas de notre cours, il s’agit fondamentalement des producteurs) et de diffusion de
l’innovation dans la société. Ces facteurs peuvent être de deux natures, principalement :

 les facteurs endogènes à l’innovation (qui résultent des caractéristiques intrinsèques du


produit ou de la technologie),

 les facteurs exogènes à l’innovation (qui résultent de l’environnement dans lequel est
introduit le produit ou la technologie).

Facteurs endogènes
L’un des modèles dont l’utilisation est largement répandue dans le domaine de l’adoption des
technologies est celui de la diffusion des innovations (DI) de Rogers (20035). Conçu afin
d’expliquer les phénomènes de l’adoption et de la diffusion d’innovations diverses, ce modèle
suppose que des éléments reliés à la perception des attributs de l’innovation, au type de
décision, au canal de communication, au système social et à l’agent de changement vont agir
sur la rapidité avec laquelle une innovation est adoptée dans la population.
Les attributs de l’innovation, selon Rogers (2003), font référence aux perceptions individuelles
quant à l’avantage relatif, à savoir la perception des avantages reliés à l’adoption, à la
compatibilité, à la faible complexité, à la possibilité d’essai et au fort rayonnement d’une
innovation qui sont positivement associées à son adoption. En ce qui concerne le type de
décision, Rogers indique que l’utilisation volontaire de l’innovation entraîne plus facilement son
adoption. Des normes et des valeurs favorables à l’innovation de même que la cohésion du
groupe social vont également avoir une influence positive sur l’adoption de l’innovation. Enfin,
une innovation sera plus facilement adoptée si un agent de changement en fait activement la
promotion.
L’avantage relatif correspond à la perception par les consommateurs que l’innovation est
meilleure ou plus performante que les solutions existantes. Cette « performance » est mesurée
sur les attributs de l’innovation qui compte pour les consommateurs comme le gain financier
ou le prestige social. Ce facteur et très lié à la perception particulière et aux besoins de chaque
groupe de consommateurs.

5
Rogers, E.M., 2003. Diffusion of innovations, 5th ed. Free Press, New York, p. 576.

11
La compatibilité de l’innovation avec les valeurs et pratiques existantes des consommateurs
potentiels influe également la rapidité d’adoption d’une innovation. Elle correspond au degré
d’adéquation entre les valeurs et les pratiques des consommateurs potentiels et celles
nécessaires à l’utilisation de l’innovation.
La simplicité et facilité d’utilisation de l’innovation que perçoivent les consommateurs
potentiels peut également représenter un frein ou un catalyseur à sa diffusion. En effet, une
innovation qui nécessite un apprentissage sera plus lente à se diffuser que si elle ne requiert
pas le développement de compétences spécifiques.
La possibilité d’essayer l’innovation peut faciliter son appropriation par les usagers et ainsi
favoriser la bouche à oreille et diminue l’incertitude et donc le risque qui l’entoure.
L’observabilité des résultats est également un facteur déterminant dans la diffusion des
innovations puisqu’il permet de prouver plus facilement le ou les avantages de l’innovation. Des
résultats visibles par les consommateurs potentiel réduisent l’incertitude perçu et facilite la
bouche-à-oreille.

Facteurs exogènes
Les facteurs « exogènes » ne sont pas liés à l’innovation elle-même mais à l’environnement
dans lequel elle s’insère. Ces facteurs sont l’une des caractéristiques les plus marquantes des
industries de haute technologie et des technologies de l’information. En effet, dans ces
industries, l’environnement de l’innovation joue un rôle décisif puisque la valeur globale de
l’innovation augmente avec le nombre d’utilisateurs ou le nombre de biens complémentaires
disponibles. Cette caractéristique est appelée « effet de réseau ». On distingue deux types
d’externalités de réseau :

 les externalités directes, c’est-à-dire le fait que le nombre d’utilisateur d’un bien ou
service (appelé «base installée») augmente la valeur de celui-ci pour les utilisateurs
potentiels (exemple de l’application WhatsApp qui connait une utilisation majeure qui a
induit des changements dans la communication;

 les externalités indirectes, correspondent au nombre de biens complémentaires


disponibles sur le marché (exemple : les jeux vidéo pour une console de jeux ; de
différents modèles de téléphone gsm pour tirer une meilleure jouissance des
applications- IPhone© 5 ; Samsung galaxy©) et augmente également la valeur de
l’innovation.

12
Différents types d’adoptants
D’après les théories relatives à l’innovation, une innovation se diffuse dans la société en suivant
un processus qui touche différentes catégories de cibles, des plus enthousiastes jusqu’aux plus
réticents face à la technologie. Rogers a modélisé ce processus par une courbe de diffusion
(dite courbe en S ou courbe en cloche) en y associant les différents profils de consommateurs
correspondant aux différentes phases du processus d’adoption. Le challenge étant d’arriver à
passer d’une diffusion confidentielle (innovateurs et adopteurs précoces) à une diffusion de
masse (majorité avancée et retardée) qui représente plus de 60 % du marché potentiel.
La courbe en cloche ou courbe d’adoption de Rogers représente les différents profils de
consommateurs qu’une innovation doit convaincre pour se diffuser dans la société. Ces profils
sont au nombre de 5 et ont des attentes très différentes les uns des autres. Les différences les
plus marquantes se trouvent entre les deux premières catégories : innovateurs et adopteurs
précoces d’un côté ; et majorité avancée et retardée puis les retardataires d’un autre côté. En
effet, on passe de consommateurs sensibles et enthousiastes à l’innovation, à d’autres plus

13
rationnels, voulant des preuves tangibles des performances et attendant qu’un standard
technologique soit choisi.
D’autre part, le cycle de diffusion de l’innovation n’est pas continu et le passage d’une catégorie
à une autre de consommateurs n’est pas automatique. La discontinuité du processus est liée à
la différence d’attentes des types de consommateurs qui achètent le nouveau produit pour
différentes raisons (cf. schéma ci-dessus).

14
EVOLUTION DES APPROCHES DE VULGARISATION AGRICOLE AU BENIN
La vulgarisation agricole classique, caractérisée par la transmission de techniques et paquets
technologiques éprouvés dans des stations de recherche agricole à des communautés de
producteurs a été pendant longtemps pensée dans un contexte « d’approche intégrée ».
Aussi, les administrations agricoles du temps de la colonisation et de l’Etat indépendant du
Bénin se sont-elles toujours voulues polyvalentes par l’exercice des fonctions de diffusion
d’informations, de techniques et de technologies ; de conseil et structuration du monde rural ;
du contrôle et de réglementation ; du crédit et de la commercialisation ; d’équipement et
d’aménagement.

Période coloniale : 1894-1959


Au début de la colonisation, des centres de recherche (Pobè, Sèmè-Podji, Niaouli et Ina), affiliés
à des instituts correspondants en France, ont été mis en place en vue de créer des technologies
pour soutenir les objectifs de production définis par l’administration coloniale. En lieu et place
de la vulgarisation agricole proprement dite, les populations locales ne recevaient que des
directives très strictes sur des questions relatives à la production agricole et la conservation des
ressources naturelles. De manière plus spécifique, la vulgarisation visait à cette époque, les
objectifs suivants :

 Renforcement des pouvoirs des collectivités et institutions locales.

 Promotion des cultures industrielles d'exportation destinées à la métropole.

 Constitution, délimitation et protection du domaine forestier de la Colonie.

 Conservation des eaux et des sols.

 Protection et mise en valeur de la faune sauvage.

 Promotion des techniques d'utilisation des feux précoces dans le cadre de la lutte contre
les feux de brousse.
A cette époque, les thèmes techniques de vulgarisation rurale tournaient globalement autour
de:

 La protection de la nature par la constitution et protection du domaine forestier de la


Colonie.

 La protection et la restauration des sols.

 La stimulation du mouvement coopératif.

15
 La promotion des produits d'exportation notamment dont le coton, le cocotier et le
palmier à huile
L'animation rurale à l'époque coloniale se distinguait par son approche dirigiste faite de
directives, d'instructions et de mises en demeure d'application. Ses outils étaient constitués
entre autres, par (i) les circulaires et notes de service transmettant les directives ; (ii) les outils
de diffusion de ces directives au sein de la population et qui regroupaient : chants, griots,
assemblées villageoises, musique traditionnelle, etc.

Période postcoloniale : 1960-1971


Après l’indépendance, des sociétés d’intervention ont été créées ou agréées pour chacune des
filières : palmier à huile, coton, arachide, riz et tabac. L’organisation de ces sociétés
d’intervention d’envergure régionale permettait un bon encadrement des producteurs et les
dispositions étaient prises pour que tous les services en amont et en aval de la production
(fourniture de semences et plants sélectionnés, approvisionnement en intrants,
commercialisation primaire, transformation et exportation) soient assurés. Cette période s’est
caractérisée par un émiettement du dispositif de vulgarisation. La nécessaire recherche d’une
synergie entre les actions d’appui à la production d’une part, d’une cohérence de démarche
dans la conception et l’émission des messages de vulgarisation agricole d’autre part et enfin
d’un équilibre dans l’allocation des moyens entre les cultures d’exportation et les cultures de
consommation intérieure, notamment les cultures vivrières, les productions animales et
halieutiques puis la transformation artisanale a conduit à la création du premier Centre
d’Action Régionale pour le Développement Rural (CARDER) du Mono-Couffo en 1969 et
généralisé/crée dans les autres régions en 1975.
La définition de la mission des nouvelles structures de développement agricole et rural a permis
des évolutions relatives en particulier à la prise en compte de l’ensemble des problèmes des
exploitations agricoles c’est-à-dire au-delà de ceux des cultures de rente. Sont ainsi dorénavant
du domaine du service de la vulgarisation, les cultures vivrières, l’élevage, le maintien de la
fertilité des sols, la structuration du monde rural. Le service de vulgarisation agricole tel que
rendu jusqu'à un passé récent aux communautés des producteurs est sans coût significatif
direct pour le bénéficiaire. Les objectifs des programmes de vulgarisation agricole se
présentaient comprennent, entre autre : (i) l’amélioration des conditions de vie des populations
en milieu rural et (ii) l’augmentation de la production agricole des cultures de rente (palmier à
huile, cocotier, coton, etc.); et des vivriers (maïs, igname, manioc).
Compte tenu de l'orientation donnée à la production agricole au cours de cette période, la
vulgarisation rurale a été caractérisée par une approche par culture. Les conditions
agroécologiques propres à chaque région imposaient à cette approche, une connotation
géographique par rapport aux différents départements du pays. Les outils traditionnellement

16
utilisés ont été renforcés par des émissions radio sur les chaines rurales ainsi que par les fiches
de vulgarisation qui récapitulent les arguments propres à créer des motivations.

Période allant de 1972 à 1985


Au plan structurel et organisationnel, cette période a été particulièrement marquée par la
création en décembre 1975, au niveau de chacun des six départements d’alors, d'un Centre
d'Action Régionale pour le Développement Rural (CARDER). Cette approche géographique
adoptée lors de la création des CARDER, devait permettre d'inciter les partenaires au
développement, de se concentrer, suivant leur option propre, sur le département de leur choix,
à travers des programmes et/ou projets spécifiques. Placés sous la tutelle du Ministère du
Développement Rural, les CARDER étaient entre autres chargés de l'appui technique aux
producteurs et à leurs organisations. Les objectifs principaux visés au niveau des programmes
de vulgarisation agricole étaient (i) le renforcement des pouvoirs des collectivités et institutions
locales ; (ii) l’augmentation et la diversification de la production agricole et (iii) le renforcement
des capacités des organisations coopératives.
Durant cette période, le contenu des programmes de vulgarisation se présentait sous forme de
« fiches techniques » détaillant les tâches hebdomadaires, sur lesquelles étaient basés la
formation et le recyclage des agents. Lors de leurs interventions au niveau du terrain, toutes les
divisions/unités, y compris celles de la foresterie, travaillaient selon ce système et en liaison
avec l'Agent de vulgarisation agricole (AVA) qui en constituait le pilier.
Cette période est marquée par l’apparition de l’approche formation-visite (système F&V) qui
sera, maintes fois modelée pour s'adapter à la grande diversité des conditions agro-écologiques
des départements. Le but de l'approche est d'apporter un soutien approprié au développement
rural en aidant les producteurs à accroître leur production et à multiplier et diversifier leurs
revenus. L'une de ses caractéristiques essentielles réside dans la nécessité du recours à la
formation régulière et permanente.

Période après 1985


A partir de 1985, avec le Programme d’Ajustement Structurel (PAS), la question de l’efficacité
de la vulgarisation s’est posée en termes de méthodes de vulgarisation, de compétence des
agents, de thèmes ou technique vulgarisés, de motivation des producteurs à participer et
surtout de fonctionnement de plus en plus élevé des CARDER. En effet, les dernières réformes
significatives du dispositif organisationnel de la vulgarisation agricole remontent à l’étude de
restructuration organisationnelle et institutionnelle des CARDER et des Services Centraux dont
les travaux ont été menés entre 1988 et 1990.

17
Cette étude a abouti à l’élaboration et la conclusion du Projet de Restructuration des Services
Agricoles (PRSA) mis en œuvre à partir de 1992. Le PRSA a recentré le rôle de l’Etat sur les
missions régaliennes d’orientation, de contrôle/réglementation et le suivi/évaluation de la mise
en œuvre des politiques agricoles du pays. Ces réformes ont permis le développement des «
approches participatives », dont :

 Approche participative de gestion durable des ressources naturelles, mise en œuvre par
quelques projets forestiers et de gestion des terroirs.

 Approche « processus » mise en œuvre par la SNV.

 Approche « appui à l'autopromotion rurale » diffusée par FIDESPRA, qui contribue à


relever les défis majeurs de développement.

 Approche participative au niveau du village (APNV) mise au point par l'INRAB, testée en
pré-vulgarisation par la DIFOV, puis adoptée pour renforcer le système national de
vulgarisation agricole.
Par ailleurs, un système national unifié de vulgarisation agricole (SNVA) a été mis en place et
appliqué dans tout le pays depuis 1992. Il s'agit en fait du système de formation-visite unifié au
niveau national et ensuite renforcé depuis 1996 par l'APNV. Son objectif est d'améliorer les
performances de la vulgarisation et de renforcer ses liens avec la recherche d'un côté et les
producteurs de l'autre. Le mouvement coopératif a, dans ce cadre, connu un essor appréciable
avec pour conséquence le renforcement des capacités de mobilisation, d'organisation et de
négociation des producteurs. C'est ainsi, depuis 1995, les producteurs disposent d'une « chaîne
de producteurs » allant du village jusqu'au niveau national, en passant par les sous-préfectures
(maintenant communes) et les départements. Il s'agit de : (i) Groupements villageois (GV) ; (ii)
Unions communale des producteurs (UCP ex USPP) ; (iii) Unions départementales des
producteurs (UDP) et (iv) l’organe faitière- Fédération des unions des producteurs (FUPRO).
D'une façon générale, les organisations paysannes (OP) sont devenues des interlocuteurs
valables des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds, ainsi que de véritables partenaires pour
le développement.
Pour répondre aux exigences de la nouvelle politique de développement agricole et rural et de
la réforme de l’administration territoriale, les CARDER ont été liquidés en 2004 et remplacés
par les Centres Régionaux pour la Promotion Agricole (CeRPA) avec pour niveau opérationnel
les Centres Communaux pour la Promotion Agricole (CeCPA). Cette réforme vise la
modernisation et le développement d’une agriculture durable, à travers le passage d’un
système descendant apportant aux producteurs seulement un appui technique surtout dans la
production végétale, à un appui de conseils basés sur la demande des producteurs, conseils à la
fois plus spécialisés mais aussi sur des thématiques diversifiées. Cette transformation des
CARDER s’est subséquemment accompagnée de l’option pour les conseils spécialisés et la
promotion des filières autres que le coton. Mais les nouveaux centres héritent des difficultés

18
(faible moyens techniques et financiers, personnels peu qualifiés et en nombre insuffisants) des
CARDER. Ainsi, très peu de changements ont alors été notés dans les interventions.
Face à ces difficultés et surtout celles relatives à la filière cotonnière (chute de la production), le
Gouvernement a estimé qu’il faille opérer une autre réforme structurelle pour la mise en
œuvre de mesures appropriées en vue de mettre en marche et de dynamiser le dispositif
technique d’accompagnement des producteurs. L’enjeu comme l’avait indiqué le Conseil des
ministres du 21 février 2013 est « de mettre un terme définitif à l’orientation bureaucratique
des actuels CeRPA caractérisés par de graves dysfonctionnements qui minent l’encadrement
technique du monde paysan, freinent l’élan et l’enthousiasme des producteurs, ainsi que
l’organisation et la promotion des filières agricoles ». Les CeRPA ont, à nouveau, été
transformés en CARDER.
L’option du conseil a été concrétisée au cours de l’année 2007 par l’élaboration du document
intitulé « livre blanc sur le conseil agricole » et l’adoption du Système National du Conseil
Agricole (SNCA). L’approche descendante de la vulgarisation généraliste et classique sur fond
d’approche Formation & Visite avec APNV a alors cédé place au conseil agricole basé sur
l’accompagnement des exploitants dans les prises de décisions et leurs mises en œuvre.
Par suite du changement politique intervenu à la tête du pays en 2016, une autre ère est
annoncée pour le développement agricole avec la liquidation des CARDER et autres sociétés
d’Etat et leur remplacement par les Directions Départementales de l’Agriculture de l’Elevage et
de la Pêche (DDAEP) ainsi que les Agences Territoriales de Développement Agricoles (ATDA) sur
fond d’une approche centrée sur les filières agricoles.

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QUELQUES APPROCHES DE VULGARISATION
Le Champ Ecole Paysan (Farmer field School)
Se basant sur le fait que le paysan-agriculteur possède de l’expérience et un certain savoir tant
dans la vie courante que dans le domaine agricole, l’approche CEP suggère de requérir sa
participation en tant qu’acteur-clé du processus pour atteindre des résultats escomptés.
Son expérience qui représente une riche ressource lui permet d’apprendre et de s’impliquer
dans la formation. Toutes les activités sont orientées de manière à développer chez le paysan
des capacités réelles d’identification, d’analyse et d’interprétation des situations et
informations en rapport avec les problèmes de son champ ; à l’aider à prendre des décisions
adéquates basées sur l’analyse de ses propres observations et ; à évaluer les résultats pour une
réorientation judicieuse de ses interventions.
En tant qu’adulte, le paysan connaît ses besoins et sait ce qu’il veut apprendre. Dans les champs
écoles, les expériences sont utilisées de plusieurs manières : en discussion de groupes, dans les
jeux de simulation et de rôle, dans les sessions pratiques sur le terrain, dans la constitution
d’une équipe de travail, etc. (Henk, 2004).

Quelques principes de base président à la mise en place des CEP:


Le champ comme première ressource pédagogique : toutes les activités de formation se
déroulent sur le champ où l’agriculteur a la possibilité de suivre le développement de sa culture
durant tout le cycle, ce qui lui facilite sa meilleure connaissance (physiologie, besoins nutritifs,
ennemis et auxiliaires, etc.).
La valorisation des connaissances de la base : les paysans étant au cœur du dispositif, leurs
connaissances anciennes et celles développées en cours d’expérimentation sont mises en
exergue. Ils ont ainsi la possibilité de les mettre en pratique dans la gestion de leurs
productions et dans la recherche des solutions aux problèmes qu’ils affrontent.
Les échanges d’informations et de connaissances : le rendez-vous du donner et du recevoir est
au centre du CEP où chacun des participants donne son point de vue et sa vision des choses
dans les diverses situations qu’ils vivent. Les échanges d’expériences se déroulent de façon libre
et, chacun apprend de l’autre. Les solutions sont adoptées de commun accord sur la base des
discussions et des expériences recueillies.
L’existence d’un groupe : les CEP permettent la constitution de groupes d’agriculteurs qui ont
des intérêts communs. La qualité des groupes composés est déterminante pour la réussite de
l’action. En travaillant ensemble, les agriculteurs deviennent capables de répondre avec
efficacité aux problèmes et défis qui se présentent dans leur activité quotidienne.

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La promotion de la solidarité : les CEP ont vocation de générer au sein de groupes formés une
ambiance d’entraide, de support mutuel et de partage. Ce qui permet la cohésion du groupe et
la continuité de l’action même au-delà des sessions avec les facilitateurs.

Conseil agricole
Dans la Stratégie Nationale de mise en œuvre du Conseil Agricole (SNCA) au Bénin, quatre (4)
types de conseil agricole ont été identifiés pour appuyer les exploitants agricoles. Il s’agit de :
- Conseil Technique Spécialisé (CTS) : il est l’accompagnement qu’apporte un technicien
pour appuyer les producteurs à identifier eux-mêmes les contraintes de leurs
exploitations et les amener à appliquer et adopter les innovations techniques pour
améliorer la productivité et la rentabilité de leur exploitation. Ce type de conseil est
donné dans plusieurs domaines comme la production végétale, la production animale, la
production halieutique, l’aménagement et l’équipement rural etc.
- Conseil de Gestion aux Exploitations Agricoles (CEGA) encore appelé Conseil à
l’Exploitation Familiale (CEF) : il est l’accompagnement apporté aux exploitants
agricoles pour maîtriser les outils de gestion et prendre des décisions pour
l’amélioration durable de la rentabilité économique et financière de leur exploitation.
- Conseil à l’Accès au Marché (CAM) : Il est l’accompagnement qu’apporte un technicien
en gestion des exploitations pour faciliter aux producteurs et aux commerçants les
prises de décision en vue du positionnement et du maintien de leurs produits sur les
marchés.
- Conseil à l’Organisation et à la Planification Locale (COPL) : il a pour objectif essentiel de
fournir l’appui technique nécessaire pour la promotion des organisations
professionnelles agricoles viables, capables d’offrir aux paysans les services essentiels
dont ils ont besoin pour le développement de leurs activités. Ce conseil permet
également l’élaboration de la planification au niveau village après un diagnostic global.
Phases de mise en œuvre du conseil agricole
La démarche de mise en œuvre du conseil agricole par les agents sur le terrain est flexible et
dépend du niveau de professionnalisme de chaque conseiller. La schématisation présentée ici
est le résultat de la mise en commun des démarches individuelles utilisées par les conseillers
agricoles et construite à la lumière des principes de mise en œuvre du conseil agricole. Elle se
résume en six (6) phases que sont :
1. Sensibilisation/information de la population
2. Diagnostic initial
3. Adhésion au conseil : la constitution des groupes de contact ou des groupements
d’intérêt professionnel
4. Contractualisation
5. Appui-Conseil et divers accompagnements

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6. Evaluation des résultats ou diagnostic de fin de campagne
Ces phases ne sont pas forcément conduites linéairement mais peuvent être simultanées ou
itératives.

Conseillers agricoles
Le conseil agricole comme défini dans la stratégie nationale de mise en œuvre du conseil
agricole, remet fondamentalement en cause la fonction du conseiller. Le conseiller n’est plus un
encadreur vulgarisant des solutions toutes faites mais un accompagnateur, mieux un
facilitateur, qui aide l’exploitant à prendre des décisions économiquement et socialement
viable pour son exploitation et à les mettre en œuvre. Cette transformation du métier des
conseillers requiert que ceux-ci soient disponibles en nombre suffisant et disposent des
compétences suffisantes pour une efficacité du conseil.

Les TIC et la vulgarisation


Les médias traditionnels tels que la radio et la télévision ont joué un rôle majeur dans la
vulgarisation (ex. de l’émission Club 4V sur la chaine nationale dans les années 90), mais
l’amélioration de l’accès aux technologies mobiles a profondément changé la donne. Le
potentiel des TIC pour soutenir l’échange d’informations et l’accès à celles-ci pour les petits
agriculteurs, a déjà été mis en évidence.
Access Agriculture offre une tribune Internet au personnel de recherche et développement
(R&D) agricoles, aux prestataires de services, aux agents de vulgarisation, aux professionnels de
la communication et aux représentants des organisations d’agriculteurs pour soutenir la
production, la traduction et la diffusion de vidéos de formation agricole dans diverses langues.
Toutefois, cette tribune Internet ne suffit pas dans la mesure où les vidéos, qu’elles soient aux
formats VCD ou DVD, « doivent être reproduites en grand nombre et diffusées à grande échelle
dans le cadre d’une stratégie de communication et de distribution bien planifiée » (Van Mele,
20046).
La production et l’utilisation de vidéos de vulgarisation sont en général peu coûteuses,
portatives et à l’écoute des préoccupations rurales offrent la possibilité de favoriser la
vulgarisation assurée par les agriculteurs eux-mêmes. Les effets positifs des vidéos, en termes
de formation et de productivité agricoles des petits producteurs, ont été démontrés, surtout
lorsque les vidéos sont combinées à des processus participatifs. Certains mécanismes utilisant
la vidéo sont axés sur la diffusion, tandis que d’autres visent également à améliorer
l’apprentissage par les pairs

6
Van Mele, P., Zakaria, A.K.M., Bentley, J.W., 2004. Watch and Learn: Video eduction for appropriate technology, in: Van Mele,
P., Salahuddin, A., Magor, N.P. (Eds.), Innovations in Rural Extension, case studies from Bangladesh. CABI Plublishing, United
Kingdom, pp. 42-88.

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Mais l’utilisation de la vidéo en vulgarisation a aussi quelques exigences. Entre autres, il faut
que les agents de vulgarisation aient une formation élémentaire aux TIC et à la production de
vidéos, ainsi que des ordinateurs portables et des caméras vidéo portatives et compactes. Les
vidéos produites peuvent être confrontées à différents problèmes dont les différences
culturelles, obstacles linguistiques, lacunes infrastructurelles (manque d’électricité, par
exemple), incompatibilités matérielles et logicielles, et insuffisance du soutien.

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