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CHAPITRE L’ORDRE SEIGNEURIAL :


LA FORMATION ET LA DOMINATION
DES CAMPAGNES
(p. 64 à 83)

Thème 2 – Société, Église et pouvoir politique dans l’Occident féodal (xie-xve siècles)

Sous-thème : L’ordre seigneurial : la formation et la domination des campagnes.


La société féodale, empreinte des valeurs religieuses du christianisme, se construit sous la domination conjointe des pouvoirs
seigneuriaux, laïques et ecclésiastiques. Les campagnes et leur exploitation constituent les ressources principales de ces
pouvoirs. En abordant la conquête des terres, on envisage, une nouvelle fois après l’étude du néolithique en 6e, le lien entre
êtres humains et environnement.

❏ Démarches et contenus d’enseignement : la société féodale, ❏ Une approche HDA : elle est proposée dans le chapitre par
empreinte des valeurs religieuses du christianisme, se construit l’étude du tympan de Conques (p. 70-71). On peut aussi travailler
sous la domination conjointe des pouvoirs seigneuriaux, laïques et sur l’architecture médiévale, qu’elle soit militaire avec le château
ecclésiastiques. Les campagnes et leur exploitation constituent les fort (p. 64 et 66) ou civile (la bastide p. 65, l’abbaye cistercienne
ressources principales de ces pouvoirs. En abordant la conquête des p.  72). Il est également possible de mener une réflexion sur les
terres, on envisage, une nouvelle fois après l’étude du néolithique miniatures (p. 64, 66, 67, 68, 69, 73).
en 6e, le lien entre hommes et environnement.
❏ Des choix multiples proposés aux enseignants : la séquence
❏ Bornes chronologiques fixées par le programme : ce thème repose sur plusieurs études distinctes permettant d’envisager les
s’inscrit dans le temps long (4 siècles, du xie au xve siècle), essentiel- différentes perspectives demandées par le programme. Le manuel
lement dans l’espace de l’Europe occidentale. À partir du milieu du permet aux professeurs de construire leur propre parcours : il est
xie siècle se généralise la seigneurie castrale instrument privilégié du par exemple possible de commencer par le « contexte » général
pouvoir aristocratique et de l’encadrement des populations rurales, avant les études de cas ou par la place centrale de l’Église.
tandis qu’elle achève de s’effacer au xve siècle devant la montée en
➤ Bibliographie
puissance de l’autorité royale. La rupture chronologique, entre les
trois siècles de forte croissance démographique et économique (du ❏ Synthèses
xie au début du xive) et les deux derniers de la période, marqués par
– Baschet Jérôme, La Civilisation féodale. De l’an mil à la coloni-
les crises, ne remet pas en cause le mouvement général d’expan- sation de l’Amérique, Paris, Flammarion « Champs Histoire », 2011
sion. (éd. originale 2004).
– Bove Boris, Le Temps de la guerre de Cent Ans, 1328-1453, Paris
❏ Problématique du chapitre : il s’agit de monter comment, pen- Belin, 2009.
dant la période, se met en place une triple domination : celle, crois- – Cassard Jean-Christophe, L’Âge d’or capétien, 1180-1328, Paris
sante, de l’homme sur la nature (avec par exemple l’effacement de Belin, 2011.
la forêt), celle complète de l’Église sur ensemble corps social (grâce – Mazel Florian, Féodalités, 888-1180, Paris, Belin, 2010, rééd.
à son renforcement décisif des xie et xiiie siècles et par l’imposition 2014.
de son imaginaire), celle plus complexe du contrôle des hommes et ❏ Outils de travail
de l’espace par le seigneur.
– Charron Pascale, Guillouet Jean-Marie (dir.) Dictionnaire d’histoire
❏ Notions clés du chapitre de l’art du Moyen Âge occidental, Paris, Robert Laffont « Bou-
La notion centrale de domination, notamment dans sa dimension quins », 2009.
sociale, doit être envisagée, dans la mesure du possible, de manière – Duby Georges, Wallon Armand (dir.), Histoire de la France rurale
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la plus complexe possible, dans une société vue comme un équi- T.1 « La formation des campagnes françaises. Des origines à 1340 »,
libre en évolution permanente (même lente). Cette domination est Paris, Seuil, 1992.
triple : c’est celle croissante de l’homme sur la nature (effacement – Feller Laurent, Paysans et seigneurs au Moyen Âge viiie-xve siècles,
de la forêt) ; c’est aussi celle complète de l’Église sur l’ensemble Paris, Armand Colin, 2007.
corps social grâce à son renforcement décisif entre les xie et xiiie – Le Roy Ladurie Emmanuel (dir.), Histoire de la France rurale T. 2
siècles et par l’imposition de son imaginaire et de son idéologie ; « 2. L’âge classique des paysans. De 1340 à 1789 », Paris, Seuil,
enfin, au quotidien, c’est celle plus complexe des seigneurs sur les 1992.
campagnes, à la fois imposée et négociée, plus échange réciproque – Leturcq Samuel, La Vie rurale en France au Moyen Âge, Paris,
déséquilibrée dans un imaginaire dominé non par la richesse mais Armand Colin, Cursus, 2004.
par la réputation. – Morsel Joseph, L’Aristocratie médiévale ve-xve siècle, Paris Armand
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Colin, 2004. désertion de ces noyaux ecclésiaux ».
❏ Revues Réponses aux questions
– L’Histoire n°257 sept.2001 « Inondations, tempêtes, effet de Question 1 : Ce château domine le paysage par sa taille et sa posi-
serre. Le climat depuis 5000 ans ». tion élevée. C’est le seigneur qui y réside.
– L’Histoire n°283 janv.2004 « Les grandes heures du Moyen Âge ». Question 2 : C’est l’église qui est placée au centre du village. C’est
– L’Histoire les collections n°67 avril-juin 2015 « L’âge d’or des le lieu de culte des chrétiens. Il sert aussi symboliquement à mar-
abbayes. Une révolution religieuse au Moyen Âge ». quer la puissance de l’Église sur les villageois.
➤ Sitographie Question 3 : On peut penser que les campagnes sont sous la
– Pour des ressources iconographiques : http://mandragore.bnf.fr/ domination des seigneurs (document 1) et sous celle de l’Église
html/enlum/default.htm (document 2).
– Pour approfondir autour du tympan de Conques : http://www.tou-
risme-conques.fr/fr/histoire-patrimoine/église-abbatiale/contruc- Étude p. 66-67
tion-abbatiale.php
Guillaume de Murol, un seigneur en Auvergne
– Conçu par la BNF : http://classes.bnf.fr/ema/campagne/index.htm
– Pour trouver des articles de revue permettant de développer divers L’étude de cas envisagé doit permettre de distinguer les différentes
exemples issus notamment de l’archéologie : http://www.persee.fr/ formes que prend la domination seigneuriale en insistant sur les
obligations réciproques au cœur de ce système. Il s’agit de pré-
Introduction p. 64-65 senter la relation dominants-dominés au sein de la seigneurie. La
seigneurie castrale connaît des difficultés au début du xve siècle,
Pour aborder la domination des seigneurs et de l’Église sur les cam- comme en témoigne la rigueur avec laquelle Guillaume de Murol
pagnes ont été choisis deux documents de nature différente mais (1350-1440) réclame à ses paysans tout ce qu’il estime être son
marquant l’un et l’autre nettement la maîtrise des seigneurs laïcs dû ; mais elle reste la structure la plus courante de domination
et religieux sur l’espace réel et imaginaire. des campagnes d’Europe occidentale, réunissant des pouvoirs
Les documents d’origine foncière et d’autres issus de la dilution du pouvoir central
Document 1 : Commande de Jean de Berry (1340-1416), le prince (notamment la justice). La problématique de l’étude est : Comment
bibliophile et mécène le plus emblématique de la période, aux Guillaume de Murol exerce-t-il son pouvoir dans sa seigneurie ?
frères Limbourg (Paul, Hermann et Jean, actifs de 1399 à 1416), L’objectif est de faire distinguer par les élèves les différentes formes
ces Très Riches Heures du duc de Berry offrent un portrait de la de domination du seigneur et de leur faire saisir le caractère total
France au début du xve siècle, dans lequel est soulignée la puis- de cette domination.
sance de son commanditaire. La miniature du mois de mars (un À partir du document 1, on envisage d’abord la domination mili-
calendrier plus ou moins orné est presque toujours intégré en taire et symbolique sur l’espace de la seigneurie ; on peut faire
tête des livres d’heures) peut servir de premier document pour le retrouver celle-ci dans le document 3 qui permet d’introduire la
chapitre, car elle donne à voir à la fois la diversité du travail agri- dimension économique. De même, on peut faire travailler en paral-
cole et l’emprise seigneuriale avec le château de Lusignan (fortifié lèle les documents 2, 3, et 4, en faisant retrouver dans le dernier les
après sa reprise aux Anglais en 1374) avec son bourg protégé par types de domination visibles dans les deux autres.
une double enceinte. À partir d’une analyse de la construction de Les documents
l’image (taille et place du château, disposition quasi géométrique Le document 1 est une photo du château de Murol qui a été choisi
des différentes parcelles…), on peut amener les élèves à réfléchir notamment en raison de son bon état général de conservation (en
sur sa dimension idéalisée. Selon Jérôme Baschet, « les tradition- partie dû à la fidélité de la famille d’Estaing, alors propriétaire du
nelles représentations des travaux des mois sont considérablement château, à Richelieu, qui évita ainsi le démantèlement) et de son
amplifiées : au premier plan, un vilain procède au labour avec une aspect imposant (souligné notamment par Mérimée). Sur un site
charrue munie d’un coutre et d’un versoir métalliques, que tire une occupé dès le ixe siècle, constructions et reconstructions durent
paire de bœufs ; plus loin deux vignes encloses dont on taille les du xie au xvie siècle. À l’époque de Guillaume, le village (alors d’une
sarments et un berger gardant ses moutons ». trentaine de bâtiments) devait encore se trouver, d’après les fouilles
Document 2 : Avec la photo de Bram, bastide à plan circulaire qui archéologiques, à proximité immédiate voire directement à l’inté-
se met en place à partir du xie siècle, on insiste sur la place centrale du rieur de l’enceinte, alors que la bourgade actuelle se situe dans la
bâtiment église comme symbole de celle de l’Église dans la société. vallée proche. La fonction défensive est visible à travers les fortifica-
On peut insister sur la volonté de dominer et d’organiser l’espace et tions (postérieures à l’époque de Guillaume) peu utilisées pendant
au-delà de la nature en s’appuyant sur la régularité du plan du vil- la longue occupation du château et surtout pendant les guerres de
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lage (grâce au travail des géomètres-arpenteurs) ; on pourra souli- religion ; si l’on suit son journal, Guillaume de Murol n’a pratique-
gner l’organisation des habitations en cinq anneaux concentriques, ment pas été confronté à la guerre durant son existence et notam-
avec le cercle de trente pas de l’aire d’asile définie autour l’église ment pas dans son château de Murol. Plus généralement, même si
depuis l’Antiquité tardive et renforcée par les conciles de la paix de elle est aux yeux de la noblesse et son activité principale et la plus
Dieu. La paroisse est le premier cadre au sein duquel s’affirme l’es- digne, l’importance de la guerre ne doit pas être exagérée : plutôt
prit communautaire des habitants. Selon Samuel Leturcq, « dans assimilable à une « cueillette périodique » (Georges Duby), la guerre
le bassin de l’Aude, les fouilles archéologiques récentes ont mis en chevaleresque reste dominante au moins jusqu’au xiiie siècle et ne
évidence une première génération villageoise issue d’une polarisa- comporte qu’exceptionnellement de grandes batailles, notamment
tion du peuplement par les églises, antérieurement à la “révolution en raison de son coût (on estime qu’il faut disposer d’environ cent
castrale” du xie siècle qui entraîne parfois l’affaiblissement voire la cinquante hectares de propriété foncière pour assumer les frais
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d’équipement de l’activité chevaleresque). Outre son rôle de rési- avec Antoine Beneit). Il y a aussi les banalités, issues de la posses-
dence pour le seigneur et ses proches et son rôle de défense et de sion de certains équipements collectifs (ici le four). La domination
refuge déjà évoqué, la fonction symbolique peut être mise en avant de Guillaume sur ses paysans apparaît donc bien comme très com-
à travers la taille de l’ensemble : sa position sur le site le plus élevé plète à travers cet extrait. Il permet aussi éventuellement de tracer
marque la domination sur le terroir comme le seigneur domine les les contours de la vie d’un petit seigneur auvergnat du début du
paysans. xve siècle, existence assez banale et routinière, remplie surtout par
Le document 2 est une miniature tirée des Novella in Decretales la quête continuelle de ressources pour faire face à la « crise de la
Gregorii VIIII, compilation des textes juridiques du droit canon, ras- seigneurie » qui caractérise la période.
semblés sous le pontificat de Grégoire IX (1227-1241), dans un Réponses aux questions
manuscrit du début du xiiie siècle de l’abbaye Saint-Aubin d’An-
Question 1 : Le château a une fonction militaire de défense : c’est
gers. Le seigneur juge se tient assis au milieu entre le plaignant
là que le seigneur et les paysans peuvent se protéger en cas de
et le défenseur. Confiscation du pouvoir central, la justice seigneu-
menace grâce aux fortifications. Il est aussi la résidence du seigneur,
riale est sans appel jusqu’au xiiie siècle et constitue une source de
de sa famille et de ses proches. Il a aussi une fonction symbolique :
revenus non négligeable pour le seigneur car c’est surtout une
il représente, par sa taille, la puissance du seigneur sur ses terres.
justice foncière : elle impose des amendes ou la confiscation d’un
Question 2 : Le seigneur est placé au centre de l’image, assis alors
bien pour de nombreuses infractions, par exemple en cas de non- que les autres personnages sont debout autour de lui. Avant de
paiement d’une taxe ou de contravention aux règles d’usage des rendre la justice, le seigneur écoute les protagonistes de l’affaire
bois. Même si c’est relativement rare, le seigneur peut aussi acca- donner leur point de vue.
parer les fonctions de haute justice, allant jusqu’à la condamnation Question 3 : Sur l’image, on distingue nettement le groupe des
à mort : le gibet, en général peu utilisé et placé près du château, paysans courbés sous le poids du travail et l’agent du seigneur,
dépasse alors son rôle symbolique. Mais l’exercice de la justice varie debout qui les surveille. Son geste, avec le bâton dressé au-dessus
selon les régions et les coutumes locales que le seigneur et son pré- de la tête des paysans, marque la domination du seigneur sur les
vôt doivent respecter. On peut, à partir de la position des person- paysans.
nages, souligner que la justice est souvent rendue après un débat Question 4 : Les paysans peuvent travailler sur les terres de Guil-
pendant lequel les différentes parties peuvent parler. Ce document laume de Murol en échange du cens et de la corvée. Pour utiliser
peut être mis en relation avec le document 4 où on pourra faire les services collectifs comme le four, ils doivent aussi lui payer les
retrouver aux élèves ce qui concerne la justice et leur faire relativi- banalités.
ser la dimension contradictoire de cette justice quand le seigneur Question 5 : On retrouve, dans le document 4, le pouvoir du sei-
est à la fois juge et partie. gneur de rendre la justice sur ses terres car le seigneur de Murol
Miniature extraite du Psautier de la reine Marie, réalisée vers 1320- met à l’amende Antoine Beneit « pour les grands plaisirs qu’il
1330, le document 3 donne à voir une autre des exigences fortes m’avait faits ».
de la relation de dominium, liée elle à la propriété foncière, la cor-
Pour conclure : Dans sa seigneurie, Guillaume de Murol exerce
vée. C’est un travail dû sur les terres exploitées par le seigneur
plusieurs pouvoirs. Comme il a la propriété de la terre, il reçoit
(ou parfois un travail domestique au château). Très inégale selon
des paysans qui y habitent le cens ; de plus, ceux-ci doivent tra-
les régions, elle correspond, le plus fréquemment, à un ou deux
vailler gratuitement sur les terres du seigneur pendant la corvée.
jours par semaine plus quelques jours au moment des récoltes,
Le seigneur exerce aussi sur ses terres la justice y compris dans
mais la tendance générale est à son rachat par un paiement annuel
les affaires qui le concernent. En échange de ces pouvoirs, les pay-
en argent (qui permet au seigneur d’employer alors des ouvriers
sans sont protégés par Guillaume et peuvent se réfugier, en cas de
agricoles salariés pour l’exploitation de la réserve). La présence du menace, dans le château fort. Celui-ci symbolise aussi la puissance
surveillant envoyé par le seigneur peut renvoyer aux fortes réti- du seigneur.
cences des paysans, qui se traduisent par le faible rendement de
ces travaux (le prédicateur Jacques de Vitry dénonce, dans un de Point méthode
ses sermons, la fraude des paysans quant aux quantités exigées
Question 1 : Il s’agit du journal de Guillaume de Murol.
par les seigneurs), encourageant ainsi leur transformation en taxe
monétarisée. Outre la lente dislocation des manses et de la réserve Question 2 : Guillaume de Murol est le seigneur de Murol, espace
et la percée de l’économie monétaire dans les campagnes, la troi- sur lequel il exerce son pouvoir.
sième cause du progressif recul de la corvée est à chercher surtout
dans l’organisation des communautés paysannes agissant comme L’atelier de l’historien p. 68-69
une force de proposition et de résistance face aux seigneurs
Le document 4 est un extrait du journal de Guillaume de Murol, Des paysans écrasés par leur seigneur ?
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retranscrit et étudié par Pierre Charbonnier dans sa thèse de doc- Le but de ce travail est de faire approcher par les élèves de 5e la com-
torat Guillaume de Murol. Un petit seigneur auvergnat au début plexité historique, autour de la question du poids de la domination
du xve siècle, Institut d’études du Massif Central 1973. Seigneur de seigneuriale sur les campagnes. Il s’agit de faire apparaître combien
Murol de 1383 à sa mort en 1440, Guillaume tient scrupuleusement la domination seigneuriale oscille entre coercition et négociation,
dans son journal les comptes de ses domaines, en particulier de ce comment elle s’apparente par certains aspects à la recherche d’un
que lui doivent « ses » paysans. On retrouve dans les différents pas- équilibre. Comme prévient Jérôme Baschet, « il faut se garder autant
sages sélectionnés, la domination liée au foncier avec le cens, dont de la légende noire que de la légende rose » : ainsi la domination
le montant reste identique d’une année sur l’autre, quelles que seigneuriale n’empêche pas à partir des xiie et xiiie siècles (période
soient les conditions matérielles (accident climatique, guerre…). Il y de croissance marquée aussi par l’alourdissement du prélèvement
a aussi celle issue de la captation seigneuriale de la justice (l’affaire seigneurial) la diversification sociale des campagnes, avec l’appari-
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tion de groupes de paysans plus riches dans les villages. On peut 1175, nommé ainsi à partir de 1229 chez Philippe de Novarre), épo-
ainsi faire souligner par les élèves que la domination seigneuriale ne pée animale bien connue constituée de contes versifiés très variés,
peut être réduite à la seule dimension économique. représentant au final plus de 25 000 vers destinés avant tout à
À partir de l’étude du document 1, pour faire distinguer les dif- provoquer « ris et gabets » à partir de l’observation de la société
férentes difficultés rencontrées par les paysans, on peut d’abord du temps. Le succès de l’ouvrage est tel qu’il se diffuse largement
chercher à les retrouver dans les documents 2 (la pauvreté) et 4 (le hors du royaume de France et de nouvelles « branches » paraissent
labeur permanent). Enfin, le document 3 permettra de proposer un
au cours du début du xiiie siècle, mais progressivement la dérision
autre point de vue et d’apporter de la nuance.
cède la place à la satire et à l’érudition. Il n’est pas étonnant d’y voir
Les documents brocarder le paysan aisé « coq de village » dont Renart finira, après
La source 1 est un extrait du Livre des manières d’Étienne de cet extrait, par visiter le poulailler. On remarquera la description
Fougères (mort en 1178), d’abord chapelain d’Henri II Plantagenêt précise des réserves du garde-manger mais aussi les indications
et secrétaire de sa chancellerie puis évêque de Rennes, « homme sur l’exploitation manifestement tournée vers la polyculture asso-
distingué et lettré » ayant composé notamment dans sa jeunesse
ciée à l’élevage lui aussi diversifié (volailles et bestiaux). Ce sont
« beaucoup de choses gaies en vers rythmiques et en prose pour
ces majores, constituant progressivement une élite villageoise, qui
s’attirer l’applaudissement des hommes » selon la Chronique de
Robert de Thorigni. Dans son ouvrage le plus célèbre, le Livre des seront capables d’obtenir peu à peu des seigneurs des chartes de
manières composé entre 1474 et 1478, ouvrage en langue verna- franchise.
culaire, peut-être traduit en latin, il passe en revue, souvent avec un La source 4 est un ensemble de miniatures ornant le Martyrologue
certain mordant (par exemple à l’égard du chevalier), les différentes d’Usuard, produit vers 1270 pour l’abbaye de Saint-Germain-des-
catégories sociales de son époque. Parmi elles, dans l’extrait choisi, Prés sans doute dans le foyer des ateliers laïcs parisiens (vraisem-
il porte un regard relativement bienveillant sur le paysan : il décrit blablement celui de maître Honoré), et non plus seulement dans le
sa dure vie de labeur en soulignant le poids des prélèvements sei- scriptorium d’un monastère. Il présente un calendrier des travaux
gneuriaux en particulier en nature. agricoles renvoyant à une conception cyclique du temps contrôlé
On retrouve, dans la source 2, trois siècles plus tard, la même sol- par l’Église (qu’il soit quotidien, avec le son des cloches, ou annuel,
licitude envers les pauvres ruraux sur cette miniature illustrant les avec le calendrier des fêtes religieuses). Celui-ci est centré sur les
Traités théologiques, datant des années 1490. La droite de l’image
productions de base de l’alimentation médiévale, les céréales (juin
est occupée par une famille de pauvres paysans devant leur masure
juillet août octobre) l’élevage (novembre) et la vigne (septembre),
en partie en ruine, tandis qu’à gauche arrivent des pauvres hères
errants sur les routes en haillons, cherchant l’aumône (la main ten- qui est aussi un élément fondamental des échanges commerciaux.
due) ; au milieu, un franciscain et un dominicain, dont les frocs Outre la précision des détails, on pourra faire souligner aux élèves la
troués rappellent le vœu de pauvreté, implorent également la béné- manière dont sont représentés les paysans souvent courbés à la fois
diction divine. À l’arrière-plan à gauche, le château, imposant et par les efforts et sous le poids de la domination des seigneurs laïcs
massif, rappelle le poids de la domination seigneuriale. et ecclésiastiques, ce qui correspond à un discours qui est celui des
La source 3 est un extrait du Roman de Renart (réuni à partir de élites, qu’elles soient laïques ou ecclésiastiques.
Réponses aux questions
Question 1
Source 1 Source 2 Source 3 Source 4
Nature Poème Miniature Conte Miniatures
Date 2e moitié du xiie siècle Vers 1490 xiie siècle 1270
Auteur Étienne de Fougères Inconnu Inconnu Inconnu

Impression donnée sur Une vie dure, pleine Une vie dure et pauvre Une vie agréable et un certain Une vie de labeur
la vie des paysans de labeur et sous la niveau de richesse pour
domination du seigneur certains paysans

Arguments relevés dans « bien du travail et Les habits déchirés, « un paysan fort à son aise » Uniquement des
la source justifiant cette peine », « jamais il ne le toit de la chaumière « abondamment garnie des travaux, les corps
impression mange de bon pain » en ruine meilleures provisions » penchés
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Question 2 : Alors que dans la source 4, on voit des paysans tra- « fort à l’aise » avec une maison remplie de nombreuses provisions
vaillant sans arrêt, dans la source 1 on voit que ce travail difficile et diverses, en particulier des viandes « fraîches et salées ».
constant (« travail et peine ») profite surtout aux seigneurs (« à son Question 4 : J’ai appris que, pour répondre à cette question, il faut
seigneur il le destine »). Dans la source 2, la situation des paysans faire preuve de nuance car la situation n’est pas la même selon les
semble encore plus mauvaise puisqu’ils sont en haillons devant une périodes et les lieux. Globalement la vie des paysans est une vie de
masure en ruine ou errants sur les routes. travail (sources 1-3-4), mais, alors que lors de certaines périodes,
Question 3 : Alors que dans la source 1, le paysan voit le seigneur la domination seigneuriale pèse lourd sur les paysans (source 1) et
profiter des fruits de son travail, dans la source 3 le paysan est qu’ils peuvent être très pauvres (source 2), durant d’autres périodes,
certains s’enrichissent (source 3).

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Histoire des arts p. 70-71 au milieu du linteau, les cheveux hérissés formant une sorte de
couronne « les voleurs, les menteurs, les trompeurs, les cupides,
Conques, des valeurs chrétiennes mises en images les pillards », subissant mille maux. Parmi eux, le chevalier revêtu
L’étude du tympan de l’église de l’abbaye bénédictine de Conques de son haubert (marque d’orgueil) tombé de cheval est, peut-être,
doit être placée dans la perspective de la problématique de la domi- une représentation du seigneur du château d’Aubin, en Rouergue,
nation des campagnes par l’Église. Il s’agit de faire apparaître, aux ennemi des moines de Conques ; l’avare ou l’usurier est pendu par
yeux des élèves, quel discours moral génère l’institution ecclésias- les démons, la bourse à son cou (comme sur l’un des chapiteaux
tique pour contrôler le quotidien des paysans. Renforcée après la du transept de Saint-Jacques-de-Compostelle). Pour échapper à cet
réforme grégorienne du milieu du xie siècle, l’Église s’impose comme enfer saisissant plein des contorsions des démons et des damnés,
l’institution dominante dans tout l’Occident médiéval, elle diffuse face au paisible Paradis, ne reste alors que la médiation de l’Église
les normes sociales notamment par l’art, comme c’est le cas ici. qui est ainsi implicitement célébrée.
À partir de la description de l’organisation de l’ensemble du tympan Réponses aux questions
(document 1), on s’attachera ensuite aux différents détails proposés Question 1 : Il s’agit du tympan sculpté de l’église Sainte-Foy de
dans les autres documents, d’abord la pesée des âmes (document Conques dont on ne connaît pas l’auteur, qui date du xiie siècle.
2) puis les damnés (document 3) et enfin les élus (document 4), Cette sculpture de style roman représente le Jugement Dernier.
en mettant en relation ces situations avec les règles morales quoti- Question 2 : Le personnage 1 est un ange reconnaissable à ses
diennes édictées par l’Église. ailes, alors que le personnage 2 est un démon grimaçant. C’est le
Les documents démon qui semble l’emporter puisque le défunt bascule de son côté
Tous les documents de la double page sont issus du tympan du vers l’enfer.
portail occidental de l’église abbatiale de Conques, figurant le Juge- Question 3 : Alors que les élus rejoignent un Paradis où tout est
ment Dernier : le document 1 présente le tympan en entier, tandis calme et ordre, les damnés subissent de nombreux mauvais traite-
que les documents 2, 3, et 4 permettent d’en apprécier certains ments de la part des démons.
détails. Sans doute réalisé durant la période 1125-1135, peut-être Question 4 : Le chevalier félon est jeté au bas de son cheval.
par un sculpteur ou une équipe de sculpteurs ayant travaillé sur L’avare est pendu avec sa bourse autour du cou, le menteur se fait
la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, il témoigne de la arracher la langue. Chacun est puni en quelque sorte par là où il a
renaissance de la représentation de la personne humaine dans commis une mauvaise action.
les régions méridionales, encore marquées par l’influence antique. Question 5 : En opposant nettement élus et damnés, en indi-
Comme on peut le faire observer aux élèves sur le détail A sur le quant par des symboles quels sont les comportements souhaités
document 1, la mandorle (ovale en forme d’amande) dans laquelle par l’Église et ceux qu’elle refuse, le tympan se lit comme un guide
trône en majesté le Christ « Juge » et « roi des Juifs », sa poly- pour gagner son Salut.
chromie originale a été partiellement préservée car le tympan a Question 6 : La pendaison de l’avare est particulièrement mar-
vraisemblablement été précédé d’un narthex. Cela permet de se quante, par la représentation crue de la violence, le contraste entre
faire une idée plus juste de l’impression générale que devait pro- la souffrance du supplicié et les grimaces des diables, ainsi que par
voquer cette œuvre sur les pèlerins faisant étape sur la route de la finesse de la sculpture.
Compostelle par la « route d’Auvergne ». C’est cet afflux de visiteurs
qui provoque et permet, à partir du milieu du xie siècle, sous la Étude p. 72-73
direction de l’abbé Olodric (1039-1065), le remplacement de l’ab- Les abbayes transforment les campagnes
batiale antérieure, devenue trop petite par la grande église basili-
Après le contrôle moral exercé par l’Église sur la société, étudié
cale actuelle. Outre ce caractère vraisemblablement bariolé, il faut
avec le tympan de Conques, cette étude permet d’étudier la dimen-
souligner, pour relativiser le cliché d’un livre d’images pour illettrés,
sion matérielle de la domination ecclésiastique. Il s’agit à la fois de
l’importance des inscriptions gravées, en partie inspirées de l’Évan-
montrer combien l’Église est un acteur important des transforma-
gile de Matthieu (chapitres 24 et 25). Cette série de douze vers vient
tions des campagnes et comment elle profite de ces mutations pour
compléter et expliciter la riche iconographie, organisée autour de la
accroître sa puissance. Dans ce double processus, les abbayes sont
figure du Christ, entouré des instruments de sa Passion. À sa droite,
au premier rang, à la fois promotrices des opérations de défriche-
« l’assemblée des saints se tient debout devant […] son juge  »,
ment et seigneurs de domaines de plus en plus importants.
des anges présentant des bandeaux rappelant les vertus indispen-
Le document 3 peut servir de document d’accroche (en particulier
sables « la foi, l’espérance, la charité, la constance, l’humilité ».
le travail des convers au centre) pour d’abord étudier le rôle des
Derrière la vierge Marie et saint Pierre, on remarque un personnage
abbayes dans l’aménagement des campagnes : on élargira alors
identifié comme Dadon, le fondateur de l’abbaye, appuyé sur son
avec le document 1 puis le document 4. Ensuite, avec le docu-
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bâton d’ermite et peut-être derrière lui à côté d’un abbé tenant sa


ment 2, on retrouvera l’idée des abbayes seigneurs de domaines
crosse, Charlemagne (sous les traits d’un roi couronné) bienfaiteur
importants et, avec le document 5, le profit qu’elles en tirent.
supposé de l’abbaye. Aux pieds du Christ, se trouve à l’extrême
gauche, sainte Foy, semblant intercéder en faveur des ressuscités. Les documents
Dans la partie inférieure gauche du tympan (toujours à la droite Le document 1 est une photo aérienne de l’abbaye cistercienne de
du Christ), se trouvent, d’après l’inscription latine, « les chastes, Fontenay, dont les bâtiments, particulièrement bien conservés, sont
les pacifiques, les doux, les amis de la piété ». Inversement, à la organisés selon le plan du xiie siècle, période d’apogée du monas-
gauche du Christ est montré l’enfer là où « les hommes pervers tère comptant alors plusieurs centaines de moines (encore 300
[sont] plongés dans le Tartare », dont la représentation est relati- au début du xive). Fondée par saint Bernard en 1119, elle obtient,
vement rare à l’époque romane. Au royaume de Satan qui siège de Louis IX, le titre d’abbaye royale. L’unité architecturale de l’en-
CHAPITRE 3 l L’ORDRE SEIGNEURIAL : LA FORMATION ET LA DOMINATION DES CAMPAGNES
16
semble autour du cloître est caractéristique de l’esprit de rigueur et Contexte p. 74-75
de dépouillement voulu par son fondateur. On retrouve aussi, avec
la fonction des bâtiments, les différents aspects de la vie monas- Une période de conquête de terres agricoles
tique, entre vie spirituelle, travail intellectuel et travail manuel. Comme l’indique clairement le programme dans cette double page
Le document 2 est un extrait du Mémoire sur mon administra- « en abordant la conquête des terres, on envisage, une nouvelle
tion abbatiale de Suger (1081-1151) rédigé vers 1149. Proche de fois après l’étude du néolithique en 6e, le lien entre hommes et
Louis VI puis mentor de Louis VII, promoteur de l’idéologie capé- environnement ». Il s’agit à partir des travaux des historiens de
tienne, affirmant la supériorité royale, Suger, issu d’une famille préciser les ruptures chronologiques et les formes de cette action
pauvre, est élu abbé de Saint-Denis en 1122. Outre la reconstruc- croissante des hommes dans une perspective large tant du point de
tion de l’église (consacrée en 1144) de son abbaye et la surveillance vue géographique (échelle continentale) que chronologique (temps
de sa réforme, il ne néglige pas les aspects quotidiens de sa tâche, long). Il est possible aussi, à travers cette étude, de montrer aux
ainsi qu’on le voit dans le document. élèves les différentes formes que peut prendre la recherche histo-
Le document 3 est une miniature ornant un parchemin du Com- rique (archéologie, démographie…).
mentaire sur l’Apocalypse d’Alexandre de Brême (1256-1271). Il
permet une double analyse. On peut faire observer aux élèves les
Les documents
différentes activités quotidiennes dans le monastère (éventuelle- Le document 1 est un texte de Jérôme Baschet (EHESS) qui décrit
ment en rapprochant ce document du document 1) et distinguer les deux étapes de la transformation du paysage européen par les
les convers au centre de l’image (traditionnellement représentés paysans. Il insiste sur le tournant des xie et xiie siècles à un moment
barbus, ce qui n’est le cas que pour un sur l’image) des moines de où se développe une vision plus positive du travail manuel. Ces
chœur à droite et à gauche. On peut mener l’analyse symbolique de bouleversements s’effectuent par mitage et disparition des derniers
l’image qui représente la fondation des quatre « premières filles » massifs forestiers, réaménagement ou création des parcellaires avec
de Cîteaux, sous l’abbatiat d’Étienne Harding représenté à droite la multiplication de parcelles travaillées intensivement. On retrouve
dans son monastère : à droite les quatre arcades représentent La ces caractéristiques dans les documents 2 et 3 qui permettent un
Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond, tandis qu’au milieu les emboîtement d’échelle (du local au continental).
convers défrichent. Le document 2 permet de souligner qu’il s’agit d’une croissance
Les documents 4 et 5 concernent l’abbaye de Beaubec en Norman- qui est inscrite dans le temps long avec des racines carolingiennes.
die : le document 4 est un extrait de l’acte de fondation de la En complément du document 3, on soulignera la variété des
villeneuve de Criquiers en 1305, le long de la route reliant Rouen situations régionales avec la complexité de l’évolution paysagère
à Amiens, dans la « Montagne » du pays de Bray. Dans un espace (pour éviter le trop simple modèle openfield bocage) ; on pourra
déjà aménagé (mention des granges), l’abbaye est seule à l’initiative aussi mettre l’accent sur la modification des essences pendant la
de cette création, dont les conditions sont globalement favorables période.
aux futurs tenanciers, avec la mention des nombreux éléments à Avec le document 4, on peut mesurer l’impact démographique
la charge du promoteur. Le texte témoigne des efforts de rationali- majeur de ces transformations : les calamités des deux derniers
sation et de la seigneuralisation accrue de l’économie des abbayes siècles, extrêmement brutales, ne peuvent remettre en cause le
cisterciennes. mouvement d’expansion.
Le document 5 recense une partie des biens de l’abbaye de Beau- Il ne s’agit pas d’une révolution technologique mais de la combinai-
bec à la fin du xive siècle. Malgré les difficultés de l’époque et bien son des effets bénéfiques de plusieurs innovations (cheval, céréales
qu’elle ne soit pas aussi prestigieuse et puissante que sa voisine de printemps, moulin…), visibles sur le document 5.
de Jumièges par exemple, la diversité et la quantité des produits Réponses aux questions
sont frappants, fruits d’un patrimoine étendu au-delà même de la Question 1 : Alors qu’au xie siècle, l’Europe est encore largement
Normandie et preuves d’une gestion efficace. sauvage avec d’immenses forêts, trouées par des clairières pénible-
Réponse à la question ment trouées par l’homme (documents 1 et 2), elle est devenue au
xve siècle un espace dominé par l’homme : le réseau de villages s’est
On trouve L’abbaye perçoit le cens
dans les villages de son étendu (document 1), la forêt a reculé partout et les grandes forêts
dans l’abbaye
domaine (document 2). sont devenues l’exception (document 3), les espaces humides ou
une forge
L’abbaye possède les plus difficiles d’accès ont été conquis par l’homme (document 2).
et une Les abbayes
terres et exige le ban des Question 2 : Grâce aux innovations techniques comme la charrue
boulangerie sont des
habitants (document 4). tractée par le cheval (document 5 a) ou le moulin (document 5
pour exploiter acteurs
b), la population européenne a plus que doublé entre le xie et le
les ressources majeurs de L’abbaye aménage un
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xive siècle (document 4) ; les calamités du xve siècle, dont la Grande


de l’abbaye la vie des vallon reculé et maréca-
(document 1). Peste de 1348, ralentissent cette croissance mais ne la remettent
campagnes geux pour se développer
L’abbaye pas en cause.
(document 1). Les
produit de convers défrichent des
nombreux terres (document 3).
biens L’abbaye encourage la
agricoles : création d’un village
céréales dans une zone jusque-là
bovins porcs… sauvage (document 4).

CHAPITRE 3 l L’ORDRE SEIGNEURIAL : LA FORMATION ET LA DOMINATION DES CAMPAGNES


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J’apprends, je m’entraîne p. 78-80 2. S’entraîner
L’ordre seigneurial : la formation et la domination des 1. Construire des repères historiques
campagnes Image Alexandre de Brême : défrichement, moines, seigneurie
Image Gilles de Rome : paysan, charrue, innovation
Réponses aux questions Image Aumelas : château, seigneur, seigneurie

1. Construire sa fiche de révision 2. Comprendre un texte


Question 1 : Ce texte est un extrait d’une chronique d’un moine,
Objectif 1 Connaître les repères historiques Conrad de Schliersee, datant de la première moitié du xiiie siècle,
La période de forte croissance va du xie au début du xive puis laisse qui décrit un défrichement en Bavière (sud de l’Allemagne actuelle).
place à une période de ralentissement. Question 2 : L’opération de défrichement est mené par le comte
Hermann de Kastll car il « s’approprie » la forêt d’Innerzell.
Objectif 2 Connaître les mots-clés Question 3 : Pour défricher d’abord on coupe les arbres et ensuite
Seigneurie : domination d’un seigneur sur un espace et ses habi- on construit sur l’espace dégagé des maisons.
tants, fondée sur le contrôle de la terre et la confiscation de certains Question 4 : Pour devenir propriétaire des terres défrichées, il faut
pouvoirs (justice, etc.). rester trois jours sur l’espace où l’on veut « poser son droit de
Défrichement : opération par laquelle on prépare une terre pour propriétaire ».
la culture en particulier en détruisant la forêt qui s’y trouve. Question 5 : C’est le comte qui profite le plus de cette opération
Église : l’ensemble des chrétiens catholiques ainsi que l’institution puisque c’est « la même famille », celle du comte, qui « cultive et
exerçant l’autorité religieuse. habite la forêt ».
Laïc : qui ne fait pas partie du clergé (contraire d’ecclésiastique, 3. Comprendre une image
de clerc). Question 1 : Il s’agit d’un extrait d’un cartulaire du couvent des
Corvée : travaux gratuits que le seigneur peut exiger des paysans Billettes où sont notés les documents de vente de cette abbaye,
de sa seigneurie. datant de 1520-1530 dont on ne connaît pas l’auteur.
Dîme : taxe payée à l’Église. Question 2 : Le village au premier plan est construit autour de
Objectif 3 Décrire la domination du seigneur sur les pay- l’église.
sans Question 3 : La domination du seigneur est marquée par la pré-
sence de plusieurs moulins à eau pour l’utilisation desquels les
Le seigneur est propriétaire de la terre et perçoit à ce titre le cens,
paysans paient des banalités et surtout par le château à droite de
il est aussi le maître des paysans qui lui doivent la corvée. C’est l’image.
aussi lui qui rend la justice dans la seigneurie même quand il est en Question 4 : On peut voir que l’agriculture est pratiquée avec
cause. Les paysans doivent lui payer les banalités pour utiliser les plusieurs champs labourés sur l’image, ainsi que l’élevage (enclos
équipements collectifs. au 3e plan, chevaux au 2e plan). Il y a aussi des activités de transfor-
Objectif 4 Expliquer le rôle important des abbayes dans mation des productions agricoles avec les moulins.
l’organisation des campagnes Question 5 : Cet espace est un espace totalement maîtrisé par
l’homme, peuplé et parcouru par des chemins nombreux dans
Les abbayes sont à la tête de grands domaines obtenus notamment
lequel la forêt est marginale, c’est donc bien un paysage de la fin
par les dons des fidèles. Elles en sont les seigneurs et ont les mêmes
de la période étudiée.
droits que les seigneurs laïcs (cens, justice, corvées…). Elles encou- Question 6 : Il s’agit d’un paysage idéalisé car on ne voit aucun
ragent les opérations de défrichement sur leurs terres en particulier paysan dans ces campagnes, comme si tout était obtenu « natu-
pour installer de nouveaux villages, les villeneuves. rellement » sans aucune intervention humaine, sans créer de résis-
Objectif 5 Expliquer comment les paysages et les cam- tance ou de négociation qui sont aussi la réalité des campagnes
pagnes de l’Europe médiévale se transforment médiévales.
Surtout entre le xie et le xiiie siècle, les Européens développent les 4. S’informer dans le monde numérique
terres cultivées et font reculer partout la forêt, en s’appuyant sur Question 1 : Le coffre de Poissy a été construit entre le xiiie et
des innovations techniques (charrue…). Les abbayes et les rois le xive siècle. Il est particulièrement imposant puisqu’on pouvait y
encouragent les entreprises de défrichement en particulier pour stocker jusqu’à deux tonnes de grain. Il est impressionnant par sa
installer de nouveaux villages. L’Europe perd son visage sauvage robustesse et sa sobriété.
même dans les espaces les plus à l’écart. Les calamités du xive et Question 2 : À partir du xiiie siècle, la représentation de la nature
devient plus réaliste et détaillée notamment sous l’influence de la
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xve siècle ne remettent pas en cause cette transformation.


redécouverte de l’œuvre d’Aristote.
Objectif 6 Expliquer comment l’Église guide la vie des
croyants
L’Église est présente à tous les moments importants de la vie du Enquêter p. 81
chrétien et lui offre une réponse à l’angoissante question du Salut
après la mort. Pour être parmi les élus et éviter l’enfer, le chrétien 1358, pourquoi la révolte des Jacques échoue-t-elle ?
doit adopter le comportement voulu par l’Église, respectant des Le but de cette enquête est double : d’une part on veut montrer
interdits moraux (avarice vol orgueil…) et montant piété et obéis- que l’imposition de l’ordre seigneurial n’est pas linéaire et sans
sance envers l’Église. tension mais qu’il suscite notamment en période de crise des réac-
CHAPITRE 3 l L’ORDRE SEIGNEURIAL : LA FORMATION ET LA DOMINATION DES CAMPAGNES
18
tions pouvant se traduire par des phénomènes de violence. D’autre vement, des innovations se diffusent qui transforment le travail des
part, il s’agit de faire réfléchir les élèves sur les sources médiévales paysans comme la charrue ou le moulin et qui permettent l’aug-
qui sont très largement des sources produites par les dominants, mentation des rendements. Le paysage est bouleversé avec le recul
notamment les clercs, et qui ne donnent pas à entendre la voix des de la forêt à cause des défrichements, souvent encouragés par les
dominés notamment lors des conflits et des révoltes, comme c’est abbayes. La population européenne augmente considérablement
le cas ici. pendant la période, malgré la baisse pendant la dernière période.
La vie des paysans est dominée par les seigneurs car, qu’ils soient
Les témoins et l’indice
laïcs ou ecclésiastiques, les seigneurs contrôlent l’espace de leur
Froissart (1337-1400) (témoin n°1) est hostile aux Jacques. Ses seigneurie et les hommes qui y vivent. En tant que propriétaires ils
Chroniques sont une source majeure concernant la guerre de Cent reçoivent le cens et les banalités pour l’usage des biens collectifs. Ils
Ans, grâce aux témoignages qu’il a recueillis dans les différentes exercent aussi la justice sur les habitants de leurs terres et les pay-
cours princières qu’il a fréquentées au gré des protections nom- sans leur doivent la corvée (travail gratuit). En échange ils doivent
breuses qui lui ont été accordées (celle du Gui de Chatillon, Gaston protection à leurs paysans. Leur pouvoir est aussi symbolique avec
de Phébus…). Écrivant pour des nobles, il partage leurs goûts. le château qui domine l’espace de la seigneurie.
L’auteur des Chroniques des quatre premiers Valois (témoin n°2)
est un clerc proche de Philippe d’Alençon archevêque de Rouen
(1359-1374) un peu moins défavorable à la cause populaire mais
surtout soucieux de défendre les privilèges de l’Église. EMC p. 83
La chronique de la France ou de Saint-Denis (indice n°1), enta-
mée sous Suger puis prolongée jusqu’au xve siècle, est un instru-
Comment l’impôt permet-il d’être solidaire ?
ment intellectuel du rayonnement du projet capétien en train de se Il s’agit dans cette page de montrer que les impôts servent désor-
construire puis de s’affirmer. mais à l’ensemble de la communauté.

Carnet de l’enquêteur Les documents


Les raisons de la révolte sont surtout liées aux troubles causées par Le document 1 est une miniature extraite de la Bible de Saint-
la guerre de Cent Ans (« tous les nobles du royaume trahissaient le Jean-d’Acre. Cette Bible conservée à la bibliothèque de l’Arsenal a
royaume ») et se transforment en mouvement antiseigneurial (« ce été réalisée à Acre entre 1250 et 1280, sans doute pour Louis IX,
serait grand bien de tous les détruire »). présent à Acre de 1250 à 1254. Elle est richement illustrée. L’image
La violence des paysans est soulignée par Froissart : « ils détrui- montre des paysans qui moissonnent à l’aide d’une serpe et une
sirent cette maison et tuèrent le chevalier et toute sa famille. Ils paysanne qui ramasse les épis de blé derrière eux. Un homme du
firent ainsi en plusieurs châteaux et bonnes maisons ». seigneur, à cheval, contrôle leur travail. Il s’agit donc sans doute de
La répression seigneuriale est violente : dans le témoignage deux, la corvée. À côté de cette miniature, un dessin rappelle à l’élève le
les règles de la guerre sont violées puisque le chef des Jacques est reste des impôts dont le paysan doit s’acquitter.
arrêté pendant les négociations puis exécuté ; dans le témoignage Le document 2 est un extrait d’article de 1jour1actu.com qui
trois on voit la violence des seigneurs contre des paysans sans arme explique à quoi servent les impôts et comment ils sont calculés.
Le document 3 est l’article 13 de la Déclaration des droits de
et sans protection, visiblement déjà vaincus.
l’homme et du citoyen qui instaure les impôts pour tous et répartis
Ce qui provoque la défaite des Jacques est l’arrestation de leur chef
en fonction des revenus.
qui les prive de tout commandement efficace (témoin n°2).
Les preuves d’un parti-pris contre les paysans sont nettes chez Réponses aux questions
Froissart qui parle en termes positifs des seigneurs (« bonnes mai- Question 1 : Les impôts sont très nombreux. Ils sont payés direc-
sons ») et en termes négatifs des paysans (« le pire d’entre eux », tement aux seigneurs.
les paysans qui se révoltent sont « sans chefs »). Dans le témoi- Question 2 : Les gens paient des impôts en fonction de leur
gnage deux, la seule cause de la révolte est l’absence de chef, la revenu. Cela semble assez juste. L’utilisation des impôts est soli-
violence seigneuriale n’est pas mise en avant. daire, puisqu’elle sert les intérêts de tous.
La révolte des Jacques de 1358 est un échec car les paysans révol- Question 3 : Le schéma doit permettre à l’élève de s’approprier
tés sont privés de leur chef. Cette défaite est aussi provoquée par la la leçon dans le cadre (domaine 2 du socle, des méthodes et outils
forte réaction seigneuriale : tous les moyens sont utilisés (trahison pour apprendre). Il n’y a donc pas de correction-type. Une grille
des règles de la guerre, violence extrême) pour vaincre ces Jacques d’autoévaluation peut cependant être proposée.
qui remettent en cause l’ordre seigneurial.
Cochez si vous pensez avoir bien répondu à l’item
J’ai commencé mon travail au brouillon
© Hachette Livre 2016 – Reproduction interdite

L’atelier d’écriture p. 82 Je montre comment sont calculés les impôts


Je sais à quoi servent les impôts
La vie des paysans au XIIIe siècle
Le travail de la terre constitue l’essentiel de la vie des paysans car Le mot solidaire apparaît dans mon schéma
les rendements des cultures restent soumis aux aléas de la météo
et au contexte général (calamités des xive et xve siècles). Progressi-

CHAPITRE 3 l L’ORDRE SEIGNEURIAL : LA FORMATION ET LA DOMINATION DES CAMPAGNES


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