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Lévi-Strauss Claude. A. Metraux, Les Incas. In: L'Homme, 1962, tome 2 n°2. pp. 139-140.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1962_num_2_2_366495
COMPTES RENDUS 139
L'étude de l'organisation familiale, de la parenté, de l'alliance, de l'exogamie (ici une
exogamie de major lineage) est très détaillée, mais il faut particulièrement savoir gré à Tait
d'avoir doublé l'analyse classique de ces faits d'une présentation de précieuses données
numériques sur l'organisation domestique (composition des familles, premiers mariages et
remariages, héritage des veuves, différence d'âge entre mari et femme, stabilité des mariages,
etc.). Si l'on peut regretter l'absence de renseignements démographiques, on doit souligner
l'intérêt de semblables informations, dont la collecte engage résolument la recherche ethno
logique dans la voie des recherches quantitatives alors précisément que les transformations
qui affectent aujourd'hui les systèmes matrimoniaux africains conduisent à penser la structure
de ces systèmes davantage en termes de modèles statistiques qu'en termes de modèles formels.
Entre la présentation du système matrimonial et la troisième partie de l'ouvrage, malheu
reusement très brève, consacrée aux faits religieux, le chapitre consacré aux friendship
relations retiendra l'attention. Ici, friendship relation n'a ni le sens de joking relationship,
dans l'acception que Radcliffe-Brown (1949) donne à cette expression, ni celui de joking
partnership au sens de Goody (1956) où la relation intéresse des groupes et qui, de ce fait,
est à rapprocher de l'alliance cathartique au sens de Griaule (1948) : dans tous ces cas, la rela
tion est inégalitaire, bien que réciproque, alors que chez les Konkomba, la relation d'amitié
lie entre elles des personnes que ce lien même établit comme égaux, avec réciprocité totale
de la relation. Cette relation d'amitié lie des personnes de même sexe et de même classe
d'âge ou d'une même génération. Les Konkomba distinguent : la relation entre enfants d'une
même mère (naabo) , entre les enfants d'un même père (taabo) , entre les enfants des femmes
d'un même clan (nabo) , entre les hommes ayant épousé des femmes d'un même clan (nato) ,
enfin entre des amis appartenant à deux clans différents (dzo). Pour les femmes, on a la
même série de relations désignées par des termes identiques dans les trois premiers cas, par
juan et nakwoo respectivement dans les pénultième et dernier cas. La relation dite dzo pour
les hommes ou nakwoo pour les femmes est la seule qui soit volontaire et qui ne recoupe pas
nécessairement des liens de parenté : c'est la seule qui soit à proprement parler une relation
à' amitié.
Les conditions dans lesquelles ce livre a été publié expliquent un certain déséquilibre
entre les différentes parties du texte et un découpage en chapitres assez arbitraire. Les carnets
inédits de Tait conservés à Accra (à University College), livreront certainement de nomb
reuses informations complémentaires : tel qu'il paraît aujourd'hui, l'ouvrage posthume de
Tait n'en est pas moins une très belle monographie.
Michel Izard
AMÉRIQUE
Alfred Métraux, Les Incas, Collection « Le Temps qui court », Éditions du Seuil,
Paris, 1962, 17,5 X 12 cm.
Voici le premier ouvrage d'ethnologie publié en France dans une collection « livre de
poche ». A ce titre, Alfred Métraux a droit, une fois de plus, à la reconnaissance de ses col
lègues, et son nouvel ouvrage a bien d'autres mérites que celui-là. Écrit dans une langue
fluide, et accessible même au profane, il constitue une mise au point générale de nos connais
sancessur les civilisations pré-colombiennes du Pérou. Car, en dépit de son titre, le livre
n'est pas consacré aux seuls Incas, dont Métraux prend à cœur de souligner qu'ils ne furent
pas les premiers ni les seuls civilisateurs des plateaux andins et des régions côtières. Une des
thèses essentielles de l'auteur est, au contraire, que la civilisation des Incas, historiquement
tardive, ne parvint jamais — et ne prétendit sans doute pas — à assimiler les cultures mult
iples et souvent très anciennes qui occupaient l'immense territoire, sur lequel les conquérants
I40 COMPTES RENDUS
L'auteur, célèbre par ses romans et ses chroniques du New Yorker, possède une maison
de campagne dans le nord de l'État de New- York. Il remarque un jour un article de presse,
signalant qu'une bande d'Indiens Mohawk s'est établie récemment non loin de sa propriété
et qu'elle revendique toute cette portion du territoire comme lui appartenant, aux termes
d'un traité conclu en 1884 avec le gouvernement américain. Sans trop s'inquiéter, mais plutôt
par acquit de conscience, l'auteur décide un jour d'aller rendre visite à ses nouveaux voisins,
afin de s'assurer qu'il n'est point menacé dans ses droits. Cette visite presque fortuite à une
poignée d'Indiens miséreux l'entraîne à des contacts de plus en plus fréquents avec les « enva-