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Philippe Hamon
DOI : 10.4000/books.igpde.108
Éditeur : Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire
économique et financière de la France
Lieu d'édition : Paris
Année d'édition : 1994
Date de mise en ligne : 10 novembre 2011
Collection : Histoire économique et financière - Ancien Régime
ISBN électronique : 9782111287631
http://books.openedition.org
Édition imprimée
Date de publication : 1 janvier 1994
ISBN : 9782110876485
Nombre de pages : 609
Référence électronique
HAMON, Philippe. L’argent du roi : Les finances sous François I er. Nouvelle édition [en ligne]. Paris :
Institut de la gestion publique et du développement économique, 1994 (généré le 23 avril 2019).
Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/igpde/108>. ISBN : 9782111287631. DOI :
10.4000/books.igpde.108.
Ce document a été généré automatiquement le 23 avril 2019. Il est issu d'une numérisation par
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Parce qu’il désire mettre en œuvre une politique extérieure ambitieuse et qu’il succombe à la
fascination du « mirage italien », François Ier trouve les moyens de réaliser ses projets et ses
rêves. C’est avant tout d’argent dont il a besoin : il aura donc à cœur d’augmenter de façon
substantielle ses ressources. Au cours de son règne, de nouvelles formes de prélèvement se
développent, touchant en particulier le clergé, les villes, les officiers. Mais taxes et impôts ne
suffisent pas : les problèmes de trésorerie demeurent et imposent un recours croissant au crédit.
La monarchie, en ce domaine, utilise des réseaux multiples. Mais les circuits de l’argent restent
encore assez rudimentaires et l’efficacité technique de l’appareil d’Etat s’avère limitée. Le flot des
réformes administratives comme le nombre des procès instruits par le roi contre ses principaux
officiers de finances soulignent tout à la fois l’ampleur de la tâche à accomplir et les difficultés de
sa réalisation. L’étude des finances offre à l’historien de l’État un terrain d’observation privilégié.
A travers elle, en effet, apparaissent les contraintes permanentes de la mobilisation des fonds,
mais aussi des problèmes plus généraux : rivalités politiques, idéologies du pouvoir ou relations
entre la royauté et ses sujets. Les questions d’argent révélent ainsi les ambiguïtés d’une
monarchie mal assurée de son droit à imposer et parfois réticente devant sa propre croissance.
Avec cette passionnante étude c’est donc au coeur du « mystére de l’Etat » que Philippe Hamon
convie son lecteur.
When Francis I conceived an ambitious foreign policy and fell under the spell of the “Italian
dream”, he had to find the resources to accomplish his projects and his aspirations. Money was
the first thing he needed and he was set on filling his coffers. New forms of levy appeared during
his reign, hitting the clergy, towns and officials. Yet taxes were not enough: cash was still short
and Francis I turned to taking out loans. The monarchy used many networks in this. However,
money channels were still somewhat rudimentary and the technical efficiency of the State
apparatus left a lot to be desired. The wave of administrative reforms and the number of suits by
the king against his chief finance officials are indicative of the enormity and difficulty of the task
before him. The study of finances gives government historians a splendid observation platform.
It reveals the constant constraints involved in raising funds, but also more general problems:
political rivalries, power ideologies, and relations between sovereigns and subjects. These
monetary concerns also point up the ambiguities of a monarchy unsure of its right to tax and
sometimes reluctant in the face of its own expansion. With this fascinating study, Philippe
Hamon leads the reader into the thick of the “State mystery”.
Movido por el deseo de poner en marcha una política exterior ambiciosa, y tras sucumbir a la
fascinación del «espejismo italiano», Francisco I debe dotarse de los medios para hacer realidad
sus proyectos y sueños. Y ante todo, es dinero lo que necesita: por ello, se muestra decidido a
aumentar de forma sustancial sus recursos. Durante su reinado, se desarrollan nuevas
modalidades de recaudación de impuestos, que afectan sobre todo al clero, las ciudades y los
oficiales. Pero no basta con tasas e impuestos: los problemas de tesorería persisten y obligan a
recurrir cada vez más al crédito. En este ámbito, la monarquía hace uso de diversas redes. No
obstante, los circuitos del dinero aún son bastante rudimentarios y la eficacia técnica del aparato
estatal resulta limitada. La profusión de reformas administrativas y el número de procesos
instruidos por el Rey contra sus principales oficiales de finanzas subrayan tanto la envergadura
de la tarea que debe llevarse a cabo como la dificultad de su realización.
El análisis del ámbito financiero ofrece al historiador del Estado un campo de observación
privilegiado. En efecto, permite poner de manifiesto las constantes limitaciones en materia de
movilización de fondos, así como problemas de índole más general: rivalidades políticas,
ideologías del poder o relaciones entre la realeza y sus súbditos. De esta forma, las cuestiones
financieras ponen al descubierto las ambigüedades de una monarquía vacilante a la hora de
imponer sus elecciones y, en ocasiones, reticente ante su propio crecimiento.
2
Así pues, con este apasionante trabajo de investigación, Philippe Hamon invita a sus lectores a
adentrarse en los «misterios» del Estado.
PHILIPPE HAMON
Philippe Hamon, ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, ancien
pensionnaire de la fondation Thiers, docteur en histoire, est professeur d’histoire
moderne à l’université de Rennes II.
Philippe Hamon, graduate from the Saint-Cloud École Normale Supérieure, Thiers
Foundation alumnus and doctor of history, is a professor of modern history at the
University of Rennes II.
SOMMAIRE
Dédicace
Préface
Jean Jacquart
Avant-propos
Françoise Bayard
Introduction
Sources et bibliographie
Chapitre premier
Le primat des dépenses
I. Les coûts de fonctionnement interne
II. Les besoins militaires : une charge écrasante
III. Une diplomatie onéreuse
Conclusion
Chapitre II
Faire face : les recettes de la monarchie
I. Percevoir
II. Des recettes complémentaires
III. Considérations sur un déficit attendu
Conclusion
Chapitre III
La monarchie et le crédit : agents libres et agents contraints
I. Le crédit volontaire : les marchés financiers
II. Le crédit contraint
III. Le crédit imposé
Conclusion
Conclusion
Introduction
Chapitre IV
Vie et destin des institutions financières
I. Des réaménagements fréquents : « la mutacion de l’ordre des finances »
II. L’organisation des poursuites
Conclusion
4
Chapitre V
Le contrôle des finances : un enjeu politique
I. Le déclin politique des grands officiers de finance
II. La position renforcée des gens de conseil
III. Les finances révélatrices des tensions du groupe dirigeant
Conclusion
Chapitre VI
Les enjeux financiers des poursuites et des réformes
I. Le groupe dirigeant et les réalités financières
II. Une administration financière « en progrès » ?
III. Tirer profit des poursuites
Conclusion
Chapitre VII
Politique et personnel financier : devant Dieu et devant les hommes
I. Les sujets et la politique financière
II. L’information financière : le discours du pouvoir
III. Les hommes d’argent comme cible
Conclusion
Conclusion générale
Dédicace
Préface
Jean Jacquart
1 Pour un directeur de thèse, c’est toujours un plaisir que de voir aboutir une recherche
qu’on a accompagnée tout au long de son élaboration. Et plus encore lorsque le résultat
répond aux attentes. C’est le cas avec le beau travail de Philippe Hamon, publié sous les
auspices bienveillants du Comité pour l’histoire économique et financière de la France
que l’on ne saurait trop remercier de son mécénat.
2 Au départ, rien de moins que de reprendre un dossier assez négligé par l’historiographie
depuis plusieurs décennies, malgré des études de détail. En cours de route, le
rassemblement patient d’informations dispersées, lacunaires, d’interprétation souvent
délicate. À l’arrivée, de nouvelles lumières sur la complexe organisation financière de la
France des Valois, une analyse fine des problèmes budgétaires de la monarchie et des
formules expérimentées pour tenter de les résoudre. Françoise Bayard replace cette étude
dans l’ensemble de l’histoire financière de la France des Temps modernes, en soulignant
ses apports novateurs.
3 Mais ce travail n’est pas que technique ou d’institutions. Il éclaire le grand problème de la
genèse de l’Etat moderne. Car il est bien vrai que celui-ci, avec ses finalités et ses
ambitions renouvelées à l’époque de la Renaissance, est tributaire de ses moyens
matériels et que la fiscalité, avec l’armée permanente et le réseau des administrateurs, est
un élément essentiel de la structuration progressive de l’appareil d’État.
4 La chose n’allait pas de soi. Même si l’impôt royal est devenu, dans les faits, permanent,
même si le pouvoir d’imposer s’est établi en France, à la différence des États voisins, les
mentalités se refusent encore, au début du XVe siècle, à l’admettre. Le produit des
prélèvements fiscaux, directs ou indirects, figure toujours au rang des recettes
« extraordinaires » et beaucoup de provinces conservent, avec leurs « États », le droit de
discuter, sinon le principe, au moins le montant de leur contribution, en même temps
qu’elles interviennent dans l’assiette et la perception.
5 Or, les besoins de l’État croissent avec ses ambitions, surtout lorsque la guerre vient
alourdir, dans des proportions presque incroyables, le poids des dépenses à couvrir. Le
souverain et son entourage de grands seigneurs, de magistrats ou de prélats s’irritent de
tous les freins, de toutes les lenteurs, de toutes les insuffisances. Problème de l’urgente
7
nécessité, mais aussi problème de mentalité, mépris des Grands pour ceux qui comptent...
Le faste, la générosité, la dépense sont des valeurs aristocratiques, et toute la société
modèle ses comportements sur la noblesse.
6 Une bonne partie de l’activité de François Ier et de son Conseil est ainsi consacrée à tenter
d’améliorer le fonctionnement et le rendement de cette machine lourde et complexe,
héritée du passé, à travers des réformes successives, tentées, abandonnées, reprises. Tout
cela avec des succès divers, des limites évidentes et des échecs cuisants. Limites et échecs
sont naturellement imputés aux responsables des finances publiques, par un phénomène
trop humain. Et l’État, incapable de régler ses dépenses sur ses ressources, préfère s’en
prendre aux hommes. Les poursuites sont inséparables des réformes...
7 Au bout du compte, le résultat n’est pas si désastreux. La France, grâce à sa richesse, grâce
à la conjoncture favorable durant le premier tiers du siècle, a pu faire face aux guerres,
aux chantiers royaux, aux dépenses de la Cour, aux frais de fonctionnement de l’appareil
d’État et à la très lourde rançon exigée par Charles-Quint après la défaite. La pression
físcale n’a pas sensiblement augmenté, au moins jusqu’en 1540. La dette publique est
demeurée dans les limites acceptables. Mais aucun des problèmes fondamentaux n’est
véritablement résolu. Henri il assiste, impuissant, à la rapide dégradation des finances
royales, qui aboutira à la grande crise des années cinquante du XVe siècle et à la
banqueroute déguisée.
8 Sur cette évolution, sur les motivations du pouvoir, sur les réalités financières de la
monarchie du Roi-Chevalier, sur la part des différents postes de dépense (voici la Cour et
les constructions ramenées à leur poids réel), sur la répartition de la charge fiscale entre
les groupes sociaux (ainsi apprend-on que le Clergé, « exempt » par privilège, participe en
gros pour 10 % des ressources royales), le travail de Philippe Hamon apporte bien des
éléments nouveaux. Sur les traces de Spont ou de Jacqueton, dans la ligne des travaux
décisifs de Daniel Dessert et de Françoise Bayard sur le XVIe siècle, Philippe Hamon inscrit
ce début prometteur d’une œuvre qu’on espère féconde à l’avenir.
AUTEUR
JEAN JACQUART
Professeur émérite à l’Université de Paris I
8
Avant-propos
Françoise Bayard
1 L'argent du roi : les finances sous François Ier est l'ouvrage d'un jeune chercheur, Philippe
Hamon, maître de conférences à l'Université Rennes II. Il témoigne du renouveau des
études financières dans la recherche historique mondiale et d'une experte exploitation de
sources on ne peut moins sérielles.
2 L'histoire des finances n'est pas vraiment nouvelle en France. La fin du XIXe siècle et le
début du xxe ont vu de grands pionniers écrire de remarquables livres qui font encore
référence aujourd'hui. Aucun historien des finances françaises ne peut se passer de
l'Histoire financière de la France depuis l'origine de la monarchie jusqu'à la fin de 1786, de Bailly,
de l'Histoire de l'impôt en France, de Clamageran, de l'Histoire du crédit en France sous le règne
de Louis XIV, de Germain-Martin, des Impôts directs sous l'Ancien Régime et de l'Histoire
financière de la France depuis 1715, de Marion, de l'Impôt des aides sous l'Ancien Régime
(1360-1791), de Milne, de l'Impôt des gabelles en France aux XVIIIe et XVIIIe siècles, de Pasquier,
des Finances de l'Ancien Régime et de la Révolution et de la Bibliographie historique des finances
de la France au XVIIIe siècle, de Stourm, de l'Histoire de la dette publique en France, de Vührer,
et des Variations de la livre tournois depuis le règne de Saint Louis jusqu'à l'établissement de la
monnaie décimale, de de Wailly, tous parus avant le premier conflit mondial.
3 Pourtant, cette thématique était alors largement noyée dans une production axée
essentiellement sur les événements politiques et elle ne trouva pas tout de suite sa place
dans le grand renouveau historique lancé, entre les deux guerres, par l'École des Annales.
Si le monde rural, l'industrie, la banque, le commerce international, les prix mêmes
trouvaient leurs chantres, entre 1930 et 1980, les finances n'attiraient pas. Il fallut
attendre les années 80 pour qu'apparaisse une nouvelle moisson désormais bien
encadrée.
4 Dans ce nouvel élan, le XVIIIe siècle français est largement privilégié. C'est lui que
décrivent J. Bergin (Pouvoir et fortune de Richelieu, 1987), R. Bonney (Political change in
France under Richelieu and Mazarin 1624-1661, 1978 ; The king's debts, finance and politics in
France 1589-1661, 1981 ; Jean Roland Malet, premier historien des finances de la monarchie
française, 1993), J.-B. Collins (Fiscal limits of absolutism. Direct taxation in Early Seventeenth
century France, 1988), J. Dent (Crisis in Finance crown, financiers and society in seventeenth
9
century France, 1973), D. Dessert (Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, 1984 ; Fouquet,
1987), C. Michaud (L'Église et l'Argent sous l'Ancien Régime. Les receveurs généraux du clergé de
France aux XVIIIe et XVIIe siècles, 1991) et moi-même (Le monde des financiers, 1988). Le XVIIIe
siècle est éclairé par les travaux de Michel Antoine (Le Conseil royal des finances au XVIIIe
siècle et le registre E 3659 des Archives nationales, 1973 ; Le gouvernement et l'administration sous
Louis XV, dictionnaire biographique, 1978), J. F. Bosher (French Finances 1770-1795, 1970), G.
Chaussinand-Nogaret (Les finances de Languedoc au XVIIIe siècle, 1970, Gens de finance au XVIIIe
siècle, 1972), Y. Durand (Les fermiers généraux au XVIIIe siècle, 1971), E. Faure (La banqueroute
de Law, 1978), C.-F. Lévy (Capitalistes et pouvoir au siècle des lumières, 1969), H. Luthy (La
banque protestante en France de la révocation de l'Édit de Nantes à la Révolution, 1961) et M.
Morineau (« Budgets de l'État et gestion des finances royales en France, au XVIIIe siècle »,
Revue historique, 1980), sans qu'une synthèse n'ait encore été tentée. A. Guéry (« Les
finances de la monarchie française sous l'Ancien Régime », Annales E.S.C, 1978 ; « Le roi
dépensier : le don, la contrainte et l'origine du système financier de la monarchie
française d'Ancien Régime », Annales E.S.C, 1984 ; « La naissance financière de l'État
moderne en France », 5e Congrès de l'Association française des historiens économistes,
1985), J. Meyer (Lepoids de l'État, 1983) et J. Riley (The Seven Years war and the old regim in
France, 1986) ont cerné quelques évolutions de longue durée. Le XVIe siècle est resté le
parent pauvre en dépit des travaux de D. Hickey (The coming of French Absolutism : The
struggle for tax reform in the province of Dauphiné 1540-1640, 1986), C. Michaud (« Finances et
guerres de religion en France », Revue d'histoire moderne et contemporaine, 1981), H.
Michaud (« L'ordonnancement des dépenses et le budget de la monarchie 1581-1589,
Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, 1970-1971), L.-S. Van Doren (« War
taxation, institutionnal change and social conflict in provincial France. The royal taille in
Dauphiné 1494-1559 », Proceedings ofthe American Philosophical Society, 1977) et M. Wolfe
(The fiscal system of Renaissance France, 1972).
5 Malgré tout, le mouvement est lancé. Il est, depuis 1989, soutenu, en France, par le Comité
d'histoire économique et financière de la France qui organise des colloques, fait paraître
une revue annuelle (Études et Documents), édite de nombreux ouvrages et des guides du
chercheur pour ces documents réputés ingrats. Depuis 1989, la Fondation européenne de
la science finance un programme de recherche sur la genèse de l'État moderne dont un
des thèmes porte sur le système économique et les finances de l'État. Par ailleurs, la
banque de données sur les finances de l'État européen enregistre les chiffres dont on
dispose. Enfin, voilà qu'on annonce pour 1994, publiée par Cambridge University Press,
une Financial History Review destinée à rassembler les travaux des chercheurs du monde
entier. C'est dans ce contexte dynamique que s'inscrit l'ouvrage de Philippe Hamon.
6 L'insérer dans cette redécouverte croissante ne diminue en rien son mérite, car, s'il
pouvait s'appuyer sur quelques travaux antérieurs, il ne s'est pas moins aventuré, en
solitaire, sur un terrain peu riche.
7 Avant lui, les finances du XVIe siècle s'ornaient déjà des noms de R. Doucet, R. Ehrenberg,
M. François, R. Gascon, D. Gioffre, G. Jacqueton, B. Schnapper, A. Spont. Leurs études sur
« Le grand parti de Lyon au XVIe siècle » (Revue historique, tomes CLXXI et CLXXII), « La
banque en France au XVIe siècle » (Revue d'histoire économique et sociale, 1951), le Siècle des
Fugger (1955), le Cardinal François de Tournon, homme d'État, diplomate, mécène et humaniste
1489-1562 (1951), le Grand commerce et la vie urbaine au XVIe siècle. Lyon et ses marchands
(1971), Gênes et les foires de change de Lyon à Besançon (1960), « Le Trésor de l'Épargne sous
François Ier » (Revue historique, tomes 55 et 56), Les rentes au XVIe siècle : histoire d'un
10
ferme ; les ambassadeurs et les chefs d'armée fournissent ce qui est indispensable au bon
fonctionnement de leurs charges.
10 Des similitudes se lisent aussi dans les poursuites réalisées contre le personnel financier
pour récupérer des débets accumulés (en 1517, 1521, 1523, 1524, 1535) ou juger des
malversations (procès Semblançay, enquêtes de la Tour Carrée). Le fonctionnement de ces
cours, leurs dysfonctionnements et leurs résultats financiers sont analogues à ceux des
chambres de justice au début du XVIIe siècle. Enfin, les attitudes de la monarchie vis-à-vis
des contribuables (ils doivent payer ; s'ils se révoltent on envoie la troupe puis on
pardonne), de l'argent (on en parle le moins possible, toujours pour dire qu'on n'a pu
faire autrement que de taxer et que la demande est juste) et de ceux qui le manient (ils
sont déjà des boucs émissaires en cas d'échec du monarque) sont assez semblables à ce
qui a été décrit pour le XVIIe siècle.
11 À l'opposé, cependant, de nets points de divergence distinguent les finances de François I
er de celles de Louis XIII et de Louis XIV. Philippe Hamon n'a pas retrouvé au début du XVIe
siècle le système fisco-financier, classique au XVIIe siècle, qui fait se dissimuler les plus
nobles personnalités du royaume derrière des prête-noms roturiers prêtant directement
l'argent au roi. Par ailleurs, les dépenses de la monarchie sont très inférieures à ce
qu'elles seront un siècle plus tard : en moyenne 6 à 7 millions par an (110 tonnes d'argent)
contre 20 millions en 1600 (242 tonnes d'argent) et 235 en 1636 (1 194 tonnes d'argent).
Faut-il expliquer l'un par l'autre ? Dire qu'au temps du « beau seizième siècle » il n'était
nul besoin de ratisser largement les épargnes et que la richesse des dominants suffisait
aux besoins royaux ? Pour en être certain, il faudra attendre que Philippe Hamon publie
un second ouvrage présentant les grands officiers de finance du règne. Ne pourrait-on
pas, en attendant, risquer une hypothèse plus ample ? Avancer, par exemple, que le
système financier du XVIIe siècle s'est mis en place progressivement au long du XVIe siècle
et que l'époque de François Ier ne constitue qu'une première étape technico-politique
limitée aux hautes sphères dirigeantes ?
12 Les réformes que décrit Philippe Hamon et les implications politiques qu'elles induisent
l'attestent. François Ier centralise les opérations de finances autour de lui et rationalise les
prélèvements dans les provinces et l'acheminement des espèces vers les caisses
monarchiques. La création des Trésors de l'Épargne et des parties casuelles à partir de
1524, la mise en place, à partir de 1532, d'une « troïka » formée d'un robin, d'un homme
d'épée et d'un officier de finances - ancêtres des bureaux de finances - dans chaque
recette générale puis la constitution de seize recettes générales, à partir de 1542 sont
définitives. De même, le renforcement du Conseil du roi en matière financière n'est
jamais remis en cause ultérieurement et le roi reste toujours maître des décisions
politiques en la matière. Mais, au début du XVIe siècle, le monarque et ses conseillers ne
vont pas jusqu'au bout de la centralisation et de l'absolutisme. Leur discours « moral » est
encore en accord avec leurs actions. La raison d'État, dit P. Hamon, est ignorée. Ne serait-
ce pas plutôt que l'État n'a pas encore de trop gros besoins ?
13 Tout changera quand il n'en ira plus de même sous Henri II et les derniers Valois. C'est
probablement à cette époque, devant l'ampleur des dépenses d'un État en pleine
anarchie, qu'on est passé à une nouvelle étape du système fisco-financier faisant appel,
cette fois, à de plus vastes approvisionnements. Le XVIIe siècle n'a plus eu, ensuite, qu'à
perfectionner ce qui s'était créé au XVIe siècle.
12
14 Cette vue n'est qu'une hypothèse qu'il faut naturellement étayer. Philippe Hamon ne
pourrait-il pas revenir à sa première ambition et continuer son enquête de manière à
embrasser tout le XVIe siècle, de François Ier à Henri IV ? Ce serait rendre grand service à
l'histoire financière dans le monde de laquelle il vient d'entrer brillamment. Il a toute
l'étoffe nécessaire.
AUTEUR
FRANÇOISE BAYARD
Université Lumière, Lyon II
13
Introduction
1 C’est en 1982 que Jean Jacquart m’a fait découvrir l’existence des Ruzé, notables parisiens
du 16e siècle, fraîchement débarqués, comme moi, des bords de Loire. L’étude de cette
famille, objet de ma maîtrise, m’a fait pénétrer au plein cœur de l’histoire socio-politique
des privilégiés de la société du temps. Et j’y ai découvert, à l’occasion, que les riches aussi
ont des malheurs. La famille compte en effet parmi ses membres l’épouse - puis veuve - de
Semblançay, ainsi qu’un receveur général des finances également fort maltraité par la
justice royale entre 1525 et 1540. C’est ce biais familial qui est donc à l’origine de mon
premier contact avec les finances de François Ier. Lorsque vint le temps de choisir un sujet
de thèse, l’univers de ces grands officiers me parut un terrain de chasse tout indiqué. Mes
recherches pouvaient s’appuyer sur les travaux de Bernard Chevalier concernant la haute
société tourangelle et sur la biographie de Semblançay par Alfred Spont, ancienne, mais
irremplaçable.
2 Avec inconscience, j’étais déterminé à embrasser dans ma recherche tout le 16e siècle, de
François Ier (voire Charles VIII) à Henri IV, ou, pour mieux dire, à Françoise Bayard. Projet
trop ambitieux : il m’a fallu en rabattre devant l’ampleur de la tâche et me limiter bientôt
à la première moitié du siècle, et singulièrement au règne de François Ier, en un mot au
« temps des Ruzé » tel qu’il m’était apparu au travers de ma maîtrise. Outre mon attirance
pour ce demi-siècle que j’avais déjà effleuré, d’autres facteurs expliquent cette
focalisation : les travaux déjà évoqués tout d’abord, qui concernent en effet directement
cette période, et aussi le Catalogue des Actes de François Ier, instrument de travail d’un
exceptionnel intérêt. Par ailleurs mon mémoire sur les Ruzé m’avait fait pressentir la
richesse de la conjoncture financière du règne, qui postulait l’existence de sources
spécifiques, liées en particulier aux poursuites judiciaires dont furent alors victimes les
grands officiers.
3 Malgré les secours offerts, le chantier restait immense. Au départ mon projet reposait sur
deux axes de recherche : l’étude du personnel et celle du crédit « public ». Un lien devait,
par hypothèse, apparaître entre les deux et c’est en m’appuyant sur l’activité des grands
officiers de finance (sans négliger pour autant les autres agents), que je pensais découvrir
comment fonctionnaient les circuits du crédit royal à la Renaissance. Pour ce faire, je
croyais pouvoir disposer de bases solides touchant aussi bien les ressources et les
dépenses que la politique financière du temps de François Ier. Mais bientôt, en raison des
lacunes des travaux sur ces questions, il m’a fallu élargir mes propres perspectives pour
14
prendre à bras le corps, une bonne fois, l’ensemble de la question des finances
monarchiques, depuis les fonds brassés jusqu’aux modalités de la prise de décision. Cela
m’est apparu, à la réflexion, comme le seul recours possible. D’autres acteurs ont alors
surgi, d’autres questions, et d’autres sources. J’ai donc en définitive tenté de faire toute sa
place au Léviathan monarchique en m’appuyant sur des travaux relativement anciens,
presque seuls disponibles, au premier rang desquels figurent les articles et livres de
Gilbert Jacqueton et Roger Doucet.
4 L’angle d’attaque essentiel, dès lors, apparaît clair : sonder en profondeur les réalités
financières de l’État à la Renaissance, mais avec une restriction de taille : limiter mon
propos au centre du dispositif, jamais très loin du monarque. Pour les rentrées fiscales
par exemple, seules m’importent les grandes masses, celles dont on débat au Conseil ou
dans les États provinciaux : les problèmes de perception à la base sont résolument hors de
mon champ de recherche. Ce sont, de ce fait, les archives des services centraux
(financiers ou judiciaires) et les correspondances des membres du groupe dirigeant qui
fournissent la part la plus considérable de ma documentation.
5 Mais, si l’analyse est le plus souvent conduite à l’échelle du royaume, mon souci a
toujours été de garder le contact le plus étroit possible avec les réalités concrètes. J’espère
ainsi faire toucher du doigt aussi bien les difficultés du paiement des troupes que les
rouages précis d’une commission judiciaire extraordinaire. Du mieux que j’ai pu, j’ai tenté
de ne pas oublier les hommes qui font - et subissent - les événements que j’évoque et les
évolutions en profondeur, du discours aux institutions, que je tente de faire apparaître.
L’individu à sa place dans cet ouvrage, du plus célèbre, François Ier ou Montmorency, au
moins connu, Loys Caillaud ou Morelet de Museau. Étant bien entendu qu’il faut presque
toujours appartenir aux catégories les plus favorisées pour accéder, dans le discours
historique, tributaire de ses sources, à ce « statut personnel ». Au seuil de ce livre, une
précision s’impose, nécessitée à la fois par les remarques initiales sur les Ruzé et par le
souci des hommes que je revendique ici. Les grands officiers de finance, même s’ils sont
omniprésents dans les pages qui suivent, n’y donnent pas lieu cependant à une étude
socio-professionnelle spécifique. L’ampleur de la matière, ainsi que le refus commun des
éditeurs et de l’auteur de mutiler le travail effectué, ont conduit à reporter en effet à un
ouvrage ultérieur ces développements. Premiers dans l’ordre de la recherche - j’ai en effet
commencé mes dépouillements par les sources familiales -, ils seront donc les derniers à
accéder au stade de l’impression.
6 Il y aurait beaucoup à dire sur les sources de la première modernité. J’y reviendrai plus
loin. Du moins faut-il souligner dès l’abord qu’elles sont très lacunaires, y compris pour
les rouages essentiels de l’État, principal producteur de papier pour mon propos.
L’absence de « fonds » solide et cohérent a certainement constitué un obstacle.
Cependant, elle peut jouer en même temps le rôle de stimulant, à la fois matériel (il faut
voir ailleurs) et intellectuel (il faut faire travailler son imagination). La seule parade
concrète face aux lacunes est en effet le recours à un ratissage le plus large possible.
Conséquence inévitable : une grande hétérogénéité ; corollaire : une discontinuité
certaine. Il ne m’a donc guère été possible d’aller très loin dans le traitement statistique
des données. Au-delà des comptages et de calculs simples, force est souvent de se rabattre
sur une approche qualitative. Elle a aussi son efficacité, à condition d’essayer de sortir de
l’aporie du cas unique (et donc représentatif !) pour ausculter par tous les moyens et sous
tous les angles une question, un organisme ou un groupe d’hommes, et ce sans négliger
pour autant l’étude des rares dossiers plus étoffés. Exercice délicat, parfois risqué. Pour le
15
9 Pour autant, celle-ci n’en reste pas moins assez brève, de l’ordre du demi-siècle. Est-elle
suffisante pour appréhender valablement la complexité des phénomènes et la lenteur des
évolutions de fond ? Je crois en fait que le véritable risque serait de considérer plutôt ces
quelques décennies comme un instantané permettant de révéler des « mentalités » et des
structures permanentes. Ce travers, à la réflexion, n’est d’ailleurs pas totalement absent
ici. Pour le reste, la brièveté du champ chronologique s’impose pour tenter de saisir dans
sa globalité l’« État de finance », en intégrant les flux financiers aussi bien que les
transformations administratives, les options politiques comme l’état des esprits. La
familiarité avec les acteurs et des sources que l’on sait disparates est un atout
supplémentaire. Par ailleurs, l’étude de la première moitié du 16e siècle permet déjà de
percevoir des inflexions, voire de profonds changements politiques ou fiscaux. A titre
d’exemple, les années vingt puis les années quarante constituent pour les circuits du
crédit des périodes de nette réorientation. Enfin, pour être polarisé sur une époque, on
n’en est pas myope pour autant. Pour mieux comprendre, pour resituer la Renaissance
dans la « longue durée » de la construction de l’État, bien des travaux sont offerts à la
convoitise de l’historien. La liste serait longue, dans le domaine des finances, que ce soit
Maurice Rey pour le temps de Charles VI ou Daniel Dessert pour celui de Louis XIV. Et il
est bien d’autres ouvertures possibles. Ainsi je fais le pari que, malgré ses limites, cet
ouvrage contribue à éclairer un peu, sinon à percer, le « mystère de l’État », et des
hommes qui le font fonctionner. Dans mon approche de celui-ci la « phynance », comme
le lecteur l’a peut-être compris, se taille la part du lion. Loin de moi cependant l’idée d’en
faire toujours et à toute force le facteur explicatif essentiel, voire unique, de son
évolution et de ses rapports avec la société. Mais on me concédera, je pense, que ce n’est
pas non plus le pire des observatoires...
10 Cet ouvrage est le fruit d’un travail personnel, mais également d’une multitude de
contacts. Sans de nombreux concours extérieurs, ses insuffisances auraient été plus
criantes encore. Aussi ai-je plaisir à évoquer ceux qui m’ont fait profiter de leur savoir et
de leurs réflexions, au détour d’une cote d’archive, d’un séminaire, d’un colloque ou d’une
conversation passionnée. Et ce, souvent, en répondant à mes pressantes sollicitations. Je
songe à Jean-Louis Biget, Bernard Chevalier, Joël Cornette, Daniel Dessert, Jean Dupèbe,
Thierry Dutour, Charles Giry-Deloison, Alain Guéry, Sylvie Le Clech, Jean-Marc Moriceau,
Nicole Lemaitre, Jean-François Pernot, Robert Knecht et à bien d’autres. Qu’ils trouvent
ici l’expression de ma reconnaissance et de mon amitié. J’ai une dette toute particulière
envers Robert Descimon qui a pris la peine de me faire part longuement de ses remarques
et de ses critiques, lorsque je préparais l’édition de cet ouvrage. Je n’oublie pas Françoise
Boudon, grâce à laquelle j’ai pu avoir accès à un précieux microfilm. J’ai une pensée pour
ceux qui ne m’ont guère quitté pendant toutes ces années et dont j’ignore le visage. Ils
ont nom Alfred Spont ou Gilbert Jacqueton. Je veux aussi évoquer la mémoire de Denis
Richet, que j’ai eu le privilège de côtoyer.
11 J’ai eu également la chance de fréquenter deux excellentes maisons. L’École Normale
Supérieure de Saint-Cloud tout d’abord, où, sous la bienveillante houlette de Jean-Claude
Hervé, Jean-Louis Biget et Yvon Thébert, j’ai découvert ce que c’était vraiment que
l’histoire, dans une ambiance à la fois stimulante et amicale. La Fondation Thiers ensuite,
qui m’a donné la prodigieuse liberté dont rêve tout chercheur en fin de thèse. Ultime
aubaine : grâce à l’amical soutien de Françoise Bayard, le Comité pour l’Histoire
Économique et Financière de la France a bien voulu se charger de la publication de mon
17
Remarques liminaires et
abréviations
Sources et bibliographie
2 A l'échelle du royaume, seules des épaves ont survécu à deux grands drames : l'incendie
de la Chambre des comptes de 1737 et le travail du bureau de triage révolutionnaire1. Un
seul État général subsiste pour le règne, grâce à une copie ancienne, celui de 1523. Peut-
être n'est-ce pas un simple hasard car il s'agit de l'année de la principale réforme
financière du règne. Par chance pour l'historien, des collations réalisées dans les archives
de la Chambre des comptes dès le 16e siècle permettent de disposer de totalisations très
précieuses2.
b. Les correspondances
5 Providence de l'histoire sociale, les liasses provenant des études sont le plus souvent à
dépouiller entièrement, en l'absence d'instruments de travail valables (sauf pour les
inventaires après décès) et de répertoires. Mais c'est joindre l'agréable à l'utile, tant la
source est riche et diverse. On y trouve de tout, sans doute plus qu'aux époques suivantes,
y compris parfois, grâce aux témoignages sollicités, de petites tranches de vie à la saveur
unique. L'essentiel de mon effort a porté sur les minutes parisiennes.
6 Avertissement aux utilisateurs futurs des références figurant dans cet ouvrage : bon
nombre de liasses parisiennes ne sont pas encore classées (partie importante de l'étude
VIII et presque tout ce qui provient de la CXXII). Il ne sera donc pas toujours aisé de
retrouver le document souhaité. Mais il ne m'était ni loisible, ni permis de procéder moi-
même à ce travail...
7 Parmi les sources imprimées, il ne saurait être question de négliger les chroniques et
journaux (avant tout le Bourgeois de Paris et Nicolas Versoris). Il faut y adjoindre les
observateurs italiens, diplomates vénitiens, florentins ou pontificaux. Pour tous, l'intérêt
repose, outre les informations spécifiques fournies, sur l'existence d'un regard extérieur
à l'appareil monarchique français, qu'il vienne de sujets ou de horsains. Leur fiabilité
factuelle vaut ce qu'elle vaut, mais leurs choix, leurs déformations et leurs silences sont
toujours parlants.
8 Pour finir, deux remarques s'imposent :
A. Archives nationales
Série H : administration locale et comptabilités diverses
H 38592, dossier 4 : aliénation Poncher.
Série J : Trésor des Chartes
J 818 n° 2 : projet de réforme financière en Bretagne.
J 910 : États des finances, Milan, 1510-1518.
J 939 : décimes.
J 952 : candidature à l'Empire.
J 958 : poursuites contre les officiers de finance.
J 960-962 : acquits sur l'Épargne (repris pour l'essentiel dans le Catalogue des Actes de
François Ier. Voir cependant J 9601 fos 9 v : rôle d'emprunt (1531), et J 960 6 P 132 v° : état
financier (1533).
J 963-968 : « Coffre des chanceliers » : papiers financiers et correspondances d'État
(surtout pour 1535-1538).
J 1040 n° 17 : recettes des Parties casuelles (1524-1528).
JJ 246 fos 52 et 256A f° 89 v° : lettres de rémission (J. Sapin et H. Bohier).
Série KK : comptabilités
KK 91 : compte de l'Argenterie (1536).
KK 94 : comptes de la chambre aux deniers (1515-1520).
KK 101 : compte des offrandes et aumônes (1528-1530).
KK 104 : recouvrement et fonte de la vaisselle royale (1524).
KK 289 : compte de Languedoïl (1518).
KK 338 : Tour Carrée.
KK 351 et 352 : comptes des Parties casuelles (1525 et 1528).
Séries P et PP : Chambre des comptes
P 2304 fos 711, 829, 869 et 1545 ; P 2307 fos 27, 282 et 895 ; P 2536 f° 124 v° : mémoriaux.
PP 99 fos 49-102 : ancien inventaire : liste de comptes.
PP 119 : table des Mémoriaux (1515-1559).
Série U : extraits judiciaires divers
U 797 : procès du chancelier Poyet.
Série V5 : Grand Conseil
V5 1045 et 1047 : transcriptions d'arrêts (1525 et 1529).
Série Xla : Parlement civil, registres
Xla 1523 (f° 370 v°), 1528 (f° 551) et 1529 (f os 36 v° et 415 v°) : Conseil, débats financiers.
Xla 8612 f° 113 v° : consignations.
Xla 8619 et 8621 : actes financiers, 1554 et 1558 (dont règlement de dettes de François I er)-
Xla 9322 : correspondance du Parlement.
Série X3a : Requêtes du palais, registres
X3a31 et 36.
Série Y : Châtelet et Prévôté d'Ile de France
Y 8 (fos 225-226) et 9 (f° 105) : exécution de Semblançay, poursuite d'hérétiques.
Série Zla : Cour des aides de Paris
Zla 49, 53, 54, 57, 59, 64 et 66 : arrêts sur rapports et plaidoiries.
Zla 70 : arrêts rendus en Conseil.
Minutier Central :
22
Les liasses sans précision ont été entièrement dépouillées. Celles qui n'ont été vues que
partiellement (grâce à des références provenant en particulier du fichier
mécanographique disponible aux Archives nationales) sont en italique. Pour celles qui ne
contiennent que des inventaires, les personnes concernées sont citées à la suite de la
liasse correspondante.
Étude III, liasses 2 à 18 (4 et 8 inexistants), 20, 23, 28, 31, 32, 34, 36, 50-52, 54, 59, 61-63.
Étude VI, liasses 1 à 6, 68 (papiers Morelet).
Étude VIII, liasses 9, 12, 13, 14, 31 à 72 (sauf 36-38, non communicables), 80-82, 132, 134,
157-159, 174-181, 222, 265, 282-286.
Étude XIX, liasses 27-28, 38, 41 à 91, 92-93, 105-108, 111 (I.A.D. Meigret), 146 à 164 (sauf
157, non communicable), 165 à 179, 188, 198, 272 (I.A.D. Jaques Benard).
Étude XXIII, liasse 1.
Étude XXXVI, liasses 1-2.
Étude XLIX, liasses 5, 10, 65 à 78.
Étude LIV, liasses 4, 6 et 7 (papiers Morelet), 11-12, 20, 52 (papiers Morelet) 53 (papiers
Morelet, I.A.D. Katherine Hurault, papiers Gentil).
Étude LXVIII, liasses 2, 14, 19-20.
Étude LXXVIII, liasses 1, 4, 8.
Étude LXXXVI, liasses 1, 19, 95 (I.A.D. Charlotte Briçonnet), 99 (I.A.D. Antoine Bohier), 103
(I.A.D. Anne de Poncher).
Étude LXXXVII, liasses 4, 64 (I.A.D. Charles de Pierrevive).
Étude CX, liasses 10, 37.
Étude CXII, liasse 1.
Étude CXXII, liasses 2, 9 à 28, 33, 41-42, 46, 58, 151, 159-161, 303 (papiers Morelet),
1025-1027, 1030 à 1065, 1078-1080, 1084 (I.A.D. Anne Bohier), 1087-1090, 1123-1124,
1128-1130, 1132, 1141 (I.A.D. Pierre Duval), 1278.
B. Bibliothèque nationale
10 Note préalable : pour chaque cote, les indications mentionnées correspondent seulement
aux aspects du document qui ont été utilisés et peuvent ne pas recouvrir totalement le
contenu d'ensemble.
Manuscrits français
Collection Dupuy
Collection Clairambault
Collection Moreau
– Pièces originales 79 (Dapestigny), 160 (Babou), 248 (Beaune), 381 (Bohier), 1421
(Gualterroti), 1619 (Laguette), 1635 (de la Lande), 1822 (Malras), 1912 (Meigret), 2056
(Morelet de Museau), 2246 (Pestegny), 2287 (Pioche), 2326 (Poncher), 2655 (Savoie), 2724
(Spifame) et 2891 (de Troyes).
– carrés d'Hozier 197 (de la Colombière) et 572 (Sapin).
C. Bibliotheque de l'institut
Fonds Godefroy nos 283 et 284.
D. Archives provinciales
1. Archives départementales
Bouches-du-Rhône
Côte-d'Or
Hérault
Indre et Loire
Loire-Atlantique
Rhône
Seine-Maritime
2. Archives municipales
Agen
Nantes
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fascicules parus.
PELICIER (P.), Lettres de Charles VIII, Paris, 1898-1905, 5 vol.
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35
NOTES
1. Voir la mise au point de Viard, Bureau de triage, passim. Le même phénomène se retrouve en
Bretagne : Kerhervé, État breton, p. 7-8.
2. En particulier B.N. fr 4523 qui fournit des extraits de comptes pour la période 1484-1559,
ensemble probablement constitué par (ou du moins pour) Jean-Jacques de Mesmes, père de la
collection où figure ce manuscrit, maître des requêtes de l'Hôtel, mort en 1569, et fr 17329 f°
82-92, qui est composé d'états abrégés de la dépense sous François I er, daté du 14-12-1571 et signé
du Moulinet (procureur du roi en la Chambre ?).
3. Bayard, Monde des Financiers, p. 15.
4. Ce qui reste de la procédure concernant Semblançay a été publié par Spont.
37
Chapitre premier
Le primat des dépenses
1 En abordant les finances royales, on s’interroge : convient-il de commencer l’étude par les
dépenses ou par les recettes ? Ouvrir sur les recettes, en reprenant l’ordre d’exposition
des États généraux des finances du temps, conduit à mettre en évidence les limites vite
atteintes des disponibilités financières et à aller contre la célèbre formule de François I er,
rapportée par un ambassadeur vénitien, selon laquelle le roi peut prélever sur ses sujets
ce qui lui plaît. Priorité aux difficultés et aux blocages. Attaquer par les dépenses, au
contraire, c’est vouloir mettre l’accent sur l’aspect dynamique, sur l’accroissement du
rôle de la monarchie qui sécrète des besoins nouveaux. On observe alors comment les
hommes au pouvoir tentent de faire face avec une efficacité maximale aux plus
nombreux, ou du moins aux plus pressés, de ces besoins. Priorité au mouvement et aux
capacités d’une structure étatique à financer l’urgence, une urgence qui est
essentiellement guerrière. Par ailleurs, le comportement « nobiliaire », qui fait passer
l’exigence de vivre selon son rang avant celle de vivre selon ses moyens comme un
« bourgeois », donne lui aussi la priorité aux dépenses. Il n’y a pas ici une bonne et une
mauvaise approche : la validité de chacune est évidente. Mais il faut se résoudre à choisir.
Il m’a semblé préférable, contre la tradition comptable qui est bien souvent une illusion
comptable, de donner la priorité chronologique aux dépenses, car ce sont elles qui, le plus
souvent, se présentent en premier lieu aux gouvernants quand il est question de
financement1.
2 Un exemple servira d’illustration : Anthoine de Lamet, ambassadeur près des Ligues
suisses en 1521, doit lever rapidement des mercenaires dans le pays pour les envoyer en
Milanais. Il lui faut de l’argent : tel est le constat initial. Or il n’en a pas. Il est hors de
question d’attendre un envoi. Aussi Lamet annonce-t-il qu’il va emprunter sur place
« jusques a douze mil escuz ou plus » pour lesquels il offrira sa garantie personnelle. Il
demande au roi de « commander à messieurs les généraulx [des finances] de donner ordre
à ce que l’on m’envoye yci led. argent que je auray empruncté »2. L’argent prélevé - ou à
prélever - par la monarchie permettra ensuite de solder les engagements. Il est délicat de
distinguer parmi les dépenses. Dans sa lettre, Lamet précise ainsi que l’argent à fournir
par les finances royales servira non seulement pour la dépense militaire que représente la
levée de troupes, mais aussi pour ses frais d’ambassadeur en Suisse et ce, bien sûr, sans
fournir une ventilation précise. Il est vrai qu’il ignore combien d’argent lui sera envoyé…
39
4 L’essor du phénomène curial en France à la Renaissance est bien connu, même s’il
importe de prendre en considération les développements qui marquent en ce domaine les
derniers siècles du Moyen Age, du moins lorsque les aléas de la vie politique le
permettent3. Cet essor se traduit par une dépense importante, qui frappe même les
Italiens, tel le nonce Capodiferro évoquant « il buttar’ grande che fa il Re ogni giorno » 4.
Dépenses au quotidien, dépenses exceptionnelles, dépenses pour l’entretien direct du roi
et de sa famille ou dons aux courtisans, la variété des postes renvoie, sans la recouvrir, à
la multiplicité des caisses qui sont concernées par ce secteur.
5 De nombreux services gravitent autour du souverain et, en règle générale, chacun d’eux
dispose de son comptable propre. On peut distinguer une Maison civile (chambre aux
deniers, écurie, vénerie et fauconnerie, officiers domestiques, chapelle…) et une Maison
militaire (deux bandes de Cent Gentilshommes, Suisses de la garde, archers français et
écossais5). L’effectif global est en progression, mais le règne de François Ier correspond
cependant à une phase de relative accalmie entre les augmentations sensibles
perceptibles sous Charles VIII et Louis XII, puis sous Henri II6. Le tableau ci-dessous
illustre cette modération (sommes en lt)7 :
6 Avec une augmentation de 30 % en trente ans, le fastueux François surprend presque par
sa réserve, en ce domaine tout au moins8. L’étude par poste montre que la progression
d’ensemble dissimule une palette d’évolutions qui va de la stabilité quasi parfaite
(Gentilshommes de l’Hôtel) à une croissance relativement marquée (officiers
domestiques : + 48 % de 1516 à 1546)9. En utilisant les données du manuscrit français 4523,
on peut même dégager une hausse supérieure, pour la vénerie et fauconnerie : la
moyenne de 1542-1546 (57 988 lt/an) correspond à une augmentation de 71 % par rapport
à celle de 1516-1520 (33 773 lt/an). La réputation de chasseur acharné de François I er
trouve ici un fondement chiffré. L’évolution chronologique, sur les trente-deux ans du
40
règne, n’est évidemment pas régulière. Les séries chiffrées, comme celles de l’écurie et
des officiers domestiques, mettent en évidence les réductions de dépenses lors de
périodes critiques, la plus apparente étant celle des années vingt.
7 Les autres maisons royales ont une incidence financière hautement conjoncturelle.
François Ier se marie deux fois. Pendant les six années séparant la mort de Claude RNde
l’union avec Éléonore, de 1524 à 1530, il n’y a plus de maison de la reine. Au fil des
naissances (toutes du premier lit)10 et des décès (souvent prématurés : deux seulement
des sept enfants survivent à leur père), le nombre des maisons varie considérablement au
cours du règne. De plus, le personnel de chacune d’entre elles est lui-même fluctuant.
Globalement les maisons de la famille royale suivent l’évolution observée pour le roi :
augmentation des effectifs, mais dans une proportion modérée.
8 Le coût de la maison de la reine Claude est mal connu : deux états de prévision, pour 1518
et 1523, estiment sa dépense à 145 000 et 165 000 lt 11. On dispose de renseignements plus
nombreux pour Éléonore. En incluant son argenterie, ses dépenses atteignent 211 000 lt
en 1531 et 215 000 en 1532. A la fin du règne, elles ont légèrement décru : 160 000 lt en
1545 et 190 000 lt en 154612. La seconde reine est donc une charge un peu plus lourde pour
le Trésor que la première. Ceci est sans doute renforcé par la nécessité de recréer une
maison de toutes pièces en 1530. Par ailleurs, c’était la Bretagne qui prenait en charge une
part importante des dépenses de Claude, sa duchesse (113 000 lt sur les 165 000 de 1523),
ce qui n’est plus le cas pour Éléonore.
9 Pour les enfants, l’accroissement est sensible et progressif jusqu’au début des années
1530, en lien avec l’augmentation des effectifs. Louise, seule concernée en 1516, coûte
19 064 lt. Les cinq enfants représentent en 1533 une dépense de 229 937 lt 13. Ensuite se
dessine un net décrochage. Mais l’évolution des dernières années du règne est faussée par
l’absence de données concernant le dauphin Henri. Tire-t-il à son tour une part notable
de ses ressources de ses possessions propres et de la Bretagne en particulier ?
10 D’autres maisons royales méritent au moins une allusion. Celle de Renée, la cadette de
Claude, inscrite pour 24 000 lt en 1518 et 1523. Celle des Angou-lême, la mère et la sœur
du roi14, la première grevant beaucoup plus lourdement le Trésor : on aura l’occasion de
la retrouver. Remarquons seulement que la disparition de Louise de Savoie en 1531 a pu
faciliter, au moins sur le plan comptable, l’essor d’une nouvelle maison de la reine. Enfin,
même s’il ne s’agit pas véritablement d’une maison, il faut évoquer la « reine galante »
Marie, douairière de France depuis le décès de Louis XII, qui perçoit effectivement son
douaire jusqu’à sa mort (1533)15.
11 Bien qu’elle ait été intégrée dans l’évaluation des diverses maisons, la spécificité de
l’argenterie incite à une brève mise au point. Les données détaillées dont on dispose pour
le règne correspondent à la recette de ce service. Une mise en parallèle avec les quelques
chiffres disponibles pour les dépenses montre que, malgré une certaine marge, les
données des recettes se situent dans une fourchette tout à fait recevable par rapport aux
dépenses réelles. C’est très logiquement à l’occasion des guerres que ces dernières sont
inférieures aux recettes allouées initialement16. Se produisent en effet alors des
détournements d’affectation des fonds.
12 Comparée aux autres départements de la maison du roi, l’argenterie présente un profil
atypique et très contrasté. Les sommes les plus importantes sont maniées au début du
règne, avec le record de 243 107 lt en 152117. Ce phénomène se retrouve dans un acte
concernant Jehan Testu, argentier du roi jusqu’en 1521 précisément, qui affirme avoir fait
41
des paiements pour 340 971 lt outre l’ordinaire de sa charge18. A côté d’une moyenne de
143 590 lt pour la période 1515-1521, la fin du règne fait pâle figure : moyenne de 42 122 lt
pour 1532-1538 et de 61 341 lt pour 1539-1545. Il est vrai que l’argenterie n’apparaît pas
comme un simple poste de dépense, d’où sa place à part. Certes, comme les autres
services, elle assure dans la maison du roi une fonction de consommation et de
redistribution par le biais de dons. Mais elle est aussi le lieu d’une accumulation de métal
précieux. Cette thésaurisation en fait une caisse de réserve pour la monarchie. Les objets
précieux rassemblés partent assez aisément à la fonte si le besoin s’en fait sentir. On
reconstitue les stocks une fois l’orage passé19. Malgré les destructions, l’argenterie royale
abrite toujours une quantité appréciable de pièces de grande valeur que le roi se plaît à
collectionner. Ceci permet à ce département d’assurer une troisième fonction, celle de
l’ostentation des richesses. La vaisselle précieuse sert à accueillir comme il convient les
hôtes de choix mais peut aussi être exposée au public après une réception. Ces objets de
luxe participent donc à leur façon aux spectacles du pouvoir.
Garnier en 1552 (35 000 lt). Pour le début du règne en revanche, les données utilisables
font défaut28.
15 Le problème est ici inversé par rapport au paragraphe précédent : il s’agit de postes
présents dans les comptes du temps, mais leur nature composite, voire énigmatique, rend
délicat de les intégrer ici plutôt que là. Une part très appréciable de l’argent concerné est
certes destinée aux « courtisans », mais les dons et pensions récompensent aussi un
travail administratif, chez certains officiers de finance en particulier, une activité
militaire, pour les capitaines étrangers par exemple, ou un engagement diplomatique en
Italie ou en Allemagne, sans parler des « vacataires » rémunérés pour une opération
ponctuelle au service de la monarchie. C’est dire l’importance de l’enjeu que représente
ce secteur29. Distinguer au cas par cas dépasse mon propos et n’aurait d’ailleurs pas grand
sens : dans quelle « case » ranger un grand seigneur italien présent à la cour, capitaine
d’une compagnie d’ordonnance et impliqué dans le jeu politique de la péninsule ? Le plus
efficace me semble donc de traiter globalement de ce secteur au sein du phénomène
curial, en ayant conscience de l’arbitraire de ce choix30.
16 Il est possible de regrouper en un ensemble relativement cohérent les données
concernant les pensions (sommes en lt, tableau page suivante) 31.
17 On remarque d’énormes différences : d’une année sur l’autre les pensions peuvent varier
du simple au triple comme entre 1518 et 1519. La possibilité, pour trois années (1515, 1516
et 1518), de croiser deux types de sources permet de constater qu’elles fournissent des
chiffres équivalents et donne toute sa force à l’observation des écarts. Cette fluidité des
pensions explique sans doute pourquoi deux estimations de 1537 peuvent être très
éloignées.
18 L’une parle 600 000 lt, l’autre de 1,35 million de lt 32 ! Les gonflements de 1517-1518 et de
1546 sont révélateurs. Il s’agit de deux périodes de retour à la paix. Durant les guerres, les
arriérés de pensions se sont accumulés, ainsi qu’on le constate en 152333, et il convient de
rattraper un peu du retard pris. On s’y essaie aussi en 1532 pour certains grands
seigneurs, d’après les comptes de l’Epargne du manuscrit français 15628. Mais il est
probablement impossible à la monarchie de verser tout ce qu’elle promet : en 1523, sans
43
parler des arriérés, ce sont 235 000 lt de pensions qui ne trouvent même pas d’assignation
dans l’État prévisionnel !
19 Les dons et récompenses constituent pour leur part une catégorie un peu mystérieuse.
Cela tient tout d’abord à l’ambiguïté de l’expression. Elle peut en effet prendre des
significations fort éloignées de celle qui vient spontanément à l’esprit. Ainsi, présentant
pour le règne d’Henri II une série de chiffres concernant les « dons, présents,
récompenses et bienfaictz », le scribe ajoute : « non comprins les dons faictz par chacune
foire de l’an au lieu d’intérest aux bancquiers de Lyon »34. Si la précision s’impose, c’est
sans doute parce que la confusion est fréquente entre les divers types de dons. Aussi, sans
parler du petit nombre de chiffres disponibles, est-il bien difficile de donner une
estimation des « véritables » dons. François Giustiniano parle de trois cent mille lt en
1537 pour les dons et les exemptions sur le sel. Une part appréciable d’entre eux est
prélevée directement sur les recettes, sans que l’argent passe par l’administration
centrale, ce qui complique encore les choses. Le domaine royal semble avoir toujours
particulièrement servi à alimenter les dons, comme d’ailleurs les pensions. Il est
particulièrement grevé puisqu’en 1518, sur 331 398 lt de recettes prévues, 92 716 lt, soit
28 %, passent en dons35. Pour autant, il n’a pas le monopole de cette pratique36.
L’énumération de ce que François Ier, en bon fils, a cédé à Louise de Savoie, le montre
bien. La reine-mère dispose en effet en 1523 des revenus de six greniers à sel (Bourbon-
Lancy, Saint-Pierre-le-Moutier, Cosne, Angers, Saumur et Le Mans), de la crue du sel des
Ponts-de-Cé, des aides et équivalents d’Angoumois, de Saumur, du Maine et d’Anjou, de
l’équivalent de Gien, des traites des vins d’Anjou et de Thouars et de l’imposition foraine
d’Anjou, sans parler justement de ce qu’elle tire du domaine37.
20 Un cas moins exceptionnel que celui de Madame, mais bien documenté, est celui des
Clèves-Nevers38. Ils jouissent de profits importants sur le sel. Au plus fort des largesses
royales, la famille perçoit les revenus de sept greniers et de quatre chambres à sel 39. Les
dons sont annuels et leur caractère renouvelable vise certainement à entretenir une
forme de dépendance de la part des bénéficiaires40. Ils portent sur des sommes
appréciables puisque les seuls greniers de Nevers, Saint-Saulge et Clamecy sont estimés à
3 570 lt de rapport en 152341. Remarquable est aussi le fait que la seule occasion où le don
aux Clèves-Nevers soit partiellement remis en cause, en 1525, concerne non une
récupération par le roi, mais un partage avec Lautrec.
21 L’ampleur des sommes en jeu et le flou qui les entoure parfois font des dons et pensions
un thème financier explosif. Le propre du bon roi est de les contenir dans des proportions
raisonnables, ce dont Bodin loue François Ier, voire de les réduire notablement, comme le
fait Louis XII selon le portrait bien conforme à la tradition que présente de lui
Martin Wolfe42. Si le roi, en effet, se doit de donner, il lui faut réserver ses largesses,
affïrme-t-on souvent, à ce qui vient du sien, et non de l’impôt. Dans les faits, les chiffres
les plus imposants ne paraissent pas déplacés, y compris dans des cercles bien informés :
le chancelier Duprat montre en 1535 au nonce Carpi un document qui évalue à
« 13 millions d’or » les dons royaux, probablement depuis le début du règne de François I
er43
. En millions de livres tournois, et en incluant une partie des pensions, cela n’a rien
d’invraisemblable (650 000 lt/an en moyenne). Mais si, comme il semble, il s’agit d’écus
d’or, ce qui ferait, selon la valeur choisie (40 ou 45 st/écu), de 26 à 30 millions de lt, la
signification essentiellement polémique du chiffre apparaît claire.
22 Il faut, malgré Duprat, essayer de fournir une estimation grossière du poids de la cour
sous François Ier, à partir des données sur les maisons royales et les pensions, en majorant
44
l’ensemble de quelque 200 000 lt, avant tout pour les cérémonies exceptionnelles et les
constructions44. On obtient alors les chiffres suivants, sans attacher trop d’importance à
une illusoire précision :
vers 1516 : 1 523 000 lt ;
vers 1531-1532 : 1 636 000 lt ;
vers 1546 : 2 067 000 lt.
23 Reste à dégager la part des dépenses globales de la monarchie que cela représente. Or il
n’existe pas de données solides pour les dépenses, mais seulement pour les recettes. En
comparant avec les chiffres disponibles les plus proches (1514 pour 1516, 1532 pour
1531-32, 1547 pour 1546), on constate que ces dépenses se situent toujours à un niveau
équivalent, respectivement 30,4 %, 29,7 % et 28,7 %. Même si ce qui relève de la cour au
sens strict est inférieur à ce montant, il n’en reste pas moins qu’une part des fonds
utilisés ici provient à l’évidence d’un détournement des impôts accordés initialement
pour la défense du royaume. Ce petit tiers est légèrement supérieur aux pourcentages
solidement étayés du règne d’Henri IV calculés par Françoise Bayard (à l’exception de
1599 et 1601)45. Il faut insister sur le fait qu’il s’agit ici de calculs portant uniquement sur
des périodes de paix. Il est certain qu’en cas de guerre ce pourcentage doit sérieusement
s’amoindrir, même si la chute est probablement moins marquée qu’au cours de la période
1635-1653.
24 Cette cour souvent nomade est donc coûteuse, à l’aune des réalités du temps.
L’importance de ses ressources propres permet-elle de la rendre mieux acceptable par les
villes et les régions qu’elle traverse ? Il serait de toute façon bien difficile de trouver
localement de quoi la faire fonctionner. Mais malgré tout, chaque fois que cela est
possible, on fait supporter une partie des frais par les collectivités d’accueil 46. C’est aussi
le prix à payer pour approcher le Roi Très Chrétien et les siens…
B. Administration et édilité
1. Le personnel : le poids de la justice
25 Il ne s’agit ici que de certains des agents de la monarchie. En effet des catégories
importantes sont ventilées ailleurs : le personnel de gouvernement, et avec lui une partie
de la haute administration, a été pris en compte avec la cour. Quant aux hommes de
guerre et aux diplomates, leur tour n’est pas encore venu. Restent la masse des agents
administratifs, c’est-à-dire en fait les suppôts de l’État de justice et de finance.
L’ambassadeur vénitien Cavalli risque en 1546 une estimation : « Les traitements et les
salaires des juges et des employés de tout le royaume coûtent 300 000 écus » (soit
675 000 lt)47. Même parmi ceux-ci une sélection s’impose. Beaucoup d’agents locaux
prélèvent leurs gages sur place et un nombre important d’officiers de finance se paie
directement sur les fonds maniés, avant qu’ils n’atteignent les coffres royaux. Malgré
cela, certains, comme les secrétaires signant en finance, émargent aux dépenses
centrales, tout comme des titulaires de commissions financières48. Après avoir mentionné
pour mémoire les gardes des forêts et le grand maître des Eaux et Forêts (6 337 lt + 2 000 lt
en 1532), on parvient enfin au poste essentiel, celui des cours souveraines. François
Giustiniano évoque en 1537 une dépense de 400 000 lt pour l’ensemble des officiers de
justice du royaume49, mais, au niveau central, seules figurent ces cours de haut rang.
Encore faut-il être prudent car, sous l’étiquette « cours souveraines pour la justice du
royaume », l’État général de 1523 fait figurer le conservateur de l’équivalent et le visiteur
45
– pour ces quatre Parlements plus cinq autres cours (Parlement de Grenoble, Chambres
des comptes de Paris et Grenoble, Cour des aides de Paris, Grand Conseil) aux mêmes
dates :
27 En assurant le fonctionnement de la justice, la monarchie remplit sans doute aux yeux des
sujets un service essentiel. Plus chichement, elle est aussi présente sur d’autres terrains.
Tout d’abord celui, étroitement lié, du maintien de l’ordre. Pour l’ensemble du royaume,
le personnel de la Prévôté des maréchaux atteint 390 personnes vers 1520. La densité du
réseau est donc dérisoire : les bailliages de Chartres et Mantes, avec les comtés d’Étampes
et de Montfort-l’Amaury, disposent ainsi en 1535 d’un lieutenant et de six archers52…
28 Ce sont probablement les dépenses d’édilité publique qui apparaissent ensuite comme les
plus nettes. Les édifices publics, distingués par Marino Giustiniano des bâtiments privés,
constitueraient une dépense équivalente à celle de ces derniers, soit 25 000 écus vers
1535. Il ne s’agit pas ici des travaux de fortification, mais de l’édilité civile. Elle concerne
des bâtiments administratifs ou des ponts. Le payeur des œuvres du roi en est comptable,
sous le contrôle des trésoriers de France53. Mentionnons encore des turcies (ou levées) sur
certains cours d’eau, la Loire en particulier. L’entretien est souvent approximatif et le
46
32 Ces dépenses ordinaires sont en théorie des dépenses privilégiées qui doivent être
acquittées en priorité. Ce n’est pas toujours le cas. Duprat se plaint que « si chacung vient
se payer ainsi que l’argent arrivera », les cours de justice et une partie de la gendarmerie
resteront en attente « qui sont toutes choses tant privilégiées qu’il n’est possible »63. Ce
non-respect peut s’expliquer par des pesanteurs administratives ou par le recours à la
faveur et aux passe-droits. Mais il provient avant tout du gauchissement des priorités
entraîné par les guerres.
a. Les montres
34 Le rythme des paiements et des contrôles dans le cadre des « montres » diffère pour
l’Ordinaire et l’Extraordinaire. Les compagnies d’ordonnance ont des échéances
trimestrielles (on parle de « quartier ») alors que les divers types de fantassins
mercenaires, Suisses, lansquenets ou aventuriers français, sont réglés au mois67. Les
montres sont effectuées par les commissaires des guerres, qui relèvent des maréchaux et
du connétable, et par les contrôleurs des guerres, sous le contrôleur général. L’Ordinaire
emploie dans les années 1544-1547 quinze commissaires et dix-sept contrôleurs que l’on
désigne parfois aussi comme « commis du contrôleur général »68. Quant aux paiements, ils
sont assurés par des trésoriers des guerres ou des commis à l’Extraordinaire secondés par
leur personnel. Cette administration constitue en tant que telle une première charge. En
effet elle prélève ses gages sur les fonds qu’elle manie. Voici vingt-quatre compagnies
d’ordonnance pour trois quartiers de 1521 : l’organisation des montres, paiements inclus,
48
représente 2,6 à 2,7 % des sommes décaissées69. A cela vient s’ajouter toute une série de
frais complémentaires, à l’image de ceux qu’effectue en 1522 Jehan Prévost, commis à
l’Extraordinaire des guerres, sur ordre de Jehan d’Albon de Saint-André, lieutenant
général en Guyenne, pour les salaires des courriers, guides et « espies », ainsi que pour
« dons, récompenses et autres frais »70.
35 Mais l’essentiel est représenté par les versements directs aux combattants. La présence
aux montres est théoriquement indispensable pour qu’ils touchent leur argent. Il est
malgré tout possible, au moins pour l’Ordinaire, de percevoir la solde en étant absent, à
condition de bénéficier d’un congé régulier ou d’un justificatif de maladie71. Au roi qui, en
mars 1544, « s’esmeut un peu de ce que toutes les compagnies de la gendarmerie ny celles
des chevaux légers n’estoient complettes », Monluc rappelle que cela « estoit impossible,
et qu’il y en avoit qui avoient obtenu congé de leurs capitaines pour aller à leurs maisons
se raffraischir, et d’autres [qui] estoient malades »72. Dans certains cas exceptionnels
cependant, l’administration des guerres se voit même contrainte de fournir les fonds
pour payer les troupes sans montre préalable73.
36 De la qualité des montres dépend la bonne utilisation des fonds : il s’agit d’éviter de payer
pour des soldats fantômes. Or les responsables ont bien du mal à cerner leurs effectifs. En
novembre 1536, des chevau-légers basés en Piémont doivent toucher leur solde. Tournon,
qui gère les fonds depuis Lyon, écrit au roi le 28 qu’à son avis « il n’y aura tant desd.
chevaux légiers que vous cuydés ». C’est d’ailleurs heureux car, précise-t-il le 30, « s’il en
fut venu autant comme votre roolle porte, je n’avoys pas de quoi les payer »74. En août
1537, c’est Humières, qui commande en Piémont, que Tournon informe d’un envoi de
solde pour six cents chevau-légers. Il croit pourtant savoir qu’ils ne sont que trois cents
et, furieux, conclut : « Il faudrait faire pendre les capitaines qui demandent de l’argent
pour plus d’hommes qu’ils n’ont »75. Aussi le jeu apparaît-il subtil - et complexe - entre le
gouvernement royal, ses agents régionaux, les chefs des armées, les capitaines d’unités et
l’administration des guerres.
37 Montmorency à l’armée de Picardie a le souci d’organiser des montres très strictes. Il
explique au chancelier qu’il va faire payer des lansquenets « sur les vieilz roolles de la
monstre précédente, que je feiz faire la plus rigoreuse qu’il fut possible »76. Au printemps
de 1537, il précise :
« J’estois d’avis de ne faire délivrer ausd. paieurs [des compagnies] les deniers,
jusques après les monstres faites, afin que on puisse veoir au vray ce qu’il leur
fauldra, estant bien asseuré que les compagnies ne sont complètes et qu’il y aura de
grands deniers revans (sic) dont l’on se pourra ayder en autres affaires » 77.
38 Il est en effet impossible de faire toujours exactement coïncider paiements à effectuer et
fonds alloués. Quand tout se passe bien, les sommes non attribuées après contrôle des
effectifs, appelées « revenant-bons », sont réassignées ou reportées pour un paiement
ultérieur aux troupes. En 1554, Henri II ordonne ainsi au maréchal de Brissac, qui
commande en Piémont, que « les deniers revenans bons [soient] mis en réserve deux
jours après la monstre faite, pour en secourir les réparations, l’artillerie et autres affaires
deguerre »78. Ces sommes ne sont parfois pas négligeables. Pour le quartier d’avril 1538,
les payeurs des compagnies d’ordonnance doivent débourser 259 356 lt pour solder 2 580
lances. Sur ce montant, 16 216 lt, soit 6,25 % de la dépense totale, proviennent des
revenant-bons des quartiers précédents79.
39 Mais toutes les précautions ne mettent pas à l’abri des déboires car, comme l’explique
Tournon, même si les bandes sont complètes aux montres, il en manque la moitié « quand
49
il est question de soustenyr ung affaire »80. Qu’il s’agisse de passe-volants ou de soldats
trop « prudents » pour se jeter sur l’ennemi, la réalité est là.
43 De quelle manière règle-t-on les troupes ? Ne perdons pas de vue tout d’abord qu’une
partie des soldes est payée en nature, au moins pour l’Ordinaire. Mais les hommes ont
impérativement besoin de numéraire puisqu’ils doivent, en théorie du moins, acheter sur
le marché une part importante de leur approvisionnement89. La grande crainte des chefs
d’armée et des payeurs est de recevoir du gouvernement royal, pour le paiement des
soldes, non des espèces sonnantes et trébuchantes mais du papier financier, sous la forme
de rescriptions ou d’assignations sur diverses caisses, avec le cortège de complications et
de retards que cela entraîne. Ainsi, en juin 1523, Florimond Rober et rassure-t-il Anne de
Montmorency qui commande en Italie. On lui envoie des fonds et « c’est argent n’est
point en papier car il a est baillé au trésorier de l’Extraordinaire [des guerres] tout
contant »90. Il n’en va pas de même au cœur des difficultés de l’année 1521. Le connétable
de Bourbon opérant en Champagne se plaint : « Nous n’avons que du papier en
payement ». Lautrec en Milanais lui fait écho : « Le secours d’argent que nous avons eu de
France depuis le commencement de ceste guerre (…) n’a eté seulement que de deux cens
mil franc et encore par rescriptions… »91.
44 Reste à savoir, quand le numéraire est là, en quelles espèces sont effectués les
versements. Pour les mercenaires, il faut de l’or. Une anecdote le met bien en évidence.
Au début de février 1525, un capitaine nommé Drujart vient trouver à Novare en
Lombardie Philippe Coulon, clerc du trésorier de l’Extraordinaire des guerres Jehan Carré.
Il « lui présenta lettres du. trésorier Carré par lesquelles il lui rescription qu’il est à
dépecher un clerc pour aller avecques le. Drujart à Savonne porter six mil livres
tourn. à Philebert Galant (…) pour faire le paiement d’aucuns gens de pied françois
etant audit Savonne ; et, parce que led. Coulon n’avait que monnoye [d’argent], il
s’adressa à René Séguier et René Durant aussy clercs dud. trésorier qui avoient cinq
ou six bouges pleines d’or et les pria lui fournir du sort de lad. somme de six mil livres
tourn. et qu’il leur en feroit tenir compte par led. Carré »92.
45 Les gendarmes en revanche doivent fréquemment se contenter d’argent et de billon. Pour
une montre des cent lances de la prestigieuse compagnie du dauphin, le 15 mai 1538,
8 947 l. 10 st sont versés en testons de 10 s. 6 dt, testons de Savoie93, gros de 3 st et de
2 s. 6 dt, treizains, douzains, dixains, sixains, liards et doubles 94. La différence de
traitement entre troupes de l’Ordinaire et mercenaires s’affiche ici clairement.
46 Les troupes de l’Ordinaire, forces militaires permanentes95, sont rémunérées dans des
conditions particulièrement mauvaises et les délais de versement sont considérables. La
législation fixe des échéances mal respectées96. A la fin d’avril 1525, les compagnies
d’ordonnance servant en Champagne attendent leur solde depuis dix-neuf mois et celles
de Picardie depuis un an en juin de la même année97. Ceci n’est en rien propre à la
dramatique situation de l’après-Pavie : au début de 1522, les arriérés de versements aux
gendarmes d’Italie atteignent vingt-deux mois ! Face à cela, un délai supérieur à six mois
pour vingt-trois compagnies, à l’été 1537, fait presque pâle figure98… Le temps de paix
n’est pas beaucoup plus favorable, malgré l’allégement des charges. La compagnie de
Monsieur de Montpezat est réglée avec seize à dix-neuf mois de retard pour les quartiers
de juillet et octobre 1532. Au 23 janvier 1540, la gendarmerie n’a touché qu’un seul des
51
quatre quartiers de l’année précédente99. Les mortes payes qui assurent la garde des
places fortes sont logées à la même enseigne : treize mois de retard à Montreuil et
Boulogne en avril 1525, un an encore en Boulonnais en février 1528, treize mois de
nouveau à Cherbourg à une date indéterminée des années quarante100. Dans le cas de
l’ordinaire de l’artillerie, Montmorency doit intervenir le premier août 1537 pour que son
personnel soit payé au moins du quartier de janvier : le retard atteint déjà quatre mois 101.
47 La situation des diverses compagnies varie, en particulier en fonction de leur localisation
géographique. En 1518, on note ainsi un moindre délai de versement pour les compagnies
d’ordonnance établies en Italie que pour celles qui sont en garnison « deçà les montz »102.
Les unités rémunérées sur des fonds locaux sont peut-être les plus régulièrement soldées,
à l’image des gendarmes stationnés en Bretagne, qui relèvent des Finances du duché103.
48 Il arrive que les gendarmes ne soient pas payés pour un quartier pendant lequel ils ont
servi. Un règlement du 28 juin 1526 rappelle que « par cy devant le Roy, pour ses grans
urgens affaires, s’est aydé et [a] retenu aucuns quartiers des gaiges et soulde de ses gens
d’armes, desquelz ne leur a esté et ne sera faict aucun paiement »104. Malgré la promesse
alors faite que « par après ilz seront paiez de quartier en quartier sans qu’il y ayt faulte »,
beaucoup d’entre eux ne touchent rien dès le quartier d’octobre 1528 « pour lequel le Roy
n’a voulu estre fait aucun paiement aux compagnies de sesd. ordonnances »105. D’autres
allusions à des quartiers retranchés jalonnent les années trente106. Par un règlement du
4 janvier 1546, le roi précise qu’il va régler trois quartiers de la gendarmerie, « demeurant
le reste de ce qui peut leur estre deu du passé retranché, pour la nécessité de ses affaires »
107
.
b. Un engagement spécifique ?
51 De toutes les armes, c’est incontestablement l’infanterie qui a le plus recours aux troupes
mercenaires. La tentative.de création d’une infanterie permanente sous Louis XI, avec les
Suisses et aussi des hallebardiers et piquiers français, à partir de l’arrière-ban nobiliaire,
n’a pas eu de suite114. Certes il existe des cadres pour une infanterie nationale de réserve.
Les francs-archers sont réactivés en 1522-1525. Un mandement de levée pour le Lyonnais
est pris le 27 janvier 1522. En 1524, d’Aubigny est cité comme capitaine des francs-archers
de Champagne. En janvier 1525, un document fait allusion à 713 francs-archers
« naguères retournez de delà les monts »115. Les légions émergent à partir de 1535. Leur
dépense annuelle théorique pourrait atteindre à leurs débuts au moins 527 000 lt 116.
Même lorsque l’engouement des premiers temps est retombé, elles restent présentes
parmi les troupes : en avril 1543 les légionnaires de l’armée de Picardie sont licenciés car
« en peu de temps on pourroit [les] rassembler » ; en septembre ceux de Normandie et de
Champagne participent à la prise de Luxembourg ; en 1544 ceux de Champagne sont cités
comme servant « soit au camp ou en la garde et deffence de quelque ville ». 117. On les voit
effectivement prendre part à l’effort de guerre, mais ce n’est au mieux qu’une force
d’appoint. Le roi de France ne dispose pas d’une bonne infanterie « nationale » qui puisse
être comparée au tercio espagnol. Le recours aux mercenaires s’explique-t-il par une
préférence marquée pour ce type de troupes ? Il est délicat de l’affirmer, malgré Henri
Lapeyre118. En effet on peut tout aussi bien dire que l’effort financier consenti pour
s’assurer une cavalerie permanente, priorité qui souligne le caractère nobiliaire de
l’instrument militaire, empêche de consacrer à l’infanterie des moyens importants de
façon suivie. En l’absence de cadres permanents suffisamment formés, il est certain que
l’appel à des mercenaires aguerris et d’un bon niveau technique s’impose119. Ce choix du
recours au gré des besoins, et souvent sur une grande échelle, s’avère très onéreux. Mais
un souverain riche comme l’est le roi de France peut se le permettre.
52 On trouve d’ailleurs des mercenaires à des prix très variables. En 1523, le Suisse, qui jouit
alors d’une excellente réputation, coûte sept lt par mois, le lansquenet six et l’aventurier
français cinq seulement120. En fait les hiérarchies sont probablement plus complexes : en
octobre 1521 des aventuriers reçoivent en Navarre six lt par mois quand des hommes de
pied en Bourgogne, sans doute en 1523, doivent se contenter de trois lt 121. Ces variations
reflètent selon toute vraisemblance des différences de qualité. Il en va de même sans
doute quand Bonnivet demande en 1521 à compléter ses effectifs avec des
« advanturiers » et non avec des « gascons »122. Les spécialistes reçoivent un supplément :
parmi les gens de pied français et italiens payés six lt par mois en mai 1527, la prime des
« harquebusiers » est d’une livre et celle des « harcquebutiers » de dix sols, toujours par
53
mois123. La valeur estimée des mercenaires est d’ailleurs sujette à évolution. Ainsi, au fil
du règne, la « cote » des Suisses a-t-elle tendance à baisser nettement124.
53 Quelle que soit la catégorie, il faut faire preuve d’une vigilance quotidienne dans
l’organisation des paiements car les risques, on le verra, sont ici importants. Verser
ponctuellement la solde est pour l’officier de finance un sérieux motif de satisfaction.
C’est le cas de Thomas Bohier à l’armée de Fontarabie en 1521 : « Sire, le terme du
paiement de voz lansquenetz escherra demain et en avez six mil cinq cens. Led. paiement
est tout prest par la dilligence qu’on y a faicte et jusques icy, Sire, les autres paiemens se
sont bien portez et n’y a point eu de faulte »125. Le contraste apparaît net avec l’Ordinaire
quand, grâce à une publication de sources, on peut opposer la célérité du paiement des
mercenaires avec les retards des gendarmes126. Le nom étonnant de « contens de pié
estrangiers »127 ne serait-il pas un rappel particulièrement net de la nécessité de régler
« comptant » ce type de soldat ? La correspondance du cardinal de Tournon au cours du
mois de décembre 1536 fournit une bonne illustration de la vigilance au jour le jour
nécessaire pour assurer chaque mois les soldes. Il faut relancer le Conseil du roi en
l’alertant sur les besoins, vérifier qu’on dispose d’assignations correctes, prévoir des
solutions alternatives en cas de manque de fonds128. Au moindre retard, l’inquiétude
gagne. Au début de 1525, Vendôme avertit la régente que, si le paiement pour l’infanterie
et les chevau-légers tarde, ils « crieront à l’argent et sortiront de leurs garnisons, les
places mal gardées et le peuple mangé »129. Trois jours après une échéance, le même
Vendôme se croit obligé de régler une quinzaine (il n’a pas assez d’argent pour solder le
mois entier) pour s’assurer des troupes, sans attendre de pouvoir tout verser en une fois.
Un délai de huit jours, et c’est Tournon qui évoque le risque de mutinerie130…
54 Or des retards, malgré toutes les précautions, sont inévitables, compte tenu de la
situation financière et des réalités techniques du temps. Montmorency se réjouit ainsi de
ce que le trésorier de l’Épargne a fait une rescription pour recouvrer des fonds en
Normandie : l’argent servira « pour le payement des gens de guerre de Picardie tant du
moys passé que du présent qui est escheu dès le XIIIIe de ce moys » 131. Mais ce n’est rien
comparé aux énormes arriérés que le roi accumule vis-à-vis de ses Suisses. Au début des
années trente se déroule une âpre opération d’apurement des comptes et de règlement
des dettes du roi qui concerne les dix années précédentes132. En 1544 encore, à l’armée de
Piémont, le retard de solde est de trois mois en mars, à la veille de Cérisoles et de quatre
mois en juillet133. Les récriminations vont alors bon train, qui menacent de paralyser les
opérations.
55 Aussi les agents du roi doivent-ils faire preuve de trésors de diplomatie pour négocier
avec les mercenaires reports et délais. C’est le propre de l’officier de finance habile que de
parvenir en ce domaine à un bon résultat : « Le nouveau général de Guyenne a fort bien
servy car il a trouvé moyen de faire paier les gens qui sont sortiz de Fonterrabie pour
deux moys et pour le tiers qui leur est encores deu et dont ilz se sont contentez, s’est
obligé de les paier à Bourdeaulx, à quoy on mectra paine de luy satisfaire… »134. A un
niveau supérieur, voici le cardinal de Tournon face aux mercenaires italiens du Piémont :
« Je leur ay faict couler leur payement jusques à la fin du moys et l’ont après avoir bien
54
crié ainsy souffert, de sorte que en les payant au commencement de septembre, ilz
serviront tout le moys qui sera gaigné au Roy »135. L’objectif est clair : il s’agit de faire
servir à crédit ces chatouilleux professionnels et, quand les circonstances le permettent,
de faire sur leur dos quelques économies. Tout dépend du rapport de force. Vendôme
affirme que la présence de la gendarmerie contribue à maintenir dans le droit chemin les
aventuriers (et les légionnaires) dont la solde tarde136. Montmorency explique qu’il est
possible « à la ville » de « faire filler l’argent » (c’est-à-dire de reculer les échéances), mais
que « c’est chose impossible à faire estant au camp » (en campagne) car les moyens de
chantage des mercenaires sont alors considérablement accrus137. Ceux-ci de plus sont
parfois bien ingrats : le roi s’étonne qu’un très bref retard de solde les rende rétifs en
Piémont « actendu qu’ilz ont eu tant et si longuement soulde de moy en temps de paix
qu’ilz ne devroient point faire difficulté à présent de me faire service ne eulx arrester à
quelzque peu de jours si leurd. payement n’arrive si tost devers eulx que le terme est
escheu »138.
56 Les conditions de négociation ne sont pas toujours excellentes pour les responsables
financiers. Ils ont parfois une part de responsabilité. Le commissaire des guerres Guy
Karuel, seigneur de Borran, apportant des fonds pour payer des lansquenets en
Bourgogne, « est allé trouver le conte Guillaume [de Fürstenberg, qui les commande] et
luy est allé dire qu’il avoit encores l’argent, au moyen de quoy led. conte donnera bon
ordre qu’il ne luy eschappera pas ». Or, continue Tournon, si la montre des lansquenets
s’était faite à Lyon sous son contrôle, on aurait pu économiser 20 000 lt à cause, entre
autres, des passe-volants que Fürstenberg va présenter à un Karuel qui s’est mis en
position de faiblesse en annonçant qu’il disposait de fonds importants139. Les demandes
des mercenaires, qui profitent d’une situation qui leur est favorable, sont parfois jugées
« déraisonnables ». Lautrec, qui doit lever des Suisses, leur envoie deux délégués « pour
essayer de rabattre quelquechose de leurd. demandes », le 2 août 1521. En vain : il faut
leur céder pour qu’ils viennent au camp. Dans une situation militaire délicate en Milanais,
Lautrec n’a de fait guère le choix140. Il faut même parfois payer en connaissance de cause
pour des effectifs très supérieurs aux présents. Le commissaire chargé de verser leur
solde à des lansquenets doit s’y résoudre « par contraincte d’aucuns capitaines
particuliers ainsi qu’[il] a rapporté, à quoy il ne peut résister »141.
57 Il est vrai que les risques, en cas de désaccord ou de litige, sont sérieux. Durant l’été 1522,
le bruit court que les Suisses ont fait main basse sur la caisse des trésoriers des guerres
pour se payer de leurs créances. Lors de la retraite du printemps 1524, les Suisses, encore
eux, auraient pris en otage Bonnivet, comme garantie pour leurs soldes142. Dans les deux
cas, ces rumeurs se révèlent inexactes. Mais elles donnent une idée des comportements
qui paraissent vraisemblables de la part des mercenaires. Les retards de soldes peuvent
conduire à un changement de camp, menace clairement exprimée par Montmorency :
« [Ce] sont gens estrangiers qu’il est mal aisé de tenir sans les payer ». Il ne faut pas « les
laisser perdre estant comme dit est si près des ennemys qui ne charchent que à les
retirez »143. Cela se produit à l’automne 1521 en Milanais : « Noz Suisses s’ennuyèrent et
s’en allèrent sans congé, s’excusans sur la faulte de la paye (…). Vray est qu’ilz estoient
pratiquez par le cardinal de Médicis ». Ils partent ainsi renforcer les adversaires de
Lautrec144.
58 Mais le plus grave est sans doute la mutinerie. Plusieurs incidents sérieux éclatent parmi
les mercenaires italiens en Piémont en 1537. En mai, des troubles ont lieu à Chieri 145. Fin
juin, Pignerol est saccagée par les hommes de pied italiens et Chieri est de nouveau
55
menacée. Au tout début de juillet l’envoi de fonds par Tournon est « cause d’appaiser
toutes choses »146. Une interrogation demeure : les retards de soldes ne servent-ils pas ici
de prétextes pour se lancer dans un pillage qu’interdit alors l’assoupissement temporaire
des opérations militaires ? La bataille gagnée en revanche est une aubaine, à l’image de
Cérisoles où « il se trouva bien pour trois cens mille frans tant en argent monnoyé qu’en
vaisselle d’argent et autres richesses » parmi le butin147. « Dans les guerres du premier
xvne siècle, affirme Yves-Marie Bercé, les engagements venaient certainement moins de
l’appât des soldes que de l’attente des butins »148. Une telle analyse permet sans doute de
rendre compte du comportement des soldats qui, en mars 1537, ravagent la Mau-rienne…
après avoir refusé la solde149 !
59 Les déboires causés par les mercenaires conduisent les responsables politiques et
militaires - ce sont d’ailleurs les mêmes - à s’interroger sur le poids que ceux-ci
représentent. Quand Vendôme, en 1528, fait part de ses réticences à voir lever des
troupes trop nombreuses « de peur de la foulle du peuple », songe-t-il aux dégâts
possibles, au fardeau fiscal, ou aux deux à la fois150 ? L’année précédente, Tournon
déplorait le nombre excessif de lansquenets dans l’armée de Lautrec, en Italie, par
rapport aux engagements des traités de Cognac et de Vincennes151. Dans les années
cinquante encore, le cardinal demande que des fonds proposés par les Florentins
viennent « à la descharge du Roy plus que à augmentation de force »152. C’est une
constante de son approche que de considérer qu’il faut limiter au maximum les effectifs,
en fonction des objectifs poursuivis. Or des défaillances profondes dans la prévision
entraînent des surcoûts inutiles. D’où une sévère tirade de Tournon dans une lettre au
chancelier le 15 juillet 1537, alors que le cardinal se débat dans les plus grandes difficultés
pour assurer les paiements piémontais. Au roi « qui ne trouve rien impossible de tout ce
qu’on luy met en avant et m’escript tousjours que vous pourvererrez à tout », il faut faire
comprendre qu’« il vauldroit beaucoup myeulx que lad. armée [de Piémont] se dyminuast
et se contenter de garder les villes qu’on a aud. Piedmont que de la veoyr rompre à faulte
de payement en ung désordre si grand… »153. Il paraît bien maladroit au cardinal de lever
des troupes qu’on n’arrive plus à solder au bout de quelques mois. Et quelle triste ironie
de voir, toujours sous la plume de Tournon, Saint-Pol qui, faute d’avoir eu à temps l’état
des bandes italiennes servant sous Jean-Paul de Cère, paye cinq mille hommes quand le
roi, en fait, souhaitait n’en rémunérer que deux mille cinq cent ! Les 30 000 lt du surcoût
des mercenaires font alors cruellement défaut à Lyon154.
60 Si l’information circule mal, c’est probablement que la prise de décision est trop tardive
ou trop incertaine. Il est vrai qu’il peut être militairement habile de rassembler des
effectifs importants et en particulier de débaucher les mercenaires de l’ennemi. Raymond
de Fourquevaux, qui écrit en 1534, juge que c’est une bonne raison pour recruter des
étrangers. Le roi peut ainsi « ôter la force des Allemands à ceux qui s’en pourraient servir
contre lui s’il n’en retenait un grand nombre ». C’est aussi le calcul de Montmorency : « Je
suis après à recouvrer un bon nombre des gens de guerre du camp de l’Empereur que
j’espère avoir bien tost, et me desplairoit merveilleusement qu’ilz demeurassent par
faulte de payement »155. Mais c’est une fort onéreuse stratégie, à moins d’essayer de
procéder par « glissement » comme le roi l’envisage quand il réclame à Semblançay des
fonds
56
pour le payement des lansquenets qui sont au service de mes ennemis. Car qui les
pourra retirer au moyen comme j’espère que l’on pourra faire en les payant, ce ne
sera pas peu d’œuvre faite, et eux retirés de par deçà, je donneray ordre de faire
casser autant d’autres gens de pied de ceux qui sont en mon service, pour vous
descharger et lever de dépense »156.
61 Mais qu’est-ce qui empêchera les nouveaux « cassés » d’aller prendre du service dans
l’autre camp ? Il est vrai que ce sera toujours quelques mois ou quelques semaines de
gagnés…
B. Stratégie et logistique
1. D’une caisse l’autre, d’un front l’autre
62 Or le temps est précieux en matière d’opérations militaires. La guerre est une dépense
conjoncturelle, d’où l’intérêt d’obtenir, même pour une période courte, un avantage
quelconque. L’élasticité des dépenses n’est pas de même ampleur pour l’Ordinaire et pour
l’Extraordinaire. Le premier, de par sa permanence, occupe une place variable, mais
toujours notable. Le second en revanche peut à certains moments être réduit à presque
rien. Dès que possible, la monarchie détourne des caisses de la guerre les fonds assignés à
celles-ci. C’est le cas lors de la diminution de l’activité militaire : en novembre 1515, le
commis à l’Extraordinaire reverse sept mille lt à la chambre aux deniers. Il en va de même
lorsque les effectifs à solder ont disparu : en 1528, les trésoriers des guerres fournissent
dix mille lt aux Parties casuelles, sur les quartiers de juillet et d’octobre du paiement des
gens de guerre étant au royaume de Naples, revenants-bons qui proviennent
apparemment des morts, des malades ou des absents sans cause157. L’Ordinaire des
guerres est parfois sollicité pour des versements qui, en théorie, ne relèvent pas de sa
compétence : pensions à payer ou fonds pour le trésorier des Ligues suisses 158. Mais
surtout il contribue régulièrement au renflouement des caisses de l’Extraordinaire. Les
exemples abondent, au moins jusqu’au milieu du règne159. Il est difficile de savoir s’il faut
attribuer à une amélioration globale ou au caractère déséquilibré de l’information le recul
de cette pratique après les années vingt. Le schéma inverse est rarissime et très
révélateur. Dans le contexte tendu du printemps 1525, c’est le Parlement de Paris qui
envisage d’utiliser pour payer les compagnies d’ordonnance l’argent de l’Extraordinaire,
en vain d’ailleurs160. De même, il faut une situation-locale particulière pour retrouver ce
cas de figure. Bury en Piémont écrit au chancelier et à Tournon : « J’ay prins IIIIc écus
dud. trésor, de l’extraordinaire pour faire un prest [à des gendarmes] et luy en ay baillé
mon recepicé ; le premier argent que je recou-vray pour le paiement de mad. compaignie,
il sera remboursé de lad. somme »161. Il faut le souligner, il s’agit ici d’un emprunt et non
d’un détournement d’assignation dont on ne trouve en définitive aucun exemple probant
de l’Extraordinaire vers l’Ordinaire.
63 Autre élément structurant des circuits financiers, le va-et-vient de l’argent au gré des
nécessités militaires. La documentation nous permet d’observer avec précision ce
phénomène lors du ballet entre Piémont et Picardie qui scande l’année 1537162. A partir de
février, l’argent est dirigé en priorité vers le Nord, où le roi et Montmorency sont à la tête
57
d’une forte armée. Les assignations connues de mars et avril (600 000 lt) représentent à
elles seules 40 % de toutes celles que l’on conserve pour le front picard depuis cette
période jusqu’en avril 1538. Tournon, qui gère les envois en Piémont, connaît alors de
sérieuses difficultés, qui se manifestent par l’absence d’allusion à des rentrées d’argent et
par le recours à l’emprunt163. La priorité picarde disparaît le 6 mai avec la décision royale
de réorienter l’effort vers l’Italie. Le montant des assignations destinées au Nord-Est
s’effondre alors rapidement. Mais il faut du temps avant que les effets se fassent sentir
sur l’autre front. C’est seulement le 25 mai que le roi, depuis la Fère-en-Tardenois,
ordonne l’envoi à Tournon de fonds nouveaux, en provenance de la Languedoïl orientale.
Les premiers parviennent à Lyon le 2 juin164. La situation a à peine eu le temps de
s’améliorer que le retour offensif de Charles Quint en Artois fait repartir le balancier vers
le Nord. Le 15 juin, Montmorency, cette fois flanqué du dauphin Henri, quitte
Fontainebleau pour la Picardie. Le tarissement des envois vers Tournon n’est sans doute
pas étranger à la mutinerie de Pignerol. Après d’assez pâles opérations militaires
(Thérouanne est débloquée mais Saint-Pol reste aux mains des Impériaux), une trêve de
trois mois sur le front Nord (Bomy, 30 juillet) conduit hommes et écus à prendre de
nouveau le chemin du Piémont. Mais il faut d’abord solder cette brève campagne, d’où
l’importance des assignations picardes jusqu’au début de septembre (470 000 lt en août).
Elles deviennent en revanche symboliques à partir de l’automne : un effort un peu plus
soutenu en direction de l’Italie permet alors de reconquérir les positions perdues depuis
un an en Piémont. Mais on imagine aisément combien, d’avril à août, contrordres,
contremarches et réorientations ont pu nuire au succès de la campagne de 1537, que le
roi espérait décisive.
64 Tournon voit venir les choses dès la fin de 1536. Il affirme alors dans une lettre au
chancelier : « Si une foys vous commancés à desployer la brete du costé de Piccardye,
vous serez bien foibles pour secourir le Piedmont ». D’où la nécessité pour lui de
commencer à prendre des précautions financières165. Il est clair que l’organisation de
campagnes militaires sur plusieurs fronts à la fois est un exercice délicat, en particulier
sur le plan financier. Quand Sem-blançay évoque l’exceptionnel effort de guerre de
l’automne 1521, il affirme qu’il « n’est de mémoire que roy de France ayt soubstenu à une
fois trois si puissantes armées [Nord-Est, Italie, Guyenne] es quelles y avoit 90 000
hommes de pied et plus »166. Mais il est probable que l’effort à faire est encore plus grand
pour l’adversaire principal, Charles Quint, et les armées impériales connaissent des
déboires financiers probablement supérieurs à ceux des troupes françaises167. D’où
l’intérêt d’organiser un second front sur les arrières de Charles. A grande échelle, c’est
l’alliance turque, avec par exemple au printemps de 1537, le projet de coordonner une
attaque française en Piémont et un débarquement turc en Apulie168. De façon moins
grandiose, dans la péninsule, le soutien apporté en 1529 aux résidus de l’expédition de
Naples isolés dans les Pouilles sous le commandement de Renzo da Ceri relève d’une
même stratégie. Le roi continue de leur faire parvenir des fonds, au détriment d’ailleurs
de ce qui avait été promis à la république florentine, une alliée pourtant précieuse pour
« flanquer » l’armée de Saint-Pol en Italie du Nord. Mais l’effort - un envoi de 20 000 écus
quand Renzo da Ceri en réclame 80 000 - est assez limité, presque symbolique. A-t-il en
fait une réelle importance militaire169 ? En fait la monarchie semble alors un peu dans le
brouillard sur ses objectifs italiens : un envoi de 94 000 lt, au printemps 1529, est à
58
3. D’autres guerres ?
a. La marine
67 Les dépenses pour la flotte connaissent une croissance spectaculaire sous François I er. Il
semble qu’après des efforts importants sous Charles VIII et Louis XII, le domaine maritime
ait d’abord été un peu négligé, malgré les projets havrais174. Jusqu’en 1528, le soutien de la
flotte d’Andréa Doria permet au royaume de limiter son engagement. Classiquement, on
assure en premier lieu le financement des « mercenaires » (il faudrait plutôt ici parler
d’alliés) avant celui des navires français. Dans une lettre au roi, le chancelier indique que
les galères « de messire André Dorye estoient appoinctées argent contant » alors que « les
autres » doivent se contenter d’une assignation sur le receveur de Poitou175. La rupture
avec Doria oblige à un effort maritime plus sérieux. Pour les années pour lesquelles des
données sont disponibles (1532-33, 1535, 1537, 1539), les dépenses dépassent toujours
200 000 lt, le maximum connu étant de 324 000 lt en 1535176. La flotte du Levant dispose
essentiellement de galères, mais celles-ci sont présentes aussi sur l’océan, du côté du
Ponant. Une galère est beaucoup plus coûteuse à entretenir qu’une nef. L’Arbalétrière,
galère du sieur de Bonnebault, revient trois fois plus cher (900 lt/mois) en 1537 que la nef
La Grande Maistresse en 1531-1532 (300 lt/mois)177.
59
68 Mais ces frais sont bien modestes comparés à ceux que requiert la mise sur pied d’une
imposante opération maritime. En 1545, l’Angleterre fait l’objet de deux attaques par mer,
l’une via l’Ecosse et l’autre sur ses côtes méridionales. La flotte de Méditerranée elle-
même est mise à contribution pour l’opération : une partie de ses navires passe sur
l’océan. L’ensemble des dépenses de la marine bondit cette année-là à près de deux
millions de lt 178. Dès 1546, elles reviennent à un niveau plus raisonnable : 410 907 lt.
Néanmoins, le chemin parcouru depuis 1515 est impressionnant. C’est une charge
militaire supplémentaire pour le trésor, mais elle reste d’importance encore limitée : 1545
mis à part, la dépense annuelle en période de guerre équivaut à un petit mois
d’Extraordinaire. En période de paix en revanche, cela devient un poste non négligeable.
L’impossibilité d’improviser une flotte oblige en effet à assurer une maintenance
permanente si l’on veut jouer un rôle sur mer.
b. La fortification
69 Dans ce domaine aussi, le règne de François Ier marque une étape importante. Certes,
l’existence des places fortes est ancienne et l’implication du pouvoir royal dans leur
entretien aussi. Mais, traditionnellement, la tâche principale revenait aux autorités
locales, comme lors du grand mouvement de fortification urbaine qui débute au milieu du
XIVe siècle179. Il est vrai que l’évolution des techniques de construction accroît la nécessité
d’une intervention royale180. Au début du règne, il est difficile de dégager l’ampleur de
l’effort financier de la monarchie car les frais des réparations et fortifications sont
souvent confondus au sein de l’Extraordinaire des guerres. On peut néanmoins repérer
des levées spécifiques181. Entre 1529 et 1533, pour la Bourgogne, subsiste la trace de
42 770 lt de frais182. Si en 1532 cette province est seule à figurer à ce titre parmi les
dépenses de l’Épargne (pour 10 000 lt), l’année suivante elle est rejointe par la Picardie, la
Champagne et la Guyenne et l’ensemble atteint 54 600 lt 183. Cet effort est sans doute à
mettre en lien avec une levée sur les villes, renouvelée d’ailleurs en 153 5184. A partir de la
fin des années trente, le pouvoir royal engage des frais considérables dans ce secteur,
parallèlement à l’Angleterre d’ailleurs185. Il est prévu de lever quatre millions de lt pour
les places frontières (et les galères)186. L’effort est surtout important à l’extrême fin du
règne. Est-ce à cause de l’invasion anglo-impériale de 1544 ? Il semble que le roi cherche à
assurer une relative fermeture des frontières : « La préoccupation d’une barrière de fer
ceinturant le royaume est bien présente chez François Ier » croit pouvoir affirmer un
spécialiste de la fortification187. La formule est peut-être discutable, mais la mobilisation
financière est en revanche incontestable. En 1545-1546, les « réparations » (qui
comprennent tous les travaux de fortifications) mentionnées dans le manuscrit français
17329 atteignent 706 000 lt, et ce sans le Piémont de 1545 et sans le Sud du royaume, de la
Guyenne au Dauphiné, pour les deux années. 11 est vrai que l’effort principal se porte
dorénavant vers le Nord-Est, alors que les provinces méridionales et la Bourgogne étaient
les mieux loties vingt ans plus tôt. Malgré tout, le montant total des dépenses doit être
proche du million de livres pour 1545-1546. L’ambassadeur vénitien Cavalli évoque en
1546 les frais des fortifications « de nouvelle date » et parle de 250 000 écus par an
(562 500 lt), soit un ordre de grandeur comparable188. L’essor parallèle du poste un peu
énigma-tique des « deniers payés par ordonnance » n’a sans doute pas d’autre origine189.
70 L’investissement de la monarchie est sans doute à lier, au-delà de la conjoncture de
l’après-Crépy, à la fois à une entreprise de modernisation des systèmes fortifiés et à
l’essor de l’État en tant que maître d’œuvre de la protection de tous : au-dessus des enjeux
60
des fortifications locales, propres à une cité, il intervient désormais pour penser et
réaliser un aménagement global des frontières, ce qui se traduit par la mise sur pied d’un
véritable système de « péréquation » financière (B. Chevalier) entre les villes du royaume.
71 La fortification offre l’intérêt de constituer une dépense militaire alternative. En effet elle
peut, si elle est efficace, « remplacer » une armée pour la mise en défense d’une province.
Aménager aujourd’hui des remparts, c’est économiser sur les dépenses militaires de
demain. C’est sans doute ce que veut exprimer Montmorency quand, à propos des
fortifications de Saint-Pol auxquelles on travaille en 1537, il affirme : « En y despendant
de présent dix mil frans cela en espargnera (au roi) plus de cinquante mil »190. En un
temps où les guerres sont fréquentes, de même que les périodes et les secteurs où domine
la paix armée, la fortification n’est-elle pas un moyen relativement bon marché - les
investissements une fois faits - de se tenir sur ses gardes « pour éviter aux entreprinses »
191 ? Mais une place forte implique une garnison qu’il faut solder et nourrir…
4. L’approvisionnement
72 « Il ne suffit pas avoir des villes et murailles fortes si n’est pourveu de vivres pour les gens
de guerre qui seront dedans »192. Ces propos d’un commissaire aux vivres invitent à
observer comment la monarchie assure le ravitaillement de ses soldats193. Même si les
troupes bénéficient de prix taxés pour certains achats, l’absence d’organisation devrait
être la règle en temps de paix et dans les garnisons, et ce d’après des textes dont
l’abondance incite cependant à supposer de nombreuses difficultés pratiques194. En
théorie, les soldats doivent avec leur solde acheter sur les marchés les vivres nécessaires à
leur subsistance. Les municipalités sont invitées à veiller au bon approvisionnement de
ces marchés195. Voici des gens de pied en garnison en Languedoc dont le paiement tarde.
Or ils « n’ont moyen d’y vivre s’ilz n’achap-tent à l’argent comptant ce qui leur est
nécessaire », d’où l’inquiétude du lieutenant général de la province196. Lorsqu’en 1537
Langey parvient à faire rentrer des fonds dans Turin pour les hommes de la garnison,
« les païsans des environs, sentans l’argent arrivé, leur portèrent grand refreschissement
de vivres, ce qu’ilz ne faisoient devant que l’argent y fust »197. Les chefs militaires sont eux
aussi obligés de se soucier du problème, qu’il s’agisse de capitaines de galères indemnisés
pour des pertes subies lors d’achats de nourriture ou du comte de Saint-Pol qui semble
avoir marchandé en personne des vivres pour son armée198.
73 Ce dernier cas est en fait différent car il s’agit de troupes en campagne. L’implication de
l’administration monarchique est alors beaucoup plus directe : l’intendance doit en effet
suivre199. Depuis le règne de Louis XI, les contributions, volontaires ou obligatoires, de
larges portions du territoire sont la règle200. Les réquisitions dans les provinces ont lieu
chaque fois que cela est nécessaire. En mai 1543, l’élection d’Orléans doit ainsi fournir
soixante-dix muids de froment, cent de vin et soixante-dix d’avoine par semaine, que des
convois eux-mêmes réquisitionnés emportent jusqu’à Saint-Quentin. A Dijon, le bailli est
chargé de lever deux cent cinquante muids de vin, dix bœufs et cinq cents moutons dans
sa circonscription201. En décembre, les habitants du diocèse de Narbonne se voient refuser
l’exemption de fournissement de 3 768 setiers de blé qu’ils avaient sollicitée : le grand
Sud-Est (Bourgogne incluse) doit alors fournir quarante-cinq mille charges de blé à
Marseille202. Il s’agit d’alimenter l’armée de mer des côtes de Provence et c’est l’année de
l’hivernage des Turcs à Toulon. Les communautés locales désignent des responsables
comme ce David Chambellan, écuyer,
61
« esleu, commis et depputté par les procureurs des villes et paroisses de í’eslection
de Paris [tant] à tenir le compte et faire le paiement des fraiz et despences de la
munition du pain [et] farines que pour faire les achaptz et amatz des bledz
nécessaires et aultres choses qui en deppen-dent pour la fourniture ordonnée (…)
des camps et armées du Roy estans en l’année mil cinq cens quarente troys en ses
pays de Picardye et Champaigne »203.
74 Ces réquisitions sont normalement remboursées. Elles sont assimilables à des emprunts
forcés : le Dauphiné, qui devait fournir des vivres pour l’armée de mer de 1543-1544 est
ainsi autorisé à remplacer cette contribution par un prêt de 20 000 lt 204. Mais il n’est
cependant pas rare que villes et provinces supportent des pertes en ce domaine205.
75 Le personnel royal, en particulier les responsables financiers, joue un rôle actif dans le
rassemblement de ces imposantes quantités de nourriture et ce avec ou sans le titre de
commissaire aux vivres, titre de plus en plus fréquent il est vrai à partir de 1537. La
Trémoille qui met sur pied le ravitaillement des villes de Bourgogne demande ainsi « que
le Roy envoyé à Lyon, à Mascón, à Tornuz et à Chalón ung homme de finances pour nous
faire amener yci cens pipes de vin »206. Une bonne organisation implique la mise sur pied
de magasins ou « étapes » sur les trajets que doivent suivre les armées. Tournon en mai
1537 est ainsi chargé d’en établir entre Lyon et le Piémont, tâche qu’il juge difficile, à
cause de la pauvreté du Dauphiné et de la Savoie207.
76 La procédure la plus fréquente est alors le recours aux marchands. Il arrive que
réquisition et marchés négociés entrent en concurrence comme à Bayonne où les
responsables locaux qui « ont faict marchez avecques aucungs marchans de ce quartier »
sont rappelés à l’ordre par le Conseil royal qui a « advisé y pourvoir d’ailleurs, des
seneschaucées et bailliages prouchains » de la ville, très certainement selon le procédé
décrit plus haut. En règle générale l’administration se contente du rôle d’intermédiaire et
de transporteur des vivres que les marchands revendent eux-mêmes aux troupes. Dans
des cas exceptionnels, elle doit les acheter elle-même. Ainsi en 1528, quand la situation du
marché des grains est rendue délicate par la disette et que « la soulde ne peult supporter
la cherté », « il fault que le roy ait quelque personnage qui achapte le pain au pris qu’il est
et le revende aux souldars à la tauxe qui sera advisé et que led. sgr porte la perte sur luy.
Il a autreffoiz fait ainsi »208.
77 Qui sont les marchands qui s’impliquent dans ce fournissement ? Sans vouloir - ni pouvoir
- mener ici une enquête approfondie, il est néanmoins nécessaire de les évoquer. Les
marchands locaux assurant au coup par coup les besoins des troupes n’ont pas à nous
retenir. Mais il est au-dessus d’eux une catégorie supérieure, qui passe des marchés de
plusieurs milliers de livres. Pierre Durant et Jean Archier, marchands marseillais,
réclament en 1538 5 666 lt pour reste de fourniture aux marins du port. Jean Roussart,
Henri de la Vigne, et autres marchands de Langres et Vignory (Haute-Marne) sont
assignés pour 3 000 lt en Languedoc en 1544209. Il existe des fournisseurs réguliers de très
grande envergure que l’on peut considérer comme de véritables munitionnaires. Le mot,
qui se rattache aux « munitions », réserves constituées dans les villes, existe d’ailleurs
déjà : Balthazard de Lobye, Balthazard de la Chayne et Loys Grana, qui reçoivent 2 800
écus d’avances à l’automne 1537, sont désignés comme « marchants municionnier de
pain » dans le Sud-Est210. Pierre du Solier fournit de la viande aussi bien en Piémont en
1536 qu’en Champagne en 1544211. Urbain Pelloquin (ou Ploquin), qui approvisionne lui
aussi le camp champenois de 1544, est munitionnaire d’Ardres en 1558 212. Jacques Favier
est la cheville ouvrière de la fourniture aux places du Nord dans les années vingt : le
8 décembre 1522, il passe un marché pour alimenter pendant dix ans en vivres et
62
a. L’Ordinaire
79 Le poids essentiel est évidemment ici celui des compagnies d’ordonnance. Mais il faut y
inclure d’autres débours. Les mortes payes en premier lieu, qui représentent une charge
relativement stable. A partir de données portant sur une demi-douzaine d’années, on
obtient une fourchette allant de 40 000 à 85 000 lt. Trois années « reconstituées » sur cinq
fournissent un chiffre équivalent qui se situe autour de 74 000 lt et recoupe ceux des
prévisions de 1518 et 1523, respectivement 79 000 et 75 800 lt 219. Plus stable et plus réduit
encore est l’ordinaire de l’artillerie, avec ses 28 000 à 36 000 lt de dépenses annuelles 220.
80 Une mise au point sur la charge que représentent les gendarmes bute d’abord sur une
grosse lacune de dix ans qui correspond à la disparition des trésoriers des guerres. Pour
cette période « n’ont peu estre trouvez si promp-tement lesd. comptes, parquoy n’a peu
estre veriffié combien de lances et hommes d’armes ont esté paiez par chacune année ».
Pour le reste du règne, le nombre des lances est connu. Il a fallu se risquer, pour estimer
la valeur de cette unité, à des calculs un peu hasardeux. Par chance, les données
rassemblées sont cohérentes et permettent sans trop d’états d’âme de proposer un chiffre
de 94-95 lt par quartier jusqu’en 1533 et 111 à 113 lt progressivement ensuite221. Si l’on
applique, à titre expérimental, ce calcul d’ensemble à une unité précise, les résultats sont
un peu différents : dans la compagnie du seigneur de Bonneval, en partant des sommes
qui lui sont allouées, la lance « vaut » au deuxième quartier de 1535 105 1. 5 st, au
quatrième de 1537 et au premier de 1538 98 1. 1 st et au deuxième de 1538 99 1. 12 st 222.
Comment expliquer la disparité avec les 111 lt théoriques ? Tout d’abord, par la non-prise
en compte de frais généraux (prévôté, peut-être commissaires et contrôleurs des
63
guerres), mais surtout sans doute par l’incomplétude de la compagnie : mes calculs se
fondent sur son effectif théorique (40 puis 50 lances), mais qu’en est-il de son effectif
réel ? Notre source est muette là-dessus.
81 Il est malgré tout possible d’avancer des chiffres globaux, avec une marge d’erreur
réduite. Jusqu’en 1533, on dispose apparemment de totalisations de lances pour les
quartiers effectivement payés. On obtient alors le graphique suivant par année (en lt) :
Dépenses de l’Ordinaire
82 Je ne suis pas entièrement convaincu que les « lances » comptabilisées à partir de 1543,
avec leur belle stabilité annuelle bien éloignée de la période antérieure où les variations
entre les quartiers sont considérables, aient exactement la même signification comptable
que pour l’avant 1533. D’autant que la structure interne de la lance a évolué223. En s’en
tenant aux effectifs théoriques, on aboutit aux chiffres suivants (en lt) :
b. L’Extraordinaire
84 Les données sur l’Extraordinaire des guerres du manuscrit français 4523 (f° 49-51) 224
posent aussi de sérieux problèmes. Il n’y a pas de difficultés majeures pour les premières
années ou l’après 1528, mais les années vingt, cruciales à bien des égards, sont d’un
maniement délicat. Les chiffres disponibles correspondent, non à des années comptables,
mais à des totalisations liées aux dates d’exercice des responsables successifs du poste. La
solution est alors d’avoir recours aux moyennes mensuelles pour visualiser l’évolution
(en lt)225 :
64
85 Comment compenser l’absence de chiffres pour les comptes de Jehan Prévost (février
1522-janvier 1524) et pour l’essentiel de ceux de Gaillard Spifame (juin 1525-juillet 1528 ;
nous ne disposons que de 1525) ? Pour Spifame, on sait qu’il a reçu, en 1528, 1 255 820 lt
de l’Épargne ce qui, avec l’apport de la caisse des Parties casuelles, représente près de
1,4 million en sept mois (moyenne mensuelle : un peu moins de 200 000 lt) 226. Les héritiers
de Spifame affirment lors de son procès qu’il a brassé plus de sept millions de lt en tant
que commis à l’Extraordinaire des guerres227. Mais cela vise à obtenir des
remboursements de frais, indexés sur la quantité d’argent maniée, aussi ce montant
risque-t-il d’être exagéré. On obtient en effet une moyenne mensuelle de 190 000 lt sur 37
mois, ce qui paraît excessif car la deuxième moitié de 1525, l’année 1526 et même le début
de 1527 correspondent à une phase de moindre activité militaire228. Un ordre de grandeur
de cinq millions (1,4 en 1528, 2 en 1527 et le reste pour la période antérieure) semble plus
raisonnable229. Pour l’exercice Prévost, si les chiffres ponctuels abondent, une estimation
d’ensemble est encore plus fragile. Ici, l’Etat général de 1523 ne peut être d’aucun secours.
Pour la très difficile année 1521 (« alourdie » par deux hivers moins coûteux) la moyenne
mensuelle est de 300 000 lt alors que pour 1524-1525, y compris les mois qui suivent Pavie,
où les dépenses reculent à coup sûr nettement, elle atteint 250 000 lt. Il est donc
raisonnable de retenir un ordre de grandeur un peu inférieur, l’activité militaire
connaissant un certain tassement entre le printemps 1522 et l’automne 1523. À 200 000 lt
par mois sur 23 mois, cela donne 4,6 millions de lt pour combler la lacune documentaire.
86 Pour finir, après cette série de mises au point partielles, il faut se résoudre à risquer des
évaluations globales pour les cinq périodes de conflits. Seules leurs limites
chronologiques sont un peu modifiées, en l’occurrence étendues, non pas tant pour
permettre une utilisation plus aisée des données que pour prendre en compte les périodes
de paix armée qui enveloppent les phases d’opérations actives. Pour chaque ensemble, j’ai
donc additionné Ordinaire et Extraordinaire des guerres, marine et artillerie, en
procédant par estimation chaque fois que les chiffres manquaient.
65
Même si le fardeau est déjà lourd, la rupture dans l’ampleur des dépenses se produit
seulement sous Henri II quand, à partir de 1552, celles-ci atteignent puis dépassent le
million de lt par mois234. A ce stade, en dépit de la solidité financière du royaume, la
banqueroute n’est plus très loin.
92 Il est vrai que, même en période de paix, les dépenses militaires se sont bien alourdies. Un
document non daté, très probablement de la deuxième moitié de 1547, nous fournit les
chiffres pour un mois d’Extraordinaire235. Ils se montent à 236 000 lt. Or, à l’exception
d’une expédition en Ecosse, présente ici pour quelques 51 000 lt, le royaume est en paix.
L’entretien des garnisons du Nord-Est et du Piémont n’en représente pas moins 180 000 lt
par mois, soit en sus de l’Ordinaire et de la marine, deux millions de lt par an. Les années
1531-1534 avec leur Extraordinaire symbolique sont loin ! Le retour en est rendu
impossible par l’occupation du Piémont et l’essor des places fortes.
93 Le coût de la sécurité augmente donc sensiblement à partir du règne de François I er, ce
qui accroît l’impact financier - et donc politique - de la monarchie sur la société française
236. Lourd en temps de paix, le fardeau l’est encore plus lors des guerres. S’il est aisé de
lever des troupes, leur maintien en campagne est beaucoup plus problématique237. Les
stratèges sont alors confrontés en permanence à une délicate alternative. Soit on décide
d’utiliser rapidement les troupes levées, car elles coûtent fort cher : il faut agir, refuser
les trêves « que nous ne pouvons goûter, attendu la dépense où le Roi est »238, et chercher
la confrontation. On se heurte ici à un obstacle d’un autre genre : la bataille fait peur, car
elle est trop risquée, comme en témoigne, exemple ressassé, l’épisode de Monluc au
Conseil qui précède Cérisoles. On ne s’y résout que poussé par la nécessité : c’est le risque
de dislocation de l’armée impériale qui convainc, début 1525, ses chefs de chercher le
contact239. Soit on décide de faire durer le plus possible, avec l’espoir plus ou moins
exprimé que l’armée de l’adversaire, faute de vivres et d’argent, finira par se dissoudre la
première. C’est, à la veille de la bataille de Pavie, le projet de ceux qui, dans le camp
français, veulent se retirer dans Milan. Ils affirment que « l’armée impérialle se
consommeroit par faulte de payement car, faillant la paye, les vivres faillent »240. D’où
l’importance des places fortes dans cette guerre d’usure où la figure du siège, de Mézières
à Metz, prend tout son sens. Mais, bataille ou guerre d’usure, le vainqueur n’est jamais en
mesure d’exploiter pleinement son succès, le cas de l’après-Pavie étant ici le plus net. Et
ce en particulier pour des raisons financières. La place est nette alors pour la diplomatie.
A. Négocier
1. Les ambassades
95 Pour mener une diplomatie active, il est nécessaire d’entretenir un personnel abondant et
compétent, qu’il faut fournir d’argent pour lui permettre d’une part d’assurer ses tâches
de représentation et d’autre part d’atteindre ses objectifs. La Renaissance correspond à la
diffusion en Europe, à la suite de l’Italie, du statut d’ambassadeur permanent ou quasi
permanent. Louis XII se fait ainsi représenter à Rome et Venise, en Espagne et aux Pays-
Bas241. Sous François Ier, le cas le mieux étudié est celui de l’installation en Suisse autour
de 1521 d’un résident basé à Soleure242. La stabilisation des relations entre la monarchie
française et les Cantons ainsi que l’étroitesse des liens financiers imposent une attention
constante aux dossiers et une présence régulière aux diètes. Celle-ci est d’ailleurs parfois
assurée par un ambassadeur spécifique, l’existence d’un agent fixe ne faisant pas
disparaître la pratique des ambassades extraordinaires243. Le coût d’une représentation
diplomatique permanente est difficile à évaluer. En Suisse, il dépasse certainement les
400 lt mensuelles qui constituent les gages du résident en 1538244. Pour l’ambassade de
Rome, un justificatif de dépense portant sur le premier trimestre de 1537 atteint 6 300 lt,
ce qui ferait plus de 25 000 lt pour l’année245. Malgré l’importance de leurs fonctions, les
diplomates sont parfois jugés trop gourmands. L’ambassadeur de Selve qui accompagne le
pape à l’entrevue de Nice dépense 50 lt par jour quand l’objectif royal est de limiter à 20 lt
ses débours quotidiens246. Entre l’agent diplomatique et ses fonds, la course est
permanente : voici Saint-Blancard en route vers Constantinople, auquel Tournon tente
avec difficulté de faire suivre une partie de son assignation : avant même d’avoir
commencé sa mission, Saint-Blancard a déjà des problèmes d’argent247…
96 Le poste de dépense intitulé « voyages, ambassades, chevauchées et messageries » connaît
une telle croissance dans le manuscrit français 17329 (f° 92) qu’elle peut paraître sujette à
caution : de 10 000 lt en 1515 et 15 000 en 1516, on monte jusqu’à 192 000 en 1545 et
368 000 en 1546, après une étape au milieu du règne à 34 500 en 1530 et 49 000 en 1531.
Les 35 000 lt assignées sur l’Épargne en 1528 et l’estimation vénitienne de 70 000 lt pour
1537 s’inscrivent certes dans cette courbe ascensionnelle248, mais le terme semble très
élevé. D’autant qu’une autre série qui nous fournit le montant des ambassades, voyages et
chevauchées sous Henri II se tient dans une fourchette étroite : 143 000 lt (1550) à
175 000 lt (1549)249. Il est vrai que l’hétérogénéité des sources et le caractère composite du
poste concerné interdisent un jugement définitif. Il me semble possible que les écarts
proviennent de l’intégration ou non de certains dons à finalité diplomatique, comme ceux
qui sont destinés aux ambassadeurs étrangers. Le 23 novembre 1541, « Guillaume Har-
nard » ambassadeur d’Henri VIII qui regagne son pays, reçoit ainsi du roi de France 1 000
écus « afin qu’il se rescente de sa libéralité et que, à son retour aud. pays d’Angleterre, il
soit plus inclin à l’entretenement de l’amytyé et alliance » entre les deux rois250. Toute
politique pacifique passe par le vieux système du don et du contre-don, avec ce que cela
suppose de dépenses somptuaires.
2. Les entrevues
97 Les rencontres au sommet entre souverains constituent évidemment la plus éclatante des
occasions pour une telle politique. Ici, il n’est plus question de regarder à la dépense.
L’amélioration des relations avec Charles Quint, après le chassé-croisé de Nice, se traduit
68
99 On peut sans doute en dire autant de cette opération exceptionnelle qu’est la candidature
de François Ier à l’élection impériale. Elle informe toute l’activité diplomatique des années
1517-1519. Seuls les aspects financiers nous retiendront ici258. Au plus fort de la
campagne, au printemps 1519, les envoyés français en Allemagne auraient reçu 407 000
écus259. Tout le problème est de savoir si et comment cet argent a été dépensé. Je me
contenterai d’insister sur certains aspects moins souvent mis en avant. Tout d’abord, il
existe à partir de 1516 une véritable diplomatie des pensions à destination de l’Allemagne
260
. Le montant exceptionnel atteint par ce poste de dépense en 1517 et surtout en 1518
n’est sûrement pas sans rapport avec la campagne électorale, ouverte bien avant la
disparition de Maximilien. Ensuite, parallèlement aux efforts diplomatiques, François ne
néglige pas la dimension militaire : pour « donner ayde, faveur et assistance ausdicz
électeurs et rendre leurdicte élection paisible et pacifique », il a « arresté dresser et
mettre sus une armée »261. Aussi n’est-on pas surpris de voir l’Extraordinaire des guerres
doubler entre octobre 1517-septembre 1518 et octobre 1518-septembre 15 1 9262. Et on
peut se demander si une partie des 407 000 écus déjà évoqués n’était pas destinée à solder
des troupes.
100 Pensions et frais militaires ont donc dû peser sur l’État général, mais on a sans doute trop
écrit que la politique à destination des électeurs avait été très naïve, distribuant du
comptant là où Charles Quint faisait des promesses. Le roi lui aussi appâte les électeurs
avec des rentrées à venir. Il garantit aux princes allemands non seulement des dons, mais
69
aussi des pensions viagères, bien peu assurées de durer en cas d’élection de Charles 263.
Mieux encore : en septembre 1518, négociant avec quatre électeurs, il donne pouvoir à ses
ambassadeurs « de promettre faire donner, le cas avenant et le service fait, à l’archevêque de
Mayence trente mille écus et aux trois autres à chacun dix mille écus et huit cens écus de
pension »264. Il est clair que le gouvernement royal tient à prendre un minimum de
précautions… On retrouve cette insistance sur les promesses au début de 1519265. Ce n’est
que peu avant le scrutin que Barrillon se met à parler de dons, parmi les « grans frais
pour le faict dudit empire », qui incluent les « voiages des ambassadeurs » et d’« aultres
fraiz nécessaires » concernant peut-être les initiatives militaires266. C’est un dernier
effort, tardif et maladroit, brouillon sans doute parce que presque désespéré. Après le
scrutin, le roi est « desplaisant et non sans cause car, à la poursuicte, avoit faict grandes
despences »267. Malgré cela, l’assertion selon laquelle François Ier était prêt à dépenser un
an de revenus pour voir la couronne impériale sur sa tête ou sur celle d’un ami peut
aisément relever de l’intoxication, procédé classique en pareille circonstance268. Sans
doute le roi s’est-il pleinement engagé en cette affaire mais, en définitive, la vision
caricaturale trop souvent répandue de son action doit être nuancée. Même s’il n’était pas
pour Charles un rival aussi dangereux qu’on le dit parfois, son intervention a au moins
contribué à faire monter les enchères parmi les électeurs et elle a obligé Charles à apurer
au prix fort le contentieux financier accumulé au temps de Maximilien269. C’est un bon
moyen pour handicaper financièrement l’empereur nouvellement élu durant quelque
temps.
101 Outre des tentatives ponctuelles - telle la campagne pour l’Empire - pour constituer un
réseau de soutien international, le règne de François Ier est marqué par un investissement
massif, au sens financier du terme, dans une politique d’alliances stables. La réussite la
plus spectaculaire est sans aucun doute la « Paix perpétuelle » avec les Cantons suisses.
Pourtant, en 1515, ceux-ci sont au premier rang des adversaires de la France. Mais
l’exploitation diplomatique exemplaire qui suit la campagne de Marignan permet de
liquider l’essentiel du contentieux. Si l’accord de Gallarate/Galleras, à la veille de la
bataille, est resté lettre morte, un premier traité avec huit cantons est conclu à la fin de
1515. Après une année entière de tractations délicates, un traité définitif avec les treize
Cantons est signé à Fribourg le 29 novembre 1516. Il coûte au Trésor royal la coquette
somme d’un million d’écus : 300 000 pour indemniser les Suisses de leur campagne de
1515, autant pour la restitution de places qu’ils tiennent en Valteline et 400 000 pour les
frais de l’expédition bourguignonne de 1513 qui avait abouti au siège de Dijon. En fait, sur
cette dernière somme, la moitié a déjà été versée en janvier 1516270. Sans connaître
parfaitement le détail des paiements, on a la quasi-certitude qu’ils sont effectués assez
rapidement. En mars puis en octobre 1517, les Suisses passent quittance pour 200 000
écus ; en juin-juillet 1518, il n’est plus question que de 325 000 lt à fournir, soit un sixième
du total271. La « Paix perpétuelle » établit aussi un système de pensions. Ce n’est pas la
première fois que la monarchie française a recours à ce procédé. Louis XI et surtout Louis
XII avec le traité du 14 mars 1499 ont montré la voie272. Les pensions fixées en 1516 sont
d’ailleurs réévaluées en 1521. Certains cantons bénéficient, pour des raisons politiques ou
financières, d’un traitement de faveur273. Aux pensions générales, il faut ajouter celles qui
70
militaires288. Rien ne permet d’affirmer qu’une partie de ces soldes transite par la
trésorerie des Ligues, mais la confusion de ce poste avec celui de l’Extraordinaire des
guerres sous un même titulaire comme dans le cas de Jehan Prévost en 1522-1524 ne
facilite pas les choses.
105 Les récriminations françaises sont nombreuses au sujet des exigences financières des
Cantons. Les Suisses « ne sont pas honteux à demander » constate Barrillon en 1516. Ils
demandent tant d’argent et sont si peu raisonnables qu’il est quasi impossible de les
satisfaire, affirme Montmorency en 1521289. D’où une réputation solidement établie de
rapacité : les Suisses, juge Duprat, ne feront pas de difficulté à être payés malgré un
pouvoir non cacheté, « d’autant que, quant il est question de prendre argent, ne
regardent s’il y a pouvoir pour le bailler »290. Pour autant, on essaie de les satisfaire du
mieux possible car ils demeurent des alliés précieux. La charge financière qu’ils
constituent est le plus souvent présentée comme une « partie forcée »291 et le paiement
des Suisses conditionne largement la conservation des possessions italiennes.
106 La dépendance française vis-à-vis des Cantons paraît donc nette. Mais il me semble que
l’on peut mener une analyse du même ordre dans l’autre sens. L’alliance française si
profitable aux Suisses devient vitale pour le bon fonctionnement socio-économique du
pays. Le « contrat de travail collectif », pour reprendre une expression de Martin Körner
(p. 409), que constitue l’institutionnalisation du mercenariat suisse est une bouffée
d’oxygène en un temps de surpeuplement relatif et de difficultés alimentaires croissantes.
A l’exportation des hommes correspond la rentrée des fonds, même si les bénéficiaires
principaux ne sont évidemment pas les obscurs piquiers et hallebardiers qui servent
François Ier. Il faudrait certes affiner les données, car les cantons catholiques sont plus
dépendants que ceux qui sont passés à la Réforme, et la Suisse centrale « qui pratiquait la
quasi « monoculture » du service étranger », plus impliquée que Zurich292. L’existence
d’un parti français dans nombre de cantons n’a donc rien d’étonnant. On les retrouvera
prêtant au roi car, au rebours de l’adage, il est parfois possible d’avoir et l’argent et les
Suisses. D’ailleurs l’ambassadeur impérial constate en 1533 que les créances suisses sur le
roi de France sont pour ce dernier un excellent moyen de retenir les Cantons dans son
alliance car un changement de camp entraînerait un trop lourd manque à gagner293.
Aussi, à partir de la fin des années vingt, si en plusieurs occasions d’autres urgences
obtiennent la priorité sur les paiements suisses, c’est que la dépendance financière des
Cantons permet ce procédé294. Mais, à terme, François Ier règle effectivement ses arriérés
et apparaît comme un bon débiteur. Ainsi, pour certains cantons qui n’équilibrent leur
budget que grâce aux subventions royales, le terme d’Etat-client n’est peut-être pas trop
fort.
107 L’argent destiné au roi d’Angleterre se situe dans un contexte politique très différent. Les
travaux de Charles Giry-Deloison constituent une mise au point solide sur ce dossier et je
me contenterai de reprendre ses conclusions295. Le versement de pensions est une
constante depuis le traité de Picquigny. Toute une série d’accords qui visent à la fois à
apurer les créances accumulées du souverain anglais et à mettre au point de nouveaux
prélèvements sont signés au long du règne de François Ier en 1518, 1525, 1527, 1529, 1530
et, pour finir, en 1546. Outre les pensions, qui forment l’essentiel, certains traités incluent
le rachat par la France de places prises par les Anglais, Tournai en 1518 et Boulogne en
1546. Cette politique de versements importants n’est rendue possible évidemment que
72
par l’existence de longues périodes de paix entre les deux royaumes. Charles Giry-
Deloison, après une minutieuse étude, évalue l’ensemble des versements destinés à Henri
VIII au cours du règne de François Ier à 1 784 643 écus. Mais ce chiffre, dans sa précision,
ne doit cependant pas faire illusion : les dépenses françaises vont au-delà de ce qui est
versé au monarque anglais. Il faut y ajouter tout d’abord les frais d’achat d’écus, de
transport et de gestion. Or, comme l’affirme Charles Giry-Deloison, « il est impossible,
compte tenu de la documentation lacunaire dont nous disposons, de chiffrer ces dépenses
supplémentaires (…) mais il est certain qu’elles s’élevèrent à plusieurs centaines de
milliers de livres ». Et il faut encore tenir compte du remboursement de la dot de la reine
Mary et des pensions versées à des Anglais influents, au premier rang desquels figure
Wolsey. Ce dernier poste représente pour le règne 232 235 écus pour 22 pensionnaires.
L’ensemble des dépenses dépasse donc nettement les deux millions d’ècus soit, sans
s’embarrasser trop avant dans les conversions monétaires, quelque quatre millions de lt
au moins. Le souverain anglais et ses proches s’y entendent donc fort bien pour faire
fructifier leur politique internationale…
108 Bien d’autres États entretiennent avec la France des relations diplomatiques qui se
traduisent par des ponctions financières. Certains, comme l’Ecosse, sont des alliés de
longue date. L’existence de relations étroites entre les deux pays entraîne toute une série
de dépenses, guerrières ou pacifiques. Le soutien militaire se manifeste par l’envoi
d’armes (huit mille piques en 1522) ou de contingents de soldats (en 1523, en 1545) 296.
L’entente politique est symbolisée par le mariage, le 1er janvier 1537, du roi d’Ecosse avec
Madeleine, fille de François Ier. La mise au point de la dot, les frais du séjour en France de
Jacques V, l’équipement des navires qui escortent la nouvelle reine vers son royaume,
tout cela coûte cher297. Et pour un maigre profit diplomatique car Madeleine meurt au
bout de quelques mois.
109 Tout autre est le contexte italien, où la diplomatie française joue sa partie sur un
échiquier politique particulièrement complexe. Il est une époque privilégiée pour
observer comment les subsides aux alliés relaient l’activité militaire directe : c’est celle
des débuts de la ligue de Cognac. Dès juin 1525, la Régente promet 40 000 écus de soutien
mensuel pour Venise et le pape s’ils acceptent de se déclarer contre Charles Quint 298. On
retrouve dans l’accord de Cognac (22 mai 1526) ce subside qui devra permettre de lever
des troupes suisses. La correspondance du temps fourmille alors d’allusions aux « payes »
que François Ier est tenu de faire parvenir chaque mois en Italie299. Le roi évalue sa quote-
part mensuelle à 150 000 lt au début de 1527300. La trêve conclue entre le pape et
l’empereur impose une redéfinition des charges au sein de l’alliance (traité de Vincennes,
27 avril 1527). Bientôt l’armée française entre directement en lice. Tenu hors d’Italie
après 1529, à l’exception du Piémont, François Ier cherche à intervenir en fournissant des
fonds aux ennemis de l’empereur et de ses fidèles, en particulier aux fuorusciti florentins.
En 1537 est prise la décision de fournir 20 000 écus à Filippo Strozzi301. L’année suivante,
le soutien de la France à l’entreprise menée contre Cosme de Médi-cis coûte au Trésor
7 914 écus, suivant un compte qui est peut-être partiel302. Pour ces opérations, le relais de
la place lyonnaise s’impose : en 1544 un agent des Médicis constate que Piero Strozzi est
remboursé à Lyon de la majeure partie des fonds qu’il a investis dans la levée d’une petite
armée303.
73
est dotée de 292 500 lt 312. Ainsi les alliés italiens, ici le pape, peuvent-ils parfois alimenter
les caisses. Autre allié (aux deux sens du terme), Alphonse d’Esté, qui contribue à la fin de
1527 au financement de l’armée de Lautrec, pour la modeste somme de 6 000 ducats par
mois313. Mais l’argent a, en ce sens aussi, du mal à parvenir à ses destinataires. Alors que
Lautrec est devant Naples, Venise a accumulé 60 000 ducats d’arriérés sur sa quote-part
arrêtée lors de la signature du traité de Cognac314. Henri VIII lui-même met à l’époque la
main au gousset pour épauler son allié français, comme le stipulent les divers traités
conclus en 1527. L’effort global atteint 407 910 écus. Cependant, comme il s’agit pour une
part de remises de pensions, les versements effectifs du souverain anglais en 1527-1528 ne
se montent qu’à 168 438 écus315.
C. Problèmes financiers
1. Le prix de la paix : la rançon de François Ier
113 La rançon imposée au roi de France par la paix des Dames est une charge exceptionnelle
par son ampleur316. Elle n’a cependant pas eu l’importance fiscale de celle qui fut payée
après la capture de Jean le Bon. Prix de la paix, cette énorme somme est paradoxalement
une conquête diplomatique française qui vise à compenser l’abandon de ses prétentions
bourguignonnes par Charles Quint. En effet, si l’usage de la rançon reste une pratique
74
courante au XVIe siècle, pour François Ier capturé à Pavie, l’empereur en exclut d’abord la
possibilité. Le traité de Madrid n’y fait pas allusion. Il faut de longues tractations et la
reprise des hostilités pour parvenir à un accord en 1529 : le montant est fixé à deux
millions d’écus au soleil et un versement comptant de 1,2 million d’écus - que les Français
ont vainement espéré limiter à 800 000 écus - permettra seul la libération des deux fils
aînés du roi, otages en Espagne depuis 1526, et la venue en France de la nouvelle épouse
de François, sœur de Charles. Le reste de la somme, qui comprend la prise en charge par
la France des dettes impériales envers Henri VIII, sera payé progressivement 317. Deux
millions d’écus représentent alors sept tonnes d’or. Lors de l’échange, le premier juillet
1530, des sacs d’écus contre les deux princes et la reine, les 4,2 tonnes d’or fournies sont
presque équivalentes aux arrivées d’or du Nouveau Monde de la décennie 1521-1530 318. Il
s’agit, sauf erreur, du plus important transfert de fonds du temps, et de loin.
114 Il n’est pas nécessaire ici de s’étendre sur l’organisation des paiements mise en place dans
le royaume. En raison de la spécificité de la demande, tous les groupes sociaux sont
financièrement sollicités. Le versement des 1,2 million d’écus devient une véritable
obsession au printemps 1530. François Ier est prêt à céder aux exigences de dernière
minute des Impériaux et affirme à Tournon et Montmorency : « Povez estre asseurez que,
avant que dillayer icelle délivrance, ilz ne scauroient demander chose que je ne leur
accorde »319. Les divers retards ne font qu’accroître l’impatience du roi qui donne la
priorité absolue au règlement de cette somme et écrit à ses envoyés :
« Après que vous aurez le principal des douze cens mil escuz et ce que vous sera
nécessaire pour le demourant, je dresseroy mon estât sur les restes et plus valleurs
pour Suisse, Angleterre et autres plusieurs parties forcées qui sont icy à demander
argent chacun jour, à quoy n’ay voulu entendre en façon du monde quelque chose
que l’on m’ait sceu dire, jus-ques à ce que soyés satisfaictz du nécessaire » 320.
115 Mais une fois effectué ce versement, le règlement des 800 000 écus du solde grève encore
les finances royales pendant au moins trois ans. D’autant que des problèmes internes,
comme la désorganisation de la recette de Languedoïl en 1531 avec la fuite du receveur
général Sapin, empêchent de payer aussi vite que prévu321. En octobre 1533 encore, ce
sont près de 150 000 lt qui sont remises à l’empereur322. Mais lorsque Charles Quint
demande en 1532 des subsides à François Ier pour la lutte contre les Turcs, ce dernier a
beau jeu de lui répondre qu’il a l’argent de la rançon « qui luy devoit suffire »323.
116 On le devine aisément, une telle saignée de métal jaune n’est pas sans poser de sérieux
problèmes monétaires. En fait cette remarque vaut pour toute la politique des subsides et
des versements à l’étranger. En période de valorisation de l’argent, en 1515-1516, le prix
de l’or augmente dans le royaume, « preuve que la France voulait de l’or, en avait besoin
pour mille motifs »324. Parmi ceux-ci, comment ne pas penser aux exigences anglaises,
suisses ou impériales de l’heure, sans parler, bien sûr, de la guerre elle-même ? L’urgence
internationale conduit parfois à fabriquer des espèces spécifiques. Le 18 mai 1519, alors
que la campagne pour l’Empire bat son plein, on décide de frapper des écus d’or de
qualité inférieure et ce de façon momentanée : l’ordonnance royale n’est promulguée que
« pour brief temps » (juin et juillet)325. Mais cette initiative arrive bien tard…
117 Il est aussi souvent nécessaire d’accepter voire d’acheter des écus au cours marchand,
légèrement supérieur au cours officiel des espèces326. En avril 1530, lors du
rassemblement de la rançon, le roi constate que « si quelqu’un s’en trouvent, il y a gros
75
foiblage et les fault achapter bien chers »327. La monarchie, ce faisant, prend de la distance
par rapport à ses propres ordonnances, qui sanctionnent le non-respect du cours légal.
Deux témoins viennent ainsi certifier devant notaire que celui qui était commis aux
paiements anglais en 1525
« a converti grande quantité de monnoye du coing de France en escuz d’or au soleil
à quarente ung sol tournois chacun escu [cours légal : 40 st] qui est le cours et pris
auquel ilz se mectent et distribuent ordinerement à présent en cested. ville de
Paris, et le scavent parce que quant on envoyé à la boucherie ou au marché ung
escu sol., ceulx de qui on prent cher ou autre marchandise en baillent le Retour aud.
pris de XLI st »328.
118 Mais, une fois sorti du royaume, l’écu peut retrouver sa valeur légale. Deux autres
témoins attestent qu’en Suisse, ils ont toujours « veu mectre les escuz soleil pour
quarente solz tournoys seullement ; (…) durant lesd. années [1526-1529] ilz ne se
mectoient à plus hault pris », y compris « en payement pour les affaires du Roy »329. Cela
entraîne une perte pour le Trésor royal qui a dû acquérir une partie de ses écus à un cours
marchand supérieur. Mais le jeu sur les parités est parfois plus complexe encore. Dans un
acte de 1518, à une date où le cours de l’écu est déjà de 40 st, des pensions
(vraisemblablement à destination de particuliers anglais) sont acquittées sur la base du
cours légal précédent, valable jusqu’au 27 novembre 1516, soit 36 s. 3 dt l’écu. Le même
acte comprend la mention de sommes destinées au roi d’Angleterre, au cours arbitraire
de 38 st l’écu330. Celui-ci a été déterminé dans l’accord qui a conduit à ces versements, le
traité du 7 août 1514.
119 Si les dossiers suisses et anglais, balisés par des accords connus et des travaux solides,
permettent des estimations valables, l’argent déversé en Allemagne et en Italie est
beaucoup moins aisé à percevoir. « Nous avons peine à évaluer le coût de la candidature
malheureuse de François Ier à l’élection impériale de 1519 et, davantage, le prix de l’appui
donné aux princes allemands de la Ligue de Smalkalde (1529) jusqu’à la paix d’Augsbourg
(1555) »331. Peut-être un travail spécifique parviendrait-il à des résultats chiffrés,
indispensables pour saisir pleinement les enjeux de la circulation de l’« argent politique »
dans l’Europe du temps. Quel qu’en soit le montant précis, une chose est sûre : le royaume
de France fait figure de « château d’eau » financier duquel s’écoulent vers toute l’Europe
des sommes considérables. François Ier est bien conscient que la paix est coûteuse, lui qui
évoque les « premiers frais de la paix, qui ont bien équipollé à la mise d’une grosse
guerre »332. Incontestablement cette capacité de la monarchie à mobiliser beaucoup
d’écus au service de sa diplomatie a été aussi une arme de poids dans l’affrontement avec
Charles Quint. Dépense permanente, elle prend parfois une place exceptionnelle, comme
au temps de la rançon. Certaines années, en 1518 par exemple, si l’on se base sur les
données de l’État général, le coût de la diplomatie et des accords excède celui des frais de
défense (28,4 % des charges contre 24,8 %)333. Il s’agit évidemment d’une année sans
conflit, mais la paix, comme le rappelle à son tour Semblançay, « n’est pas sans grosse
somme de deniers »334.
Conclusion
120 C’est sans surprise que l’on constate le poids prépondérant que représente la politique
extérieure sous toutes ses formes dans les dépenses de la monarchie. Pour 1518, comme
on vient de le voir, elle dépasse 53 % des charges prévues, et ce pourcentage paraît
correspondre à un niveau plancher, probablement sous-évalué par la non-prise en
76
compte dans le calcul des dons et pensions dont certains concernent sans aucun doute
des étrangers. Avec en plus le problème de l’utilisation de fonds secrets, en particulier
pour la diplomatie, domaine où la transparence comptable est rare. Au cœur des guerres,
il est probable en fait que l’effort externe atteigne voire dépasse les trois-quarts des
dépenses. Le jeu permanent entre paix et guerre et donc la fréquente difficulté à
distinguer financièrement les deux aspects est renforcé par la « plasticité » de la notion
d’état de guerre. Qu’on en juge : le 15 juin 1528, une trêve est signée entre François I er,
Charles Quint et Marguerite d’Autriche, qui gouverne aux Pays-Bas. Mais… l’Italie et
l’Espagne en sont exclues. Et cependant, François Ier autorise le commerce avec l’Espagne
le 1er juillet, à la requête des États de Guyenne335… L’époque ignore la pratique de la
guerre totale. Est-ce seulement faute de moyens ? En pleine guerre, en septembre 1536,
Charles Quint continue de faire verser des fonds à la reine de France. Il est vrai qu’il s’agit
de sa sœur336. Il y a derrière cette façon de concevoir les conflits une dimension culturelle
et idéologique propre.
121 Si la guerre se paie, la paix, elle aussi, s’achète. Malgré cela, cette dernière reste
financièrement plus abordable et peut représenter un choix stratégique valable. C’est sur
ce terrain que se place le chancelier Duprat, et non sur un plan moral, pour plaider en
faveur de la paix sans doute à la fin de 1528 : « Aussi, Sire, il fault penser la grosse
despence qui vous apouvrit et votre royaulme, et dont trouverez plus difficilement à
recouvrer la rançon qu’il convient bailler ; et si voyez et congnoissez que votre despence
est quasi frustratoire, d’autant que ny gagnez ne pré ne terre et y acquérez pour autruy
qui en pourra faire son prouffit par cy après contre vous »337.
122 La croissance des dépenses globales, fruit avant tout de l’engagement contre l’« empire »
de Charles Quint, est certaine mais elle est bien difficile à chiffrer précisément. Les
estimations fournies par les ambassadeurs vénitiens n’ont pas grand intérêt ici. François
Giustiniano donne pour 1537 une dépense de 5,11 millions de lt 338. Or, cette année-là,
l’Extraordinaire des guerres, que Giustiniano ne prend pas en compte, atteint à lui seul
5,5 millions de lt… Les états prévisionnels permettent certes des totalisations. Pour 1518,
on envisage d’abord une charge de 5,22 millions de lt, réduite ensuite d’un million grâce à
des coupes sombres. Les dépenses prévues pour 1523 se montent à 8,65 millions de lt en
intégrant 2,54 millions de lt de déficit antérieur à solder339. Mais il est certain que de
nombreuses dépenses imprévues viendront, en particulier pour la guerre, brouiller les
données et qu’à l’inverse certains débours mentionnés ne pourront être effectués faute de
fonds. Or il est plus qu’hasardeux de supposer une équivalence entre les deux
mouvements. La première année à offrir un état prévisionnel de dépense qui paraisse
crédible est 1549, en particulier grâce à la prise en compte explicite des charges
extraordinaires, soit 6,82 millions de lt (intégrant 2,4 millions de remboursement
d’emprunts) qui s’ajoutent aux dépenses ordinaires pour former un total de 11,43 millions
de lt 340. Les chiffres très complets du manuscrit français 17329 (f° 82-92 v°) pour la fin du
règne de François Ier permettent d’avancer que, pour 1546, la dépense tourne autour de
7 millions de lt 341. L’année est celle du retour à la paix (traité d’Ardres, 6 juin) et le
contraste est net par rapport à 1545 : les postes guerriers sont en recul de 3,15 millions
de lt (Extraordinaire des guerres : -1,4, marine : -1,5, extraordinaire de l’artillerie : - 0,25),
à l’exception de l’Ordinaire des guerres, dont on connaît le profil spécifique, qui gagne
300 000 lt. Autres postes en phase de récupération ou de croissance : les Suisses
(+ 150 000 lt), les fortifications (+ 200 000 au moins) et les pensions et dons (+ 550 000).
77
Malgré cela, les dépenses de 1546 apparaissent en retrait de 2 millions de lt par rapport à
l’année précédente.
123 En définitive l’impression prévaut que la croissance des dépenses est restée assez limitée.
La véritable envolée a lieu dans les années 1550. Entre 1549 et 1553 le seul Extraordinaire
des guerres bondit de 2,7 à 10,5 millions de lt. Mais ce qui compte aussi, c’est la durée de
l’engagement. Dès les années quarante, le royaume se voit imposer sur plusieurs années
consécutives un fardeau très lourd, alors qu’au début du règne, les efforts me semblent
être restés plus ponctuels. Quoi qu’il en soit, faire face à ses engagements demeure une
obligation chroniquement délicate pour la monarchie.
NOTES
1. C’est ce que met en évidence P. Goubert quand, abordant les finances, il intitule ses deux
premiers paragraphes : « Un préalable : dépenser » et « Les « voies et moyens » : une
conséquence ». Goubert (Pierre) et Roche (Daniel), Les Français et l’Ancien Régime, Paris, 1984, t. I
p. 333 et 337. Même approche chez Françoise Bayard, Financiers, p. 31 : la hausse des recettes « ne
s’explique que par une expansion progressive des dépenses due aux choix politiques de la
monarchie ». Jusqu’à Colbert les rares ouvrages financiers placent l’étude des dépenses avant
celle des revenus : Guéry, Roi dépensier, p. 1254. Aujourd’hui, d’ailleurs, les autorités financières
ont choisi de présenter la comptabilité nationale et les budgets en ouvrant sur les dépenses.
2. B.N. fr 2963 f° 161 (22-11-1521).
3. La synthèse la plus récente sur la cour est celle de Jean-François Solnon, La Cour de France,
Paris, 1987, 649 p. Son jugement lapidaire sur la période médiévale (« Au Moyen Age, les rois de
France ne tenaient pas de cour ») est à revoir. La cour en tant que telle est un organe politique
important depuis les Valois, une institution coûteuse aussi, qui contribue à la prospérité
parisienne au XIVe siècle et à celle de Tours, « ville royale », au 15e (cf. la thèse de B. Chevalier). A
titre d’exemple, sur le fonctionnement de cette cour, voir Bozzolo (Caria) et Ornato (Monique),
« Princes, prélats, barons et autres gens notables. A propos de la Cour Amoureuse dite de Charles
VI » dans Autrand (Françoise) (éd), Prosopographie et Genèse de l’État Moderne, Paris, 1986,
p. 159-170. En revanche le règne de François Ier est une étape décisive dans l’apparition du mythe
de la cour de France.
4. Lestocquoy, Nonces 1541-1546, p. 113. Le nonce Capodiferro, dans cette lettre du 20/23-1-1542
évoque certes sous cette formule l’ensemble des dépenses royales, mais il le fait en observant la
cour…
5. Liste in Jacqueton, Documents, p. 162. Cela représente à cette date au moins 700 personnes,
peut-être 900 si chaque gentilhomme de l’Hôtel est flanqué d’un coutilier. Voir Contamine,
Guerre, p. 298. Sur l’ensemble du règne, les archers français compliquent l’estimation car leurs
effectifs sont instables : 165 en 1515, 315 en 1546 : B.N. fr 17329 f° 83 v°-84 v°.
6. Solnon, op. cit., p. 46 : 540 officiers en 1523, 622 en 1535. Un comptage rapide sur un document
de 1537 donne le chiffre de 614 personnes : B.N. Dupuy 233 f° 79-93 v°.
7. La plupart des données utilisées pour cette synthèse proviennent de B.N. fr 17329 f° 82-84 v°.
8. Les données du règne soulignent la valeur des chiffres de l’année 1552 extraits de l’Histoire de
France de Garnier cités in Tommaseo, Relations, p. 402. Le total est de 969 000 lt. en incluant un
poste composite, les dons et menus plaisirs, qui représente 100 000 lt. En revanche, elles incitent
78
à la prudence face aux chiffres fournis par les ambassadeurs vénitiens eux-mêmes. En 1537.
François Giustiniano estime les dépenses de la Maison du roi à 1,5 million de lt ; en 1546 Marino
Cavalli est plus vague puisqu’il évalue à 1,5 million d’écus la « dépense ordinaire pour la personne
du roi et pour les besoins particuliers » : ibid., p. 195 et 303.
9. Le cas des « menues affaires » qui passent de 6 186 lt en 1516 à 86 756 lt en 1545 est à part. Ce
poste change en effet de nature en 1529 : i1 inclut dorénavant les gages des chantres et
chapelains des chapelles de musique et plain-chant et surtout les frais des chevaucheurs d’écurie.
Cf. B.N. fr. 17329 f° 82 v°.
10. Liste, avec dates de naissance, in Jacquart, François 1 er, p. 53-54.
11. B.N. fr 2940 f° 48 et Doucet, État général, p. 88.
12. B.N. fr 17329 f° 85. Pour 1532, B.N. fr 15628 donne un total de 208 400 lt comme dépenses
pesant sur le Trésor de l’Épargne. La différence peut provenir d’assignations sur les Parties
casuelles. Plus problématiques sont les états faits par la reine à son trésorier et receveur général
en 1531 (60 865 lt) et 1532 (73 402 lt) : B.N. fr 2952 f os 22 et 33. Il s’agit certes d’états prévisionnels,
signés respectivement le 8-6-1531 et le 20-2-1532. Ne pourrait-il s’agir aussi d’états semestriels ?
13. B.N. fr 17329 f° 85 et fr 15629 (total des deniers tirés des coffres de l’Épargne).
14. Lefranc et Boulenger, Comptes de Louise de Savoie et Marguerite d’Angoulême, fournit seulement
l’état de leurs officiers et pensionnaires. S’ajoutent aux dépenses régulières des frais
exceptionnels. A titre d’exemple, la dot de Marguerite lors de son mariage avec le duc d’Alençon
atteint 60 000 lt : Marguerite d’Angoulême, Lettres, p. 435.
15. Sur les problèmes financiers posés par Marie sous François I er, voir Knecht, Francis I, p. 38
et 185. Son douaire consiste en une rente sur le domaine de 55 000 lt, plus un droit de 10 dt sur
chaque quintal de sel vendu en Languedoc. Dans l’État général pour 1518, elle est assignée pour
60 950 lt : B.N. fr 2940 f° 48. Dans celui de 1523, les 60 250 lt qui devraient lui revenir ne sont pas
assignées, à cause de la guerre avec l’Angleterre : Doucet, État général, p. 82 et B.N. fr 23269 f° 4.
Pour les dernières traces de paiement de son vivant, C.A.F., t. II n° 5896 (7-6-1533) : assignation de
4 325 écus. En décembre 1533 son veuf, le duc de Suffolk, touche 4 475 écus d’arrérages de
douaire : C.A.F., t. II n° 6426.
16. Avec les recettes comme réfèrent (en base 100), on obtient, pour les dépenses dont les
montants sont connus, les rapports suivants : 1516 : 77,7 ; 1517 : 102,9 ; 1530 : 120 ; 1532 : 126,7 ;
1536 : 88, 3 ; 1545 : 89,2. Pour les recettes : B.N. fr 4523 f° 6 v°-8. Pour les dépenses de 1516-17,
1530, 1532 et 1545 : B.N. fr 17329 f° 82 v° ; pour celles de 1536 : A.N. KK 91.
17. C’est peut-être 1515 qui a le chiffre le plus élevé, mais on ne dispose que du total d’une demie
année, soit déjà 147 292 lt.
18. C.A.F., t. II n° 7094 (5-6-1534).
19. La vaisselle royale peut aussi servir de garantie pour les prêteurs. En 1523, Semblançay
avance des fonds contre remise de 3 813 marcs de vaisselle appartenant au roi et à sa mère :
Spont, Semblançay, p. 205.
20. Spont, Semblançav, p. 135 note 7 et p. 150 note 4.
21. Ibid., p. 156 note 2 ; B.N. fr 3031 f° 59 (1-5-1527).
22. Ibid., p. 118 note 2 (Morelet de Museau commis aux frais en 1515) ; B.N. fr 10392 (Nicolas Le
Jay commis aux frais en 1547).
23. A.N. KK 94, chambre aux deniers, compte particulier du banquet, après le compte ordinaire
de 1519 ; C.A.F., t. VIII n° 23928.
24. Tommaseo, Relations, p. 402.
25. Tommaseo. Relations, p. 101 (rapport de 1535).
26. Laborde, Comptes des bâtiments du roi, vol. I, passim.
27. Chatenet, Coût des travaux, p. 117. Rappelons, à titre de comparaison, que c’est au temps
d’Henri VIII, en Angleterre, que le pourcentage représenté par les constructions royales est le
plus élevé de l’histoire anglaise, d’après Alsop, The structure of early Tudor finance, p. 160.
79
28. Spont, Semblançay, p. 145, parle de travaux à Amboise en 1518-1520 qui auraient atteint
227 797 lt d’après A.N. KK 90. Mais cela ne semble pas correspondre aux renseignements de
l’inventaire des Archives Nationales.
29. Un écho jusque dans l’Heptaméron, lorsqu’à la dix-septième nouvelle, le comte Guillaume de
Fiirsten-berg demande une « augmentation ». Il vient « dire à Robertet, secrétaire des finances
du Roy, qu’il avoit regardé aux bienfaicts et gaiges que le Roy luy vouloit donner pour demorer
avecq luy ; toutesfois que ilz n’estoient pas suffisans pour l’entretenir la moictié de l’année, et
que, s’il ne plaisoit au Roy luy en bailler au double, il seroit contrainct de se retirer » : Conteurs
français du XVIe siècle, p. 830-831.
30. Arbitraire qui éclate par exemple dans le cas de la pension versée à Maximilien Sforza à la
suite du traité du 4 octobre 1515 et qui relève directement de la diplomatie.
31. La signification exacte des dénominations précises des deux séries, faute de renseignements
complémentaires, ne peut être établie. Mais la mise en parallèle semble pertinente.
32. Tommaseo, Relations, p. 195 ; Clamageran, Impôt, t. II p. 104.
33. Voir les arriérés de pensions portant essentiellement sur 1521-1522 dans Doucet, État général,
p. 89 à 97.
34. B.N. fr 4523 f° 36.
35. Spont, Semblançay, p. 141, note 2.
36. Un exemple d’accord entre un grenetier (F. Le Pelletier à Dreux) et une donataire (duchesse
de Nemours, comtesse de Dreux) : A.N. M.C. CXXII 42 (3-6-1544).
37. Spont, Semblançay, p. 196 note 1.
38. Sur les Nevers voir Crouzet (Denis), « Recherches sur la crise de l’aristocratie en France au xvi
e
siècle : les dettes de la maison de Nevers », Histoire, Economie, Société, n° 1, 1982, p. 7-50, en
particulier les références p. 11 note 19. Le don annuel du produit d’impôts aux grands feudataires
est une pratique courante à la fin du Moyen Age. Il permet de faire admettre par ces puissants
personnages le principe même de telles levées et d’affirmer, ce faisant, la souveraineté du roi
dans les grands fiefs. Après l’élimination du connétable de Bourbon, les Clèves-Nevers sont une
des dernières familles à laquelle s’applique ce schéma. Pour autant, le rapport de force n’est
évidemment plus le même que deux siècles plus tôt.
39. C.A.F., t. I n° 40, 1343, 3642, 3950 ; t. II n° 4926, 5945-5946, 6165 ; t. III n° 9684-9685 ; t. IV n
° 12328 ; t. V n° 16145, 16293, 17361, 18378 ; t. VI n° 19072, 19483, 19504, 19774, 21028 et 21982.
40. Ce caractère annuel se retrouve même pour Anne de France, duchesse de Bourbonnais :
C.A.F., t. V n° 16059, 16422, 17226 et 17330. Il est officiellement rappelé dans une ordonnance de
décembre 1542 : Isambert, Recueil, t. XII p. 804.
41. Doucet, État général, p. 69. Clamageran, Impôt, t. I p. 105 donne le chiffre de 6 000 lt pour les
greniers du Nivernais en 1515.
42. Bodin, République, p. 905-906 : il précise que le roi sait faire « choix de ceux qui méritent » ;
Wolfe, Fiscal System, p. 62.
43. Leslocquoy, Nonces 1535-1540, p. 30 (12-4-1535). Les principaux bénéficiaires des largesses
royales d’après la liste sont Montmorency et Chabot.
44. Pour les constructions, un chiffre de 80 000 lt annuelles paraît réaliste. Le complément de
dépense représenté par les fêtes et les imprévus des spectacles monarchiques peut atteindre
100 000 lt, outre ce qui est inscrit dans l’ordinaire de la dépense. Reste enfin 20 000 lt, ordre de
grandeur raisonnable pour les dépenses des maisons annexes. Les dons en revanche ne sont pas
pris en compte : une évaluation, même vague, est impossible et beaucoup d’entre eux, prélevés à
la source, n’ont pas à entrer dans un calcul qui se situe au niveau du Trésor royal.
45. Voir tableau pour la période 1598-1653 in Bayard, Financiers, p. 35. Le pourcentage augmente
considérablement après 1610, mais la comparaison entre la tumultueuse régence et le règne
stable de François Ier ne me paraît pas pertinente.
80
46. Un exemple entre mille : Paris aurait déboursé dix mille lt pour l’entrée du roi d’Ecosse en
1537 : R.D.B.V.P., t. II p. 359. Sur cette question, voir Boutier (Jean), Dewerpe (Alain) et Nordmann
(Daniel), Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, 1984, p. 137-145.
47. Tommaseo, Relations, p. 303.
48. En 1532, les secrétaires des finances perçoivent 8 550 lt, les autres secrétaires du roi devant se
contenter de 1 589 lt. C’est à l’appartenance à la chancellerie qu’ils doivent en fait leur présence
ici. Les commis à la gestion des recettes générales se partagent 5 770 lt cette année-là : B.N. fr
15628.
49. Tommaseo, Relations, p. 195.
50. Doucet, État général, p. 84-87.
51. B.N. fr 2940 f° 48.
52. B.N. fr 4525 f° 95, qui fournit l’effectif global et chiffre la dépense à 52 920 lt. Cette source est
d’un maniement délicat car elle est entachée d’une tendance systématique au gonflement. Les
gages évoqués dans l’exemple de 1535 [A.N. M.C. XIX 147, (26-5-35)] soit 144 lt/pour un
lieutenant, 120 pour un archer, semblent confirmer ce caractère excessif. A l’inverse, les 12 800 lt
de l’État général de 1523 (Doucet, État général, p. 80) surprennent par leur faiblesse. Sur la Prévôté
voir Doucet, Institutions, t. 1 p. 275-277.
53. Ses dépenses sont à la fois faibles et irrégulières : 2 025 lt en 1516, 22 164 lt en 1531 et 8
6061ten 1546 : B.N. fr 17329 f°89. On ne trouve jamais sous François I er de poste de dépense
indiqué « Ponts et chaussées » comme c’est le cas au XVIIe siècle.
54. A.N. J 967, 78 [6-4-(1538)]. Dès 1525 la Chambre des comptes souhaite qu’on active la
recherche des restes des comptables « pour les employer où on advisera et mesmement aux
réparacions requises et nécessaires en ce palais [de la Cité] qui tombe en ruyne et ne scet on où
prendre deniers pour les faire faire et aux autres lieux de ceste ville qui sont en décadence et
aussi aux pont Sainct Cloud, Charenton, Gournay et de Saincte Maxence qui s’en vont par
terre. » : A.N. Xla 1529 f° 37 (13-12-1525).
55. Bon exemple de l’édilité prise en charge par la municipalité parisienne (défense,
embellissements, adductions d’eau) : R.D.B.V.P., t. II p. 359-360.
56. Deux exemples : affranchissement d’impôts à Tarascon à condition de commencer avant deux
ans des travaux d’endiguement du Rhône : C.A.F., t. I n° 2934 (mars 1528) ; remise de 3 200 lt à
Poitiers à condition de rendre le Clain navigable : C.A.F., t. IV n° 11315.
57. Permission d’une levée de 10 000 lt en 1537 sur l’élection de Laval pour canaliser la Mayenne
entre Laval et Château-Gontier : O.R.F., t. VIII p. 253 (6-2-1537) et p. 257 note 4 (19-6-1537). En
1539, pour financer la canalisation de la Vilaine, le roi autorise successivement une première
levée de 6 000 lt sur les Rennais ne payant ni taille ni fouage et une seconde de 18 000 lt sur
l’ensemble des contribuables du duché : C.A.F., t. IV n° 11169 et 11233 et O.R.F., t. IX p. 687 note 6.
A l’inverse, il exige en 1544 de la municipalité parisienne qu’elle prenne, pour lever 500 hommes
de pied, les fonds alloués au receveur des deniers communs pour rendre l’Ourcq navigable :
C.A.F., t. IV n° 14172.
58. Présentation sommaire et références : Knecht, Francis I, p. 324-325 pour Le Havre et p. 368 note
26 pour Vitry. La charge des paiements du Havre au début des travaux est pourvue par
commission. Le commis n’est autre que le receveur général de Normandie Guillaume
Preudhomme. Allusion à ses comptes pour 1518-1522 : A.N. J 958 n° 42 (20-1-1524).
59. Ainsi figurent dans l’État général de 1518 3 500 lt pour les ouvriers de drap de soie de Tours :
B.N. fr 2940 f° 48. En 1523, on prévoit 7 875 lt pour les « armuriers, brodeurs, paintres et ouvriers
de soye » dont la plupart sont alors tourangeaux. Sur la prospérité des manufactures tourangelles
au début du XVIe siècle, voir Chevalier, Tours, p. 342-362.
60. B.N. fr 20502 f° 87 et fr 4523 f° 32 v° -33.
61. Knecht, Francis I, p. 271.
62. O.R.F., t. VII n° 637 p. 61-62 (4-9-1533).
81
81. B.N. fr 2963 f° 161 [22-11-(1521)] ; A.N. J 967, 7/4 (1-9-1536). Les levées donnent aussi lieu à des
cadeaux. A Montluel, pour des mercenaires suisses qui viennent d’être levés, le roi « à chacun des
capitaines donna en présent une cheine de cinq cens escus » : Du Bellay, Mémoires, t. HT p. 114.
82. B.N. fr 2985 f° 78 [23-9-(1521)] ; fr 3044 f° 98 (1 er voyage : juin-août 1537).
83. B.N. fr 3048 f° 97 [15-10-(1526)]. Dans le contexte de paix armée du Piémont à partir de
l’occupation de 1536, on trouve aussi de nombreux exemples de mercenaires retenus entre les
opérations (hiver 1536-1537) ou en temps de trêve et de paix (1538-1539).
84. Spont, Semblançay, p. 121 note 2 ; Du Bellay, Mémoires, t. II p. 3.
85. Du Bellay, Mémoires, t. III p. 113.
86. A.N. J 964, n° 29 bis : J 965, 8/38 (8-5-1537).
87. A.N. J 965, 7/25 (13-10-1536). J’ignore si leur contrat spécifie qu’ils doivent être payés jusqu’à
leurretour, comme c’est le cas pour d’autres mercenaires, plus avant dans le siècle : Wood, Royal
Army p. 25.
88. B.N. fr 4525 f° 107 v° ou fr 25720 f° 90, qui fournit la date du document (31-10-1517).
89. Sur cette question, voir Doucet, Institutions, t. Il p. 625
90. B.N. fr 2976 f° 106 (15-6-1523).
91. B.N. fr 2978 f° 42 (8-8-1521) ; fr 2985 f° 89 v° [21-10-(1521)].
92. A.N. M.C. XIX 58 (31-5-1525).
93. Le teston de Savoie vaut alors 9 s. 6 dt : Richet, Monnaies, p. 388.
94. Beauvillé, Picardie, t. I p. 233. Les testons sont des monnaies d’argent, toutes les autres pièces
sont du billon blanc ou noir. Sur ces monnaies, voir O.R.F., t. I p. XXXI et sq.
95. Ce qui ne signifie pas qu’elles comportent des effectifs constants. Sous François Ier, le nombre
de lances de la gendarmerie oscille entre 1 800 et près de 4 000. B.N. fr 4523 f° 44-48 v° qui fournit
une série complète, donne un maximum de 3 847 lances au début de 1523, chiffre identique à
celui de Doucet, État général, p. 71.
96. Un édit de décembre 1542 précise que les payeurs de compagnie doivent s’adresser au
trésorier de l’Épargne un mois après quartier échu pour « prendre les deniers ou assignations de
payement » : Isambert, Recueil, t. XII, p. 804.
97. Doucet, Parlement 1525-27, p. 73-74 et 76.
98. Spont, Semhlançay, p. 185 ; B.N. fr 3044 fo 93. De tels délais obligent à nuancer l’affirmation de
Lemonnier : « Même au moment des plus grandes difficultés politiques, avant comme après 1530,
le paiement des hommes d’armes [= gendarmes] se fit assez régulièrement » ; Lemonnier, Histoire
de France, t. II p. 96.
99. B.N. fr 3081 f° 56 ; fr 3127 f° 125.
100. Doucet, Parlement 1525-27, p. 74 note 1 (les retards sont tels que les capitaines des places
commencent à renvoyer les troupes !) ; Potter, Picardy p. 183 ; Matignon, Correspondance, p. 76.
101. A.N. J 968, 1/19.
102. B.N. fr 26116 f° 369 : en décembre on organise les paiements des quartiers d’avril et juillet
pour les troupes d’Italie et ceux de janvier et avril pour les gendarmes stationnés en France.
103. Entre 1525 et 1530, pas d’allusion à de gros retards dans Matignon, Correspondance, p. 8, 17 à
20, 26 note 1. Il existe encore alors un trésorier des guerres de Bretagne, mais il semble que
l’agent essentiel soit le trésorier des finances du duché. En 1538, les responsables de la gestion
des fonds bretons règlent la compagnie de Montejehan avec l’argent « que monsr le trésorier de
l’Espargne (leur) a mandé retenir de par deçà » ; A.N. J 967, 110.
104. O.R.F., t. IV p. 285.
105. A.N. M.C. CXX1I 16 (22-2-1530). Dans B.N. fr 4523 f° 44-48 v° qui fournit des chiffres de lances
en fonction des paiements effectués, le total s’effondre de 1 899 à 190 lances entre le troisième et
le quatrième quartier de 1528. Cet exemple pose le problème des effectifs en service. Il existe en
effet une marge parfois importante entre les troupes en armes et les troupes rémunérées, d’où
des distorsions entre des sources qui ne parlent pas de la même réalité. Ainsi. Lemonnier, Histoire
83
de France, t. II p. 37 parle de 3 000 lances à la fin de 1521, quand le fr 4523 en prend en compte…
547.
106. Pas de soldes pour les deux premiers quartiers de 1531 : B.N. fr 4523 f° 46. Mention à l’été
1538 de retranchements, mais sans dates précises : C.A.F.. t. VIII. n° 31458.
107. Fontanon, Edicts, t. III p. 95.
108. Jacqueton, Épargne, lre partie, p. 36.
109. A.N. J 965, 9/38 (6-8-1537).
110. A.N. J 964. 42 : Charles au roi son père (21-1-1538) ; Doucet, Parlement 1525-27, p. 74 note 2.
C’est le trésorier des guerres Jehan Grolier qui fait ce constat le 13-4-1525.
111. Cette dernière remarque semble relativiser la pertinence des propos de Jacqueton cités plus
haut. Mais beaucoup de ces étrangers, italiens avant tout, sont possessionnês dans le royaume ou
tiennent du roi des biens dans la péninsule. A ce titre, ils ont donc aussi quelque chose à perdre.
112. Doucet, Parlement 1525-27, p. 63 ; Guignard, Humanistes, p. 188 [4-4-(1530)].
113. O.R.F., t. VI p. 87 (23-5-1530).
114. Contamine, Histoire militaire, p. 226-227 et 229. Sur les efforts sous Louis XII, le rôle de Gié et
l’ordonnance du 12-1-1509, voir Lemonnier, Histoire de France, t. I p. 101 et note 48.
115. O.R.F., t. III p. 92 (27-1-1522) ; A.N. M.C. Inv. Carré n° 1892 ; A.N. KK 351, f° 24. D’autres
allusions dans Lemonnier, Histoire de France, t. II p. 96. Pour Doucet, Institutions, t. II p. 630, 1525
est la dernière année où ils sont mentionnés.
116. Contamine, Histoire militaire, p. 251.
117. Du Bellay, Mémoires, t. IV p. 123 et 155 ; A.N. M.C. XIX 175 (29-6-1548).
118. Lapeyre, Colloque Charles-Quint, p. 40 : les rois de France trouvent plus commode et plus sûr
de recourir à des mercenaires étrangers. L’idée d’une plus grande sécurité paraît mériter un
examen plus approfondi.
119. Sur les débuts du recours aux Suisses, sous Louis XI et Charles VIII, voir Contamine, Histoire
militaire, p. 230.
120. Zeller, Institutions, p. 307. Les 7 lt des Suisses représentent 3 écus soleil et demi. Doucet,
Institutions, t. II p. 636 a donc tort d’affirmer que leur « solde fut constamment de 3 écus sol. par
mois ».
121. B.N. fr 3029 f° 157 v o et 86. Il s’agit probablement dans les deux cas de régnicoles, dont on
sait qu’ils constituent une part appréciable des mercenaires.
122. B.N. fr 3029 f° 33.
123. Lot, Recherches, p. 196-197.
124. Sur ce point, voir Lemonnier, Histoire de France, t. II p. 96.
125. B.N. fr 2971 f° 142 (23-10-1521).
126. Beauvillé, Picardie : hommes de pied payés le mois même : t. I p. 226 et 243 et t. II p. 203 ;
retards des gendarmes : t. I p. 233 et t. II p. 201.
127. Seul exemple connu : B.N. fr 3048 f° 19 (13-10-1525). Reste l’éventualité d’une erreur du
scribe… ou du lecteur.
128. A.N. J 965, 7/55 et 7/56 ; B.N. fr 5125 f os 166, 170, 171 v°, 173, 186 v°, 189, 201 et 206.
129. B.N. fr 20648 fos 9-10 cité par Potter, Picardy, p. 183.
130. Du Bellay, Correspondance, t. II p. 483 (25-9-1536) ; Tournon, Correspondance, n° 249
(postérieur au 30-3-1537).
131. A.N. J 965, 8/2 (26-l-(1537)].
132. Voir Rott, Représentation, t. I p. 380, 385, 399.
133. Du Bellay, Mémoires, t. IV p. 201 et 244.
134. B.N. fr 2976 f° 101 : Robertet à Montmorency [22-2-(1524 ?)].
135. A.N. J 965, 7/16 [10-8-(1537)].
136. Knecht, Francis I, p. 283.
137. A.N. J 965, 9/32 (19-7-1537).
84
pour le même motif : Doucet, État général, p. 45-47. Voir l’exemple des fortifications de Bordeaux
in O.R.F., t. III p. 239 et note 3 et in Contamine, Histoire militaire, p. 270.
182. C.A.F., t. VII n° 23976, 24059 et 28392 ; B.N. fr 15628 n° 443 et 15629 n° 464 et 808.
183. B.N. fr 15629 n° 496 (Picardie), 512 (Champagne) et 541 (Guyenne).
184. En 1533 les villes fortes des frontières sont exemptées d’un prélèvement sur les deniers
communs à condition de consacrer l’argent à leurs remparts. Ce prélèvement est sûrement
destiné lui aussi aux fortifications, comme en 1535 : C.A.F., t. II n° 5476 et t. III n° 7826 ; B.N. fr
15633 f° 183-186 v°.
185. A partir de 1538-39, Henri VIII lance une énorme entreprise de fortification de la côte sud de
l’Angleterre, de la Tamise à Milford Haven qui, avep les constructions du Nord de la France, lui
revient à 376 500 livres sterling : Guy (John), Tudor England, Oxford, 1988, p. 184.
186. C.A.F., t. IV n° 11202 (12-9-1539) : réduction de 300 000 lt sur cet impressionnant montant.
L’effort en ce domaine constitue alors le cœur du justificatif des dépenses dans certaines
ordonnances : exemple in A.C. Agen BB 26 f° 290 et sq. (22-9-1540). Au moment de l’entrée en
guerre de 1542, Martin du Bellay évoque « la fortification d’aucunes places, ou nouvellement
commencées ou que, tant delà les monts que deçà, on commençait à mettre en deffences et qui
n’y estoient encore » : Mémoires, t. IV p. 58.
187. Faucherre (Nicolas), Places fortes bastion du pouvoir, Paris. 1986, p. 9.
188. Tommaseo, Relations, p. 303. Sur le souci de la fortification chez François I er, lors de ses
dernières années : Du Bellay, Mémoires, t. IV, p. 322-326 et 332-333.
189. B.N. fr 17329 f° 91 v : évalués à 52 000 et 75 000 lt en 1530 et 1531, les deniers par ordonnance
bondissent à 295 000 et 1 063 000 lt en 1545 et 1546. Un formulaire cité dans Jacqueton,
Documents, p. 253 affirme qu’« en ce chappitre sont couchez les dons et aulmosnes faiz à églises,
à la réparacion des places et plusieurs autres semblables parties ». Pour le règne de Henri II, B.N. fr
4523 f° 36 fournit en revanche une autre définition.
190. A.N. J 968, 1/15 [23-4-(l537)].
191. A.N. J 968, 1/1 : Montmorency au chancelier [25-1-(1537)].
192. A.N. J 967, 12/3 : Claude de Bourges au chancelier (7-5-1538).
193. Une mise au point d’ensemble pour la Picardie dans Potter, Picardy p. 188-199.
194. Sur la fixation de la « cocte et tauxation » pour les gendarmes, voir par exemple O.R.F., t. IV
p. 269 (28-6-1526). Voir l’ensemble du texte (p. 269-279 surtout) sur le problème du
ravitaillement. Un règlement du 26 mai 1527 ordonne aux clercs, avant de payer les compagnies,
de faire « paier et contanter entièrement tous les vivres que lesd hommes d’armes et archiers
devront à leurs garnisons, selon le taux et pris qui y aura esté mys » : ibid., t. V p. 66. Voir aussi
ibid., t. VI p. 95 (15-7-1530).
195. Doucet, Institutions, t. II p. 649. Pour les compagnies d’ordonnance, la solde inclut des
fournitures en nature : ibid,, p. 625. Voir Fontanon, Edicts, t. III, p. 95 qui reproduit un « règlement
sur la fourniture des vivres à la gendarmerie tant estans es garnisons que marchant sur les
champs » du 4 janvier 1546.
196. B.N. fr 3064 f° 30 [23-1-0527-28 ?)].
197. Du Bellay, Mémoires, t. III p. 420.
198. B.N. fr 20502 f° 86 et fr 10406 f 49.
199. Ce qu’elle a parfois, très matériellement, du mal à faire : dans sa ruée italienne de 1515,
François I" s’attarde un jour à Chivasso pour attendre les transports de vivres : Barrillon, Journal,
t. I p. 84.
200. Contamine, Histoire militaire, p. 232.
201. C.A.F., t. IV n os 13074 et 13080. Les personnes chargées des réquisitions ont un pouvoir de
contrainte le plus souvent inclus dans leur commission. Un exemple dans C.A.F., t. V n° 18278
(1-5-1525), pour le ravitaillement de Beaune.
202. C.A.F., t. IV n° 13498, t. VI nos 22658 et 22684.
87
225. Détail des chiffres des moyennes mensuelles pour les 22 périodes du graphique :
226. Pour l’Épargne : B.N. fr 10406 f° 247 v° ; pour les Parties casuelles : A.N. KK 352, f os 75-76.
227. A.N. J 958 n° 38.
228. Ralentissement relatif, si l’on intègre les charges consécutives à la ligue de Cognac. Pierre
Spine touche 20 541 lt pour frais du compte de la ligue en Italie en 1526. Si le taux est de 5 %, ce
qui paraît raisonnable, les fonds maniés dépassent alors 400 000 lt : C.A.F., t. V n° 18899.
229. En 1527, les fonds de l’Extraordinaire des guerres à destination de l’Italie pour la période
comprise entre le 26-8 et le 8-10, soit près d’un mois et demi, seraient de 400 000 lt, s’il faut en
croire une allusion, d’interprétation délicate il est vrai, dans A.N. Z la 54 f° 206.
230. Les dépenses de l’Ordinaire pour cette période sont d’après B.N. fr 17329 f° 87 de trois
millions de lt (au lieu de deux pour fr 4523 f° 44). Cela porterait l’ensemble à 8,5 millions de lt.
231. B.N. fr4523 f° 51.
232. 2 508 lances rémunérées pour le premier quartier, 547 pour le quatrième ! B.N. fr 4523 f° 44
et sq.
233. Isaac, Tournon, p. 42.
234. Un acte du 30 août 1542 parle d’une dépense mensuelle d’un million de lt pour la guerre.
Soit il s’agit d’une exagération, soit cela concerne une courte période de quelques mois, qui ne
peut être comparée à une moyenne établie à partir de données annuelles : C.A.F., t. VII n° 24894.
235. B.N. fr 3054 fos 118-120.
236. Chaunu, H.E.S.F., t. I p. 159.
237. Voir sur ce point, pour les guerres de Religion, les réflexions de Wood, Royal army p. 24 et 26
238. Buisson, Duprat, p. 155, d’après B.N. fr 2985 f° 13
239. Même souci chez François Ier en septembre 1521, à cause du manque de fonds : « Voyant
ledit Roi ses affaires en telle extrémité, dit qu’il falloit donner une bonne bataille » : Spont,
Semblançay p. 176.
240. Du Bellay, Mémoires, t. I p. 349. Mais lever le siège, ne serait-ce pas en soi une défaite ?
241. Lapeyre, Monarchies, p. 330-331.
242. Voir Rott, Représentation, 1.1, passim.
243. Alors que Boisrigault est résident, Antoine de Lamet conduit une mission importante en
Suisse en 1532-1534. Mais il est lui-même ancien résident : C.A.F., t. II n° 6031 et 7372.
244. A.N. J 967, 39 [11-4-(1538)].
245. B.N. fr 2963 fos 127-134. Ces 6 300 lt incluent une dépense spécifique : 781 écus de « droits ou
régale du chappeau ».
246. A.N. J 966, 44/5 (8-6-1538).
247. A.N. J 965, 7/18 [17-8-0537)).
248. B.N. fr 10 406, fragment de l’Épargne, f° 537 et Tommaseo, Relations, p. 195.
249. B.N. fr 4523 f° 35. Garnier, habituellement bien informé, donne en revanche le chiffre de 300
000 lt pour les ambassadeurs en 1552, postes et courriers exclus : Tommaseo, Relations, p. 402.
250. A.N. M.C. XIX 159, à la date. Autre exemple, le vase d’or et d’argent rempli de 2500 écus que
reçoit « Statilio », l’ambassadeur de Bohême : Lestocquoy, Nonces 1535-1540, p. 464 (26-6-1539). En
fait, il s’agit de l’évêque de Transylvanie Jean Statilée, représentant de Zapolya, le roi de Hongrie
89
rival de Ferdinand et soutenu par les Turcs. Il a déjà reçu une coupe d’or valant 1 660 lt lors d’une
précédente ambassade en 1528-1529 : C.A.F., t. I n° 3244.
251. A.N. J 967, 87/5 : Martin de Troyes au chancelier [10-7-(1538)]. Deux autres lettres du même
ensemble (87/8 et 87/9) montrent qu’au moins 122 000 lt convergent alors vers le trésorier de
l’Épargne.
252. B.N. fr 3127 f° 125.
253. B.N. fr 25720 f° 174 ; A.N. M.C. XIX 86 (9-7-1543). Une seule pièce de vêtement pour
l’entrevue vaut 1163 écus et un teston, payés en mars 1525 à Claude de Beaumont, marchand de
Lyon ; A.N. KK 351 f° 37 v°.
254. A.N. KK 94. Voir Spont, Semblançay, p. 164 note 4.
255. Prentout, États de Normandie, t. I p. 255-259.
256. B.N. fr 15628, n° 213, 247, 249, 274, 276-278, 280-281, 361, 365 et 402.
257. A propos de la réception d’ambassadeurs anglais lors des fêtes de la Bastille de décembre
1518, A. M. Lecoq parle ainsi de « discours politique en image » : François I er imaginaire, p. 115.
258. Pour un récit détaillé de l’ensemble de l’affaire, voir Mignet, « Une élection à l’empire en
1519. Première rivalité de François Ier et de Charles-Quint », Revue des Deux Mondes, janvier-mars
1854, p. 209-264.
259. Barrillon, Journal, t. II, p. XXXII, qui reprend les données de B.N. fr 5761 f° 84. D’après un
agent anglais, les Français avaient avec eux en Allemagne 400 000 couronnes, (équivalentes aux
écus) : Brewer, Letters and papers, vol. 3, part I, 1519-1523, p. 134. C’est le chiffre le plus souvent
avancé pour évaluer le coût de l’élection pour le Trésor royal. Cf Jacquart, François I er, p. 119.
Ehrenberg, Fugger, p. 44 note 24 insiste a contrario sur le fait que l’on brode largement en
Allemagne sur les fonds envoyés par le roi de France.
260. Sur ses débuts, voir Barrillon, Journal, t. I p. 251-252. Ce sont d’ailleurs ces pensions que
celui-ci met en avant pour déplorer, après l’échec, les pertes financières subies : « La pluspart des
électeurs qui avoient prins argent en grosses pensions du Roy par trois ou quatre ans (…)
tournèrent leur robbe contre leur promesse » : ibid., t. II p. 146.
261. Barrillon, Journal, t. II p. XXXIII.
262. B.N. fr 4523 f° 49.
263. Voir par exemple A.N. J 952 n os 50, 52, 53 et 54. Charles lui-même, bien qu’élu, honorera mal
ses engagements : Ehrenberg, Fugger, p. 47.
264. Buisson, Duprat, p. 139, d’après B.N. Dupuy 486 f° 114. En fait, pour les trois autres électeurs,
le manuscrit parle de vingt mille écus, plus huit mille écus de pension. Les contrats passés par
Charles Quint semblent du même type : Ehrenberg, Fugger. p. 43 note 23.
265. Barrillon, Journal, t. II p. 119 et 121.
266. Ibid., t. II p. 123. Barillon indique d’ailleurs p. 143 que si Charles Quint fait de « grandes
promesses », il est aussi obligé de faire des dons.
267. Ibid., t. II p. 146.
268. Brewer, Letters and papers, vol. 3, part I, 1519-1523, p. 24 : Spinelly à Wolsey (20-2-1519).
269. Voir sur ce point les réflexions de Chaunu (Pierre), L’Espagne de Charles Quint, Paris, 1973, t. I
p. 226.
270. Sur les suites financières de la campagne de 1513, voir Thomas, Délivrance de Dijon,
p. 323-348. Les engagements pris sous Louis XII n’avaient pas été honorés.
271. Spont, Semblançay, p. 140 note 2 et p. 152. Sur cette affaire comme sur l’ensemble du dossier
suisse, on consultera Rott, Représentation, t.l, passim.
272. Wolfe, Fiscal systern, p. 55-56 ; Körner, Solidarités financières, p. 111.
273. Körner, Solidarités financières, p. 411-412. Sur les lieux de paiements des pensions, voir aussi
p. 412.
274. A.N. KK 351, P 14 v° (mars 1525) et M.C. XIX 61 (29-9-1527). Elles valent respectivement 100
écus pour la première et 80 pour les deux autres.
90
275. Körner, Solidarités financières, p. 412. Le seul chiffre précis fourni pour le règne de François I"
(l’année 1546) n’est même que de 39 400 écus : ibid., note 98.
276. Tommaseo, Relations, p. 99 et 195.
277. B.N. fr 4523 f° 42-43 v°.
278. 25 000 écus « pour convertir (…) au paiement des pensions et autres parties dues aux
suisses » détournés vers les princes protestants d’Allemagne : A.N. MC. VIII 46 (13-4-1534). Tout le
problème est de savoir si le responsable de la trésorerie des Ligues a été comptable de cette
somme.
279. Allusion in A.N. J 958 n° 11.
280. Körner, Solidarités financières, p. 413.
281. A.N. J 968, 2/54 (14-11-1537).
282. B.N. fr 3054 f° 132 v° [16-2-(1528)] et 135 [29-9-(1527 ou 28)].
283. B.N. Clairambault 334 f° 209.
284. B.N. fr 3048 f 125 (1530-1532). Sur le travail d’enquête concernant les créances suisses, voir
Rott, Représentations, t. I p. 279, 282, 284, 393-399.
285. Körner, Solidarités financières, p. 413. C’est sans doute à cela que fait référence le nonce quand
il écrit en juin 1535 que les ambassadeurs des Cantons ont obtenu du roi 74 000 ducats de
supplément de paie annuelle : Lestocquoy, Nonces 1535-1540, p. 43. Si cette interprétation est
recevable, le montant de cette double paie, avec un ducat à peu près équivalent à un écu au soleil,
est lui aussi très supérieur aux chiffres de Körner.
286. Spont, Semblançay, p. 185.
287. Doucet, Etat général, p. 96 note I applique par erreur cette somme aux dépenses de 1523. Un
document complémentaire, B.N. fr 23269 f° 4, évoque très nettement à ce sujet le « payement des
debtes deues à ceulx des ligues et cantons de Suisses pour le reste de leurs services d’Italie et de
Picardye ». Nul doute qu’il ne s’agisse des opérations de 1521-1522.
288. B.N. fr 3048 f° 19 (13-10-1525).
289. Barrillon cité in Lemonnier, Histoire de France, t. I p. 142 ; Montmorency cité in Knecht,
Francis I, p. 126.
290. B.N. fr 3031 f 86 [20-4- (1528 ?)].
291. O.R.F., t. VI p. 225-226 (7-2-1532).
292. Voir les analyses de Körner. Solidarités financières, p. 113-114 et 413. Pour la période
1501-1530 les pensions de paix et d’alliance représentent 24 % des recettes ordinaires à Bâle et…
111 % à Fribourg.
293. Rott, Représentation, t. I p. 394.
294. On l’observe en 1528 pour financer la guerre, en 1530 pour la rançon, en 1534 pour envoyer
des fonds en Allemagne : Rott, Représentation, t. I p. 374 note 5 et p. 399. Mais bien sûr le cas
inverse reste possible : fonds « allemands » détournés vers les Cantons en 1533 : ibid.. p. 390 note
1.
295. Giry-Deloison, Politique étrangère d’Henry VIII, passim. Voir du même auteur « A Diplomatie
Revolution ? Anglo-French Relations and the Treaties of 1527 » in Starkey (David) (éd.), Henry VIII
: A European Court in England, Londres, 1991, p. 77-83.
296. O.R.F., t. III p. 193 (1-9-1522) ; Knecht, Francis I, p. 147 et p. 372.
297. Sur la dot : Lestocquoy, Nonces 1535-1540, p. 80 (200 000 lt plus 10 000 ducats par an). Le coût
global de cette dot est finalement de 500 000 lt : C.A.F., t. III n° 9441. La chambre aux deniers
débourse 14 605 lt en cinq mois et demi pour le roi d’Ecosse : A.N. J 966, 1913.
298. Jacqueton, Politique extérieure, p. 204-211.
299. Voir par exemple la correspondance de Duprat dans B.N. fr 3031 f° 103 v° (5 e paye), f° 15 (7 e
paye), f° 7, 59 et 157 (10e paye)…
91
300. O.R.F., t. V p. 18. L’effort militaire global alors accompli, armée de terre et de mer
confondues et frais de la Ligue inclus, est estimé à 200 000 lt dans un autre texte presque
contemporain : ibid., p. 26.
301. François, Tournon, p. 158. La défaite de Montemurlo fait annuler le versement.
302. A.N. PP 119, mémorial coté NN, p. 41.
303. Canestrini, Négociations, t. III p. 78.
304. B.N. fr 20502 f° 135.
305. Bonne synthèse in Knecht, Francis I, p. 223-224 et 231-233.
306. Bourrilly, Du Bellay, p. 169-170 ; O.R.F., t. VII p. 101 (20-1-1534). Le 19 décembre 1534,
Chapuys informe Charles Quint que 100 000 couronnes, initialement destinées à Henri VIII, ont
pris le chemin de l’Allemagne : Potter, French Involvement, p. 527, note 10.
307. C.A.F., t. VI n° 20889 ; O.R.F., t. VII p. 210 (22-4-1535) ; Du Bellay, Mémoires, t. II p. 283.
308. C.A.F., t. III n os 9971 et 10044. Sur la question, peu claire, des subsides aux princes
protestants en 1545-1546, voir François, Tournon, p. 224 et note 2.
309. 16 400 lt pour le duc de Gueldre ; B.N. fr 10406, n° 19 (21-7-1528) ; 110 625 lt dépensées en
Gueldre pour le duc et ses serviteurs : C.A.F., t. II n° 7623 (17-3-1535). A la suite du traité du 28
octobre 1528, Jean Zapolya reçoit 40 000 lt ; C.A.F., t. I n° 3344. Le roi de Hongrie (appelé par
erreur roi de Bohême) doit toucher de nouveau 45 000 écus en 1539 : Lestocquoy, Nonces ¡535-1540,
p. 464. Un mandement pour versement de 22 500 lt date du 20-6-1539 ; C.A.F., t. IV n° 11067.
310. B.N. fr 15628, passim.
311. Nombreuses allusions à l’argent de Naples dans Spont, Semblançay, p. 135 note 3, p. 143 notes
2 et 3, p. 152 notes 4 et , p. 160 note 2, p. 169… Un exemple de quittance de versement (50 000
écus) in C.A.F., t. V n° 17192 (21-10-1519).
312. Jacqueton, Épargne, 2e partie, p. 18 et 20. Le dernier versement semble avoir lieu en 1536 :
quittance de 40 000 écus le 16 février : B.N. fr 21413 f° 489.
313. C.A.F., t. I n° 2822.
314. Guichardin, Histoire d’Italie, p. 801.
315. Sur ce dossier, voir Giry-Deloison, Politique étrangère d’Henry VIII, 2 e paragraphe. Les apports
anglais (55 705 lt), vénitiens (47 725 lt) et florentins (6517 lt) représentent 15 % de la recette de
l’Extraordinaire des guerres du 1-8 au 31-12-1528 : B.N. Clairambault 1215 f° 98.
316. Pour une première mise au point financière voir Hamon, Rançon, passim. A ma connaissance,
la rançon n’a jamais donné lieu à une étude approfondie.
317. Sur le règlement avec Henri VIII, voir Knecht, Francis I, p. 221-222.
318. 4,9 tonnes d’après Hamilton repris par Vilar (Pierre), Or et monnaie dans l’histoire, Paris, 1974,
p. 81.
319. François, Tournon, p. 79 note 3.
320. B.N. fr 3031 f°35.
321. Sapin s’enfuit car il ne peut régler promptement et intégralement le quartier de juillet 1531
destiné pour l’essentiel à payer 250 000 écus à Charles Quint : A.N. JJ 246 f° 52.
322. C.A.F., t. I n° 6290-91.
323. Du Bellay, Mémoires, t. II p. 140. Charles Quint investira de fait une partie de la rançon dans la
lutte contre les Infidèles puisque 187 des 400 millions de maravédis engloutis dans l’expédition
de Tunis en proviennent : Peronnet (Michel), Le XVIe siècle : des grandes découvertes à la Contre-
Réforme, Paris, 1981, p. 170. Cette quasi-moitié des frais équivaut à environ un demi-million
d’écus.
324. Spooner, Frappes, p. 115.
325. Ibid, p. 118.
326. Richet, Monnaies, p. 361-362 et 366-367. Dans ce cas précis, la monarchie adopte une attitude
inverse de celle qui est à la base de son intervention monétaire : « interdire que ne se réinstitue
92
de façon parallèle un cours privé entre les particuliers, s’écartant de la définition donnée par le
roi » : Boyer-Xambeu, Deleplace et Gillard, Monnaie privée, p. 97.
327. B.N. Clairambault 332 f° 17 (9-4-1530).
328. A.N. M.C. VIII 43 (16-12-1525).
329. A.N. M.C. XIX 79 (28-3-1538).
330. B.N. fr 3091 f°43.
331. Gascon dans Chaunu, H.E.S.F., t. I, p. 274.
332. O.R.F., t. III p. 300 (25-9-1523).
333. Calcul à partir de B.N. fr 2940 f° 57 puis 48.
334. Spont, Semblançay, p. 136 note 1 (27-11-1516).
335. O.R.F., t. V p. 159 et p. 168.
336. Du Bellay, Correspondance, t. II, p. 456. Le texte précise : « L’Empereur n’entend que soit mis
par les syens empeschement à chose qui touche lad. Royne sa seur ».
337. B.N. Dupuy 86. f°31.
338. Tommaseo, Relations, p. 195. Il ne compte pas « les frais des bâtiments, des tournois, des
banquets, des présents de Noël, des visites des rois et des princes, car on ne pourrait pas en
évaluer le montant ».
339. Voir Doucet, État Général, passim.
340. B.N. fr 3127 f° 91 et sq.
341. Chiffre obtenu en additionnant les données des divers postes et en extrapolant pour les cas,
de faible importance financière, où manquaient les totalisations exactes.
93
Chapitre II
Faire face : les recettes de la
monarchie
1 La fiscalité qui pèse sur les sujets du roi de France permet de répondre aux besoins
croissants de l’État, parmi lesquels le plus pressant est la politique extérieure en général
et la guerre en particulier. Si le roi a toujours disposé de fonds propres, la perception de
ressources par le souverain en tant que souverain est une conquête progressive et
capitale des derniers siècles du Moyen Age. Elle s’abrite derrière des pratiques et des
principes financiers anciens et prestigieux, mais estompés au moins depuis les
Carolingiens, sinon depuis le Bas-Empire. Cependant, malgré les parallèles juridiques,
l’évolution des 14-15e siècles est marquée du sceau de la nouveauté. Dans ce processus, la
guerre de Cent Ans a joué un rôle clé et le pouvoir royal, au début du XVIe siècle, vit
largement sur les acquis de cette période, en particulier ceux du règne de Charles VII.
Tout un ensemble d’impositions passées dans les mœurs est donc venu s’ajouter aux
profits du domaine1. Mais ces ressources régulières et traditionnelles se révèlent
insuffisantes à chaque conflit. Aussi le gouvernement royal est-il contraint de trouver des
moyens d’accroître ses rentrées et, la simple augmentation des impôts ne suffisant pas, de
songer à créer de nouvelles ressources. Si l’imagination fiscale est sans limites, la
monarchie ne cherche guère, en multipliant les expédients, qu’à boucher des trous et à
affronter l’urgence au jour le jour. Aussi les problèmes de trésorerie constituent-ils le
pain quotidien des responsables financiers et par voie de conséquence de tous ceux qui
dépendent de financements royaux, du chef de guerre au stucateur de Fontainebleau.
Dans cette perspective, la guerre joue un rôle important mais complexe. Pour bien saisir
les enjeux, une mise en perspective des difficultés « militaro-financières » des années
vingt sera fort instructive.
I. Percevoir
2 Mais il faut s’attaquer d’abord aux réalités chiffrées du prélèvement des impôts. Pour les
manuels financiers, très avant dans le XVIe siècle, taille, aides, gabelle et traites restent
des rentrées extraordinaires par opposition au domaine, seule véritable ressource
94
ordinaire. Avec Roger Doucet, convenons que cette appellation n’a plus grand sens : « En
réalité, finances ordinaires et extraordinaires ne formaient plus, au XVIe siècle, que deux
branches d’un même service public dont le roi disposait librement »2. On peut donc, en
ayant conscience qu’il s’agit d’une dénomination partiellement anachronique, parler à
leur sujet de ressources ordinaires constituant un ensemble de rentrées (relativement)
régulières et sûres. Sans vouloir se livrer à une analyse détaillée des divers impôts, ni
dans leur diversité juridique, ni dans leurs variantes géographiques3, il faut néanmoins
tenter de mesurer le poids de ces prélèvements, dégager des évolutions et observer
quelques aspects importants de leurs modalités de perception.
A. La pression fiscale
1. La taille
3 Établie de façon permanente sous le règne de Charles VII, la taille est, au sein des
ressources ordinaires telles qu’on vient de les définir, le poste de loin le plus important.
Au début du règne de François Ier elle a déjà derrière elle une longue histoire. Un
important accroissement sous Louis XI, conséquence d’un énorme effort militaire à la fin
du règne, est suivi sous les Beaujeu d’un net recul. Les guerres d’Italie correspondent à
une légère reprise de la hausse, mais la taille reste modérée. Avec ce faible poids sur une
longue durée la taille, pour Pierre Chaunu, « a légitimé l’impôt ; elle aligne
l’Extraordinaire vieilli sur la rassurante légitimité d’un nouvel Immémorial »4. Il faut
attendre les toutes dernières années de Louis XII pour noter une forte augmentation du
brevet, dont hérite François Ier. Le règne lui-même correspond à un quasi-doublement : de
2,4 millions de lt en 1515, on passe à 4,6 millions en 1544-1545, avec un recul à 3,6 millions
pour 1547. Au principal s’ajoutent des crues presque permanentes et parfois des
compléments spécifiques comme ce sou pour livre levé en sus de la taille pour le fait des
galères en 15345. D’où au total des montants très lourds certaines années6.
4 Pour prendre un exemple régional, j’ai comparé des données sur la taille en Normandie
fournies par deux historiens. Plus peut-être que sur le prélèvement, la mise en parallèle
des chiffres retenus par Guy Bois et par Giuliano Procacci nous fait découvrir, au-delà de
la différence de leurs sources, deux approches distinctes7. Pour Procacci, qui cherche à
mettre en évidence la lourdeur du poids de l’impôt, les données proposées pour le règne
de François Ier correspondent surtout à des années de guerre et sont systématiquement
majorées par les crues et ponctions annexes, d’où des totalisations élevées. Chez Guy Bois
au contraire, qui cherche à souligner que la « paupérisation des rustres » n’est pas sans
conséquence sur la Fiscalité dans la première moitié du XVIe siècle, les chiffres fournis,
bien inférieurs, sont ceux d’années de paix et proviennent du seul « principal » de la
taille. Les conclusions de Guy Bois rejoignent les remarques de Pierre Chaunu qui souligne
que l’impôt, et la taille au premier chef, « a beaucoup moins augmenté sous le règne de
François Ier qu’on ne l’a cru souvent » 8. La mise au point d’Alain Guéry sur l’évolution de
la taille en valeur nominale et en valeur « déflatée » en froment permet de prendre la
mesure du phénomène : l’opposition du profil des deux courbes est saisissante car
l’élévation des demandes est largement dévorée par la hausse des prix : le poids de la
taille est en fait « objectivement » en recul9. Pour la monarchie française, pas de « profits
d’inflation » à la Renaissance, bien au contraire.
5 Des prélèvements de même type, mais dans l’ensemble moins lourds, sont effectués dans
certaines provinces non sujettes à la taille proprement dite. Les impositions y sont sous le
95
contrôle des Etats, un contrôle beaucoup plus net que celui que peuvent exercer ceux de
Normandie, essentiellement parce qu’à la base, les officiers de finance sont absents. En
Provence comme en Bretagne, le fouage est de rigueur10. L’exemple bourguignon nous
montre une province astreinte à une imposition tous les trois ans. Les États accordent
ainsi 60 000 lt en 1515, dans des circonstances particulières11, 40 000 lt en 1518 et 1521,
puis 50 000 en 1524 et enfin 60 000 à partir de 153912. En 1548, Henri II demande un
doublement (justifié par la nécessité de recouvrer le Boulonnais) à 120 000 lt 13. Dans le
petit comté d’Auxonne, qui a ses propres États, le processus est le même. De 4 000 lt en
1515, on passe à 6 000 de 1521 à 1530, 10 000 en 1533, de nouveau 6 000 en 1536, puis
10 000 en 1539 et 1542 pour finir à 20 000 lt en 1545, et rester à ce niveau en 1548 14. Un
prélèvement multiplié par quatre pour la Bourgogne et par cinq pour Auxonne, voici une
hausse notable pour l’époque. D’autant que ce système n’exclut pas les demandes
exceptionnelles hors négociation triennale, en période de tension. En 1523, la Bourgogne
verse 20 856 lt « par manière de octroy et don gratuyt et non autrement (…) pour cette
fois seulement ». La même année, le comté d’Auxonne est sollicité pour fournir 16 000 lt
tant pour la solde de l’armée que pour les fortifications des villes15. Ces rallonges sont
assimilables aux crues de taille.
2. La fiscalité du sel
14 La part des divers dons est donc quasi équivalente à celle du versement à la monarchie, ce
qui signifie qu’il faut presque doubler, en Bourgogne, les taux d’imposition calculés à
partir des rentrées du Trésor, du moins pour ce que versent les États. Il est probable par
ailleurs que les agents locaux ou provinciaux du pouvoir royal se procuraient, selon des
formes beaucoup moins consensuelles, d’autres sommes à des fins combinant intérêt
général et profit particulier46. Dans une même volonté de contrôler plus étroitement la
fiscalité, l’édit du 28 septembre 1531 révoque tous les nouveaux impôts, subsides et
péages ou augmentations des anciens établis depuis cent ans sur les marchands de
Languedoc, Lyonnais et Maçonnais, sans octroi royal. Il s’agit pour une bonne part
d’agissements de seigneurs locaux. Mais le roi mentionne aussi parmi les coupables
« aucuns cappitaines de [ses] places »47.
15 Il faut tenir compte aussi des frais de perception qui grèvent les rentrées du Trésor. Ceux-
ci sont plus aisés à connaître car les documents comptables les mentionnent souvent. En
1523, on prévoit pour les frais pour la levée des gabelles 10 740 lt soit 3 % des 325 153 lt à
percevoir. Pour les aides, l’ordre de grandeur est le même : 2,75 %48. Il s’agit de forfaits,
estimés probablement en fonction des années antérieures, mais toujours en chiffres
ronds. Ils sont très variables dans le détail, d’une région à l’autre. Pour les greniers de
Languedoc les frais sont évalués à 4,15 % quand ils ne sont que de 2,86 % pour ceux de
Bourgogne. La levée des aides d’Outre-Seine représente 2 % des sommes à percevoir ; pour
les aides, quatrièmes et quart de sel de Normandie, elle revient à 4,13 %. Pour l’impôt sur
les boissons en Bretagne, qui distingue gages des receveurs et frais de la charge, le
montant total est de 2,9 % (1,24 + 1,66)49. La rémunération des collecteurs de taille,
comprise dans les frais de perception, augmente le prélèvement de 12 deniers par livre
(soit 5 %)50.
16 Reste un problème délicat : savoir quelle part de ce qui est imposé est réellement perçue.
En effet beaucoup des chiffres dont on dispose correspondent à des montants imposables
plus qu’à des rentrées effectives. Il est souvent difficile de savoir si les aliénations sont
parfaitement prises en compte ou si les recettes ainsi grevées figurent pour mémoire
dans certaines totalisations. Par ailleurs, si l’on peut fixer de façon anticipée des non-
99
valeurs comme le fait à la fin du XVe siècle l’administration bretonne pour les fouages, le
« décalage entre les espérances des services centraux et la réalité de la perception » est
infiniment variable, en particulier en fonction de la situation épidémique ou alimentaire51
.
2. L’inégalité régionale
17 Autre élément de variété, les distorsions dans le poids du prélèvement selon les
provinces. C’est là encore un héritage de la fin du Moyen Age. Classique est l’opposition
entre la Normandie et le Languedoc : au XVe siècle, « à population égale, le Languedoc
contribue au tiers, environ, de la Normandie52 ». Mais à l’appui de cette affirmation Pierre
Chaunu ne compare que les revenus nets, ceux qui parviennent aux caisses royales. Rien
ne dit qu’ils ne représentent pas une proportion différente, d’une province à l’autre, du
prélèvement effectué « à la base »53. Au sein des provinces plus récemment rattachées, il
est aussi des écarts considérables entre les revenus nets. La fiscalité bretonne rapporte
ainsi sept fois plus en 1523 ou en 1528 que celle de la Bourgogne. Cette inégalité, sans
même parler des variations dues à la conjoncture socio-économique locale54, est
clairement ressentie dès l’époque par les observateurs. En 1546, le Vénitien Cavalli avance
une série d’explications. Joueraient la richesse, la situation par rapport aux frontières qui
fait de la Champagne et de la Picardie de « pauvres provinces (…) ruinées par la guerre » 55,
la date de rattachement au royaume56. Et il souligne le cas d’espèce représenté par la
Normandie, « toujours la plus grevée de toute les provinces ». Pour celle-ci, Pierre
Chaunu ajoute un élément : il insiste sur la distance par rapport au pouvoir, soulignant
qu’elle « paie cher sa proximité du centre de décision de la monarchie », ce qui peut
signifier qu’une part du revenu brut plus importante qu’ailleurs atteint les caisses
centrales. Mais cela ne vaut-il pas aussi pour la Touraine ou l’Ile-de-France ?
18 En Normandie, Procacci souligne que les hausses d’impôts sont très variables d’une
paroisse à l’autre durant la première moitié du XVIe siècle57. Mais si l’on prend une vue
d’ensemble, l’impression demeure que le rapport entre les différents espaces de
prélèvement, à l’échelle du royaume, reste relativement stable, comme en témoignent les
pourcentages qui suivent, qui concernent le principal de la taille58 :
19 Les données concernant l’ensemble des impositions (domaine exclu), toujours pour les
revenus nets, vont dans le même sens59 :
100
• 1547 : 6,04 (impôts sans Bourgogne, Provence et Bretagne) : B.N. Dupuy 958 f° 49. Pour
Chaunu, H.E.S.F., p. 162, l’impôt total est de 7,4.
• 1549 : 6,62 [P] (sur une recette totale de 8,3) : B.N. fr 3127 P 91.
• 1552 : 7,6 (sur un revenu net total de 8,5) : Tommaseo, Relations, p. 402.
23 A y bien regarder, la hausse n’est pas énorme. Puisque l’heure est à l’imprudence, peut-on
tenter de calculer un taux d’accroissement annuel ? Le pourcentage proposé par M. Wolfe
(2,2 % par an)63 ne me paraît pas recevable car il utilise pour 1546 le chiffre de Cavalli
dont la validité est très douteuse. Il me semble préférable d’utiliser le manuscrit Dupuy
958, document qui fournit des données pour chaque dernière année de règne. S’il est lui
aussi sujet à caution, du moins se base-t-il directement sur des sources comptables. La
prise en compte des seuls impôts donne un taux d’accroissement de 1,5 % par an. Il est
pratiquement identique à celui qu’on obtient en utilisant les chiffres d’ensemble pour les
deux années. Du revenu de 1547 il faut néanmoins défalquer 6,861 millions de lt
d’emprunts. De 1514 (4,865 millions de lt) à 1547 (7,183 millions de lt), le taux
d’accroissement s’établit alors à 1,44 % (+ 70 250 lt/an). 1514 est une année de charges
élevées alors que 1547 est en retrait sur les années précédentes : aussi s’agit-il d’un taux
minimum. Mais il prend tout son sens une fois comparé, à partir de la même source et
pour l’ensemble du prélèvement, à ceux des périodes 1497-1514 et 1547-1559. Sous Louis
XII, le « père du peuple » on obtient un taux de 2,38 %/an. Sous Henri II, il bondit à 5,7 %
(+ 409 600 lt/an). Le règne de François Ier apparaît alors comme celui d’une hausse
modérée des impôts. Il est vrai que les augmentations conjoncturelles des années vingt et
du milieu des années quarante sont ici escamotées.
C. Problemes de la perception
1. La place de l’affermage
24 L’étude du système fiscal ne doit pas se limiter au niveau des prélèvements. Les modalités
de perception, en particulier la place et la structure des fermes dans la levée des impôts
royaux, sont des paramètres importants de son fonctionnement. Une première
constatation, essentielle : les fermes sont extrêmement éclatées. Sous François I er, le
fermier est en général un petit personnage. Des demandes de rabais nous font connaître
une série de fermes du domaine royal à Châtellerault. Chacune a un responsable
spécifique pour le bail qui court de 1529 à 1532. L’émiettement est évident : Jean
Chevalier a pris à bail le pontonnage, Jean Hilaire, les moulins, Jean Migon, le greffe,
Pothon Nepveu, la prévôté, Jean Philippon, les « bouchaulx » sous les ponts de la ville et
François Chauveau, le four à ban de la paroisse Saint-Jacques64. Et ils ne sont sûrement pas
seuls… Cet éclatement se retrouve aussi pour les impositions affermées, au premier rang
desquelles figurent les aides. Les aides sur les boissons de Normandie en fournissent un
exemple. Fréquemment les fermiers ne sont pas les mêmes pour le quatrième des vins et
pour les menus boires (ou menus breuvages). Aucune ferme ne dépasse le cadre de
l’élection et bien souvent son champ d’action est beaucoup plus étroit : Jean Sanegon
s’occupe du quatrième à Laigle, Robert Geoffroy et Isaac Guernot du vin au détail à Pont-
de-l’Arche. Outre ces villes, on repère par un pointage incomplet des fermiers spécifiques
à Argentan, Bayeux, Falaise, Alençon, Lisieux, Vire, Évreux ou Bernay65. Voici qui vérifie
localement la formule de Roger Doucet : « Les aides étaient donc perçues sous la forme
d’une multitude de taxes locales, qui faisaient l’objet d’autant de baux »66.
102
25 Il existe cependant un certain nombre des fermes importantes, qui rapportent au Trésor
royal plusieurs milliers de livres par an. Mais elles sont assez rares. Pour le domaine, voici
la vicomte de l’eau de Rouen, affermée 10 à 11 000 lt par an entre 1512 et 1526 67. Les aides
des grandes villes sont parfois prises à bail en bloc. Robert Albisse, un homme que l’on
retrouvera, afferme en 1528 les aides et impositions foraines de Lyon et de ses faubourgs
pour huit ans à 9 500 lt/an68. Le tirage du sel en vallée du Rhône est pris en main par
quelques individus. Peut-être même André Sorman est-il en 1531 seul preneur69. Enfin il
ne faut pas oublier quelques traites importantes. La ferme des 5 % « sur tous les draps
d’or, d’argent et de soyes, or fille et soyes tainctes » entrant dans le royaume est
contrôlée depuis Lyon par des compagnies de grands marchands étrangers, florentins et
lucquois en 1515 et en 1523, allemands, suisses et florentins en 1528 (pour un bail
commençant en 1532)70. Selon l’accord conclu avec ces derniers, l’annuité est fixée à
14 000 lt, ce « qui est environ trois mil livres par chascun an plus que lad ferme n’estoit
baillée auparavant », somme à laquelle s’ajoutent 1100 lt pour les gages des officiers et
autres charges. A Bordeaux, la traite et grande coutume est affermée vers 1527-1528 pour
27 000 lt en temps de paix et 20 000 en temps de guerre71.
26 La prise à ferme d’ensembles importants ne fait pas pour autant des titulaires des
personnages de premier plan. Ainsi Jehan Chardon, marchand demeurant à Reims,
fermier de l’imposition foraine d’Outre-Seine-et-Yonne pour 25 500 lt sur trois ans à
compter du 1er janvier 1529, ne se contente pas de fournir des cautions : il associe « à
perte et à gaing » dans sa ferme pas moins de quinze autres marchands : six de Reims,
cinq de Troyes, un de Châlons, un de Paris, un de Saint-Valéry (sur-Somme sans doute) et
un de localisation inconnue72. Cet éclatement des responsabilités met en évidence, plus
que le souci de répartir les risques, la faiblesse financière des marchands pris un à un. Par
ailleurs les « gros fermiers » de l’État ne se situent pas à un niveau supérieur à celui des
fermiers « privés » les plus importants. La prise à bail de bénéfices ecclésiastiques est
d’une ampleur comparable à celle de fermes « publiques » très respectables : pour le
cardinal de Lorraine par exemple, 11 000 lt par an pour Cluny à partir de 1546 ou 6500 lt
pour l’évêché de Nantes en 154373. Sans parler de ces cas d’espèces que peuvent être la
recette générale des bénéfices de Tournon, prise en main par la compagnie Gadaigne pour
50 000 à 60 000 lt par an, ou le douaire de la reine Marie (d’Angleterre), affermé pour
59 000 lt par François Allamant74.
27 Mais quelle est la part de l’affermé dans l’ensemble des recettes de l’impôt ? Pour
simplifier les calculs, j’ai considéré que sont baillés à ferme l’ensemble du domaine - ce
qui est abusif -, les aides, l’imposition foraine et les traites quand elles sont mentionnées.
Leur part est de 21,1 % en 1514, 21,9 % en 1523 et 18,5 % en 1547. Restent donc en gros
quatre cinquièmes en régie directe, constitués par la taille et la gabelle. Localement, la
part de l’affermé peut être supérieure. En Bretagne, que les calculs précédents ne
prennent pas en compte, elle atteint 37,5 % en 1534, et ce sans intégrer le domaine75.
28 Pour ce dernier, une commission financière bretonne plaide sans hésitation en faveur de
la ferme : « De pièce qui ne prouffite au Roy que six vingtz francs par les comptes d’un
receveur en a esté offert six cens francs à ferme, et de pièce de cinq cens francs en a esté
offert quinze cens francs à ferme »76. Même si les chiffres fournis peuvent être tenus pour
excessifs, le recours à la ferme est intéressant en ce qu’il permet de faciliter la gestion
tout en accélérant la rentrée des fonds. Roger Doucet insiste sur ce point aussi bien pour
le domaine que pour les aides77. Ce recours est aussi une alternative aux expédients. Une
commission donne pour consigne d’aliéner par vente ou constitution de rente domaine,
103
aides et gabelles, ou bien de les bailler à ferme. Cette dernière opération en effet paraît
financièrement moins désavantageuse pour le Trésor royal78, même si l’affermage, dans
ce contexte un peu particulier, plus difficile pour le bailleur, est moins rentable que dans
des conditions « normales » en raison de l’absence d’enchères, de l’offre de garanties
spécifiques et de remises. Voici deux commissaires qui, lors de baux, trouvent juste de
« diminuer le parisis à tournois », ce qui représente un rabais de 20 %, moyennant une
importante avance de la part des preneurs79.
29 Quand il n’est pas pris par l’urgence et qu’il est donc à même de choisir avec un peu de
recul entre la régie et la ferme, le gouvernement de François Ier apparaît bien hésitant. Si
en 1533 la ferme de l’extraordinaire et boute-hors disparaît en Bourbonnais, si en 1540
l’imposition foraine est remise en régie, en revanche la gabelle des épiceries est affermée
dès sa création à partir de 154480. Fin 1536 on s’interroge au sujet du péage de Suse qui
vient de passer sous contrôle français et « qui peult valoir chacun an de VII à VIII m lt ».
Le 7 novembre, le roi écrit à Tournon de donner ordre au receveur général de Dauphiné
d’en « fere recepvoir les deniers ». Le 9, le chancelier précise que les responsables
piémontais « auront à regarder (…) s’ilz le bailleront à ferme ou le feront lever soubz la
main du Roy »81. Ferme ou régie, en Dauphiné ou en Piémont, le sort du péage est en
suspens. Il finit par être affermé82. Dans ce type de choix le profit potentiel est un élément
décisif. Mais jouent aussi le poids des traditions et la simplification de la perception. La
traite et grande coutume de Bordeaux, dont on a vu plus haut les conditions de bail,
rapporte pour six mois en 1536-1537 plus de 28 000 lt, alors qu’on est en guerre83. Est-ce à
dire que la composition de la ferme a été modifiée ou est-ce qu’elle n’a pas tout
simplement été mise en régie, procurant ainsi de plus gros profits, mais avec des coûts
d’exploitation bien supérieurs pour l’administration royale ?
30 En fait, l’affermage des impôts a un bel avenir devant lui. Une étape symbolique est
franchie à l’extrême fin du règne de François Ier avec la mise à ferme des très provisoires
magasins à sel du Sud-Ouest le 15 mars 154684. Le pas décisif date du règne d’Henri II avec
le bail systématique des greniers. On a un peu le sentiment que ce recours à l’affermage
après tant de réformes inabouties est une sorte de pis-aller. La gestion de la gabelle n’est
désormais plus un problème auquel le gouvernement royal souhaite se colleter.
Encouragé en Guyenne, le regroupement des fermes en société en commandite avec des
bailleurs de fonds associés aux fermiers conduit à la mise sur pied d’entreprises
importantes, en attendant la ferme générale et le grand parti du sel sous Henri III… Ce
souci d’interlocuteurs de haute volée trouve-t-il un modèle dans les possessions
françaises d’Italie ? Sous Louis XII, les revenus de Milan étaient affermés d’un bloc, en
1504 à Alexandre Ferrier et ses compagnons, pour 504 016 lt et en 1510 à Alexandre
« Gamberanne » et ses associés pour 560 000 lt85. En Piémont, le processus semble le même
puisque le 10 février 1539 un don est effectué sur la ferme générale des revenus de la
province86. Il s’agit sans doute du contrat passé le 15 décembre 1538 avec Bourgarel pour
la ferme des gabelles du sel (ici aussi c’est une innovation), celle d’un péage « érigé de
nouvel » et celle du revenu du domaine ordinaire, le tout pour 43 000 lt par an87. Il en va
des compagnies fermières comme des compagnies d’officiers : l’existence de corps forts
permet de mieux faire rentrer l’argent et facilite la négociation88.
31 Organiser la perception, quelles qu’en soient les modalités, a pour objectif la très concrète
récolte d’espèces que l’on espère sonnantes et trébuchantes. A la fin du règne, les
104
instances dirigeantes déplorent que l’impôt rentre de plus en plus sous forme de billon.
« Nos receveurs généraux, affirme le roi dans des lettres missives du 25 juillet 1543,
reçoyvent grande quantité de monnoye comme douzains et dixains ». En 1545, la Cour des
monnaies est plus alarmiste encore : « Les finances du Roy ne se payent plus qu’en
doubles et liards »89. Or les espèces d’or sont indispensables pour régler mercenaires et
alliés, « pour satisfaire quand besoin en sera aux payemens des pensions que donnons aux
estrangers et autres parties qu’il conviendra payer en or »90. La politique monétaire de la
monarchie est-elle responsable de cet afflux de billon ? Ce n’est pas impossible. Comme le
précisent des lettres patentes du 8 juillet 1546 qui interrompent la frappe des doubles et
des deniers, « il [en] a esté forgé et court de pressent par les bourses une si grande et
excessive quantité (…) que cela trouble l’usage et manyment d’autres meilleures espèces »
91
. Ces formulations, qui ont leur part de vérité, sont malgré tout excessives, sauf si la
situation s’est dramatiquement aggravée depuis les années 1537-38, ce qui est peu
probable. Pour cette période en effet, il est possible de calculer la part respective de l’or
et de la « monnoie » (blanche et noire confondues) dans des envois depuis les provinces 92 :
32 La part de l’or, si elle est inégale, n’est du moins jamais dérisoire. Mais cela ne signifie pas
qu’à la base les divers collecteurs aient récolté autant d’or. En effet au niveau
intermédiaire s’accomplit déjà la conversion en or d’une partie des espèces, mouvement
qui se poursuit au sommet93. Rares sont les cas où cette conversion est gratuite. Tournon,
dans une lettre au roi, évoque 50 000 lt qui « estoient presque toutz en monoye ». Ces
fonds « ont esté convertiz en escus sans despence pour vous », c’est-à-dire pour le Trésor
94
. Mais le plus souvent il faut acheter des écus. Sur un envoi de 37 575 écus, un
responsable de Languedoïl précise : « De tous lesd. escus n’y a que six mil que ayent esté
acheptés à ung lyard pour pièce, le reste a esté receu des receveurs de ma charge » 95. On
retrouve ici le cours marchand des espèces, supérieur au cours légal, bien que sous
François Ier l’écart entre les deux reste modéré. L’achat de 26 894 écus en Normandie
coûte ainsi 317 1 5 st, ce qui fait une moyenne de 2,83 deniers de surcoût par écu, soit
0,52 %96.
33 Ce cours marchand n’est absolument pas unifié sur le royaume : il varie d’une localité à
l’autre. En 1539, Jehan Deschamps, de Bourges, est chargé de convertir en écus 8 500 lt de
« monnoie », « dont pour l’achapt d’iceulx a esté payé oultre le pris ordinaire » (45 st),
trois deniers par écu à Issoire, Déols et Bourges, six deniers à Limoges, Rodez, Saint-Flour,
Le Puy et Clermont, neuf deniers à Cahors et Albi97. Il y a aussi, évidemment, des
variations chronologiques, avec de temps à autre une allusion à la « cherté » des écus
dans la correspondance des gouvernants98. Entre officiers de finance, on tient compte de
ce cours marchand et les receveurs locaux le prennent parfois comme référence pour
105
leurs versements. Deux anciens clercs d’un défunt receveur général de Languedoïl
viennent témoigner qu’en 1515-1516 les receveurs locaux « leur fournissoient aucunesfois
quelques escuz sol. en payement », et ce au-dessus du cours légal99. Au niveau central, une
des tâches des officiers de finance consiste d’ailleurs à débusquer ces précieux écus. Mais
cela ne se fait pas sans frais. Semblançay fournit de l’or, mais il y a 4 000 lt de frais
d’achat. Estienne Besnier, pour obtenir la généralité d’Outre-Seine, promet en mars 1530
100 000 écus, mais il veut qu’ils soient pris par le roi à 41 s. 6 dt pièce, soit 3,75 % au-
dessus du cours légal. Il est vrai que la tension sur le marché des espèces d’or est alors
très forte100.
34 Des problèmes monétaires un peu spécifiques se posent aux marges du royaume. Le
Briançonnais verse chaque année 4 000 ducats à la couronne. Le receveur général de
Dauphiné aimerait bien pouvoir les prendre au-dessus de « ce que vault le ducat par les
ordonnances du Roy », mais il semble qu’il ne pourra pas y parvenir. En Piémont, c’est le
« fermier général » Bourgarel qui se préoccupe de savoir combien de sols tournois les
« rentes payables à florins de Piedmont payeront pour chacun florin »101. Reste un ultime
aspect que je me contenterai d’évoquer, celui de l’utilisation des espèces monétaires
frappées dans les autres pays. Elles sont, si l’on peut dire, monnaies courantes, aussi bien
dans les finances publiques que dans les transactions privées. Mais pour les unes comme
pour les autres, la domination des pièces indigènes apparaît nette, en un temps où les
monnaies espagnoles n’ont encore qu’une place réduite en Europe102.
35 Les problèmes monétaires permanents de la monarchie, la course aux écus en particulier,
sont un bon reflet de la fragilité d’ensemble du système fiscal. On ne dispose jamais des
bonnes espèces au bon endroit et le change comme le transport entraînent des délais qui
peuvent être gênants. Alors que l’armée de Lautrec est en Italie, le commis à
l’Extraordinaire des guerres a reçu 32 000 lt à envoyer outre-monts. Il ne l’a pas fait et
« s’excuse qu’il y a XVIII m [lt] en monnoye lesquelz n’a peu si tost changer »103. Aux dires
de Duprat, les responsables financiers « ne se remuent ainsi que seroit besoing »… Or la
place occupée par la régie directe dans la perception des impôts faits des officiers de
finance les hommes clés de cette gestion Sous François Ier, le partisan ou le traitant
d’envergure sur le modèle du XVIIe siècle n’existent pas. C’est donc directement sur les
officiers - en tant que tels - que repose pour l’essentiel la satisfaction des besoins
financiers de la monarchie. Or ceux-ci ne peuvent se contenter de recouvrer les impôts
traditionnels car leur croissance au long du règne, quoique réelle, reste modérée. D’où la
nécessité, classique, de faire appel à d’autres rentrées.
prend que dix cens mille lesquelles quant ilz seroient chacune à vingt mille [sic pour
livres] par l’une portant l’autre, prenant chacune ville pour ung cloche, vauldront vingt
millions par an comprins toutx les impositions, tailles et gabelles »106. Malgré son
irréalisme, cette suggestion a pu donner des idées au Conseil du roi, puisqu’apparaît en
1552 une taxe sur les clochers précisément de 20 lt par église107. Mais cela reste très
éloigné des propositions précises qui fleurissent au siècle suivant. Il en va sans doute de
même avec la mention d’un « avis pour lever quatre millions de francs » figurant dans les
papiers du chancelier Poyet108. Ces vastes perspectives relèvent plus du projet de réforme
que de l’avis entendu comme un expédient financier.
37 On trouve cependant quelques traces de cette seconde catégorie. Peut-on retenir comme
avis l’offre de création à Paris d’une banque en 1548109 ? François Alamant, contrôleur
général des gabelles, fait de son côté part de ses critiques concernant l’érection en offices
des sièges particuliers du quart de sel en Poitou. Il insinue qu’« il y en a qui ont mis cecy
en avant que ilz ont plus gaigné que le Roy »110. En février 1530 le secrétaire Nicolas de
Neufville rapporte à Montmorency : « Hier vint à moy ung petit advocat bien marry et
déplaisant de ce que ne povoit faire bailler cinquante mil escuz ainsy qu’il avoit porté
parolles à monseigneur le légat et au conseil, et m’a dict que l’homme qui luy avoit
promis luy a failly »111. Mais malheureusement nous ignorons totalement les conditions
dans lesquelles cette somme devait être fournie. Il n’est que quelques officiers de finance
pour être nommément cités comme pères d’« inventions » financières précises, en
particulier Gilles Ber-thelot, sieur d’Azay, auquel diverses sources attribuent « l’invention
des admortissementz des rentes et héritaiges qui estoient aux églises du royaulme de
France » en 1520-1522112. Rien d’étonnant à ce qu’il soit responsable de la commission
chargée de lever cette taxe113. Ce sont probablement les responsables financiers et les
gens du Conseil, directement concernés par le remplissage des caisses, qui font le plus
souvent ce genre de proposition, sous l’emprise d’une pressante nécessité. Versoris
évoque ainsi le roi et son Conseil qui cherchent et « trouvent manière de faire payer les
Parisiens »114. Même s’il n’est pas impossible que des « aviseurs » les inspirent, la
documentation n’en conserve pas trace.
38 Quelles sont les principales « inventions » ? Une ordonnance pour un examen de compte
mentionne parmi ceux qui devront s’y soumettre
« ceulx qui ont tenu le compte des deniers venuz des invencions qui parcydevant
ont esté faictes pour subvenir à nosd. affaires, ventes et enga-gemens de noz
doumaine et aydes, greffes, baulx de fermes, vente des offices nouvellement créés
et érigés et autres, et des composicions des admortissemens des choses nobles et
roturiers tenus par les gens d’Eglise et clergé »115.
39 Cette liste de 1523 est d’ailleurs incomplète. Elle est aussi précoce : jusqu’en 1547 les
hommes du roi disposent encore de beaucoup de temps pour faire preuve d’imagination
et multiplier les nouveautés116.
A. Le clergé
présente dans l’ensemble du monde chrétien. Elle y est d’ailleurs souvent plus lourde
qu’on ne le supposait117. Le règne de François Ier est en ce domaine de première
importance en France. Les occasions ou les prétextes à ponction sont alors nombreux.
41 Chaque mutation épiscopale est en théorie source de revenu pour le roi car, durant la
vacance du siège, il perçoit la régale. Roger Doucet affirme que celle-ci n’est plus au XVIe
siècle d’aucun profit réel car les fonds reviennent au chapitre de la Sainte-Chapelle118.
C’est loin d’être toujours le cas sous François Ier. Si une part notable des ressources
potentielles ne parvient pas au roi, c’est le plus souvent en raison du don des profits de la
régale au nouveau pourvu119. Par ailleurs, dans certaines circonstances, des rentrées
effectives atteignent les caisses de la monarchie. Ainsi le 22 mai 1525 un mandement
ordonne au bailli de Berry de faire payer au trésorier Pierre d’Apestéguv 3 000 lt par le
commis aux revenus de la régale de l’archevêché de Bourges120. Quelques mois plus tôt, en
août 1524, le roi avait réglé un vieux contentieux concernant la régale de l’évêché
d’Angers, moyennant une composition de 30 000 lt. Il écrit le 8 septembre au Parlement
de Paris pour mettre un terme à l’affaire, demandant de « procéder à l’émologacion de la
composition (…) à quoy les chanoines et chappitre de nostre saincte chappelle à Paris
prétendans y avoir quelque intérest (…) veullent donner empeschement ». Le roi en est
« très mal contens », ajoutant : « Noz affaires et ceulx de nostre royaume, qui sont si grant
à ceste heure que l’on peult veoir et ausquelz nous entendons nous aider de la somme
venant de lad composition (…) après lad émologacion, ne requièrent pas qu’on y donne
telz empeschemens »121. Ainsi donc la régale n’est-elle pas totalement sans fruit, ce que
semble confirmer l’existence de comptes de la régale, généraux ou particuliers, pour le
règne122.
42 Le roi prélève aussi de véritables droits d’entrée lorsqu’il pourvoit aux bénéfices. En 1530
Jean du Bellay vise Narbonne, en vain : « J’offroye au Roy, s’il me vouloyt bailler led.
Narbonne, qui est affermé XVII m[ille] l., de luy en bailler, que de moy que de mes amys,
X m[ille lt] à charge de jamais riens ne luy demander. Il m’a bien preste bonne oreille,
mais j’ay trop fortes parties »123. Ce type de versement ne me retiendra pas plus
longtemps car il est individuel. Or il s’agit ici avant tout de dégager les charges qui pèsent
sur l’ensemble du clergé, les prélèvements de masse.
43 La décime frappe l’ensemble des bénéfices. Apparue à la fin du XIIe siècle, elle fait l’objet
d’un célèbre et retentissant conflit entre Boniface VIII et Philippe le Bel un siècle plus
tard. Au XVIe siècle, elle est passée dans les mœurs. Elle se dissimule le plus souvent sous
une grande diversité de noms : « aide des Eglises », « octroi », « aide et subvention »,
« subside caritatif », « don gratuit »… Toutes ces dénominations soulignent, plus ou moins
nettement, le caractère consenti et ponctuel de la charge : une décime doit être accordée
par le clergé et elle n’est pas tacitement reconductible. En clair, ce n’est pas une taille sur
le clergé : « Le roi actuel avoue bien qu’un impôt établi sur le clergé par lui ou par tout
autre prince chrétien serait une chose illicite et condamnable selon l’Ancien et le
Nouveau Testament ; mais il soutient que ni loi ni coutume ne peut l’empêcher d’accepter
ce qu’on vous donne de plein gré, à titre de subsides »124. Le roi peut obtenir soit une
seule, soit plusieurs décimes à la fois. Elle devient une véritable unité de compte de la
fiscalité des clercs qui sont par exemple « cottisez » pour deux décimes et demie en 1523.
La levée se fait pour des motifs variables, le plus souvent pour soutenir l’effort de guerre.
108
Durant le règne de François Ier, deux cas particuliers se présentent : celui de la rançon
tout d’abord, lorsque, pour racheter le monarque, le clergé promet une contribution de
1,3 million de lt. Au début du règne en revanche, c’est en vue d’une croisade, qui n’est
peut-être pas seulement un prétexte, que les décimes de 1516 et 1518 sont perçues 125.
Maintes fois répétée au long du règne, la décime est en fait le cadre essentiel grâce auquel
le prélèvement royal s’effectue. On ne sera pas surpris d’apprendre que les affectations
définitives respectent mal les prescriptions initiales. Sans parler des croisades inabouties,
il est certain que beaucoup des fonds versés dès 1528-1529 pour la rançon sont allés
alimenter l’effort de guerre, retrouvant ainsi le chemin traditionnel des expédients
fiscaux126.
44 Les amortissements, taxe sur les biens de mainmorte, ont déjà été brièvement évoqués. Ce
procédé non plus n’est pas nouveau. Le 10 novembre 1512, une ordonnance de Louis XII
en avait rappelé le principe127. Un projet précis est dans l’air au plus tard durant l’été 1520
128. Le 15 octobre suivant une commission de six membres - dont Gilles Berthelot - est
nommée pour faire rentrer les amortissements129. La procédure est lente, l’enquête
difficile et les profits réduits. Avec le retour de la guerre, qui accroît les besoins, le
pouvoir royal décide de changer de méthode. Peut-être à l’initiative de Berthelot, il
propose de vendre des amortissements généraux et forfaitaires aux diocèses et aux ordres
religieux. « Au commencement de l’an mil cinq cens vingt et deux furent expédiées lettres
patentes à Lyon pour recevoir les gens d’Eglise à composer des finances et indamnitez de
leur dommaine et temporel non admortis et d’en bailler quitance de tout le temps passé »
130
. Les premières transactions ont lieu en fait dès la fin de 1521. A partir de ce moment, la
procédure s’accélère et toute une série de compromis est passée avec les représentants du
clergé. C’est alors qu’apparaît la mention d’un receveur général des amortissements, en la
personne de Jaques Ragueneau. Sa tâche se prolonge bien au-delà des divers accords : il
est toujours en fonction le 15 novembre 1524131. Il est vrai que les fonds mettent du temps
à rentrer, si bien qu’il faut, le 6 novembre 1522, prolonger de deux ans la commission de
1520132. Avec les Hospitaliers, le roi négocie une composition133. Dans d’autres cas il se
résigne à attendre. Ainsi, pour le diocèse de Bayonne, il accorde le 18 juin 1524 un délai de
cinq ans pour payer134.
45 La menace est de nouveau agitée en 1535, s’il faut en croire Bouchet qui parle d’initiative
pour « contraindre tous Bénéficiers d’exhiber devant les juges royaux les lettres de
fondations et dotations faittes par les Roys de France de leurs Eglises et aussi des
aliénations faittes ausdittes Eglises »135. Malgré un contexte assez tendu, il ne semble pas
pour cette fois qu’une procédure ait été réellement enclenchée.
46 La spécificité de l’amortissement par rapport au prélèvement décimal est-elle réelle ? Il
est permis d’en douter. Le tableau qui suit concerne quelques diocèses pris au hasard. Si
on met les montants exigés en rapport avec les barèmes des décimes, on constate une
corrélation directe entre les séries, le chiffre des amortissements dans chaque diocèse
correspondant à une base 100 :
109
47 Les taux des amortissements généraux ne sont donc aucunement le reflet d’un calcul
sérieux fondé sur l’augmentation diocèse par diocèse des biens de mainmorte, mais un
décalque des décimes136. Il est en effet plus qu’improbable que cet accroissement ait été
quasi rigoureusement proportionnel à la valeur des bénéfices. Pourtant, pour certains
diocèses au moins, comme Rodez ou Paris, il est sûr qu’il y a eu de vraies déclarations
pour les biens acquis. Mais, plutôt que d’en tenir compte pour le montant des versements,
le pouvoir royal préfère une taxation indexée sur les décimes, là comme ailleurs. François
d’Estaing obtient ainsi pour le diocèse de Rodez l’extinction du droit d’amortissement et
du subside caritatif pour 18 371 lt137. Avec ce chiffre, nous retrouvons les mêmes rapports
numériques que ci-dessus : 40,2 pour la décime de 1516, 131,2 pour celle de 1523. Mais
l’évêque solde avec ce forfait deux prélèvements distincts, ce qui est, ici, tout bénéfice
pour son clergé. La monarchie, et partant le clergé, ont donc choisi la facilité. Le cas
tourangeau est lui aussi particulièrement explicite. En effet deux communautés
religieuses, la collégiale Saint-Martin et l’abbaye de Marmoutier, ont fait cavalier seul et
ne sont pas comprises dans le compromis sur l’amortissement diocésain ; il suffit
d’ajouter leurs deux cotes à ce dernier pour retrouver une fois encore les mêmes
équivalences, respectivement 39,9 et 130,6138. Tout bien pesé, les amortissements
généraux ne sont donc qu’une forme supplémentaire de décime. Celle-ci apparaît donc
alors comme la référence pour tout ce qui concerne la fiscalité du clergé.
48 Même s’il a déjà été parfois tenu à l’écart, le pape reste un interlocuteur important pour
le roi dès qu’il s’agit d’obtenir une décime. Après une période très tendue sous Louis XII 139
, les relations s’améliorent à partir de Marignan et du Concordat. Le pape accorde ensuite
volontiers une bulle de décime à François Ier quand la situation internationale les
rapproche. C’est le cas au début de 1527, en pleine ligue de Cognac, ou en 1533, année du
mariage d’Henri de Valois avec Catherine de Médicis140. En 1535, il est même question que
Paul III permette au roi de France de percevoir un subside pour faire la guerre à
l’Angleterre schismatique, mais celui-ci n’est en définitive pas accordé141. L’intervention
du souverain pontife n’est pas sans intérêt pour faciliter les levées. A chaque demande
dont elle est saisie, la papauté tente par ailleurs d’obtenir une partie des fonds à
percevoir. En 1535, elle espère ainsi 36 000 écus pour financer des galères en vue de
protéger les côtes italiennes des Barbaresques. Mais elle est parfois trop gourmande aux
yeux du gouvernement royal : « L’ambassadeur du pape a les bulles de la décime maiz il
ne les veult bailler si on n’en baille quelque part à nostre sainct père ; madame est d’avis
qu’on luy en offre la quarte partie qui est cinquante mille escuz, maiz il en demande IIII XX
mille, et sy en vouldroit une partie comptant qui est chose difficile »142. En pratique
l’accord du pape n’est pas toujours indispensable. D’ailleurs la question du droit
théorique du roi à lever la décime sans le consentement du pontife refait surface au cours
110
du règne, en particulier en 1535143. Aussi l’initiative d’une demande est-elle souvent prise
par le roi « encores que led. seigneur n’en eust point de bulle »144. Parfois cette dernière
vient ensuite pour légitimer l’opération. Parfois, surtout en période de tension, on s’en
passe.
49 Entre le monarque et le clergé de leur diocèse, la situation des évêques n’est pas toujours
des plus faciles. Les attitudes varient largement selon les personnalités et le contexte
local. Mais domine le permanent et délicat souci de ménager les clercs tout en servant le
roi. En tant que représentant de son diocèse, le prélat peut en premier lieu servir de
garant pour un payement à venir. Les délégués du clergé de Noyon viennent à Paris en
juin 1535 supplier Jehan de Hangest, leur évêque, de « se obliger pour luy et son clergé de
payer au Roy » un subside de trois décimes. S’agit-il pour lui d’en faire l’avance ? Ce n’est
pas certain. Mais cette possibilité existe puisqu’en 1537 le roi cède à ceux des membres du
clergé du Languedoc qui voudraient avancer les fonds pour les décimes ses droits sur les
versements à venir145. Parmi les candidats possibles, les prélats sont sûrement les mieux
placés. Dès 1495, l’évêque de Rodez Bertrand de Polignac emprunte en banque pour régler
une taxe demandée par la monarchie. Il impose ensuite un subside caritatif sur son clergé
pour rentrer dans ses fonds146.
50 Les évêques servent aussi de négociateurs pour faire repousser des échéances. Ils
obtiennent ainsi en Languedoc un report de paiement de la Saint-Jean Baptiste à la
Madeleine 1537147. Mieux encore, ils interviennent parfois pour alléger le fardeau. On a vu
que François d’Estaing est parvenu en 1523 à arracher pour son diocèse de Rodez
l’extinction du droit d’amortissement et du subside caritatif moyennant un versement
forfaitaire rapide de 18 371 lt. Un prélat bien en cour est une aubaine : le clergé de
Bourges bénéficie d’une réduction de sa quote-part de décime de près d’un tiers tant que
Tournon y est archevêque148. Mais dans le même temps l’épiscopat fait office d’agent du
roi. Non content de faire souvent preuve de « bon vouloir » comme l’archevêque de
Rouen, lieutenant général du roi, en 1538, les prélats prennent parfois l’initiative, pour
trouver des fonds comme Estienne de Pon-cher à Sens en 1522, ou pour faire poursuivre
les récalcitrants comme l’évêque du Mans face à ses bénéficiers réticents devant un
nouveau « don caritatif »149. Le nonce affirme que, malgré l’absence d’autorisation du
pape, l’épiscopat fait tous ses efforts à l’automne 1535 pour faire rentrer trois décimes de
« subside caritatif ». D’un point de vue italien, « les prélats reconnaissent plutôt l’autorité
du roi que celle du pape »150. Il est vrai que leur réussite, politique et professionnelle, est
en jeu. Sans parler des quelques privilégiés qui peuvent tirer directement partie de la
levée comme Duprat touchant une prime de 8 000 lt sur les fonds d’une décime151. Malgré
ces avantages, l’impression prévaut parfois d’une situation en porte-à-faux pour les
prélats. C’est sans doute ce qui explique qu’au début de 1535 les deux seuls conseillers du
roi qui s’élèvent contre une saisie autoritaire sur le clergé soient deux cardinaux, Duprat
et Tournon152.
51 Pour faire passer ses exigences, le pouvoir use de moyens divers. Les subtilités du
marchandage ne sont pas ignorées. Ainsi les conciles provinciaux de 1528 doivent-ils
traiter en même temps des décimes à consentir et de l’aide apportée par le roi contre les
novateurs religieux. Mais le recours aux pressions énergiques est très fréquent. La
convocation du fautif auprès du roi est déjà inquiétante : « Ceux que vous trouverez
contredisans, les adjournerez à comparoir en personne par devant nous pour dire ce qui
les aura meuz de ce faire »153. Les commissions de contrainte ne sont pas rares, témoin
celle qui, le 18 juin 1522, vise les gens d’Église de Normandie en retard pour leur
111
cotisation aux amortissements154. Avec qui tente de marchander quand il n’est plus
temps, le roi est plus expéditif encore : le clergé du diocèse de Rieux, qui insiste en 1523
pour faire réduire d’un tiers sa part d’un subside, est purement et simplement menacé de
logement de gens de guerre, comme un vulgaire taillable récalcitrant155. Mais la plus
fréquente des sanctions est la mainmise sur le temporel156. Malheureusement c’est un
instrument délicat. En effet l’opération entraîne des frais de saisie et de gestion
importants et, comme toute procédure un peu lourde, demande du temps pour faire
rentrer les fonds. Un agent du roi suggère, plutôt que de le saisir, de bailler à ferme le
temporel pour quatre ou six ans à des personnes qui avanceraient au roi l’argent qui lui
est dû157.
52 Au-delà des risques individuels pèse sur l’ensemble des bénéficiers la menace d’une saisie
générale du temporel, menace présente bien avant l’époque des guerres de Religion. Le
roi y a effectivement recours le 12 février 1535. Il s’agit pour lui, officiellement, de faire
face aux préparatifs de guerre de ses voisins et à la menace turque158. Dans une formule
surprenante, après avoir évoqué l’impossibilité de faire peser une nouvelle charge sur le
peuple ou sur la noblesse, François Ier affirme qu’il « est nécessaire (…) avoir recours au
tiers estât, qui est l’Esglise »159. L’ensemble du temporel, saisi, est « baillé à ferme, au
dernier enchérisseur, pour en bailler [au roi] la tierce partie d’aucuns [chapitres, collèges
et communautés] et la moitié des autres [archevêchés, évêchés, abbayes, prieurés,
couvents et commanderies] sans aucunement toucher au spirituel comme dismes et
oblations »160. Bien sûr, l’affaire se termine assez rapidement par un compromis : la
mesure est rapportée moyennant l’octroi de trois décimes qui doivent être payées moitié
à la Toussaint et moitié à Noël161. Les antécédents médiévaux, saisie des biens du Temple
en 1307 ou des revenus des ecclésiastiques non résidents dans le royaume en 1347, ne
peuvent guère servir de référence162. Mais les tentations anglaises contemporaines ou
l’exemple protestant ne rendent-ils pas la menace plausible ? Le jeu de la monarchie est
en fait plus subtil et, au milieu de 1535, la véritable alternative est soit d’« enfourner »
trois décimes sans autorisation papale, en échange de la levée de la saisie, soit de se servir
de bulles en règle pour deux décimes seulement163. Devant les oppositions qui se font jour
en Normandie ou en Languedoc, fondées sur l’absence de bulles pontificales, la monarchie
a ainsi un recours.
53 Malgré ces réticences, si l’on prend un peu de hauteur, la relative docilité du clergé dans
son ensemble face aux exigences royales est patente, des proches du roi aux « pouvres
bénéficiers » dont un commissaire en Limousin loue le sens du devoir164. « Sa Majesté se
sert de leur argent comme du sien propre » affirme le Vénitien Cavalli en 1546165. Certes il
y a les fortes pressions et aussi l’espoir, individuel ou collectif - comme pour les cardinaux
par exemple -, de bénéficier d’exemptions et de rabais. Mais, plus profondément, le clergé
français sait, avec un enthousiasme variable, prendre sa part des frais qu’entraîne la
gestion par le roi du commun profit. Jouent sans doute aussi un gallicanisme fort répandu
et, plus prosaïquement, une grande richesse, en un temps où le foisonnement des rituels
est à son apogée. Enfin, à l’échelle du règne, la prise de conscience de la menace
protestante et plus généralement de celle qui pèse précisément sur ces richesses a dû
jouer, autant que le Concordat, un rôle important La bonne volonté et la docilité du
clergé, qui prend sa part des charges de l’État, sont peut-être un des facteurs explicatifs
du refus de François Ier de passer à la Réforme : sur le plan financier, cela ne lui est pas
nécessaire.
112
54 Sans entrer dans le détail de chaque opération, constatons tout d’abord que le pouvoir
royal délègue une part très importante de l’organisation du prélèvement aux membres du
clergé eux-mêmes. Le premier ordre du royaume est habitué depuis longtemps à subir des
taxes et à les répartir. Pour la décime de 1516 le roi délègue directement des
commissaires qui sont apparemment tous des clercs166. Mais le plus souvent le processus
respecte la pyramide hiérarchique, sur le modèle de la décime suivante, celle de 1518,
levée « par les arce-vesques et evesques de nosdicts royaume, pays, terres et seigneuries
ou par leurs vicaires, commis et depputez »167. Duprat, délégué par le roi à la décime dans
sa province en 1527, fait de ses suffragants ses substituts pour y procéder dans chaque
diocèse168. L’évêque désigne parmi ses proches un responsable effectif qui commet parfois
à son tour un plus humble personnage169. Les registres de la décime de 1516 jouent un rôle
de référence dans la répartition des charges tout au long du règne, et au-delà. Doit-on
mettre ce fait en relation avec la signature du Concordat ?
55 Les officiers royaux interviennent soit à la demande, pour exercer un pouvoir de
contrainte, soit en cas de défaillance marquée de l’administration cléricale, qu’elle relève
de l’impuissance ou de la mauvaise volonté. Le passage des fonds aux caisses royales se
fait selon des modalités variées. Dans certains cas, des commis généraux centralisent les
fonds comme Jehan de Pierreficte, élu du bas pays d’Auvergne qui, par lettres du
4 septembre et du 9 octobre 1533, est commis pour recevoir deux décimes et les restes des
précédentes170. Mais l’argent peut aussi être directement versé à des comptables non
spécifiques, trésoriers de l’Épargne ou des Parties casuelles, responsables de
l’Extraordinaire des guerres ou, surtout à partir de 1542, receveurs généraux. L’envoi aux
recettes générales est ensuite de rigueur jusqu’au contrat de Poissy171.
56 Si les délais de versements sont parfois assez importants, au bout de quelques années les
restes représentent cependant des sommes relativement faibles. Ils sont encore en 1532
de 20 % pour 15 000 lt levées dans le diocèse de Clermont en 1523, mais ils ne sont au
début de cette même année, pour la même taxe, que de 5,2 % à Soissons, et l’essentiel de
ce faible reste est payé dans les mois qui suivent172. En 1534 ceux des quatre décimes de
1528-1529 sont de 14 % dans le diocèse de Saint-Flour et sont inférieurs à 5 % dans celui
de Chartres173. Dès octobre 1531, ils n’étaient plus que de 13,5 % pour Rouen et 19 % pour
Coutances. Si en 1537 Maillezais doit encore 25 à 30 % des décimes de l’année précédente,
pour celles de 1528-1529, les restes sont de 3,4 %174. Plus généralement, pour l’ensemble
du prélèvement de 1523, 75 % rentre dans l’année. Au 14 mars 1535, 15 % seulement des
décimes de 1533 reste à prélever et 11 % de celles de 1528-1529175. D’ailleurs ces restes
trouvent parfois une utilité car la monarchie assigne sans vergogne sur eux, à charge
probablement pour les assignés de prendre en main les poursuites qui découlent du non-
paiement176. Les sommes qui traînent peuvent enfin être remises moyennant un
versement forfaitaire177. Par ailleurs, on s’efforce de faire la chasse aux « prélatz qui n’ont
nullement esté cothisez ne tauxez au payement desdictes décimes et, qui pis est, par
faveur ou autrement, plusieurs autres tenant bénéfices [qui] ont esté tenuz exemptz et
n’ont rien payé desdictes décimes »178. Mais dans l’ensemble, les taxes sur le clergé
constituent bien des rentrées fiables sur lesquelles la monarchie peut faire fonds sans
inquiétude.
57 Mais combien représente une décime ? Il est de fait bien improbable qu’elle corresponde
effectivement à un dixième des revenus des bénéfices. Cavalli en 1546 pense qu’elle
113
équivaut en fait à un vingtième de ce revenu179. Il l’estime à 140 000 écus, soit 315 000 lt,
ce qui est inférieur aux données comptables dont on dispose. La taxe de 1516 s’établit à
environ 379 000 lt, celle de 1523, exceptionnellement élevée, à 474 000 lt 180. Les états au
vrai des levées se situent respectivement pour 1518 à 385 000 lt et pour 1527 à 365 000 lt 181
. L’essentiel est alors de déterminer le nombre de décimes perçues. Il est considérable. La
liste est certes délicate à établir en raison de chevauchements et du départ difficile à faire
parfois entre objectifs poursuivis et réalité. Roger Doucet s’en tient à cinquante décimes
(sans 1547), mais sa liste paraît incomplète182. En fait ce sont quelque cinquante-sept
décimes au plus qui ont été levées, toujours en excluant les quatre qui sont demandées en
1547. En trois ans (1535-1537), elles rapportent 3,173 millions de lt et il y a des restes dus
pour cette période183. On est alors fort proche d’une moyenne de 400 000 lt par décime. Le
montant plus faible retenu par Cavalli est-il en lien avec un affaiblissement du taux
moyen à la fin du règne, phénomène qui ne fera que s’amplifier par la suite ?
Apparemment non : dans un mandement aux évêques de Bretagne du 14 septembre 1543
le roi précise que le taux des décimes accordées pour l’année ne devra pas être inférieur à
celui de la décime de 1516 ; dans le diocèse de Rouen, une décime représente 14 487 lt en
1516 et 15 703 lt en 1544184.
58 Pour l’ensemble du règne, on peut donc estimer les profits à dix-huit ou vingt millions
de lt. En intégrant les amortissements (deux fois et demi la décime de 1516 ou trois quarts
de celles de 1523) et les rentrées annexes, le chiffre de vingt millions paraît un ordre de
grandeur raisonnable185. Par rapport aux époques antérieures, la hausse est forte et, du
début à la fin du règne, au rythme des guerres, le fardeau se fait de plus en plus lourd.
Pour les seules années 1542-1546, vingt à vingt-deux décimes sont exigées du clergé
français. Après 1540, il n’y a plus d’année sans levée, le relais passant de François I er à
Henri II sans solution de continuité. Le règne correspond donc à une très nette
institutionnalisation de la fiscalité ecclésiastique, manifestée par une périodicité presque
régulière à partir des années trente. Mais, avec quelques 600 000 lt par an, le roi de France
reste alors très en-deçà de la fiscalité ecclésiastique dont bénéficie la monarchie
espagnole dans ces mêmes années trente : 740 000 ducats par an, soit plus d’1,5 million
de lt186.
B. Les villes
1. Une fiscalité de plus en plus envahissante
59 Corps socio-politiques abrités derrière, voire arc-boutés sur un statut privilégié par
rapport à la masse du « Tiers État », les « bonnes villes » du royaume, qui ont
particulièrement profité de la croissance économique depuis plus d’un demi-siècle, sont
pour les hommes de pouvoir un objet de convoitise fiscale. Ici encore, les procédés pour
faire contribuer les cités s’enracinent dans un répertoire traditionnel mais ne négligent
pas d’explorer des voies nouvelles. La ville doit tout d’abord payer pour s’assurer des
avantages ou se les faire confirmer. Le renouvellement des privilèges d’Orléans coûte à la
cité ligérienne 60 000 lt en 1537187. De même les Agenais doivent-ils verser 5 200 lt en 1528
pour maintenir dans la ville le siège de la sénéchaussée188. Les habitants de Tulle, pour
leur part « achètent » pour 4 000 lt l’érection d’un siège de justice en 1523189. Plus
désagréable est sans doute la mainmise directe de la monarchie sur les revenus
municipaux, sur les « deniers communs » du moins, qu’il faut distinguer des « deniers
patrimoniaux ». Il est vrai que le roi a beau jeu de rappeler que les premiers sont des
114
droits qu’il a lui-même concédés. Les octrois d’impositions aux bonnes villes servent ainsi
à la monarchie de réserve de trésorerie, car l’urgence lui impose parfois de les reprendre
momentanément190. Ceci se produit à plusieurs reprises au cours du règne de François Ier.
En 1527, par lettres du 31 mars, le roi lève à son profit, pour un an seulement et pour la
défense du royaume, la moitié des deniers communs et en particulier des octrois et aides
accordés par lui ou ses prédécesseurs, sur les greniers par exemple, quand « aucuns desd.
villes » en bénéficient191. En 1533 l’opération est renouvelée pour les deniers que « les
villes de nostred royaulme tyennent par don et octroy de nous », à l’exception des « villes
fortes », à condition que cet argent soit consacré par elles à leurs fortifications192. Plus
gourmand, le roi demande en 1535 puis en 1541 la totalité des deniers communs d’une
année193. L’ensemble qui, il est vrai, doit fort mal rentrer, n’atteint pas des sommes
considérables. Pour la levée de 1527, à la date du 31 décembre 1528, le receveur en charge
(il s’agit du trésorier des finances extraordinaires et Parties casuelles Pierre d’Apestéguy)
a reçu 93 500 lt des dons et octrois et 61 039 lt des deniers communs soit, vingt et un mois
après la décision royale, à peine 155 000 lt194. Les fonds parvenus au trésorier de l’Épargne
en plus de cinq mois, du 8 juillet au 18 novembre 1535, frôlent le dérisoire : huit villes ont
versé alors 6 707 lt195.
60 Il est, heureusement pour les caisses royales, d’autres méthodes pour impliquer les cités
dans l’effort de défense et contourner ainsi les exemptions d’impôts qu’elles ont obtenues
précédemment. De multiples contraintes locales pèsent sur elles, en particulier la prise en
charge directe des troupes qu’elles abritent196. Pour Spont, la réactivation des francs-
archers en 1522 n’est pas autre chose qu’un expédient financier, un prétexte à
composition avec les « bonnes villes »197. Mais l’essentiel n’est pas là. L’organisation de la
défense donne à la monarchie la possibilité de lever sur les cités, au long du règne, toute
une série de grandes impositions, avec les temps forts attendus, liés aux guerres (1515,
1522-1523, 1538-1539, 1542-1546). Dans cette chronologie familière, une originalité réside
dans l’absence de taxe en 1536-1537. Cette lacune n’est qu’apparente. D’une part on
poursuit avec patience la levée des deniers communs de 1535… et peut-être de 1533. A
l’automne de 1536, ils figurent toujours parmi les fonds escomptés pour financer la
guerre198. D’autre part a lieu en 1537 une vague d’emprunts forcés sur les villes, que l’on
retrouvera au chapitre suivant. Aussi s’explique-t-on mieux qu’il faille attendre 1538 pour
voir revenir une imposition pour les hommes de pied qui avait déjà connu de beaux jours
entre 1521 et 1523. Mais en quinze ans, le fardeau s’est déplacé. Doucet cite seize villes
pour 1522-1523, auxquelles on peut ajouter au moins Paris, Lyon et les cités bretonnes.
Certaines se sont rachetées, comme Rouen dispensée de la subvention moyennant
25 000 lt199. A partir de 1538 le nombre de villes touchées est sans commune mesure : un
état du 22 février 1538 regroupe 227 communautés qui doivent fournir la solde de 20 000
hommes de pied200.
61 A partir de la fin des années trente, la solde des gens de guerre s’inscrit de façon stable
dans le paysage fiscal. Certes en 1539-1541 le gouvernement met aussi en avant la
fortification des places frontières, en particulier lors de la ponction sur les deniers
communs. Mais, comme pour le clergé, une évolution significative se dessine : le retour de
la paix a de moins en moins tendance à entraîner l’interruption des prélèvements. Ce
n’est pas sans raison que les villes d’Outre-Seine, dès le printemps 1538, « craignent fort
la formalité des lettres que le Roy leur a escriptes qui semble estre par forme de taille et
doubtent la continuation »201. Peut-on effectivement considérer la solde des gens de pied
comme un substitut à la taille ? Doucet en fait plutôt un complément de celle-ci.
115
L’imposition, régulièrement levée sous Henri II, est en 1555 étendue au plat pavs sans être
augmentée : elle reste de 1,2 million par an en période de guerre202. Une partie du fardeau
est donc rapidement reportée sur les campagnes et ceci d’ailleurs parfois sans attendre
1555 comme en témoigne la situation dauphinoise où les paiements sont répartis dès
l’origine sur toute la province203. Il n’empêche : la monarchie est parvenue ici encore à
faire payer des collectivités largement protégées. Le régime fiscal favorisé des villes est
ainsi en partie remis en cause204. Leur effort financier important en 1542-1546 n’est pas
sans conséquence sur l’aggravation de la situation sociale, en particulier dans le Sud-
Ouest. D’autant qu’il interfère autour de 1545 avec une grave crise frumentaire ressentie
dans l’ensemble du royaume. En devenant une source de profit pour le pouvoir, la ville ne
redevient-elle pas aussi un lieu de tension ?
62 Il est malheureusement très délicat d’évaluer ce profit. Tout d’abord on ne dispose pas
d’une « unité de compte » relativement fiable, telle que la décime. De plus les impositions
pesant sur les villes semblent rentrer de façon beaucoup moins satisfaisante que celles
qui frappent le clergé. Selon toute vraisemblance, saisie des deniers des villes et grandes
impositions n’ont pas dû rapporter plus de cinq millions de lt. Je ne crois pas possible de
m’aventurer plus loin. Mais la ville fait par ailleurs l’objet de nombreuses ponctions
complémentaires en argent ou en nature. Des éléments comme la fourniture de poudre et
de vivres ou le prêt de pièces d’artillerie, plus difficilement chiffrables encore, sont
malgré tout aussi des contributions à prendre en compte.
63 Les exigences du pouvoir soulèvent de fortes critiques. Les commissaires royaux se font
l’écho des protestations des États de Languedoc, sans doute en 1527-1528 :
« Si l’on ouste desd. villes leurs deniers communs, nous vous asseurons que ce sera
une grand ruyne desd. villes et interest à l’administration de la chose publicque
d’icellui et principallement en ce qui concerne les deniers du Roy car ne se trouvera
homme qui veuille estre consul ny prendre charge des deniers communs et si
conviendra nécessairement faire de terribles impositions et collectez qui viendront
au gros dommaige des sub-jectz du Roy ».
64 Les États refusent de faire octroi au roi si le Languedoc n’est pas exempté205. A chaque
sollicitation, les plaintes se multiplient. Voici les Orléanais, face aux demandes
renouvelées du roi, « en grant perplexité pour n’avoir le moyen de y povoir satisfaire ».
Voilà les Rennais qui « sont si pouvres que impossible seroyt lever deniers sur eulx » 206.
Mais ces lugubres affirmations trouvent peu d’écho et les municipalités doivent se
résoudre à négocier. Les résultats sont variables, en fonction du rapport de force et du
contexte de l’heure. C’est le jour même où débutent en mai 1538 les tractations qui
constituent l’entrevue de Nice qu’Auxerre obtient de pouvoir déduire des 2 400 lt à elle
demandées pour les hommes de pied, 2 000 prêtées en 1537207. En 1524, Paris réussit à
obtenir la réduction à 10 000 lt des 20 000 écus - quatre fois plus - qui lui étaient
demandés. En 1528, la capitale bénéficie d’un rabais de 25 % sur sa quote-part de la
rançon (50 000 lt sur 100 000 écus)208 A l’inverse Nantes, tout comme les autres villes de
Bretagne, ne parvient pas malgré des démarches pressantes à éviter la levée sur les villes
franches de 1523209.
65 Il semble que les cités importantes obtiennent plus aisément une composition que les
petites villes. Sur les huit versements de « deniers communs » de 1535 déjà évoqués, trois,
ceux d’Orléans (3 000 lt), Bourges (2 000 lt) et Chartres (750 lt) sont des chiffres arrondis
116
qui sentent l’accord avec le roi. Les cinq autres versements, pour des villes moins
importantes (Falaise, Senlis, Provins, Saint-Maixent et Parthenay), sont précis au denier
près. Ils correspondent sans doute aux rentrées effectives dans les caisses municipales,
reversées au Trésor royal. Le compromis n’est d’ailleurs pas pour la monarchie une
garantie de payement rapide. La moitié des 10 000 lt évoquées plus haut, promises en
octobre 1524 par Paris, n’a toujours pas atteint les caisses royales au printemps de 1525 210.
Parmi bien des cas de lenteur de réaction, voici Angers, sollicitée pour la rançon. Une
première lettre du roi est envoyée le 29 mars 1528. Elle est suivie de trois rappels pour
presser l’envoi, qui n’est toujours pas effectué à la fin de 1529211. Le pouvoir tente parfois
d’amadouer les municipalités en leur donnant une grande autonomie dans la levée de
l’imposition et même dans le processus de reddition des comptes. Il en est ainsi à Paris en
1522 et 1528212. Mais il faut aussi maintenir la pression, et parfois, au-delà des courriers
plus ou moins comminatoires, en venir au stade de la contrainte. Cela va alors de
l’autorisation donnée à tous huissiers et sergents d’instrumenter contre les récalcitrants
jusqu’à l’emprisonnement effectif des citadins, en particulier des membres des
municipalités213.
66 Le retour de la paix autorise parfois la monarchie à manifester une certaine souplesse,
comme en 1539-1540 où l’on octroie avec plus de facilité, et très officiellement, des délais
214
. A l’inverse, le pouvoir peut faire preuve d’une grande ténacité, et d’une mauvaise foi
plus grande encore, quand il est pressé par la nécessité. Amiens obtient le 1er juin 1522
d’être exemptée de toute contribution à la levée des gens de pied. Or, le 15 décembre, la
ville est taxée « par inadvertance » pour 300 hommes. Cette inadvertance est réitérée le
8 janvier suivant. Amiens réussit à arracher une nouvelle exemption le 4 février… pour se
retrouver taxée de nouveau avant le début avril215.
67 Pour les villes, le cadre de la perception n’est peut-être pas aussi rodé que pour les clercs
et l’on retrouve ici aussi des « inadvertances » sans doute moins suspectes sous la forme
de chevauchements et d’approximations. Antoine de Lamet, général d’Outre-Seine, est
chargé de taxer Auxerre, ville qui relève de la généralité de Bourgogne, pour cent
hommes de pied. Or il a appris que le général de Bourgogne Pierre d’Apestéguy a déjà
procédé à cette levée. Lamet s’interroge : doit-il faire peser un second fardeau sur les
épaules des Auxerrois216 ? Il serait intéressant par ailleurs de connaître l’origine des
barèmes d’imposition qui sont retenus. Lamet qui parle pour sa circonscription juge que
« la cocte de ceste charge est bien haulte actendu les pertes et frais qu’ilz ont soustenuz
depuis deux ans en çà ». Mais ce n’est pas seulement à cause des guerres qu’il fait ce
constat : si la solde des 20 000 hommes de pied avait été répartie sur les généralités au
prorata de la taille, comme une autre crue, l’Outre-Seine aurait porté 70 000 lt. Avec le
système de la « cocte », le fardeau est doublé pour atteindre 131 160 lt 217. Tient-on compte
de l’urbanisation relative, ce qui donnerait à la région, qui comprend Paris, un
pourcentage de population urbaine nettement plus élevé que la moyenne ? Cela paraît
logique, mais la répartition par généralités puis par bailliages et sénéchaussées
impliquerait, pour être sur ce point équitable, la maîtrise de paramètres démographiques
trop sophistiqués pour l’administration du temps. Cependant, au royaume de
l’approximation, il semble bien qu’on prenne en compte la spécificité de la population
visée218.
68 Les protections dont peuvent bénéficier les villes font aussi obstacle à un département
équitable. En 1522, lorsque le roi demande « la soute de certains nombre de gens de
guerre », « la ville de Poictiers, favorisée de Monsieur l’Admirai Bonnyvet, qui avoit grand
117
crédit envers le Roy, ne bailla aucuns gens d’armes, mais seulement une petite somme de
deniers pour ayder à la soute »219. En 1533 ce sont les villes des territoires possédés par le
roi de Navarre et mouvant de la couronne qui n’ont pas à verser la moitié des deniers
communs. Quand en 1543 les villes closes de la sénéchaussée de Toulouse sont taxées à
108 000 lt, les habitants du comté de Foix, dépendant des Albret, et ceux de la vicomte de
Nébouzan en sont exempts220.
69 Les villes ont bien des façons de répondre aux exigences financières de la monarchie. La
variété des options dans le mode de prélèvement est grande et le recours aux
monographies urbaines s’impose (si l’on peut dire) pour comprendre les choix qui sont
faits. En effet « la ville » est avant tout un cadre géographique et social utile pour
observer le jeu des groupes et des individus. Or les uns et les autres sont plus ou moins
pénalisés par les diverses formes de taxation. Malgré les réticences bien connues des
élites urbaines à l’égard des taxations directes, Paris y a cependant recours durant les
années vingt. En 1522, on procède à une taxe par métier. En novembre de l’année
suivante, le Bourgeois de Paris parle d’une « taille » à propos d’une imposition de
20 000 lt. Pour la rançon, les cotes sont établies au prorata de la valeur locative des
maisons221. Parfois, pour que le roi puisse disposer assez rapidement de ce qu’il demande,
les villes empruntent. Les édiles parisiens souhaitent en 1515 que la somme requise « soit
couchée par assiette sur les habitans de la ville. Et se pandant si l’on en peult Finer à
intérest ou autrement, que l’on en preigne pour en fere avance, à rendre des deniers qui
viendront de lad. assiette ». En 1533, Paris obtient de la part de deux marchands un prêt
de 25 000 écus222. Les élites de la capitale, comme celles des autres villes, à commencer par
Tours, sont aux premiers rangs des prêteurs et tirent ainsi profit de l’opération. Certaines
avances correspondent cependant à des taxations et non à des prêts volontaires223.
70 Très souvent le roi donne aux municipalités l’autorisation d’utiliser un octroi existant ou
de créer une taxe spécifique pour fournir ce qui est demandé. On retrouvera d’ailleurs le
même procédé pour les remboursements d’emprunts obtenus des villes. La charge est
alors supportée par l’ensemble de la population et, comme tout prélèvement sur la
consommation, elle pèse proportionnellement plus lourdement sur les pauvres que sur
les aisés : pour ces derniers, cette solution est donc largement préférable à une imposition
liée à la fortune ou au revenu. Ainsi, pour récupérer les 90 000 lt de sa quote-part de la
rançon, Rouen obtient de prélever cinq st par muid de vin et huit st par poise de sel. Eu,
qui fournit 1 500 lt, est aussi autorisé à les récupérer grâce à un octroi 224. C’est pour
financer les fortifications et la solde des gens de pied qu’en 1543 Lyon a la permission de
lever un nouvel impôt225. La ponction peut s’étendre sur une longue période : Paris a droit
de prendre en 1539 72 000 lt sur l’imposition alors existante sur les bêtes à pied fourché.
Comme cette taxe est de 12 deniers par tête, il ne faudra pas moins de 1 440 000 animaux
pour réunir la somme en question226… Quant aux cités dauphinoises taxées à 45 000 lt lors
de la levée de 1542 sur les aisés, elles se remboursent en partie sur les dons et octrois de la
province pour 1543 et 1544227.
71 Dans certaines de ses demandes, que ce soit pour les fortifications ou les gens de guerre,
le roi insiste pour que tous les habitants, privilégiés ou non, contribuent. Il existe depuis
le Moyen Age une théorie de l’impôt urbain qui vise à exclure la notion de privilège de la
participation aux « charges communes ». Cette exigence est source de tension au sein des
élites urbaines entre ceux qui répartissent le fardeau, ceux qui tentent de s’en dispenser
et ceux qui, se sachant à coup sûr imposés, poussent à un élargissement effectif pour
alléger leur propre contribution. A Lyon en 1538, quand vient le temps d’asseoir 28 800 lt,
118
« ilz y en a d’aucuns, combien qu’ilz soient vrays manans et habitans accasez et tenans
maison, feu et lieu long temps y a en lad. ville et qui font les plus gros gaings, [qui]
diffèrent de paier leurs coctes, disans qu’ilz ne sont natifz de la ville et italiens et se font
ouyr qu’ilz auront lectres dud. seigneur [roi] d’examption ou surcéance ». Beaucoup
d’autres risquent de suivre leur exemple, aussi la municipalité lyonnaise demande-t-elle
au roi de ne rien leur accorder228.
72 Très visé aussi est le clergé qu’on cherche par tous les moyens à faire contribuer à l’effort
commun. Celui de Lyon en 1543 obtient du roi une exemption pour la solde de 50 hommes
de pied229. Taxant en fonction des loyers, pour la rançon, les édiles parisiens insistent sur
le fait que les prélats payeront pour leurs maisons de la capitale, qu’ils les tiennent ratione
beneficii ou non, qu’elles soient louées, détenues par concierges ou autrement230. A Autun
en revanche, en 1543, les clercs ne sont tenus de contribuer à la solde des gens de guerre
qu’en raison de leurs biens de provenance non ecclésiastique231. A Rouen, en 1544, la
municipalité est plus expéditive : elle décide de confisquer la vaisselle précieuse et les
joyaux du clergé. Face à cette menace, celui-ci fait un « don volontaire » substantiel pour
aider à payer ce que le roi demande. Il obtient néanmoins de ce dernier, le 15 juillet 1545,
de ne contribuer à la solde des gens de pied que pour les biens roturiers de ses membres à
l’intérieur de la ville232.
73 Le souhait de la monarchie, une contribution pesant sur tous, est-il donc exaucé ?
Evidemment non. Le roi lui-même distribue des dispenses ou des faveurs, des Chartreux
parisiens233 aux officiers du Parlement de Rouen. En 1544, ces derniers ne doivent être
cotisés que si les deniers communs ne suffisent pas. L’année suivante, ils obtiennent que
leur contribution pour les hommes de pied soit considérée comme un prêt, remboursable
par la ville234. Inutile d’évoquer les éclats auxquels ces passe-droits donnent lieu. Les
protestations des surtaxés font alors écho aux dénégations des exempts. Le 30 septembre
1545 le maire et le sous-maire de Blaye se plaignent de leurs trop lourdes cotes auprès du
jurat de la ville chargé de la collecte. Mais, pour ne pas retarder le recouvrement, ils
versent ce qu’on leur demande235. Lamentation abusive ? Rien n’est moins sûr. Les
autorités municipales sont en effet directement sur la brèche pour essayer de contenter le
roi. Apparemment, il n’est pas toujours possible de rejeter entièrement le fardeau sur le
peuple. Ainsi, pour l’État monarchique, la ville fonctionne-t-elle à la Renaissance comme
un financier collectif, chargé de rassembler des impositions ainsi, on y reviendra, que de
fournir du crédit. La charge est certes limitée mais, dans la profonde crise socio-
économique qui atteint les cités à partir des années quarante, elle joue incontestablement
le rôle d’accélérateur voire de catalyseur des tensions236.
C. Les offices
lequel on aura l’occasion de revenir, est à cet égard justement célèbre. L’État peut de la
sorte payer ses dettes avec une monnaie qui n’est pas métallique, mais grâce à une
« création monétaire » qui lui appartient en propre238.
75 La boutique des offices tourne à plein régime pendant les conflits, ce qui n’est pas pour
surprendre, avec deux grandes vagues de créations : 1521-1524 et 1542-1545. Ces temps
forts se retrouvent au Parlement de Paris : nouvelles chambres créées en 1522 et 1543,
augmentation des effectifs aux Requêtes et à la Grand’chambre en 1544239. On les observe
également pour les créations d’élus, en 1523 ou en 1543240. Mais, à un rythme plus ou
moins soutenu, il n’est pas d’année qui ne soit concernée. De janvier à avril 1525 par
exemple, sept nouveaux élus font leur apparition241. A-t-on besoin d’argent pour la
campagne pour l’Empire ? On songe à créer des offices242. Toute occasion est bonne : une
courbe détaillée des créations pourrait sans doute fournir un indicateur intéressant des
difficultés de financement de la monarchie. Et pourtant certains hommes au pouvoir
insistent sur le fait que la vente d’office n’est pas un commerce comme un autre. En
Provence, Pierre Filhol (ou Filleul), archevêque d’Aix, refuse les offices à ceux qui les
marchandent243. N’est-ce pas à cause de la « dignité ordinaire avec fonction publique »,
comme l’écrira Loyseau, qu’ils constituent ?
76 Le besoin de tribunaux et d’agents royaux se fait souvent sentir localement. Les rivalités
pour obtenir un siège sont parfois féroces, comme en témoigne, en Bas-Limousin, la lutte
qui oppose Brive, Tulle et Uzerche pour l’installation d’une sénéchaussée, chaque cité
déboursant des sommes importantes pour parvenir à ses fins244. L’enjeu est accru par le
fait que les sujets du roi portent de plus en plus de causes aux juridictions monarchiques.
Mais cette demande, réelle, ne correspond qu’à une facette de la question des offices :
fréquemment en effet, la multiplication des officiers donne lieu au contraire à des
récriminations de la part des communautés qui voient disparaître de la matière fiscale ou
de la part des officiers déjà établis qui déplorent l’avilissement de leurs fonctions et la
diminution de leurs profits.
77 La solution pour les gens en place réside alors dans le rachat pur et simple des nouveaux
offices. L’impression prévaut même parfois que la monarchie crée des charges en misant
sur ce rachat. En 1515 apparaissent les contrôleurs des deniers communs qui « ne sont
que des expédients fiscaux ; les villes le comprennent bien ainsi et rachètent, bon gré, mal
gré, les charges ainsi créées »245. Même phénomène après la création en 1542 d’offices de
receveurs des deniers communs. En janvier 1548, Decize, Saint-Maixent et Troyes en
obtiennent la suppression, à charge d’indemniser les titulaires246. En 1543, le roi accorde
aux Marseillais l’exemption de la traite foraine et la suppression du bureau local de
l’institution, mais ceux-ci doivent en rembourser les officiers247. La même année, François
Ier institue une Chambre des comptes en Normandie. Vingt ans plus tôt, il avait fait de
même à Montpellier. 1523, 1543, la chronologie déjà évoquée se retrouve encore. Mais les
Normands, au rebours des Languedociens, n’entendent pas accepter ces nouveaux offices,
dont le salaire sera versé grâce à une augmentation des taxes locales. Les États
s’émeuvent et, après d’âpres négociations, obtiennent la suppression de la cour
moyennant 246 875 lt, soit le double du prix de vente des charges248. Sans doute une
même logique est-elle à l’œuvre lors de tentatives d’établissement d’élections dans le Sud-
Ouest. Une mesure générale prise le 21 septembre 1519 est rapportée dès le 21 octobre
1520 ; une décision concernant l’Agenais, datant d’avril 1544, est annulée en mai 1545.
Faute de parvenir à étendre les « pays d’élections », le roi obtient très vraisemblablement
une compensation financière249.
120
78 Le fardeau du rachat frappe à des degrés divers l’ensemble des habitants d’une ville ou
d’une province250. Mais il concerne aussi, évidemment, les officiers menacés par les intrus.
En février 1544, François Ier supprime le poste de troisième enquêteur au bailliage
d’Amiens, à charge pour les deux premiers de rembourser le titulaire251. Villes et officiers
doivent parfois s’associer pour obtenir la disparition souhaitée. Le 16 juin 1544, le
trésorier des Parties casuelles reçoit mille écus des officiers de Guyenne « dont ils ont
libérallement faict don au roy (…) en faveur et considération de la suppression faicte par
le roy du siège qu’il avait naguères accordé aux habitants de Libourne », à charge pour les
Bordelais de rembourser les Libournais de « ce qu’ils ont donné pour l’érection dud. siège,
ensemble ceux qui ont esté pour-veuz de offices pour led. siège de ce qu’ilz ont payé pour
la composition desd. offices chacun en son regard »252.
79 Le sort des greffes offre un bon exemple des aléas statutaires d’une fonction prise dans la
tourmente des exigences financières du pouvoir. Le 6 juillet 1521, les greffes des
bailliages, sénéchaussées, prévôtés et autres juridictions, jusqu’alors affermés, sont érigés
en offices domaniaux253. Les activités restent identiques et le personnel ne change pas
nécessairement254. Mais le trafic autour de la fonction connaît un vif essor. Bonnivet
intervient ainsi le 24 octobre 1521 auprès de Florimond Robertet en faveur d’un acheteur :
« Vous aurez veu ce que je vous ay dernièrement escript pour Robineau touchant le
greffe de la prevosté d’Orléans, pour lequel il a ja fourny par deçà à monsr le
général de Normandie VIII m lt, et pour ce que led. Robineau m’a dit qu’il en a esté
offert au prévost d’Orléans, qui avoit charge de le vendre, jusques à XI m frans à ce
que on luy escript et qu’il le veult bien avoir pour ce pris là, si tant est que le Roy ne
luy voulsist faire ceste grâce pour lesd. VIII m frans, je vous prie, monsieur le
trésorier, de le lui despescher »255.
80 La démarche de Bonnivet vise à l’évidence, non seulement à l’obtention de la charge, mais
aussi à faire économiser 3 000 lt à Robineau. On ne sait s’il y est parvenu. Le sort des
greffes n’est en rien définitivement fixé par l’édit de 1521. En 1537 encore, le roi doit
rappeler aux commissaires à la réunion du domaine l’interdiction d’inquiéter les
titulaires256.
81 Mais, de province à province, quelle diversité ! En Provence les greffes de la sénéchaussée
sont à bailler à ferme le 5 septembre 1535 ; les quatre greffes d’appel sont de nouveau
affermés à partir du 4 juin 1536 et les greffiers sont indemnisés. En Languedoc, les greffes
sont réincorporés au domaine le 16 janvier 1538, mais les titulaires obtiennent le 1er
janvier 1539 une compensation. Enfin on réattribue aux vicomtes normands les greffes et
sceaux des vicomtes en mai 1544. Dans le comté de Blois en revanche, les greffes du
bailliage et de la prévôté sont vendus l’été suivant, tout comme les tabellion-nages du
comté et de la châtellenie257. La politique royale en la matière semble donc des plus
fluctuantes. C’est sans doute un bon moyen de tirer de l’argent du personnel. Ainsi les
vicomtes normands doivent-ils verser 45 000 lt pour retrouver leurs prérogatives.
82 L’office une fois créé, le roi conserve la possibilité d’en faire argent en particulier lors des
mutations. Le système des résignations est désormais rodé. Dans une liste de « parties
dont on se pourra aider » pour financer l’effort de guerre, évoquée au Conseil privé le
8 juin 1537, cette source de revenu figure en bonne place : 4 000 écus du président Nicolaï
qui résigne à survivance en faveur de son gendre, 1 500 écus pour un office de conseiller
au Parlement, 6 000 lt pour le passage du père au fils de la lieutenance générale de la
sénéchaussée d’Anjou258. Nombreuses sont encore, en un temps qui ignore la Paulette, les
reventes après le décès des titulaires. Ces opérations sont souvent plus mouvementées, la
121
officiers. Payer leur permet d’obtenir leur confirmation. S’ils ne s’exécutent pas, en effet,
la suspension les menace269.
85 Cette abondance de procédés pour drainer les fonds des officiers est-elle d’un gros
rapport pour la couronne ? Certains chiffres du temps sont très élevés. Si François
Giustiniano estime que la vente des charges rapporte 200 000 lt par an vers 1537, en 1546
Marino Cavalli juge que « la vente des emplois, et ce commerce se fait de mille manières,
(…) donne de l’argent au roi qui, une année portant l’autre, en tire plus de quatre cent
mille écus » soit plus de 900 000 lt270. Ici encore, nos ambassadeurs vénitiens ont tendance
à exagérer. En 1549, un état prévisionnel évalue les parties casuelles à 100 000 lt, et c’est
au même chiffre que s’arrête Garnier pour 1552271. On conserve pour cinq ans (1524-1528)
le chiffre global des profits des offices. Leur recette se monte à 568 642 lt auxquelles il
faut ajouter 144 800 lt provenant de la moitié des gages et revenus des greffes pour 1527
et 1528 et 30 102 lt prélevées sur les offices non gagés, taxés à un huitième de leur valeur
272. L’ensemble, soit 743 544 lt, donne donc une moyenne annuelle de près de 150 000 lt.
Cet ordre de grandeur paraît plus recevable : ce ne sont pas des années de fortes ventes,
mais les prélèvements annexes servent à compenser cela. Malheureusement, sans même
parler des prêts que l’on retrouvera, il n’est pas sûr que tous les profits transitent par les
Parties casuelles. Certaines ponctions sont très probablement directement versées à
d’autres caisses, à l’Extraordinaire des guerres en particulier. Malgré tout, il paraît peu
probable que la boutique des offices sous toutes ses formes produise sous François I er
beaucoup plus de six millions de lt, ce qui n’est déjà pas négligeable étant donné le
nombre de personnes concernées.
D. Les aliénations
évidemment dans le temps bien après la dispersion des commissaires aux aliénations dans
le pays. Les délais sont longs, à l’évidence, pour « placer » dans le public les 600 000 lt de
la grande aliénation d’août 1543277. Mais, faute d’études régionales, d’ailleurs sûrement
délicates à conduire, il est difficile d’estimer quelle part du montant proposé trouve
effectivement preneur. Le pouvoir royal lui-même est souvent bien en peine d’obtenir
rapidement au plus haut niveau des résultats précis. L’État général de 1523 procède ainsi
pour le domaine de Languedoïl à un abattement forfaitaire « en actandant que le trésorier
de la charge ayt apporté la vraye valleur de lad. charge, les vanditions et aliénations
rabatues pour luy en faire vray rabaiz »278. Il est probable que, comme au XVIIe siècle, « ce
placement attir[e] toujours l’aristocratie, la cour et les ministres du roi »279 mais pas
seulement eux.
88 Le succès des ventes est extrêmement variable. Il y a tout d’abord de mauvaises
conjonctures. Fin août 1544, en pleine invasion anglo-impériale, l’argent se cache au
moment où il est le plus nécessaire : « Je vous promectz qu’il ne m’est possible de vous
recouvrer pour le présent argent à Paris tant le peuple est estonné de la perdición de
Saint-Dizier, de sorte que ceulx qui en ont prient ne leur parler d’avoir ne acheter aucune
chose jusques à ce que l’on voye la diffinitive des affaires »280. Il est aussi des régions plus
ou moins favorables. En 1537, alors que les ventes vont bon train en haute Normandie, les
commissaires, qui s’apprêtent à gagner Caen et l’ouest de la province, jugent « que les
deniers y seront trop plus difficiles à trouver qu’ilz n’ont esté par deçà ». En Bretagne, au
même moment, c’est bien pire. Malgré les publications et la diligence des commissaires,
aucun acheteur ne se présente : « Nous ne estimons poinct que par ce moyen on puisse
recouvrer deniers pour le Roy en ced. pays »281. Les aléas des aliénations ont-ils à voir
avec le taux auquel elles sont pratiquées ? Celui-ci, en effet, n’est pas fixe. Ventes et
engagements oscillent généralement entre les deniers dix et douze, avec des cas plus
rares, par exemple de denier quinze. Ce qui signifie que l’acheteur doit fournir dix ou
douze fois le revenu estimé du bien concerné282.
89 La marge de manœuvre des commissaires est un paramètre important : pour emporter les
transactions ou pour des motifs moins louables, ils sous-estiment parfois les revenus.
Chaque vente est en fait le fruit d’une négociation spécifique et le « marché » des
aliénations est tout sauf un marché national et transparent. Aussi, lorsque les
commissaires en Outre-Seine se penchent en 1537 sur les aliénations qui ont eu lieu en
1522, ils constatent que certains acheteurs ont obtenu le denier sept ou huit : pour un
bien dont le revenu atteint, selon eux, 5 à 600 lt, le « sort principal » n’est que de 4 000 lt
283
. Il est vrai que les agents du roi n’ont pas toujours la partie belle. Le refus catégorique
du chancelier d’accepter des créances sur le roi en paiement partiel, même lorsqu’une
part importante est fournie comptant, « sera [pour] reculler et eslongner les acquéreurs
et leur engendré craincte et suspicion de leur remboursement et des acquisitions qu’ilz
vouldroyent faire là où ilz sont assez aisez, au moyen que par le passé on ne leur a tenu la
seureté que leur asseu-rons pour l’advenir ». De plus, le chancelier refuse les accords de
trop faible ampleur, or « se sont ceulx qui conduisent les autres ». Enfin la contestation de
certaines ventes par des bénéficiaires de dons royaux ne fait rien pour attirer les
acheteurs284.
90 Certaines aliénations ne diminuent pas le domaine, dans la mesure où elles procèdent de
confiscations. De la fausse-monnaie à la lèse-majesté, les occasions sont multiples, la plus
notable, et sans doute la plus rentable, étant celle qui suit la « trahison » du connétable de
Bourbon. En 1543, Jean Cléberger acquiert ainsi pour 16 722 lt les seigneuries du
124
vicomte et seigneurie d’Orbec-en-Auge. Cet échange est d’autant plus étrange que les
terres aliénées en 1522 étaient estimées à 2 700 lt de revenus en 1523 (soit 6,75 %, presque
le denier 15, fort avantageux pour le roi), alors que la vicomte d’Orbec est affermée pour
3 200 lt par an en 1534 (soit 8 %, sur la base de 40 000 lt) 294. Mais ce qui importe ici est que
la monarchie, en deux fois, parvient à remettre la main sur la moitié de cette aliénation
au cours des années trente, en profitant des poursuites contre les officiers de finance qui
se retrouvent parmi les héritiers Poncher295. Il s’agit certes d’un cas d’espèce, peu
représentatif. Mais il s’ajoute aux autres procédés évoqués qui fragilisent la position des
acheteurs. Or, en raison même de leur situation incertaine, les acquéreurs, très
logiquement, n’offrent jamais des conditions financières intéressantes pour le roi. Celui-ci
a donc souvent le sentiment de faire, dans l’urgence, un marché de dupe. Le voici prêt à
toutes les remises en cause : la boucle est bouclée.
94 Outre les quatre secteurs que je viens de présenter qui, chacun, méritaient un
développement spécifique, la monarchie use de nombreux autres moyens de faire rentrer
de l’argent et sait faire flèche de tout bois. Parmi la panoplie classique des expédients, un
seul absent de marque : les manipulations monétaires, très limitées sous François I er. Il est
vrai qu’elles sont jugées particulièrement immorales, surtout les dévaluations. On
dénonce aussi leur effet perturbateur sur l’activité économique. Mais enfin n’est-ce pas
avant tout parce que la situation financière n’est pas aussi désespérée qu’au temps de
Jean le Bon ou qu’à la fin du règne de Louis XIV qu’on y a peu recours ?
95 Certaines initiatives s’inscrivent dans la tradition « féodale ». La vieille « aide aux quatre
cas » est toujours là. Outre l’épisode exceptionnel de la rançon - qui n’est pas étudié ici -,
on trouve des allusions à une levée sur les nobles pour la chevalerie du dauphin ou le
mariage de la reine d’Ecosse, fille de François Ier296. Mais l’essentiel provient d’ailleurs, en
particulier de la perception d’une taxe pour les francs-fiefs et nouveaux acquêts, parfois
couplée avec une procédure d’amortissement qui, il faut le souligner, ne touche pas
exclusivement les clercs. Evoquer ici ce casuel du domaine me paraît justifié dans la
mesure où il figure parmi les ressources rattachées à l’Extraordinaire des finances. En
1515, le Bourgeois de Paris estime que les francs-fiefs et nouveaux acquêts dont le roi
vient de céder les revenus à certains de ses proches, rapporteront plus de 60 000 écus 297.
Mais il ne précise ni la durée de la levée ni les régions concernées. On repère au fil des
sources et des années un certain nombre d’opérations portant sur une province ou une
circonscription. En 1521, la Bourgogne doit acquiter 50 000 lt (amortissements compris),
ce qui lui assure trente ans de tranquillité en ce domaine298. La sénéchaussée de
Carcassonne offre en 1523 une composition de quelque 16 663 lt pour les francs-fiefs. De
la Bretagne, la monarchie espère en 1535 tirer 200 000 lt sur les roturiers tenant fiefs
nobles299.
96 Quant à la levée du ban et de l’arrière-ban, qui ne concerne plus que les nobles depuis le
milieu du XVe siècle, c’est encore, sous François Ier, une mesure militaire, mais c’est déjà
126
un expédient financier puisque ceux qui ne se déplacent pas doivent contribuer à l’effort
commun par un versement assez élevé300. Les États de Languedoc dénoncent une dérive :
« Plaise au roi pourvoir que, soubs couleur d’appeler le ban et arrière ban des
seneschaussées dudit pays à faire marcher, l’on ne fasse d’ores en avant imposition sur les
feudataires contribuables audit ban et arrière ban ainsi que l’on a fait ces années passées,
sans que le ban et arrière ban aye marché »301.
97 De nombreuses mesures individuelles alimentent le Trésor. Le roi fait tout d’abord argent
des lettres de naturalité. Chaque transaction a son style. Un gentilhomme de la région
lyonnaise obtient sa lettre en 1537 en contrepartie d’un gros achat de domaine : « Je ne
[la] luy delivreray pas, écrit Tournon, sans luy avoir faict la vente du dommayne dont il
m’a demandé au pays de Dombez pour dix mille escuz ». Mais, sans elle, il n’achètera rien
302. Parfois le roi cède, moyennant un forfait, un paquet de lettres à un particulier, à
charge pour lui de les écouler au mieux de ses intérêts. Dans un acte très abimé du 24 août
1516, maître Michel de Pyra, licencié en lois demeurant à Toulouse, confesse avoir reçu
vingt de ces lettres pour lesquelles il a composé apparemment à 25 000 lt. La transaction
passant par le personnel de l’Extraordinaire des guerres, l’affectation des fonds reçus est
aisée à deviner303. La vente des lettres d’anoblissement se fait de façon semblable, à ceci
près qu’on ne peut les délivrer à n’importe qui. Au-delà de la possession des fonds
nécessaires, il y a, semble-t-il, des critères de moralité et de rang. Mais l’aptitude à la
noblesse n’empêche pas la rapacité : en Normandie, les roturiers intéressés proposent aux
commissaires royaux chargés de la vente « les ungs quatre, cinq cens, les autres six, sept
et huit cens frans. Nous tenons le prix à mil livres et jà en avons deux de la qualité de nostre
commission qui se sont condescenduz à la somme »304. Comme Pierre Filhol pour les offices,
les commissaires semblent ici juger que la dignité en jeu interdit le marchandage. La
diffusion du protestantisme, fort coûteuse par ailleurs sur tous les plans, est néanmoins
aussi, à la marge, une source de revenus, car les biens des Hérétiques condamnés sont
confisqués305. Dernière mesure, d’intérêt local, à évoquer : la création de foires. Sur leur
multiplication au XVIe siècle, Richard Gascon est très net : ce mouvement répond « moins
à des besoins réels de l’économie qu’aux vanités locales et surtout aux besoins d’argent du
roi »306.
98 Si tous les procédés que l’on vient d’évoquer ne sont pas neufs, le règne de François I er
voit en revanche la naissance de deux recettes nouvelles, appelées à un long et brillant
avenir. Coïncidence, ou rôle direct de Poyet, le nouveau chancelier, elles apparaissent
toutes deux en 1539, et, il faut le noter, en temps de paix. Il est vrai que, pour l’heure, leur
importance financière est symbolique. L’ordonnance de Villers-Cotterêts (août 1539), par
son article 132, établit l’obligation de l’insinuation des donations entre vifs dans les
greffes royaux. Cette décision, à l’origine du contrôle des actes, permet aussi de renforcer
les effectifs des greffes, moyennant paiement des nouveaux promus307. Trois mois plus
tôt, en mai, un édit avait établi une loterie, la blanque, dans toutes les villes du royaume 308
. A Paris, le premier fermier, qui porte le titre de maître de la blanque, est Jean Laurent. Il
verse une redevance annuelle de 2000 lt309. L’occasion est bonne de créer un office et, dès
1544, noble homme maître Jehan Séjournant, sieur de Veullon, est contrôleur de la
blanque à Paris310. Entre-temps une déclaration royale du 24 février 1542 a réduit le
prélèvement du trésor sur la blanque : trop élevé, il décourageait sans doute les joueurs.
La diffusion hors de la capitale a bien lieu puisqu’en 1542 Claude Yon, marchand et
bourgeois de Paris, est « maistre de l’Estat et office de la Blancque » à Rouen. Mathieu Le
Roux, marchand orfèvre de Rouen, est son commis sur place311.
127
101 Le 15 décembre 1537, ordre est donné au trésorier des finances extraordinaires de payer
un chevaucheur. Celui-ci, partant de Lyon, s’est en effet peu de temps auparavant rendu
par deux fois dans le Sud-Ouest, à Limoges et Agen, pour faire activer la rentrée des fonds
de Guyenne314. Que ce soit pour les recettes ordinaires ou pour les prélèvements
extraordinaires, le même lancinant problème se pose : comment disposer promptement
des fonds ? Contraintes techniques et choix politiques entrent souvent en contradiction,
les unes ralentissant des opérations que les autres voudraient toujours plus rapides.
quartiers, l’argent est bien fort difficille à recouvrer, écrit Tournon le 16 décembre 1536 à
un chef militaire en Italie, car il fault que vous entendiés que d’icy à la fin de janvier il ne
se recuilly pas un grand blanc »318. C’est donc avec des rentrées par saccades qu’il faut
assurer des paiements quotidiens.
104 Quelques données permettent de mesurer la vitesse de récupération des fonds. Un 13 août
des années 1536-1538, un tiers environ de la taille du quartier de juillet est parvenu à la
recette générale de Normandie319. En Languedoc, au second semestre de 1536, on
remarque un net contraste entre les deux quartiers. Pour celui de juillet, après un mois
sans envoi, 29 % sont versés en août, 36 % en septembre et 35 % en novembre seulement.
Pour celui d’octobre en revanche, 58 % des fonds sont déjà encaissés le 8 novembre320.
L’étalement du quartier de juillet met en évidence une première inflexion dans la belle
mécanique des paiements : les quartiers, au lieu de se suivre, se chevauchent, ce qui ne
facilite pas la gestion. La recette de Guyenne, à la suite d’un problème juridique qui
aggrave les décalages, ne commence apparemment les envois du quartier de janvier 1537
que le 3 avril. Le recouvrement ne s’achève qu’en mai321. D’une année sur l’autre, le
problème se retrouve. Ici les méthodes comptables ne facilitent pas les choses puisque
l’année fiscale n’est pas la même pour les aides et gabelles (début au 1er octobre) et pour
les tailles et le domaine (début au 1er janvier)… Les registres des recettes de l’Épargne, qui
comprennent les rentrées réellement effectuées du 1er janvier au 31 décembre, ne
correspondent donc pas aux recettes qui doivent être perçues au titre de l’année en cours.
De plus, certains responsables de dépenses travaillent aussi sur la base d’une année fiscale
débutant au 1er octobre322. Contraintes du recouvrement et pratiques comptables se
conjuguent donc pour compliquer la situation financière323. Sans parler des difficultés
supplémentaires causées par de multiples spécificités locales. A titre d’exemple, la
redevance de 4 000 ducats que le Briançonnais doit verser est « quérable » et non
« portable » : c’est au receveur général du Dauphiné, basé à Grenoble, d’envoyer chercher
ces fonds que les contribuables ne sont pas tenus de lui faire parvenir324.
105 Pour permettre un afflux plus régulier des liquidités, la monarchie ne manque pas
d’idées. Il faut « envoyer clercz expers et dilligens par les receptes et greniers pour
prendre les deniers qui pourroient estre en leurs mains pour les envoyer quant y en aura
quinze ou vingt mil livres, sans attendre plus grande somme ». Les receveurs locaux peuvent
aussi apporter leurs fonds dans des villes intermédiaires entre leur lieu d’exercice et la
capitale de la recette générale, par exemple à Lisieux et à Caen pour la Normandie. Cela
facilitera le travail de collecte. Enfin les responsables de la recette générale doivent
envoyer leurs clercs pour récolter les deniers de la taille dès le quinze du premier mois du
quartier325. Une lettre d’un agent en Languedoïl semble confirmer que ces propositions
ont reçu un commencement d’application. Il écrit le 17 avril avoir « envoyé clercs de
toutes pars pour à mesure que deniers viendront les envoyer où il plaira au Roy »326. La
date (deux jours après l’échéance proposée) et le souci d’envoi des fonds « à mesure »
qu’ils se récoltent sont bien présents. Le même souhait est exprimé à un échelon
supérieur par Montmorency : il demande au chancelier de lui faire parvenir de l’argent
« sans vous arrester à nous envoier tout à ung coup une grant somme [mais] nous
secourir de votre costé à mesure que argent vous viendra, car en ce faisant nous
contenterons les plus importuns et pressez »327. De même les clercs établis dans les
recettes générales à la fin de 1532 doivent faire partir leurs fonds « à l’heure que (…)
verres et congnoistrez qu’il y aura argent à suffire pour faire voicture (…), sans actendre
que ayez le tout recuilliz et amasser »328.
129
109 Les commissaires aux expédients sont obligés d’aménager leurs missions en fonction de
nécessités contraignantes. Dupré, qui sévit contre le clergé normand en mai 1538, a deux
tactiques. Pour ceux qui demandent des délais, il procède systématiquement à une saisie
de leurs biens. L’idéal est alors de trouver un amateur qui veuille faire l’avance du revenu.
En revanche, face à ceux qui sollicitent une diminution, il négocie : « Suys contrainct
plyer aucunement en cest endroit » pour avoir des fonds immédiatement334. Dans les deux
cas, l’important est d’obtenir de l’argent le plus vite possible. On saisit mieux dans un tel
climat pourquoi certaines aliénations ou des ventes d’offices peuvent se dérouler dans des
conditions peu avantageuses pour le monarque, à long et moyen termes. Mais ces termes-
là doivent céder le pas devant les exigences du jour, ces exigences si brûlantes qu’on ne
sait pas un 25 septembre comment faire face à des échéances pour les 1er et 7 octobre
suivants335, ces exigences si fréquemment renouvelées que l’urgence s’impose comme un
trait permanent de la gestion financière.
130
110 Gagner du temps, ce peut être tout d’abord accélérer les rentrées, en multipliant les
anticipations. Le procédé est chronique pour la taille depuis Charles VIII et Louis XII. En
apparence, certaines demandes sont bien modestes : en 1526, un versement est avancé du
1er juillet au 20 juin. L’année suivante, les paiements des 1er juillet, 1er octobre et 1er
janvier sont décalés aux 15 mai, 15 août et 15 novembre. En 1542, le quartier payable au 1
er
octobre est exigible un mois plus tôt336. Et pourtant, d’anticipation en anticipation, au
gré des besoins, la monarchie en vient parfois à prélever la taille avec un an d’avance. Fin
1523, toute l’année 1524 a déjà été « mangée »337, à supposer, ce qui est loin d’être certain,
que les fonds réclamés soient tous rentrés. Sur le plan comptable du moins, et il a son
importance, en particulier face aux éventuels bailleurs de fonds, plus rien n’est à
percevoir à ce titre. La date de fixation des commissions de taille est éclairante. Quand la
situation n’est pas trop mauvaise, on procède en automne : en 1519 le Conseil asseoit la
taille le 26 septembre. Quand tout se bouscule, la répartition se fait en juillet (1522) voire
en juin (1523) pour l’année suivante. Le summum est atteint avec l’assiette de 1525 qui a
lieu, anticipation oblige, le 6 décembre… 152 3338. La taille est évidemment, de par sa
nature, le prélèvement qui se prête le mieux à ce genre de procédé. Mais d’autres sont
touchés. En mai 1522, le roi écrit aux grenetiers et contrôleurs, ceux des régions de
grande gabelle tout au moins. Il leur demande de contraindre leurs ressortissants à
retirer sous un mois leur provision ordinaire de sel pour une année. En payant comptant,
les acheteurs obtiendront une remise d’un quart du prix habituel339. L’anticipation
apparaît bien coûteuse.
111 Les « gains de temps » ainsi obtenus ne sont cependant pas qu’illusoires puisque, sauf
erreur, entre 1521 et 1528, François Ier lève en définitive neuf tailles et douze crues en
huit ans. Mais ils ne suffisent point. Aussi faut-il recourir à un autre moyen : le
détournement d’assignations. L’ordre prévisionnel des dépenses impose en théorie de
régler en premier lieu « les parties employées es estats généraulx des finances » et
rappelle que « les paiemens des charges ordinaires (…) sont à préférer aux autres
despences extraordinaires »340. Or tout ceci est passablement bousculé et, en cas de
problème grave, totalement ignoré. Une autre logique s’affirme dans l’instantané des
besoins, avec une constante en cas de conflit : l’Extraordinaire des guerres premier servi.
On a déjà vu que l’Ordinaire de la guerre lui-même n’était pas à l’abri de ces transferts.
Les bâtiments du roi non plus puisqu’en août 1536 25 000 lt sont reversées par leur
comptable pour alimenter le Moloch. Les grands artistes ne sont pas épargnés, malgré la
faveur royale. En 1544, le roi « parce qu’il était à cours d’argent », annule un versement
de 7 000 écus promis à Cellini… si du moins on peut en croire le témoignage de l’intéressé
341
. Si par hasard des fonds passent à portée qui n’ont pas encore, semble-t-il,
d’affectation, la question de leur emploi est aisément résolue. Ainsi procède Tournon qui
informe benoîtement le chancelier le 6 novembre 1536 : « J’ay trouvé icy [à Lyon] ung
clerc qui portoit XVII m escus de la recepte des tailles de Normandye, cuydant y trouver
le greffier Duval [commis du trésorier de l’Épargne]. Voyans la nécessité des affaires qui
sont icy, j’ay receu led. argent pour m’en ayder si vous ne m’en envoiez d’ailleurs »342.
112 En dernière analyse, ou plutôt en dernière urgence, le roi et ses agents prennent donc
l’argent là où il est, le jour où ils en ont besoin. Or, comme le « Trésor » royal n’est en fait
qu’un empilement de caisses plus ou moins distinctes et hiérarchisées, on joue
constamment entre elles, en fonction des nécessités. En conséquence, ceux qui n’ont pas
la chance de faire partie des priorités doivent attendre. Les délais sont très variables. Les
officiers des maisons royales sont fréquemment victimes de ce genre de procédé. Comme
131
les gendarmes, plus qu’eux encore, ce sont des fidèles et bien peu semble à craindre de
leurs éventuelles protestations. De même, les pensions aux régnicoles, y compris les plus
proches du souverain, se font souvent désirer343. Il est vrai que, lorsque l’argent est
disponible, ces derniers figurent parmi les premiers et les plus grassement servis.
113 Les procédures normales de versements sont aussi bien souvent infléchies, toujours dans
le souci d’accélérer les choses. C’est un trésorier de l’Ordinaire des guerres autorisé à
prendre sur divers receveurs les fonds dont il peut avoir besoin pour sa charge344. Ce sont
les restes des comptables, jusqu’alors traditionnellement reçus par le changeur du Trésor,
qui doivent aller directement à l’Extraordinaire des guerres345. Ce sont les clercs de cet
Extraordinaire captant les deniers des recettes générales, des aliénations ou des
emprunts, sans que le trésorier de l’Épargne ou celui des Parties casuelles serve de relais.
C’est ce commissaire à un prélèvement sur le clergé qui est flanqué d’un commis de
l’Extraordinaire auquel l’argent est directement remis346.
3. La permanence du déficit
114 Les comptabilités peuvent donner l’illusion que l’effort entrepris permet, au bout du
compte, de faire face sur tous les fronts. Quand il fournit à la fois recettes et dépenses, le
manuscrit français 4523 n’offre que des situations équilibrées, à de rares exceptions près.
Le premier poste, celui de la chambre aux deniers (f° 1-3), est particulièrement net à cet
égard. Or, on le sait par ailleurs, il est en fait chroniquement déficitaire : des « passes » de
4 538 lt en 1514, de 13 154 lt en 1518, de plus de 5 000 lt en 1522 nécessitent des
assignations complémentaires347. Au début de 1527 encore, et à la fin de 1531, les
« passes » sont toujours là348. Ce qui vaut pour un poste bien documenté se retrouve pour
l’ensemble des finances monarchiques. A cette échelle, les « passes » accumulées
constituent un impressionnant déficit. Dès son arrivée sur le trône, François I er doit faire
face à ce phénomène. On peut tenir pour négligeables les dettes du duc de Bretagne qu’il
traîne en tant qu’époux de l’héritière du duché. Réduites sont celles qu’il avait avant son
accession au trône : pour un roi, 150 000 lt, c’est peu de chose349. Mais feu son « très cher
seigneur et beau père le roy Loys dernier décédé, que Dieu absoille » lui laisse un passif
autrement plus substantiel de 1,4 million de lt350. Probablement permanent depuis
Charles VIII, le déficit des finances royales est présent tout au long du règne de François I
er. Seules quelques années font, peut-être, exception. Si la réalité est acquise, l’ampleur du
phénomène est bien plus délicate à mesurer. Les données dont on dispose sont souvent
peu explicites et, dans un chiffre mentionné au détour d’une correspondance
diplomatique ou d’un projet de réforme, quelle est la part de l’estimation, de
l’information, de l’amplification ? Et qu’est-ce qui est réellement pris en compte ? A titre
d’exemple, le retard des paiements destinés aux Suisses a-t-il sa place dans un déficit ?
115 Il faut néanmoins se risquer à quantifier. La campagne de Malignan accroît encore le
passif laissé par le « Père du peuple ». Au début de 1516, l’ambassadeur florentin parle
d’un million de ducats, soit en gros autant d’écus351. A la fin de la décennie, une
amélioration se dessine sans doute. Le retour de la guerre est dramatique. Avant même le
commencement des opérations, la situation est très fragile : pour des dépenses militaires,
alors que l’État général est déjà trop chargé de 100 000 lt, on cherche à trouver 1,6 million
de lt, « le tout en deniers d’emprunts »352. Puis c’est l’engrenage : deux millions et demi
de lt de déficit fin 1522, peut-être quatre courant 152 3353. Les informations manquent
pour la suite de la décennie. En novembre 1531 encore, après deux années de paix, mais
aussi aux lendemains du versement de la rançon, d’importants arriérés subsistent : le
132
passif n’est pas apuré354. Même situation au moment de l’entrevue de Nice (mai-juin 1538),
s’il faut en croire le nonce355. Poyet, le nouveau chancelier, déclare en décembre suivant à
la municipalité parisienne que le roi « estoit en arrière de deniers (…) de plus de VI c mil
livres »356. Au début de 1540, le déficit, après deux ans de paix, serait de 1,5 million de lt 357.
A sa mort, malgré une tradition tenace, François laisse à son fils, comme il les avait reçues
32 ans plus tôt, des finances déficitaires : « Avons trouvé, au jour du trespas du feu Roy,
écrit Henri II aux édiles de la capitale, ses finances grandement en arrière, à l’occasion
des grandes affaires de guerre qu’il a par longtemps soustenuz et jusques à sond. trespas »
358. Aucun chiffre précis n’est fourni. Mais, en ce domaine, une certitude est acquise : le
essentiels. Le premier tient aux espèces disponibles. Pour prendre la question à la racine,
il faudrait sans doute réfléchir sur l’état de la disponibilité en liquidités dans la France,
voire dans l’Europe du temps. Ce n’est pas ici le lieu, sauf à dire que les espèces
métalliques sont alors « relativement » peu abondantes. Plus simplement, comme on l’a
déjà vu, il faut disposer dans de nombreux cas de monnaies d’or qui demandent une
recherche spécifique et des frais complémentaires. Deuxième blocage, la géographie : la
nécessité du transport de fonds sur des distances importantes n’est pas sans risques.
Tournon envoie en juillet 1537 de l’argent à Humières, qui commande en Piémont, et
craint pour la sécurité des trajets, malgré la mise sur pied de convois. Il n’a pas tort
puisque la proximité des ennemis oblige à attendre à Briançon que le chemin redevienne
plus sûr364. Attendre, tel est le maître mot, qui commande le troisième obstacle : le temps.
Ce dernier recoupe d’ailleurs les deux précédents : temps de la conversion des espèces,
temps du transport. Mais c’est ici surtout du temps de la collecte qu’il faut parler. « Mes
finances et autres parties ne viennent à jour nommé » soupire le roi lui-même365, ce que
les développements précédents ont amplement montré. Les difficultés de trésorerie
constituent en fait le seul véritable problème car, pour l’exprimer d’une façon un peu
roide, en un temps où l’impact de l’Etat reste faible, les ressources existent toujours pour
financer sa politique. Ce qui fonde l’État en ce domaine, c’est précisément sa capacité à
imposer à ses sujets comme contribuables une progressive augmentation de son emprise
financière et à ses sujets comme « créanciers », au sens large, de la couronne,
l’acceptation de délais de payements plus ou moins longs. Le problème se pose de façon
aiguë en revanche dans les relations avec les non-régnicoles. D’où la priorité absolue que
représentent le plus souvent ces derniers sur le plan financier.
119 Le secrétaire des finances Jehan Breton exprime bien à la fois la richesse disponible et la
réalité des difficultés quand il évoque les opérations piémontaises et picardes du début de
juillet 1537 : « Je trouve bien malaisé que l’on sache supporter longuement cest grosse
despence. Je ne fais nulle doubte qu’il n’y ayt assez fons pour ce faire, mais vous scavez que les
deniers ne viennent pas tousiours à jour nommé »366. Reprenant la formule utilisée par le
roi, un lieu commun sur le sujet, Breton affiche aussi sa conviction qu’en dernière
analyse, le financement de la guerre n’est pas un problème, à condition de continuer à
gérer le déséquilibre des finances, sinon de façon contrôlée, du moins de façon mesurée.
C’est ce que la monarchie parvient à faire sous François Ier. Sous Henri II le beau et fragile
mécanisme se grippe. Dans cette perspective, la notion d’insuffisance des recettes n’est
guère opératoire. Il serait déjà plus pertinent de parler de dépenses « trop » fortes. Mais
que signifie une telle affirmation ? Tout simplement qu’à un moment donné la monarchie
a anticipé à un degré trop élevé sur ses recettes à venir.
120 Il n’existe pas de mesure objective du seuil correspondant. Le point de rupture est atteint
lorsque les fournisseurs de crédit ne suivent plus. Car le crédit est la condition de
possibilité de l’existence chroniquement déséquilibrée des finances royales. Difficultés
macro-économiques et perte de confiance ont leur part dans ce refus des prêteurs, ainsi
sans doute que les maladresses du pouvoir politique. Mais le chemin qui conduit à la
banqueroute totale ou partielle ne consacre-t-il pas aussi à sa manière la victoire de l’État,
maître de ses dettes au point de pouvoir les réduire ou de menacer de les annuler ? Il est
vrai que cela peut jouer au détriment de son crédit, et donc de son avenir. Cependant,
malgré les risques, malgré cet arbitraire, il y a toujours des volontaires, car
l’investissement dans l’État reste, à terme, un bon placement, même si les dividendes en
sont parfois sociaux ou politiques et non directement pécuniaires. Après avoir insisté à
134
plaisir sur les problèmes financiers des rois de France, il m’a paru sain de mettre ainsi en
avant, de façon peut-être un peu provocante, la solidité de l’édifice sur lequel ils peuvent
faire fonds : si le problème de trésorerie est réellement le problème majeur, c’est que la
situation financière, vue de Sirius, n’est pas si mauvaise.
121 Revenons sur terre, pour observer comment les conflits, par leur existence même,
influent sur le niveau du Trésor royal. Il n’est pas question ici de l’ampleur des dépenses,
mais plutôt des manques à gagner qu’entraînent les guerres. Aux frontières du royaume,
plusieurs provinces servent fréquemment de terrain d’affrontement. Au Sud-Est ce sont
le Dauphiné et surtout la Provence, victime de deux dramatiques invasions en 1524 et
1536. La seconde est d’ailleurs marquée par une sévère politique de la terre brûlée mise
sur pied à l’initiative de Montmorency. Mais soyons cyniques : pour notre propos, cela
n’est pas bien grave, car ces méridionaux contribuent peu à alimenter les caisses
centrales. Plus dommageable est l’atteinte portée aux régions du Nord-Est, Champagne et
Picardie au premier chef, fiscalement plus intéressantes367. En avril 1538, le général
d’Outre-Seine et Picardie, Anthoine de Lamet, évoque, dans le but d’obtenir un
dégrèvement pour ses administrés, les « pertes et frais qu’ilz ont soustenuz depuis deux
ans en ça »368. Un an plus tôt, un agent du roi de passage à Reims souligne que « les
deniers sont fort mal aisez à recouvrer en ce pays tant pour les courses que les ennemys
font es villaiges sur la frontière que pour le passaige des gens de guerre tant de cheval
que de pied qui y ont passé »369. Les fauteurs de trouble sont indifféremment « amis » et
« ennemis ». Des soldats qui ont déserté faute d’avoir été payés « sont tenans les champs à
la grant confusion du paouvre peuple » en Picardie à la fin de 1536. « Les comptables se
pleignent fort partout » des difficultés causées par les troupes royales dont les pilleries
entravent par exemple le recouvrement de la taille en Champagne370. Aux dires de Lamet,
la présence des soldats est si pénible pour les Champenois qu’elle « leur porte plus de
dommaige que s’ilz payoient deux tailles en une année »371. L’attitude des troupes royales
montre que leur impact ne se limite ni aux périodes de guerre ni aux frontières.
122 Quantifier les pertes subies, globalement ou sur le plan fiscal, est évidemment impossible.
Elles sont bien réelles toutefois, comme en témoignent de multiples demandes de rabais.
La Picardie en particulier est ainsi relativement peu imposée en raison de sa position de
terrain d’affrontement régulier. Le receveur des tailles en l’élection de Péronne,
Montdidier et Roye présente une requête pour obtenir une décharge de 4 000 lt à la suite
de l’invasion anglaise de 1522. En 1529-1531, toute une série de dégrèvements sont
obtenus372. En Champagne, en 1537, ce sont les receveurs des aides et tailles de Laon qui
viennent trouver le général Lamet : ils ne peuvent satisfaire aux demandes royales
« parce qu’ilz n’ont aucune chose receu à l’occasion de la guerre »373. Les fermiers eux
aussi obtiennent des remises, ainsi pour 1536 ceux de Provence ou des frontières picardes
374. Le souverain n’oublie pas les communautés les plus touchées. Les villes ravagées par
passage des troupes depuis deux ans, obtiennent le 23 avril 1538 la remise des 20 144 lt
votées par les États pour le roi, et ce sans préjudice d’une remise identique faite l’année
précédente376.
123 Si la charge des troupes pèse trop lourdement sur les provinces françaises, la solution est
simple : il suffit de l’exporter à l’étranger. Les historiens, depuis un siècle, s’entendent
pour affirmer que les débuts des guerres d’Italie, jusqu’à ce que le royaume soit touché,
n’ont pas grevé, ou fort peu, les finances royales. L’essentiel de la dépense était supporté
par les provinces italiennes où les armées se trouvaient de passage ou en cantonnement.
Certains vont jusqu’à parler de campagnes auto-financées par le pillage. La tentative de
démonstration la plus sérieuse est celle de Pierre Chaunu377. En définitive, affirme-t-il, le
coût de l’armée est supporté par le pays qui la subit. Déjà, pendant la guerre de Cent Ans,
« les morceaux du royaume [de France] contrôlés par le roi d’Angleterre ont payé
intégralement la guerre sur le continent »378. En théorie, il aurait dû en être ainsi, au
moins au XVe siècle, puisque le traité de Troyes, qui fondait la double monarchie, excluait
les transferts fiscaux d’un royaume à l’autre. Dans les faits, il en allait sans doute
autrement et l’affirmation de Pierre Chaunu est très discutée379.
124 Pour les guerres d’Italie, il convient également de faire preuve de prudence. Si, en 1497,
une année de taille est consommée par anticipation, c’est bien que les efforts italiens de
Charles VIII pèsent sur les finances du royaume380. Sous Louis XII, si les impôts croissent
nettement dès 1511, et pas seulement en 1513 quand le royaume est directement agressé,
c’est que la conjoncture militaire dans la péninsule, devenue défavorable, l’exige. Cette
poussée fiscale se produit alors que la France contrôle pourtant depuis plusieurs années
Gênes et le Milanais. Et l’on se demande bien pourquoi la campagne exclusivement
italienne de 1515-1516 coûte si cher au jeune roi… Postuler l’auto-finance-ment, c’est
négliger le poids des soldes, de l’équipement, de l’infrastructure, voire des alliés, qui
repose sur le royaume pour une part appréciable. Mais il est vrai qu’en 1494-1515, ce
royaume est en plein essor, que le fardeau reste modéré, et que l’Italie, cela est clair,
contribue à l’effort de guerre français.
125 C’est sûrement le Milanais, riche contrée s’il en est, qui constitue le meilleur des
ressources complémentaires offertes par la péninsule. Solidement tenu pendant dix ans
sous Louis XII et pendant six ans sous François Ier, il a déjà été doté par les Sforza d’une
administration étoffée que la monarchie française met à son service. Dans son discours du
21 mars 1517 devant les députés des villes, le chancelier place en premier lieu, parmi les
profits de Marignan, avant même « l’honneur des François (…) restabli » après les défaites
de Novare et de Thérouanne, les quelque 800 000 lt que fournit chaque année le duché381.
En fait la trésorerie générale rapporte environ 700 000 lt jusqu’en 1516. Mais dès l’année
suivante, un sérieux tour de vis élève les recettes jusqu’à 1,06 million de lt, niveau encore
accru de quelque 100 000 lt en 1518, dernière année connue382. La grande majorité des
fonds assure les paiements de l’administration et surtout des troupes cantonnées dans le
duché. Les Milanais participent aussi aux versements destinés aux Suisses, leurs voisins.
Ils ont à cette alliance un intérêt direct. Mais il serait prétentieux d’affirmer que le duché
finance sa propre défense. Au moindre problème, il faut faire venir troupes et fonds de
France. Les quelque dix millions de lt fournies par la fiscalité milanaise n’ont pu que
s’adjoindre aux fonds régnicoles engloutis dans la conquête, la défense puis les tentatives
de reconquête du duché jusqu’en 1529383.
136
126 Le souci permanent de faire payer les Lombards coûte cher aux Français lors des
opérations militaires des années vingt. La levée des « subsides que [Lautrec] exigeait avec
la dernière rigueur » de la province à l’automne 1521 ne contribue pas à la popularité du
roi de France384. En novembre 1523, Bonnivet marche sur Milan. Des habitants le
persuadent de ne pas se jeter sur la ville qui serait alors, selon eux, mise à sac. Si Bonnivet
les laisse faire, ils iront convaincre leurs concitoyens de mettre les Impériaux dehors et
de fournir « bonne somme de deniers pour ayder à soustenir les frais de la guerre » 385.
Bonnivet accepte et le retard pris alors lui est fatal. Un an plus tard, lorsque l’armée
conduite par le roi approche de la ville, « les Milanois, se voyans hors du danger des
Impériaux, ouvrirent la porte au marquis de Salusses, lequel fut receu à grande joye et
pareillement le seigneur de la Tri-mouille qui arriva peu après »386. Mais ce bon accueil,
cette « buona e amorevole dimostrazione fattagli dalla Maestà Cristianissima e suoi agenti » sont
de courte durée. A peine installé, le nouveau pouvoir lève 30 000 écus de « taille ». Ce
n’est sans doute pas le meilleur moyen de se concilier les Lombards387. Qu’on se rassure :
Charles Quint, la cité reconquise, n’usera pas d’autre méthode. En 1528, selon Guichardin,
Lautrec assiégeant Naples perçoit déjà les douanes des bestiaux des Pouilles388 et le revenu
des villes conquises. Mais il ajoute que l’argent arrive aussi de France « avec assez de
facilité » et que des sommes importantes sont envoyées, signe que l’opération, même bien
lancée, ne « s’autofinance » pas389. Dans le Piémont du milieu du siècle, la domination
française est beaucoup mieux assurée. Mais elle nécessite également un soutien financier
de la part du royaume. La province, en effet, fournit au plus 300 000 lt aux caisses royales
en 1547390. Or le seul Extraordinaire des guerres de Piémont représente cette année-là,
pour huit mois seulement, une dépense de près de 350 000 lt, alors que la paix règne 391 ! Il
est vrai qu’il s’agit d’une paix armée.
127 Que la conservation du Milanais, une génération plus tôt, dépende elle aussi des fonds du
royaume, Lautrec l’exprime bien : « Sy le Roy ne fait pourveoir incontinent au payement
des gens de pied et gendarmes par deçà, je ne voy ordre que l’on luy peust conserver cest
duché »392. On comprend mieux alors son âpreté à prélever en Lombardie : il faut pallier
les insuffisances des envois de l’administration financière. On connaît la suite, avec le
sanglant échec de la Bicoque le 27 avril 1522. La retraite de Lautrec marque la fin de la
domination française en Lombardie. La défaite de la Bicoque suscite depuis des siècles de
nombreuses interrogations, directement liées aux conditions de financement des
opérations. Les mercenaires suisses ont-ils été payés à temps ? Une tradition se fait l’écho
de retards notables quand d’autres sources (Guichardin, Le Ferron) affirment qu’ils ont
reçu correctement leur dû393. De toute façon, même un paiement régulier n’est pas une
garantie : correctement payés, on les a vu refuser le combat394. Mais ce n’est pas le
problème de l’heure : c’est au contraire l’insistance des Suisses à monter à l’assaut qui est
étrange395. Contraint par eux, Lautrec doit engager le combat face à des troupes
impériales solidement retranchées.
128 On peut certes trouver des arguments pour expliquer l’initiative des mercenaires : une
bataille signifie une double paye pour le mois et sans doute la fin d’une campagne qui
s’éternise après un long hiver. La perspective du butin est alléchante. Et puis c’est
l’occasion de se mesurer avec les lansquenets, rivaux en matière de mercenariat guerrier.
Ici joue peut-être la conviction d’une supériorité suisse qui s’est, en fait, bien atténuée. On
sait la suite. De 1521 à 1525, la monarchie française fait collection d’échecs dans la région.
137
Conclusion
131 La gestion par la crise, suivant une tradition fiscale bien établie, cela signifie avant tout
utiliser la guerre pour exiger les ressources complémentaires dont la royauté a besoin
pour financer non seulement les opérations militaires, mais aussi son propre
fonctionnement. Prélèvements complémentaires, expédients, « inventions » et autres
« novelletés » viennent à chaque étape rejoindre l’ordinaire fiscal, cet extraordinaire
fossilisé. Sous François Ier, on observe à la fois une augmentation nominale des impôts et
une extension des bases sociales du prélèvement, qui concerne surtout les villes, le clergé
et les officiers. Le débat n’est pas tranché de savoir si la fiscalité sur les « riches » va ou
non s’allégeant depuis le XIVe siècle. Sans s’attarder sur ce point, il est bon de rappeler
que, système de prélèvement, l’impôt royal est parallèlement un moyen de redistribution
des richesses par la monarchie qui profite largement à l’ensemble des catégories
dominantes, et à la noblesse en particulier400. Ce faisant, se développe une forme socio-
politique inattendue, y compris de ses bénéficiaires directs, qui est l’État dit « moderne ».
132 Quoi qu’il en soit, au quotidien, la gestion de la précarité reste fort délicate. Aux
récurrentes difficultés de trésorerie, le recours aux emprunts offre une issue normale.
Plutôt que de déficit chronique, qui sonne comme une triste maladie, il vaut mieux en
définitive parler de déficit moteur : il est le facteur essentiel de la croissance de la
pression fiscale, donc de l’État401. Seul le prélèvement, déjà effectué ou à venir, importe
vraiment. En fin de compte, c’est toujours lui qui finance, sauf cessation de paiement.
Dans cette perspective, le crédit est à la fois le premier et l’ultime remède au déficit. En
attendant les tailles, en attendant la banqueroute, empruntons donc.
NOTES
1. Le domaine est alors censé financer, non plus la totalité des dépenses royales, mais seulement
« l’entretenement et despence ordinaire de nostre maison et de nostre treschere et tresamée
compaigne la royne et de noz enfans ». Il ne suffit même plus pour cela : OR.F, t. III p. 57 (juillet
1521).
2. Doucet, Institutions, t. Il p. 556.
3. Pour une présentation d’ensemble, voir Doucet, Institutions, t. II p. 556-595. Pour un exemple,
classique, d’étude locale, voir les travaux de Spont sur les impositions en Languedoc.
4. Chaunu, H.ES.F., t. I p. 154
5. C.A.F., t. VII n° 28464.
6. Mise au point : Chaunu, H.E.S.F. t. I p. 161-162. Sur les types de crues, dont certaines sont
progressivement intégrées dans le brevet, voir Doucet, Institutions, t. II p. 573-574.
7. Bois (Guy), Crise du féodalisme, Paris, 1976, p. 341 ; Procacci, Classi sociali, p. 38-39.
8. Chaunu, H.E.S.F., t. I p. 160. Procacci n’ignore évidement pas les conséquences sur la taille de la
dévaluation monétaire et de l’inflation. Mais il pense que la charge croît malgré tout : Classi sociali
, p. 40-41.
139
33. Véron de Forbonnais, Recherches, t. I p. 12-13. Il faut défalquer des totalisations de 1547, 6,
860 millions de lt qui correspondent à des emprunts et non à des rentrées réelles. C’est Guéry,
Finances, p. 233-234 qui estime que Forbonnais fournit des chiffres de la recette brute. Leur
validité reste incertaine, dans la mesure où les documents financiers d’ensemble ne prennent
jamais en compte cette réalité au temps de François Ier. Il s’agit selon toute apparence
d’estimations postérieures, datant sans doute du temps de Sully. Toute la question est de savoir
sur quels fondements elles reposent.
34. Doucet, État général, p. 35, 40, 43, 47 ; C.A.F., t. VII n os 23693 et 23712.
35. Voir Doucet, Institutions, t. II p. 552. Ce sont sensiblement les mêmes que celles que mentionne
Rey, Domaine du roi, p. 63 pour la fin du XIVe siècle. En 1394-1395 le changeur du Trésor
n’encaisse qu’un tiers des recettes brutes du domaine : Spont, Semblançay, p. 30 note 3.
36. En règle générale, ceux-ci sont prélevés à la source. Le grenetier, par exemple, verse
directement ses fonds au bénéficiaire du don. Dans certains cas néanmoins l’argent peut être
remis par un échelon plus élevé de l’administration fiscale. Voir la fourniture du produit des
greniers de Mayenne et La Ferté-Bernard à Claude de Lorraine par le receveur général de
Languedoïl : C.A.F., t. V n° 17434 (29-11-1521).
37. Isambert, Recueil, t. 12, p. 803-804.
38. Voir Beik (William), Absolutism and Society in Seventeenth Century France. State Power and
Aristocracy in Languedoc, Cambridge, 1985, XVIII-375 p.
39. Outre Beik, mais toujours pour le XVII e siècle, voir Collins (James), « Sur l’histoire fiscale du
XVIIe siècle : les impôts directs en Champagne entre 1595 et 1635 » dans A.E.S.C., mars-avril 1979,
n° 2, p. 325-347.
40. Sur la mise sur pied d’un budget propre aux États, dans la première moitié du XVe siècle, voir
Vernus-Moutin, États du Dauphiné, p. 114.
41. Van Doren, War taxation, p. 77-78 : levée de 100 000 lt décidée en octobre 1536, puis de
180 000 lt en février 1537 et de 382 000 lt en octobre 1538. Bien plus tard, en 1581, Hickey,
Dauphiné. p. 54, précise que l’Épargne ne reçoit que 7 500 écus alors que les tailles autorisées par
les États de Dauphiné atteignent 154 018 écus et que de nombreuses communautés locales se
plaignent de payer plus que leur quote-part officielle.
42. Contamine, Histoire militaire, p. 266-267. Un exemple de contribution pour Narbonne : 20 000 lt
demandées aux États en sus de 333 781 lt de taille en 1537 : O.R.F., t. VIII p. 440 note I.
43. Contamine. Histoire militaire, p. 287.
44. Doucet, Institutions, t. II p. 569. On sait aussi que la participation des villes du Midi à la levée
de l’impôt leur permet d’en tirer quelques profits locaux.
45. Isambert, Recueil, t. 12, p. 735.
46. Voir pour le XVII e siècle l’exemple des levées du maréchal de Marillac, connues aussi grâce à
un procès : Vaissière (Pierre de), Un grand procès sous Richelieu. L’affaire du Maréchal de Marillac
(1630-1632), Paris, 1924, p. 89-102. Marillac est exécuté, aux dires de Richelieu, pour « péculat,
concussion, levées de deniers, exactions, faussetés, suppositions de quittances, foules et
oppression par lui faites sur les sujets du roi » : Bayard, Église et financiers, p. 9-10.
47. O.R.F., t. VI, p. 186.
48. Doucet, État général, p. 13.
49. Ibid., p. 40, 42-44.
50. Doucet, Institutions, t. II p. 566 et 568.
51. Kerhervé, État breton, t. II p. 613-614 : le volant prévu de non-valeurs se situe dans une
fourchette de 3,5 à 5,5 % qui semble réaliste en période « normale », c’est-à-dire sans guerre et
sans mortalité.
52. Chaunu, H.E.S.F., t. I p. 149.
53. Voir les remarques de Beik, Languedoc, p. 1271.
141
54. Un exemple un peu antérieur dans une lettre que Semblançay, depuis la Provence, écrit à
Robertet le 25 avril (1507) au sujet de l’équipement d’une flotte : « Vous advisant que de par deçà
et en Languedoc l’on ne scauroit avoir aide d’argent ne d’autre chose à cause de la grande
mortalité qui y a cours dont bien me treuve estonné » : B.N. Dupuy 261 f° 174.
55. Sur la situation champenoise, voir les remarques de Bourquin (Laurent), Noblesse seconde et
pouvoir en Champagne aux XVIe et XVIIe siècles, thèse de doctorat d’histoire (Université du Maine),
1991, p. 123-124 (à paraître aux Presses de la Sorbonne).
56. Tommaseo, Relations, p. 297.
57. Procacci, Classi sociali, p. 41.
58. Chiffres de 1511 : Doucet, Institutions, t. II p. 563 ; de 1523 : Doucet, État général, passim ; de
1547 : B.N. Dupuy 958 f° 49 et sq.
59. Chiffres de 1514 et 1547 : B.N. Dupuy 958 f° 45 et 49. Pour 1523 : Doucet, État général, passim. Le
pourcentage est calculé sur les seules provinces retenues, à l’exclusion des apports extérieurs
(Bretagne, Bourgogne…).
60. B.N. Dupuy 958 f° 49 et sq.
61. Voir pour le XVIIe siècle, les sévères critiques de Beik, Languedoc, p. 1271-1272 envers Chaunu,
H.E.S.F., t. I, p. 129-191.
62. Wolfe, Fiscal System, p. 62-63.
63. Wolfe, Fiscal system, p. 99.
64. C.A.F., t. II n° 4844-4845, 5196-5198 et 6913.
65. C.A.F., t. I n° 555, 666, 765, 1612, 1680, 1718, 1755 et 1760 ; t. II n° 5278, 5288, 5361 et 5608. Là
encore ces données qui servent à illustrer brièvement mon propos proviennent de demandes de
rabais, en lien avec des épidémies ou des problèmes alimentaires. On peut grâce à elles esquisser
une chronologie des mauvaises années de la première moitié du règne dans la région : 1515-1516,
1521-1522 et 1531-1532.
66. Doucet, Institutions, t. II p. 559.
67. Plus de 11 000 lt entre 1512 et 1515, 10 000 de 1515 à 1519, 10 500 en 1522-1526 : B.N. fr 5500 f
° 207 et fr 25720, n° 175. Erreur de C.A.F., t. VI n° 22154 (2-6-1541) qui parle d’un bail annuel de
1000 lt ( = sans doute 10 000 lt)
68. C.A.F., t. I n° 3043. Le bail, conclu le 1 er juillet 1528, ne doit courir qu’à partir du 1er octobre
1529.
69. Voir Billioud, Sel du Rhône, passim.
70. B.N. fr 25720 n° 238 ; B.N. P.O. 2326 (Poncher) n° 55 ; O.R.F., t. VII p. 72 (18-10-1533).
71. B.N. fr 14368, f° 150. Au cours d’un bail précédent, la guerre avait entraîné un rabais a
posteriori : ibid., f° 98.
72. A.N. M.C. VIII 282 (31-10-1536).
73. A.N. M.C. XLIX 72 (4-6-1544) ; XIX 86 (8-4-1543). Dans les deux cas, les preneurs sont des
Florentins. Pour Cluny, il ne s’agit sans doute que d’une partie des biens. En 1533, le seul doyenné
de Montbertond, membre dépendant de l’abbaye, est en effet affermé - à part - pour 2400 lt par
an à un marchand bourgeois de Lyon : A.N. M.C. CXXII 19 (1-3-1533).
74. A.N. M.C. XIX 90 (27-1-1546) ; CXXII 1045 (18-4-1533).
75. Dom Morice, Preuves, t. III col. 1011-1015. Sur l’affermage à l’époque du duc François II, qui a
servi ici de référence pour la répartition des divers postes, voir Kerhervé, État breton, t. II p. 644
et sq.
76. A.N. J 818 n° 2.
77. Doucet, Institutions, t. II p. 552 et 559. Pour le domaine par exemple : « La difficulté de
percevoir ces taxes s’opposait à ce qu’elles fussent soumises au système de la régie ».
78. B.N. fr 25720, n° 187 et n° 175. Il s’agit d’aliénations à Rouen. La ferme plus avantageuse est ici
celle de la vicomte de l’eau. Il n’est pas sûr que l’on puisse généraliser, mats c’est un des rares cas
où la mise en parallèle est faite.
142
fiscalité dans le contexte espagnol de l’arbitrisme, voir Hermann, Premier âge de l’État en Espagne,
p. 240 et sq.
105. B.N. fr 17527 f° 38v° et sq. Sur Louis Boulenger, voir Boutier (Jean), Dewerpe (Alain) et
Nordman (Daniel), Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, 1984, p. 41-42 et
p. 355, note 2.
106. Ibid. f° 106 v°.
107. Doucet, Institutions, t. II p. 576.
108. B.N. Dupuy 79 f° 23.
109. R.D.B.V.P., i. III p. 107 (20-1-1548). Bayard, Monde des financiers, p. 83 fournit un exemple de
ce type d’avis.
110. A.N. J 968, 3/3, (4-9- ?).
111. B.N. fr 2976 f° 74.
112. Bourgeois de Paris, Journal, p. 134-135. Loiseleur, Berthelot, p. 194 et sq. s’appuie sur Bacquet
pour l’affirmer. Une autre source rend Semblançay lui-même responsable de cette initiative. Voir
B.N. fr 2941 f° 3. Selon la Chambre des comptes, Berthelot est aussi l’« inventeur » du
dédoublement des bureaux de ladite Chambre et de la commission des comptes de 1523 : A.N. X la
1529 f° 37 (13-12-1525).
113. Bourgeois de Paris, Journal, p. 310. Dès le 12 août 1521, Bonnivet t’avait proposé au
souverain : « Quant au fait des admortissemens (…) baillez la charge à monsieur d’Azay lequel
avez mandé venir devers vous » : B.N. fr 2994 f° 13 v°.
114. Versoris, Livre de Raison, p. 119.
115. O.R.F., t. III p. 220 (5-2-1523).
116. Dans ce paragraphe, tout ce qui relève de l’emprunt, forcé ou non, est délibérément passé
sous silence. L’emprunt fait l’objet de développements propres dans le troisième chapitre.
117. Voir Kellenbenz (H.) et Prodi (P.) (sous la dir. de). Fisco, religione, stato nell’età confessionale,
Bologne, 1989, 530 p. (surtout axé sur le monde italo-germanique).
118. Doucet, Institutions, t. II p. 834.
119. Voir C.A.F., t. II n° 6698 (Orléans), t. V n° 18340 (Noyon), t. VII n° 27901 (Bayeux)… Sans
parler d’autres dons, comme celui de la régale de Beauvais au Bâtard de Savoie en 1522 : C.A.F.,
t. I n° 1587.
120. C.A.F., t. V n° 18336. Sur la régale de Bourges, voir aussi C.A.F., t. V n° 17218 et B.N. fr 2971 f
° 86.
121. A.N. Xla 9322 f° 213. Voir aussi C.A.F t. 1 n° 1981-1982 et 2060.
122. A.N. PP 99 p. 92-94.
123. Du Bellay, Correspondance, t. 1 p. 135.
124. Tommaseo, Relations, p. 299 (Cavalli, 1546). J’ai remplacé impôt frappé par impôt établi.
125. Les préparatifs de croisade donnent lieu aussi à l’octroi d’un pardon par le pape, « et estoit
le pardon tel que, pour le gaigner, il convenoit donner ce que on despendoit soy et sa famille par
troys jours » : Bourgeois de Paris, Journal, p. 48-49. Les troncs pour la croisade du diocèse de
Troyes rapportent 8429 lt entre décembre 1516 et janvier 1519 : B.N. fr 3911 f os 44 et 48.
126. Une déclaration des États de Languedoc de mai 1522 fait allusion à une commission envoyée
dans la province pour lever sur les bénéfices une taxe pour les gens de guerre, à raison d’un
homme tous les 500 It de bénéfice : O.R.F., t. III p. 142. La destination des fonds est ici clairement
affichée.
127. Thomas, Concordat, p. 284.
128. Spont, Semblançay, p. 167 note 5 : allusion en juillet dans deux lettres du Bâtard de Savoie à
Du Bouchage.
129. Loiseleur, Berthelot, p. 197 et 199. Aux six membres, Gilles Berthelot, Roger Barme, président
au Parlement, Jean Nicolaï, premier président à la Chambre des comptes, Jean Prévost, conseiller
144
au Parlement, Pierre Michon, auditeur des Comptes et Raoul Guyot, notaire et secrétaire du roi
doit s’adjoindre un des généraux des finances ou des trésoriers de France : O.R.F., t. II p. 669.
130. Bouchet, Annales, p. 371.
131. Ragueneau est cité comme receveur général dans C.A.F., t. V n° 17518 (10-8-1522). dans
Doucet, État général, p. 102 et pour 1524 dans B.N. P.O. 248 (Beaune) n° 75.
132. Spont, Semblançay, p. 192. Cette procédure donne lieu à des critiques de la part de la
Chambre des comptes touchant le prélèvement qui porte sur les hôpitaux et maladreries : ibid.,
note 5. La commission compterait alors sept et non plus six membres comme en 1520 : C.A.F., t. I
n° 1688.
133. O.R.F., t. IV p. 18 (mars 1524) : confirmation d’une composition de 100 000 It avec eux. Voir
C.A.F., t. V n° 17767 (15-3-1524) : mandement aux sénéchaux de Languedoc de prêter main-forte
aux prieurs et commandeurs de l’ordre pour recouvrer de leurs fermiers et autres leur quote-
part de cette somme.
134. C.A.F., t. V n° 17793.
135. Bouchet, Annales, p. 485.
136. Les chiffres bruts des amortissements proviennent de C.A.F., t. I n° 1647-1648, 1685 et 1743 ;
t. V n° 17557 ; t. VIII n° 32384. Les montants des décimes, de B.N. fr 3943 f° 76v° pour 1516 et
Doucet, État général, p. 106 pour 1523.
137. Lemaitre, Rouergue, p. 39.
138. C.A.F., t. I n° 1697-1698 et t. V n° 17500.
139. Voir l’octroi de 80 000 It par l’église gallicane en 1511, au moment du « conciliabule » de
Pise : Spont, Semblançay, p. 69. Sur des problèmes de reddition de comptes concernant cet octroi,
voir A.N. M.C. XIX 38 (1-3-1514) et 42 (31-1-1517).
140. C.A.F., t. VI n° 18939 (10-1-1527) et n° 20629 (4-9-1533). La décime de 1527 doit servir « pour
la deffense d’Ungrie » : B.N. fr 3031 f° 59. Une lettre du roi adressée au Sacré Collège pour obtenir
du pape une aide du clergé donne pour motif la guerre qu’il prépare contre les Turcs : C.A.F., t. VI
n° 20340 (11-2-1532).
141. Lestocquoy, Nonces 1535-1540, p. XXX.
142. B.N. fr 2976 f° 93v° (sans date).
143. Lestocquoy, Nonces 1535-1540, p. 7-8.
144. Du Bellay, Mémoires, t. II p. 157 et note 3. On est en décembre 1532. Le clergé accorde deux
décimes.
145. A.N. M.C. XIX 76 (25-6-1535) ; J 968, 15/41 (14-4-1537).
146. A.D. Aveyron, G 105 f° 6v° -7 (renseignement dû à l’obligeance de Nicole Lemaitre).
147. A.N. J 968, 15/42 (sans date, avril-mai 1537).
148. Lemaitre, Rouergue, p. 39 et 43 ; B.N. fr 3943 f° 76 v°.
149. A.N. J 966, 18/1 (5-5-1538) ; Bourgeois de Paris, Journal, p. 165-166 ; J 966, 4/5 [5-4-(1537)].
150. Lestocquoy, Nonces 1535-1540, p. 85 ; Tommaseo, Relations, p. 299 (Cavalli, 1546).
151. B.N. fr 5501 f° 384.
152. Lestocquoy, Nonces 1535-1540, p. 7-8 et 14.
153. O.R.F., t. VII p. 198. Il est vrai qu’il s’agit de la saisie des temporels (voir ci-dessous). Le ton
royal est parfois fort sec comme en témoigne une lettre à l’archevêque de Bordeaux du 29 avril
1544 citée par Roudié, Embarras, p. 77 : « Ayans asses entendu les restes par vous deues des
décimes et dons gratuitz des années passées et les dilligences qui ont esté faictes pour les
recouvrer, dont s’est ensuivi peu d’effect, je ne scay plus que penser synon que vous ayez quelque
opinion qui seroit cause de la longueur et retardement qui se trouve au payement desdicts restes.
A ceste cause, incontinant la présente receue, venes devers moy la part que seray pour me dire
les causes de la dilation dudict payement, mays à ce ne faictes faulte et bailhés certiffication de la
réception de ceste présente au porteur d’icelle ».
154. C.A.F., t. VII n° 23721.
145
205. B.N. fr 3064 f° 121 et 171. Le 22 août 1528, les Languedociens obtiennent l’annulation de la
levée de la moitié des deniers communs moyennant 2000 lt à imposer lors des États suivants :
O.R.F., t. V p. 181.
206. A.N. J 967, 44/3 (26-5-1537) et 46 (20-6-1538 ?).
207. A.D. Côte d’Or B 491 bis (15-5-1538).
208. Pour 1524 : Bourgeois de Paris, Journal, p. 205 et R.D.B.V. P., t. I p. 276 ; pour 1528 ; C.A.F., t. I
n° 2881 (26-2-1528) et n° 3213 (23-10-1528).
209. A.C. Nantes, AA 23 et AA 69 (pièce 7), CC 109 f° 18 v°.
210. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 56.
211. C.A.F., t. I n° 2925, n° 3256 (10-12-1528), n° 3512 (12-10-1529) et n° 3564 (15-12-1529).
212. O.R.F., t. III p. 108 ; Hamon, Rançon, p. 14-15.
213. B.N. fr 5086 f° 64 ; Roudié, Embarras, passim, en 1541 (Bazas), 1545 (Libourne), 1546
(Bordeaux) et 1547 (Blaye).
214. C.A.F., t. III n° 10654 (Lyon), t. IV n° 11458 (Toulouse) ; Roudié, Embarras, p. 75 (Bordeaux).
215. O.R.F., t. IX p. 71 note 5.
216. A.N. J 966. 27/21 (26-5-1538).
217. A.N. J 966, 27/19 (12-4-1538).
218. Dans l’état du 22-2-1538 pour asseoir la contribution des villes pour les hommes de pied,
l’Outre-Seine est la circonscription de loin la plus chargée (32 730 lt par mois contre 23 400 à la
Languedoïl et 20 720 au Languedoc, les deux suivants directs) : O.R.F., t. IX, p. 74-81. Pour éviter le
cercle vicieux, il faut cependant se garder d’utiliser la carte des niveaux d’urbanisation que l’on
peut dégager du profil de cette taxe (présentée dans Chevalier, Bonnes villes, p. 40) pour juger de
la pertinence du prélèvement par rapport aux réalités urbaines…
219. Bouchet, Annales, p. 372. Au départ, les villes devaient en effet soit lever les troupes, soit
participer à leur financement (cf C.A.F., t. I n° 1478 pour Troyes). Peut-être Paris organise-t-elle
effectivement sa levée en mai 1522. Le texte des Du Bellay peut autoriser une telle
interprétation : « Ceux de Paris, voyans le hasard où Dourlan [Doullens] avoit esté par faulte
d’hommes, souldoyèrent mille hommes pour mettre dedans » : Du Bellay, Mémoires, t. I p. 209.
Mais cela ne constituerait au mieux qu’une exception. Ce qui rend un peu énigmatique le texte de
Bouchet est donc qu’en définitive Poitiers semble logé à la même enseigne que les autres villes
franches. (Voir C.A.F., t. 1 n° 1719).
220. C.A.F., t. II n° 6191 (29-8-1533), t. IV n os 13159 et 13350 (21-6 et 18-9-1543).
221. Bourgeois de Paris, Journal, p. 120-121 et 179 ; R.D.B.V.P., t. II p. 15.
222. Schnapper, Rentes, p. 151 note 1.
223. Avances repérées pour Paris en 1515, 1516 et 1524 : R.D.B.V.P., t. I p. 224, 232 et 276 ; en 1544
et 1546 : C.A.F., t. IV nos 14171 et 15465.
224. C.A.F., t. VI n° 19822 (16-7-1529) ; t. I n° 3004 (3-6-1528).
225. Sur le bétail à pied fourché : C.A.F, t. IV n° 13079 (19-5-1543). Pour Rouen en 1543, voir C.A.F.,
t. VI nos 22603 et 22626.
226. lsambert, Recueil, t. 12 p. 566.
227. Van Dören, War taxation, p. 81-82.
228. A.N. J 968, 33/4 [20-6-(1538)].
229. C.A.F., t. VI n° 22645 (7-7-1543).
230. R.D.B. V.P., t. II p. 34.
231. C.A.F., t. VI n° 22614 (25-5-1543).
232. Heller, Conquest of poverty, p. 21 ; C.A.F., t. VI n° 23105. En 1537-1538 Troyes veut que les
clercs achètent un quart des rentes que le roi propose à la ville en vente forcée. Sinon la ville
sollicite un dégrèvement : A.N. J 968, 53.
233. C.A.F., t. IV n° 13985 (30-6-1544).
234. C.A.F., t. IV n° 13974 et n° 14506.
148
295. Un quart récupéré via les Bohier : Chevalier, Chenonceau, p. 91 et 98 ; un quart via les
Poncher : C.A.F. t. VII n° 26988 (1538-1540).
296. A.N. PP 99 p. 100 v° (pour la vicomte de Rouen).
297. Bourgeois de Paris, Journal, p. 10.
298. Gay, Bourgogne, p. 192. Nouvelle recherche en 1551.
299. Jacqueton, Épargne, 1re partie, p. 8 note 3, 2e partie, p. 18. Sur la déclaration des terres nobles
avec les compositions pour objectif : O.R.F., t. VII p. 222 (10-5-1535).
300. Doucet, Institutions, t. II p. 610-619 ; Contamine, Histoire militaire, p. 226 et 249.
301. O.R.F., t. III p. 151.
302. A.N. J 965, 7/11 (4-7-1537).
303. A.N. M.C. XIX 41.
304. B.N. fr 3050 f° 77 [28-7-(1522 ?)].
305. Sur ceux d’Audebert Valton, receveur des fouages de Nantes, voir A.N. M.C. VIII 179
(4-1-1544) et LIV 20 (4-9-1544) : il s’agit du bail à loyer d’une maison rue du Roi de Sicile. L’argent
est remis à Jehan Basannier, bourgeois de Paris, commis à recevoir les deniers des
condamnations des hérétiques. On le retrouvera commissaire aux biens saisis de certains grands
officiers de finance.
306. Gascon, Grand commerce, p. 687.
307. Campardon et Tuetey, Insinuations, p. VIII-IX ; Doucet, Institutions, t. I p. 261. Il ne s’agit
évidemment pas d’une simple mesure bursale, même si elle n’a sa place ici que comme source de
revenus.
308. O.R.F., t. IX p. 390.
309. Harbulot, Le sort, p. 378. Jean Laurent est toujours là en 1542 : A.N. M.C. CXXII 33 (8-3-1542).
Un acte du 21 octobre 1539 nous présente Jehan Josse et Jehan Petitfilz, tous deux peintres, qui
« ont le jour d’hier et le jour d’huy mis à la blanque faicte en ceste ville de Paris chacun quatre
testons ». S’« il leur eschet et advient quelque chose d’icelle sur lesd. devises », ils s’engagent à
« le partir par moictié entre eulx » : A.N. M.C. CX 10.
310. A.N. M.C. LIV 20 (6-6-1544). Il devient ensuite receveur général des finances de la reine
Catherine de Médicis : C.A.H., t. II n° 2200 (9-2-1548).
311. A.N. M.C. CXXII 1065 (24-6-1542).
312. Il serait sûrement possible de repérer d’autres procédés, limités et ponctuels. Qu’en est-il
par exemple de la commission décernée au receveur ordinaire de Paris pour recevoir les revenus
des confréries des métiers de la ville saisis par le roi ? Voir A.N. M.C XIX 159 (21-11-1541) et XIX
91 (4-4-1547).
313. C.A.F., t. IV n° 14345 et sq (12-2-1545) et n° 14754 et sq (4-2-1546).
314. C.A.F., t. III n° 9459 et 9461.
315. Isambert, Recueil, t. 12, p. 797 (décembre 1542). Échéances rappelées le 17 janvier 1544 : A.N.
P 2307 p. 281-282.
316. L’enjeu des échéances apparaît bien dans un projet de réformes de 1522-1523 qui insiste
pour que les receveurs locaux fournissent leurs fonds « dedans la fin d’un chascun quartier ». Et
il poursuit : « N’ont lesdictz recepveurs particuliers cause de eulx douloir car dedans le xxe du
premier mois de chascun quartier, fault que les collecteurs des tailles par les paroisses leur
apportent les deniers du quartier » : Wolfe et Zacour, The growing Pains, p. 69 et 70 (paragraphes
20 et 22).
317. Tournon, Correspondance, n° 294 (18-7-1537). Effectivement, après le grand vide de la période
précédente, on a le sentiment qu’en août l’argent afflue vers le cardinal : A.N. J 965, 7/17.
318. B.N. fr 5125 f° 166. Le lendemain, Tournon écrit au roi qui lui promet des fonds du
Languedoc : « Je ne scaurois recepvoir dudit Languedoc (…) pas ung quatrin qui ne soit la fin de
janvier » : ibid., f° 171 v°.
319. A.N. J 967, 34/3.
151
350. O.R.F., t. II, p. 248 (17-7-1518). Le déficit de 1515 est estimé en 1527 par le roi à 1,8 million
de lt : Godefroy, Cérémonial, p. 482.
351. Canestrini, Négociations, t. I p. 760-761.
352. Paris, Études, p. 230.
353. Jacqueton, Épargne, 1re partie, p. 25-26.
354. B.N. fr 3031 f°47.
355. Lestocquoy, Nonces 1541-1546, p. 113 (janvier 1542).
356. R.D.B.V.P., t. II p. 397.
357. Jacqueton, Épargne, 2e partie, p. 28.
358. R.D.B.V.P., t. III, p. 109.
359. B.N. Dupuy486 f° 118.
360. B.N. fr 2965 f os 7.
361. A.N. M.C. XIX 74 (19-6-1534).
362. A.N. M.C. III 28 (6-11-1543).
363. Spont, Semblançay, p. 136 note 1 et p. 170 ; Maugis, Parlement, t. I p. 151.
364. Tournon, Correspondance, n° 293 (17-7-1537) el n° 296 (22-7-1537).
365. A.N. J 965, 4/8 (23-8-1536). Voir une tirade de Duprat contre les retards de rentrée des fonds.
Il en accuse les clercs « qui les recouvrent et portent ». « Vous voyez, écrit-il à Montmorency,
comment je m’en tempeste souvent jusques à venir à injures et néanmoins n’y gangne rien » :
B.N. fr 3031 f° 37 ([6-4-(1528)]. Dans le même registre, le témoignage un peu plus ancien du
cardinal d’Amboise à propos d’opérations italiennes : « Touchant finances, jamais argent ne vient
à heure, qu’est la totale rupture de notre entreprise » : Courteault (Henri), « Le dossier Naples des
archives Nicolay », Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 1915, p. 127.
366. B.N. fr 3055 f° 79.
367. Mise au point sur les effets de la guerre en Picardie dans Potter, Picardy, p. 200-232, dans un
chapitre intitulé : « Les fruictz que la guerre rapporte ».
368. A.N. J 966, 27/19.
369. A.N. J 967, 116/1 [5-4-(1537)].
370. Potter, Picardy, p. 205 note 20 (Humières à Montmorency) ; A.N. J 967, 116/2 (5-6- ?) ; J 966,
27/21 (26-5-1538).
371. A.N. J 966, 27/19.
372. C.A.F., t. V n° 18488 (2-9-1525) ; Potter, Picardy, p. 211.
373. A.N. J 966, 27/12 (24-5-1537).
374. C.A.F. t. III nos 8738, 8914, 8999, 9067-68, 9124 et 9846.
375. C.A.F., t. III n os 8822, 9948 et 10396 ; O.R.F., t. IX p. 253. D’après Potter, Picardy, p. 243,
l’exemption de Montreuil ne porte que sur dix ans, mais est renouvelée pour cinq ans en 1548.
Sur le long combat de Péronne pour son exemption, avant l’affranchissement perpétuel de 1537,
voir ibid., p. 242.
376. C.A.F., t. III n° 9969.
377. Chaunu, H.E.S.F., t. I p. 155-158.
378. Ibid., p. 148.
379. La France sous occupation anglaise coûte plus cher à l’Angleterre qu’elle ne lui rapporte :
Minois (Georges), « La France sous occupation anglaise », L’Histoire, n° 150, décembre 1991, p. 26.
380. Spont, Semblançay, p. 30.
381. Barrillon, Journal, t. I p. 277.
382. A.N. J 910 nos 1 à 6.
383. Au gré des nécessités et des publics, le gouvernement français tient sur le sujet des propos
fort éloignés. Quand il s’agit de faire approuver l’intervention italienne, la conquête du Milanais
est censée procurer un soulagement de 800 000 francs par an aux finances royales : B.N. fr 15637 f
° 122. Quand il s’agit de montrer l’ampleur du sacrifice que représente en 1525 l’abandon de la
153
province, la diplomatie royale affirme que sa garde et son entretien ont coûté plus de dix millions
d’écus au roi : Champollion-Figeac, Captivité, p. 204.
384. Guichardin cité par Paris, Études, p. 173.
385. Du Bellay, Mémoires, t. I p. 286.
386. Ibid., p. 323.
387. Canestrini, Négociations, t. II p. 796 (26-11-1524).
388. La dogana délie pecore di Puglia pèse sur les troupeaux transhumants qui descendent en hiver
des hauteurs des Abruzzes dans les Pouilles.
389. Guichardin, Histoire, p. 803.
390. D’après les doléances des trois États de la province, celle-ci verse, cette année-là, marquisats
de Saluces et Montferrat exclus, 396 000 florins, soit 237 600 lt : Romier (Lucien), Les origines
politiques des guerres de Religion, Paris, 1913, t. l, p. 539. Il faut y ajouter les fermes (domaine
inclus), qui se montent vers 1540 à 43 000 lt, et qui ont pu s’accroître un peu depuis cette date :
A.N. M.C. VIII 285 (15-12-1538). C’est dans ce dernier acte que le florin piémontais est estimé à
douze sous tournois.
391. B.N. fr 4523 f° 50. Ce poste atteint 930 000 lt en 1548 et bondit à 2 828 000 lt en 1551. Mais il
comprend alors l’ensemble des dépenses italiennes, qui ne sont pas exclusivement piémontaises.
392. B.N. fr 2978 f° 187 (31-10-1521).
393. Paris, Études, p. 175.
394. B.N. fr 2933 fos 63.
395. A la veille de Cérisoles, Enghien craint que les Suisses, « arrivant la nécessité de combattre,
par faulte de leur solde, en feissent refus » : Du Bellay, Mémoires, t. IV p. 201.
396. Chevalier, Tours, p. 399 : dans la cité ligérienne cette coupure date de 1517 ; Jacquart, Crise
rurale, p. 49.
397. Croix (Alain), La Bretagne aux 16e et 17 e siècles. La vie - La mort - La foi, Paris, 1981, t. l p. 255 ;
Bois (Guy), Crise du féodalisme, Paris, 1976, p. 332 ; Versoris, Livre de Raison, paragraphe 84. C’est
aussi le début d’une terrible épizootie ovine : Cabourdin (Guy), Lexique historique de la France d
Ancien Régime, Paris, 1978, p. 118.
398. Un autre type d’interférence nécessite ne serait-ce qu’une allusion : celui de l’impact des
guerres sur les relations commerciales. Il apparaît a contrario au détour d’une remarque de la
correspondance du baile de Venise à Constantinople, Piero Bragadin. Le 8 avril 1525, celui-ci
écrit : « Je crois qu’avec la capture du roi de France [à Pavie], les marchandises se vendront
mieux » ; Braudel et Da Silva, Réalités économiques, p. 733. Il en espère sans doute le retour de la
paix.
399. A partir des chiffres de la mercuriale de Paris on obtient les niveaux suivants pour le prix du
froment (avec une base 100 pour 1522-1523) : 1520-21 : 168 ; 1521-22 : 285 ; 1522-23 : 100 ;
1523-24 : 152 ; 1524-25 : 265 ; 1525-26 : 101 ; 1526-27 ; 95 ; 1527-28 : 143, Baulant et Meuvret, Prix
des céréales, p. 243.
400. Voir le souci de Beik, Languedoc, p. 1270, 1272 et 1293 de passer, pour la fiscalité, de l’analyse
de l’extraction à celle de la redistribution sociale, en mettant en évidence des centres
régionauxde redistribution.
401. Pour autant, « vivre au-dessus de ses moyens » n’est pas toujours une solution pour l’État,
en particulier si la fiscalité en vient à peser d’un poids excessif sur la société et l’économie. A
terme, l’État lui-même en est affaibli. C’est sans doute le cas dans l’Espagne du XVII e siècle, celle
des picaros et du dépeuplement des campagnes, même si bien d’autres facteurs jouent
évidemment. Cette simple allusion vise à nuancer la pertinence de la notion de déficit moteur,
parfaitement adaptée pour mon propos, mais peut-être délicate à généraliser.
154
Chapitre III
La monarchie et le crédit : agents
libres et agents contraints
1 « A mesure que les deniers estoient receuz par ledit de Frain [commis de Semblançay], les
unes fois estoient envoyez audit de Beaune pour les fournir pour les urgens affaires du
roy, les autres ledit de Beaune mandoit audit de Frain les envoyer en plusieurs lieux selon
que les affaires survenoient. Et les autres fois survenoit que, pour l’urgente nécessité des affaires
dudit sieur, sans pouvoir attendre le recouvrement d’iceulx deniers, en tout ou partie, ledit de
Beaune estoit contrainct empruncter ailleurs pour fournir pour lesditz affaires : autrement il en
fust advenu inconvénient »1. Dans le quotidien de la gestion des finances royales, le recours
au crédit est un acte récurrent et fondamental. Au rebours de ce dont rêve un Jean Bodin2,
le souverain est, en permanence, en posture d’emprunteur. La lenteur de la circulation
monétaire et le manque de numéraire expliquent la place du crédit dans l’ensemble de la
société. La monarchie y ajoute sa spécificité : l’ampleur des fonds drainés et le lien direct
avec le prélèvement fiscal. Si certains manuels du temps incluent les prêts dans la
catégorie « aultre recepte commune extraordinaire »3, c’est évidemment par abus de
langage car le prêt se rembourse, sauf exception. L’aspect traditionnellement le plus
évoqué du crédit sous François Ier est la mise sur pied des rentes sur l’Hôtel de Ville de
Paris, en lien avec une définition plus précise de la notion de dette publique. Mais ce n’est
qu’une facette, très partielle, de la question : il est bien des sortes de crédits.
2 J’ai choisi de structurer mon propos en fonction de la nature de la relation qui unit le roi
et son bailleur de fonds, en particulier de l’autonomie relative de ce dernier, qui va en
décroissant au fil du chapitre. Avec le marchand-banquier, qui dispose d’une bonne
marge de manœuvre, on peut parler de crédit volontaire basé sur la confiance. Membres
du Conseil, ecclésiastiques et autres bourgeois relèvent plutôt du crédit contraint. Enfin
c’est d’un véritable crédit imposé dont sont victimes aussi bien le fournisseur qui attend
son remboursement que le consignataire de justice qui voit les fonds litigieux
« empruntés » par le roi. Mais cette tripartition, malgré son intérêt, ne doit pas faire
oublier que les relations entre prêteurs et souverain demeurent toujours fort subtiles.
Elles s’inscrivent toutes dans une dialectique de dépendance mutuelle qui court comme
un fil d’Ariane au long de l’exposé.
155
6 Il paraît logique de partir des demandeurs de crédit, plutôt que des détenteurs de
capitaux, dans la mesure où ces derniers se contentent le plus souvent de répondre à
l’initiative du pouvoir royal. En tant qu’emprunteur sur le marché financier, le roi met en
avant des agents qui ont sa confiance et qui, aspect essentiel, servent de garants pour les
prêts qui sont sollicités. Leur intervention vise à assurer les prêteurs contre les risques
encourus. C’est une pratique bien établie : pour l’emprunt milanais de 1494, les garants
sont le comte Carlo de Belgiojoso, le cardinal Briçonnet et son frère Robert, archevêque
de Reims, Etienne de Vesc et Philippe de Commynes. L’implication personnelle de
personnages de haut rang est forte : elle suppose leur engagement en tant que personnes
privées et concerne leurs biens propres. Semblançay rappelle qu’« avant que aucuns
marchans ayent voulu entreprendre fournir [des fonds] commandés par le Roy et madicte
dame [Louise de Savoie], il [lui] a convenu, suivant lesdicts mandemens à lui faictz par
lesdits seigneur et dame, en respondre en son propre et privé nom. Autrement et sans son
crédit lesdits mandemens fussent demeurez inexécutez »7. Quand, en août 1528, les
membres du « conseil du Roy estroict » s’engagent pour un remboursement, ils le font
« en bonne foi et sous l’obligation de tous leurs biens »8. L’objectif à atteindre est évident :
obtenir la confiance des bailleurs de fonds. Cette confiance est la base du crédit, affirme
156
Tournon, et le respect de la parole donnée importe plus que les garanties matérielles :
« Le vaillant d’ung prestre que je suys […] n’est pas pour asseurer les marchands qui me
prestent ». Ce qui compte pour eux, c’est « la vérité et parolle que je leur ay tousjours
tenu jusques icy »9. Le bon garant doit donc être connu des prêteurs. Les liens de
Semblançay avec le milieu des marchands-banquiers lyonnais remontent sans doute au
temps des relations commerciales de son père. Ils sont renforcés par son accession à la
charge de général d’un Languedoc qui inclut le Lyonnais, et s’ajoutent à ses relations avec
Léonard Baronnat, son « familier et grand amy »10. Tout ceci doit assurer à Semblançay un
accueil favorable dans la cité. Le groupe des généraux du début du règne, plus largement,
peut sans doute s’appuyer à Lyon sur le crédit commercial de parents ou d’alliés, qui
servent à la fois d’introducteurs et de répondants.
7 Au contraire, les agents du roi sans relais local ont peu de succès. En juin 1537 le roi a
délivré une « commission pour recouvrer deniers par emprunt [à Lyon] sur les obligations
de Hellin et de Morennes », deux responsables de la recette générale de Languedoïl.
Tournon, dans une lettre au chancelier, est très net : « Je vous supplie, monsieur, de ne
faire point fondement là-dessus car lesd. Hellin et Morennes sont si peu congneuz icy
qu’ilz ne trouveroient pas six escuz à préster »11. Etre physiquement présent sur place
augmente les chances de succès, dans la mesure même où cela facilite les négociations.
Après une campagne d’emprunts à Lyon, Tournon affirme : « Si je n’eusse esté icy, je me
double qu’il y eust eu bien à faire à trouver tout ce fons si promptement ». Et de conclure :
« Croy qu’il a esté besoing que vous eussiez icy un serviteur qui fut congneu de ceulx de
ceste ville et sur qui ils eussent seureté »12. Le cas d’Anthoine Hellin et de Guillaume de
Moraynes le prouve, eux qui gèrent la principale recette du royaume : ce qui compte
surtout, c’est l’individu, non sa fonction. Mais cet individu doit remplir certaines
conditions : il lui faut être très proche du pouvoir, à l’image de Tournon ou, à défaut, être
lié organiquement aux finances royales. C’est le cas du collège des généraux jusqu’à 1523
ou des officiers de finances de la région lyonnaise qui joignent la proximité - et souvent
les alliances - à leur implication dans les circuits financiers13. Mais c’est parfois aussi le
fait d’un receveur général comme Jehan Carré, en charge de la Normandie, en 152814.
8 Si au début du règne la garantie des généraux, parfois épaulés par Semblançay, est
fréquemment jugée suffisante, à partir des années vingt un système de double garantie se
met en place, qui fait intervenir responsables politiques et personnel financier. Dès 1522,
pour un emprunt négocié à Fribourg il est vrai, le Bâtard de Savoie et La Palice joignent
leur caution à celle des généraux15. Dans un acte non daté, de 1527 selon toute probabilité,
le duc de Vendôme, Duprat, Montmorency, Louis de Brézé, Jean de Selve, Jean Brinon,
Florimond Robertet, Tournon et Guillaume Preudhomme garantissent deux receveurs
généraux qui se sont eux-mêmes personnellement obligés au remboursement de cinq
prêteurs fournissant plus de 140 000 lt.. Démarche semblable l’année suivante lorsque
Duprat, Montmorency, Chabot, Tournon, de Selve et Preudhomme s’obligent auprès du
receveur général de Bretagne ou de son commis pour 56 000 lt.16. On retrouverait sans
difficultés dans les autres États ce système de garants à plusieurs étages17. Le cercle
politique concerné recoupe le plus souvent la liste des membres du Conseil du roi. Rien
d’étonnant à cela : siègent au Conseil ceux qui ont - pour l’heure - la confiance du
monarque. Ils sont donc politiquement les mieux à même d’inspirer confiance à leur tour
aux détenteurs de capitaux.
9 Le roi doit fréquemment offrir sa garantie à ceux qui se sont engagés pour lui lors des
emprunts royaux. Il témoigne aussi publiquement de la confiance dont il les honore et
157
signifie ainsi que, derrière les fortunes des particuliers, l’impôt royal demeure le plus
solide des répondants. Le phénomène est bien connu pour Semblançay ou les généraux au
début du règne18. On le retrouve pour le prêt de 1527 évoqué plus haut. En 1546, en raison
de la santé chancelante de François Ier, le dauphin Henri doit ratifier les emprunts19. A
cette époque encore, l’engagement du roi reste personnel : son successeur potentiel n’est
tenu que par sa propre ratification et non par une hypothétique pérennité des dettes de
l’État. De quelle nature est alors la garantie offerte par le roi aux prêteurs eux-mêmes ?
En ce domaine, on reste souvent dans le flou : ce sont ses agents qu’ils couvrent le plus
souvent et non les fournisseurs de capitaux. Pour ces derniers, l’assurance n’est donc
qu’indirecte.
10 Le roi, qui a dû recourir au crédit de ses serviteurs précisément à cause de la fragilité du
sien, est donc vivement sollicité de garantir ses agents à son tour. Le paradoxe n’est
qu’apparent car confiance et crédit valent aussi pour les relations entre le souverain et
ses proches : si le roi retire son appui, et Semblançay entre autres en fait l’amère
expérience, l’intéressé n’est plus « crédible » : il perd en effet le contact avec la source de
tout remboursement, à savoir le prélèvement monarchique. Ainsi le crédit du souverain
et celui de ses agents sont-ils en définitive solidaires. Leur imbrication met en évidence la
connexité du politique et du Financier. Les généraux des finances dans une lettre au roi
en 1522 peuvent évoquer l’argent recouvré « par leur crédit qui procède de vous », et
Tournon peut tout aussi bien soutenir : « Le Roy, en perdant mon crédit, y perdroit le
sien »20. Mais la situation du cardinal à l’automne 1536 prouve cependant que la garantie
royale n’est jamais négligeable. Empruntant à Lyon dans l’urgence, il affirme au
chancelier : « Il fault que je me oblige en mon privé nom en actendant le pouvoyr de y
obliger le Roy »21. Mais aucun document ne permet d’affirmer que l’octroi d’un pouvoir
spécifique par François Ier donne à Tournon la possibilité de se désengager
personnellement. A mon avis, les deux garanties sont cumulatives et non exclusives. Du
moins importait-il de souligner que celle du roi est fréquemment requise.
11 L’agent du roi ne peut donc faire figure de simple intermédiaire administratif entre
prêteurs et État dans la mobilisation des emprunts. Son crédit personnel est directement
engagé, « statutairement » pourrait-on dire, dans ce genre de négociation. En cas de
difficulté, les créanciers se retournent contre le ou les garants tout autant que contre le
souverain. D’autant que ce dernier offre bien peu de prise. A la fin de sa vie, Semblançay
est ainsi assailli par les marchands-banquiers florentins de Lyon qui lui réclament
plusieurs centaines de milliers de livres. Quand le pouvoir politique se dérobe, il devient
très difficile de faire face aux engagements. La position de l’agent du roi/garant est donc
très exposée. Aussi les réticences sont-elles réelles, surtout de la part des officiers de
finance car les responsables politiques, s’ils tiennent à leur place, ne peuvent pour leur
part guère se permettre de renâcler. En 1528, Duprat craint que les receveurs généraux,
sollicités pour une garantie, « en facent quelque difficulté » ; il souhaite « qu’ilz
cognoissent la voullenté dud seigneur estre qu’ilz la facent »22. Le trésorier de l’Épargne
Guillaume Preudhomme est bien connu, d’après Tournon, pour la « difficulté qu’fil] a
faictes tousjours de s’obliger »23. Mais, en règle générale, les hommes du roi finissent par
s’incliner à la grande satisfaction des détenteurs de capitaux.
b. Les prêteurs
prêteurs au cours du règne de François Ier. Retenir les individus plutôt que les firmes ne
va pas de soi, mais ce choix est imposé par la documentation et par la plasticité des
associations financières au cours des générations et au gré des alliances commerciales.
Dans quelques rares cas seulement deux membres d’une même famille ont été comptés
pour une seule tête, quand ils apparaissent toujours ensemble pour des opérations
rigoureusement identiques. Cette présentation quantitative doit aussi être pondérée par
l’importance de l’engagement financier des divers groupes. Un exemple est
particulièrement frappant : sept prêteurs, marchands à Rouen, figurent dans mon fichier,
presqu’aussi nombreux donc que les neuf Parisiens. Mais les Rouennais, parmi lesquels
figurent les quatre marchands d’origine ibérique du corpus, n’interviennent à eux tous
que pour un unique prêt d’un montant fort réduit : 3 560 écus24. Dans la présentation de la
conjoncture des prêts, on aura l’occasion de mieux mesurer la part de chacun.
13 La place tenue par les prêteurs d’origine italienne est écrasante comme en témoignent les
données suivantes (sur 124 prêteurs) :
• Italiens : 87 (70,2 %)
• dont Florentins : 45 (36,3 %)
• dont Lucquois : 17 (13,7 %)
• « Allemands » : 18 (14,5 %)
• Français : 15 (12,1 %)
• Ibériques : 4 (3,2 %)
14 La plupart des Italiens sont installés en France, à Lyon essentiellement, sans avoir
d’ailleurs perdu le contact avec leur pays d’origine. Seul un faible contingent parmi eux
habite la péninsule. Quelques-uns, plus rares encore, demeurent à Anvers (Gualterroti,
Ducci) ou à Londres (Bonvisi, Salvagio). La domination des Toscans est très nette (ils sont
au moins 64 sur 87), et elle demeure constante sur la période. C’est au sein des groupes
secondaires que l’on peut constater les évolutions les plus significatives : disparition des
Génois (sept) après les années vingt et timide arrivée des Piémontais (trois) à partir de la
fin des années trente, tout ceci en parfait accord avec la conjoncture de la « grande
politique ». S’il est en effet parfois délicat de mesurer la part exacte de « lobbies »
économiques dans ces réseaux de crédit, il est clair en revanche que le jeu politique
péninsulaire, avec par exemple le rôle financier assuré par les exilés toscans, a ici des
répercussions directes. Reste l’absence totale des Vénitiens : la place de Venise joue,
comme on le verra à plusieurs reprises, un rôle important dans la circulation de l’argent
français en Italie sans que les capitalistes de la Sérénissime, pourtant souvent alliée du roi
de France, n’interviennent. Est-ce faute de colonie dans le royaume, de fuorusciti ou
d’occupation du territoire par les armées royales ? Les divers éléments ont dû jouer, mais
constater cette absence de contacts « physiques » ne sert qu’à reculer le problème, non à
le résoudre. L’explication est sans doute à chercher dans le désintérêt relatif que
manifestent les détenteurs de fonds vénitiens à l’égard du commerce de l’argent d’une
façon globale, et en particulier pour ce qui concerne les prêts aux Princes.
15 Suisses (trois) et Allemands du Sud (quinze), présents dès les années vingt, ne jouent un
rôle notable qu’à la fin du règne, en particulier les seconds. Leur place ne fera que croître
sous Henri II. Ceux qui fournissent des fonds, bien que passant le plus souvent par le canal
lyonnais, restent en général implantés dans leurs villes d’origine, Augsbourg surtout
(Haug, Welzer, Zangmeister…), mais aussi Nuremberg (Ebner, Imhoff) ou Ulm (Weikmann)
25
. Les marchands français sont presque aussi nombreux qu’eux à intervenir dans les
emprunts royaux sous François Ier26. En dehors de l’axe Lyon-Orléans-Paris-Rouen, seule
159
la ville de Tours est à mentionner (pour trois prêteurs), héritage ténu de son destin de
« ville royale » dans les générations précédentes27.
16 Les prêteurs étrangers, dans leur répartition et leur implantation, sont globalement
représentatifs de la population des marchands-banquiers qui sont en relations d’affaires
avec le royaume28. Le faible nombre de grands marchands français dans les circuits de
l’argent se vérifie aussi. Marchands et marchands-banquiers ont d’ailleurs bien d’autres
façons de trafiquer avec le pouvoir royal. Certains alimentent en métaux précieux les
hôtels des monnaies29. D’autres fournissent des matériaux pour la guerre. Pour l’artillerie,
en 1518, Lyénard Spine d’une part, Jean Viart et Guillaume Roillart de l’autre vendent du
cuivre et de l’étain et Bernard Fortia du soufre30. D’autres encore s’impliquent dans des
entreprises maritimes qui ne laissent pas la monarchie indifférente, comme la première
expédition Verrazano31. En 1545, la compagnie Gadaigne assure les navires privés que le
roi emprunte pour adjoindre à sa flotte32.
17 Aucun des fournisseurs de fonds au roi ne fait de cette activité sa spécialité. Pour les
marchands-banquiers, il ne s’agit que d’une spéculation au sein d’une grande diversité
d’activités et rarement de l’une des plus importantes. Le roi n’est qu’un client parmi
d’autres. Qu’est-ce qui pousse à accepter de participer aux emprunts monarchiques ?
Malgré le titre du paragraphe, qui nous place à l’enseigne du crédit volontaire, il faut le
dire clairement : certains prêts, on le verra, sont obtenus par la contrainte. D’autres
découlent d’une négociation : le prêt est accordé contre un avantage spécifique, en
particulier la suppression d’une entrave au commerce33. Mais la plupart d’entre eux
résultent effectivement d’une décision à peu près libre du détenteur de capitaux. On en
espère évidemment de sérieux profits, ce qui explique qu’un Gaspard Ducci, peu
regardant sur les opérations du moment qu’elles sont fructueuses, procure dans les
années 1540 de l’argent à François Ier alors même qu’il est agent financier de la cour de
Bruxelles et conseiller impérial34. Mais nombreux sont les prêteurs qui ont aussi des
motivations politiques. Les Italiens qui suivent les affaires de la péninsule savent le poids
des interventions du roi de France. Pour les fuorusciti florentins en particulier, fortement
représentés dans la communauté marchande lyonnaise, l’appui français est indispensable
pour défendre la République ou obtenir la chute des Médicis. De même, certains prêteurs
allemands voient en François Ier - et plus encore en Henri II - le défenseur des libertés
germaniques et le protecteur des protestants de l’Empire. A l’inverse, la disparition des
Génois trouve son origine dans le changement de camp de Doria et de la cité. Reste le rôle
d’une habile propagande visant à drainer les capitaux. Elle est mise en œuvre par des
intermédiaires bien insérés dans le milieu marchand.
c. Des intermédiaires
18 Dans une lettre de garantie à Semblançay, le roi fait allusion à de « gros dons et
promesses d’argent » destinés non seulement à ceux qui prêtent des fonds mais aussi à
d’« autres qui ont aydé à les trouver »35. Juste récompense pour des individus sans
lesquels l’afflux de l’argent vers les caisses royales serait encore plus problématique.
Jean-Jacques de Passano, un Génois passé au service du roi de France, reçoit ainsi, le
31 août 1527, 16 500 lt., entre autres pour services rendus en faisant prêter par ses amis
des sommes importantes, et pour les frais qu’il a été amené à faire à cette occasion 36. Ce
Passano a pris du champ par rapport au monde de la marchandise et s’intègre en fait au
personnel royal. Il n’empêche : il sait réactiver ses attaches dans le monde de l’argent
quand les besoins du roi l’exigent.
160
19 L’intermédiaire, l’« honnête courtier » le mieux connu de l’époque est sans doute Jean
Cléberger (Hans Kleberg), le « bon Allemand » qui a toujours sa statue à Lyon. A la suite
d’Ehrenberg, Eugène Vial lui consacre une biographie détaillée en 1914. Voici le « bon
Allemand » à l’œuvre en 1545. Il a convaincu Reuter, le facteur lyonnais des Tucher, qui
écrit à Nuremberg : « Tous ceux qui jadis, dans des moments difficiles, ont prêté de
l’argent au roi de France ont été très bien payés et ont reçu, avec le capital avancé, de très
forts intérêts ». Cléberger a dû être merveilleusement persuasif pour que Reuter puisse se
laisser aller à une si inexacte affirmation ! Même si les Tucher, cette fois, ne s’en laissent
pas compter, l’un d’entre eux, présent à Lyon en 1546, reconnaît en guise d’oraison
funèbre pour Cléberger mort cette année-là qu’« il savait séduire les autres [et les
décider] à prêter de l’argent au roi de France ». François Ier lui-même le félicitait trois ans
plus tôt, dans une lettre du 11 décembre 1543 : « Et comme encore que vous mesmes
m’ayez dernièrement secouru en prest d’une bonne somme d’argent, avez esté moyen que
les autres marchans de votre nation ont faict le semblable de leur part, dont et du bon
office que avez faict en cest endroit je n’ai vollu faillir à vous mercier »37. Courtier plus
que prêteur, mais prêteur malgré tout, pour des sommes correctes mais pas énormes, tel
est son profil. Il se retrouve chez d’autres intermédiaires, des Italiens sans doute moins
connus. Chez tous se manifeste aussi le souci de l’intégration soit à l’administration, soit à
la Maison du roi, à l’image de Cléberger, devenu le 31 mars 1543 valet de chambre
ordinaire de François Ier.
20 L’ambiguïté de la position de Pierre Spine (ou Spina) se manifeste clairement dans sa
« raison sociale » : mentionné comme « banquier suivant la cour » en 1518, il figure
encore dans un document de 1520 comme « marchand florentin »38. Il contribue de ses
deniers à l’édifice du crédit monarchique39, mais est surtout remarquable comme agent de
la mobilisation des circuits financiers internationaux au service du roi. Il organise de
nombreux envois de fonds aux ambassadeurs40. En 1526, il tient en Italie le compte de la
ligue de Cognac et un mandement du 22 décembre lui accorde 20 541 lt. pour ses frais de
change et de transport. Malgré sa bonne volonté et ses relations, il ne peut éviter les
retards dans les règlements, en particulier en septembre et octobre41. Il sert aussi de
relais, au début de 1527, pour faire parvenir de l’argent en Italie via les Salviati de Lyon et
en 1528 encore pour en faire tenir à Livourne42. Tout ceci implique de bonnes relations
dans le monde de la finance et certainement, même si les documents sont discrets sur ce
point, la capacité à mobiliser le crédit. Cela est d’autant plus évident que Pierre Spine est
frère de Lyénard Spine, personnage important de la place lyonnaise dans les années 1520,
lui même lié aux Salviati. Outre la circulation des fonds, Pierre Spine s’occupe aussi de
munitions en Lombardie, fin 1524, pour les troupes qui partent pour Naples43. Sans doute
indirectement intéressé à la ferme des draps de soie, il figure comme contrôleur des soies
à Lyon en 153344. C’est le seul office dont on le trouve pourvu, et il n’est pas de première
importance… sauf pour le milieu des importateurs lyonnais.
21 Mieux intégré encore dans la capitale des Gaules, plus riche aussi est Ruberto degli
Albizzi, appelé Robert Albisse dans le royaume. Mentionné comme marchand de Lyon en
1523, comme citoyen puis comme bourgeois de la ville en 1525 et 1528 45, ce Florentin
d’origine est lui aussi prêteur. Il fournit 31 500 écus en 1521, 25 000 êcus en 1531, 10 000
écus et 6 700 lt. en 1536 et 30 300 lt. en 153846. Il prête aussi une somme inconnue dans le
cadre du rassemblement de la rançon47. Dans chaque cas, il est bien difficile de savoir ce
qui relève de ses fonds propres et de ceux de bailleurs de fonds auxquels il sert sinon de
couverture, du moins de représentant. En 1521 au moins, il n’a fourni personnellement
161
qu’une partie des fonds48. Très vite il apparaît en effet comme le délégué des principaux
marchands-banquiers de Lyon face au pouvoir royal. Pour financer le camp du Drap d’or,
le roi emprunte à Lyon et c’est Albisse qui « a mené le faict desd emprunctz et interestz »
49. L’année suivante, il joue un rôle clé dans l’envoi de fonds en Lombardie pour la guerre 50
2. Les opérations
23 Les princes ont presque toujours préféré les emprunts de ce type, ce qui est parfaitement
cohérent avec la motivation essentielle qui les pousse à recourir au crédit : la nécessité de
faire la soudure en attendant des rentrées d’argent. Tournon laissé sans fonds pour le
Piémont écrit au roi le 24 décembre 1536 : « J’ay voleu encores essayer avecques mes amys
si je porrois treuver de l’argent à interestz pour troys moys car je ne puys veoir devant
mes yeulx perdre votre reputación en Italye »62. Le crédit privé lui-même repose alors
largement sur le prêt à brève échéance. Aussi, dans le cadre de leurs relations avec la
monarchie, les détenteurs de capitaux le privilégient-ils. L’offre et la demande semblent
ainsi communier dans une même aspiration. Au quotidien, les comportements sont
parfois plus éloignés…
24 D’après les informations disponibles, l’échéance prévue pour le remboursement des prêts
ne dépasse pas un an : c’est le délai retenu pour les 100 000 écus obtenus fin mai 1520, qui
sont à rendre en juin 152163. Mais la durée est fréquemment bien plus limitée64. Sollicités
en octobre 1536, les Lucquois de Lyon ne veulent pas prêter pour plus de deux foires, soit
environ six mois. Meyting, de Berne, qui a fourni des fonds le 23 juin 1548 est remboursé
le 16 octobre de la même année65. On pourrait multiplier les exemples. Cela pose des
problèmes aux responsables des finances royales : l’état des fonds interdit parfois de
162
promettre un remboursement aussi rapide que souhaité. Quand il cherche du crédit « aux
bancques et ailleurs » à la fin de décembre 1527, Duprat est dans l’impossibilité d’assigner
les éventuels bailleurs de fonds sur le quartier de janvier car le roi en a déjà fait état « et
quant on parle de remboursement en avril, il n’y a homme qui ne baisse les oreilles » 66.
25 Autre problème : le recours au crédit est censé pallier les ratés et surtout les à coups des
rentrées fiscales, qui arrivent, on l’a vu, par saccades. Il en va malheureusement parfois
de même des crédits lyonnais, à cause du rythme imposé par les foires : « Nous sommes
entres deux foyres, les marchands n’ont point d’argent » se lamente Tournon à la mi-
juillet 153767. Certes, le marché du crédit a une périodicité distincte de celle des impôts et
peut donc permettre de faire face dans certaines circonstances, mais il n’est pas
disponible à volonté. Et il a ses exigences, en particulier le souci de la ponctualité dans les
remboursements. Le non-respect des accords n’est pas sans conséquence dans un milieu
qui a de la mémoire et le sens du contrat : retarder les échéances c’est, en portant atteinte
à la confiance, provoquer la ruine du crédit. Depuis Crémone, Lautrec, le 5 janvier 1522,
rappelle François Ier à ses engagements : l’argent emprunté à Venise doit être envoyé, « et
est très nécessaire pour entretenir notre crédit et aider à vivre lesd. gensdarmes qu’il soit
rembourcé aud. Venise au temps et termes qu’il a esté accordé ainsi que on a fait savoir
aux gens de voz finances et par ce moyen nous trouverons de l’argent pour leur bailler et
les subvenir en une nécessité »68. Comme on l’imagine, les écarts sont nombreux. On y
reviendra.
b. Les profits
26 Malgré ses procédés parfois cavaliers, le roi sait appâter les prêteurs. Il donne à ses
créanciers des assurances contre le droit d’aubaine et les lettres de marques ou de
représailles. Certains sont même honorés de faveurs particulières comme le Turinois
Berton Gros, nommé valet de chambre du roi par Henri II en récompense de ses services 69.
Mais le roi leur fait miroiter surtout les « très forts intérêts » que Cléberger promet au
facteur des Tucher. Les agents du roi qui négocient les emprunts, les principaux d’entre
eux du moins, obtiennent le pouvoir de fixer le montant de la rémunération du capital.
Tournon peut ainsi « tauxer et arbitrer le don et récompense qui sera baillé esd.
bancquiers » en fonction de la somme et du temps d’immobilisation70. En cas de doute, et
pour ménager cette fois ses bailleurs de fonds, la monarchie s’empresse de reconnaître le
bien-fondé du versement de ces intérêts. Par deux déclarations de mai 1545, elle garantit
que les « dons » faits aux prêteurs, ici des marchands allemands et lyonnais, seront bien
considérés comme des obligations régulières, sans préjudice du remboursement des
sommes prêtées71. Qu’une telle précision s’impose souligne le caractère encore
rudimentaire du marché du crédit. On le constate : le mot d’intérêt est rarement
prononcé. Le vocabulaire qui désigne la rémunération du capital, dont la licéité
canonique reste fragile, est d’une grande variété et d’un grand flou : « pension »,
« rente », « change », « change et intérest », « don », « don et récompense », « attente de
son remboursement […] d’une foire à une autre », « prolongation et actante de
paiement », la liste est longue et pourrait l’être plus encore sans doute, en cherchant
bien.
27 Plus que la dénomination importe, pour les parties prenantes, le niveau des intérêts. A
l’époque, ceux-ci ne paraissent pas cumulables s’il faut en croire Charles Dumoulin quand
il affirme en 1546 : « N’y a aucune usure d’usure »72. En 1520-1521, on oscille entre 4 et 5 %
par foire, soit 16 à 20 % par an. Pour le prêt de 100 000 écus pour le camp du Drap d’or de
163
mai 1520, 32 400 lt. d’intérêt annuel donnent un taux de 16,2 % ; les Affaitati de Crémone,
en revanche, fournissent en 1521 42 142 lt. à 5 % par foire73. Les diverses données qui
figurent dans la garantie aux généraux du 7 avril 1522 se situent dans cette fourchette. En
1536-1537 la norme n’est plus que de 3 % par foire74. A partir de 1542, le taux s’établit à
16 % par an75. Il ne faudrait cependant pas supposer une trop belle régularité. Pour un
prêt génois d’octobre 1515, les intérêts atteignent 28 et peut-être 42 % par an76. Un autre
auteur évoque des intérêts de 3 % par mois, soit 36 % par an77. De l’existence d’oscillations
nettes témoigne la remarque désabusée de Duprat au roi au début de 1528 : « Je ne puis
oublyer à vous dire que je treuve les interestz gros, mais il fault regarder le temps où nous
sommes et la nécessité »78. Les conditions faites au roi de France ou par lui sont
globalement du même ordre que pour les autres princes du temps. Pour ses emprunts à
court terme, Charles Quint trouve à Anvers du crédit à 12 à 15 % par an79. Henri VIII
emprunte en Flandre en 1544 à 14 %, en 1546-1547 à 13 %80. Mais eux non plus ne sont pas
à l’abri de conditions plus draconiennes, surtout Charles, aux fragiles finances. Jean du
Bellay évoque ainsi en 1536 un taux de 25 % par an81.
28 Le taux d’intérêt des emprunts publics n’est pas le même que celui des prêts
commerciaux. Quand en 1546 le roi doit verser 4 % par foire, les marchands sont tenus de
payer 2 % seulement82. D’où, au passage, de fructueux profits pour les intermédiaires.
Cette différence de taux ne signifie pas pour autant que l’impact des emprunts « publics »
sur le marché financier soit nul. D’après un manuel flamand publié à Anvers en 1543, la
valeur de l’argent sur le marché de Lyon dépendait au contraire très directement du taux
des emprunts de François Ier83. Affirmation hardie et sûrement exagérée, mais qui
souligne une fois de plus les liens entre « grande politique » et jeux de l’argent. Malgré les
profits, les marchands-banquiers ne sont pas disposés à ouvrir tout grand leurs coffres au
roi. En particulier, ils sont plus que réticents pour proroger les échéances des
remboursements, comme Tournon en fait l’expérience :
« Le plus grand desplaisir que vous puissiez faire aux marchands, c’est de ne pas les
payer au terme qu’on leur a promitz, car ilz ne veullent point que leur argent
séjourne plus que du terme qu’ilz ont accordé et si vous leur donniez vingt pour
cent chacune foyre vous ne les contenteriez pas […] ; j’ay essayé cela et trouvé que
de ce qui ne m’avoye cousté que trois pour cent j’ay vollu donner six et qu’ilz le me
represtassent pour une aultre foyre. Hz le me refuzerent et leur en eussé-je donné
dix »84.
29 Plus étonnant encore est le refus par les créanciers d’une rémunération que Tournon
parvient difficilement à imposer : « Ne vous veulx point celler que ceulx qui m’ont preste
l’argent reffuzoient à prendre l’interestz mais je leur ay volu ballier pour advantager
tousjours le crédit et pour leur donner occasion non seulement à ceulx là mais aux autres
d’en prester plus volantiers et me semble que ce n’est point argent mal employé ne
perdu »85. Au souci d’attirer les capitaux répond donc apparemment le désir de ne pas
s’engager trop avant dans la collaboration avec le pouvoir. D’où les limites vite atteintes
du crédit royal. Durant l’été de 1537 il faut vendre du domaine en Lyonnais pour pallier
l’insuffisance du crédit86. Or ce sont les mêmes milieux, ceux du négoce en particulier, qui
s’engagent dans les aliénations et qui refusaient de prêter. Tournon, songeant aux
marchands-banquiers étrangers, évoque en décembre 1536 « le service qu’ilz peuvent fere
[qui] n’est pas moings que de cent mille escus de crédict »87. Mais le cardinal néglige une
chose : les détenteurs de capitaux ne sont pas toujours disposés à prêter leurs ressources
disponibles au monarque. Il faudrait plutôt déterminer ce qu’ils accepteraient, dans un
contexte donné, de lui avancer.
164
30 « Salviaty, toute sa vie s’est meslé d’estre banquier, faisant proffiter son argent et celluy
d’autruy, comme il est tout notoire »88. Semblançay met l’accent ici sur les deux sources
des capitaux disponibles : des fonds propres et ceux d’« aucuns particuliers qui mettent
leur argent es bancques […] au proffit du denier vingt »89. Les traces de la mobilisation des
fonds par les marchands-banquiers sont assez ténues dans la France d’alors. Ymbert de
Batarnay, à la fin du XVe siècle, a un compte chez les Médicis90. En 1525 les frères Nazy,
juifs d’origine florentine établis à Lyon, obtiennent une nouvelle surséance pour le
remboursement des fonds qu’ils ont empruntés « et dont ils ont subvenu et aydé au Roy
pour ses urgens affaires »91. Le 28 octobre 1546 Jacqueline Hurault, dame de Maincy, prête
10 000 lt. en 4 444 écus et 20 st au procureur d’Albisse d’Elbene, marchand florentin de
Lyon92. Mais il faudrait pouvoir distinguer clients stables et « capitalistes » sollicités à
l’occasion, savoir si leur argent s’investit bien dans les emprunts royaux et non dans telle
ou telle spéculation commerciale93.
31 On a quelques lueurs pour la période du Grand Parti et de ses origines, à compter de 1542.
Le prêt de Jacqueline Hurault, d’ailleurs, se rattache peut-être à cette opération. La
participation des particuliers à cette vaste spéculation a fait l’objet d’un débat dans les
années 1930 entre Roger Doucet et Henri Hauser94. L’interprétation développée par le
premier emporte largement l’adhésion. Elle insiste sur le fait que les transactions
réalisées par le pouvoir royal passent systématiquement par le relais des marchands-
banquiers. Derrière eux, il y a certes des bailleurs de fonds95, mais peu nombreux sont
ceux qui se laissent découvrir : Doucet, bon connaisseur des archives lyonnaises, ne
repère que huit Français ! Leur participation moyenne approche les 20 000 lt., ce qui n’est
pas vraiment à la portée de toutes les bourses. La plus petite créance connue, citée par
Richard Gascon, figure dans le testament de Louise Labé : elle est de 1 000 lt.. L’impression
prévaut donc que les bailleurs de fonds régnicoles sont peu nombreux et appartiennent
aux élites socio-économiques96. Il en va sûrement de même pour les étrangers qui
participent aux emprunts monarchiques, toujours via les banques. Évoquant les
opérations considérables effectuées par Albisse d’Elbene dans les années cinquante, ses
plus récents historiens constatent que, même s’il « n’y fait que de brèves allusions », il est
sûr que « des personnes privées déposaient des sommes auprès de lui pour les faire
fructifier, et qu’il comptait sur cet apport, inquantifiable toutefois »97.
32 Mais lorsque le roi n’honore plus ses engagements, la situation des banquiers et
intermédiaires devient délicate. En 1562, les Zangmeister d’Augsbourg, qui ont prêté une
forte somme au roi, déplorent que « depuis des années [elle] ne produit plus aucun intérêt
alors qu’ils l’avaient empruntée à un taux élevé »98. Pour éviter de tels désagréments, les
marchands-banquiers, après avoir souscrit un emprunt auprès des agents du roi, peuvent
revendre une partie de leurs créances « au détail » aux particuliers. A partir de là, les
titres de cette dette flottante circulent, ce qui rend plus délicat encore le dépistage des
bailleurs de fonds : comment savoir en effet si une créance repérée dans une fortune n’a
pas déjà transité par plusieurs intermédiaires ? Si les marchands-banquiers savent donc
associer des détenteurs de capitaux à leurs opérations, doit-on suivre pour autant Braudel
qui affirme que, lors des prêts aux souverains, « les financiers » ne hasardent volontiers
que l’argent des autres »99 ? Je ne le pense pas. Pour une part les fonds qu’ils prêtent
proviennent à coup sûr de leurs propres caisses, en lien avec un grand commerce dont ils
sont les premiers, de par leurs activités, à tirer profit. Ils sont à la fois capitalistes et
165
33 Cette rapide évocation du milieu du siècle nous conduit tout droit à une approche plus
conjoncturelle, chronologique donc, des emprunts de François Ier. Il n’est pas question ici
d’évoquer systématiquement tous les prêts, et encore moins tous les cas où l’on peut
s’interroger pour savoir s’il y a ou non prêt de la part des marchands-banquiers. Une
recherche forcément incomplète et l’imprécision quasi statutaire des sources interdisent
cela. Jamais, je le crains, on ne pourra dresser pour la place lyonnaise l’équivalent des
courbes réalisées par Braudel pour Anvers. Mais il convient malgré tout, à partir des
fragments dont on dispose, de redonner aux emprunts du règne leur rythme et leur
géographie.
34 Les premières années sont d’une approche délicate, en raison de la pauvreté des sources.
Si l’on suit Spont, Louis XII n’emprunte pas d’argent aux Italiens de Lyon, même s’il ne
dédaigne pas d’user de leurs services pour divers transferts de fonds100. Il est impossible
de savoir si un passif existe envers eux en 1515 et s’ils contribuent au financement de la
campagne de Marignan. Mais 1515 marque à coup sûr une reprise des contacts avec eux.
La première transaction dont on garde trace a lieu en octobre : le 23, deux généraux,
Raoul Hurault et Thomas Bohier, flanqués d’un trésorier de l’Ordinaire des guerres,
Morelet de Museau, promettent de payer à la foire de Pâques suivante, à Lyon, 60 454 écus
aux banquiers génois Melchiore Nigrono et Andréa Cicero, en échange d’une avance de
50 000 écus à Babou, commis à l’Extraordinaire des guerres101. Mais les banquiers
agissent-ils comme personnes privées ou sont-ils mandatés par la cité ligure ? On l’ignore.
35 Au début de 1516, l’endettement à Lyon est déjà sérieux. Un agent anglais à Bruxelles
parle de 150 000 couronnes envers les seuls Florentins102. L’ambassadeur florentin en
France estime lui à plus de 300 000 écus, sous la garantie des principaux officiers de
finance, les fonds en jeu103. Tous deux évoquent les échéances de remboursement
difficiles à honorer. J’ai peine à croire, si ces chiffres sont fiables, que de telles sommes
aient été empruntées dans les quelques mois précédents. Arriérés datant d’avant
Marignan, voire du règne de Louis XII ? C’est probable. Et la place de Lyon n’est pas seule
en cause alors car François Ier négocie aussi avec la communauté italienne de Londres, les
Frescobaldi en particulier104. Les prêts dont on garde trace pour l’année qui suit sont des
plus réduits. Il est vrai que les retards de paiement nuisent au crédit. Trois cédules de
deux généraux datées du 6 juin 1516 se font l’écho d’une avance de quelque 18 000 écus
par trois Florentins de Lyon105. A la fin de l’année ou au début de 1517, les banquiers
lyonnais fournissent 26 000 écus dont la provenance, selon toute apparence, est un prêt
génois accordé le 5 décembre 1516 et qui doit précisément être réglé à Lyon106. Enfin, le 8
janvier 1517, les généraux et Semblançay souscrivent une obligation de 110 000 lt. auprès
des banquiers de la capitale des Gaules107. Le roi ayant contracté des engagements
financiers envers les Suisses, l’Empereur et Maximilien Sforza, ces diverses avances
servent très probablement à les honorer108.
166
36 Le retour de la paix, après les incertitudes qui marquent une partie de 1516 encore,
semble bénéfique à l’équilibre financier. L’État prévisionnel du 1er juin 1517 ne mentionne
plus que 97 550 lt. d’« emprunts reculiez qui restent à payer », auxquels s’ajoutent
166 650 lt. « deues à Gennes »109. Peut-être 1516 a-t-il été marqué par d’importants
remboursements. Le poste des deniers payés en acquits, qui sert entre autres pour
éteindre les créances110, atteint en effet cette année-là 1 061 000 lt., contre 91 000 lt.
seulement en 1515111.
37 La situation semble se tendre de nouveau avec l’affaire impériale. Le recours aux
banquiers lyonnais pour fournir les 100 000 lt. promises à Laurent de Médicis, duc
d’Urbin, à cause de son mariage avec Madeleine de la Tour d’Auvergne est classique : il
faut faire passer des fonds en Italie112. En revanche, il est plus inquiétant de voir
mentionné, en pleine paix, un prêt de 120 000 écus destiné aux trésoriers des guerres :
100 000 pour l’Ordinaire et 20 000 pour l’Extraordinaire113. Est-ce à lier aux projets
d’expédition allemande ? Quoi qu’il en soit, c’est le signe d’importants besoins de
financement. La mobilisation de fonds pour la campagne impériale reste malgré tout
difficile à saisir. Début 1519, Albisse et Gualterroti tiennent prêtes 100 000 lt., sans que
l’on sache si elles sont utilisées114. Que certains prêts aient eu lieu alors, cela est
pratiquement sûr. On voit figurer dans l’acquit des généraux du 7 avril 1522, qui reprend
les divers emprunts dans l’ordre chronologique, une formule alambiquée, précisément
entre les 100 000 lt. du duc d’Urbin (automne 1518) et le financement du camp du Drap
d’or (mai 1520). Le roi eut alors recours au crédit « pour plusieurs grandes et bonnes
causes et raisons qui nous meurent, concernans l’estat et conservación de nostred.
royaume »115. Que dissimuler ainsi sinon la campagne impériale ? Dans le détail des
opérations mentionnées, rien ne filtre non plus, aussi on ne peut estimer avec certitude
les montants en cause. Peut-être le versement d’intérêts à Robert Albisse (11 440 lt.) se
rapporte-t-il à cette période. Il porte sur un capital de 71 500 lt.. Peut-être est-ce le
syndicat emmené par Cléberger qui est concerné.
38 Ce ne sont pas les seules obscurités de l’affaire. Aux dires d’un agent anglais en Espagne,
François Ier échoue en février 1519 à emprunter une forte somme (200 000 florins) sur le
marché lyonnais116. Parallèlement Spont, qui suit aussi des sources anglaises, ne craint
pas d’affirmer que les banquiers italiens de Londres ont avancé au roi de France 360 000
écus pour sa campagne impériale117. Un tel contraste laisse sceptique, tout comme
l’enthousiasme des financiers d’Outre-Manche pour une cause peu sûre et un souverain
étranger, enthousiasme d’autant plus surprenant qu’Henri VIII n’est guère favorable au
succès de son rival français, sans même parler de ses propres velléités de candidature. Or
cette énorme avance ne laisse point de trace dans les archives ou les chroniques. A y
regarder de plus près, les 360 000 écus correspondent en fait à ce que la couronne de
France est censée devoir aux banquiers londoniens au moment des négociations du camp
du Drap d’or. Sans même évoquer de lointains reliquats, François Ier avait en 1519 une
bonne raison de solliciter le marché londonien : les 600 000 écus durachat de Tournai. La
ville, prise par les Anglais en 1513, devait revenir à la France d’après un traité d’octobre
1518, moyennant ce considérable versement118. N’est-ce pas là l’origine d’une part
appréciable de sa dette ? Il est de toute manière bien difficile de dresser un bilan des
emprunts du roi à la fin de la décennie.
167
39 Pour le début des années vingt, en revanche, les informations se font plus abondantes.
D’où le titre du paragraphe, qui serait d’une ironie un peu amère pour les responsables
financiers du temps se débattant au milieu des difficultés. Mais justement : ce sont de
« riches heures » (toutes relatives d’ailleurs) de la documentation, pour une bonne part
en raison même de ces difficultés.
a. Un enjeu modeste ?
40 Déjà évoqué plusieurs fois, le prêt de 100 000 écus pour l’entrevue de François I er et Henri
VIII correspond à une charnière119. Non pas tant entre deux décennies qu’entre la guerre
et la paix car le camp du Drap d’or manifeste l’incapacité de la diplomatie des grandes
puissances à faire face à la nouvelle donne de la géopolitique européenne sans recourir
aux armes. C’est peut-être de cette même année que date un prêt de 75 000 écus fourni
par Guillaume Nazy et Thomas Gadaigne, et destiné au trésorier des guerres Morelet de
Museau120. A moins qu’il ne date de 1521, l’année terrible. En quelques mois, cette année-
là, le montant des dettes augmente considérablement. Environ 75 000 lt. des Lucquois,
près de 30 000 écus d’un ensemble de marchands-banquiers italiens, d’après la garantie
aux généraux. Un emprunt forcé de 100 000 lt. est levé sur les Florentins de Lyon121. Les
versements n’ont d’ailleurs lieu que progressivement, les séries de quittances des officiers
royaux datant du 31 janvier et du 24 juin 1522122. Par ailleurs, d’importants mouvements
de fonds ont lieu en lien avec la défense du Milanais. Le général des finances de Milan
Geoffroy Ferrier remet à Jacques Thouart, commis en Italie pour Meigret, responsable de
l’Extraordinaire des guerres, 320 000 lt. en 1521. Selon toute apparence, une part
importante de cet argent, peut-être l’essentiel, a été empruntée et c’est par une
« promesse » de Robert Albisse pour cette somme que l’on en a gardé trace123. Il est
question en particulier d’une lettre de crédit de 100 000 lt. de Thomas Gadaigne,
Guillaume Nazy et Albisse lui-même, que Ferrier veut voir honorée à Lyon à la foire de
Toussaint124. Par ailleurs Ferrier lui aussi fait des avances, tout comme d’autres grands
noms de la finance lombarde125. Tout ceci, au total, fait beaucoup d’argent, d’autant qu’il
est très probable que certaines opérations nous échappent. Par contraste, l’année 1522
paraît bien terne. Outre le lent versement du prêt forcé des Florentins, deux avances
seulement : 17 187 écus de Jehan Cléberger et 40 000 autres d’un trio : Claude May,
bourgeois de Berne, Jacques Salviati de Florence et Berton Welzer d’Augsbourg126. En
octobre, il est question d’emprunts « à Lyon à ceste prouchaine foire », mais sans que l’on
sache si le projet aboutit127. Malgré l’appel à des sources non lyonnaises ou non italiennes,
le tarissement est donc rapide après le fort mouvement de 1521.
41 C’est par l’intermédiaire des garants de l’administration royale que l’on peut se faire une
idée du montant des emprunts du roi. L’acquit des généraux du 7 avril 1522 concerne
553 000 lt. de dettes, en incluant des intérêts en retard : est-il besoin d’insister sur le fait
que le crédit à très court terme connaît alors de sérieux ratés ? Pourtant, une lettre du
20 octobre 1522 parle d’engagement des généraux envers les banques pour 350 000 lt.
seulement128. L’année 1522, plus calme militairement après la Bicoque, est donc propice à
des remboursements. Pour les créances garanties par Semblançay ou les fonds empruntés
par lui pour le roi à Lyon, il faut attendre octobre 1523 pour connaître le reliquat, qui se
monte à 129 866 écus soit environ 260 000 lt.. Depuis février, il n’a fourni à ses créanciers
168
lyonnais qu’un peu moins de 50 000 lt.. Son endettement envers les marchands-banquiers
se situe donc au début de 1523 au-dessus de 300 000 lt.129. En 1525 les Florentins de Lyon
lui réclament toujours 230 000 lt. : en deux ans, il n’a donc pu leur verser qu’une faible
part de leur créance130. Les généraux eux-même ne payent plus et l’addition des restes,
350 000 lt. d’un côté et 230 000 lt. de l’autre, dus pour l’essentiel aux Florentins emmenés
par Albisse, Gadaigne et Nazy, atteint 580 000 lt.. Ce n’est guère plus de la moitié des
quelque 600 000 ducats (1,1 million de lt. environ) qu’en 1529 la couronne française
devrait à ces mêmes Florentins selon l’ambassadeur vénitien Suriano131. Ce dernier chiffre
paraît très exagéré, d’autant que, comme on va le voir, il n’y a pas de nouveaux prêts sur
la place lyonnaise à partir de 1523. Il faut donc revenir en arrière, au printemps de 1522,
pour trouver le moment où la dette royale est la plus élevée, ce qui explique le souci des
prêteurs comme des officiers du roi de disposer alors de nouvelles garanties. L’ensemble
des créances des marchands-banquiers, dont une part appréciable est antérieure à la
guerre132, approche ici effectivement le million de lt.. Peut-être même ce montant
symbolique est-il dépassé. La monarchie ne retrouve un tel niveau d’endettement envers
eux qu’au milieu des années quarante. Entre les deux périodes, une relative « traversée
du désert ».
42 Il est deux manières de jauger le taux d’endettement : un plafond d’un million de lt., c’est
en effet à la fois peu et beaucoup. C’est peu car cela représente un pourcentage
relativement faible par rapport aux recettes de l’heure (15 % de celles de 1521 ?) et l’arrêt
des hostilités permettrait sans doute d’amortir le tout en quelques années. Mais c’est en
même temps beaucoup, parce que le financement d’une guerre se joue toujours à la
marge et que le crédit permet d’anticiper sur les rentrées. C’est beaucoup aussi car les
capacités des prêteurs ne sont pas illimitées, pas plus que leur confiance : leur effort est
déjà grand. Et c’est beaucoup enfin parce que la prolongation des hostilités empêche de se
libérer de ce boulet, ce qui nuit considérablement aux relations avec les puissances
d’argent.
43 Les relations en fait se tendent dès 1521. En juillet de cette année-là, le roi ordonne
l’arrestation des Florentins dans le royaume133. La mesure ne touche, autant que les
sources permettent d’en juger, que les marchands. Elle concerne aussi les Siennois
(arrestations repérées à Paris, Bordeaux et Toulouse), mais les autres Italiens sont
épargnés. L’explication de cette initiative monarchique n’est pas évidente. Les Florentins
de Lyon sont eux-mêmes perplexes. Ils ne voient pas pourquoi le roi a pris cette décision
« si ce n’est à cause de ce que le pape s’est déclairé contre led. Seigneur » et ils protestent
de leur fidélité. Est-ce un procédé un peu rude pour extorquer des fonds ? La situation du
marché ne semble pas telle alors qu’il faille (déjà) en venir à de telles extrémités. Restent
les rumeurs dont le Bourgeois de Paris se fait l’écho : « Disoit-on que c’estoit à cause que
lesdicts bancquiers escrivoient en Flandres et autre part et au pape Léon secrettement en
révélant tous les secrets de la guerre ». On comprend ainsi pourquoi seuls les
commerçants internationaux sont visés et comment le pape - un Florentin - s’inscrit dans
le « complot ». Mais le Bourgeois de Paris ajoute que :
« les riches marchands de Florence avaient promis bailler au Roy quatre cens mille
escuz d’or à interest à rendre au moys d’août et desquelz les quatre généraux se
obligèrent à rendre dedans ledict temps ; mais néantmoins la promesse d’iceux
169
trop court, mais ne peut-on incriminer aussi l’état très médiocre des relations entre la
place financière et la monarchie ?
48 Après 1523, les allusions à de nouvelles opérations financières disparaissent totalement.
Seul émerge un prêt de Gadaigne de 50 000 ducats, mais les ouvrages qui le mentionnent
se contredisent et sont peu fiables141. Ainsi donc, la « rupture » ne date pas de la défaite de
Pavie. S’il fallait trouver une bataille de référence, il conviendrait plutôt de se tourner
vers la Bicoque. Pour de longues années ensuite, la confiance envers le roi est largement
ruinée sur la place lyonnaise142. D’après Guichardin, cette perte de crédit influe sur la
conduite de la guerre et rend nécessaire la paix de Cambrai143. Si cela était, la dépendance
du monarque vis-à-vis de ses bailleurs de fonds italiens serait très grande. Mais une telle
vision paraît exagérée. D’autant que, pour faire face à ses besoins d’argent, le roi peut
avoir recours à d’autres canaux.
49 Dès la période « faste » de 1521-1522, Paris est une place où les agents du roi viennent
trouver du crédit chez les marchands. La garantie royale du 4 novembre 1521 sert à
Semblançay pour « garder son crédit envers plusieurs personnes, tant à Paris que
ailleurs » qui ont prêté « pour subvenir à la despence de la guerre de Haynaut »144.
L’année suivante, ce sont les généraux qui empruntent auprès des capitalistes parisiens
« pour les afaires […] survenuz durant [le] dernier voyage de Picardie »145. Evoquant la
reddition de comptes de Semblançay en 1524-1525, le Bourgeois de Paris précise que
l’argent que lui doit le roi « n’estoit […] audict de Beaulne, ains estoit à plusieurs
marchans de Paris »146. Ainsi, outre les Lyonnais, le roi sollicite-t-il aussi des marchands,
régnicoles pour la plupart, de sa capitale147. Mais ceux-ci sont fort discrets et leur identité
est difficile à percer. Peu nombreux sont ceux qui émergent des sources, une dizaine de
personnes tout au plus, ce qui semble indiquer que le cercle des prêteurs-marchands est
assez restreint. Les marchands bourgeois de Paris, personnages notables, sont présents,
comme il se doit (Thomas Turquam, Jaques Pinel). La place qu’occupent les orfèvres
(Estienne Delange, Jehan Hotman) est plus étonnante car il s’agit en règle générale de
marchands plus modestes. Ceux qui figurent ici constituent très probablement l’élite de
cette profession. Il faut leur adjoindre le plus prestigieux d’entre eux, Nicolas Le Coincte,
qui commence sa carrière professionnelle comme marchand affineur et départeur d’or et
d’argent et bourgeois de Paris148. D’une famille qui compte aussi des drapiers, Le Coincte
semble reproduire en fait le modèle ancien des changeurs149.
50 L’imbrication avec le milieu des officiers de finances est sans doute plus profonde qu’à
Lyon. Pans la capitales des Gaules, même les intermédiaires les plus liés au personnel
royal restent en marge de l’office. A Paris en revanche Nicolas Le Coincte offre un bon
exemple d’intégration progressive. Il devient en effet successivement maître de la
Monnaie puis général des Monnaies et enfin changeur du Trésor150. Un montage financier
de 1526 souligne les liens qui unissent les membres du groupe : le 22 mai, Le Coincte vend
une rente de 100 lt. à Estienne Delange et emprunte 16 000 lt. à Jehan Gravelle, bourgeois
de Paris. Gravelle passe le 14 août une déclaration selon laquelle l’argent appartient en
fait à Delange, lequel n’a rien de plus pressé que de céder sa créance à Guillaume de
Saffray, receveur de l’Écurie du roi151. En 1531, Le Coincte emprunte, peut-être pour
acheter l’office de changeur du Trésor, avec la garantie de Delange152. Tous ces gens
entretiennent évidemment des relations avec Semblançay, en particulier Delange153.
Comme les Lyonnais, les marchands parisiens dans leurs relations avec l’État disposent
171
d’une panoplie qui ne se limite pas aux prêts. L’engagement dans les affaires du sel, le
fournissement des greniers en particulier, apparaît comme une spécialité locale qui
concerne Thomas Turquam, Martin Quatre-hommes ou Jaques Pine154. Ce milieu
d’hommes de finance autant que de commerce est victime en 1532 de poursuites
destinées à réprimer les usuriers. Parmi les douze condamnés dont on garde trace
figurent en bonne place les trois derniers cités, et aussi le marchand Guillaume Daubray,
probablement allié à Estienne Delange, époux d’une Françoise Daubray155. En résumé, on a
le sentiment que les prêteurs forment non seulement un groupe restreint, mais aussi un
groupe très uni.
51 Quel est leur rôle dans la conjoncture de l’après 1522, celle de la disparition des prêts
lyonnais ? Au plus mauvais moment, aux lendemains de la défaite de Pavie, le receveur
général Ruzé parvient à emprunter dans la capitale 20 000 lt. pour payer les troupes 156.
Sursaut patriotique ? Peut-être. Mais c’est de la défense même de la capitale qu’il s’agit :
cela peut motiver… On ignore malheureusement qui sont les bailleurs de fonds. En
revanche, on connaît certains d’entre eux pour la période 1527-1528. Lors d’un prêt de
1527, déjà évoqué pour ses multiples garants, prêt qui dépasse 140 000 lt., Thomas
Turquam est présent pour 31 200 lt., Nicolas Le Coincte pour 75 163 lt. et Estienne Delange
pour 20 000 lt.157. En 1528, le chancelier Duprat emprunterait 80 000 lt. à Paris158. On
repère cette année-là des éléments isolés qui s’intègrent peut-être dans cet ensemble : le
30 mai, 3 000 lt. sont assignées sur les deniers du prêt que Jehan Hotman a promis de
faire. En juillet, le receveur général Carré est sollicité pour apporter sa garantie à Martin
Quatrehommes qui avec d’autres s’engage pour 14 000 lt. « faisant partie » de 20 000 lt. 159.
Les 30 000 lt. que Le Coincte avance cette année-là160 constituent-elles un nouveau prêt ou
font-elles partie des 75 000 lt. de 1527 ? Il est impossible de le dire. Il est clair du moins
que, dans ces années de guerre où Lautrec atteint le royaume de Naples, alors que Lyon a
entièrement fait défection, Paris sert de relais pour les emprunts royaux. Mais les
marchands et orfèvres de la capitale n’ont pas la surface financière des grands
marchands-banquiers des bords de Saône et leur participation reste modeste. Au début
des années trente, les transactions se font rares. L’ultime trace est un prêt de Nicolas de
Noble, marchand lucquois établi dans la capitale, en 1532161. Il est vrai qu’à ce moment la
monarchie renoue enfin les relations avec les bailleurs de fonds lyonnais.
a. Un lent réchauffement
52 Dès la fin des années vingt, le gouvernement royal fait des efforts en ce sens. La
concession de privilèges est un moyen de les amadouer162. Ensuite, dans la mesure où la
situation le permet, le roi tente d’apurer une partie de ses dettes. A certains créanciers il
fournit de l’argent frais163, à d’autres il aliène des revenus164. Il tente peut-être aussi un
timide retour sur le marché lyonnais. Une lettre de Duprat du 6 avril 1528 fait allusion
aux fonds « qu’on recouvrera des emprunts de Lyon ». Mais sans doute les espoirs sont-ils
largement déçus. Le 20 avril, le chancelier qui vient de recevoir un courrier de Poncher et
Albisse, évoque pour Montmorency « les difficultés qui se font à recouvrer argent » et
conclut tristement : « Les empruntz ne sont telz comme l’on pensoit »165. Il est significatif
que, dans l’ensemble des transactions financières énormes auxquelles donne lieu le
paiement de la rançon du roi, aucune allusion ne soit faite au marché lyonnais. Certes le
roi tente bien de recourir à des « bancquiers », mais ce sont ceux des Flandres, il est vrai
172
plus à même de servir d’intermédiaires avec les Impériaux que des Lyonnais aux premiers
rangs desquels figurent les Florentins impliqués dans le soutien à la république anti-
médicéenne.
53 Une première tentative concerne en fait l’Angleterre. Elle vise Henri VIII au premier chef,
mais on a dû faire des ouvertures sur la place londonienne. Sans succès166. Les choses sont
plus avancées avec les Flamands, mais ici encore le gouvernement royal va de déception
en déception au cours du mois de mars 1530. Il s’agit en fait autant d’une opération de
change que de crédit, les banquiers devant fournir de l’or en Flandre tout en étant payés
en France en monnaie. Un consortium, parmi lequel figurent les Welser, « avoyt promis
prendre monnoye pour trois cens mille escuz […] ; il ne s’y fault plus actendre »167. Les
défaillants proposent malgré tout de délivrer 120 000 écus. L’affaire rebondit au milieu du
mois car La Pommeraye, qui négocie aux Pays-Bas, écrit à Duprat « qu’il a trouvé
bancquiers en Flandres qui fourniront 200 000 escus à madame Marguerite et se payeront
par deçà en monnoye et argent blanc »168. Étrangement, les deux courriers du lendemain
(18 mars) dont on garde trace ne font plus état que de 100 000 écus. Il est vrai qu’il s’agit
d’un plancher car la lettre du roi à Montmorency et Tournon ne concerne qu’un des
banquiers et, dans la sienne, Robertet espère que « l’on besongnera avecques eulx pour le
moins de cent mille escutz »169. On ne peut cependant s’empêcher de constater qu’au fd
des jours, les sommes en jeu s’amenuisant. Pour finir, autant qu’on puisse le savoir, rien
n’aboutit. Le versement comptant se fera intégralement sur la Bidassoa le premier juillet
1530. L’année suivante, lorsque le roi met en route une campagne d’emprunts pour régler
le solde de l’opération, soit 800 000 écus environ, les « bancquiers à intérest » figurent
parmi les prêteurs potentiels compris dans les diverses listes. Mais les documents
définitifs sont éloquents. Pour cette colonne en effet, dans l’état du 17 juillet, le scribe a
écrit : « Néant »170. La réintégration dans les circuits internationaux de la banque par le
biais de la rançon est donc un échec.
54 Il commence malgré tout à y avoir quelques signes encourageants. En avril-mai 1530,
quand les républicains florentins cherchent désespérément des secours, leurs
compatriotes de Lyon proposent au roi, s’il veut bien leur rembourser 55 000 à 60 000
ducats de vieilles dettes, d’en consacrer 30 000 à la défense de Florence. François I er fait
semble-t-il bon accueil à cette offre qui lui permet de soutenir la cité sans contrevenir à la
lettre du traité de Cambrai : il est en effet légitime qu’il rembourse ce qu’il doit 171. N’est-ce
pas aussi un moyen de renouer les liens avec Lyon ? Mais, en ce printemps de la rançon,
quand tout doit concourir à la réunion des fonds exigés, il est bien difficile au monarque
de fournir l’argent requis. Les envois en direction de Florence évoqués par Hauvette ne se
montent guère qu’à 15 000 ducats et, en l’absence de toute trace comptable, rien ne
permet de dire que le roi est pour sa part allé au-delà d’une déclaration d’intention. Du
moins ses créanciers ont-ils fait une ouverture et renoué le dialogue. Robert Albisse,
intermédiaire toujours sur la brèche, figure sur les listes de prêts de 1531, distinct des
« banquiers à inter est ». Initialement inscrit pour 50 000 écus, il n’en fournit en définitive
que la moitié172. Est-ce à dire qu’il prête sans intérêt ? C’est peu probable car il doit être
remboursé, avec des fonds provenant de la taille du quartier de janvier 1532, sur la base
de 45 st pour un écu, alors que le cours officiel est toujours de 40 st. On ne sait d’où
Albisse tire cette forte somme. Rien n’interdit de penser que les marchands-banquiers
lyonnais soient impliqués. Mais il faut attendre mai 1532 pour trouver une claire allusion,
par un agent des Tucher, à un emprunt assez important du roi sur la place de Lyon, peut-
être destiné à ses alliés suisses ou allemands173.
173
55 Après quelques années financièrement calmes, c’est la reprise des hostilités, en 1536, qui
pousse de nouveau la monarchie à emprunter174. Sa situation n’est plus celle des années
vingt : ses finances sont assainies et, si les dettes anciennes sont loin d’avoir été toutes
remboursées175, du moins des efforts ont-ils été faits en ce sens176. Par ailleurs la lettre
royale du premier mai 1535 portant cassation de tout ce qui a été fait à Lyon contre les
marchands florentins offre une base juridique pour un règlement177. Enfin, pour la
première fois depuis la mise à l’écart de Semblançay et des généraux, les Lyonnais
disposent avec le cardinal de Tournon d’un interlocuteur compétent et de poids, qui offre
de plus l’avantage de résider sur place à partir de l’été, ce qui ne peut que faciliter les
négociations, mais aussi rendre plus efficaces d’amicales pressions178. Or Tournon, même
s’il ne le formule pas dans un beau discours-programme, a mis au point une stratégie de la
confiance, qui, à son avis, peut seule lui permettre d’espérer utiliser les fonds des
marchands-banquiers. En effet, le monde du crédit, qui a de la mémoire, est devenu fort
méfiant face aux agents royaux. Le projet comme l’action de Tournon peuvent être
reconstitués grâce à une correspondance assez largement conservée. Il lui faut tout
d’abord apurer les contentieux. Le cardinal s’y emploie dès qu’il est en place et pourvu
des pouvoirs nécessaires179. Il parvient à trouver un compromis pour les relations
économiques avec Gênes : l’interdiction d’importer des velours de la ville, mesure de
rétorsion prise en 1530 pour répondre à la « trahison » de Doria en 1528, est très mal
supportée par les Lyonnais qui craignent que ce « ban » ne nuise à la prospérité de leurs
foires180. Par ailleurs, Tournon s’emploie à négocier avec les Florentins, au premier rang
desquels figurent les Gadaigne, l’assignation de leur « vieux debte ». Certes, les deux
dossiers n’aboutissent qu’en 1537181, mais la bonne volonté manifestée par le cardinal
porte ses fruits dès l’automne 1536. Celui-ci pose par ailleurs en axiome l’obligation de
respecter les engagements pris, en particulier pour ce qui touche aux délais de
remboursement. Quant on sait l’importance dans les transactions privées de la « foi du
marchand », on ne saurait s’étonner de voir Tournon tenter d’appliquer les mêmes
principes aux opérations de crédit de la monarchie. Début novembre, il rembourse
comme prévu les Florentins pour une avance du mois précédent : « Vous ne scauriez
croire, écrit-il au chancelier du Bourg, comme les marchantz trouvent cela nouveau et
bon ». En septembre 1537, il refuse de retarder les versements car « le plus grand
desplaisir que vous puissiez faire aux marchands c’est de ne les payer au terme » 182.
56 « Rasseurer les marchantz », telle pourrait être la maxime du cardinal. Il sait jongler avec
les remboursements et les nouveaux emprunts ce qui, dans le respect des exigences du
crédit à court terme, lui permet de ne pas immobiliser les capitaux. Quand, dans un
courrier adressé au gouvernement royal, Tournon chiffre son crédit potentiel à 100 000
écus, une somme après tout assez réduite, c’est peut-être par lucidité, mais surtout pour
que ses capacités d’emprunt ne tournent pas la tête aux hommes de pouvoir, car en faire
trop détraquerait le système183. Le cardinal a trouvé un émule en la personne de Martin
de Troyes, responsable de l’Extraordinaire des guerres, lui aussi implanté à Lyon. Pour
voir son crédit s’affermir, rappelle de Troyes, il faut payer ses dettes aux échéances
prévues. Mais surtout il convient de n’emprunter qu’en dernier recours : « Qu’on s’ayde
plutost des deniers du Roy que se mectre aux interestz qui est la chose qu’on doit faire, ce
me semble, le plus tard qu’on peut. Car moings qu’on entrera aux interestz et emprunctz,
plus augmentera le crédit pour l’advenir »184. Le point limite de ce type de raisonnement
174
est paradoxal : le meilleur moyen de s’assurer la confiance des prêteurs est évidemment…
de ne pas emprunter du tout. Malheureusement, les besoins financiers d’aujourd’hui
créent des exigences que ne peut satisfaire la seule perspective des crédits de demain, ce
que ni Tournon ni Martin de Troyes n’ignorent d’ailleurs.
57 En apparence donc, la situation du cardinal paraît beaucoup plus favorable que celle de
Montmorency qui, à l’armée de Picardie, traque l’argent dans de bien médiocres
conditions : « Je fu hier contrainct d’emprunter de monsgr de Sainct Pol et de monsgr de
Brienne quatre mil escuz dont j’ay fait payer ce matin […] mil hommes » ; « au desloger
d’Amiens je fuz en telle nécessité que j’emprunctay argent de tous ceulx qui m’en
voulurent prester »185. Il est vrai qu’on ne peut guère comparer une armée en campagne
et une place financière de premier ordre. La comparaison avec Paris est déjà plus
significative. Le crédit dans la capitale passe alors essentiellement par les rentes sur
l’Hôtel de Ville. Les Parisiens jalousent probablement la réussite des Lyonnais : des
marchands des bords de Saône viennent en novembre 1536 trouver Tournon car le bruit
court que les marchands de Paris veulent obtenir la suppression de certains privilèges des
foires lyonnaises, en particulier l’autonomie dans le règlement des différends, « au moyen
de quelque prest qu’ilz offrent »186. L’affaire, semble-t-il, n’a pas de suite.
58 Mais, malgré beaux principes et situation favorisée, Tournon et son action ne doivent pas
être idéalisés. Le cardinal œuvre dans l’urgence et chaque échéance ramène son lot
d’angoisse : « N’ay veu moys ne paye qu’on aye faict en Piedmont, écrit-il en juin 1537, où
il n’aye esté besoig que j’aye empruncté de l’argent pour la faulte de fons qui y estoit » 187.
Or ces besoins excèdent fréquemment ses possibilités d’emprunt, aussi les résultats de
son activité financière, vus depuis le Piémont, sont-ils forts médiocres. Il est vrai que ce
« front », au cours de son année de lieutenance générale dans le Sud-Est, n’est guère
prioritaire. Dans l’urgence où il se débat, Tournon est placé devant l’obligation de
piétiner ses propres principes. Le remboursement du prêt des Lucquois d’octobre 1536
traîne ; en janvier 1537, les Florentins qui ne sont pas encore rentrés dans leurs avances
de décembre rechignent à remettre la main au gousset ; en juillet, Tournon qui a promis
de rembourser 20 000 lt. dès qu’il aura des fonds, est contraint d’envoyer ce qu’il reçoit en
Piémont188.
59 Les données chiffrées ne manquent pas sur les prêts qu’il parvient à négocier. En octobre
1536, pour ses premières armes, le cardinal obtient 20 000 lt. des Lucquois et 26 000 lt. des
Florentins189. Ces derniers, une fois remboursés, prêtent 20 000 lt. en novembre. Début
décembre, ils rentrent dans leurs fonds et à la fin du mois doublent la mise en fournissant
40 000 lt.190. Avec le prêt lucquois qui traîne191, on atteint donc 60 000 lt. au début de 1537.
Cinq mois plus tard, le 9 juin, Tournon se dit obligé pour une somme équivalente, ce qui
ne signifie évidemment pas qu’il s’agisse des mêmes créances. A la fin de juin, son
endettement tourne autour de 100 000 lt.192. Au cours de la première quinzaine de juillet
s’y ajoutent au moins 20 000 lt., peut-être 40 000 voire plus193. Le 28 juillet, sa situation est
la suivante : il doit 102 500 lt. de capital, auquel s/ajoutent 5825 lt. d’intérêts 194. Sans
doute Tournon a-t-il pu éponger quelques dettes peu avant cette date. Une série de
remboursements faits ou à faire au début de 1538, après la campagne d’automne de
Montmorency, totalisent 85 500 lt.195. On se situe toujours dans les mêmes eaux. Il est vrai
qu’à ce moment, le cardinal, qui n’est plus lieutenant général à Lyon depuis octobre 1537,
n’est plus en cause. Ce qui frappe en définitive, c’est l’extrême étroitesse de son crédit. En
capital, 100 000 à 150 000 lt. au maximum et ce pour une très courte période, voilà qui
nous place très au-dessous du plafond de 100 000 écus fixé par le cardinal lui-même. A
175
60 On le retrouve en effet pour présider à partir de 1542 aux opérations de crédit d’où sort le
Grand Parti. Stricto sensu, celui-ci n’est constitué qu’en 1555196. Il a fait l’objet d’un article
fondamental de Roger Doucet dans la Revue Historique en 1933. Si bien peu d’éléments
nouveaux ont été apportés depuis lors, le dossier nécessite une réflexion renouvelée que
je limiterai pour ma part aux dernières années du règne de François Ier. Mais, au
préalable, il faut préciser que le Grand Parti n’englobe pas tout le crédit rassemblé pour le
roi sur les marchés financiers. Au cours des années cinquante, d’autres réseaux
fonctionnent en parallèle qui ont sans doute des antécédents dans les années quarante.
L’étude des vastes emprunts des années 1542-1547 permet de mettre en perspective tout
le règne, et oblige à nuancer certaines des affirmations générales formulées plus haut, sur
la domination du crédit à court terme par exemple.
61 En novembre 1541, après plusieurs années de calme plat, les retrouvailles entre le roi et
ses bailleurs de fonds auraient mal commencé, s’il faut en croire Ehrenberg qui
mentionne à cette date une sorte d’emprunt forcé sur les marchands et banquiers
lyonnais dont je n’ai pas trouvé d’autres traces197. En janvier 1542, le roi est certes tout
disposé à recourir bientôt au crédit des bords de Saône mais apparemment il n’est pas
question de contrainte198. Les premiers indices n’apparaissent qu’en août. Dans une lettre
bien connue du 9, l’ambassadeur anglais Paget évoque, de façon erronée, le
développement du crédit public à Lyon199. Plus intéressante est en fait l’évocation d’une
levée de mercenaires pour laquelle Tournon a remis au début du mois de grosses sommes
provenant d’un emprunt sur les marchands étrangers de la ville200. Le 15 septembre, le
cardinal obtient pouvoir de contracter, au nom du roi, des emprunts pour les guerres201.
Le déroulement reproduit celui de 1536 : tout d’abord de premières avances obtenues
grâce au crédit personnel du cardinal puis, peu de temps après, un pouvoir officiel qui a
valeur de garantie et que les bailleurs de fonds ont sans doute souhaité. Il est en revanche
à peu près certain que Tournon n’a pas mis sur pied une « banque » qui aurait fait
directement appel au crédit des capitalistes privés, court-circuitant ainsi les marchands-
banquiers. Cependant le projet était peut-être dans l’air, à preuve la proposition faite en
1548 de créer une banque à Paris, qui rencontre l’opposition farouche de la municipalité
de la capitale202.
62 Mais il n’est pas besoin de création de banque pour déceler des éléments de nouveauté
dans la politique du crédit. Le roi et ses agents se donnent tout d’abord un cadre juridique
relativement structuré. La délégation de pouvoir du souverain pour emprunter est
bientôt établie annuellement203. Les délégués du roi, gens de Conseil comme Tournon,
Annebault, le garde des sceaux Errault, le trésorier de l’Épargne Jehan Duval, passent à
leur tour procuration à ceux qui, à Lyon même, seront les maîtres d’œuvre des emprunts,
au premier rang desquels figurent Jehan du Peyrat, lieutenant général de la sénéchaussée
de Lyon, et Martin de Troyes, receveur général de la circonscription nouvellement créée
dans la ville204. Ces hommes offrent un intérêt particulièrement alléchant de 16 % par an
205
. Selon Ehrenberg, ce niveau de rémunération du capital explique que les prêteurs ne
176
demandent plus aux agents du roi de garantir personnellement les créances206. Cette
interprétation est sujette à caution dans la mesure où les intérêts sont au même niveau
qu’au début des années vingt. Mais il est sûr que les bailleurs de fonds paraissent avoir
retrouvé une certaine confiance dans la monarchie. A moins que les limites de la
documentation pour cette période ne voilent leurs réticences et leurs prudences. On
constate malgré tout qu’ils acceptent l’immobilisation de leurs capitaux plus volontiers
qu’avant : les emprunts sont périodiquement renouvelés, de foire en foire. La stratégie du
prêteur n’est donc plus de récupérer promptement son capital, mais de le laisser
fructifier longtemps dans les caisses de l’État. A tel point qu’en décembre 1545, les
marchands-banquiers allemands regrettent que le roi leur rembourse 300 000 écus de
créance207… Malheureusement, il n’est guère possible d’estimer, même
approximativement, la durée moyenne d’immobilisation. Élément important, le système
se maintient avec le retour de la paix en 1546-1547 et atteint alors des montants énormes.
63 L’ampleur des fonds en jeu atteint en effet une toute autre échelle qu’en 1536-1537. Le
détail des chiffres reste fort mal connu. D’après Doucet une part importante des
transactions nous échappe. Il est souvent aussi très difficile de savoir si de nouvelles
opérations correspondent à de nouvelles avances ou au renouvellement d’anciennes
créances. Les données partielles dont on dispose donnent cependant une idée du
changement d’ordre de grandeur. En 1542, l’ambassadeur anglais parle de 400 000 lt.. En
1543 les sources font état de 100 000 écus et de 150 000 au début de 1545. Un an plus tard,
300 000 lt. sont levées. D’après un agent impérial, ce sont 700 000 couronnes que François
Ier doit emprunter à Lyon en 1546 208. Ce n’est que pour 1547 qu’on est en mesure de
fournir un chiffre global. Il est vertigineux : le roi de France serait endetté auprès des
marchands-banquiers lyonnais pour 6 860 844 lt.209. Rien ne permet de mettre en doute ce
chiffre, même s’il serait bon de pouvoir l’étayer par des données complémentaires210. On
verra plus loin comment interpréter cette impressionnante mobilisation de capitaux.
Quoi qu’il en soit, même si la dette se « dégonfle » nettement dès 1548, ce qui est aisé
puisque les fonds empruntés n’avaient pas encore été utilisés, elle atteint dorénavant un
niveau sans précédent : les intérêts à verser à la foire de Toussaint 1548 atteignent
96 941 lt.. Avec un taux de 4 %, on obtient donc un capital de 2 423 525 lt., ce qui équivaut
au montant des remboursements inscrits à l’État prévisionnel de 1549, soit 2 421 846 lt. 211.
64 Comment comprendre que, dans les années quarante, tant d’argent soit disponible pour
les besoins de la monarchie, quand les bailleurs de fonds étaient auparavant si réticents ?
C’est que leur situation a évolué. Les capitaux, tout d’abord, sont globalement plus
abondants. Il est donc possible d’en consacrer une fraction plus importante au « crédit
public », d’autant plus que les profits du grand commerce se font moins alléchants. Il y
aurait même une crise économique de courte durée en 1541-1543212. Elle serait alors le
révélateur d’une inflexion plus durable. Ainsi le rétrécissement des marges bénéficiaires
peut-il inciter à se tourner plus franchement vers les emprunts royaux et leurs intérêts
appréciables. La prospérité commerciale ne facilite pas nécessairement la couverture des
emprunts royaux car, quand le commerce international rapporte beaucoup, l’intérêt pour
les autres placements diminue. A l’inverse, l’engouement pour la dette publique n’est
probablement pas sans lien, dans les années 1540, avec un moins bon rapport du grand
commerce, terre d’élection traditionnelle des fonds des marchands-banquiers. La
spéculation sur les fonds publics est alors signe des difficultés de l’investissement
productif, dans une ambiance de net accroissement des capacités monétaires213. Du côté
du demandeur, des progrès ont été faits, grâce à Tournon en particulier, en matière de
177
sollicitation des marchés : l’État sait probablement mieux drainer les fonds. Quoique la
stratégie des intérêts élevés, maintenus constants alors que l’offre est importante, voire, à
certains moments du règne d’Henri II, surabondante, puisse se discuter. Sans parler du
poids qu’elle fait peser sur les finances royales, elle met lourdement l’accent sur la
rigidité du système et surtout sur son caractère spéculatif. Si le souci de proposer une
bonne affaire a pour objectif d’entretenir la confiance, on peut tout aussi bien affirmer
que celui qui offre les intérêts les plus élevés, très au-dessus de ceux des transactions
privées, est aussi celui qui présente le placement le plus aléatoire.
65 A partir de 1542, les emprunts royaux, qui prennent un véritable caractère boursier, sont
donc emportés dans un mouvement spéculatif. Celui-ci semble modeste aujourd’hui, mais
s’avère important pour l’époque. L’accroissement de l’endettement fait paraître
dérisoires les prudences de Tournon quelques années plus tôt et pose aussi le problème
de la maîtrise d’un système en expansion par les diverses parties concernées. Doucet lui-
même est bien peu clair quand il s’agit de dégager des rapports de domination. A trois
pages d’intervalle, il nous présente le roi maître du jeu dans une offre pléthorique et
éclatée214, puis les marchands-banquiers en position de force devant un demandeur
toujours en situation d’urgence financière215. En fait, les deux partenaires se retrouvent
bientôt emportés dans une fuite en avant qui les piège l’un et l’autre. Le créancier
continue de prêter pour garantir ses créances216. Le souverain, qui dispose de facilités de
trésorerie toutes nouvelles, se laisse aller à dépenser plus. Mais, à terme, pour tenter de
faire face à ses engagements, il est contraint de hausser le niveau des prélèvements. Loin
d’alléger les impôts, le recours au crédit pousse à les augmenter. Plus dure sera la chute.
66 Dans le long conflit entre Valois et Habsbourg qui est l’ossature de la politique
internationale du temps, l’affrontement passe aussi par une lutte pour le contrôle des
fonds. Les gouvernants se fixent pour objectif d’entraver le rassemblement de capitaux
par l’adversaire. Par exemple, dans la négociation de la rançon, les Français essayent de
réduire la somme à verser comptant pour la libération des princes de 1,2 à 0,8 million
d’écus au soleil, sachant que cet argent sera directement mobilisable par Charles Quint. Si
je vais ici me contenter d’étudier le sujet du côté français, la même démarche pourrait
être conduite pour le camp impérial217. La méthode la plus traditionnelle en ce domaine
est sans doute l’interdiction d’exporter hors du royaume les métaux précieux en général,
et les espèces monétaires en particulier218. Plus original est le fait que cette défense porte
aussi sur le trafic des lettres de change219. C’est sans doute à cela que fait allusion Duprat
dans une lettre à Montmorency d’octobre 1526 : « Moyennant ces deffenses, l’empereur
n’avoit peu faire les changes et recouvrer les deniers que pensoit et cella luy estoit venu
mal à propos […] ; c’estoit le grant prouffït du Roy d’avoir fait lesd. deffenses. Au
demeurant, les deffenses de l’argent ont esté pareillement faictes »220. Pour attirer les
monnaies françaises, les Flamands ripostent « par subtilz moyens » en surévaluant l’écu
au soleil à 42 st221. Les interdictions sont nombreuses tout au long du règne, et pas
seulement en temps de guerre comme en témoigne l’ordonnance du 15 novembre 1540
qui prohibe les exportation d’or, argent et billon222. En janvier 1547 encore, le marchand
genevois Mestrezat est arrêté. On le soupçonne de transporter dans le camp de Charles
Quint de l’argent pour le compte d’un banquier de Lyon. Laurent Meigret, qui a fourni
l’information, entend « gaudir du privilège que le Roi baille à ceux qui lui révèlent les
178
deniers qui sortent de son royaume pour telle affaire », c’est-à-dire toucher un tiers des
sommes saisies223.
67 Ce refus des exportations de fonds ne peut déboucher, en bonne logique mercantiliste,
que sur un refus des importations. Un édit somptuaire de décembre 1543 fustige l’achat
d’habits de luxe aux étrangers, car il fait sortir de l’argent du royaume. Ensuite les
marchands étrangers « en secourent et aident à nos ennemis, comme nous sommes
advertis »224. Mais dans le même temps, ce désir d’autarcie n’est qu’un rêve, et, pour faire
appel au crédit des marchands-banquiers, il faut leur laisser un peu d’autonomie dans
leurs transactions internationales, et assurer aux étrangers, toujours utiles quand on
manque de fonds, une certaine sécurité. Parmi les dépenses prioritaires, dans une lettre
de 1528-1529, Duprat place ainsi le remboursement de tapisseries achetées en Flandre et à
Milan car « ce sont gens estrangiers qui ballent leur marchandise, il leur fault tenir
promesse »225.
68 On retrouve, avec les foires de Lyon, un même paradoxe. Le roi a tout intérêt, semble-t-il,
à ce que la place lyonnaise, sa principale source de crédit, fonctionne le mieux possible.
Les foires, avec leur double dimension de marché de biens et de capitaux sont à la base de
la prospérité de la ville226. L’accueil des marchands étrangers est garanti par les franchises
des foires mais, pour plus de sécurité, le roi peut octroyer en période de conflit, des
lettres de sauf-conduit général. Au printemps 1536, François Ier fait mieux encore, s’il faut
en croire ce que les marchands allemands qui viennent des foires de Lyon rapportent à
Guillaume du Bellay : « Pour ce que les chemins pourroient par aventure, à cause de la
guerre, estre mal seurs à gens estrangers apportans aux foires argent en grosses
sommes », les marchands trouveront dans les coffres du roi « à leur commandement, sans
se mettre en hazard d’en apporter en France, les cent et les deux cens, voire les quatre et
cinq cens mille escus, pour employer au faict de leur accoustumée marchandise et à
rendre après la guerre en France, ou en Allemagne durant icelle s’il luy advenoit besoin
d’y employer »227. En plein conflit, le roi de France banquier des marchands : on croit
rêver… Cette mesure de propagande n’a sans doute eu guère de suite, mais elle souligne
combien le gouvernement français attache d’importance à ce que les foires lyonnaises
soient bien achalandées.
69 Malheureusement, pour des raisons politiques, on ne peut pas non plus y accepter
n’importe qui. La présence de Milanais à la foire d’août 1537 inquiète Tournon : « Vous
pouvez bien penser que ceulx qui ont charge pour l’empereur n’y laissent pas venir les
bons françoys mais les pirez qu’ilz peuvent trouver ». Ils n’ont pas de sauf-conduit et le
cardinal veut savoir s’il doit les faire arrêter228. On sait que pendant un temps les Génois
non plus ne sont pas personae gratae. Ce qui n’est pas sans poser des problèmes car, fin
1536, devant les réticences royales à régulariser les relations avec la cité de Saint-
Georges, les marchands-banquiers agitent une grave menace : « Lesd. estrangiers s’en
voloient aller et retyrer à Besançon comme beaucop d’eulx m’ont dict » écrit un Tournon
inquiet, qui supplie le chancelier de régler l’affaire229. Sur l’impact du commerce génois à
Lyon, deux conceptions s’affrontent en fait : une ordonnance d’octobre 1536, toute
imprégnée de mercantilisme et favorable au développement des activités textiles du
royaume, rappelle que « lesd Genevoys rebelles, au moien de [leur trafic de
marchandises], toutes les années tirent ung million d’or ou environ de nostred royaulme,
et de ce portent port, faveur et ayde à noz ennemys ». C’est mal comprendre les choses,
rétorque un informateur du cardinal du Bellay. Au contraire,
179
« il seroit très bon de retirer aucuns Genevoys riches et de bon crédit, lesquelz ne
pourront faire aucun dommaige mays beaucoup de service au Roy, en leur baillant
sauf conduictz et permission particulière de trafficquer en France car, n’ayans les
Genevoys aultre plus prouffïtable moyen de débiter leur argent en marchandise à
Lyon, comme ilz estoient accoustumez, ont esté contrainctz de prester leur argent à
l’Empereur et aux aultres Genevoys »230.
70 A la veille de Noël 1521, on donne lecture à Lyon de lettres du roi enjoignant à Gadaigne,
Albisse et Nazy de ne pas honorer les billets de change dus à des marchands milanais,
lucquois et florentins car ils « pourraient secourir et ayder desdits deniers à nos enemis
qui nous font de présent la guerre delà les montz ». Or ceux-ci étaient payables à la foire
suivante231. C’est donc le bon fonctionnement des foires elles-mêmes qui est en jeu. Doit-
on s’étonner que de telles initiatives tarissent les prêts au roi ?
71 La guerre du crédit connaît quelques épisodes retentissants, dont le plus célèbre est sans
doute l’élection impériale. En février 1519 les Habsbourg craignent encore de voir les
marchands de Haute-Allemagne se mettre au service du roi de France. On interdit alors
aux places d’Anvers et d’Augsbourg de faire des transferts pour le compte de François I er.
Enfin Jacob Fugger, en n’acceptant pas d’honorer, malgré une alléchante commission, une
lettre de change de 300 000 couronnes, refuse de faciliter les opérations d’achat
d’électeurs par la France232. Mais il est bien d’autres occasions où ce terrain de lutte
apparaît. Nicolas Raince, en mai 1536, informe le cardinal du Bellay des difficultés
financières de Charles Quint. Le meilleur moyen de les aggraver serait « de faire
commandement à Lyon, et mesmement aux Florentins, qu’ilz n’acceptassent ne payassent
lettres de change ne commission aucune venant de Florence et pareillement qu’ilz ne
remeissent argent de Lyon à payer aud lieu de Florence »233. Les propositions que font les
Florentins de Lyon à Tournon lors de la négociation du remboursement de leurs vieilles
créances vont dans le même sens, mais avec une différence de taille, l’absence de
contrainte royale : « S’ilz y voyoient seureté, ils osteroient peu à peu tout l’argent dont
l’empereur se sert en Italye et le feroyent tumber en ceste ville pour en servir le Roy »234.
La « gran streteza del denaro » que connaît alors l’Italie aux dires d’un agent du roi à
Venise est-elle à lier à cela ? Ce serait, je crois, faire beaucoup d’honneur à l’efficacité
d’une telle politique235. Mais on retrouve chez Tournon avec l’argent le souci qui était
celui de Montmorency avec lès mercenaires : il faut attirer ce qui est dans l’autre camp.
72 Dans le projet de « banque » du cardinal en 1542-1543, Bodin voit précisément ce désir de
« frustrer les ennemis » des capitaux disponibles236. C’est sans doute dans cette
perspective qu’il faut analyser les énormes emprunts de la fin du règne. Le roi et
l’empereur ont fait la paix, et Charles Quint se retourne contre les princes protestants de
la ligue de Smalkalde237. Pour François Ier, un bon moyen de gêner Charles sans rompre les
traités est d’attirer les capitaux en les empruntant pour provoquer une disette sur les
autres places238. Sans oublier une mesure corollaire déjà évoquée : l’interdiction
d’exporter de l’argent. A la mort de François Ier, l’ambassadeur impérial constate : « On
doit toujours de l’argent aux marchands de Lyon, et l’on a soin de leur verser
régulièrement leurs intérêts pour se servir d’eux au besoin »239. Ainsi, espère-t-on sans
doute, l’empereur ne pourra-t-il mener les opérations militaires de façon efficace. Projet
ambitieux, mais qui échoue, car il n’empêche pas Charles d’être victorieux à Mûlhberg,
moins d’un mois après la disparition du roi de France. L’interruption des emprunts, ou du
moins la diminution des deux tiers des sommes rassemblées entre 1547 et 1548, s’explique
peut-être aussi par un changement de politique financière lié à la disgrâce de Tournon.
Mais, plus profondément, l’échec français ne trouve-t-il pas son origine dans
180
76 Pour les proches conseillers du prince, contribuer à alimenter les caisses monarchiques
en cas de besoin est pratiquement une obligation statutaire. Ceux qui participent à la
prise de décision et à l’exécution, au plus haut niveau, de la politique royale, sont tenus de
donner une dimension financière à leur engagement. Fournir de l’argent au roi est parfois
nécessaire pour conserver ses bonnes grâces. De telles pratiques ont cours au moins
depuis le XIVe siècle. Pour prendre des exemples dans un passé plus proche, le maréchal
de Gié ou le cardinal d’Amboise ont avancé des sommes importantes à Louis XII 245. Sous
François Ier, les deux dossiers les plus nourris concernent Duprat et Montmorency. Sans
se faire d’illusion sur l’exhaustivité des informations disponibles, on peut tenter une
synthèse de leurs prêts.
77 Pour Duprat :
• 1515 : 10 000 écus (C.A.F., t. V, n° 16142).
• 1516 : 4 000 lt. (Spont, Semblançay, p. 126 note 3).
• 1518 : 20 000 lt. (A.N. KK 351, dépenses, f° 33).
• 1527 : 1 000 écus « oultre ce qu’il a preste » (B.N. Dupuy 645 f° 199).
• 1528 : 4 000 lt. (A.N. KK 352 P 37 v°).
• 1528-1529 : 10 000 lt. (C.A.F., t. I, n° 3291).
• 1530 : 10 000 écus (B.N. fr 3031 f° 71).
• 1531 : 10 000 écus (B.N. fr 3122 f° 118).
78 A cela s’ajoute un prélèvement important sur sa succession, sur lequel je reviendrai. Au
total, si l’addition d’avances séparées dans le temps a un sens, on parvient à un montant
qui avoisine les 100 000 lt..
79 Pour Montmorency :
• 1527 : 1 000 écus (B.N. Dupuy 645 f° 199).
• 1528 : 4 000 lt. (A.N. KK 352 f° 36 v° et 37 v°).
• 1529 ( ?) : 10 000 lt. (B.N. fr 26121, n° 1137) 246.
• 1530 : 20 000 lt. ? (empruntées à Nicolas Le Coincte, presque à coup sûr pour la rançon : Le
Roux de Lincy, Grolier, p. 373).
• 1531 : 5 000 écus (mandement de remboursement pour 10 750 lt. : C.A.F., t. II, n° 4551).
• 1537 : 9 000 lt. + 21 973 lt. + 10 000 écus (C.A.F., t. VIII, n os 30379, 30433 et 30434).
80 Aux prêts directs au roi en 1537 s’ajoutent 21 526 lt. d’emprunts « au camp » pour
financer l’armée de Picardie au printemps247, ce qui fait un total d’environ 75 000 lt. de
182
contribution pour l’année248. Outre ces deux exemples, bien des noms peuvent être cités,
de l’amiral Chabot249 au Bâtard de Savoie 250, du cardinal de Tournon251 au chancelier du
Bourg252, sans oublier la propre mère du roi253.
81 S’il n’est guère de personnages importants du règne qui soient absents des listes de
prêteurs254, le niveau des prêts ne reflète pas directement l’influence politique. Dans
l’ensemble les sommes en jeu restent assez faibles255. Duprat, s’il est assez promptement
remboursé, ce qui, en raison de sa position, n’a rien d’improbable, peut ainsi espérer faire
face aux demandes de la monarchie avec un « fonds de roulement » de 10 000 écus. Sa
fortune lui permettrait un effort beaucoup plus considérable. Il est vrai que le prêt direct
n’est qu’une des facettes de l’engagement au service du crédit royal. Les gens de Conseil
figurent parmi les principaux garants des avances des marchands-banquiers. On a vu
Tournon, qui prête peu, s’engager pour des sommes relativement importantes en
1536-1537. Quant à Montmorency, la part qu’il prend au règlement de la rançon va bien
au-delà d’une simple avance.
82 Certains prêts ont un caractère un peu particulier, tel celui d’Alain d’Albret. Sa
participation financière en octobre 1521 est en effet directement liée à l’offensive
française en Navarre, qui le concerne au premier chef. Il agit ici sans doute plus pour son
lignage que pour son roi256. Je n’ai en revanche pas trouvé trace sous François Ier de ces
prêts originaux où le roi, en tant que personne « privée », alimente ses propres caisses 257.
Autre cas d’espèce, celui de Semblançay qui, tout comme Florimond Robertet, a sa place à
la fois dans le groupe dirigeant et parmi les officiers de finance. Sa spécificité tient au fait
que ses avances sont « trop » importantes. Le proche conseiller doit en effet prêter mais
dans une mesure « raisonnable », qui n’en fait pas une source de préoccupation pour le
Conseil et le roi. Avec Semblançay, ce cap est largement dépassé, et la créance sur le
souverain se retourne contre le prêteur. Jacques Cœur avait déjà fait cette expérience.
2. Les officiers
Restent 20,6 % qui vont à Jehan Sapin, receveur général de Languedoïl, et dont
l’utilisation précise reste inconnue. Les fonds immobilisés en permanence sont
évidemment très inférieurs aux 217 144 lt. évoquées plus haut. Il est pour une part au
moins possible de « tourner et refournir avec les mesmes fonds », à condition que les
remboursements aient bien lieu260. Cependant, l’insuffisante précision des sources ne
permet pas d’avancer un niveau d’engagement, même approximatif, à une date donnée,
car les mandements de remboursement, notre source principale, sont muets sur les
versements effectifs.
85 Il n’est pas sûr que la totalité des fonds provienne des caisses personnelles d’Henri Bohier.
Il se peut que, derrière ses avances, se dissimulent des capitalistes divers, en particulier
des marchands-banquiers. En 1520-1522, sur cinq quittances pour fonds reçus de Thomas
Bohier par divers comptables, une seule correspond apparemment à un véritable prêt de
Bohier. Dans les quatre autres cas, il figure comme intermédiaire - et comme garant -
entre le souverain et les marchands-banquiers261. Un tel document concernant son frère
Henri serait sans doute riche d’enseignement. Cependant Thomas en 1523-1524 fournit
encore 22 000 lt.262.
86 A partir du milieu des années vingt, la place des généraux comme prêteurs est en chute
libre, à l’image de celle des marchands-banquiers, ce qui souligne les liens tissés alors
entre les deux groupes. Un personnage aussi important que Jehan de Poncher, qui
succède à Henri Bohier en Languedoc de 1522 à 1535, ne figure plus guère qu’au titre
d’emprunts forcés qui concernent tout le niveau supérieur de l’appareil d’État263. Seule
fait exception la fourniture en 1531 de 2 875 lt. à Jehan Testu, « contemplatione dud Testu
recepveur général de Languedoc et pour employer au faict de sa descharge »264. De Pierre
Secondât, général de Guyenne à partir de 1532, on ne connaît qu’un seul prêt de 2 000 lt.
en 1537. De Louis Preudhomme, général de Normandie depuis 1542, un seul aussi, de
3 000 lt., en 1544265. Antoine Bohier de Saint-Cirgues, fils du prestigieux Thomas et général
de Languedoïl de 1529 à 1543, ne fait aucune avance. Il en va de même pour son cousin
Antoine Bohier de la Chesnaye (fils d’Henri), qui lui succède en Languedoïl, du moins pour
ce qui concerne le règne de François Ier. Au moment où se produit le grand retour des
marchands-banquiers, c’est-à-dire dans les années quarante, l’absence des généraux se
confirme. Leur recul prend alors tout son sens.
87 Les quatre trésoriers de France, qui composent le deuxième sous-ensemble, ont un rôle en
matière de crédit au roi bien supérieur à ce que pourraient laisser supposer leurs offices.
Comme responsables du domaine en effet, ils ne contribuent que de façon réduite aux
recettes de la monarchie. Or ce sont des prêteurs notables. Philibert Babou, trésorier de
France en Languedoïl à partir de 1521, en fournit un bon exemple. Il est certes trésorier
de l’Épargne de 1523 à 1525, mais durant cette période, aucun prêt n’est mentionné à ce
titre. On en trouve en revanche dès 1521 (28 750 lt.), en 1523 en tant que trésorier de
France (sans doute 7 500 lt.), en 1527 (1 000 écus), 1528 (8 000 lt.), 1529 (4 000 lt.), 1530
(20 252 lt.266) et 1531 (6 450 lt.), en 1537 enfin (1 125 lt.)267. En fait, l’importance de sa
contribution tient avant tout à sa situation de proche du pouvoir. Mais il serait un peu
abusif de vouloir l’intégrer dans le groupe dirigeant. On retrouve le même profil avec
Nicolas de Neufville, trésorier de France en Outre-Seine (1525-1532) ou avec son
successeur Jehan Grolier, sans parler des Robertet en Normandie ou de Jehan Cottereau
en Languedoc.
88 A l’inverse, les nouveaux trésoriers n’ont qu’une place réduite au sein des prêteurs. Avec
Babou, dont on vient d’évoquer le passage à l’Épargne vierge de tout crédit, le personnage
184
89 D’une nature très différente sont les avances demandées par le roi pour l’octroi d’un
office. Sous François Ier, le système bat son plein269. Il concerne au premier chef les
charges de judicature, en particulier, mais pas uniquement celles qui sont créées par le
roi. Y a-t-il par ailleurs des ventes pures et simples ? Une transaction portant sur trois
offices de nouvelle création de conseillers au Parlement, un pour Grenoble et deux pour
Dijon, en avril 1543, ne fait aucune allusion à des prêts et pourrait ainsi le laisser croire.
Pourtant, selon toute vraisemblance, il s’agit ici sinon d’un oubli, du moins d’un non-dit,
car le prêt figure en toutes lettres dans un autre acte du même type passé quelques jours
plus tard270. Les offices concernés ne sont donc pas seulement parisiens : le phénomène se
retrouve dans tous les Parlements et ce dès le début du règne. C’est d’ailleurs de province
que part le mouvement. Défendant en 1521 le projet de création d’une troisième chambre
des Enquêtes à Paris, le chancelier rappelle que le roi « a multiplié le nombre des
conseillers à ses parlemens de Tholose, Rouen, Bourdeaux et Grenoble, dont se sont bien
trouvez »271. Aux augustes Sénats s’ajoutent d’autres cours de justice (Cour des aides de
Paris ou de Rouen, Grand Conseil, tribunal des eaux et forêts…) ou des officiers isolés
(lieutenant général du bailliage de Chartres, lieutenant du bailliage de Meaux, lieutenant
criminel d’Angers). Le plus petit personnage que mentionne le Catalogue des Actes de
François Ier est Simon Chollet, conseiller de la sénéchaussée d’Angoumois, qui, par
l’intermédiaire de Guillaume Gellinard, secrétaire du comte de Buzançais, prête 522 l. 5 st
pour être pourvu272.
90 Le montant requis pour un conseiller au Parlement de Paris se stabilise dès 1522 à 3 000
écus273. Mais, dans d’autres instances, les données sont plus disparates. Au Grand Conseil,
dans les années 1540, certains avancent 2 500 écus, d’autres 3000274. Au Parlement de
Provence, François de Gênas fournit 1 000 lt. en octobre 1537 et Nicolas Fabri 2 000 lt. à la
même époque275. Une mise au point rapide sur les conseillers au Parlement de Rouen
permet de prendre conscience de l’ampleur des variations, dont la signification ne pourra
apparaître clairement qu’après des études plus fouillées. Qu’en est-il en effet du
« marché » des offices à cette date ? Que signifie-t-il pour les prêts ? Contentons-nous,
pour l’heure, d’enregistrer le phénomène, qui contraste avec la fixation plus claire des
« tarifs » parisiens276 :
• 1519 : Hugues Le Loyer : 4 000 lt.
• 1520 : Robert de la Masure : 4 000 lt.
185
94 Lato sensu, l’achat d’un office peut être assimilé à une opération de crédit, le prix de la
charge, prêté ou cédé, correspondant au capital dont les gages seraient les intérêts. 11
s’agirait d’un type de « rente sur l’Etat » un peu analogue aux rentes sur l’Hôtel de Ville.
Mais cet aspect, au demeurant contestable étant donnée la différence concrète que
représente l’exercice d’un office avec le simple statut de rentier, ne nous retiendra pas ici.
Seuls vont être évoqués les prêts pesant sur les officiers déjà en charge. Ces derniers sont
une cible toute désignée pour des emprunts forcés. Sous Louis XII, le général de
Normandie Thomas Bohier est chargé dans sa circonscription de faire contribuer les
« receveurs, grenetiers et autres ayant charge et administration de noz deniers et
186
finances ». Ceux-ci sont taxés en tant qu’officiers astreints à une forme pécuniaire de
service du roi, mais aussi en tant que manieurs d’argent et que personnes aisées « pour
faire led prest jusques à telles parties qu’ilz pourront raisonnablement porter au regard
de leurs facultez et richesses et à la valleur de leursd. receptes »283. A la fin du règne de
François Ier, une commission est mise sur pied dans la province pour « solliciter » des
receveurs ordinaires un prêt de 6 000 lt.284. Les cours de justice ne sont pas épargnées :
Chambres des comptes et Cour des monnaies ont leur place dans les emprunts de 1528,
respectivement pour 20 000 et 1 600 lt.285. A titre individuel, de nombreux magistrats
figurent parmi les prêteurs d’une longue liste d’août 1527286.
95 La procédure retenue par la monarchie est très fréquemment celle de l’emprunt sur
gages. En 1517-1518 ce sont les officiers de finance qui sont touchés287. Du moins ceux-ci,
les comptables en particulier, ont-ils souvent l’autorisation de se rembourser sur les
deniers de leur charge288. Mais ils ne sont pas seuls en cause. En 1519, le Parlement de
Toulouse fournit 2 000 lt.289 ; en 1544 les conseillers au Grand Conseil laissent
provisoirement au roi un quart de leurs gages, soit 125 lt., somme qu’ils recouvrent en
1546. Les officiers de l’artillerie, dont les gages avaient été retranchés en 1521, en
récupèrent au moins une partie l’année suivante290. Un acte concernant la gestion de
Jehan Laguette, trésorier des finances extraordinaires et Parties casuelles depuis 1532,
fait allusion à un « emprunt des deux escuz faict sur les gens de robbe longue ». Il recoupe
la mention d’un compte des deux écus levés sur les gens de justice en Guyenne en 1544
par Laurent Le Blanc. Mais aucun des deux documents ne permet d’affirmer si l’emprunt
porte ou non sur les gages291. Quelle que soit la procédure retenue, il est sûr que la
monarchie préfère recourir aux divers corps et compagnies pour négocier comme pour
faire rentrer les fonds292.
3. Le clergé
96 L’utilisation des groupes constitués se retrouve dans le cas des emprunts sur le clergé.
François Ier a fréquemment recours à cette pratique traditionnelle. La première trace
sérieusement documentée correspond aux difficultés financières de l’été 152 1293. En 1542
encore, alors que la guerre reprend, un emprunt en cours de levée dans le diocèse d’Auch
est remplacé par un don gratuit294. L’emprunt général de 1538, bien connu, peut servir de
guide. Un « roolle des prestz » est signé par le roi à Montbrison le 25 mars 295. Le
commissaire chargé de récolter l’argent en Normandie reçoit 6 600 écus avant le 24 mai 296.
A Lyon, Martin de Troyes, qui gère la recette de Languedoc, envoie 55 000 lt. au trésorier
de l’Épargne le 11 juillet. Il annonce le 14 l’arrivée dans la capitale des Gaules d’un clerc
du commissaire aux emprunts d’Outre-Seine, Imbert de Saveuze, qui transporte 8 000
écus, plus « ung royal, quatre lions et ung demy impérial ». De Troyes fait aussi partir cet
argent vers le Sud où réside alors la cour. « Il y a encores es mains du clerc [de Saveuze]
environ II m livres en testons qui sont cours, qu’il a faillu prendre »297. Si des fonds
rentrent donc, une partie seulement gagne rapidement les caisses de la monarchie298.
Dans le diocèse d’Angers, les commissaires aux emprunts de 1538 sont toujours en activité
à la fin de 1542299. En fait les demandes royales telles qu’elles figuraient sur le rôle de
taxes du 25 mars 1538 ne sont pas complètement respectées. En Languedoc, le diocèse de
Saint-Papoul, taxé à 900 écus, n’en verse que 450, et encore après saisie sur un des
bénêficiers ; le diocèse de Montauban, qui devait fournir 3 000 écus, n’en délivre que 1 500
300
. Y a-t-il en fait une réduction générale de moitié ? D’autres exemples le laissent penser.
L’abbaye Saint-Georges-du-Boys, taxée à 200 écus « que est ce que lad. abbaye peut valoir
187
ceste présente anée que toutes denrées sont à vil pris » voit son fardeau réduit à 100 écus
par le commissaire aux emprunts dès le mois de juin 1538301. En revanche, le chapitre
cathédral de Paris doit attendre 1541 pour obtenir que sa quote-part passe de 4 000 à
2 000 écus302.
97 Certains bénéficiers sont parvenus à un résultat encore plus favorable : l’exemption pure
et simple. Le souverain lui-même se laisse circonvenir par ceux qui en ont les moyens. Les
cardinaux figurent en première ligne des dégrevés303. Les commissaires aux emprunts, qui
connaissent les mœurs en ce domaine, prennent parfois les devants. Fabri, qui officie en
Languedoc, écrit au chancelier du Bourg :
« Pareillement, monseigneur, sera vostre plaisir me mander ce qu’il vous plaist que
je fasse touchant l’évesché de Rieulx de monseigneur vostre fils taxée aud. roolle à
XV c escuz et de la prévosté de Tholoze qu’est à monseigneur le cardinal de
Tournon taxée à VII c escuz à quoy n’ay voulu toucher, pensant asseureement que
le Roy vous a exemptez »304.
98 Dupré, en Normandie, observe au même moment les ravages de la résistance passive sur
fond d’espoir de remise : l’abbé de Saint-Martin de Pontoise est
« au commencement de bon vouloir après avoir entendu les urgens affaires du Roy,
mays tost après le trouve changé de ce bon vouloir, dyverty comme j’estime par
gens qui luy donnèrent à entendre que facilement il obtiendroit du Roy lettres
d’exemption qui est la monnoye en quoy luy et les aultres prélatz nous veullent
payer […] ; si ceste fenestre est ouverte, chacun regardera par là à se saulver comme
scavez et entendez trop myeulx »305.
99 Les emprunts royaux obligent en fait à aliéner une partie du patrimoine du clergé. En
février 1538, François Ier permet aux prélats de procéder à des coupes de bois dans leurs
bénéfices, à condition de remettre au responsable de l’Extraordinaire des guerres deux
tiers du produit de ces coupes, pour les fortifications, à titre de prêt306. Parfois on assiste à
de véritables détournements d’affectation : l’abbé de Bernay-en-Auge, François Bohier,
par ailleurs évêque de Saint-Malo, a obtenu du roi le 25 février 1535 la permission de
vendre jusqu’à 3 000 lt. des bois de l’abbaye pour y procéder à des réparations. Sur cet
argent qu’il n’a pas encore reçu en mai 1538, Bohier offre 600 écus au roi à titre de prêt 307.
En 1543 de nouveau, François Ier autorise la vente des bois de haute futaie 308. Certaines
avances se font donc selon des modalités très spécifiques.
100 Il en va de même lors de la célèbre saisie des trésors de l’Église en 1522. En fait les trésors,
suivant une décision du 3 juin, sont empruntés à hauteur de 240 000 lt.. En guise de sûreté
et en vue d’un futur remboursement, le clergé reçoit une somme équivalente sur les
domaines, aides et gabelles de Languedoc et d’Outre-Seine309. Par rapport à l’aliénation, la
saisie des trésors offre évidemment l’avantage de la rapidité. Mais ce qui a choqué les
contemporains, en particulier pour la grille d’argent massif de la chasse de Saint-Martin
de Tours, c’est le recours à la violence, au mois d’août, pour obtenir des objets sacrés.
L’argent de la grille, une fois fondu, rapporte 60 800 lt. qui servent pour l’Extraordinaire
d’Ecosse310. L’affaire ne tourne cependant pas partout au drame : pour ce qu’on en sait, les
choses se sont passées calmement à Reims311. A Laon, « le Roy envoya quérir troys ou
quatre appostres d’or qui estoient en relicque en l’esglise épiscopale » et qui valaient
4 000 écus. Il y en a douze en tout, évidemment, mais, poursuit le Bourgeois de Paris, « les
aultres n’estoient que d’argent, parquoy furent délaissez »312. L’emprunt des trésors se
renouvelle ensuite. Mesure isolée ou trace unique d’une décision plus générale, le trésor
de l’abbaye Saint-Chef-de-Viennois est prélevé entre 1524 et 1531, « à charge de bailler
188
bonne seureté aux religieux, abbé et couvent de lad. abbaye de leur faire rendre et
restituer lad. somme sitost que serons hors desd. affaires »313.
101 Restent les emprunts demandés à certains membres du clergé, en particulier à une partie
des évêques. On dispose pour la période 1527-1531 de trois listes où figurent des
dignitaires de l’Eglise314. Ils sont dix-huit en 1527, neuf en 1528 et quinze en 1531, soit
quarante-deux prêts sollicités ou obtenus315. Vingt-quatre prélats seulement sont
mentionnés, ce qui ne représente qu’une minorité du corps episcopal316. L’important
semble plus l’individu que le siège occupé, ce que souligne l’exemple de Foucault de
Bonneval : sollicité en 1527 et 1528 comme évêque de Soissons, il l’est de nouveau en 1531
alors qu’il est passé sur le siège de Bazas, en attendant celui de Périgueux. Il faudrait
connaître de façon détaillée l’épiscopat pour déterminer pourquoi le roi sollicite l’un
plutôt que l’autre. Plusieurs remarques s’imposent néanmoins : la sur-représentation des
archevêques (huit sur quatorze sans compter Duprat, cas particulier317), l’absence
d’Italiens, le poids des proches du pouvoir, cardinaux présents ou à venir (Tournon,
Longueville, Givry, Le Veneur), et familles bien en cour et bien insérées dans
l’administration du royaume (La Barre, Gouffier, Briçonnet, Filhol, Dinteville)318. Mais en
ce domaine, il serait aisé de jouer au petit jeu des absents, de Jean du Bellay à Georges
d’Armagnac, de Gabriel de Gramont à Jean de Lorraine. Un critère prosaïque pourrait
peut-être résoudre l’énigme : le roi sollicite… ceux qu’il peut solliciter, c’est-à-dire ceux
qui sont proches de lui au moment où l’argent est nécessaire ou ceux qui disposent alors
de liquidités mobilisables, les deux éléments n’étant pas contradictoires. Mais, dans le
détail, la chose ne serait pas aisée à prouver.
4. Les villes
102 Les villes de la Renaissance, qui ne sont pas encore les cités financièrement ruinées du
temps des guerres de Religion, constituent des corps permettant au roi de trouver du
crédit. Ici encore, avances ponctuelles et prélèvements généraux peuvent être distingués.
Ponctuelles sont ainsi les 5 901 lt. fournies par les échevins et habitants de Villefranche-
sur-Saône « et autres personnes » pour une levée de lansquenets319. Ponctuelles encore les
quelques 25 000 lt. que les Avignonnais, en mai 1544, mettent à la disposition de la marine
320
. Mais on peut repérer un certain nombre d’emprunts levés sur de nombreuses cités, et
retrouver ici la chronologie habituelle des périodes de difficultés : 1515321, 1523322,
1536-1537323, 1542324 et peut-être 1544. L’exemple de Lyon illustre ces étapes :
• 1515 : 6 000 lt. (C.A.F., t. I, n° 386). 1523 : 20 000 lt. (Ibid., n° 1913 et 1917).
• 1536 : 6 000 écus (A.N. J 965, 7/45) 325.
• 1537 : 50 000 lt. (C.A.F., t. VIII, n° 29831) dont 40 000 lt. en août (A.N. J 967, 8/6).
• 1542 : 60 000 lt. (François, Tournon, p. 192).
• 1544 : 20 000 lt. à rembourser à partir d’un impôt sur les draps (C.A.F., t. VII n° 22876)
+ 60 000 lt. (Ibid., t. IV, n° 13854) ou 66 000 lt. (C.A.H., t. II, n° 2251) à récupérer grâce à un
octroi sur le bétail à pied fourché326.
103 Selon la taille des cités, la monarchie use d’approches différentes. Pour les grands centres,
elle délègue des commissaires chargés de négocier ou d’imposer la demande royale, et qui
peuvent dans certains cas servir de répondants et de garants327. Pour les villes de moindre
importance, le souverain se contente le plus souvent d’envoyer une missive. Dans ce cas,
on peut supposer que les officiers locaux sont tenus de surveiller la procédure. Les
189
des villes n’est malgré tout pas totalement nulle. L’inertie est la première arme. Quelle
ironie de voir Dijon, qui dispose depuis le 14 septembre 1536 d’un mandement de
remboursement pour 3 000 lt. prêtées pour les guerres, rappelée à l’ordre le 8 novembre…
pour n’avoir pas encore versé l’argent329 ! Les cités tentent aussi d’arracher des
contreparties à leurs avances : Lyon parvient en 1523 à coupler son prêt avec un don
royal. Quant aux Tourangeaux, vers 1537, ils obtiennent « de demourer quites des
emprunts pour ceste foys en payant 3 000 lt. contant »330.
104 En 1544, Jean Bouchet évoque « quelques emprunts particuliers sur les gens aisez à ce
faire »331. La distinction entre ce type d’opération et les emprunts sur les villes est
délicate, et parfois même elle n’a pas grand sens. Ainsi en mars 1537, l’emprunt
systématique sur les Parisiens, connu par des remboursements, est-il un indissociable
mélange des genres332. Rares sont les documents parfaitement explicites sur ce sujet.
Voici pourtant le commissaire Bouchard qui évoque en 1537-1538 le cas d’« un médecin
d’Aulvergne nommé de Combetes » sur lequel il veut, après enquête, lever un emprunt
particulier de 200 écus « heu esgard à sa faculté et aussi à ses charges ». Il précise ensuite
que de Combetes a déjà été taxé à 40 lt. pour les emprunts généraux de la ville de Saintes
et qu’il a payé son dû333. On remarque au passage que le premier emprunt mentionné est
onze fois plus lourd que le second. Les « bien aisez en la jugerie de Albigeois » taxés en
1521 le sont à des taux plus faibles. Pour 139 cotes, la somme à prélever n’est que de
2 217 lt., soit une cote moyenne de 16 lt.. A Paris en revanche, à la même époque, les
niveaux requis sont extrêmement élevés si l’on en croit le Bourgeois de Paris : « Après
furent mis les gros emprunctz particulliers sur les manants et habitans de la ville de
Paris, tellement qu’on demandoit aux uns mille escuz, aux aultres huit cens, quatre cens,
cinq cens escus, et plus ou moins, à les rendre »334. En définitive, rares sont les bourgeois
des villes pour lesquels l’emprunt apparaisse comme une mesure isolée335.
105 Emprunts sur les aisés et sur les cités, ces deux volets s’intègrent parfois dans des levées
de plus grande ampleur. Cela est particulièrement net pour 1542 où le prélèvement se fait
à l’échelle de la province, du bailliage ou de la sénéchaussée336. Cette année-là, le roi a
« requis et demandé à touz [ses] subiectz qu’ilz voulsissent subvenir par forme de prest »
aux charges du royaume. En Bretagne, le montant des « prêts » a été fixé à 40 000 écus.
Devant les réticences qui se manifestent, le roi écrit à la Chambre des comptes du duché
en octobre 1543 : « Si […] vous congnoessez qu’il y ayt aucunes gens riches comme dessus
qui ont reffuzé de nous subvenir […], vous les ferez adjourner à comparoir
personnellement par davant vous pour savoir et entendre ce qui les meult d’estre si
contumax et désobéissans »337. Les « aisés » sont donc évidemment les premiers concernés
par cette avance reposant en priorité sur les riches urbains338. La lettre destinée au
Languedoc est claire sur ce point : les 140 000 écus d’emprunt sur la province sont à lever
sur les habitants les plus riches et les plus aisés de Toulouse, Montauban, Albi, Cahors, Le
Puy et autres villes339. En Bourgogne, on parle des villes et communautés : sur les 100 000
écus prévus, Dijon en porte 25 000 à elle seule340. En fait, la prudence s’impose car, quand
des sources complémentaires sont disponibles, elles font apparaître parfois un
déplacement du fardeau. Un acte du 5 octobre 1543 mentionne ainsi « l’emprunt faict par
190
le Roy nostre sgr sur la ville de Chartres ». Or on constate en fait que celui-ci pèse sur
l’ensemble du bailliage. De petits centres, ici Brezolles et Châteauneuf-en-Thimerais, sont
« cotisez » à cet emprunt341. A défaut d’une étude détaillée, on a le sentiment que les
procédures retenues peuvent varier d’un secteur à l’autre. Mais le gros de l’effort pèse
malgré tout sur les villes.
106 Dans le cas des rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris, la capitale joue un rôle de relais
institutionnel entre le roi et ses créanciers : la nécessité, là encore, d’un intermédiaire,
illustre les limites du crédit royal342. Mais travailler avec ces notables fidèles est aussi
pour les agents de la monarchie un procédé aisé et, pour l’heure, facile à maîtriser. Le
souverain passe donc contrat avec le corps de ville et assigne un fonds pour le paiement
des intérêts. La municipalité se charge ensuite d’écouler au détail les rentes aux éventuels
acheteurs, pour un capital à hauteur des intérêts disponibles, fixés au denier 12 (8,33 %) 343
. Le dossier, bien connu, a été étudié par Cauwès à la fin du XIXe siècle, et partiellement
repris par Schnapper. Tous deux insistent avec raison sur ie faible montant des émissions
qui, à partir de 1522344, jalonnent le règne de François Ier. Cauwès aboutit à 935 000 lt.345.
En fait, il est encore trop généreux car les rentes de 1545 et 1546 qu’il retient ont un
statut différent : il s’agit de rentes émises par l’Hôtel de Ville et non de rentes sur l’Hôtel
de Ville. Ces deux émissions ont pour but d’aider la capitale à rassembler les impositions
que le roi lève sur elle ces années-là. Elles ne fournissent donc pas à la monarchie des
ressources supplémentaires. On comprend alors parfaitement leur absence d’un état des
rentes de 1556, qui mentionne uniquement les émissions de 1536, 1537 et 1544, celle de
1522 ayant été rachetée en 1547346. Il faut donc réduire à 725 000 lt. le capital récolté par
la monarchie au cours du règne.347
107 Ces rentes circulent avec une grande aisance. Certains n’hésitent pas à s’en défaire fort
peu de temps après les avoir acquises, et ce dès les débuts de la première émission. Loys
Gayant, marchand drapier et bourgeois de Paris cède le 4 décembre 1522 à Morelet de
Museau, général des finances, 50 lt. de rente achetées le 17 octobre348. En mai 1526, une
rente de 100 lt. en est déjà à son troisième propriétaire : sire Guillaume Parent l’a acquise
le premier avril 1523. Elle passe le 30 juin 1524 aux mains de Nicolas Le Coincte, général
des monnaies. Ce dernier la vend enfin à Estienne Delange, marchand orfèvre et
bourgeois de Paris349. Le Minutier Central abonde en de tels actes. Cette facilité à se
débarrasser des rentes peut intriguer : pourquoi les céder si aisément, s’il s’agit d’un
placement assez populaire en ses débuts350 ?
108 Corollaire de cette interrogation : que font ces rentes dans un développement sur le
marché contraint ? C’est tout simplement que les acheteurs, dès le départ, ont été
fortement sollicités pour acquérir ces titres. Il semble bien qu’il n’y ait jamais eu
d’enthousiasme à leur propos, pas même lors de leur création. Tel est du moins le
témoignage des contemporains. Pour le Bourgeois de Paris, « fut forcée et contraincte la
ville de bailler et fournir [au roi] jusques à la somme de cent mil escus d’or ». Nicolas
Versoris va plus loin encore :
« Fust par led. Roy et son conseil trové manière de contraindre les bourgeois et
habitans de Paris de acchepter rente au prix de douze pour un sur le revenu de la
ville appartenant au Roy […] et ce pour le sort principal pour la somme de cent mil
escuz souleil, combien que à ce eussent fort contredict et empesché oucuns desd.
habitans, néanmoins, plus par crainte et timeur que par amicttié et libéralité fust
191
fourny lad. somme, non sans grosses murmuracions faictez à rencontre du conseil
du Roy »351.
109 En 1536, Cauwès le souligne, c’est une initiative royale et non une offre spontanée des
Parisiens qui, un mois après une demande d’emprunt de 40 000 lt. 352, est à l’origine de la
seconde émission353. Une fois le processus enclenché, la monarchie use de forts mauvais
procédés à l’égard des rentiers potentiels. Les fonds ont été versés à l’Épargne par la
municipalité de la capitale entre le 12 août et le 9 novembre 1536. Le 26 novembre a lieu
la vente des rentes354. Cependant, en mars de l’année suivante, les assignations des
intérêts ne sont toujours pas effectives. Le prévôt des marchands écrit au chancelier « que
encores ne sommes expédiés de la vériffication des lettres de ratiffication dud. seigneur
pour lesd. cent mil livres, pour les délais et empeschemens qui nous ont esté donnez » 355.
Le cardinal du Bellay, qui a servi d’intermédiaire en cette affaire, voit dans ces
atermoiements un moyen bien mesquin « pour desrober ung quartier ou deux ». Il
constate « le grant malcontentement qui est icy […] et voy procéder de ceste faulte un
merveilleux descouraigement envers ceulx qui ont monstre leur bonne voulenté »356.
Aussi lorsque, quelques mois plus tard, en juin-juillet, il est question d’une nouvelle
émission de 200 000 lt., rien d’étonnant à ce que la procédure retenue soit celle de
l’emprunt forcé357.
110 La taxe est source de bien des difficultés comme en témoigne la mésaventure du
contrôleur général de l’artillerie Ambroise Le Moyne. Alors qu’il suit Montmorency à
l’armée de Picardie, il est
« adverty par son commis de Paris [sans doute Françoys Petit] comme après son
partement à s’en venir au camp pour le service du Roy, Messieurs de Paris ont
envoyé demander en sa maison la somme de six cens livres d’emprunctz et assis
garnison de deux hacquebutiers en sa maison et si le menasse l’on de mectre ses
biens sur le pavé et les vendre à l’enquain jusques il ait payé lad. somme » 358.
111 Aussi Montmorency prend-il la plume le 22 juillet, depuis le camp de « Hardivau » près de
Doullens, pour intervenir en sa faveur auprès du chancelier. Bien des récriminations ont
dû se produire mais Versoris ou le Bourgeois de Paris ne sont plus là pour s’en faire
l’écho. L’émission de 1544 se produit-elle dans une ambiance plus favorable ? Le contexte
de guerre et d’invasion rend sceptique, mais peut-être les rentes sont-elles prises dans le
regain du marché du crédit qui se manifeste alors chez les marchands-banquiers. En
l’absence de renseignements précis, cela reste une hypothèse359.
112 En 1537, Paris n’est pas la seule ville sollicitée. En mai les Orléanais fournissent à un clerc
de l’Extraordinaire des guerres « les vingt quatre mil livres tournoys qui avoient esté
accordez par lesd habitans […] pour l’engagement de deux mil livres tournois de rente » 360
. Une lettre de Troyes confirme qu’on a affaire ici au même procédé que dans la capitale :
la municipalité évoque l’obligation d’acheter des rentes « selon la forme qui a esté
observée en pareil cas en la ville de Paris ». A deux membres de l’échevinage venus quêter
des informations, le chancelier précise qu’il entend « que les gens d’église et aultres
quelconques en payassent, sans exception. Cela a esté ainsi observé en la ville de Paris,
Reims, Chaalons, Sens et aultres villes de ce royaulme »361. Ce sont donc toutes les cités
importantes d’Outre-Seine qui sont touchées. On retrouve un « suivisme » provincial
similaire en 1544, illustré par Tours et Orléans362. Dans un cadre légèrement renouvelé, en
définitive, n’est-ce pas le système traditionnel de l’emprunt forcé avec répartition
autoritaire qui fonctionne ici ?
192
113 Pourtant, on a souvent insisté sur la nouveauté du procédé : avec les rentes sur l’Hôtel de
Ville se met en place un système de crédit à long terme363. Certes, mais il repose sur une
aliénation des revenus monarchiques qui, dans ses résultats financiers, n’est pas
sensiblement différente des aliénations traditionnelles. Socialement en revanche, il est
sans doute très important de voir naître, volontairement ou non, une catégorie de
rentiers directement intéressée au bon fonctionnement de l’État de finances. Car le roi
n’ayant aliéné que le revenu reste pour l’heure, à travers ses agents, gestionnaire direct
des prélèvements sur lesquels sont assis les quartiers de rentes364. La municipalité
parisienne aurait de beaucoup préféré obtenir une maîtrise totale des fermes concernées.
L’habileté de la monarchie a été d’en garder le contrôle365. Cette aliénation « partielle »
renforce l’impact socio-politique de l’État quand l’aliénation « totale » aurait entraîné une
dilution physique de son patrimoine. Qu’il s’agisse d’un crédit non exigible, le rentier ne
pouvant à volonté se faire rembourser sa créance, n’a en revanche à mon sens qu’une
importance réduite : quel créancier de la monarchie est en mesure de se faire payer, si le
souverain et son Conseil n’y mettent du leur ? En théorie, cela importe pour le statut des
biens. Dans les faits, pour ce crédit comme pour d’autres, pour les intérêts comme pour le
capital, le pouvoir politique dispose d’une grande autonomie. C’est enfin avec précaution
qu’il faut utiliser le terme de dette publique à propos des rentes sur l’Hôtel de Ville. Tout
d’abord parce que le relais des cités, et de Paris en particulier, fait qu’une seconde
« collectivité publique », la « Ville », est aussi concernée. Ensuite parce que ces rentes se
présentent en bonne part comme une dette personnelle (quoiqu’évidemment
transmissible) du souverain. L’engagement de l’État, qui paraît indispensable pour la
constitution d’un crédit public stricto sensu, reste donc ambigu366. Enfin et surtout, parce
que les rentes sur l’Hôtel de Ville fonctionnent exactement comme les rentes sur les
particuliers, sur le plan juridique comme sur le plan économique.
114 Le roi de France bénéficie de soutiens financiers actifs en Suisse et sait dans les années
vingt en particulier y trouver du crédit. La procédure d’emprunt dans les Cantons fait
l’objet d’une commission dont est pourvu un résident. Celle de Morelet de Museau, qui
date du 13 juillet 1523, lui donne pouvoir
« de prandre et empruncter tant des communitez des quentons des ligues que des
particulliers d’iceulx et autres quelz qu’ilz soient […] toutes les sommes de deniers
que pourrez trouver et recouvrer d’eulx et leur en bailler pour et en nostre nom ou
au vostre telles seuretez et promesses et obligacions qu’ilz vouldront avoir, avec
telz drois et gratuitez ou censés que composerez et accorderez avec eulx » 367.
115 La fin de ce passage évoque les intérêts que le roi s’engage à payer. De fait « tous les
deniers emprunctez aulx ligues ont esté pris à intèrestz » affirme le fils de Morelet dans
un mémoire justificatif368.
116 L’ampleur exacte des sommes en jeu est difficile à connaître, mais des lueurs existent
pour les années vingt. En 1522-1523, le roi emprunte successivement 28 500 puis 5 400
écus sur le marché bâlois, 15 000 écus à la ville de Berne et 30 000 florins au canton de
Fribourg369. Le 16 septembre 1527, François Tardif, commis en Suisse du trésorier de
l’Extraordinaire des guerres Gaillard Spifame, certifie que depuis septembre 1525 il lui a
été remis par Morelet 69 951 lt. « des deniers empruntés aux Ligues à plusieurs et diverses
193
fois »370. De l’importance des sommes évoquées, on peut conclure à l’existence d’un
véritable « parti français » dans les Cantons. Il regroupe ceux que l’ambassadeur Lamet
appelle en 1521, dans une lettre au roi, « voz bons amys et serviteurs de par deçà »,
auxquels il cherche alors à emprunter 12 000 écus371. Ces « fidèles » servent aussi de
répondants pour les prêts obtenus sur le marché bâlois. En 1523, les cantons de Berne,
Fribourg et Soleure doivent ainsi fournir leur garantie, celle du roi étant jugée
insuffisante372. Certains particuliers prennent alors des risques légaux qui ne sont pas
minces s’il faut en croire les propos de Lambert Meigret, envoyé auprès des Cantons. Il
rappelle au souverain que beaucoup d’entre eux « sont obligés pour vous pour plus qu’ils
n’ont vaillant, laquelle chose, si elle était connue de leurs supérieurs, on leur ferait
trancher la tête, étant la coutume en ce pays que tous ceux qui s’obligent pour plus qu’ils
n’ont vaillant doivent être punis de la vie »373.
117 Il est parfois bien difficile d’identifier les garants, tout comme les prêteurs d’ailleurs, en
raison de problèmes de transcription des noms et de paléographie. Evoquons l’exemple
d’une quittance de Spifame, recopiée dans un inventaire, qui mentionne les « deniers
empruntez à Tralle [sic pour Bâle ?] et autres lieux du pays des ligues sur le crédit de
Dyetoys [Dietrich ?] Danglispert, Hamonyer Fribout et de Jacob Traictemer dud lieu »374.
L’argent récolté sert pour une part appréciable à l’Extraordinaire des guerres375. Or qui dit
Extraordinaire dit troupes mercenaires, au premier rang desquelles, surtout dans les
années vingt, figurent les Suisses. En novembre 1521, c’est très explicitement pour solder
des hommes des Cantons qui partent pour Milan que Lamet veut emprunter. Quant aux
fonds recueillis en 1523, ils servent à régler une partie des pensions et des soldes qui sont
dues.
118 Ainsi les Suisses fournissent-ils un argent qui pour une part appréciable leur revient plus
bu moins directement. Ils sont donc, pour assurer le bon fonctionnement de
l’infrastructure financière de la monarchie, en partie contraints de prêter, de peur de voir
le bel édifice dont ils bénéficient s’écrouler. Très logiquement, ce sont donc les cantons
les plus dépendants des rentrées royales pour « boucler » leur budget (Fribourg, Soleure
ou Lucerne), et les capitaines qui servent le roi, qui se révèlent les plus empressés à
donner au système les moyens de continuer à fonctionner376. En espérant, bien
évidemment, un profit à terme.
119 Dans ses possessions italiennes, François Ier est à même de solliciter avec conviction des
emprunts d’autant plus importants que les deux principaux centres, Gênes et Milan, sont
fort riches. Au début de 1517, la cité ligure, par la bouche de son ambassadeur, rappelle à
François Ier qui présente une nouvelle demande que, dans les dernières années, elle a déjà
prêté 75 000 écus377. A Milan, on constate l’existence d’un parti français qui prend une
part active à la gestion de la province et s’investit dans le service du roi. Ces gens qui ont
beaucoup à perdre à voir disparaître les Français, des Trivulzio aux de Roma, ne sont donc
pas les derniers à secourir le roi de leurs deniers. Ils s’appuient sur une partie des élites
commerçantes de la cité378. Un bon exemple est fourni par l’engagement du général de
Milan Geoffroy Ferrier (Ferrerro) qui appartient à une puissante dynastie d’hommes
d’argent379. Sollicité par le roi en 1521, avec ses parents et amis il prête 120 000 lt. en un
mois. A l’automne, Lautrec souligne au roi que « plusieurs gens de bien de Millan ont
preste de grosses sommes de deniers », et le général est à leur tête380. Au même moment
Ferrier ordonne au trésorier de Crémone Georges Grolier, cousin du trésorier général du
194
duché, d’emprunter plus de 38 000 lt. pour les guerres381. Mais Ferrier et les siens
atteignent rapidement les limites de leur crédit et leurs efforts ne permettront pas de
conserver le Milanais au roi382. Est-ce dans le cadre des levées pour la rançon, pendant la
brève réoccupation du duché en 1527-1528, qu’un lieutenant de Lautrec reçoit
commission pour demander aux gentilshommes du Milanais de prêter au roi 33 000 écus
soleil383 ? Le maréchal peut du moins profiter, pendant sa campagne méridionale, de prêts
de barons napolitains ralliés384. Dans le sud de la péninsule aussi, existe un parti français,
mais moins implanté qu’en Lombardie.
120 Les alliés italiens du souverain sont aussi mis à contribution au gré des besoins. En janvier
1525, alors qu’il piétine sous les murs de Pavie, François Ier obtient des Républiques de
Florence et de Lucques respectivement 100 000 et 12 000 ducats pour assurer le
financement de l’expédition qu’il lance vers Naples sous le commandement de Stuart
d’Albany385. Albert Pio, comte de Carpi est « obligé aux marchands [pour argent] qui fut
prins par commission et pouvoir du Roy pour l’entreprinse du royaume de Naples » de
1525. S’agit-il des avances des Républiques, ou d’autres prêts ? Impossible de le dire. Du
moins Pio s’est-il engagé en son nom propre et, à la fin des années vingt, il demande « la
satisfaction des marchans, à causes desquelz [il est] dès longtemps excommunyé » 386.
François Ier reçoit aussi du secours de certains princes. Un document du 15 septembre
1528 livre le détail des reconnaissances de dettes passées par des agents du roi au duc de
Ferrare Alphonse d’Esté, pour un total de 88 620 écus387. Quant au duc de Savoie, il prête
40 000 lt. à la fin de 1521 à Lautrec qui commande en Lombardie388.
B. Les mécanismes
1. L’origine des fonds prêtés
121 Pour répondre positivement aux demandes royales, conseillers, évêques et autres
parlementaires, cités et alliés doivent disposer d’espèces métalliques ou, plus largement,
de métaux précieux, quelle qu’en soit la forme. Une partie des sommes avancées provient
directement des trésoreries accumulées par les particuliers et les institutions. Comme
l’écrit un peu brutalement Brissac au roi en 1554, il faut « mettre la main, par une douce
saignée, dans les richesses inutilement enfermées dans les coffres des bonnes villes »,
qu’on remboursera ultérieurement389. Des indices sérieux d’une importante
thésaurisation sont disponibles390. Ils permettent de comprendre comment les prêteurs
peuvent, s’ils le veulent, mobiliser quasi instantanément des fonds pour leur souverain.
Les emprunts monarchiques ont donc pour conséquence un mouvement non négligeable
de déthésaurisation dont la « saisie » des trésors des églises en 1522 a déjà fourni un
spectaculaire exemple. Il en va de même avec les emprunts « couverts » en vaisselle
précieuse, occurrence fréquente au long du règne. Le 28 mai 1516, ordre est donné de
convertir en testons l’argenterie empruntée aux Parisiens391. Ils ne sont pas les seuls
touchés alors : Anne de France, duchesse de Bourbon, fournit pour 7 000 lt. de vaisselle, le
duc de Vendôme pour 6 559 lt. ; madame de Taillebourg pour 7 293 lt. sans parler
d’Ymbert de Batarnay et des évêques de Luçon et de Castres, Lancelot du Fou et Pierre de
Martigny392. En 1530, certains parmi ceux qui sont mis à contribution pour la rançon
versent leur quote-part en argenterie393. En 1542 encore, les emprunts pour la guerre
livrent une « bonne quantité de vaisselle d’argent » qui sert à frapper des testons394.
195
122 C’est sur un emprunt de 1521-1522 que nous sommes le mieux renseignés. Il est préparé le
10 septembre 1521 par une mesure « préventive » d’interdiction pour six mois de toute
fabrication de vaisselle d’or et d’argent395. Le Bourgeois de Paris l’évoque sur un ton
relativement modéré : « Puis on demanda par les maisons de la vaisselle d’argent et
partout le royaulme ; et à Paris n’y eust aucuns exemptz, mesmes de la cour de Parlement,
ne aultres ; tellement que chacun en bailla selon sa puissance, et furent les églises
contrainctez d’en bailler, chacune en droit soy ». Comme à son habitude, Versoris est plus
virulent qui parle d’« une exaction indue sur les Parisiens, c’est asçavoir tous les
seigneurs et bourgeois de Paris »396. Le critère retenu pour la taxation, d’après le
Bourgeois de Paris, est la « puissance », c’est-à-dire les capacités. Si l’on suit Versoris, la
taxe pèse en fait sur chacun « selon sa qualité ». Cette dernière formule est plus en accord
avec ce que nous apprend un rôle d’emprunt du 12 septembre 1521, où les taxes sur les
officiers parisiens sont basées sur la fonction occupée397. Ainsi les conseillers au
Parlement sont-ils astreints à fournir 50 marcs d’argent. Ceux qui ont déjà prêté au roi
lors d’une autre occasion sont dispensés de contribuer. Parmi les membres de la Chambre
des comptes, le premier président Nicolaï, le président Berthelot, monsieur de Saint-
Mesmin et le receveur de la Chambre sont dans ce cas. Au total, le roi exige du Parlement,
2 430 marcs, de la Chambre des comptes, 1 143, des requêtes du Palais, 625, des aides, 215,
du Châtelet, 196 et de la Cour des monnaies, 130. Les gens d’Église et « officiers, bourgeois,
marchands et autres bons personnaiges de Paris », du moins, ici encore, ceux « qui
n’auront preste et aydé d’argent au Roy », sont tenus de verser 2 000 marcs. Ce chiffre
arrondi ne repose pas sur une liste nominative, à la différence des précédents. Il ne s’agit
à l’évidence que d’une approximation lancée au Conseil du roi. Les rentrées réelles ont été
bien en deçà des espérances, si l’on en juge par quelques cas de conseillers au Parlement
dont le remboursement a laissé trace, et dont aucun ne dépasse vingt marcs de prêt398.
Est-ce mauvaise volonté ? Est-ce impossibilité de « puissance » ? Les taxations royales
ont-elles été révisées à la baisse ? Je ne sais. Malgré tout, chacun de ces conseillers a été
en mesure de « déthésauriser » pour le roi entre 132 et 265 lt..
123 Sans être négligeable, surtout en grand nombre, de telles avances sont le signe soit d’une
accumulation modeste, soit d’une dissimulation. Plusieurs « saisies » de successions
opérées par le roi permettent de faire connaissance avec le monde des grands
thésaurisateurs. En effet, François Ier emprunte les liquidités de certains de ses conseillers
immédiatement après leur mort, dans des conditions qui rendent délicate la mise à l’abri
d’une partie des « trésors », même si celle-ci reste toujours possible. La première victime
est le seigneur de Boisy, Artus Gouffier. Il s’éteint en Languedoc le 13 mai 1519. A peine la
nouvelle de sa mort est-elle connue que le roi donne ordre de faire faire l’inventaire des
« économies » du grand maître accumulées au château de Chinon399. Le total atteint la
somme coquette de 154 247 lt., soit 102 054 lt. en écus au soleil, plus 34 635 lt. en vaisselle
d’or et 17 558 lt. en vaisselle d’argent400. L’existence d’une impressionnante quantité de
vaisselle d’or est un signe patent de l’appartenance de Boisy au groupe social le plus
relevé du royaume. En matière de thésaurisation en revanche, Boisy trouve son maître en
la personne d’Antoine Duprat. L’inventaire des métaux revenant à la couronne, après
l’emprunt de la succession du chancelier en 1535, atteint 280 030 lt., soit 245 646 lt. en
écus au soleil et 34 384 lt. seulement en argenterie401. Notons que l’écu en 1535 est à 45 st
pièce, quand celui de 1519 ne valait que 40 st. Chez Duprat, il n’y en a donc qu’un peu plus
du double de ceux qui s’accumulaient dans les coffres de Boisy (109 163 contre 51 027).
Pour le chancelier, ce sont ces beaux écus qui comptent avant tout. Ils représentent, en
196
valeur, 87,7 % du trésor accumulé. Chez Boisy, l’obligation sociale d’ostentation ou le goût
personnel ont laissé une place plus importante à la vaisselle (33,8 %).
124 Deux autres emprunts du même type - au moins - ont lieu sous François I er. En 1523, le roi
met la main sur le trésor monétaire de la succession d’Ymbert de Batarnay, seigneur du
Bouchage402. Il n’est pas question de vaisselle précieuse et on n’a sans doute ici qu’une
partie de la thésaurisation de Batarnay. Avec quelque 46 000 lt.. en espèces, il se situe un
cran au-dessous des deux précédents. Reste le cas de Jean de Laval, seigneur de
Châteaubriant. A sa mort en 1543, le roi demande aux généraux des monnaies de priser
les espèces et la vaisselle de sa succession, qui sont affectées aux besoins du trésor. Mais
aucun document ne nous renseigne sur leur valeur403. Les liquidités de Duprat donnent
une idée de ce qu’est un enrichissement fulgurant, en une génération. Les autres, même si
la faveur du roi est loin d’être négligeable pour eux, sont aussi des héritiers. Tous les
quatre sont évidemment peu représentatifs des capacités moyennes d’accumulation, y
compris au sein des catégories sociales dominantes404.
125 Du moins sait-on que des personnages de rang moindre ont aussi des possibilités
importantes en ce domaine. Le cas du président aux Enquêtes René Gentil, notoirement
concussionnaire, est un peu particulier. Lorsque ses biens sont confisqués, les objets
précieux (bijoux, pierreries, vaisselle d’argent) et les monnaies sont évalués le 14 avril
1537 à 28 500 lt..405. Mais entre le 15 mars et le 4 avril précédent, sentant la menace, Gentil
a émis des lettres de banque pour 27 187 lt.. sur Rome en prévision de sa fuite. Il est donc
probable qu’au début de mars, sa thésaurisation dépassait les 50 000 lt.. 406. On peut retenir
également le cas du maître des comptes Claude de Hacqueville dont l’inventaire après
décès mentionne 27 466 lt. de monnaie et 1 795 lt. d’objets précieux, soit 29 261 lt. 407. A la
mort du chanoine de Notre-Dame de Paris Tappereau en octobre 1527, Versoris rapporte
un bruit selon lequel on aurait trouvé chez lui 30 000 à 40 000 lt. en « deniers constant » 408
. En faisant la part de l’exagération propre à ce genre de rumeur, on constate néanmoins
l’existence dans les fortunes parisiennes de liquidités importantes.
126 La monarchie, par ses prélèvements, contribue donc à accélérer la circulation monétaire,
empêchant en particulier que trop de métal ne soit immobilisé dans l’argenterie. Celle-ci
a une « espérance de vie » souvent réduite, à commencer par celle du roi lui-même409. En
septembre 1536, les gardes du Trésor du Louvre signalent au souverain qu’ils ont extrait
du cabinet de l’Épargne et qu’ils envoient au maître particulier de la monnaie de Paris les
trois coupes qui restent sur les douze que François Ier avait commandées pour l’entrevue
de Marseille avec le pape, en octobre-novembre 1533410. En moins de trois ans, elles ont
donc toutes disparu, sauf si certaines des neuf premières ont été remises en cadeau. Bien
sûr, les nouvelles monnaies iront droit dans les caisses de l’Extraordinaire des guerres.
Les conflits sont comme on peut s’en douter les meilleurs agents de la déthésaurisation
monarchique.
b. Le recours au crédit
127 Mais les fonds propres des prêteurs sont souvent insuffisants pour répondre aux
demandes du souverain. Aussi ceux qui sont mis à contribution doivent-ils fréquemment
se tourner vers des détenteurs de capitaux. Ceux-ci, faisant fonds sur le crédit privé de
leurs débiteurs directs, prêteront par leur intermédiaire à la monarchie. Au plus haut
niveau, ce cas de figure peut se produire sans même que le roi ait exprimé le désir d’un
prêt, tout simplement pour assurer le fonctionnement de l’appareil monarchique,
197
notamment militaire. A la fin d’octobre 1528, les fonds pour le payement des lansquenets
tardent. A Paris, Duprat doit faire face en l’absence conjuguée du trésorier de l’Épargne
qui pourrait lui procurer des fonds « ordinaires » et du prévôt des marchands qui devrait
fournir des fonds « extraordinaires » de la ville. Aussi le chancelier conclut-il : « Je verray
demain si sur mon crédit pourroy trouver la somme pour l’envoyer incontinent »411. Ainsi
le « crédit-relais » n’est-il pas une exclusivité des officiers de finance, même si leur rôle
en ce domaine est fondamental412. Le cardinal de Tournon, qui s’acharne à assurer la
défense du Piémont en 1536-1537, cherche son salut dans le crédit, tout comme
l’acquéreur d’un office de justice en mal de liquidités ou l’évêque en peine de régler sa
quote-part d’un emprunt forcé. La monarchie utilise le crédit, personnel ou collectif, des
individus et des corps à son profit413.
128 Pour obtenir du crédit, les relais du monarque ont recours à une structure de base : les
« amis »414. C’est souvent la seule indication qui est donnée en la matière. Il s’agit très
vraisemblablement, selon les règles du langage du temps, de leurs « clients », avec toute
la complexité que recouvre cette notion. En 1519, Philippe Chabot avance 20 000 êcus. Ses
fonds propres ne suffisent pas et « il empruntfe] de ses amys et par son crédit » une partie
de la somme. L’évêque d’Autun Jacques Hurault ne peut fournir tout ce qu’on lui réclame.
Mais il parvient du moins à trouver 1 500 écus « par le moyen de [ses] amys » 415. Le
chancelier Duprat, sur la brèche dans les années 1527-1528, a besoin de trouver des fonds
pour régler la quatrième paye consécutive au traité de Cognac. Il « parle à aucuns de [ses]
amis qui [lui] ont promis aviser à ce qu’ils pourront faire »416. Les « amis » sont aussi ceux
que les intermédiaires peuvent à leur tour solliciter de prêter directement à la monarchie
417
. Jean-Jacques de Passano est récompensé par le roi pour avoir « faict prester audict
sieur par ses amys plusieurs grosses sommes de deniers pour ses affaires et nécessitez » 418
. Ils ont encore parfois d’autres fonctions. Pour Tournon en 1536, ils servent
d’informateurs ou de garants419.
129 Ce type de soutien met en évidence l’importance de l’implantation locale, de la notoriété
et de la fortune des intermédiaires. A ce niveau, tout repose sur la confiance et la
contrainte est souvent de peu d’efficacité. Quand en septembre 1521, dans une situation
difficile il est vrai, Semblançay cherche du crédit à Paris, il en est réduit, la confiance
disparue, à souhaiter avoir « puissance sus ceulx de ceste ville et sus les aultres ». Mais il
constate dans la même missive à Louise de Savoie qu’« on ne fait compte de lettres ne de
commandemens », ce qui signifie à l’évidence que le marché du crédit ne réagit pas aux
sommations du pouvoir420. Dans ce contexte, l’emprunt forcé est le dernier recours. Mais
il ne contribue guère à la popularité du souverain.
130 Pour régler une taxe, l’évêque de Bayonne Estienne de Poncher a « pris [son] chemin à
Paris pour reguarder le moyen avecques [ses] amys de fournir la partie entière ». Mais au
préalable, il a dû emprunter de l’argent sur le marché lyonnais et, précise-t-il au
chancelier, « partye de l’argent quay pris en ce lieu lay promis rendre dedans peu de
temps ». « Il fault m’engager à tout le monde » conclut-il421. Pour ce malheureux évêque
qui réclame la « pytié » du chancelier du Bourg, le réseau des amis ne suffit pas. Le
recours aux capitalistes complique le jeu et entraîne souvent des difficultés. L’épisode de
la contribution de Guillaume du Bellay à la rançon fournit un bon exemple422. Le seigneur
de Langey doit verser 20 000 lt.. Il semble bien que cela découle, non d’une demande
royale explicite, mais bien d’une initiative de sa part, si l’on en croit les propos qu’il tient
dans une lettre à Montmorency : « Ne me feusse hasardé de vous en porter parole ne
d’escripre à Madame si je n’eusse sceu où prendre [l’argent] »423. Il s’agit, il est vrai, d’un
198
excellent moyen de faire sa cour. Du Bellay ne peut extraire cette somme de ses réserves
car il n’est pas en fonds. Il lui faut donc emprunter l’argent à un marchand parisien, Jehan
Brice (ou Brisse). Il a pris langue avec lui dès janvier 1530. Or le crédit de Langey est
médiocre et Brice exige que des garanties complémentaires lui soient accordées. Aussi
Guillaume du Bellay, épaulé par son frère Jean et soutenu par Montmorency, doit-il faire
le siège des officiers de finance choisis par Brice pour leur arracher une obligation. Il lui
faut tout d’abord surmonter les réticences du trésorier de l’Épargne et général de
Normandie Guillaume Preudhomme. Il semble bien que des rivalités politiques
compliquent la chose : Preudhomme est dans la mouvance de Duprat - que Jean du Bellay
appelle « le sainct qu’il adore » - et le chancelier n’est pas en bon terme avec les du Bellay.
Mais si « le général de Normandie en faict sa debte », Jean Brice ne s’en contentera pas
pour autant : il lui faut en plus l’obligation des receveurs généraux de Normandie et de
Bretagne, Jehan Carré et Palamède Gontier. « Je ne scay qui meut ledit Brice de vouloir
plustost ceulx là que aultres » écrit Guillaume du Bellay à son frère.
131 Or les préventions de Preudhomme ne disparaissent pas. Le 6 mars 1530, tout « dépend
totalement du général de Normandie ». Le 8, Langey demande à Montmorency de lui
« faire tenir […] la promesse de monsr le général de Normandie en son privé nom du prest
des XX m francs à payer pour le xve jour de juillet ». On le voit, il s’agit d’un prêt à très
court terme, même si deux jours plus tard l’échéance évoquée est repoussée au 15 août 424.
Preudhomme cède-t-il ? Rien ne permet de l’affirmer mais au bout du compte Brice
accepte apparemment de se contenter d’un seul garant sur les trois. Le 18 mars, Jean du
Bellay parvient à débloquer la situation : « J’ay tant faict qu’à la fin, en l’absence de mon
frère qui est allé veoir s’amye, on m’a accordé aujourd’huy, suz la dernière proteste que
j’en ay faicte, d’escripre à Jehan Carré qu’il s’oblige en son propre nom : s’il le faict,
l’argent est comptant ». Dès le 28 mars le roi annonce à ses délégués à Bayonne que les
10 000 écus du prêt sont partis, avec 10 000 autres fournis par Carré lui-même ainsi que
les deniers de sa charge de Normandie425. Le souverain va un peu trop vite en besogne car,
dans une nouvelle missive du 8 avril, il précise que l’argent est toujours à Paris et que la
« sûreté » que doit fournir Carré n’a pas encore été remise au prêteur. François Ier écrit au
receveur général pour qu’il s’exécute426. C’est donc courant avril que le dénouement
intervient427. Ce n’est pas la seule occasion où Langey emprunte pour le service du roi - en
particulier comme gouverneur du Piémont - et ses créanciers, marchands de Paris comme
Brice, Guillaume Legras ou Nicolas de Noble, marchands-banquiers lyonnais comme Jean-
François Bini, peuvent légitimement se faire du souci…428
132 Les prêteurs en mal d’argent peuvent aussi se tourner vers les manieurs de fonds publics.
Ce type de démarche est traditionnel. La ville de Tours, en 1496, sollicite ses principaux
citoyens pour l’aider à rassembler ce que le roi lui demande : au premier rang de ceux-ci,
Jacques de Beaune et Thomas Bohier429. Sous Louis XII, le futur chancelier Duprat fait
appel aux généraux lorsqu’il doit avancer des fonds pour obtenir un office de maître des
requêtes430. Quant aux emprunts de Chabot à Pierre d’Apestéguy ou Jehan Sapin, ils
servent peut-être à l’amiral pour soutenir financièrement son roi431.
133 Si l’on croise la liste des prêteurs au roi et celle des débiteurs de l’officier pour lequel on
dispose des informations les moins mauvaises, Morelet de Museau, huit noms sont
communs aux deux séries. Mais pour deux d’entre eux, toute corrélation est impossible :
l’évêque Jean de Langeac ne prête au roi qu’en 1539 et Morelet est mort dix ans plus tôt.
199
De même, le brodeur du roi tourangeau Girard Odin n’avance des fonds qu’en 153 2 432. Un
troisième, l’évêque Menault de Martory, est peu probable, car ses relations avec Morelet
sont de 1513, et son premier prêt au roi de 1521433. Pour quatre autres, on entre dans le
domaine du possible. Avec Laurent Meigret, commissaire des guerres puis valet de
chambre du roi avant d’être poursuivi pour hérésie434, et Jean-Albert Merveille
(Giovanalberto Maraviglia), juriste italien et gentilhomme de la Maison du roi 435, l’activité
en Suisse a servi de dénominateur commun. S’y ajoute, pour Laurent Meigret, des liens
étroits entre Morelet et l’un de ses frères. Nicolas Le Coincte, déjà évoqué comme prêteur
est débiteur de Morelet dès 152 1436. Pierre Violle, qui acquiert un office de conseiller au
Parlement en 1522, doit 400 écus à la succession437. Reste un cas où la corrélation est quasi
certaine, celui des Gayant. Loys, marchand drapier et bourgeois de Paris, achète un office
de conseiller au Parlement de nouvelle création pour son fils et homonyme et, dans le
même temps, emprunte 1 400 lt. à Morelet et lui cède 50 lt. de rente pour un capital de
600 lt.438. Hormis ce dernier cas, qui paraît solidement fondé, les autres rapprochements
ne sont que des hypothèses fragiles. Du moins note-t-on au passage la diversité sociale
des personnages concernés.
134 Les officiers de finances sont eux aussi des créanciers de la monarchie. Que leur argent
s’engloutisse dans les caisses royales directement ou via un maillon intermédiaire, la
question de l’origine des fonds se pose de nouveau. A de rares exceptions près, les
avances des officiers de finance restent assez réduites et leur fortune propre en terres, en
rentes et en revenus d’offices peut en théorie leur permettre de faire face aux exigences
royales. Sans qu’il soit question de se lancer dans une étude fouillée des patrimoines 439, il
est cependant possible d’affirmer que la plupart des officiers concernés - qui sont souvent
les plus en vue - possèdent des revenus annuels très importants, atteignant sans
difficultés 5 000 à 10 000 lt.440. On peut donc les créditer d’une importante thésaurisation.
Mais seuls les circuits du crédit nous retiendront ici.
135 Les limites de l’information disponible, qu’elle provienne des archives monarchiques ou
notariales, entraînent de sérieux problèmes de méthode. Comme on vient de le voir avec
Morelet de Museau, elles circonscrivent terriblement les croisements de données. Elles
compliquent donc, pour les officiers de finance, l’étude du crédit. Il est difficile d’avoir la
certitude qu’on ne compte pas deux fois les mêmes prêts. Ainsi, lorsque Semblançay et les
généraux sont dissociés pour les garanties, comment ne pas craindre des chevauchements
quand on sait par ailleurs que leurs cautions sont parfois requises pour une même
avance ? Distinguer parmi les fonds que les officiers fournissent est plus délicat encore :
qu’est-ce qui vient d’eux, des marchands-banquiers ou d’autres sources ? Lorsque de
l’argent est versé à Thomas Gadaigne « en l’acquict de Henri Bohier », on suppose
logiquement qu’il y a dû avoir un prêt fait auparavant par ce dernier sous son nom et
dont les fonds provenaient en fait de Gadaigne441.
136 Cette relation où le capitaliste est le marchand-banquier et le paravent l’officier semble la
plus logique. Malheureusement, elle est réversible. Thomas Bohier est ainsi créancier de
Robert Albisse pour 29 500 lt. en 1522442. L’emprisonnement d’Albisse suit de près celui de
Jaques de Beaune, baron de Semblançay « parce qu’il estoit de l’alliance et qu’il
s’entendoit avec ledict de Beaulne et qu’iceluy de Beaulne luy bailloit grosse somme de
deniers qu’ilprestoit au Roy à intérest, et néanmoins c’estoit le dict de Beaulne qui en
prenoit les proufitz »443. Les « explications embarrassées » (pour reprendre l’expression
de Roger Doucet) que donne Semblançay dans son interrogatoire sur la destination de
certains intérêts semblent corroborer ce fait444. L’hypothèse la plus vraisemblable dans ce
200
cas est que Semblançay prêterait au roi son propre argent, moyennant intérêts, en jouant
sur les grosses sommes appartenant au Trésor qui passent dans ses caisses 445. Une
commission financière qui fait un rapport sur la situation en Bretagne évoque cette
possibilité pour l’ensemble des comptables. Elle est permise par une rétention prolongée
des fonds royaux : « Peult estre que eulx mesmes au nom de quelques bancquiers
rebaillent au Roy son propre argent à intérest, pour quoy ne fault estre esbahy si
soudainement ils sont riches »446. Utiliser à son profit les fonds publics dont on a la
gestion est évidemment absolument illégal. Mais ce délit s’apparente à une compensation
quand il est commis, comme c’est le cas avec Semblançay, par un créancier de la
monarchie lui-même en mal de règlement financier.
137 Pour de telles opérations, le recours à des prête-noms est évidemment indispensable. S’il
faut en croire accusateurs et rumeurs, Semblançay s’est acoquiné en ce domaine avec des
Italiens de Lyon. Mais, son cas excepté, l’existence de ce type de relais est très rarement
attestée, y compris dans le Minutier Central, pourtant propice à ce genre de documents.
Le 28 août 1540, noble et scientifique personne maître Arnoul Ruzé, conseiller au
Parlement et aux requêtes du Palais, vient témoigner que les 2 500 lt. prêtées par lui à
Jehan Sapin, receveur général de Languedoïl, le 12 août 1527, appartenaient en fait à
Gaillard Spifame, trésorier de l’Extraordinaire des guerres. Le lendemain, honorable
homme sire Guillaume Parent, marchand et bourgeois de Paris, vient faire une semblable
déclaration concernant un prêt de 14 700 lt. datant du 5 avril 1528447. Encore n’a-t-on
aucune certitude que Sapin ait utilisé ces fonds pour le service du roi. Mais c’est la seule
occurrence où les prête-noms des officiers de finance - il s’agit ici de deux oncles de
Spifame - apparaissent clairement pour un possible crédit envers la monarchie.
138 Mais, s’ils ne se dissimulent guère, cachent-ils pour leur part derrière eux de « vrais »
prêteurs ? La question se pose ici de leurs rapports avec les dominants : sont-ils à leur
tour hommes de paille ? Le système que les travaux de Françoise Bayard et Daniel Dessert
ont mis à jour pour le XVIIe siècle, avec sa cascade de relais qui masquent en définitive les
plus grands noms du royaume, ne semble pas fonctionner dans la première moitié du XVI
e
siècle. Le seul cas « litigieux » connu est celui de Thomas Bohier : son fils et héritier
Anthoine doit rendre compte en 1528 de 48 000 lt. appartenant à Lautrec, somme dont
son père a eu l’administration448. De là à le voir investir cet argent dans les affaires
financières, en le prêtant par exemple à Robert Albisse comme on l’a vu plus haut, il n’y a
qu’un pas que l’on est fort tenté de franchir. Mais cela reste du domaine de l’hypothèse et
surtout il ne s’agit que d’un cas isolé : quand les grands officiers de finance sont en
relations d’argent avec l’aristocratie, c’est presque exclusivement comme créanciers
qu’ils apparaissent. Lorsque Ménault de Martory, évêque de Tarbes, évoque en 1548
l’argent et la vaisselle fournis en 1521 au général de finances de Milan Geoffroy Ferrier, il
est directement question du « prest par luy fait […] au feu Roy françoys ». Martory ne
s’abrite pas derrière Ferrier et ne se retourne pas contre lui ni contre ses héritiers 449.
139 Pour estimer que les officiers de finance ne relaient ni ne dissimulent les grands de ce
monde lors des prêts au roi, il faut s’appuyer sur des arguments fragiles, mais dont la
concordance emporte, à mon sens, la conviction. L’essentiel repose sur le fait que les
sources sont muettes sur cet aspect. En particulier les sources notariales, abondamment
parcourues. Celles-ci, qui servent tant pour percer les secrets financiers au XVIIe siècle en
ce domaine, ne livrent rien ou presque au chercheur un siècle plus tôt. Et pourtant les
prête-noms existent bien à cette époque : ils sont légion dans les minutes dès qu’il s’agit
d’achats de terre ou de rente. Il faut donc conclure qu’en matière de prêts, la pratique est
201
peu répandue, et quasi inexistante pour ce qui touche aux relations entre les officiers de
finance et les dominants. Ces derniers, faut-il le rappeler, sont directement impliqués
dans les rudimentaires circuits du crédit d’une monarchie qui n’a pour l’heure que des
besoins limités.
140 Derrière les officiers, on repère cependant quelques capitalistes. Mais ce sont avant tout
les maîtres du crédit des places parisiennes et lyonnaises. Lorsqu’Estienne Besnier, en
1530-1531, s’assure le contrôle de la recette générale des finances d’Outre-Seine, il promet
beaucoup au roi. Duprat, sachant qu’il s’est engagé pour une avance de 30 000 écus pour
la rançon, affirme le 17 mars 1530 qu’« il n’est pour fournir si gros deniers sans grands
intérestz »450. Or quels sont ceux qui, au détour des minutes, apparaissent comme ses
bailleurs de fonds en ces années ? Des noms connus resurgissent : ceux d’Estienne
Delange et de Jaques Pinel451. S’y ajoute celui de Jacques Lasneau (ou Lagneau), marchand
lyonnais : en 1530, Thomas Parent, un des clercs de Besnier, conduit de Paris à Lyon
« certaine quantité de vaiselle d’argent et icelle vaiselle baille à Jacques Lasneau […] pour
sur icelle empruncter aucune somme de deniers pour fournir aux affaires dudict Besnier »
452
. Lorsque les héritiers de Gaillard Spifame évoquent la situation financière de leur père,
ils ne manquent pas de souligner l’existence des « debtes du feu général […] qui montent
à plus de quinze mille livres, à Jehan Brisse, Ménisson de la ville de Troyes et plusieurs
autres »453. Avec Jehan Brice, on est de nouveau en pays de connaissance. Quant à Jaques
Ménisson, receveur des aides et tailles à Troyes, il se rattache au monde des grands
marchands de la ville454. Semblançay enfin sert bien parfois de prête-nom mais, quand ce
n’est pas pour les marchands-banquiers lyonnais ou parisiens, c’est pour Gabriel Miron et
Bernard Fortia qui avancent sous son nom 30 300 lt. à Jehan Prévost, trésorier de
l’Extraordinaire des guerres (entre 1522 et 1524). Miron, médecin du roi, est le beau-père
de Fortia, marchand à Tours, mais aussi celui de Prévost. La présence de Semblançay sert
à dissimuler le caractère quasi familial de la transaction455. On peut certes se demander,
comme pour les marchands-banquiers, s’il y a encore « quelqu’un » derrière tous les
personnages que l’on vient d’évoquer. Si cela est, il faut à mon sens songer à des relais
familiaux ou au placement d’économies de gens de niveau moyen plutôt qu’à des prélats,
des maréchaux et des ministres. Sans oublier que les fonds mobilisables grâce aux
activités économiques des personnes impliquées sont loin d’être négligeables.
141 Reste le dossier Semblançay, et tout ce que dévoile encore la procédure contre lui et au
sujet de ses biens. Lorsque ses comptes sont sur la sellette, il se défend en affirmant qu’il
« n’a eu charge comptable, ains seulement a fourny, […] pour les grans et urgens affaires
du royaume tout ce qu’il a peu, tant de luy, de son crédit, que amys ». Il insiste sur le fait
qu’il « a porté et porte interestz sur luy pour grosses sommes »456. Ce souci obsédant de
ses créanciers est présent dans l’ultime lettre qu’il adresse à François Ier le 9 août 1527.
Elle rappelle tant de formules testamentaires touchant aux dettes privées : « Vous plaise
me faire acquicter pour ce que j’ay empruncté pour votre service »457. Mais qui est en
cause, en dehors des marchands-banquiers ? Dans sa garantie du 4 novembre 1521, le
souverain évoque l’argent que Semblançay doit « tant aux bancquiers à Lyon, Paris et delà
les monts que à plusieurs particulliers, gens d’église, gentilshommes, bourgeois,
marchans et autres personnaiges de notred. Royaume »458. Contrairement à celle des
généraux qui ne concerne que marchands et banquiers, cette garantie-ci laisse les
prêteurs dans un discret anonymat. Les déboires de Semblançay permettent de retrouver
certains de ses créanciers. Mais ceux qui sont ajournés peu après sa mort appartiennent
soit au monde de la banque lyonnaise soit à celui de l’Argenterie tourangelle459 Il y a de
202
très nombreux opposants aux criées des biens, parmi lesquels « infinité de créanciers »
mais on ignore la plupart de leurs noms : ceux qui ont laissé trace sont soit des parents
soit des officiers de finance460, à l’exception des héritiers d’Anthoine Robert, notaire et
secrétaire du roi et greffier criminel du Parlement de Paris461. On cherche donc vainement
les gentilshommes et gens d’église, qui n’hésitent pourtant pas, un siècle plus tard, à se
manifester en pareilles circonstances462. La formule de la garantie relevait-elle de la
simple clause de style ? On sait malgré tout que Semblançay est en relations d’affaires
avec la noblesse, avec Ymbert de Batarnay, les La Trémoille ou la duchesse de Nemours 463.
142 Mais, à l’exception peut-être du prêt de Louis II de la Trémoille, rien ne dit que ces grands
noms aient apporté leur pierre à l’édifice du crédit qui justifie la garantie. Batarnay tout
d’abord prête directement au roi. Pour la duchesse de Nemours, Semblançay n’a été que
caution. Quant à madame de Taillebourg, belle-mère de Louis II, elle a fourni de la
vaisselle dans le cadre des prêts demandés par le roi en 1515-1516. Certes, en tant que
tuteur de René de Batarnay, Semblançay est, avec le Bâtard de Savoie, à l’origine du prêt
post mortem des liquidités du grand-père Ymbert en 1523464. Mais, ici encore, il n’y a
aucune dissimulation. Notons au passage que les tutelles, grâce aux fonds qu’elles
permettent de manier, peuvent être de fructueuses sources de liquidités pour les gens de
finance465. La seule trace du clergé est une possible utilisation par Semblançay, pour ses
affaires, des revenus des bénéfices de son fils Martin466. Mais ce que l’on voit fonctionner
ici, ce sont des réseaux familiaux et amicaux qui n’ont rien à voir avec l’activité
« bancaire » que l’on a pu parfois prêter à Semblançay. L’escompte des assignations en
revanche est très probable, quoique difficile à prouver467. Pour le rassemblement du
crédit, si quelques dominants prêtent avec un intermédiaire, ce dernier est sans doute à
chercher plus du côté des marchands-banquiers lyonnais, comme semblent le suggérer
les rares informations concernant le Grand Parti, que du côté des officiers de finance.
143 Mais, en définitive, je crois être en mesure d’affirmer que les dominants, « intéressés » au
XVIIe siècle dans les affaires de finances, ne le sont guère dans la première moitié du 16 e.
La place réduite des fermes et des traités l’avait laissé pressentir. Leur faible rôle dans
l’appareil du crédit, sinon bien sûr comme prêteurs contraints impliqués d’autorité par le
souverain, le confirme. De plus François Ier ne sollicite qu’un cercle étroit. Ces avances
sont donc à la mesure des besoins de la monarchie, des comportements du temps et peut-
être aussi des possibilités financières de groupes sociaux forts riches en capital
immobilier, mais souvent peu fournis en métaux précieux, hormis ceux que la monarchie
elle-même leur permet d’amasser468. Ainsi le système du crédit de l’époque, en raison
même de son caractère rudimentaire, et malgré les lacunes documentaires, est-il d’une
« visibilité » élevée.
2. Face à la demande
144 Cette visibilité est liée au caractère de contrainte qui pèse sur le crédit. Lorsque Louis XII
demande une avance à ses officiers comptables, il menace les intéressés, en cas de
réticence, de suspension de leur office jusqu’au versement du « prêt »469. Quand Jean de
Cardailhac, abbé d’Aurillac et de Belle-garde, est sollicité, une commission pour saisir ses
deniers, joyaux et meubles est décernée. Elle sera mise en œuvre s’il fait montre de
mauvaise volonté. En 1542, Girard de Vienne ayant refusé de prêter 3 000 lt., les terres du
domaine qui lui avaient été engagées précédemment sont réunies d’autorité470.
203
Concernant les villes, le maréchal de Brissac, en 1554, est très clair : elles doivent accepter
de bon gré d’avancer des fonds, mais, de toute manière, « si le prince et l’Estat venoient à
décliner vers le mal, […] lors faudroit-il faire par force ce qui pouvoit aujourd’huy estre
doucement et gracieusement faict »471. Pour faire rentrer les fonds, l’activité est intense.
Duprat « fait dresser les acquits et lettres missives qui sont nécessaires pour l’emprunt
des parties du rôle que le Roi a signé […] ; il est nécessaire que le Roi députe quelques
gentilhommes qui viennent exprès de par lui pour parler aux personnages et leur faire
requête dudit prêt »472. Ces demandes, surtout lorqu’elles touchent les provinces,
entraînent une impressionnante production de papiers administratifs : Jehan Duthier,
clerc du secrétaire des finances Jehan Breton, est ainsi rémunéré pour l’envoi de douze
cents lettres missives relatives aux emprunts473. Selon son statut, on peut « aider » le roi
selon des modalités différentes. Pour empêcher que le contrôleur général de l’artillerie Le
Moyne ne soit cotisé à un emprunt parisien, un des arguments de Montmorency consiste
à souligner qu’il est de « ceulx desquelz le Roy peult estre secouru et aydé à toutes heures
qu’il lui plaira »474. Au bourgeois taxé répond le serviteur du roi aux armées, toujours
disponible. Quand on appartient, comme Le Moyne, aux deux catégories, l’intervention du
grand maître n’est pas de trop pour réduire la pression.
145 Parmi les grandes levées parisiennes, celle de 1521-1522 sur la vaisselle et celles qui sont
liées aux rentes sur l’Hôtel de Ville ont déjà été évoquées. En décembre 1526, Anthoine
Juge est remboursé pour les frais d’un voyage à Paris et Rouen pour emprunter 40 000
écus aux officiers et bourgeois des deux cités475. Un prêt par cotisation est levé dans la
capitale en mars 1537, dont on garde trace grâce à vingt et un mandements de
remboursement476. Ils concernent, pour des sommes rondes comprises entre 50 et 500
écus, une demi-douzaine de marchands et bourgeois de Paris, un procureur et un avocat
au Parlement, le trésorier des chartes et surtout une douzaine d’officiers de justice, avant
tout des parlementaires, mais aussi un président à la Chambre des comptes et un général
des monnaies. Il ne s’agit que d’une partie des victimes, comme en témoigne une lettre du
président Gentil au chancelier, datée du 27 février. Gentil y évoque les 10 000 écus qu’on
attend de lui et se lamente car « on ne demande à monseigneur de Villeroy [Nicolas de
Neufville] à prester que cinq cens escuz qui néantmoins peult donner au Roy XXV fois
aultant »477. Mais il est difficile de délimiter précisément les catégories touchées.
146 On connaît avec plus de précision, au moins pour certains d’entre eux, une série
d’emprunts taxés répartis sur les cercles dirigeants, une partie du haut clergé, de grands
officiers de justice et bon nombre des officiers de finance du niveau central. La pratique
n’est d’ailleurs pas neuve478. Les difficultés de la fin du règne de Louis XII nous valent une
liste de ce type en 15 1 2479. Sous François Ier, trois autres sont bien connues pour 1527,
1528 et 153 1480. Celle de 1521 est elliptique481 et celle de juin 1537 incomplète 482. Une
septième, 213 dans les années 1530-1535 n’est connue que par allusion483. C’est donc lors
de la période où le secours des marchands-banquiers fait défaut à la monarchie que ce
procédé fleurit. Il y a là, à coup sûr, plus qu’une coïncidence. On n’en trouve plus trace en
revanche pour les dix dernières années du règne qui voient le retour des prêteurs
lyonnais.
147 Il est possible de ventiler les fonds en fonction des catégories concernées pour quatre
séries, les chiffres correspondant aux pourcentages de la valeur fournie.
204
148 Chaque année a sa spécificité : en 1512 le monarque qui prête sur son patrimoine propre,
en 1527 la place des officiers de justice, en 1528 le poids relatif de deux corps d’officiers
(Chambre des comptes et Cour des monnaies) et en 1531 la présence de deux banquiers
pour une somme importante. La position des officiers de finance reste, malgré les basses
eaux de 1527, particulièrement importante. En 1531, si l’on met à part les banquiers, leur
participation retrouve son taux « normal », avec 61,2 %. Groupe dirigeant et haut clergé
suivent en appui, pour 20 à 25 % de la somme totale, 35 % en 1527. Le reste est affaire de
détail ou de conjoncture. Les fonds demandés en 1512 (295 500 lt.) et en 1531 (172 833
écus) sont bien supérieurs à ceux qui sont sollicités en 1527 (75 500 écus) et à ceux qui
sont effectivement obtenus en 1528 (121 530 lt.).
149 Grâce à une documentation particulièrement riche, il est possible d’avoir une idée des
rentrées du prêt de 1531484. L’établissement de la liste initiale date sans doute de juin485.
Dès le 21 août, les ambitions sont révisées à la baisse : 130 200 écus seulement sont
dorénavant attendus des emprunts. Le 3 octobre, 36 819 écus ont été versés 486. A cette
date les parties à venir considérées comme sûres se montent à 57 218 écus, y compris
25 000 écus de Robert Albisse487. En revanche, par rapport à la liste de départ, le Conseil
estime que 52 800 écus ne relèvent pas d’un prompt recouvrement. De fait, aucun des
prêts placés dans cette catégorie ne figure parmi les mandements de remboursement.
Ceux-ci, du moins ceux dont on garde trace, se montent à 136 340 lt., prêt d’Albisse exclu
488. Si l’on additionne les parties reçues le 3 octobre et celles qui sont jugées sûres à cette
date, toujours hors Albisse, on atteint 69 037 écus, soit, au cours légal, 138 074 lt.. La
proximité des deux chiffres montre que les jugements portés le 3 octobre étaient
pertinents et se vérifient globalement. En définitive, il a fallu en rabattre encore de près
de moitié par rapport aux espoirs du 21 août. Est-ce un hasard si ces chiffres ultimes nous
ramènent presque au niveau des prêts effectifs de 1528 ? Ainsi peut-on juger des limites
de la contrainte, quand les demandes aux prélats passent de l’écu à la livre ou quand les
officiers de finance ergotent sur leur cote ou leurs disponibilités.
150 En effet, si bien des « prêteurs contraints » montrent malgré tout une certaine célérité
dans le versement489, un nombre appréciable d’entre eux traîne les pieds. Yves Brinon, en
mai 1522, persiste dans son refus de prêter six marcs d’argent au roi, malgré plusieurs
semonces, car il y met comme condition la délivrance d’une obligation du trésorier
Morelet, ce à quoi se refusent les commissaires à l’emprunt, président Guillart en tête490.
Si, le 22 avril 1538, les villes qui ont payé leur quote-part de la levée pour les hommes de
pied sont dispensées de verser le solde des emprunts antérieurs, c’est bien qu’une partie
de ces derniers reste encore à recouvrer491.
151 Le cas du trésorier de France Pierre Legendre illustre les divers procédés dilatoires
utilisés par les « prêteurs contraints »492. Tout d’abord, ils sont loin de répondre à la
205
première sommation. Pour obtenir 10 000 lt., François Ier écrit à son trésorier le 22 juin
1524 d’Amboise, puis le 10 juillet de Blois et enfin le 18 de Romorantin. Une autre cote de
l’inventaire des papiers de Legendre fait état de sept lettres missives écrites par le roi, le
Bâtard de Savoie et Semblançay au sujet du prêt d’une somme identique. Il ne s’agit sans
doute pas de la même opération car, au milieu de 1524, Semblançay est définitivement
hors jeu sur le plan financier. Ce sont vraisemblablement les préliminaires débouchant
sur l’octroi de 7 500 lt. au début de 1522. 7 500 lt. et non 10 000, malgré l’insistance des
demandeurs. C’est pire encore en 1524 puisque le trésorier ne fournit que 3 000 lt., pour
lesquelles il reçoit le 9 août une quittance du trésorier des finances extraordinaires.
Legendre obtempère donc, mais pour une partie seulement de ce que souhaitait le roi. Or,
la veille, le 8 août, un mandement de remboursement à son bénéfice a déjà été émis par le
trésorier de l’Épargne. N’est-ce pas à cette condition qu’il a accepté de fournir ce petit
tiers de la somme requise ? Il est vrai que mandement n’est pas remboursement, même
quand on est trésorier de France. Lorsque Legendre meurt, en février 1525, il est
créancier du roi pour 12 500 lt., 9 500 livres prêtées sans doute en 1523 s’ajoutant aux
3 000 lt. de sa dernière contribution. Cet argent est toujours dû en septembre 1529 ; dix
ans plus tard, au début de 1539 un nouveau mandement de remboursement pour les
3 000 lt. est émis, qu’on espère plus efficace que le précédent493. Les réticences initiales de
son serviteur n’ont donc pas empêché le roi de le faire contribuer. Est-ce la disparition de
Legendre qui fait traîner ainsi le remboursement ? Il est permis d’en douter puisque son
principal héritier n’est autre que Nicolas de Neufville, alors fort bien en cour. En fait, les
difficultés de remboursements de la part de la monarchie, comme on le verra bientôt,
sont une constante.
152 Le crédit offert au roi par les « prêteurs contraints » n’est cependant pas pour eux une
opération entièrement négative, y compris sur le plan financier. En effet, même s’il s’agit
plus de dédommagement que de rémunération du capital, dans de nombreux cas la
monarchie indemnise ses créanciers. Le 14 janvier 1523, le monarque intervient de façon
à ce que ceux qui lui ont prêté en Languedoc « feussent satisfaictz et paiez des pentions et
rentes qui leur ont esté ou seront assignez »494. Si Duprat se croit obligé de préciser dans
une lettre au roi que « les avances qu’[il fait] faire sur [sa] prière se font sans payer
aucuns interestz », c’est que cela est loin d’être la règle495. Pour l’époque de Charles VI,
Maurice Rey évoque des emprunts forcés « qui ne rapportaient rien, cela va sans dire, à
ceux qui les souscrivaient, que des dons occasionnels »496. Cette ultime restriction, selon
la forme qu’elle prend, peut transformer une exaction mal tolérée en une (relativement)
bonne affaire. Ainsi Nicolas Le Coincte devenu général des monnaies reçoit-il, après un
prêt de 30 000 lt. en 1529, deux offices de conseillers au Parlement de nouvelle création
« pour récompense du service fait »497. Ainsi Ymbert de Batarnay, qui fournit des fonds à
Louis XII puis à François Ier se montant au total à 12 000 ou 12 200 lt., jouit-il du revenu du
grenier à sel de Loches, soit 600 lt. par an, ce qui représente un profit annuel de 5 %498.
Profit modeste, qui correspond à la rentabilité théorique de la terre, et reste nettement
inférieur à celui de la rente, mais profit tout de même.
153 Mais n’est-il pas un peu abusif, dans ce dernier cas, d’établir un lien direct entre les deux
opérations ? Les Clèves-Nevers, dont on ne sache pas qu’ils prêtent au roi, n’en sont pas
moins bénéficiaires d’amples largesses sur les greniers. Il est vrai que leur statut de
grands feudataires explique sans doute qu’ils fassent l’objet d’un traitement de faveur.
206
Bien des cas de profits n’en sont pas moins ambigus. Ainsi des mandements de
remboursement qui font suite au prêt taxé de 1531 déjà évoqué. Ceux qui ont fourni des
écus sont assignés, en livres tournois, pour un montant supérieur au cours légal qui est de
40 st par écu. A titre d’exemple, le chancelier Duprat qui a avancé 10 000 écus, doit
recevoir 21 500 lt., l’évêque de Chartres 1 290 lt. pour 600 écus, celui d’Autun 2 200 lt.
pour 1 000 écus. Est-ce tout simplement parce que, pour acheter les belles pièces d’or qui
se négocient au-dessus du cours légal, ils ont eu une perte équivalente ? Cela est possible.
L’écu au soleil, qui vaut au cours marchand autour de 41 s. 6 dt au printemps de 1530 lors
du rassemblement de la rançon, coûte 44 s 1 dt en 1531 au responsable des pensions
anglaises499. Cependant, aucune certitude n’est possible, car les fournisseurs d’écus ont pu
en fait les extraire de leurs bas de laine et non les acheter. Cela semble probable pour
Duprat, dont on connaît les capacités de thésaurisation. Dans ce cas, leur profit serait une
prime à la fourniture d’espèces d’or. Autre cas embrouillé, cette fois-ci à cause de la
documentation, celui d’un prêt de 60 000 lt. par la ville de Lyon en 1542. L’assignation de
remboursement faite par Tournon porte sur l’aide de deux écus sur les étoffes génoises
entrant dans le royaume. La ratification royale semble entériner cela et prévoir des
versements par quartier de 5 000 lt. sur trois ans. Aucun intérêt n’est évoqué. Or le
chroniqueur lyonnais Jean Guéraud affirme que le roi « entend donner dix pour cent par
an de prouffict, assignant le tout sur la gabelle des deux escutz pour pièce d’entrée de
vellours de Gênes »500. L’un des deux documents est-il erroné ? Rien ne permet de
l’affirmer. Pour tenter de les concilier, une seule solution : la ville n’aurait pas versé
60 000 lt., mais 54 000 lt. en fait, bénéficiant d’une « ristourne » de 10 %, soit deux sols par
livre501 ? Richard Gascon permet d’envisager une autre solution, celle de la concession
pure et simple à la ville du droit des deux écus pendant trois ans, lui assurant sans doute
un profit, mais ici aléatoire502.
154 Certains documents en revanche ne laissent aucun doute sur l’existence d’intérêts pour
les « prêteurs contraints ». C’est le cas des moins contraints d’entre eux bien sûr, les
prêteurs suisses en particulier503, mais aussi des détenteurs de rentes sur l’Hôtel de Ville
ou des créanciers de Semblançay. Cependant une bonne part de ces derniers ne sont
qu’indirectement rattachables au crédit contraint. L’emprunt des trésors des églises en
1522 offre un cas limite puisque François 1er va jusqu’à proposer des intérêts aux
communautés dépouillées en « leur donnant prouffict à raison de cinq pour cent ». Le
chapitre cathédral de Reims refuse cette offre : il n’aurait plus manqué que les clercs
fissent trafic d’un trésor dont ils ne se disent pas même propriétaires, mais simples
gardiens504 ! De toute façon, il est bien d’autres procédés pour tirer profit des avances que
la simple et directe rémunération du capital. On peut prêter en échange d’une concession
royale, privilège pour une cité ou au détriment d’une autre, s’il faut en croire la rumeur
lyonnaise concernant le désir des Parisiens de borner les privilèges des foires. Prêter
donne aux officiers du roi un poids et une stabilité accrus et facilite la transmission
héréditaire. C’est aussi un excellent moyen de s’assurer les bonnes grâces du souverain.
Nicolas de Neufville précise à Montmorency que, pour la rançon, il a « faict dilligence de
[son] costé d’assembler les X m escuz qu’[il a] promis au Roy, lesquelz [a] fourniz tous en
escuz soll. […] dans un beau sac de cuyr tout neuf ». Sa péroraison est sans ambiguïté : « Je
vous supplie monseigneur en advertir le Roy et madame car je désire qu’ilz entendent que
je ne veulx estre des derreniers à faire mon debvoir ». Suit alors immédiatement une
demande de don de draps de soie confisqués…505
207
155 Dans les derniers siècles du Moyen Age, l’octroi de crédits au roi apparaît parfois comme
un choix délibéré d’une partie des classes dirigeantes. C’est un bon moyen d’éviter l’impôt
en fournissant immédiatement au souverain les fonds dont il a un besoin urgent avec, à la
différence de l’impôt, des intérêts parfois et surtout l’espoir d’un remboursement
d’autant plus probable qu’on est élevé dans la hiérarchie sociale506. C’est en particulier le
cas des officiers de justice, qui prêtent en sollicitant l’exemption de taille507. Mais si
certains avantages ont pu être conquis dans une période antérieure, la situation dans la
première moitié du XVIe siècle paraît moins propice : les villes, les clercs et les officiers
sont, selon des modalités diverses, à la fois de plus en plus imposés et en même temps
toujours soumis à l’emprunt. Mais ils conservent malgré tout une situation bien plus
favorable que les simples taillables508. Aussi peut-on prendre à rebours la question des
liens entre crédit et « privilèges ». Plutôt que de voir dans ces derniers une « conquête »
obtenue grâce au crédit, on peut se demander si la monarchie, devant ses propres
difficultés à emprunter, n’est pas tenue de garantir par des privilèges le crédit de corps et
communautés qui, à leur tour, lui consentent des avances509. Relation dialectique donc
entre le pouvoir et les classes dominantes en ce domaine.
156 Les « victimes » du crédit contraint conservent donc une certaine marge de manœuvre
face au pouvoir royal. Mais elles ne peuvent se dispenser de participer. Cette
participation est le plus souvent directe et peu médiatisée. En ce domaine, l’État de
finance de la Renaissance apparaît beaucoup plus transparent dans son fonctionnement
que celui du XVIIe siècle, même si l’on ne peut totalement exclure l’existence de réseaux
souterrains que la documentation disponible ne permettrait pas de mettre à jour. Cette
transparence relative trouve son explication dans le fait que l’impact socio-financier de la
monarchie et de « l’État moderne » en gestation reste pour l’heure assez réduit. Le crédit
contraint permet cependant de faire face à bon nombre d’urgences et de pallier les
insuffisances et les ratés du crédit procuré par les marchands-banquiers. Au niveau
central, il semble tenir une moindre place à la fin du règne, alors même que se développe
un important marché financier « public ». Dans le même temps, les prêteurs contraints
d’Italie et de Suisse ont disparu. Véritable relais ou simple erreur d’optique causée par la
réduction de la documentation disponible ? N’y a-t-il pas dans les années 1540 diffusion
de la demande de crédit contraint au niveau provincial voire local ? Des études plus
précises permettront de le déterminer. Quoi qu’il en soit, les sollicitations ne
disparaissent jamais, et ceux qui, en tant que personnes privées ou que corps constitués,
ont du crédit, doivent parfois porter le fardeau d’intérêts que la monarchie rejette sur
eux, souvent il est vrai en contrepartie de certains avantages510. Le report des
engagements financiers de la monarchie, sur les dominants avant tout, se révèle alors une
pratique presque systématique.
157 « Tout paiement princier différé devenait une sorte de dette flottante »511. Donner tout
son sens à cette formule, c’est prendre la notion de crédit dans une acception beaucoup
plus large que celle qui se limite aux simples prêts au souverain. Une telle extension
s’impose : cette pratique est en fait extrêmement répandue et touche toutes les catégories
qui approchent l’État et s’impliquent peu ou prou dans son fonctionnement. « Mauvais
208
payeur », le souverain cherche à profiter largement des possibilités financières que lui
offrent ses sujets, de la tentation que représentent les fonds consignés en justice à la
quasi obligation faite aux agents de haut rang de gérer partiellement sur leur crédit
personnel les armées, les garnisons ou les ambassades. Pour le « créancier », cette
participation est d’autant plus impérative que sa proximité avec le pouvoir est étroite. En
servant le roi, il sait devoir s’attendre à y aller de sa bourse. Mais l’influence politique et
sociale est à ce prix.
158 Avant d’aborder les agents royaux, observons le sort fait à certains de ceux qui font appel
à la justice royale. Dans des affaires litigieuses, des fonds sont consignés jusqu’au
jugement définitif au greffe du tribunal concerné par la procédure. Ils sont le plus
souvent déposés aux mains d’un consignataire de justice qui en a la garde. A plusieurs
reprises, cet argent est « emprunté » par le roi, qui reprend ici une pratique
traditionnelle, attestée sous Louis XI ou Louis XII512. Dès l’automne 1515, François Ier y a
recours : les consignations du Parlement doivent être remises à Semblançay. La cour y
consent, « pourveu que iceluy de Beaune et les trois autres généraux des finances
obligeront eux et leurs biens et chacun seul et pour le tout au greffe de ladicte cour de
rendre et restituer lesdicts deniers comme deniers de justice »513. En septembre 1519,
6 100 lt. consignées à l’occasion d’un procès devant le tribunal du sénéchal du Maine sont
prélevées par Jehan Sapin, receveur général de Languedoïl514. Opération ponctuelle ou
trace isolée d’une mesure plus large, cette initiative étonne un peu en temps de paix. Rien
de surprenant en revanche à voir prendre une mesure d’emprunt de ce type à la fin de
décembre 1523515. Une nouvelle saisie, pour laquelle on ne dispose aussi que d’une
information isolée concernant le Parlement de Paris, se produit en juillet-août 1528516.
159 C’est pour les années 1537-1538 que nos renseignements sont les plus fournis. Le trésorier
de l’Épargne déplore le 11 avril 1538 de ne pouvoir envoyer des fonds d’Outre-Seine au
chancelier car les clercs du commis de cette recette lui « ont remonstré qu’il a convenu
rembourser les consignations qui avoient esté emprunctées l’année passée mesment [sic]
celles qui doivent revenir à madame de Nevers et à madame d’Estampes, à raison de quoi
ilz ne pevent comme ilz m’ont fait entendre riens faire porter par delà »517. En août 1537,
le responsable de l’Extraordinaire des guerres Martin de Troyes reçoit de Pierre
Thiersault, examinateur au Châtelet et de Thibaut Hotman, marchand bourgeois de Paris,
tous deux consignataires de justice, respectivement 15 000 lt. et 17 344 lt., pour l’armée de
Picardie518. L’argent remis par Thiersault provient de la consignation d’une partie de la
valeur de la seigneurie de Challeau, « adjugée par décret à hault et puissant sgr monsgr
Jehan de Bretaigne, duc d’Estampes et à dame Anne de Pisseleu sa femme » pour 42 000 lt.
519
. Parmi les fonds que détenait Hotman, 4 460 lt. concernent « le différend entre Loise
[Becdelièvre, veuve de Denis Duval] et autres au moyen de l’adjudication de la seigneurie
de la Corsillière », terre qui appartenait auparavant à Guillaume de Beaune520. Avec le
retour des guerres, à la fin du règne, le procédé refait surface : une déclaration du 25 mai
1544, en une période particulièrement difficile pour le roi, ordonne le versement aux
receveurs généraux des finances des fonds des greffes521. On garde trace de cette
procédure pour les sénéchaussées de Guyenne et Bazadais522.
160 La saisie des consignations nous est surtout connue par des procès mettant en jeu des
sommes importantes. Ceux-ci sont d’ailleurs seuls à même de procurer au trésor un
209
165 A nombre de ses agents, le souverain impose tout d’abord d’assurer leur propre entretien
lorsqu’ils sont à son service, en attendant leurs gages ou leurs pensions544. Antoine de
Lamet rappelle en septembre 1536 au chancelier que, depuis cinq mois qu’il a quitté la
cour pour le service de sa charge, il a toujours vécu à ses dépens « qui ont esté grans » 545.
Mais en outre, les serviteurs du roi sont sollicités à tout moment, pour des sommes
importantes ou réduites, pour des motifs variables à l’infini. C’est le notaire et secrétaire
Jean Barrillon qui avance dix-huit lt. pour le port d’une lettre du roi au chancelier. C’est
Catherine de Saint-Aubin, demoiselle de la maison de la Dauphine et de celle de
Marguerite de France, qui fournit soixante-sept lt. pour acheter une bordure de collet
d’or émaillée de rouge, ou Jean Bourcelot, archer des toiles de la vénerie du roi, qui
finance de ses deniers le rhabillage de soixante toiles. Ce sont enfin Montmorency et
Saint-Pol qui prêtent au roi quelques poignées d’écus, apparemment lors d’une partie de
jeu de paume546. Mais les demandes peuvent monter beaucoup plus haut : le premier
huissier de salle du roi, Anthoine de Conflans, a ainsi déboursé 7 500 lt. d’avances pour
des frais de voyages et pour des navires547. Les principales « victimes », cependant, se
recrutent parmi les ambassadeurs et les chefs de guerre.
a. Les ambassadeurs
166 Lors de leur envoi en mission, les représentants du souverain reçoivent souvent une
avance de fonds pour leurs frais à venir548. Mais l’expérience prouve que cela leur suffit
rarement. Dans l’attente d’un complément, l’ambassadeur doit y aller de ses propres
réserves d’abord, de son propre crédit ensuite. C’est un chœur de plaintes qui monte alors
vers le Conseil du roi. Lamet, en Suisse en 1521, se lamente : « Je ne scauroys remédier aux
affaires du Roy sans argent et, quelque chose que j’en aye escript, suis encore à en avoir et
si je n’en eusse eu du mien propre m’en feusse très mal trouvé »549. Tournon déplore en
1537 le sort des « pouvres évesques de Roddetz [Georges d’Armagnac] et de Lavaur
[Georges de Selve] qui sont en continuelle et grande despence sans avoir esté secouruz de
ce qui leur est deu long temps y a »550. Guillaume du Bellay intervient auprès de
Montmorency en faveur de son frère Jean, alors à Londres, pour « faire qu’on luy ordonne
le parpayement de ce qu’il a avancé qui monte en reste, outre les deux mile francs jà
ordonnez, II m V c XXVII lt. […] ce moys y compris, et s’il ne donne ordre de payer où il
doibt il ne trouve plus que luy veuille faire crédit »551. Même au Levant, les envoyés du roi
doivent s’engager, à l’image de Saint-Blancard552.
167 Lamet se résout mal à emprunter : « Je n’ay pas ung escu pour satisfaire [à mes
obligations], écrit-il au roi, et sera peu d’honneur pour vous qu’il faille ue j’empruncte de
l’argent pour mon vivre propre ou autrement. Si je n’en empruncte, seray contrainct de
saillir hors du pays »553. Si le pouvoir fait la sourde oreille, les ambassadeurs insistent à
l’envi sur la mauvaise image de la France que donne leur manque de fonds. « Il y a
longtemps que je n’euz argent », constate de Rome François de Dinteville dans une lettre
au cardinal du Bellay. Il ajoute : « Je vous lesse penser sy gens qui font volontiers bonne
chère comme moy et comme doibt faire ung ambassadeur d’un roy de France feront
grosses despenses ou nom ». S’il ne reçoit rien, il renverra en France la moitié de ses gens
« et ne retiendra] que six varletz, comme ung ambassadeur d’Urbin »554. Le règlement des
avances se fait lentement, souvent même après le retour en France555. Le plus souvent,
212
cela se fait en argent, plus rarement avec l’aliénation provisoire d’un revenu domanial 556.
Reste qu’on peut s’interroger sur l’éventualité d’« ardoises » laissées impayées par les
intéressés dans leur résidence étrangère. Georges de Selve, qui accompagne le pape à Nice
en 1538, est harcelé par ses créanciers, et ce d’autant plus qu’il ne doit pas retourner à
Rome557. Est-il sûr qu’il les contentera tous ?
168 Avec la guerre et les armées, les sommes en jeu sont bien plus considérables qu’avec les
ambassades. Le retard dans le versement des soldes constitue une première forme de
crédit forcé, qui a déjà été évoquée558. Pour soulager les troupes, mais également dans
d’autres cas de figure, les cadres sont contraints de s’investir financièrement. Pour bien
mettre en évidence l’étendue du phénomène, il me paraît nécessaire de fournir des
illustrations concernant des personnages dont les positions, quoique toutes
d’encadrement, sont très variées. C’est évidemment à la tête des armées que
l’engagement est le plus massif. L’année 1521, année difficile s’il en est, s’avère
particulièrement éclairante. Au Nord-Est, en août, le connétable de Bourbon, et le
maréchal de Châtillon qui l’accompagne, engagent leur vaisselle pour le ravitaillement de
Mouzon et Mézières. Lautrec en Milanais, si l’on en croit Le Ferron, nourrit les soldats
« du sien » pendant cinq mois. Lui et ses amis se sont « endebtez partout »559. En Guyenne,
Bonnivet manquant de fonds déclare au roi le 19 septembre : « Je y ay faict plus qu’il ne
m’a esté possible jusques icy mais je ne le puis plus continuer […] ; monsieur le général de
Normendie [Thomas Bohier] et moy y avons employé, nous, nos amys et crédit pour plus
de cent mil francs »560. L’amiral ne fournit d’ailleurs des fonds que lorsqu’il dirige des
troupes, comme en 1516 et en 1523-1524 en Milanais, avec respectivement des avances
connues se montant à 2 400 lt. et 7 000 écus561.
169 Pour ces chefs de guerre se pose rapidement le problème de la limite de leur crédit car,
comme l’écrit Bonnivet en 1521, « y faire davantaige, cela passe notre puissance ». Un tel
constat est fréquent. En 1528, Saint-Pol qui prend la tête d’une armée s’aperçoit qu’il lui
faut faire des avances pour accumuler des vivres. Sceptique sur ses capacités à mobiliser
des fonds, il s’en ouvre à Montmorency : « Vous scavez bien que en mon endrois je ne puis
faire cela »562. Bury, qui commande en Piémont en 1536, met en évidence combien une
telle fonction exige de solidité financière. Il est au regret de demander qu’on casse une
partie de ses troupes car, affirme-t-il, « je ne suis pas assez grant seigneur pour les
entretenir »563. Les responsables des provinces frontières, Bury le montre, sont
évidemment en première ligne. En Picardie, dans les années vingt, Vendôme est
fréquemment sur la brèche564. En Languedoc, face aux retards de solde des gens de pied,
Clermont, lieutenant général pour Montmorency, est « contrainct de leur préster de
l’argent de [sa] bource tant qu’[il peut] » en 1527-1528. En Champagne, lors de la difficile
période de 1524-1525, le comte de Guise, gouverneur de la province, avance 50 000 lt.
pour l’entretien des troupes565. Dans les différentes places fortes, les responsables font de
même : Hugues de Loges à Tournai en 1521 et du Lude à Saint-Quentin en 15 2 5566 ; le
comte de Pontresme à Pignerol en 1537 et le « vis gouverneur d’Ast » Pierre de Bérard peu
après567. D’où leur insistance pour obtenir le versement de leurs propres gages et
pensions. Comme le rappelle en 1536 le comte de Montrevel, gouverneur de Bourg-en-
Bresse, dans une sollicitation au chancelier : « Je vous assure, monsgr, que pour le service
du Roy je faiz icy une grande despense »568.
213
170 Sous les commandants en chef, les responsables d’unité sont aussi mis à contribution.
Dans sa vieille Histoire de l’administration de la guerre, Audouin rapporte une anecdote qui a
trait au règne d’Henri II. L’armée française en Italie est souvent abandonnée à elle-même.
Les capitaines de compagnies, faute de fonds, empruntent. Mais le crédit de ces officiers
inconnus étant insuffisant, le maréchal de Brissac a « la générosité d’être garant pour
tous », lui qui, par ailleurs, règle aussi directement certains fournisseurs569. Le garant
n’est sans doute pas inutile, mais l’augmentation du nombre des emprunteurs démultiplie
malgré tout les possibilités de crédit. Les compagnies d’ordonnance aussi bien que les
mercenaires nécessitent que leurs responsables directs s’impliquent570. Ce qui fait que
même les capitaines de lansquenets tels le comte Wolf en 1525 ou Christophe du Hastat en
1542 fournissent du crédit au roi de France571. Ils se retrouvent logés, ce faisant, à la
même enseigne que les capitaines suisses572. Il est possible que ces chefs de mercenaires
aient mis en place, parallèlement à un réseau de recrutement, un réseau de crédit pour
faire fonctionner leur « entreprise ».
171 En cas de besoin, les chefs d’armée ratissent le plus large possible. Un épisode est
particulièrement révélateur. Le roi a autorisé Enghien à combattre à Cérisoles, ce qui
provoque une ruée de nobles qui viennent à leurs frais participer à la bataille. Enghien, en
attendant que les fonds royaux, qui tardent à venir, lui parviennent, puise dans l’argent
qu’ils ont apporté avec eux, « car pour estre gens de maison, chacun avoit apporté le
fonds du coffre, lequel soudain mondict seigneur d’Anguien vuida de leurs boistes pour
contenter les soldats, attendant la venue de l’argent du Roy »573.
172 L’investissement dans l’effort de guerre est net au sein de l’encadrement, et il est
particulièrement marqué pour les membres du groupe dirigeant. Il y a donc, que ce soit
en campagne ou en garnison, des fonds que certains sont disposés à fournir aux
responsables militaires. En l’absence, pour l’heure, de documents explicites, il ne m’est
pas possible de donner des exemples de fournisseurs de crédit. En revanche, les
hypothèses plausibles ne manquent pas : outre les fonds propres qu’emportent avec eux
seigneurs et capitaines, auxquels on vient de faire allusion, l’argent peut être trouvé
auprès des officiers de finance qui accompagnent les armées, auprès des marchands,
changeurs ou banquiers de la région, et sans doute aussi auprès des autorités locales,
pour lesquelles le paiement des troupes est une (relative) garantie de tranquillité. En
définitive, c’est à n’importe quel chef de troupe que s’applique cette description du
condottiere : « Il se trouvait fréquemment obligé de puiser dans son propre capital ou de
contracter un emprunt auprès des banquiers, afin de payer ses troupes, en attendant le
versement si souvent tardif des arrérages dus par l’État employeur »574.
173 L’implication des agents locaux, au premier rang desquels figurent les gouverneurs ou
leurs lieutenants généraux, va parfois au-delà de l’effort de guerre. Langey en Piémont en
1538 contribue à approvisionner la province en blé. Martin du Bellay nous rapporte qu’il
« le fist […] à ses frais, de sorte que moy qui suis son frère en ay payé depuis sa mort
[1543] cent mille livres à un homme seul, en quoy il estoit en arrière. Mais il ne luy
challoit de la despence, moyennant qu’il fist service à son prince »575. Martin essaie ici de
présenter comme exceptionnel ce qui est le propre de tous les responsables à ce niveau.
Mais sans doute la plupart s’engagent-ils pour des sommes moindres. D’où, une fois
encore, le souci lancinant de toucher une pension fort utile pour rembourser les
créanciers. Ceux-ci prêtent en effet aux dominants en tant que particuliers, mais savent
fort bien que, derrière eux, c’est en fait l’appareil fiscal monarchique qui solde les
214
175 « L’emprunt royal a un caractère particulier : c’est un procédé fiscal. Il est souvent forcé,
mais généralement remboursable »579. Mais ce remboursement, quoiqu’effectivement très
généralement attesté, peut en lui-même prendre l’aspect d’un crédit imposé. En effet,
qu’ils aient été volontaires ou non, beaucoup de prêteurs ont avancé leur argent avec la
conviction ou du moins l’espoir d’un remboursement à une échéance donnée. La
monarchie elle-même fait des promesses. Duprat évoquant un 21 février une saisie de
consignation affirme sans ambages : « Cela ne porte interest à nully pource qu’ilz seront
remboursez dans le moys de may et cependant le différent qui est entre eulx sera vuydé
et led. sgr [roi] s’aydera de l’argent »580. Or, dans la pratique, les délais sont bien peu
respectés : sans avoir de certitude absolue, on ne peut qu’être sceptique face à la
promesse de Duprat d’un prompt remboursement quand on voit une consignation de 1519
assignée le 8 avril 1527, sept ans et demi après la saisie, ou encore un remboursement
donner lieu à un mandement en 1537, puis de nouveau en 1548581. La hantise du créancier,
c’est justement un remboursement « revocqué, rompu ou recullé […], les deniers […]
empeschez ou retardez »582. En effet les moyens de contrainte face au souverain font alors
grandement défaut583. Matériellement de plus, en l’absence d’un service de la dette un
tant soit peu structuré, le créancier ne sait trop qui et comment solliciter, sauf à rédiger
une supplique à l’intention du roi et du chancelier. Que l’Hôtel de Ville d’un certain
nombre de cités, Paris en tête, soit directement impliqué dans la gestion de la « dette
consolidée » en dit long sur les limites de l’administration royale en ce domaine. La
détention des fonds par le pouvoir pendant une période plus longue que prévue peut
donc s’analyser comme l’obtention, ici parfaitement forcée quelle que soit la nature du
prêt initial, d’un crédit supplémentaire.
215
a. Être assigné
176 Pour le créancier, la première étape qui conduit à la récupération de ses fonds, assortie ou
non d’un intérêt, est la possession d’une assignation sur un comptable royal : soit
directement sur le trésorier de l’Épargne, soit par décharge sur un autre receveur.
Promesse d’un règlement sur une recette à venir, l’assignation est en elle-même une
forme de crédit. Or en obtenir une est loin d’aller de soi, comme le montre l’État général
de 152 3584. En effet, si 440 283 lt. de prêts à rembourser sont mentionnées, 324 790 lt.
seulement, soit 73,7 % reçoivent une assignation. Les autres, ceux des marchands-
banquiers italiens en particulier, figurent ici pour mémoire. Remarquons au passage que
la ventilation de ces assignations colle d’assez près à celle du brevet de la taille, la
généralité de Languedoïl servant ici de base de référence.
177 Pour les quatre principales généralités, les rapports numériques sont voisins. La place
moindre de la Guyenne est peut-être due au fait que les opérations militaires devant s’y
dérouler, les fonds vont directement et prioritairement vers les armées. Peut-être ces
assignations, sans doute très théoriques vue la situation de 1523, reflètent-elles plus des
habitudes comptables que des remboursements effectifs. Du moins permettent-elles aux
créanciers de savoir à qui s’adresser.
178 Le rapport entre fourniture de fonds et assignation de remboursement se prête à toutes
les figures temporelles possibles. L’acquit ou le mandement peut être postérieur au
versement585. Parfois même il tarde à venir comme on vient de le voir pour la
consignation de 1519 ou pour les prêts des conseillers au Parlement de 1521-1522 586. C’est
aussi le cas pour un vaste emprunt en Guyenne. Demandé en 1544, il n’est assigné que le
premier mai 1546 sur les recettes générales de Riom et Agen587. Mais à l’inverse, il arrive
que l’assignation précède le versement des fonds. Pour l’emprunt de la succession du
Bouchage, les lettres patentes de remboursement sont expédiées dès le 20 juillet 1523
alors que la quittance de versement date du 12 août. Le mandement de remboursement
fait alors figure de ferme injonction de prêter de lajîart du roi. Quand des lettres du
13 janvier 1529 assignent au trésorier de l’Épargne lui-même le remboursement de
4 000 lt. qu’il doit avancer pour les guerres, dès le lendemain, le trésorier des finances
extraordinaires peut passer quittance pour réception de cette somme588. A condition que
de telles quittances correspondent à des versements réels, ce qui n’est pas toujours sûr,
comme l’a montré le cas des prêts d’entrée en charge des officiers.
179 Le trésorier de l’Épargne est, c’est le moins que l’on puisse dire, bien placé pour récupérer
son argent. Il en va de même des officiers de finance qui sont assignés sur la recette où ils
exercent. En théorie, cela est interdit pour les comptables mais, dans les faits, en cas de
nécessité et pour les encourager à avancer de bonne grâce, la pratique est relativement
216
fréquente589. Même phénomène avec les élus et les généraux. Pour tous les créanciers en
fait, les assignations ne se valent pas. Aussi essaie-t-on d’en obtenir une qui soit
géographiquement proche et qui porte sur un receveur bien pourvu. Nicolas Le Coincte,
qui prête à Montmorency, sans doute pour la rançon, voudrait avoir son remboursement
en Normandie et demande une promesse du receveur général Carré590. Une lettre de
Sourdis au chancelier évoque le marchand Allart qu’il faut « depescher de la somme de
VI m V c écus qui lui est deue […] ; si vous luy vouliez bailler assignation à Paris qui soit
seure, il se contentera »591. Les officiers peuvent avoir des facilités en ce domaine mais
pour les marchands la procédure est plus difficile et le simple fait d’obtenir une
assignation demande une longue patience.
180 Il en va ainsi pour les fournisseurs, qui apparaissent en bonne place parmi les victimes du
crédit imposé. Déjà laborieux pour les joailliers et autres tapissiers, qui vendent
directement à la maison du roi des objets précis, le processus est plus long encore pour
ceux qui doivent attendre la clôture de leurs comptes pour être assignés. Un fournisseur
de viande en Piémont en 1536 y fait ainsi de fortes avances. Mais son compte n’est clos
qu’en 1544 par les commissaires royaux : il est alors créancier pour 10 000 lt.. Il a ainsi
déjà procuré bien involontairement huit ans de crédit au pouvoir royal. De plus son
remboursement n’est pas immédiat puisque 2 310 lt. ne lui ont toujours pas été versées le
10 avril 1548592. Au début d’avril 1538 le marchand Macé Papillon vient importuner le
trésorier Laguette « pour veoir les comptes de ses compaignons et de luy des vins qu’ilz
ont fourni suivant le marché faict avec ques eulx aux deux camps de Picardye durant
l’année derrenière », dans le but d’obtenir son assignation593.
181 Si le marché royal est lucratif, encore faut-il donc pouvoir attendre ! Le responsable
financier du secteur concerné est souvent conduit à s’impliquer directement, à l’image de
l’argentier Nicolas de Troyes qui, après avoir arrêté un compte de parties fournies pour
l’Argenterie, confesse devoir 1 938 lt. à un tireur d’or et bourgeois de Paris, Baptiste
d’Alvergne. Le remboursement aura lieu de trois en trois mois, avec à chaque fois 300 lt.,
jusqu’à fin de paiement594. Cet engagement privé pour une dette « publique » remplace-t-
il ou double-t-il seulement des pièces officielles ? Il est bien difficile de le dire 595. Mais le
pouvoir royal, qui pousse parfois ses officiers à s’engager, peut faire montre de beaucoup
plus de distance lorsqu’il s’agit de reprendre à son compte les avances consenties à l’un
d’entre eux ex officio. Certains des créanciers de Semblançay en font l’amère expérience :
en 1558, la veuve de Robert Albisse, sollicitant le paiement de 65 049 lt. avancées par son
mari, s’entend dire par les enquêteurs d’Henri II qu’« elle ne faisoit suffisamment
apparoir que lad. somme […] fust et soit entrée es finances du feu Roy, que dieu absoille.
N’a esté emprunctée pour ses affaires comme elle le maintenoit ains estoit une debte pure
privée entre lesd. défunctz ». Cependant, dans la mesure où François Ier a saisi tous les
biens de Semblançay, un recours contre le pouvoir royal reste possible. C’est ce qui
permet finalement l’obtention d’une assignation596. Elle aura mis trente-cinq ans à venir…
182 Il faut donc s’armer de patience et en même temps faire preuve d’un minimum de
ténacité. Un prêt lucquois peut nous servir de guide. Au plus tard à la foire d’août 1521,
Antoine et Louis Bonvisi ainsi que François et Jean-Baptiste Minutelli ont prêté 75 599 lt..
Pour une petite moitié de cette somme (35 599 lt.) on garde trace de l’assignation de
remboursement. Au cours du dernier trimestre de 1522, elle est répartie par égale portion
sur les quatre grandes généralités (recettes des tailles du bas-pays d’Auvergne, de
217
de 1535 Jehan Thenon pendant que le conseiller Nicolas Berruyer se tourne vers la veuve
d’Hervé de Kerquefinen, en place jusqu’en 1534 et que le conseiller Claude Anjorrant
sollicite pour sa part le receveur en titre, Estienne Lapite, qui promet de le payer… quand
il aura satisfait Berruyer605 ! Les démarches de Nicole Le Sueur montrent qu’il faut s’armer
de patience. Il obtient le 3 juin 1537 des lettres patentes de remboursement. Dès le
17 septembre, il les présente à Lapite qui en prend bonne note… mais ne paye rien, pas
plus que son successeur Nicolas de Saimbault, sollicité le 7 mars 1539 ou que René Tabur,
le commis qui remplace Saimbault, contacté le 23 mars 1540. Le nouveau receveur,
Nicolas Hardy, se contente le 5 juin suivant de dire à Le Sueur « que après les charges
ordinaires de lad Court [de Parlement] estre sur lad recepte payées, que voulontiers il
satisfera aud paiement d’icelle somme »606. Il est vrai que le prêt de Le Sueur ne date que
de 1537 : il peut bien attendre…
186 Les maladresses enfin ne sont pas rares. Il arrive qu’un même fonds soit assigné deux fois.
En 1544, un groupe de marchands florentins et lucquois représenté par Louis Bernard et
Jean-Baptiste Bernardin obtient du roi une assignation de 25 000 lt. sur le droit de deux
écus sur les velours de Gênes. Protestations du consulat lyonnais car ce droit lui a été
accordé pour trois ans en remboursement de 60 000 écus prêtés à Tournon en 1542607.
Parfois la monarchie souffle le chaud et le froid. Une lettre du 16 juin 1537 fait allusion
d’une part à une promessse royale de rembourser tous les prêts (mais sans préciser
desquels il s’agit) sur le quartier de juin, échéant en août et d’autre part au refus du
chancelier de laisser prendre en payement d’aliénations des créances sur le roi, ce qui
« engendre craincte et suspicion de leur remboursement » chez les intéressés608… Enfin
on en vient si nécessaire à des mesures radicales comme cette ordonnance du 14 mai 1543
qui fait défense aux receveurs et trésoriers de faire aucun remboursement avant qu’il en
soit autrement ordonné609.
c. Le remboursement
187 Mais la plupart des créanciers finissent par arracher au roi tout ou partie de ce qu’il leur
doit. Les fonds sont récupérés selon des modalités extrêmement diverses. Si les
versements en espèces sont, peut-être, les plus fréquents, ils sont aussi ceux qui laissent
le moins de traces. Avide d’or, comme on sait, le roi qui a emprunté du métal jaune
restitue parfois en contrepartie de l’argent voire du billon. Nicolas de Noble fournit
12 500 écus au début de 1532. Son remboursement se fait l’année même ; par sa quittance
du 2 octobre, il reconnaît avoir été payé en testons et demi-testons, treizains, douzains,
dizains, sizains et liards610. En une occasion au moins, François Ier rembourse en nature
ses créanciers. Il a imposé une lourde amende en sel aux révoltés de Saintonge et de
La Rochelle à la fin de 1542. Le 25 juin 1543 est créée une commission qui doit éteindre des
dettes en cédant une partie de ce sel à certains créanciers. C’est sans surprise que l’on
rencontre parmi les premiers bénéficiaires, en juillet, des marchands parisiens habitués à
trafiquer dans le fournissement des greniers611. Certains créanciers s’arrangent pour lever
eux-mêmes ce qui leur revient ou le faire défalquer sur les impositions qui les concernent.
Les États de Dauphiné qui ont avancé 20 000 lt. obtiennent d’imputer le règlement sur un
don gratuit à venir. De même au début de 1544 l’Église de France reçoit l’autorisation de
déduire des décimes de 1543 les deniers empruntés au clergé en 1538 et 1539 612. Comme
lorsque les comptables récupèrent leurs fonds sur leur caisse, on peut ici parler d’auto-
remboursement.
219
188 Pour la monarchie la solution de loin la plus avantageuse est l’autorisation donnée à une
collectivité de lever une imposition spécifique pour rentrer dans ses fonds. En effet celle-
ci ne grève aucunement les finances royales. Il en va ainsi pour Paris, qui peut percevoir
une aide en 1525 jusqu’à récupération de 10 000 lt., pour Rouen en 1527 qui surtaxe le sel
de huit st par poise pour récupérer une somme équivalente ou pour Lyon dans les années
quarante avec successivement un droit sur les draps et un octroi sur le bétail à pied
fourché613. Mais il faut parfois se résoudre à la cession d’un revenu jusqu’à extinction de la
créance. Ce peut être celui d’une ferme d’impôt614 ou bien d’un morceau du domaine 615.
Parfois c’est le capital même, une terre en particulier, qui est cédé en remboursement. En
compensation de 20 000 écus, Chabot reçoit ainsi les deux-cinquièmes de la « terre,
seigneurie et chastellenie de Chateauneuf sur Charente »616. Pour récupérer 7 000 lt. de
créance, le président de Calvimont propose en 1538 de fournir en sus 3 000 ou 4 000 lt., et
d’acquérir des aliénations du domaine pour le montant total617.
189 Le remboursement de la lourde créance d’Alphonse d’Esté, accumulée de 1516 à 1525,
mérite qu’on s’y attarde un peu. En septembre 1528 l’accord se fait sur la cession au duc
de Ferrare des vicomtes de Caen, Falaise et Bayeux, jusqu’à extinction de la créance
estimée à 91 354 écus et 8 st618. Or, selon toute apparence, l’argent rentre bien mal et
l’essentiel de la créance court toujours. Les Este mettent vingt ans pour trouver une
solution. En 1548, lors du mariage d’Anne d’Esté, petite-fille d’Alphonse, avec François
d’Aumale, futur duc de Guise, ils se défaussent de leur créance à hauteur de 150 000 lt.. En
effet cette somme est incluse dans la dot d’Anne. Henri II constitue alors au jeune couple
une rente de 10 000 lt. sur le domaine, rachetable pour 150 000 lt.. Cette « consolidation »
est l’ultime forme que prend le remboursement de la dette619.
190 Plusieurs cas de « consolidation » se produisent également en 1544 en Normandie, qui
sont selon toute apparence les indices d’un plus vaste mouvement. Deux prêts de 1542
sont convertis alors en rentes à 10 %, moyennant versement d’une somme équivalente à
celle qui fut avancée deux ans plus tôt620. Dans les cas les plus critiques, le gouvernement
ne fait face à l’emprunt qu’avec d’autres emprunts relayant les premiers. En 1523 les
généraux, à la recherche de 15 000 écus pour une expédition écossaise, doivent y
consacrer des fonds prévus pour rembourser des emprunts faits à Paris pour financer le
dernier « voyage » de Picardie. Pour solder ces derniers, ils n’auront plus alors qu’à
emprunter à Lyon à la foire suivante, « en actendant que l’argent des cas inopinés puisse
venir »621. C’est reculer pour mieux sauter. Mais cela permet toujours de gagner quelques
mois, à condition, ce qui est loin d’être évident en 1523, que les Lyonnais acceptent de se
prêter au jeu.
191 S’il est rarement évident de se faire rembourser, même au plus haut niveau, il est clair
aussi que le sort varie selon le créancier et selon la période. Pour les prêts de vaisselle de
1515-1516, d’après les sources partielles dont on dispose, la hiérarchie est respectée.
Charles de Bourbon, duc de Vendôme, reçoit au moins la moitié de son remboursement
dès juin-juillet 15 1 7622. Madame de Taillebourg, qui sans être du dernier plébéien se situe
néanmoins en-dessous du rang d’un prince du sang, est appointée en 1518 seulement sur
la recette de Saintonge, pour 6 000 des 7 293 lt. qu’elle a prêtées, et plus de 1 200 lt. lui
sont toujours dues en 1526623. Il est sans doute utile parfois de remettre une créance entre
220
les mains d’un homme de l’art. Lorsque Guillaume Bohier, bailli de Cotentin, mais surtout
fils et frère de généraux des finances, épouse la fille de feu François Dallés, premier
médecin du roi, Marie Gautier, la veuve, lui fait don de 2 000 écus que le roi doit à son
défunt mari. L’affaire remontait à 1519. Le mariage a lieu sans doute au cours de l’été
1529. Le calcul est judicieux car en 1531 puis en 1532 deux mandements de
remboursement sont émis624. Certains marchands-banquiers font appel à des
intermédiaires bien en cour pour récupérer leur mise. C’est le cas des Affaitati qui
sollicitent l’intervention du président Gentil625. Proches du pouvoir et des techniciens ont
donc un incontestable avantage. Encore faut-il parvenir à conserver sa position
privilégiée. Semblançay, particulièrement bien placé au début du règne, se retrouve à
partir de sa disgrâce totalement hors circuit.
192 Cette mise sur la touche nous entraîne vers les aspects politiques des aléas des
remboursements. On en voit sans doute un exemple avec l’affaire du dédommagement
pour la Grande Maistresse. Ce navire appartenait au Bâtard de Savoie. Après la mort du
grand maître en 1525 le roi retient le bateau à son service. Pour indemniser les héritiers,
François Ier et son Conseil leur cèdent la vicomte, terre et seigneurie de Valognes le
12 juillet 1528, et ce jusqu’à entier remboursement d’une créance totale évaluée à
44 440 lt.626. Claude de Villars, comte de Tende, fils du Bâtard, en jouit jusqu’en octobre
1543. La vicomte est à cette date saisie à la requête du procureur général au Parlement. Le
1er juin 1547, Villars rentre en lice. Il est certes contraint d’accéder aux arguments du
procureur général et il accepte de céder ses droits. Mais du moins obtient-il l’assurance,
d’une part de conserver les fonds reçus entre 1528 et 1543, d’autre part d’obtenir pour le
solde (non précisé) une récompense raisonnable dès que possible627. La chronologie des
déboires du comte de Tende s’éclaire assez largement quand on sait qu’il est depuis 1527
le beau-frère d’Anne de Montmorency, disgracié en 1542 et revenu au premier plan avec
l’avènement d’Henri II. Rien d’étonnant à ce qu’il faille attendre 1543 pour que les
arguments du procureur général, sans doute solides puisque Claude de Villars lui-même
reconnaîtra leur validité, puissent avoir des conséquences pratiques.
193 Mais il ne faut pas, je crois, traiter de manière trop simpliste ou du moins trop mécanique
tous les remboursements. Bien des cas restent peu clairs, où la position sociale ou
politique n’apparaît pas seule en cause. De nombreux autres paramètres peuvent jouer,
dont beaucoup nous demeurent cachés. A suivre Guillaume du Bellay qui ne parvient pas
à rentrer dans ses fonds, l’explication de tous ses malheurs résiderait dans la haine du
chancelier Duprat qui « casse, révoque et annulle ce que le roy, Madame ou le conseil ont
commandé » pour ce faire : « L’une des sommes m’est deue il y a près de doze ans et de
quattre ou cinq cens qui estoient en mesmes cause comme moy, tous ont esté remboursez
fors que moy »628. Pour un motif spécifique ici découvert, combien restent dissimulés ? Et
de plus, est-il valable ou n’y a-t-il pas dans les propos de Langey une bonne part de
rhétorique ou de parti pris ?
194 Une chose est sûre en revanche : il est des périodes où une sollicitation a peu de chance
d’aboutir, quel que soit celui qui la met en avant. Il s’agit, comme on peut s’y attendre,
des phases de grande tension sur les finances de la monarchie. Quand le fournisseur aux
armées Jacques Favier vient réclamer son dû, soit 60 000 lt., en avril 1525, il est clair qu’il
ne tombe pas au meilleur moment629. Mais ce serait bien pire en 1521-1522 ou 1543-45.
Certes, on peut émettre alors des mandements de remboursement, mais, on l’a vu, il y a
en ce domaine un gouffre entre l’ordre et sa réalisation. La crise passée en revanche, à
partir de 1532 surtout, les remboursements effectifs se multiplient630. Mais s’il faut en
221
croire Duprat, la période de relative accalmie de 1525-1527 a déjà donné lieu à un effort
en ce domaine. Dès le 13 octobre 1525, parmi les succès de la Régente, il note qu’elle
« faict payer […] beaucoup de debtes et parties du passé ». Il revient sur ce thème en mai
1527 : dans les temps précédents, « de grosses sommes des debtes » ont été soldées, en
particulier sur les revenus du quartier de janvier 1527631. Malgré la situation de crise
internationale, le net recul des charges militaires a pu effectivement permettre un
premier apurement de la situation632. Jacques Favier, qui sollicitait un peu tôt, a-t-il su
profiter de l’occasion ?
195 Proposer un nouveau crédit est un bon moyen de convaincre le pouvoir politique, sinon
de rembourser immédiatement, du moins de fournir une assignation valable qui englobe
à la fois la créance ancienne et la nouvelle avance633. La monarchie reprend souvent le
procédé à son compte, si bien qu’il est parfois difficile de déterminer si l’initiative vient
du créancier ou du Conseil du roi. Du moins constate-t-on que nombreux sont ceux qui
doivent se soumettre à cette obligation. Les marchands-banquiers sont au premier rang.
En 1528 Pierre Spinolle, représentant du « syndicat » des créanciers d’un Maximilien
Sforza endetté pour 62 160 lt., sollicite le Conseil. Le prince déchu les a assignés sur la
pension de 72 000 lt. que le roi devrait lui verser et qui se fait attendre. Spinolle et « ses
compaignons » proposent de « faire délivrer comptant en prest » 50 000 lt. moyennant
une assignation valable pour l’ensemble de leur créance soit 112 160 lt. 634. Le procédé est
employé fort avant dans le règne de Henri II : c’est à ce prix seulement, aux beaux temps
du Grand Parti, que les vieilles créances des années vingt sont prises en compte635.
196 Le personnel monarchique use du même moyen. Le receveur général de Normandie Jehan
Carré est appointé le 23 mars 1530 pour 20 000 lt. qu’il vient de prêter pour la rançon. Le
même jour, il reçoit également une autre assignation pour la somme de 28 519 lt.. N’est-ce
pas le fruit d’une proposition globale de Carré, d’autant qu’un document fait allusion,
malheureusement de façon elliptique, à une requête adressée au roi et à son Conseil 636 ?
En février-mars 1557, seize conseillers au Parlement et trois conseillers au Grand Conseil
font une offre au roi. Ils ont tous acquis leurs offices sous François I er, dans les années
1540, moyennant un prêt de 3 000 écus chacun (sauf l’un d’entre eux qui a versé 2 500
écus seulement). Ils n’ont toujours rien reçu et leur créance totale atteint 127 125 lt.. Ils
proposent d’avancer une somme équivalente moyennant « les seuretez et acquitz
nécessaires pour […] estre remboursez en cinq années prochaines et consécutives », sur
les gabelles, de la totalité de leur créance. Le Conseil accepte et assigne les officiers sur
divers magasins et chambres à sel637. Les créanciers des officiers de finance poursuivis et
dont les biens ont été confisqués par le roi doivent aussi en passer par là. Ceux de
Semblançay, « pour sercher leur commodité, ont financé pareilles sommes » que celles
qui leur étaient dues. Ceux d’Estienne Besnier se retrouvent parmi les bénéficiaires des
remboursements en sel, moyennant ici encore une avance complémentaire équivalente638.
197 Les fournisseurs qui désirent se faire payer leurs marchandises entrent dans le jeu, après
parfois de longues années d’attente. Gacien de Plais, marchand tourangeau, est assigné
pour les 56 216 lt. que lui doit le roi depuis le camp du Drap d’or précisément lorsqu’il
avance 42 000 lt.. Girard Odin, brodeur du roi et lui aussi tourangeau, prête 9 000 lt. en
1532. L’année suivante un mandement de remboursement de 5 777 lt. pour des
fournitures délivrées entre 1515 et 1521 est opportunément émis639. Jean Drouyn, autre
marchand tourangeau impliqué dans le « voyage d’Ardres » assigné en 1539 ou les
222
héritiers du pelletier du roi Jean Robiquet, assignés en 1540 pour des fournitures de
1518-1524 ont-ils dûs se plier à la même exigence640 ? C’est fort probable, même si les
preuves manquent. Rien d’étonnant dans ces conditions à observer des interférences
entre le milieu des fournisseurs et celui des prêteurs !
198 Sur cette négociation précise, la documentation est assez riche car elle met en scène le
cardinal de Tournon dont l’abondante et accessible correspondance a déjà été si souvent
mise à contribution. Installé à Lyon à l’automne 1536, il est approché par les Florentins
qui souhaitent apurer le passif des années 1518-1522. Le 1er novembre, il écrit au
chancelier : « Si le Roy vouloit assigner les vieulx debtes des florentins qui ne montent
pas à ce qu’ilz m’ont dit que cent quarante mil escuz ilz seroient contentz de les avoyr en
quatre ou cinq ans »641. Pour appâter le monarque, les Florentins promettent en
contrepartie d’assécher le crédit de l’empereur en Italie. D’où sortent ces 140 000 écus ?
Leur provenance est double. Il s’agit tout d’abord du solde des 150 000 écus du temps du
duc d’Urbin et du camp du Drap d’or. Jean Cléberger et Philippe Strozzi ont été
entièrement remboursés de 43 500 écus en 1534, et par ailleurs 7 687 lt. ont été versées à
une date inconnue à Guillaume Nazy par Julien Bonacorsi, trésorier de Provence. Ce qui
reste toujours dû, 102 657 écus, est entièrement « florentin »642. S’y ajoute le reste des
emprunts forcés de 1521-1522, soit vingt et une demandes pour un montant de 85 177 lt.
643
. Avec un écu à 45 st, cela représente 37 856 écus. Le total atteint donc bien 140 513
écus.
199 Le Conseil du roi est sans doute intéressé car, dès le 3 décembre, Tournon envoie à du
Bourg « la déclaration du debte des florentins suyvant ce que m’en aves mandé ». Et il
ajoute : « S’il y avoit remède de les contenter, ce seroit ung grand moyen de recouvrer le
crédit du Roy et croy que vous ne leur scaurés bailler tropt longue assignation mais
qu’elle soit seure et véritable ». Il demande d’agir avec discrétion car il souhaite profiter
de la négociation pour « recouvrer d’eulx devant que le leur dire le plus qu’fil pourra] »644.
Mais il semble que le pouvoir choisisse une procédure relativement officielle. En effet on
conserve une lettre du 20 mars (1537 presque certainement) adressée au chancelier par
Saint-André, de Thou et Brinon, commissaires aux affaires des Gondi, lettre qui concerne
la créance de deux membres de cette famille, Anthoine et Pierre, dans le cadre de
l’emprunt forcé de 1521-1522. Ils joignent à la lettre leurs conclusions, « ce que en avons
trouvé à la vérité touchans lesd parties », mais celles-ci ne nous sont malheureusement
pas parvenues. Impossible de dire également s’il y a une commission par créance, ou si les
trois susnommés sont en charge de tout le dossier. Tout donne à penser que, dans le cas
des Gondi, l’affaire se termine par un compromis. « Sire Anthoine Gondiz » acquiert en
effet les greffes du bailliage de Maçon et de la sénéchaussée de Lyon : 7 950 lt. sont par lui
versées pour l’Extraordinaire des guerres en juillet 153 7645. Il est plus que probable que
cette somme est venue s’ajouter à la créance ancienne dans le cadre de l’achat. « Si vous
me mandiez ceulx que vous voulez assigner, écrivait Tournon au chancelier le
1er novembre 1536, je marchanderoys icy avec eulx et en tireroys une bonne grosse
somme ».
200 La fourniture de fonds en contrepartie d’une assignation paraît être alors la règle. Mais
tous les créanciers ne sont pas traités exactement de la même façon, si l’on suit Lyénard
Spine dans une plainte au chancelier. Il a « offert de faire prest au Roy », sans que l’on
sache pour quel montant, et poursuit :
223
« Vous m’avez plusieurs foys dict qu’il n’y auroit nulle faulte que je seroys assigné
des parties qui me sont deues par cédulles de messieurs les généraulx et feu monsr
de Saint Blançay qui ont servy au faict du Roy. Led sgr a assigné de semblables
parties Gondy, Bonguilliaume, Bonna-courcy et tout plain d’aultres de ma nation. Je
vous supplie humblement me faire ce bien [de] tenir la main que je soye aussi
assigné desd parties qui me sont deues, actendu qu’elles sont en pareil cas que les
aultres dessusd. qui ont esté assignez et que je ne soye pirement mal traicté que les
aultres »646.
201 Petit problème : Spine cite Bonguillaume et Bonacorsi, or aucun des deux n’apparaît
parmi les créanciers des deux prêts évoqués plus haut. Plus intéressant encore : Spine lui
non plus ne figure pas sur ces listes. La réponse est aisée, au moins pour ce dernier : il fait
partie des créanciers de Semblançay. Au-delà des 140 000 écus évoqués en novembre
1536, les enjeux ont donc dû s’élargir au contentieux entre les Florentins et ce dernier.
202 La négociation avec Thomas (II) Gadaigne est connue en détail. Le montant de la créance
des Gadaigne devrait être, d’après leur place dans les deux prêts évoqués ci-dessus, de
25 000 écus plus 8 172 lt. de reste de l’emprunt forcé. Selon toute vraisemblance, et bien
qu’aucun chiffre précis n’ait été retrouvé, elle est plus élevée en 1537. On en jugera par
l’importance des contreparties envisagées. Thomas Gadaigne contrôle-t-il d’autres
créances que celles qui furent détenues par les membres de sa famille (son père et son
oncle) quinze ans plus tôt ? C’est possible, tout comme peut jouer la prise en compte
d’intérêts. Mais le plus probable est qu’entrent en jeu ici aussi les dettes de Semblançay,
débiteur de Thomas (I) Gadaigne pour 49 666 écus à la date tardive du 13 octobre 1523 647.
La première offre de Tournon est la suivante : moyennant un nouveau prêt, dont 50 000 lt.
seront versées comptant, qui sera équivalent au « vieulx debte », Thomas (II) est assigné
sur le tirage du sel - sans plus de précision - à raison de 15 000 lt. par an 648. Le facteur de
Gadaigne qui mène les négociations fait une contre-proposition : un prêt de 40 000 lt.
seulement, dont le remboursement sera assigné sur les deux premiers quartiers de 1538
des recettes du Languedoc. Pour éponger le « vieulx debte », Gadaigne se remboursera sur
les terres du domaine royal. Et, « pour seureté de ses assignacions […], il veult que
messires les chancellier, grant maître, général de Normandie et moy [Tournon] soyons
obligez chacun pour le tout en la meilleure forme que faire se pourra ».
203 Le cardinal émet une sérieuse objection : il ne peut aliéner que contre argent comptant.
Cependant, dans sa lettre au chancelier, il conseille d’accepter de partager le
remboursement du « vieulx debte » entre assignation sur le tirage de Dauphiné et
aliénations, et d’accepter aussi l’avance de 40 000 lt.. On en est là le 2 juin quand le facteur
de Gadaigne fait de nouvelles offres : plus question de nouveau prêt, mais une proposition
d’achat du domaine, à 10 %, pour 40 000 lt.. La créance ancienne sera remboursée par
quartier, en 1538, à hauteur de 40 000 lt.. Elle sera assignée à la fois sur le tirage du sel de
Dauphiné et sur celui du royaume, le premier, de 30 000 lt. par an, n’y suffisant pas. Les
années suivantes, 15 000 lt. par an sur le seul tirage de Dauphiné suffiront, et ce jusqu’à
extinction du « vieulx debte ». Après renvoi au Conseil, une nouvelle lettre de Tournon du
25 juin permet de connaître les conditions définitives. Entre temps le cardinal obtient, le
7 juin, pleins pouvoirs pour mener l’affaire649. Si l’achat pour 40 000 lt. de morceaux du
domaine est entériné, en revanche Gadaigne n’obtient pour le « vieulx debte » que
20 000 lt. par an sur le tirage du sel, sans que la ferme soit précisée. Il s’agit selon toute
vraisemblance du Dauphiné. « J’ay rasclé la buche à Gadaigne » reconnaît Tournon, qui a
seulement concédé de faire obliger le fermier du tirage et ses cautions au paiement des
20 000 lt.. Les achats du domaine de Thomas II sont bien connus : la baronnie de Lunel et
224
Conclusion
204 Le général Ferrier promet en juillet 1521 au roi, s’il est remboursé en août de ses avances,
qu’il peut « estre asseuré que pour l’advenir par faulte d’argant voz affaires de par deçà
ne se porteront point mal ». En Suisse, à la fin de cette même année, Lamet affirme au
chancelier : « Le roy et vous m’avez escript que j’empruntasse par deçà, ce que je n’ay
voulu faire pour autant que derrenièrement que j’en empruntés, je euz autant de peine à
le ravoir et en poursuyvre mons. de Sainct-Blançay que si eust esté pour mon affaire
propre »653. L’un appelle de ses vœux un bon fonctionnement du crédit à court terme qui
permettra de continuer à trouver des prêteurs. L’autre constate les ratés des
remboursements et pour cette raison n’ose plus emprunter. Certes, ne pas payer aux
échéances est un moyen d’obtenir, d’une certaine manière, un crédit supplémentaire,
mais c’est aussi, on le comprend aisément, miner la confiance. Et celle-ci n’entre pas
seulement en jeu dans les relations avec les marchands-banquiers car, même dans le
crédit contraint, elle a son rôle à jouer : entre se résoudre aisément à une demande et
traîner les pieds considérablement, il y a plus qu’une nuance.
205 Sur le respect des échéances, les sources disponibles, qui portent en priorité sur les
affaires litigieuses, m’ont très vraisemblablement conduit à donner un caractère
particulièrement sombre à la situation des prêteurs. Entrer en relation financière avec la
monarchie n’en demeure pas moins souvent une bonne affaire. Mais, pour rentabiliser
son investissement, il faut disposer de moyens importants, de temps et d’entregent. Une
chose apparaît claire cependant : le système des garants, y compris les plus sérieux, est de
peu d’utilité quand le pouvoir politique se dérobe. Il protège alors ses fidèles et ne laisse
même pas les créanciers libres de se « payer » sur les disgraciés, comme Semblançay,
puisqu’il saisit leur fortune. Le pouvoir royal, en faisant lanterner certains de ses
créanciers, ne cherche-t-il pas parfois sciemment à les décourager pour obtenir, sinon
l’annulation des créances, du moins des négociations intéressantes et des économies sur
les remboursements ? Aucun document ne permet de l’affirmer clairement, même s’il est
évident que la monarchie abuse parfois de sa position de force. En définitive, autant qu’on
puisse en juger, le roi est le plus souvent prêt à assumer pour une large part le fardeau
ancien, moyennant une aide complémentaire : le crédit attire alors le crédit, mais le rôle
de la contrainte apparaît nettement.
206 Le bilan de l’ensemble de la dette à un moment donné est impossible654. Pour les seuls
marchands-banquiers, c’était déjà un exercice périlleux. Ce qui semble acquis en
revanche, c’est qu’en la matière la monarchie a encore des besoins réduits, même si, à
l’aune des précédents médiévaux, les emprunts atteignent des sommes déjà importantes.
Le roi se procure des fonds dans une (relative) transparence. Par rapport au siècle
suivant, le contraste est net : moins de prête-noms et de rideaux de fumée dans la mise
sur pied d’un crédit un peu étriqué, des connexions entre monde des financiers et
dominants peu développées en ce domaine et enfin inexistence d’un groupe spécifique, en
dehors de la stricte administration royale, qui serait le véritable maître d’œuvre de la
225
politique du crédit : peu de fermiers, pas de traitants et de partisans. Cette faible place
des « professionnels » explique-t-elle l’importance du recours à la contrainte en ce
domaine ?
207 Même s’il n’existe pas de critère absolu pour déterminer ce qu’est un endettement
tolérable, l’impression prévaut cependant que, sous François Ier, la monarchie est restée
dans des limites « raisonnables ». Cependant les années 1540, malgré les lacunes de
l’information, amorcent à l’évidence une évolution, que ce soit avec le Grand Parti ou
avec le crédit contraint touchant les villes et les provinces. Les grands chocs sont pour le
règne suivant. Que l’évolution soit ici parallèle à celle du prélèvement, rien d’étonnant :
c’est, rappelons-le encore, l’impôt qui fonde le crédit monarchique. Pour les
administrateurs du temps, l’emprunt fait souvent figure d’expédient, et du moins
dommageable d’entre eux. On les comprend aisément : moins impopulaire qu’un
prélèvement, aisément mobilisable et, en définitive, remboursable au gré des possibilités
des finances royales, il a beaucoup d’avantages. Les facilités qu’il autorise en font un
moteur de la croissance de l’État. Tout comme la guerre.
NOTES
1. Spont, Documents, p. 348 (article XX).
2. Voir l’évocation de l’empereur Antonin le Pieux qui aurait mis au point un système de crédit
où les caisses de l’État servent de banque : Bodin, République, p. 892.
3. Jacqueton, Documents, p. 276.
4. Wolfe, Fiscal system, p. 63 affirme que Louis XI s’en passe alors que Doucet, Grand Parti, l re partie,
p. 475 fait allusion à des emprunts de ce type pour ce même règne, sans plus de détail. Plus
précis, Ehrenberg, Fugger, p. 246 mentionne quelques petits emprunts (en 1467 entre autres) en
s’appuyant sur la correspondance de Louis XI.
5. Gascon dans Chaunu, H.E.S.F., p. 238-239. Cependant l’intervention de Charles VIII contre la
banque Médicis à Lyon cette même année inquiète les Lyonnais et semble devoir nuire aux
foires : « Per consequens queste loro fiere abbino a diminuire in qualche parte » : Canestrini,
Négociations, t. I p. 142.
6. Voir Pélicier, Lettres de Charles VIII, t. IV p. 133 : emprunt de 30 000 écus à Milan ; pour les prêts
génois, voir Ehrenberg, Fugger, p. 158. Agostino Chigi, banquier siennois établi à Rome, est lui
aussi sollicité : ibid., p. 148-149.
7. Spont, Documents, p. 334.
8. B.N. fr 5501 f° 381.
9. A.N. J 965, 7/5 (2-6-1537).
10. Spont, Semblançay, p. 60.
11. A.N. J 965, 7/9.
12. A.N. J 965, 7/26 et Tournon, Correspondance, n° 113 (14-10-1536).
13. Pour les emprunts des généraux, voir O.R.F., t. III p. 118 (7-4-1522) ; pour un prêt de
marchands lucquois de Lyon, le roi fait appointer Anthoine Grolier et Anthoine de Vinolz, élus de
Lyonnais, et Jehan Prunier, receveur de Forez, pour le remboursement : B.N. fr 10385 f° 14v°.
226
14. Voir B.N. fr 3048 f° 93 (où le receveur général d’Outre-Seine Jehan Ruzé est aussi concerné) et
A.N. M.C. Inv. Carré n° 2057 (garantie de 14 000 lt.).
15. Rott, Représentation, t. I p. 263 note 6.
16. C.A.F., t. VII n° 25705 ; B.N. fr 5501 P 381.
17. Exemple anglais en 1544 : Dietz, English finance, p. 167-168.
18. Pour Semblançay, voir B.N. P.O. 248 (Beaune) n° 71 (4-11-1521) et fr 5500 P 169 (28-2-1522) ;
Spont, Semblançay, p. 179-183 ; pour les généraux, voir la lettre de garantie d’O.R.F., t. III, p. 118.
19. C.A.F., t. IV n° 15472 (31-12-1546). Après la mort de François I er, à la requête des marchands-
banquiers lyonnais, « le roi actuel a reconnu la dette de son prédécesseur » : Ehrenberg, Fugger, p.
251.
20. Spont, Semblançay, p. 191 ; A.N. J 965, 7/5.
21. A.N. J 965, 7/25 (13-10-1536) ; le 27 octobre, il écrit avoir reçu ce pouvoir : ibid., 7/32.
22. B.N. fr 3048 f° 93.
23. B.N. fr 5125 f° 160.
24. C.A.F., t. IV n° 13326 (5-9-1543).
25. Certains marchands allemands habitent une ville libre de Haute Allemagne mais acquièrent
droit de cité dans une ville suisse pour pouvoir, en tant que neutres, poursuivre sans entraves
leur commerce : Ehrenberg, Fugger, p. 255 note 48. C’est le cas de Claude May et aussi celui des
Meyting qui prêtent sous Henri II.
26. Trois cas litigieux n’ont pas été retenus ici : Nicolas Alamant (ou Lalemant) et Denis
Berthélemy, marchands et bourgeois de Paris pour lesquels il n’est pas possible de déterminer si
leur activité de fournisseur se double d’un rôle de prêteur et Jacques Vas (ou Bas), marchand à
Lyon, connu seulement par un prêt de 50 It à Lambert Meigret, commis à l’Extraordinaire des
guerres : B.N. P.O. 1912 (Meigret) n° 6 (17-9-1521). Cette somme très faible et isolée peut être la
trace d’un « emprunt » plus large levé sur les Lyonnais.
27. Spont, Semblançay, p. 126, note 3, fait aussi une allusion à un prêt de 8 640 lt. en 1516 par des
marchands de Bourges.
28. Comparer en particulier avec les renseignements fournis par Gascon in Chaunu, H.E.S.F., t. I,
p. 287 et sq.
29. Spooner, Frappes, p. 118 note 3 et 130-131.
30. C.A.F., t. V n° 16817, 16827-28.
31. Mollat et Habert, Verrazano, passim. Sur la place des Florentins de Lyon dans le financement de
la première expédition, voir p. 62 et sq.
32. A.N. M.C. LIV 20 (30-3-1545).
33. Voir en 1536-1537 le problème des produits génois, les velours en particulier, dont le
commerce est restreint ou prohibé : Isaac, Tournon, p. 57, 61 et 64 ; en 1544 un prêt a pour
contrepartie l’abolition d’un octroi levé par la ville : Vial, Cléberger, p. 39.
34. Ehrenberg, Fugger, p. 150 et 151 (prêts probables en 1542 et 1545). Sur Ducci, personnage
important du milieu financier anversois, voir, outre Ehrenberg, des données complémentaires
dans Goris (Jan Albert), Études sur les colonies marchandes méridionales à Anvers de 1478 à 1567,
Louvain, 1525, p. 375-381.
35. B.N. P.O. 248 (Beaune) n° 71 (4-11-1521).
36. B.N. fr 10385 f° 26 et 32 v°.
37. Vial, Cléberger, p. 41, 11 et 21.
38. Spont, Semblançay, p. 155 note 2 ; le 16-5-1520 Thomas Bohier lui verse 1 500 écus en l’acquit
du marquis de Saluées (référence égarée).
39. Il avance 16 000 lt. en décembre 1521 : C.A.F., t. VII n° 23709. Il contribue peut-être à la
rançon : Décrue, Montmorency, p. 143-144. Il fournit 3 820 lt. sur ordre verbal du roi pour la fonte
d’un cheval de bronze par Rustici : C.A.F., t. II n° 3982.
227
40. En 1518 : A.N. KK 289 f° 492, 509, 514 et 538 ; en 1526 : CA.F., t. V n° 18823 ; en 1527 : Décrue,
Montmorency, p. 97 (lettre de crédit de 4 000 écus sur le banquier londonien Antonio Vivaldi).
41. C.A.F., t. V n° 18899. Duprat s’étonne : « J’ay esté tout esbay quant ay sceu le retardement
provenu es deux dernières paies actendu que Lespine avoit prins la charge et se disoit contanst
de ceulx qui les luy dévoient fournir et les ambassadeurs [de la Ligue] estoient contant de luy » :
B.N. fr 3031 f 103 v°.
42. Ehrenberg, Fugger, p. 141 ; B.N. fr 20502 f° 135 [2-6-(l528)].
43. Canestrini, Négociations, t. II p. 808.
44. A.N. X 3a 36 (17-8-1528) ; pour saisir la portée de cet acte, voir B.N. P.O. 2326 (Poncher) n° 55 ;
CA.F, t. II n° 6491 (14-11-1533).
45. CA.F, t. I n° 1919 et 3043 ; A.N. V5, 1045 f° 64.
46. A.N. J 967, 8/18 ; B.N. fr 3122 f° 119 et fr 20502 f° 108 ; C.A.F., t. VIII n° 29657 et n° 31566 ; Isaac,
Tournon, p. 56.
47. O.R.F, t. VI p. 108 note 2.
48. O.R.F, t. III p. 119 parle pour le prêt de 31 500 écus de « sire Robert Albisse et ses
compagnons ». Deux mandements de remboursements de 1523 et 1525 permettent de supposer
qu’Albisse se serait engagé personnellement à hauteur de 12 500 écus : C.A.F., t. I n° 1919 et 2256.
49. A.N. Z1a 59 f° 307 v° (14-4-1534).
50. Voir le détail in Spont, Documents, p. 341-342 (article XI).
51. Sur leurs relations financières, voir Bourgeois de Paris, Journal, p. 303. Sur Albisse comme
agent de Semblançay dans un versement à la famille du Bouchage en 1517 : Spont, Semblançay, p.
139. Ils sont tous les deux impliqués dans deux marchés de munitions, en 1513 (B.N. fr 26113 n
° 1230-1231) et en 1518 (Spont, Ibid., p. 158-159).
52. C.A.F., t. I n° 5980 (23-6-1533).
53. B.N. fr 3031 f°86.
54. CAR, t. VIII n° 31526.
55. A.N. Xla 8621 f° 306 (4-1-1558).
56. A.N. M.C. LIV 53 (Inv. Morelet, 17-6-1536) cotes 14, 20, 49, 146, 150, etc. ; B.N. fr 3876 f° 297.
57. C.A.F., t. V n° 16583 et 16746 (payement à l’empereur Maximilien ; lettres de banque à
Anvers).
58. Sur Raoul Hurault (A.N. M.C. LXVIII 2 : 20-7-1543), Jehan Testu (A.N. M.C. CXXII 1051 :
10-9-1538), Guillaume Preudhomme (A.N. M.C. VIII 286 : 7-11-1538). Procédure complexe avec les
Bohier : A.N. X3a 36 (5-6-1528) et M.C. LXXXVI 99 (I.A.D. Bohier, 23-3-1566) cotes 1025, 1034 et
1354.
59. C.A.F., t. I nos 3043 et 3458 ; Mollat et Habert, Verrazano, p. 62-63.
60. C.A.F., t. VI n° 20242. Il est créancier du duc comme en témoigne son testament : A.D. Rhône,
3E 4494 f° 258 v°.
61. B.N. fr 10392 f° 157.
62. B.N. fr 5125 f° 187 v°.
63. 63. B.N. fr 25720 f° 174.
64. Mention d’un emprunt pour quelques semaines : J 967, 8/13 (juin 1537). Proposition d’O.
Grimaldi pour 6 à 7 semaines : B.N. fr 3127 f° 88.
65. A.N. J 965, 7/30 ; B.N. P.O. 2891 (de Troyes) n° 14.
66. B.N. fr 3048 f° 81.
67. A.N. J 965, 7/15.
68. B.N. fr 2978 f° 84.
69. C.A.F. t. V n° 15112 ; C.A.H., t. I n° 1145 (1-10-1547).
70. A.N. J 967, 8/8.
71. C.A.F., t. IV n° 14461 et 14466. Même chose sous Henri II : C.A.H., t. II n° 2148 (janvier 1548).
228
72. Dumoulin, Contracts, f° 36. Sous Henri II, les intérêts sont parfois intégrés au capital :
Baudouin-Matuszek et Ouvarov, Banque et pouvoir, p. 257. Sous François I er, un prêt fait problème,
celui des Minutelly (B.N. fr 10385 f° 17 v°) : l’intérêt pour la période 1521-1524 est de 2,08 ou de
2,75 % par foire, selon le mode de calcul retenu, alors qu’il est de 3,34 % pour 1524-1527, à partir
du capital initial. Cela ne signifie-t-il pas un cumul des intérêts ? Mais la différence des taux entre
les deux périodes paraît trop élevée pour traduire seulement ce phénomène de cumul, alors qu’à
l’inverse les taux d’intérêt pratiqués sont fort bas par rapport à la règle. Il est probable que cette
opération donne lieu à des manipulations financières qui nous échappent.
73. A.N. Zla 59 f° 307 v° (14-4-1534) ; M.C. XIX 178 (23-5-1549).
74. B.N. fr 5125 f° 187 v° ; A.N. J 965, 7/22 et 7/30 (12 % par an « et au dessoubz ») ; C.A.F., t. VIII n
° 29657.
75. Doucet, Grand Parti, lre partie, p. 481. Un acte d’Henri II, en janvier 1548, fait allusion à la
possibilité d’intérêts de 5 % par foire : C.A.H, t. II n° 2148.
76. Gioffre, Gênes, n° 283. L’incertitude repose sur le nombre de foires à partir duquel il faut
calculer les intérêts. Quand en 1517, face à une demande royale, les Génois font état des prêts
déjà fournis par eux, le roi rétorque qu’« avec les intérêts qu’il payait, il les aurait obtenu des
Maures et des Turcs » : ibid., p. 112.
77. Clément-Simon, De Selve, p. 52. Mais il ne cite pas de sources et sa fiabilité est relative.
78. B.N. fr 3048 f° 93.
79. Braudel, Emprunts, p. 195-196. Des taux inférieurs sont cependant possibles, ainsi entre 1542
et 1549 pour les emprunts négociés par Gaspard Ducci ; 11, 10, puis 9 %, (à l’exception de 1544 où
ils sont de 16 %) : Ehrenberg, Fugger, p. 150.
80. Dietz, English finance, p. 167 et 173.
81. Du Bellay, Correspondance, t. II p. 294. Hermann et al., Premier âge de l’État en Espagne, p. 333
parle de taux pouvant dépasser 30 % sous Charles Quint.
82. Vigne, Banque, p. 178.
83. Vial, Cléberger, p. 26 note 2.
84. A.N. J 965, 7/22 [7-9-(1537)]. Autre affaire similaire en octobre 1536 : B.N. fr 5125 f° 24 v° et 31
85. B.N. fr 5125 f 206 v°.
86. Isaac, Tournon, p. 69-71.
87. B.N. fr 5125 f° 133.
88. Spont, Documents, p. 336 (article IV).
89. Dumoulin, Contracts, f° 126.
90. Mandrot, Batarnay, p. 187-191.
91. B.N. fr 5779 f°60.
92. A.N. M.C. VIII 73 à la date.
93. Un exemple de participation : les onze personnes qui joignent leur mise de fonds à celle
d’Antonio Gondi pour la première expédition Verrazano. Il est vrai que certaines d’entre elles
appartiennent au monde des marchands-banquiers (Del Bene, Manelli, Altoviti) : Mollat et
Habert, Verrazano, p. 65 et 70.
94. Voir Doucet, Grand Parti et Hauser, Crise de 1557-1559.
95. Voir l’affirmation de Bodin, République, p. 893, selon laquelle en 1543 Tournon relance le
système des emprunts lyonnais pour faire fructifier 100 000 écus qu’il a dans ses coffres.
96. Gascon, Grand commerce, p. 258.
97. Baudouin-Matuszek et Ouvarov, Banque et pouvoir, p. 267.
98. Ehrenberg, Fugger, p. 117. Dans un compte de Pâques 1553, la maison Zangmeister figure pour
près de 100 000 lt. de créances : ibid, p. 255 note 48.
99. Braudel, Emprunts, p. 196.
100. Spont, Semblançay, p. 122 note 1. Ce qui ne signifie pas qu’il n’ait jamais recours au crédit :
voir ibid., p. 32, 69-70 et 74.
229
150. Voir entre autres A.N. M.C. CXXII 1030 (21-8-1517) ; CXXI1 11 (8-2-1523) ; CXXII 1059
(25-7-1531).
151. A.N. M.C. XIX 59. Gravelle est un ancien receveur des aides et tailles de Provins (ibid., XIX 44
(13-5, 9-7 et 24-8-1517), très lié à Morelet de Museau. Dans les papiers de feu Guillaume de Saffray
figure une cédule de Delange de 2000 lt. : ibid., XIX 148 (24-11-1536).
152. A.N. M.C. XIX 70 (8-10-1531). Lorsque les biens de Le Coincte sont saisis par le roi dans le
cadre des poursuites contre les financiers, Delange et Turquam figurent parmi les opposants :
A.N. Zla 59 f° 158v° et 212.
153. Il lui prête par exemple 500 écus le 30 mai 1524, alors que la position de Semblançay n’est
déjà plus très assurée. Mais dès le 12 juillet, il cède sa créance à Jehan Grolier : A.N. M.C. CXXII 12
(26-9-1527).
154. A.N. M.C. XIX 86 (30-6, 18 et 23-7-1543) ; CXXII 151 (25-12-1545) ; XLIX 72 (19-5-1544). Leurs
spéculations sur le sel, qui entraîneront des poursuites, nous sont connues pour une période
postérieure à celle qui nous concerne ici. Il est cependant très probable qu’ils s’y impliquent dès
les années vingt.
155. B.N. fr 15633 f° 175-177v°.
156. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 83. Il était pourtant très pessimiste, affirmant peu avant :
« On ne trouvera personne qui se y veuille fourrer » : ibid. p. 80.
157. C.A.F, t. VII n° 25705. Guillaume Rouillart et Julienne Daniel, veuve de Jean Viart, d’Orléans,
complètent la somme, avec 14 300 lt..
158. Buisson, Duprat, p. 269.
159. B.N. fr 10406 n° 4 ; A.N. M.C. Inv. Carré n° 2057.
160. Allusion in A.N. J 963 n° 23 (27-1-1530).
161. C.A.F., t. II, n° 4385 (19-1-1532). Les ténors des années vingt figurent encore pour des prêts
qui servent indirectement les caisses royales : Le Coincte avance 20 000 lt. en 1530 à
Montmorency : Le Roux de Lincy, Grolier, p. 373. S’agit-il du prêt de Le Coincte pour le paiement
de la rançon mentionné sans montant in O.R.F., t. VI p. 108 note 2 ? Delange fournit 8 400 lt. à
Besnier, le nouveau receveur général d’Outre-Seine, toujours en 1530 : A.N. M.C. XIX 86
(12-7-1543).
162. Concession aux marchands lucquois le 17 septembre 1527 : C.A.F., t. VI n° 19354.
163. B.N. fr 10385 f° 14 v° : fonds pour les Lucquois en 1527 ; ibid., fr 10406 n° 23 : assignation de
24 600 lt. à Robert Nazy le 19-7-1528. Peut-être aussi fonds pour Léonard Thébaldi dans C.A.F., t. V
n° 19145 (2-5-1527).
164. Don aux de Rome des revenus du tirage du sel à Valence, en rémunération de prêts et de
pertes subies au service du roi : A.N. J 964 n° 23 (10-2-1527). Ont-ils aussi des conditions
privilégiées pour acquérir du domaine en Provence au milieu de la même année (O.R.F., t. V
p. 80) ? En 1532, ils reçoivent en plus des droits de gabelle sur des salines languedociennes ;
C.A.F., t. VII n° 24112 (164-1532). Le bail anticipé de la ferme des draps de Lyon permet en 1528
d’éteindre une autre créance : B.N. P.O. 2326 (Poncher) n° 55.
165. B.N. fr 3031 f° 37 et 86.
166. Du Bellay, Correspondance, t. I p. 86 ; B.N. fr 3080 f° 85.
167. B.N. fr 3046 f° 19 : Robertet (le fils) à Montmorency. « Nos banquiers des III c M escus ont
faly promesse » lui écrit aussi Duprat : B.N. fr 3031 f° 127.
168. B.N. fr 3031 f° 77 (Duprat écrit le 17 mars). La Pommeraye est sans doute l’auteur d’une
lettre au roi, anonyme et non datée, qui décrit alors des contacts avec les hommes d’argent :
« S’adressèrent à moy hier deux bancquiers qui me dirent que monsieur le légat avoit faict
quelque ouverture à leurs compaignons qui sont par delà pour fournir les deux cens mil escuz
que voulez mectre entre les mains de madame votre tante… » : B.N. fr 3064 f° 183. Le 8 mars, des
banquiers étaient en effet attendus à Blois : ibid., fr 2976 f° 50.
169. B.N. fr 3044 f° 11 et 2976 f° 56.
232
German and Italian banking houses represented in Lyons ». Pour lui ce phénomène commence
seulement sous Henri II.
197. Ehrenberg, Fugger, p. 248.
198. « Alla natione fiorentina di Lione, già li hanno fatto prometter’ in prestito a ogni piacer del
Re » : Lestocquoy, Nonces 1541-1545, p. 113.
199. Cité par Knecht, Francis I p. 381.
200. Tournon, Correspondance, n° 350 (10-10-1542).
201. C.A.F., t. IV n° 12742.
202. R.D.B.V.P., t. Ili p. 107-109 (20 et 23-1-1548). Il est vrai que l’appellation de banque ne
requiert pas la mise sur pied d’un établissement spécifique. Cf une lettre d’Albisse d’Elbene à
Tournon du 15 août 1557 : « Nous sommes repputez par tout le monde la Banque du Roy » :
François, Delbene, p. 341.
203. Voir C.A.F., t. VI n° 22570 (13-4-1543), t. IV n° 13491 (15-12-1543), n° 13632 (24-2-1544), n
° 14008 (1-7-1544), n° 14357 (26-2-1545), t. V n° 14682 (12-1-1546), n° 15466 (28-12-1546).
204. Exemples de procurations : A.N. M.C. LIV 20 (3-7-1544, suite à la lettre du roi du 1er, et
2-3-1545, après celle du 26 février).
205. « Il me souvient, écrit Charles Dumoulin, avoir plusieurs foys remonstré ledict excès et abus
à aucuns personnages d’authorité et que c’estoit mal faict de le tolérer : lesquelz m’ont respondu
que la chose avoit esté bien discutée au conseil et que l’on avoit trouvé estre nécessaire le tolérer
pour le bien et nécessité publicq » : Dumoulin, Contracts, f° 37.
206. Ehrenberg, Fugger, p. 268.
207. Ibid., p. 250.
208. Potter, French Involvement, p. 536 note 58.
209. B.N. Dupuy 958 f° 53 v°.
210. B.N. fr 17329 f° 91 fournit des chiffres extrêmement élevés dans la catégorie « deniers payés
en acquict » pour 1545 (1 347 000 lt.) et 1546 (4 738 000 lt.). Le chiffre de 1547 n’est pas cité. S’agit-
il en fait de reconnaissances de dettes sous la forme d’assignations de remboursement ? Cela est
possible.
211. B.N. fr 3127 f os 61 et 91. Garnier, cité par Tommaseo, Relations, p. 403, mentionne comme
intérêts de la dette publique pour 1552 388 000 lt. (soit 97 000 lt. par foire), somme semblable à
celle évoquée ici.
212. Remarque de F. Braudel dans Actes du Colloque sur la Renaissance organisé par la Société
d’Histoire Moderne (30/6-1/7/1956), Paris, Vrin, 1958, p. 78.
213. « Tout ralentissement économique laisserait inemployée une masse d’argent, entre les
mains des riches » affirme Braudel dans La Méditerranée, t. 2 p. 220. 11 y voit une source de
financement pour l’art. Ne peut-il en être de même pour l’État ? La Hollande fournit un exemple
du changement d’ambiance concernant le crédit public. C’est à partir de 1553 en effet que les
États et la Régente y abandonnent la coutume des ventes forcés de rentes de la province. Cette
décision, encouragée ici aussi par des taux d’intérêts élevés, permet au capital urbain de se
réorienter librement vers le refinancement de la dette publique : Tracy, Financial Révolution,
p. 221.
214. « Par suite de la multiplicité des banques et de l’abondance extrême des capitaux, le
gouvernement ne se de subir les conditions des gens d’affaires ou du moins de tel d’entre eux en
particulier » : Doucet, Grand Parti, 1ere partie, p. 486.
215. L’État « se sentant à la merci des prêteurs, subissait toutes leurs exigences » : ibid., p. 489.
216. Il en va de même de ceux qui prêtent à Charles Quint. Jacob Fugger soutient le Habsbourg
dans l’élection impériale parce qu’il a besoin de son appui pour sauver ses créances sur
Maximilien (et aussi sa position de force sur le marché du cuivre). En 1536, les Génois ne peuvent
que soutenir l’empereur : « Sont contrainctz lesd. Genevoys pour l’interest de leurs biens et
crédit tenir vif led. Empereur » : Du Bellay, Correspondance, t. II p. 518 (4-11-1536).
234
217. Voir par exemple Kellenbenz, Les foires de Lyon dans la politique de Charles-Quint, passim.
218. Un exemple de défense d’exporter : O.R.F., t. IX p. 235 (16-12-1538). D’autres déclarations de
ce type en 1506, 1540, 1548… Un cas particulier de mesure monétaire : le décri d’espèces d’or et
l’apport à des commissaires des masses et lingots d’or dans le cadre du rassemblement de la
rançon : O.R.F., t. V p. 280 et 283 (10-12-1529).
219. O.R.F., t. III p. 270 (18-6-1523) ; B.N. fr 5125 f° 99 v° (26-11-1536).
220. B.N. fr 3048 f° 89.
221. B.N. fr 3031 f° 17 [21-1-(1527)].
222. Isambert, Recueil, 1.12, p. 695.
223. François (Alexis), Meigret, p. 84 et sq.
224. Isambert, Recueil, 1.12, p. 834.
225. B.N. fr 3048 f° 131.
226. Les Impériaux tentent plusieurs fois de ruiner les foires car, comme le dit un texte de 1542,
« ce serait enlever au roi de France la facilité de trouver immédiatement de grandes sommes
d’argent quand il veut faire la guerre » : Kellenbenz, Les foires de Lyon dans la politique de Charles-
Quint, p. 26. Voir aussi Ehrenberg, Fugger, p. 241-242.
227. Du Bellay, Mémoires, t. III, p. 52-53.
228. A.N. J 965, 7/17.
229. B.N. fr 5125 f° 206.
230. O.R.F, t. IX p. 195 ; Du Bellay, Correspondance, t. II p. 519.
231. Spooner, Frappes, p. 120 note 3.
232. Ehrenberg, Fugger, p. 45.
233. Du Bellay, Correspondance, t. II p. 332.
234. A.N. J 965, 7/36 (1-11-1536).
235. A.N. J 966, 23/12. C’est d’autant plus douteux que la lettre est du 9 août.
236. Bodin. République, p. 893. Même raisonnement dix ans plus tard chez Dominique du Gabre,
évêque de Lodève et trésorier des armées à Ferrare. Dans une lettre du premier octobre 1553, il
conseille au roi, pour épuiser les ressources de son adversaire, de « prendre argent de tous
coustez, et en Italie et en France, quand il s’en trouve, et faire soulier vostre ennemy de la
guerre » : Romier (Lucien), Les origines politiques des guerres de Religion, Paris, 1913, t. I, p. 143.
237. Sur ce dossier, voir Potter, French Involvement, passim et François, Tournon, p. 222-224.
238. Voir la description faite par Bonivard, historien de Genève cité par François (Alexis), Meigret,
p. 84 : « L’empereur avait faute d’argent, qui est le nerf de la guerre, et en empruntait ab hoc et ab
hac, où il en pouvait avoir ». En novembre 1545, Charles Quint est aux Pays-Bas pour préparer sa
campagne d’Allemagne : « Pour dresser laditte armée, luy faloit avoir grandes finances, pour
lesquelles recouvrer il alloit audit lieu de Anvers, afin d’en avoir, tant par ottroy que par prest » :
Du Bellay, Mémoires, t. IV, p. 320-321.
239. Ehrenberg, Fugger, p. 251.
240. Voir la remarque, un peu plus tardive (milieu de 1549), du cardinal de Ferrare à Lyon : il
estime le marché bancaire « bien fort bon et plein de beaucoup de deniers » : Baudouin-Matuszek
et Ouvarov, Banque et pouvoir, p. 255.
241. B.N. fr 3048 f° 89. En 1527, alors que François Ier n’a plus aucun crédit, comme le souligne un
agent florentin, les ambassadeurs français en Espagne informent le roi qu’un marchand de Lyon a
fait une avance à l’empereur : Canestrini, Négociations, t. II, p. 899 ; Brewer, Letters and Papers,
vol. IV, part. II, p. 1618.
242. D’où le caractère très exagéré des affirmations de Boyer-Xambeu, Deleplace et Gillard,
Monnaie privée, p. 369, qui situent les emprunts royaux entre un et deux millions d’écus d’or par
an à partir de 1515…
243. Barrillon, Journal, t. I p. 108. L’argent n’est pas versé en raison de la rupture de l’accord,
rupture qui débouche sur Marignan.
235
244. Cité dans Paris, Études, p. 230. Spont, Semblançay, p. 175 parle de 3 000 écus.
245. Auton, Chroniques, t. III, p. 190-191 (20 000 lt. en 1503 fournies par Gié) ; Maulde, Procédures,
p. 710-711.
246. Il s’agit d’un mandement de remboursement, qui intègre peut-être des prêts antérieurs.
247. A.N. J 965, 8/22 et 8/38.
248. L’importance de cet engagement pourrait être un des facteurs de l’octroi, en février 1538, de
l’office de connétable à Montmorency : Greengrass, Montmorency, p. 382.
249. Prêt de 20 000 écus le 25 juillet 1519 : B.N. fr 14368 f° 158 v° ; d’environ 20 000 lt. en 1537 :
A.N. J 967, 8/6 et 8/19.
250. Prêt de 25 000 lt. entre Pâques 1521 et Pâques 1522 : B.N. Clairambault 1164 f° 177.
251. Prêt de 3 000 lt. en 1528 : A.N. KK 352, f os 37 v° et 38 ; de 7 000 lt. en 1537 : C.A.F, t. VIII, n
° 29927…
252. Prêt de 4 000 lt. en 1537 : C.A.F., t. VIII, n° 30257.
253. Prêt de 30 000 lt. en 1515 : B.N. fr 2940 f° 10-11.
254. C’est le cas d’Annebault ou de Boisy. Pour ce dernier, l’emprunt de la succession permet au
roi de se rattraper. Pour Annebault, voir Brantôme, Œuvres complètes, t. III, p. 210 ; François I er sur
son lit de mort affirme que l’amiral s’est appauvri à son service et il lui octroie 100 000 lt. à titre
de compensation. Si cela est vrai, il est probable que l’absence d’Annebault tient à la médiocrité
de mes sources pour les années 1540.
255. Le montant le plus élevé que j’aie repéré est un remboursement de 82 006 lt. au maréchal
Théodore Trivulce (Trivulzio) en juin 1525 : B.N. fr 5779 F 119 v°. Morelet de Museau et Thomas
Bohier, sans doute au début de 1524, s’obligent envers lui pour 10 500 écus : A.N. M.C. LXXXVI 99
(I.A.D. Bohier, 23-3-1566) n° 896.
256. C.A.F., t. VII n° 28803 et 29244. Deux quittances du 23 octobre de Meigret et Robertet, pour
4 092 lt. et 8 000 lt., précisent que le sire d’Albret agit ainsi « pour subvenir au recouvrement du
royaume de Navarre » : A.N. M.C. LXXXVI 99 (I.A.D. Bohier, 23-6-1566) n° 269.
257. Sous Louis XII, dans une liste de prêteurs de février 1512, figure en tête le roi lui-même, qui
fournit 50 000 lt. « de ses deniers », sans doute des terres qui ne sont pas du patrimoine de la
couronne : B.N. fr 5501 f° 368. Sous son successeur, c’est dans les relations financières entre le roi
et sa mère que l’on peut sans doute trouver la plus forte imbrication entre patrimoine « public »
et « privé ».
258. Un exemple sous Louis XII pour les trésoriers de France : B.N. fr 5501 f° 368.
259. Sur ses avances : B.N. fr 25720 fos 47, 64, 81, 111 et 131 ; fr 26116 n° 369 ; P.O. 381 (Bohier)
nos 72, 75 à 77, 80 et 81 ; P.O. 160 (Babou) n° 60 ; A.N. KK. 352 fos 35 v° et 37 v° ; C.A.F., t. V nos
16181 et 16702.
260. La formule utilisée concerne en fait, pour le même phénomène, le banquier A. Delbene sous
Henri TI : Baudouin-Matuszek et Ouvarov, Banque et pouvoir, p. 271.
261. A.N. J 964 n° 13. L’ensemble, soit 114 237 lt., est toujours dû à Bohier au moment de sa mort.
262. A.N. Zla 57 f° 169 (15-3-1532).
263. 4 000 lt. en 1528 : A.N. KK 352 f os 35 et 36 v° ; 1 500 écus en 1532 : C.A.F., t. II n° 4552. Il a peut-
être fourni aussi 10 596 lt. en 1523 : C.A.F., 1.1 n° 1753-1754 (prêts de deux de ses collègues
généraux pour payer les Suisses à la Chandeleur). Henri Bohier, qui n’est plus que sénéchal de
Lyon, est présent en 1528 pour 2 000 lt. (A.N. KK 352 f° 35 v° et 37 v°). S’il est bien le « monsieur
de la Chapelle (Bellouin) » cité, il est aussi sollicité en août 1527 pour 500 écus : B.N. Dupuy 645, F
199, n° 35.
264. A.N. Zla 66 f° 276 et 332.
265. C.A.F., t. VIII n° 29799 (janvier 1538 sd) et t. IV n° 14204 (10-11-1544).
266. Babou devait prêter 10 000 écus, du moins Duprat l’espérait-il le 17 mars, mais une partie de
la somme (au moins 3 000 lt.) est versée en monnaie comme le précise un état de deniers du
30 avril : B.N. fr 3031 f° 71 et 3011 f° 55.
236
267. Doucet, État général, p. 94 et 99 ; A.N. KK 352 f° 35 v°, 36, 37 v° et 38 ; B.N. P.O. 160 (Babou) n
° 75 ; C.A.F., t. II n° 4461 (16-3-1532) et t. VIII n° 30266 (septembre 1537 sd). Pour le prêt de 1527,
la seule trace est la sollicitation royale qui a très probablement été suivie d’effet ; B.N. Dupuy 645,
f° 199, n° 26.
268. 1 000 écus en 1527 : B.N. Dupuy 645, f° 199, n° 39 (même remarque que ci-dessus) ; 4 000 lt.
en 1528 : A.N. KK 352 f° 35 et 37 v° ; 10 000 lt. en 1529 ; C.A.F., t. I n° 3295 ; 6 000 lt. (un ou deux
prêts de ce montant en 1531-1532) : C.A.F., t. II n"4567 et t. VII n° 28052 ; 10 000 écus en 1536 ;
B.N. fr 5125 f° 15 v" ; l0 000 lt. en 1537 ; C.A.F., t. VIII n° 30271.
269. Sur le prêt comme étape de la vénalité publique, voir Descimon, Parlement de Paris, p.
147-161. Voir également Stocker (Christopher), « Public and Private Enterprise in the
Administration of a Renaissance Monarchy : the First Sales of Offices in the parlement of Paris
(1512-1524) », The Sixteenth Century Journal, IX (2), 1978.
270. A.N. M.C. XIX 86 (12, 14 et 20-4-1543).
271. Barrillon, Journal, t. II p. 312. A titre d’illustration, les prêts en 1519 de Pierre Cyret à
Bordeaux, Pantaléon Jobert à Toulouse, Hugues Leloyer à Rouen ; C.A.F., t. II n° 6320 et t. VII n os
28592 et 28700.
272. C.A.F., t. IV n° 12333. Autre cas original (le seul retrouvé dans le C.A.F.), celui du prêt de 200
écus par le vice-bailli de Viennois Antoine de la Court pour bénéficier d’une résignation à
survivance : ibid., t. VIII n° 30695 (juin 1537 sd).
273. Une seule exception repérée : Louis Chabannier pourvu en mai 1544 moyennant 3 375 lt. :
C.A.F., t. V n° 15189. S’agit-il d’un remboursement partiel ou d’une transaction spécifique ?
274. 2 500 écus : Gabriel Damours et Françoys Rabot ; 3 000 écus : Nicolas Compaing et Jehan
Scoriol : A.N. M.C. XIX 86 (20-4-1543) ; X la 8621 f° 20 v° et 48 v°.
275. C.A.F., t. VII n° 24352 et t. VIII n° 29501.
276. Sources : C.A.F., t. III n° 10374, t. IV n os 13175 el 13563, t. VI nos 22569, 22572-22580,
22584-22587 et 22592, t. VII n° 28700, t. VIII n os 29279 et 30456 ; C.A.H., t. I n° 1428.
277. Sur la différence classique de prix entre les deux types d’offices, voir Descimon, Parlement de
Paris, p. 151. L’analyse de R. Descimon se vérifie à Toulouse où l’office clerc de Jean de Tornoir (ou
de Tornoër) ne nécessite que 2 000 écus de prêt (soit 4 500 lt.) en 1543 quand, dès 1537, celui
d’Antoine de Paulo en requiert 6 000 lt. : A.N. M.C. XIX 163 (11-4-1543) ; C.A.F., t. VIII n° 30636.
278. A.N. M.C. XIX 163 (8-6 et 12-7-1543).
279. Estienne Lapite en 1537, Nicolas de Saimbault en 1539 et Nicolas Hardy en 1540 : A.N. M.C.
XIX 154 (6-9-1539) et 155 (7-7-1540).
280. A.N. M.C. XIX 151 (20,21 et 22-1-1539) : Boullenc a touché 2 500 lt. ; XIX 147 (28-1-1536) : Le
Berruyera déjà reçu 2 358 lt..
281. Ibid, XIX 76 (2-1-1536) et 78 (20-12-1536).
282. Coyecque, Recueil, n° s 2986 et 2987 (20-10-1543).
283. B.N. fr 5500 f° 33 (sans date).
284. C.A.F., t. IV n° 13798 (20-4-1544).
285. A.N. KK 352 fos 36, 36 v° et 38 v° ; f°s 37 et 38 v°.
286. B.N. Dupuy 645 f° 199. Essentiellement des présidents de tribunaux parisiens (Picot, Guillart,
Le Viste, Poillot…)
287. B.N. fr 20616 f° 60 ; A.N. KK 289 f° 6 v° (80 lt. sur les élus de Blois), 17 v° (80 lt. sur les élus de
Poitou), 25 (40 lt. sur l’élu de Beaumont-le-Vicomte et 60 lt. sur le receveur)…
288. En 1544, les trésoriers de France sont chargés de lever des emprunts sur les receveurs
ordinaires de leurs charges. Le remboursement est assigné sur la caisse de chaque receveur :
C.A.F., t. IV n° 13797 (Philibert Babou, pour 8 000 lt. sur la Languedoïl) et n° 13798 (Claude
Robertet, pour 6 000 lt. sur la Normandie).
289. C.A.F.. t. I n° 963.
290. Spont, Semblançay, p. 184 note 6.
237
313. B.N. fr 14368 f° 75 v°. Le document n’est pas daté mais l’argent doit être remis à Pierre
d’Apestéguy en tant que « receveur général de noz deniers extraordinaires », charge qu’il occupe
durant cette période.
314. Deux listes de prêts sollicités : B. N. Dupuy 645 f° 199 pour 1527 et fr 3122 f° 118 pour 1531.
Pour 1528, il s’agit de prélats figurants dans les recettes des Parties casuelles : A.N. KK 352 f os 36 v
°-39.
315. Le chancelier Duprat, archevêque de Sens, en raison de sa position particulière, n’est pas
retenu ici.
316. Cinq cités trois fois (Foucault de Bonneval, Georges d’Amboise, François de Rohan, François
de Poncher et Guillaume Briçonnet), huit cités deux fois (Tournon, Claude de Longwy, Louis
Guillard, François de Dinteville, Jean d’Orléans, Robert de Lenoncourt, Gilles de Luxembourg et
Aymar Gouffier) et onze, une fois (Jean Le Veneur, Pierre de Martigny, Pierre Filhol, Antoine
Dubois, Jean de Pins, Geoffroy d’Estissac, Jacques Hurault, Pierre Paulmier, Jacques de Silly,
Charles de Villiers de l’Isle-Adam et Antoine de la Barre).
317. Les cinq archevêchés absents, tous méridionaux, sont Auch (François-Guillaume de
Castelnau), Arles (Jean Ferrier), Bordeaux (successivement pour 1527-1531 Jean de Foix, Gabriel
et Charles de Gramont), Embrun (Antoine de Lévis) et Narbonne (Jean de Lorraine).
318. De par les limites des sources, il est parfois difficile de trancher sur le statut des prêts. Pour
1519, on garde trace de deux avances de fonds de prélats, celles du cardinal de Boisy et de Jean
Calvau, évêque de Senlis : B.N. fr 20879 f° 46 et C.A.F, t. VII n° 28899. Est-ce l’indice d’une levée
plus générale sur l’épiscopat ? N’est-ce pas plutôt la contribution de proches du pouvoir ? Boisy
appartient en effet au clan Gouffier, alors si puissant, et Calvau fut membre du conseil de régence
de Louise de Savoie en 1515.
319. C.A.F., t. V n° 17915 (26-11-1524). Leur remboursement est assigné sur le receveur des aides
et tailles de Beaujolais, sur les deux derniers termes de 1525.
320. B.N. fr 11969 f° 369-369 v°. Ils cherchent à en obtenir le remboursement en 1561, réclamant
le capital et quatorze ans d’intérêts car ils ont été contraints d’emprunter à 10 % pour disposer de
la somme.
321. Spont, Semblançay, p. 119 note 3 : il fait référence à Poitiers, Rouen, Troyes et Reims. Deux
allusions permettent de supposer d’autres demandes en 1516 et octobre 1520 : ibid., p. 126 note 3
et p. 167.
322. Selon Clamageran, Impôts, t. II p. 113, l’emprunt rapporte 1 185 221 lt. cette année-là.
323. Alors que les rentrées sont en cours, le lancement de l’imposition sur les hommes de pied
vient modifier les données car cette dernière dispense des demandes antérieures. On rabat sur la
nouvelle imposition le montant des prêts déjà fournis, qui ne seront donc pas remboursés : C.A.F.,
t. III n° 9955 (22-4-1538) et 10530 (12-12-1538), t. VI n 21410 (22-4-1538).
324. Dès janvier, le Conseil prévoit que les villes de Paris, Lyon, Rouen « et simile terre grosse »
prêteront 5 à 600 000 écus « a rendere quando potranno » : Lestocquoy, Nonces 1541-1545, p. 113.
Pour des prêts de juin 1542, les remboursements sont ordonnancés en février 1543 : C.A.F., t. VII
n° 24932.
325. Il s’agit peut-être d’une partie des 50 000 lt. que la ville devait fournir à la Toussaint comme
avance sur le bail des gabelles. Cf. sur ce point A.N. J 965, 7/25.
326. Pour une chronologie légèrement différente, voir les prêts demandés à Amiens dans Potter,
Picardy, p. 252. Les années concernées sont 1519, 1521, 1524, 1526-27, 1535-36, 1536-37 et 1545.
327. A Rouen, le roi mobilise le lieutenant général de Normandie, l’archevêque, le premier
président du Parlement et un « modeste » notaire et secrétaire du roi, Claude Guyot, qui est en
fait soit le receveur des tailles, soit son fils : C.A.F., t. III n° 8604 (10-8-1536). Au même moment
interviennent à Toulouse le vicaire général du cardinal-archevêque et le premier président du
Parlement : ibid, n° 8609. Le rôle des intermédiaires est bien exprimé aussi dans une lettre du roi
au comte de Guise, gouverneur de Champagne, le 3 juillet 1537 : « M’escripvez par vosd. lettres
239
que vous vueillez essayer de tirer par forme d’emprunct des villes de vred. gouvernement
quelque bonne somme de deniers pour d’icelle me subvenir en mon affaire, et vous ne me ferez
pas petit plaisir » : B.N. fr 3061 f° 13. Quant à Vendôme, gouverneur de Picardie, il s’est lui aussi
plusieurs fois porté personnellement garant auprès des villes picardes lors de leurs prêts : Potter,
Picardy, p. 251-252.
328. Tournon qui, en juillet 1537, vient de recevoir une telle commission souhaite qu’elle soit
adressée à un autre « car je leur ay tousjours uzé de toute la gratieuseté qu’il m’a esté possible et
ne scauroys maintenant leur uzer de rigueur ni de force » : A.N. J 965, 7/15. Peut-être, à cette
date, souhaite-t-il tout simplement être relevé de ses charges lyonnaises.
329. C.A.F., t. III, nos 8639 et 8689.
330. Ibid., t. I n° 1913 ; A.N. M.C. LXXXVI 99 (I.A.D. Bohier, 23-3-1566) n° 727.
331. Bouchet, Annales, p. 550. On en a trace pour Paris [C.A.F., t. IV n° 14048 ; B.N. fr 26129 n
° 2353 ; A.N. M.C. LIV 20 (18-7-1544)], pour Troyes (B.N. P.O. 2287 (Pioche) n° 6) ou pour
Montferrand (B.N. P.O. 381 (Bohier) n° 64).
332. C.A.F., t. VIII n° 29413, 29503, 30177, 30237, 30465, 31348 et 31573. Voir aussi les prêts
normands auxquels il est fait allusion en A.N. J 967, 5/2 [17-6-(1537)].
333. A.N. J 966, 8/1.
334. Bourgeois de Paris, Journal, p. 135.
335. Par exemple le prêt de 800 lt. de Jehan Guennelon, bourgeois d’Abbeville : Thierry
(Augustin), Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers-État, Paris, 1856, t. 4 p. 381 (daté par
erreur de 1527 : il est en fait de 1519, s’il faut en croire les localisations fournies par l’itinéraire
du roi dans le C.A.F.).
336. Voir nombreux exemples in C.A.F., t. IV n° 12624-25 (Poitou, Angoumois, Saintonge et
La Rochelle), n° 12646-47 (Dauphiné), n° 13045 (Limousin)…
337. A.D. Loire-Atlantique, B 52 f° 258 v°. Voir les réclamations de Saint-Malo au sujet de deux
emprunts qui chargent la province : C.A.F., t. VI n° 22725 (27-12-1543).
338. Classement sommaire des 351 Parisiens touchés dans Coyecque, Emprunt forcé, p. 24. Parmi
eux cent membres du Parlement et quarante-trois de la Chambre des Comptes, ce qui souligne le
poids des officiers.
339. C.A.F., t. IV n° 12629 (10-7-1542).
340. Ibid., n° 12636 (19-7-1542). Dès le 29 juillet, la quote-part de la ville de Dijon est réduite à
25 000 lt. : ibid., n° 12658.
341. A.N. M.C. III 28 (5 et 6-10-1543). Les deux communautés ont fait appel de leur « cotisation »,
les habitants de Brezolles sans doute parce que trop taxés (400 lt.) et ceux de Châteauneuf
« comme non estant tenuz ne subjectz du bailliage dud. Chartres ».
342. Voir la remarque d’Ehrenberg, Fugger, p. 15 : « Aucun prince, en fait, n’avait la possibilité de
contracter d’emprunts consolidés importants, sans recourir au crédit des provinces et des
villes ».
343. Que c’est la ville et non le roi qui vend les rentes, de multiples exemples le montrent dans
les actes du Minutier Central : ce qui vaut en 1522-1523 [A.N. M.C. XIX 54 (4-12-1522) et 173
(12-10-1547)] est toujours valable en 1554 [Ibid., VIII 180 (6-7-1554)]. Pour les rentes sur la ville
d’Anvers. Charles Quint n’offre que le denier 16 (6,25 %) : Braudel, Emprunts, p. 196-198.
344. Relevons au sujet de cette première émission l’interprétation erronée de Boyer-Xambeu,
Deleplace et Gillard, Monnaies, p. 372 qui y voient une conversion des créances sur le roi en rentes
à 8 %.
345. Cauwès, Rentes, p. 826 : 1522 : 200 000 lt. ; 1536 : 100 000 lt. ; 1537 : 200 000 lt. ; 1544 : 100 000
écus (soit 225 000 lt.) ; 1545 ; 120 000 lt. ; 1546 ; 90 000 lt.. Il s’agit à chaque fois du capital. La
moitié de la souscription de 1544 correspond à une conversion de prêts à court terme de 1542 qui
n’avaient pas été remboursés : Coyecque, Emprunt d’État, p. 22-23.
240
346. R.D.B.V.P., t. IV, p. 431-432. Sur le rachat par lettres patentes du 27-9-1547, voir Cauwès,
Rentes, p. 114.
347. Chiffre retenu par Schnapper, Rentes, p. 173. Pour 1547-1559, le capital des rentes atteint
d’après lui 6 813 000 lt., soit près de dix fois plus en deux fois moins de temps.
348. A.N. M.C. XIX 54 (4-12-1522). Même phénomène en 1544 avec la rente acquise le 2 avril par
Anthoine Pétremol, maître des comptes, revendue dès le 30 à Pierre Talon, receveur et payeur de
ladite chambre : ibid, VIII 71.
349. Ibid., XIX 59 (22-5-1526). Schnapper, Rentes, p. 163, cite un achat du 23 juin 1554, avec
revente dès le 2 juillet.
350. C’est l’opinion de Wolfe, Fiscal System, p. 92.
351. Bourgeois de Paris, Journal, p. 165 ; Versoris, Livre de Raison, p. 119. Cela semble confirmé par
la lenteur de la couverture de l’emprunt. A l’automne 1523, soit un an après le lancement, la
municipalité parisienne place encore des rentes : A.N. M.C. XIX 173 (12-10-1547) : deux ventes de
100 st les 17-9 et 10-10-1523.
352. Sur cette somme accordée le 15 juillet, 29 706 lt. seulement seront rassemblées en 420 prêts :
B.N. Moreau 1058 f° 60-99. Sur les fonds manquants, voir R.D.B.V.P., t. II, p. 360, qui parle de
10 200 lt.. Sur l’assignation du remboursement : Du Bellay, Correspondance, t. II p. 407 (3-8-1536) et
p. 490 (4-10-1536).
353. Cauwès, Rentes, p. 116. La demande est formulée par le cardinal du Bellay le 20 août. On peut
s’interroger sur les raisons qui ont fait - exceptionnellement - intervenir le roi dans le processus
électoral en juillet. Le maintien autoritaire, pour deux ans supplémentaires, de Jean Tronson
comme prévôt des marchands est-il lié aux sollicitations financières ?
354. Cf A.N. M.C. VIII 282 (17 et 26-11-1536).
355. A.N. J 967, 127 (12-3-1537).
356. A.N. J 966, 4/2 (8-3-1537). Voir aussi J 966, 30/2.
357. Cauwès, Rentes, p. 118. Le système de la « cotisation » pour les rentes sur l’Hôtel de Ville ne
sera interdit qu’en 1557 : Schnapper, Rentes, p. 164. Sur la rente comme emprunt forcé sous Henri
II : Wolfe, Fiscal System, p. 111.
358. A.N. J 965, 9/33.
359. A l’appui de cette affirmation, la rapidité de la vitesse de souscription des émissions de
1553-1554 : Schnapper, Rentes, p. 159. Les remarques de l’auteur sur le profil des souscripteurs
conduisent cependant à pondérer cet élément. Mais quand, en 1558, Henri II obtient de Lyon
226 000 lt. assignées sur la douane, au profit de 10 %, « se trouva, à la fin, plus de deniers qu’on ne
voulloit » : Guéraud, Chronique, n° 187. Il est vrai que l’intérêt est ici supérieur.
360. A.N. J 968, 44/2.
361. Ibid., 53 [16-2-(1538 ?)].
362. Voir C.A.F., t. IV n° 13832-33, 13874 et 13921.
363. Un acte du 12-2-1532 (A.N. M.C. XIX 65) évoque les créances reçues par la veuve d’un
contrôleur de l’Écurie du roi. Parmi celles-ci on note la présence de 1 000 It « de la debte du
Roy » : s’agit-il des rentes ?
364. A titre de comparaison, dans le royaume de Majorque, depuis le début du XV e siècle, les
créanciers du souverain, pour la sécurité du versement de leurs intérêts, ont obtenu
l’administration de ressources publiques : Hermann et al., Premier âge de l’État en Espagne, p. 139.
365. Schnapper, Rentes, p. 154, parle d’une aliénation complète des fermes qui serait rapidement
abandonnée. Elle n’a pu, au mieux, fonctionner qu’en 1522, et le texte qui suit laisse sceptique. Il
faut en effet citer sur ce point un large extrait d’une lettre du chancelier du Bourg à Tournon, le
14 novembre 1536 : « Vous ay bien volu advenir que le prévost et eschevins de Paris présentèrent
au conseil à Chastellerault une minute de contract pour la somme de cent mille francz qu’ilz ont
preste, demandant pour icelle leur estre vendu certaines fermes et aydes, avec permission de les
ballier de leurs auctorités et d’avoir la cognoissance et justice des différens que en porroient
241
deppendre. Ce que leur fut débattu en troys poinctz, scavoir est que lesd. fermes estoient
muables et incertaines, povoient augmenter et diminuer et qu’il seroit plus raisonnable qu’ilz
eussent rente pour led pris de C m lt avec seuretté du payement de lad rente chacun an, leur
baillant contrainctes par le contract comme pour les propres afferes et deniers du Roy […] et où il
y auroit deffault seroient assignés du reste sur les aultres fermes […]. Le second que les baux ne
doybvent estre faictz par led prévost et échevins veu que la totalité desd fermes par l’article
précédent ne leur estoit vendu mais seullement une rante et somme certaine sur lesd fermes. Le
tiers quant à la justice, qui ne debvoit estre comprinse à la vendicion et constitution de la rente,
veu mesmes que pour la justice n’estoit baillié aulcun pris et qu’elle debvoit demeurer aux esleuz
et aussi le pouvoir de fere les baulx en la manière acoustumée » : B.N. fr 5125 f° 76.
366. Wolfe, Fiscal System, p. 92.
367. B.N. Clairambault 334 f° 209 (14-10-1532).
368. A.N. J 958 n° 11 (réponse sur le troisième point).
369. Körner, Solidarités, p. 417 ; Rott, Représentation, p. 263 et note 6. Les Bernois avaient déjà prêté
8 000 écus en juin 1521 sur un total de 11 000, le solde étant fourni par « Vog Billy » et « Loys
Derlac » : B.N. fr 2963 f° 181.
370. A.N. M.C. LIV 6 (Inv. Morelet, 21-2-1532) n° 504. Ce montant intègre-t-il les 1 010 écus prêtés
par Lucerne en 1526 et cités par Körner, Solidarités, p. 211 ?
371. B.N. fr2963 f° 161.
372. Körner, Solidarités, p. 417. Dans une lettre à Montmorency du 29 septembre 1527, Morelet de
Museau rappelle qu’il a « empruncté plusieurs sommes de deniers dont ceux qui ont respondu
pour [lui] sont obligez corps et biens, selon la coustume de Basle » : B.N. fr 3054 f° 135. Voir en
A.N. PP 99 p. 56 une allusion au « registre des doubles des seuretez baillées aux ligues par ceux
qui ont emprunté deniers pour les affaires du Roy ».
373. Hyrvoix, François Ier et la Suisse, p. 523. La lettre date de 1532, année où le roi tente de régler
sa dette envers les Cantons.
374. A.N. M.C. LIV 6 (21-2-1532, Inv. Morelet) n° 662.
375. Voir supra pour le temps de Spifame. Pour d’autres prêts probablement destinés à Carré en
1524 : ibid., n° 694.
376. A titre d’exemple, voir les fonds fournis au printemps 1522 par Jehan Gaudion, capitaine
suisse originaire de Fribourg et servant en Italie : A.N. M.C. LIV.53 (17-6-1536, Inv. Morelet) nos
646-647. Il figure sous le nom de Jean Godium comme envoyé de Fribourg auprès du roi : C.A.F.,
t. IX p. 138.
377. Gioffre, Gênes, p. 112.
378. Un document sans doute des toutes premières années du règne évoque « une partie des
marchans [de Milan qui] n’ont esté remboursez des prestz qu’ilz ont faict par le passé » : B.N.
Dupuy 261 f° 66.
379. Son père, Sébastien, a été lui aussi général de Milan. En 1504, le chef de la compagnie qui
afferme les impôts du duché est Alexandre Ferrier, devenu commissaire au sel en 1510, au
moment où Barthélémy Ferrier est maître des intrades ordinaires. En 1516 Barthélémy est à son
tour fermier général de Milan. Voir A.N. J 910 nos 1 à 4.
380. B.N. fr 3050 fos 81, fr 2985 f° 89 V1.
381. A.N. PP 119, mémorial FF, p. 35-36.
382. Ferrier réclame, après avoir fourni les 120 000 lt., des remboursements « car de
passer plus oultre sans led secours de pardella je ne le scauroie faire » : B.N. fr 3050 f° 81.
Ces propos, qui rappellent étrangement ceux de Tournon, soulignent aussi la dépendance
où est le Milanais vis-à-vis des fonds du royaume.
383. C.A.F., t. VII n° 25879 (sans date). Le document de référence est à la Bibliothèque nationale
de Vienne.
242
repérer. En l’absence de droits sur les successions, et sauf problèmes entre héritiers, il n’y a
aucune raison de dissimuler les objets précieux dans les inventaires.
408. Versoris, Livre de raison, p. 203 (paragraphe 364). Le chanoine est vraisemblablement
membre d’une famille d’officiers de finance de Melun. Nicolas Tappereau qui teste le 20 octobre
1513 (A.N. M.C. XIX 38) y est élu. Un second Nicolas est contrôleur des deniers communs de la
ville en 1542, son frère Simon, mort peu avant, était contrôleur du grenier à sel et sa sœur Anne
est l’épouse d’Anthoine Bunot (ou Bugnot) élu de Melun depuis au moins 1529 : ibid., CXXII 1278
(15-5-1542) et Zla 54 f° 239 v°.
409. Voir la vente de la vaisselle royale pour procurer 31 710 lt. en août-septembre 1524 à Jehan
Carré, pour l’Extraordinaire des guerres : A.N. KK 104 f° 23.
410. A.N. J 967, 15/2.
411. B.N. fr 3048 f° 183.
412. Pour changer d’époque, évoquons la part prise par Jacques Cœur dans le financement des
campagnes de Normandie en 1449-1450 et de Guyenne en 1453. Dans les deux cas il est amené à
emprunter sur son crédit des sommes considérables.
413. Sur le crédit à deux niveaux, voir Bien, Offices, p. 385-386.
414. Notons que les parents sont en revanche très rarement mentionnés comme tels. Deux des
rares cas sont celui de Geoffroy Ferrier en 1521 qui évoque « l’aide de [ses] parantz et amys » :
B.N. fr 3050 f° 81, et celui de Semblançay : Spont, Documents, p. 351 (article XXIV).
415. B.N. fr 14368 f° 158 v° ; A.N. J 967, 31 [27-6-(1538 ?)].
416. B.N. fr 3031 f° 103 v° ; Buisson, Duprat, p. 269.
417. Avec Dessert, Fouquet, p. 101, on peut ainsi dégager deux facettes du rôle des agents du roi :
pour voyeurs de fonds, fournissant leur garantie personnelle ou simples intermédiaires, sans
garantie de leur part pour ceux qu’ils convainquent de prêter.
418. B.N. fr 10385 f° 26.
419. B.N. fr 5125 f° 31 v° (un ami auprès duquel Tournon « en avoys tasté le gué » l’assure qu’il ne
faut pas retenir les fonds empruntés aux marchands-banquiers au-delà des échéances) et f° 187v°
(essayer « avecques [ses] amys » de trouver de l’argent à intérêt auprès des marchands-
banquiers).
420. B.N. fr 2977 f° 21.
421. A.N. J 967, 3/13.
422. Sur ce dossier voir surtout Du Bellay, Correspondance, t. I p. 123 à 134.
423. B.N. fr 3080 f° 101.
424. Ibid., f° 103.
425. B.N. fr 3001 f° 35. Jehan Brice fait apparemment courir des intérêts sur les fonds qu’il n’a pas
encore délivrés à Langey car Jean du Bellay assure que « l’actente [des garanties] coste à mondict
frère V c escuz de perte ». Ce marchand âpre au gain est l’une des victimes des poursuites contre
les usuriers de 1532 : B.N. fr 15633 f° 175 v° - 177 v°. La morale est sauve.
426. B.N. Clairambault 332 f° 15.
427. Un acte de 1537 mentionne un prêt de 6 600 lt. à Langey fait en 1530 « sur certaines bagues »
par Bénigne Serre, un Bourguignon qui fait carrière dans les finances du roi. On ignore si cette
transaction a un lien avec l’avance au roi : A.N. M.C. CXXII 24 (23-8-1537).
428. Deux créances de Nicolas de Noble de 1529 et 1533 : A.N. M.C. VIII 82 (26-5-1556) ; une de
Legras antérieure à 1535 : ibid., VIII 175 (21-1-1535), une de Bini en 1536 : Gascon in Chaunu,
H.E.S.F., t. I p. 299. Sur l’importance de l’endettement de Langey, voir B.N. fr 3080 f° 121 et 5149 f
° 112.
429. Spont, Semblançay, p. 102 et note 5.
430. Maulde, Procédures, p. 710-711.
431. B.N. fr 3873 f°4,
244
432. Pour Langeac, créance de Morelet de 1525 : A.N. M.C. LIV 6 (Inv. Morelet, 21-2-1532) n° 562 ;
prêt au roi : ibid., XIX 151 (25-1-1539) ; pour Odin, créance de 1518 : ibid., LIV 53 (Inv. Morelet,
17-6-1536) n° 495 ; prêt : C.A.F., t. II n° 4474 (23-3-1532).
433. A.N. M.C. LIV 6 (Inv. Morelet, 21-2-1532) n° 567 ; ibid., XIX 175 (25-7-1548).
434. Ibid., n° 373 ; François (Alexis), Meigret, p. 17-18.
435. A.N. M.C. XIX 147 (8-2-1536) et LIV 53 (Inv. Morelet, 17-6-1536) n° 559 ; B.N. P.O. 1912 dossier
44088 (Meigret) n° 4 (1-7-1519).
436. A.N. M.C. LIV 6 (Inv. Morelet, 21-2-1532) n° 424.
437. A.N. M.C. VI 68 (avril 1544) : brevet inventorié « Et ne » dans les papiers du commis à la
gestion des biens de Morelet ; C.A.F., t. II n° 4582 (23-5-1532).
438. C.A.F., t. III n° 8767 (31-1-1537) et t. VIII n° 30454 (août 1537 sd) qui parle par erreur d’un
prêt initial de 3 000 lt. au lieu de 6 000 lt. ; A.N. M.C. XIX 54 (4-12-1522).
439. Ce sujet sera développé dans un second volume, à paraître.
440. A titre d’exemple, quelques données sommaires sur Jehan de Poncher : comme général des
finances, il perçoit 5 340 lt. par an (C.A.F., t. II n° 6652). Le revenu annuel de son patrimoine
immobilier, prisé « au moindre » dans le cadre de poursuites contre lui, s’élève à 4 864 lt. (A.N. J
958 n° 34). Or plusieurs pièces de son patrimoine sont omises dans cette estimation, comme
Esclimont (800 lt. de revenu) ou Torcy (au moins 600 lt.) : B.N. Dupuy 623, f° 84. Ainsi le cap des
10 000 lt. est-il franchi sans difficulté.
441. Doucet, État général, p. 91.
442. A.N. M.C. LXXXVI 99 (I.A.D. Bohier, 23-3-1566) n° 322.
443. Bourgeois de Paris, Journal, p. 303. Il faudrait cependant pouvoir ici faire la part de la réalité
et celle de la rumeur ou du fantasme, comme d’ailleurs pour les affirmations qui suivent.
444. Spont, Documents, p. 343-344 (articles XII, XIII et XIV) ; Doucet, Parlement 1525-1527,
p. 233-234.
445. C’est aussi le sentiment de Doucet, Ibid., p. 229.
446. A.N. J 818 n° 2.
447. A.N. M.C. LXXVIII 4.
448. A.N. M.C. CXXII 1044 (23-10-1528).
449. A.N. M.C. XIX 175 (25-7-1548). Le document mentionne une « confession » du fils de Geoffroy
Ferrier qui énumère des prêts faits en 1521, sans doute ceux qui ont transité par son père. On
regrette de ne pas en savoir plus…
450. B.N. fr 3031 f°75.
451. A.N. M.C. XIX 86 (12-7-1543) pour Delange et ibid., (date illisible) pour Pinel.
452. A.N. M.C. CXXII 1049 (11-12-1534).
453. A.N. J 958 n° 38.
454. Voir sur lui A.N. M.C. VIII 283 (7/8-1-1537) ; XIX 54 (7-5-1522) ; CXXII 12 (29-7-1527) et 14
(29-7-1529).
455. Spont, Documents, p. 341 (article X) et Semblançay, p. 254.
456. B.N. fr 2941 f° 31 ; Spont, Documents, p. 354 (article XXV)
457. Lettre en fac-similé entre les pages 260 et 261 de Spont, Semblançay.
458. B.N. P.O. 248 (Beaune) n° 71.
459. Spont, Semblançay, p. 269 notes 4 et 5.
460. Ibid., p. 272 (92 opposants puis 50 supplémentaires, soit 142 au total) et p. 270 note 4 ; B.N. fr
2965 f° 19.
461. A.N. M.C. XIX 62 (1-3-1529) : ils s’opposent aux criées pour 10 000 lt.. Mais le cas Robert est
un peu particulier car il s’agit sans doute de l’emprunt de la finance de l’office du greffier
immédiatement après sa mort. Sur la « despoille d’office » du greffier Robert, voir A.N. X la 1523 f
370 v° ; B.N. fr 2933 f° 83 et 2978 f° 11. Sur Robert lui-même : Le Clech-Charton (Sylvie), « La
spiritualité des officiers royaux au début du XVIe siècle : Antoine Robert, bourgeois de Paris et
245
secrétaire du roi de Louis XI à François Ier », Revue d’Histoire de l’Église de France, t. XXVII, 1991,
p. 103-123.
462. Il est vrai qu’ils ont pu bénéficier des remboursements effectués entre temps. Sur ceux de
1522, voir Spont, Semblançay, p. 216 note 3.
463. Mandrot, Batarnay, passim ; Spont, Semblançay, p. 235 et 265 ; Marchegay, Lettres missives, p.
61.
464. Est-ce à ces fonds que songe le Bâtard quand il écrit à Montmorency que, pour parvenir à
trouver 10 000 écus, « il a faillu que j’ay mis la main en quelque bon lieu, à quoy je n’ay point de
regret pour l’espérance que j’ay du service qui en viendra » : B.N. fr 2987 f° 33 ? Ce n’est pas
certain, car la lettre est du 15 juin 1523 et la quittance de réception des espèces de Batarnay du
12 août seulement. Mais peut-être a-t-on commencé à piocher un peu plus tôt dans la réserve.
René de Batarnay est évidemment opposant aux criées des biens de Semblançay.
465. Voir par exemple Philibert Babou qui est tuteur de Jehan L’Archevêque, seigneur de Soubise
et qui obtient la garde noble de Marie de Bourillac, une des demoiselles de Louise de Savoie :
Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. I (1891) p. 242 ; A.N.
X3a 31 (8-7-1523).
466. Bibliothèque de l’Institut, Godefroy 284, fos 7 et 9.
467. Voir la mise au point de Chevalier, Tours, p. 339-340. On note l’absence d’accusations sur ce
point dans les procès. Faute de preuves disponibles, ou parce que le procédé reste limité ?
468. Voir par exemple les remarques de Greengrass, Montmorency, p. 380 sur l’intérêt pour
Montmorency d’être proche d’un pouvoir royal dispensateur de liquidités peu aisées à trouver.
469. B.N. fr 5085 fos 15-16.
470. C.A.F., t. VIII n° 33294 et t. IV n° 12660.
471. Boyvin, Mémoires, p. 156.
472. Buisson, Duprat, p. 269-270 (texte modernisé).
473. Michaud, Chancellerie, p. 311.
474. A.N. J 965, 9/33.
475. B.N. Clairambault 1215 f° 63 v°.
476. 476. C.A.F., t. VII n os 28206 et 28640, t. VIII nos 29317, 29503, 29652, 30177, 30237-39, 30328,
30463-68, 30514, 31348, 31573, 31575 et 31795.
477. A.N. J 967, 7/9.
478. Sur les emprunts de la fin du Moyen Age, une synthèse des procédés dans Autrand,
Parlement, p. 225.
479. B.N. fr 5501 f° 368.
480. B.N. Dupuy 645 f° 199 (1527) ; A.N. KK 352 f° 35 et sq. (1528) ; A.N. J 960 1 f° 9 complété par
B.N. fr 3122 f° 118 (1531). 285 050 lt. d’emprunts faits entre le 15 juin 1524 et le 31 décembre 1528
tombent dans la caisse des finances extraordinaires : A.N. J 1040 n° 17. L’emprunt de 1528
représente à lui seul 121 030 lt.. On ignore en revanche si les 75 500 écus demandés en 1527
s’intègrent dans cet ensemble.
481. « Les aultres empruncts de monsr de la Trémoille, de messieurs les prélatz, des trésoriers,
généraulx, receveurs généraulx, contrerolleurs généraulx et autres particuliers » sont censés,
avec quelques rentrées annexes, fournir 200 000 lt. : B.N. fr 2940 f° 71 v°.
482. C.A.F., t. VIII n° 30257 à 30271 fournit quinze mandements de remboursement pour un
montant de 35 810 lt.. Le 23 juin, Guy de la Maladière informe le chancelier que « la somme de
XXX m l. qu’[il a] receue des prestz » part pour l’armée de Picardie avec 50 000 lt. d’autre
provenance : A.N. J 968, 15/20.
483. B.N. fr 3048 f° 51. Elle est destinée à payer les Suisses, contrairement à celle de 1531 déjà
connue, qui concerne le rachat de terres flamandes dans le cadre de la rançon.
484. Aux sources citées plus haut, ajouter A.N. J 964 n° 29, ainsi que de nombreux mandements de
remboursement dans le C.A.F.
246
485. La date précise est ignorée mais le document fait allusion au prêt de la trésorerie de
l’Extraordinaire des guerres, et c’est en juin que Jehan Godet succède à Jehan Laguette. Par
ailleurs le 12 juillet, Nicolas Le Coincte est pourvu comme changeur du Trésor. Or le document
mentionne un prêt que Pierre d’Apestéguy fera « ou cas qu’il ne preigne l’office de changeur du
trésor ».
486. En comptant l’écu à 40 st, sa valeur légale, ce qui, on le verra, fait parfois problème.
487. Ce qui sera la seule contribution, du monde de la banque effectivement versée : B.N fr 20502
f° 108.
488. Sur l’ensemble des revenus de l’Épargne de 1532, les sommes versées pour remboursements
de prêts se montent à 160 565 lt. : B.N. fr 15628 passim. Mais plusieurs d’entre elles concernent
d’autres opérations que celle évoquée ici.
489. Un exemple au début du règne, celui d’Antoine Le Bègue, abbé de Beaupré qui, ayant reçu
une lettre du roi le sollicitant pour 200 lt. le 29 juillet 1515, peut produire une attestation du
10 septembre constatant que la somme a été remise à un clerc du trésorier de l’Extraordinaire
des guerres : Coyecque, Recueil, t. I n° 188 (18-3-1519).
490. Coyecque, Recueil, t. I n° 279. On retrouve cette exigence de garants de la part du Parlement
pour l’« emprunt » des offices du greffier criminel Robert en 1521 : A.N. X la 1523 f° 370 v°.
491. C.A.F., t. III n° 9954.
492. Voir les papiers de l’inventaire après décès de Pierre Legendre, cotes 12 à 16. Ce document
est propriété privée. Un microfilm partiel peut être consulté au C.R.H.A.M., 3 rue Michelet, 75006
Paris. Les nos 14 à 16 sont en partie repris dans Hervier, Legendre, p. 184, 193 et 194.
493. A.N. M.C. CXXII 15 (24-9-1529) et C.A.F., t. VIII n° 30718.
494. O.R.F., t. III p. 263. Le même texte fournit des garanties aux acquéreurs de biens aliénés.
495. B.N. fr 2977 f° 15. Sur les prêts sans intérêts reçus à Anvers par Charles Quint : Braudel,
Emprunts, p. 196 et note 4 et p. 197.
496. Rey, Finances sous Charles VI, p. 279.
497. A.N. J 963 n° 23. L’affaire provoque un scandale au Parlement lors de la « réception » des
nouveaux promus, accusés d’une vénalité un peu trop visible.
498. Mandrot, Batarnay, p. 251-254, 369 et 374.
499. C.A.F., t. VII n° 28273.
500. C.A.F., t. IV n° 12642 ; Guéraud, Chronique lyonnaise, n° 22.
501. Voir le cas de cet emprunt en Languedoc en 1494 que le roi se propose de « tauxer et
ordonner jusques à deux solz pour livre et au dessoubs » : Isambert, Recueil, t. II p. 261.
502. Gascon, Lyon, p. 695.
503. Avec un cas original, celui de Soleure en 1528. La pension française qui lui revient est en
retard. Or, comme son budget serré ne lui permet pas de se passer de cet argent, Soleure
emprunte 1 500 écus sur le marché bâlois et s’arrange pour que François I er en paye les intérêts
jusqu’au versement de l’arrérage des pensions, en 1536 : Körner, Solidarités, p. 168.
504. Tarbé, Trésor, p. 294-297.
505. B.N. fr 2976 f° 65 [9-2-(1530)].
506. Voir les remarques de Guenée (Bernard), L’Occident aux XIVe et XVe siècles. Les États, Paris, 1981
(2e éd.), p. 177-178.
507. Autrand, Parlement, p. 229 et 239.
508. Cette approche reste d’actualité bien au-delà de la Renaissance. Voir Porchnev (Boris), Les
soulèvements populaires en France, 1623-1648, Paris, 1972, p. 396 : « Le capital se dérobe aux
impositions par le moyen du crédit ».
509. Voir sur ce point les analyses de Bien, Offices, p. 381, 40M02, en particulier p. 401 : « Le
maintien des privilèges a été essentiel pour le crédit et la solvabilité de l’État moderne en train de
se développer ».
247
510. Voir l’exemple des intérêts portés dans les années quarante et au-delà par deux cités du
Sud-Est : Avignon (taux d’intérêt de 10 %) : B.N. fr 11969 f° 369 et Valence (taux atteignant 14 %) :
Heller, Conquest of poverty, p. 218.
511. Ehrenberg, Fugger, p. 8.
512. Sous Louis XI pour le rachat des villes de la Somme : Wolfe, Fiscal System, p. 56 ; voir
Schnapper, Rentes, p. 158 note 29 qui date de 1475 l’apparition des consignations. Sous Louis XII
en 1503 : B.N. fr 3911 f° 6 v° et en 1513 : B.N. fr 5501 f° 367v° (21 009 lt. provenant des
consignations du Parlement, des requêtes du Palais et du Châtelet de Paris) ; Spont, Semblançay, p.
72. On retrouve une saisie de ce type sous Charles IX : Wolfe, Fiscal System, p. 115. D’après
Schnapper le procédé ne devient courant qu’à partir de 1555.
513. B.N. fr 3911 f°43 v°.
514. C.A.F, t. VI n° 19116 (8-4-1527).
515. Ibid., t. I n° 1952 (24-12-1523). Si la mesure paraît générale, l’acte ne concerne que 8 000 lt.
déposées au greffe de la Cour des aides de Rouen.
516. A.N. X1a 8612 f° 113 v°.
517. A.N. J 968, 12/1.
518. C.A.F., t. VIII n° 30073-74. Et il ne s’agit probablement que d’une partie des fonds empruntés.
519. A.N. M.C. XIX 149 (2-4-1538).
520. A.N. M.C. LIV 12 (21-2-1538). L’acte correspond au remboursement par le commis à la recette
d’Outre-Seine.
521. C.A.F., t. VI n° 22825.
522. A.N. PP 99 p. 102.
523. A.N. M.C. VIII 47 (15-2-1535) et 175 (10-2-1535).
524. C.A.F., t. III n° 8843 ; A.N. J 965, 4/13. Plusieurs sources concernant l’affaire parlent par
erreur de 20 000 lt. au lieu de 20 000 écus, à commencer par le C.A.F. Il faut faire les rectifications
qui s’imposent.
525. B.N. Dupuy 486 f° 83 (27-3-1537).
526. B.N. fr 3048 f° 161.
527. C.A.F., t. III n° 8866 et t. VI n° 21233.
528. A.N. J 958 n° 25
529. C.A.F., t. VIII n° 29373.
530. A.N. J 966, 27/19. La terre de Méru restant en définitive aux mains de Montmorency, ce
remboursement doit être fait aux héritiers de Ferry d’Aumont.
531. B.N. fr 2977 f° 41 (2-7-1521 ou 1522).
532. B.N. P.O. 2326 (Poncher) n° 55.
533. B.N. fr 25720 n° 175 (15 000 lt. d’avance pour un fermage de 10 500 lt. par an)
534. B.N. fr 14368 f° 150 (20 000 lt.) et fr 25720 n° 232 (10 000 lt. d’avance, ferme de 29 500 lt. pour
trois ans).
535. C.A.F., t. II n° 4016-17 (17-5-1531) ; A.N. J 960 1 f° 9 et B.N. fr 3122 f° 118.
536. B.N. fr 25720 n° 238 (9-10-1523). Les fermiers obtiennent en contrepartie une prolongation
de bail d’une demi-année.
537. B.N. fr 10406 n° 14.
538. B.N. fr 3031 f° 7 [27-8-(1527)].
539. A.N. J 966, 27/11. Certains fermiers demandent encore un gain plus élevé à cause de
l’importance des avances, des incertitudes dues à la guerre et du fait que les baux ne
commencent qu’au premier janvier suivant.
540. Doucet, État général, p. 55.
541. Voir des exemples pour des greniers d’Outre-Seine : A.N. M.C. XIX 42 (16-7 et 8-8-1516) ;
pour les bois : B.N. fr 3039 f° 1 (10-8-1531).
542. O.R.F., t. III n° 301, p. 99.
248
Conclusion
1 Pour financer la guerre, d’un conflit à l’autre, les responsables font flèche de tout bois. À
titre d’ultime illustration, les recettes d’août 1537 pour l’Extraordinaire des guerres à
Lyon. Sur un total de 432 542 lt, les fonds des recettes générales du quart Sud-Est du
royaume représentent 46,5 %, les aliénations, 20,5 %, les prêts, 15,8 %, le « fonds de M. de
Troyes », 15 %, les décimes, 1,3 %, l’imposition sur les velours de Gênes, 0,7 % et des droits
seigneuriaux, moins de 0,1 %1. Le « fonds de M. de Troyes », qui concerne un personnage
qui est alors à la fois commis à l’Extraordinaire des guerres et à la recette générale de
Languedoc, peut provenir soit des impôts, soit de ressources complémentaires. Tous les
types de « revenus », ou presque, sont donc ici représentés : depuis le domaine, résiduel,
jusqu’au crédit qui permet de faire face dans l’instant. L’impôt occupe, de loin, la
première place : emprunts et « fonds de M. de Troyes » exclus, le premier pour n’être
véritablement une recette, le second pour cause d’incertitude, il dépasse aisément les
deux tiers des rentrées. La différence d’ampleur des recettes globales par rapport à juillet,
le mois précédent (432 542 lt contre 226 943 lt2), illustre aussi le délicat problème des
variations saisonnières.
2 D’ailleurs, malgré le niveau appréciable atteint en août, l’évocation de l’Extraordinaire du
mois se termine par l’annonce d’une « faute de fons » de plus de 200 000 lt et par les
habituelles et pressantes demandes d’envoi d’argent de la part de Tournon. L’État
« moderne », j’entends ici celui des XIVe-XVIIIe siècles, est en effet un État pour lequel
l’obstacle principal pour mener les opérations militaires est l’obstacle financier. À
l’époque antérieure, les liens d’homme à homme sont peu monétarisés et la technicité des
conflits reste limitée, aussi l’engagement financier demeure-t-il réduit. À l’époque
contemporaine, la puissance de l’État est devenue telle qu’elle lui permet de créer et
d’imposer des signes monétaires, de mobiliser « gratuitement » ses sujets ou ses citoyens,
de réquisitionner avec efficacité. À partir du XIXe siècle, on ne parle plus d’argent
pendant les conflits mais après, du traité de Francfort aux Réparations. À l’époque
« moderne », la nécessité de disposer de moyens importants et l’impossibilité d’une part
d’imposer durablement autre chose que la monnaie métallique et d’autre part de
maîtriser suffisamment les ressources du royaume se conjuguent pour rendre obsédante
la limite financière. Concluons avec Ehrenberg : « Partout il s’avérait impossible d’élever
les rentrées au niveau toujours croissant des dépenses »3. Cela paraît clair. Et pourtant…
253
3 Et pourtant si les recettes s’échinent à rattraper des dépenses croissantes, c’est bien
qu’elles croissent elles aussi. Ce qui signifie que la guerre est le meilleur moyen de
parvenir à augmenter les capacités financières de l’État et, partant, son impact. La
proposition d’Ehrenberg peut (doit ?) être renversée, et avec elle, le raisonnement tenu
plus haut : il faut une dynamique de la « crise » financière, ou du moins des difficultés de
trésorerie, il faut surtout de l’endettement pour que l’État de finance progresse, toujours
tourné vers la satisfaction de besoins nouveaux, dont l’horizon fuit devant lui à mesure
qu’il avance. D’ailleurs le crédit mobilisable, quel que soit le type de créancier, et avec lui
la solvabilité de la monarchie ou de ses agents, dépend en dernière analyse du
prélèvement proprement dit. Ainsi l’ajustement des recettes aux dépenses est-il l’objectif
essentiel. Bientôt on pourra financer non plus quelques milliers, mais des dizaines de
milliers, puis des centaines de milliers de combattants. Cela ne sera jamais suffisant car il
y a aussi la flotte (pensons à la guerre d’Amérique), et les places, et les canons. De ce
déséquilibre financier si oppressant au quotidien, mais si fructueux dans la perspective de
la « genèse de l’État moderne », sort, en 1788, la convocation des États généraux. Nous
voici bien loin du XVIe siècle. Mais il convenait de situer le règne de François Ier dans cette
perspective, ne serait-ce que pour éviter d’en faire l’« étape décisive » d’une évolution à
l’évidence pluriséculaire. Du moins le roi-chevalier apporte-t-il sa pierre à l’édifice quand
il emprunte sur des ressources à venir, quand il crée des ressources nouvelles, quand il
traite les dominants et les collectivités comme des réservoirs de richesse pour le pouvoir,
quand il lance ce qui va devenir le Grand Parti.
4 Peut-on évaluer le poids financier représenté par la monarchie sur l’ensemble du règne ?
L’exercice est des plus périlleux et se limite ici, en raison de l’optique retenue, aux fonds
qui parviennent dans les caisses centrales. Les ordres de grandeur que j’avance, souvent
plus estimés que précisément décomptés, peuvent cependant servir d’utile point de
comparaison… et de base de départ pour une critique serrée ! Les dépenses militaires des
dix-neuf années comprises en tout ou en partie dans les conflits atteignent quatre-vingt-
cinq millions de lt. Ajoutons-y une douzaine de millions pour treize ans de paix totale et
cinq millions pour les places fortes. Cela fait cent deux millions. Les dépenses
« diplomatiques », depuis les pensions suisses jusqu’à la rançon, des paiements anglais
aux versements aux alliés italiens et allemands, représentent peut-être vingt millions de
lt. Restent une quinzaine de millions de frais de personnel payés au niveau central et
surtout un gros soixante-cinq millions un peu fourre-tout qui englobe la cour et ses
annexes telles que les constructions, mais surtout l’océan des dons et pensions, quels
qu’en soient les bénéficiaires. Au total, un peu plus de deux cents millions de lt pour
trente-deux ans un quart de règne, dont deux tiers au bas mot consacrés à la politique
extérieure et à la défense, en incluant bon nombre de pensions à caractère
« diplomatique ». En face de cela, j’ai déjà estimé les impositions à cent cinquante millions
de lt et les rentrées complémentaires à quarante millions. La différence est aisée à
combler : vente de rentes sur le domaine ou les impositions, dettes exigibles qui traînent,
et enfin, à coup sûr, plusieurs centaines de milliers (plusieurs millions ?) de livres de
dépenses jamais réglées et de créances annulées. Elles demeurent à la charge des
particuliers, depuis Semblançay jusqu’au fournisseur malheureux ou maladroit. Les
quelque sept millions de lt de crédit en caisse à la mort du roi ne peuvent en revanche
être prises en compte : elles ne correspondent à aucune dépense effective, hormis pour
un éventuel versement d’intérêt.
254
5 La monarchie, avec un tel poids, a-t-elle une influence réelle sur la vie économique du
pays ? Elle joue un rôle certain dans l’accélération de la circulation monétaire, en
particulier dans la déthésaurisation. Déversant des fonds à l’étranger, elle peut donner un
coup de fouet à la production nationale, avide de reconstituer grâce aux exportations son
stock monétaire. Cet (éventuel) rôle économique dynamisant ne doit pas faire négliger la
« stérilisation » hors des circuits de production de sommes considérables. Cependant,
quand elle fait forger des armes, édifier des remparts ou peindre une galerie, la
monarchie participe activement à l’essor économique. Toutes ces considérations
surprendraient probablement jusqu’aux penseurs du temps. Les finances publiques
demeurent en effet pour l’heure la chasse gardée du politique, malgré de timides velléités
mercantilistes4. Dans les projets et les réflexions du Conseil du roi, seule la conjoncture
politique informe la décision financière, avec un double idéal de justice et d’efficacité.
NOTES
1. A.N. J 967, 8/6.
2. A.N. J 967, 8/10.
3. Ehrenberg, Fugger, p. 29.
4. L’idée que l’État a un rôle central à jouer dans la gestion des ressources humaines et
économiques, courante en Europe au XVIIe siècle, reste marginale un siècle plus tôt.
255
Introduction
1 On vient de le voir, le phénomène guerrier n’est pas sans répercussions directes sur le
prélèvement. Il en va de même, parallèlement, pour l’appareil qui sous-tend et organise le
rassemblement et la distribution des fonds. Pour reprendre une formule de Robert
Knecht, l’obsession guerrière de François Ier stimule le changement administratif1. Cela
vaut particulièrement pour des finances royales dont la fragilité et surtout la sensibilité à
la conjoncture ne sont plus à démontrer. La volonté de réorganisation du système en
place en 1515, forgé dans la douleur au cours de la guerre de Cent Ans, se fait sentir tôt
dans le règne. Les nouvelles structures mises en place sont assez bien connues. Il n’est pas
inutile cependant de faire retour sur elles pour tenter d’en mieux cerner la logique et
pour réfléchir sur leur efficacité. Elles fournissent aussi des clés pour comprendre les
mentalités politiques et financières des cercles dirigeants. Ces transformations sont
étroitement liées aux poursuites qui frappent les officiers de finances placés au cœur de
l’appareil.
2 Le Conseil du roi a l’initiative dans les deux processus, ce qui conduit naturellement à
mettre en évidence la dimension politique de l’opération dans son ensemble. Ne faut-il
pas l’analyser en terme de revanche des « gens de Conseil » sur le haut personnel
financier ? Les poursuites servent aussi à trouver des revenus complémentaires toujours
utiles, qu’on récupère ici sur les prévaricateurs. Elles permettent enfin de mettre en avant
l’officier de finance comme bouc émissaire idéal dans un contexte de crise. En effet, si la
docilité fiscale des sujets du roi, devenue proverbiale, est alors globalement une réalité, le
dialogue des gouvernants et des gouvernés nécessite un effort de propagande et de
négociation. Il n’est cependant pas sans à-coups. Face aux oppositions, même réduites,
qui se manifestent, la monarchie sait faire preuve de fermeté tout en essayant de
détourner la réprobation vers les officiers de finance. Ce qui n’empêche pas les hommes
au pouvoir, roi en tête, de révéler dans leur discours leurs propres réticences face au fait
même de prélever.
257
NOTES
1. Knecht, Francis I, p. 429.
258
Chapitre IV
Vie et destin des institutions
financières
1 S’il est vrai qu’on ne peut maintenir l’équilibre que par le mouvement, le règne de
François Ier illustre bien, sinon la réussite de cet objectif, du moins le besoin récurrent
qu’a la monarchie de réaménager le système en place. A cette époque en effet, les
finances royales sont atteintes d’une véritable manie de la réforme, déjà relevée par les
historiens2. Réponse aux urgences ou plan concerté, il est trop tôt pour répondre. Du
moins faut-il souligner l’ampleur des transformations institutionnelles effectuées en une
génération.
2 Ces réformes sont indissociables de poursuites contre le personnel financier qui
apparaissent elles aussi comme une constante du règne. Leur degré de gravité est
éminemment variable. La seule préoccupation vraiment permanente est celle de la
reddition de comptes Fiables par les différents manieurs de fonds. Cependant le règne est
aussi traversé par une longue série de poursuites criminelles beaucoup plus graves, qui
peuvent conduire ceux qui en sont l’objet jusqu’à l’échafaud. Et il ne s’agit pas ici du seul
Semblançay : à la différence de ce qui s’est produit sous Charles VII avec Jacques Cœur, la
cible n’est pas seulement le « financier » en vue mais l’ensemble du personnel de
l’administration centrale, ainsi que bon nombre de personnages de moindre rang.
L’enchevêtrement des diverses commissions extraordinaires nécessite une mise au point
tout comme leur fonctionnement concret, depuis leur personnel jusqu’à leur procédure,
en passant par leurs relations avec les instances régulières du contrôle financier.
Semblançay est évidemment particulièrement révélateur de l’imbrication des réformes et
des poursuites : il les a successivement souhaitées et subies. Bénéficiaire en 1518 de
changements administratifs, intégré en 1521 dans une commission de contrôle, il est
bientôt l’une des cibles de la réorganisation des finances. En 1524-1525, une commission
scrute ses comptes. Une seconde le condamne à mort en 1527. Son exécution, qui est celle
du dernier pilier du système financier traditionnel, marque la fin d’une époque.
259
reçoivent eux aussi des décharges. Les receveurs généraux, et le changeur du Trésor pour
le domaine, fournissent donc essentiellement du papier financier, à l’initiative des
généraux des finances et des trésoriers de France. Selon les décharges précises que ces
derniers délivrent, la tâche des assignés est compliquée ou facilitée. Au niveau local, le
receveur incapable de régler en tout ou en partie l’assignation qui pèse sur lui produit
une contrelettre qui permet, difficilement souvent, à celui qui a fait l’objet de la décharge,
d’obtenir une assignation de remplacement ou de complément8.
7 Il est un secteur, hors du domaine et des impôts, où le système ancien navigue dans le
plus complet empirisme : c’est celui de la collecte des fonds extraordinaires, des décimes
aux aliénations. N’importe qui peut en être chargé, comme le soulignent quelques
exemples. Le 31 janvier 1513, un clerc de Morelet, commis à l’Extraordinaire des guerres,
reçoit « troys mandatz en parchemin adressant aux clergié de l’évesché d’Aire et Agen et
à l’archevesché d’Aoust [sic pour Auch] » qui doivent verser respectivement 2 400, 3 400
et 6 200 lt directement à Morelet9. Le receveur général de Normandie Guillaume
Preudhomme « enquis s’il a pas receu [des fonds] des emprunctz, admortissemens et
anoblissemens » dit « que oy et qu’il tiendra compte de tout en la recepte généralle » 10.
Plus étonnamment, c’est Thomas Bohier, un général, donc un ordonnateur, qui en 1521
encaisse l’argent de la vente du greffe de la prévôté d’Orléans, sans doute pour alimenter
l’armée de Navarre11. Quant au trésorier de France en Languedoc Jehan Cottereau, lui
aussi ordonnateur, mais pour le domaine, il possède un état au vrai signé de sa main de
« la recepte et despense venans des deniers des venditions des offices et permutations
d’icelles »12.
8 Les fonds sont récoltés selon des cas de figure variés : ex officio semble-t-il pour
Preudhomme, au nom d’une urgence particulière pour Bohier et très vraisemblablement
avec une commission spécifique pour Cottereau. Cette dernière solution est fréquemment
utilisée pour rassembler les fonds provenant de l’une ou de l’autre de ces ressources
complémentaires. Si certains responsables de levées précises sont connus, on aimerait en
savoir plus sur ce « clerc pour les cas inopinez » que réclame La Trémoille dans une lettre
à Robertet qui date vraisemblablement de 152113. S’agit-il d’une fonction particulière
donnée par commission, auquel cas on verrait bien ce clerc centraliser une partie des
fonds « extraordinaires » ? Il faut probablement en rabattre comme en témoigne, deux
jours plus tard, une autre lettre de cette correspondance dont la formulation est assez
différente. La Trémoille demande « que le Roy envoyé icy [en Bourgogne] ung clerc
comme il fut dit à mon partement qui ait argent pour payez les cas inopinez »14. Tout
porte à croire qu’il n’est question que d’un clerc de finance chargé momentanément de
porter quelques fonds complémentaires à un gouverneur de province. Reste qu’on ignore
de quelle caisse il les tire. En revanche, on sait qu’en 1520 Jehan Sapin, receveur général
de Languedoïl, tient le compte des emprunts faits pour le camp du Drap d’or « qu’il
employoit aux fraiz extraordinaires à quoy il estoit lors commis par le Roy »15. Mais il
n’est pas possible de déterminer s’il s’agit seulement des frais de l’entrevue ou d’une
commission plus vaste, embryon de la caisse créée en 1523.
2. Le « pouvoir » de 1518
général des finances depuis septembre 1516 : il a résigné alors en faveur de son fils
Guillaume. Malgré ce qu’affirme Spont17, il ne se considère plus ensuite comme l’un des
membres du collège des généraux, même s’il lui est étroitement associé18. Aussi le pouvoir
du 27 janvier 1518 permet-il de valider a posteriori une situation de fait qui dure depuis
plus d’un an, « pource qu’à l’avenir l’on pourroit demander en vertu de quoi il a vaqué,
vaque, entend et s’entremet esdites affaires de nos finances », lui qui n’est après tout
officiellement qu’un simple chambellan du roi.
10 Sa tâche est liée à sa proximité avec le souverain : il centralise les données financières et
en informe son maître. Cependant, son rôle se dédouble et le « pouvoir », loin de lever
l’ambiguïté en ce domaine, la renforce. En dehors des ordonnateurs particuliers que sont
les généraux et les trésoriers de France, Semblançay apparaît comme l’ordonnateur
suprême avec, nouveauté d’avenir, « la charge, connoissance et intendance du fait et
maniement de toutes [les] finances, tant ordinaires qu’extraordinaires ». Il est le premier à
avoir, officiellement, un droit de regard sur l’ensemble des deniers royaux, transcendant
ainsi la coupure traditionnelle entre les deux types de ressources. Mais le « pouvoir » ne
lui donne aucune autorité spécifique sur les collèges d’ordonnateurs : il doit collaborer
avec eux, orienter leur action au nom de sa proximité avec le monarque et fort de sa
vision globale des finances, mais aussi riche d’une expérience de plus de vingt ans en tant
que général, parmi des collègues qui sont des parents et des alliés. Il est en fait co-
ordonnateur suprême.
11 En même temps, Semblançay devient aussi, pour reprendre la formule de Spont, une sorte
de « général des finances particulières du roi », comme il l’est déjà pour celles de Madame
19
, chargé de « voir les états des officiers comptables [des maisons royales], d’entendre
aux voyages et ambassades qui se font journellement pour nos affaires, récompenses et
dons, et aux acquits qui en sont expédiés ». Que cette intendance de proximité, qu’on
imaginerait distincte de la charge de responsable central des finances, lui soit confiée,
souligne combien la monarchie a du mal à faire le départ entre service direct de la famille
royale et service de l’État. Aux deux types d’ordonnancement des dépenses évoqués plus
haut, la charge de Semblançay vient en juxtaposer un troisième : les frais effectués sur
ordre verbal du roi et par mandement du nouveau responsable des finances. Le compte de
dépense de 1518 de la recette générale de Languedoïl permet de constater que cette
troisième méthode, bien que peu importante en volume, est effectivement utilisée. Elle
concerne cette année-là au moins 119 961 lt, soit 6,4 % des dépenses connues, le compte
étant resté inachevé20, Les deux principaux secteurs évoqués plus haut, les voyages et
ambassades suivis des dons et récompenses, représentent en valeur 71,8 % (58,2 et
13,6 respectivement) des mandements émis par Semblançay.
12 Le « pouvoir » de 1518 a fait couler beaucoup d’encre : établit-il ou non un « surintendant
des finances » ? Le débat est aujourd’hui clos, depuis longtemps déjà, par la négative, en
ce sens qu’il ne s’agit aucunement de la création d’un poste administratif spécifique.
Cependant la notion de « surintendance » mérite qu’on s’y attarde un peu. Le mot, y
compris sous la forme alors plus usitée de « superintendance », est absent du « pouvoir »
lui-même, qui parle seulement d’intendance. Malgré le flou qui entoure ces termes 21, je ne
crois pas qu’ils soient utilisés indifféremment. On n’attribue à Semblançay la
« superintendance des finances de ce royaume » que dans des documents largement
postérieurs à sa disparition ou dans des procédures judiciaires22. Dans les deux cas, le
second surtout, le souci de se décharger d’une responsabilité ou de souligner la validité
262
d’une demande est patent23. Et il n’y a plus de risque d’accroître, ce faisant, l’autorité du
malheureux Semblançay.
13 La notion de « superintendance » ne s’applique pas alors à une fonction particulière. Elle
est liée à une situation de responsabilité dans un contexte donné, du gouverneur qui
reçoit un pouvoir pour ce qui « touche le gouvernement et superintendance du faict
pollitique », à la Chambre des comptes qui a « la superintendance de tous et chacun les
droits, domaines et finances [du] royaume et Couronne de France », en passant par les
« bons et grans personnages » qui entourent le roi et « ont la superintendance du faict
[des] finances »24. Chez les officiers, la notion s’applique à ceux qui ont la maîtrise d’un
service précis, ou celle d’un espace géographique donné, avec l’idée d’un droit de regard
sur l’ensemble des finances. Les trésoriers de l’Ordinaire des guerres auront, nous dit un
édit de mars 1543, « superintendance » sur les payeurs des diverses compagnies
d’ordonnance25. Thomas Bohier reçoit de Louis XII « la totalle superintendance du faict
[des] finances tant ordinaires que extraordinaires » dans le duché de Milan. Guillaume de
Beaune a aussi la « superintendance [des] finances » en Allemagne en 1519, et en 1521 en
Navarre, où Thomas Bohier lui succède26.
14 Sans que le mot soit prononcé, la même réalité se retrouve dans le pouvoir de
Semblançay, avec cette nouveauté qu’il n’y a plus de limite géographique ou
administrative. Le souci d’une trace écrite spécifique marque aussi une inflexion. Est ici à
l’œuvre une logique identique à celle qui préside à l’octroi de lettres de garantie dans le
crédit. Il s’agit d’assurer que les opérations effectuées ne seront pas remises en cause, et
que les agents impliqués n’en subiront pas de préjudice. Malheureusement, la dimension
politique des responsabilités financières de Semblançay conduit, avec sa disgrâce, à battre
en brèche ces beaux remparts de papier. Ils semblent d’ailleurs être mal acceptés
puisqu’on voit des commissaires à l’examen de comptes rayer des parties de dépenses
faites en vertu du pouvoir de Semblançay27.
15 Tel qu’il est, celui-ci est bien révélateur de l’ambiance qui prévaut dans les années
1517-1518, qui voient le lancement de nombreuses initiatives financières, mais sans
réformes de structure. Dès le milieu de 1517, l’État général intègre un projet pluriannuel
d’extinction du déficit. Au même moment une grande ordonnance financière paraît, qui
réaffirme les principes traditionnels de la gestion des deniers royaux. On tente de
réformer la gabelle en Outre-Seine et de l’établir dans l’ouest du royaume. Enfin une
commission de recherche des restes des comptables est mise sur pied, mais sans
arrestation ni mesures trop violentes28. La paix qui règne permet d’espérer une évolution
en douceur du système. Mais cela ne dure qu’un temps : le retour des tensions conduit à
une solution plus radicale.
16 Les débuts du trésor de l’Épargne ont fait l’objet d’un article fondamental et très complet
de Gilbert Jacqueton dès 1894. En un peu plus d’une année, diverses moutures successives
de cette caisse nouvelle voient le jour29. La première réforme, qui découle de lettres du
18 mars 1523, reste d’ampleur limitée. Elle se contente d’établir un commis, Philibert
Babou, à la tête d’une caisse spécifique, appelée trésor de l’Épargne, pour recueillir
« toutes et chacunes les parties casuelles et inopinées [des] finances ». Ainsi est mis un
263
terme à l’incertitude sur le sort de ces ressources dans le système ancien. Mettant ces
fonds à l’abri des manipulations dont ils avaient pu faire l’objet jusque-là, le trésor de
l’Épargne, qui doit servir de caisse de réserve, est le premier service financier soustrait au
contrôle des généraux et des trésoriers de France. Là est peut-être l’élément de rupture le
plus net. Si, comme l’écrit Jacqueton, « le total des encaissements de Babou n’est
susceptible d’aucune évaluation » pour l’ensemble de l’année 1523, un document
montpelliérain signale cependant qu’« au mois d’aoust en l’an mil Vc XXIII feust fait estât
à monsieur le trésorier Babou signé de la main du Roy montant
douze cens XXVIII m quatre vingt tant livres pour satisfaire à plusieurs parties »30.
L’importance de la somme en jeu montre clairement qu’il s’agit d’une caisse d’une
ampleur certaine.
17 Mais la réforme radicale ne se produit qu’avec l’ordonnance du 28 décembre 1523.
Désormais le trésorier de l’Épargne doit encaisser la totalité des recettes de la monarchie,
réalisant ainsi une complète centralisation. Receveurs généraux et changeurs du trésor
ne représentent plus désormais qu’un échelon intermédiaire entre les agents locaux et
l’Épargne. Ils ne sont plus comptables de dépenses car tout est ordonnancé à partir de la
nouvelle caisse. Avec la disparition des décharges et des attaches, généraux et trésoriers
de France perdent quant à eux tout pouvoir d’ordonnancement. Ils n’ont plus désormais,
en théorie du moins, qu’à chevaucher leurs circonscriptions deux fois par an et à en faire
les états qu’ils envoient au trésorier de l’Épargne. Celui-ci compare alors les chiffres
fournis avec ses rentrées « pour en faire son rapport » au roi et au Conseil. Ce nouveau
système est applicable à compter du premier janvier 1524. La rupture est incontestable.
Elle aurait pu être plus grande encore si le roi avait persisté dans ses intentions de
l’automne précédent. Le 15 novembre 1523 en effet, est signifiée la décision de verser tous
les deniers à l’Épargne, pour la taille à partir du premier septembre 1523 et à partir du
quartier d’octobre pour les autres rentrées. Chaque receveur local doit envoyer ses fonds
à la caisse centrale, sans le relais des receveurs généraux et du changeur, implicitement
appelés à disparaître. Le texte du 28 décembre fait donc marche arrière sur ce point
puisqu’il laisse une place à ces intermédiaires.
18 Le trésor de l’Épargne prend sa physionomie définitive au plus tard au 15 juin 1524, avec
l’apparition d’un trésorier des finances extraordinaires et Parties casuelles qui reçoit… les
attributions qui étaient celles du trésorier de l’Épargne initialement créé le 18 mars 1523,
ce qui signifie aussi que les impôts sont conçus dorénavant comme une recette
« ordinaire ». Malgré son importance, le trafic des offices ne représente qu’une partie des
« finances extraordinaires ». De 1524 à 1528, il totalise 56 % de l’ensemble, si on met à
part dans les « recettes » de la caisse celles qui n’en sont pas vraiment (fonds versés par
l’Épargne et emprunts)31.
19 Ainsi, sous un même nom, Philibert Babou en vient-il finalement à gérer des fonds
exactement opposés à ceux qu’il encaissait au départ32. Il y a donc désormais deux
trésoriers centralisateurs au sommet de la pyramide financière. Mais en-dessous d’eux la
pulvérisation reste la règle, y compris pour les dépenses où de multiples caisses de poids
très variable, de l’Ordinaire des guerres aux salpêtres, se disputent les fonds des deux
trésoriers. Les réformes de 1523-1524 créent deux nouveaux postes et n’entraînent pas de
disparitions d’officiers. Dans l’immédiat du moins, car les contrôleurs généraux des
diverses circonscriptions perdent leurs attributions à cause de la suppression du système
des décharges qu’il leur appartenait de viser et d’enregistrer. Cependant, pour éviter de
264
rembourser les offices, les contrôleurs en place voient leurs gages maintenus à vie et
conservent la possibilité de chevaucher les recettes avec les généraux33.
20 Les motivations profondes qui président à ces ambitieuses transformations feront l’objet
de développements ultérieurs. Pour l’heure, contentons-nous d’observer quels éléments
ont pu permettre d’envisager un tel remodelage, et quel contexte a entouré ces
réalisations. La notion de trésor de l’Épargne n’est pas née de la simple imagination du
prince et de ses conseillers. Des institutions homonymes ont déjà fonctionné dans le
passé, et l’une d’entre elles survit encore. L’Épargne existe dans l’administration française
au moins depuis 1388. Ce trésor disparaît en 1420, pour refaire surface en 1465 sous
Louis XI. Celui-ci reconstitue cette caisse à partir de ressources que la Chambre des
comptes désigne comme des parcimonia regis. Ce faisant, il s’inspire en fait du trésor de
l’Epargne mis en place par le duc de Bourgogne Philippe le Bon34. L’idée maîtresse, celle
d’une caisse de réserve, se retrouve également dans une autre principauté : la Bretagne35.
Or le trésorier de l’Épargne de ce duché est toujours en fonction en 1523. La charge a été
tenue par Gilles Thomas du règne du duc François II à la mort de Thomas vers 1506, avec
une éclipse entre 1491 et 1498. Peut-être Jean Nepveu, qualifié en 1507 de trésorier de
l’Épargne de la reine (Anne) est-il son successeur36. En mars 1517, Bertrand de Tours,
trésorier de l’Épargne de Bretagne est assigné pour 200 000 lt37. Alexandre Dessefort lui
succède, mentionné le 15 juin 152138. C’est très vraisemblablement lui qui est mentionné
dans l’État général des finances de 1523 sous le nom de « trésorier de l’espargne en
Bretagne » ou de « trésorier de l’espargne et Chartres de Bretagne »39. Ces caisses de
réserve princières ont-elles inspiré la monarchie, au moins dans la terminologie ? Malgré
le précédent de Charles VI, Kauch l’affirme pour Louis XI en 1465. L’exemple breton qui
survit sous les yeux des conseillers du roi en 1523 incite à penser qu’il peut en être de
même sous François Ier, pour le « premier » trésor de l’Épargne du moins, celui qui reçoit
les fonds extraordinaires et casuels. Si cette hypothèse est valable, cela incline à quelques
réflexions sur le « retard » des administrations des principautés par rapport à celle du
royaume.
21 Avec les réformes de 1523, la finalité guerrière de la réserve est beaucoup plus nette en
revanche que pour les deux duchés au siècle précédent. L’État général de 1523 souligne le
délabrement des finances alors que le conflit avec Charles Quint et Henri VIII ne semble
pas trouver d’issue. Aussi la première création relève-t-elle déjà, entre autres, du souci de
mobiliser plus aisément des fonds pour les futures campagnes. A la fin de 1523, la
situation s’est nettement tendue, avec la « trahison » du connétable et l’envoi outre-
monts d’une nouvelle armée de reconquête du Milanais commandée par Bonnivet et
Montmorency. L’urgence est alors absolue, qui pousse à des mesures plus radicales pour
faciliter et accélérer le rassemblement des fonds. Les adversaires du roi de France
semblent alors aussi devoir réajuster leur organisation financière. Une même nécessité,
mieux gérer pour mieux combattre, est à l’œuvre. Un peu plus tôt en Castille avec à partir
de février 1523 la création du Consejo de Hacienda40, un peu plus tard en Angleterre avec la
tentative que constitue l’Amicable Grant de 152541.
22 Les réflexions des hommes de pouvoir en France peuvent s’appuyer sur un projet de
réforme financière particulièrement intéressant quoique difficile à dater précisément42.
Les éditeurs du texte penchent pour la fin de 1522 ou le début de 1523. Il évoque
clairement la création d’un trésorier centralisant les recettes des diverses généralités
265
(paragraphe 30) et d’un commis ou trésorier aux deniers extraordinaires (paragraphe 37).
Il existe donc à la veille des réformes, à supposer que la date du texte soit bien établie,
une réflexion sur la réorganisation des finances relativement conséquente. Elle n’utilise
pas le terme de trésorier de l’Épargne et est donc, selon toute apparence, antérieure aux
premières transformations de 1523. Or elle propose une partition des rôles qui est celle à
laquelle on aboutit en 152443. De là à voir dans toute l’opération un projet mûrement
conçu et accompli par étapes, il n’y a qu’un pas, que Wolfe, l’un des éditeurs, franchit
dans un autre ouvrage en envisageant un cadre de départ précis faisant seulement l’objet
d’aménagements successifs44. C’est aller un peu vite en besogne, sur la foi d’un texte
unique et qui reste d’une utilisation délicate en raison des problèmes de datation. Et
comment expliquer alors les transformations radicales qui se produisent d’une réforme à
l’autre ? Rien n’interdirait en effet la réalisation immédiate, dès mars 1523, de l’ensemble
du projet. Il faut se rendre à l’évidence : c’est sous l’aiguillon de la nécessité et surtout en
procédant par tâtonnements que la nouvelle organisation se met en place45. Cependant,
sans parler de plan concerté, il est sûr que, pour innover et penser le changement, il faut
disposer de modèles46, de mots, de références… et d’hommes aussi. Pour mener une
analyse sur ce sujet, l’absence d’archives du Conseil se fait cruellement sentir.
23 L’établissement définitif des caisses centrales n’empêche pas qu’elles fassent l’objet de
remaniements ou d’inflexions. Dès le 9 mai 1527, les deux trésoriers se voient adjoindre
deux contrôleurs, chargés respectivement des recettes et des dépenses47. C’est, sous une
forme nouvelle, la réintégration au plus haut niveau d’une fonction déchue de toute
utilité depuis 1523, avec la disparition des attributions des contrôleurs généraux48. Les
contrôleurs de l’Épargne, qui, malgré leur nom, ont compétence sur l’ensemble des fonds,
tiennent officiellement registre des opérations effectuées, ce qui n’empêche sûrement pas
les trésoriers de continuer à faire de même dans leurs bureaux. Cette institution nouvelle
ne dure qu’une dizaine d’années. En 1537, encore une fois dans un contexte guerrier, pour
faciliter et alléger le fonctionnement de l’Épargne, les contrôleurs sont mis sur la touche 49
. Cependant, comme à l’ordinaire, les officiers conservent leur titre : en 1545 encore,
Estienne Le Blanc, responsable des dépenses depuis la création de la charge, est cité
comme contrôleur de l’Épargne50. Mais seul le Conseil du roi est dorénavant habilité à
exercer une activité de contrôle sur les caisses centrales : on en revient à la situation de
1523. Ceci repose le problème de la confusion entre un contrôle politique exercé au plus
haut niveau et un contrôle quotidien, technique, très souhaitable pour faciliter la bonne
marche comptable des caisses centrales. D’autant que, pour les trésoriers, le contrôleur
est auxiliaire autant que « surveillant ». Aussi, au tout début du règne d’Henri II, en avril
1547, le relais est-il pris officiellement par les contrôleurs généraux des finances 51. Cette
fonction, qui entraîne un droit de regard sur l’ensemble de la gestion financière, entame
alors une fort brillante carrière.
24 L’appellation retenue pour les contrôleurs de 1527 indique que l’égalité entre Épargne et
Parties casuelles est vite remise en cause. Rien d’étonnant sans doute à cela en raison du
poids relatif des deux caisses. L’exemple des versements à la trésorerie des ligues suisses
dans les années 1529-1532 est éclairant : les fonds fournis par l’Épargne (369 036 lt)
représentent 75,8 % de l’apport, ceux des Parties casuelles (88 000 lt), 18 % seulement 52.
Seul le cas exceptionnel de la rançon donne la prépondérance aux Parties casuelles53. Ce
n’est cependant qu’avec les années 1533-1535 que s’amorce nettement un processus de
266
27 Après avoir suivi, pour ne pas fractionner leur étude, les deux trésoriers jusqu’à la fin du
règne, le fil de la chronologie des réformes nous ramène vingt ans en arrière. Dès le
retour d’Espagne de François Ier, de nouvelles initiatives se font jour. Un compte de la
chambre aux deniers du roi, alors tenue par Bastien de Mareau, commence le jour même
de la délivrance du souverain, le 17 mars 1526. On en conserve un très bref fragment pour
les 17-20 mars. Mais au bout de quelques semaines, Mareau s’efface (il meurt peut-être en
267
charge59), ainsi que les divers comptables des services de l’Hôtel. Vient alors le temps de
la réunion des diverses attributions sous la responsabilité de Guillaume Tertereau. Celui-
ci reçoit en effet une commission pour gérer la plupart des fonds de la Maison du roi le
14 avril 152660. Est-ce la mort de Bastien de Mareau qui sert de prétexte à cette
opération ? C’est possible. Il semble aussi que le roi et les siens aient manifesté le désir de
mettre au clair les comptes des divers titulaires61. Ceux qui sont suspendus n’en
continuent pas moins à porter leur titre durant cette période, comme il se doit62.
28 On conserve toute une série de comptes où le regroupement des services est effectif 63. Il
s’agit bien d’une simple commission même si, dans un acte notarié, Tertereau ne craint
pas de se faire désigner comme trésorier général de l’Hôtel du roi64. Il est vrai qu’il
regroupe sous son autorité cinq caisses jusqu’alors dispersées : chambre aux deniers,
officiers domestiques, Argenterie, Écurie et menus de la chambre. Réunir sous un seul
comptable presque toute la Maison du roi, c’est vouloir continuer, à un échelon inférieur
mais non négligeable, l’opération de centralisation des caisses entamée trois ans plus tôt,
et ce non plus pour les recettes mais pour les dépenses65. Ce regroupement facilite sans
doute une remise en ordre et une reprise en main, qui correspondent bien au climat du
retour du roi. Cependant il ne semble pas qu’il faille y voir une volonté de réduire les
frais. Les recettes mensuelles moyennes de la commission de Tertereau se montent à
24 132 lt pour avril-décembre 1526 et à 28 273 lt pour janvier-février 1527. Or durant cette
période, les dépenses hautement conjoncturelles de l’Argenterie sont à un niveau très
raisonnable. Le total des divers services donne 26 439 lt de moyenne mensuelle pour 1518,
et 30 004 lt pour 1530, après le retour à l’ordre ancien. La différence ne paraît pas notable
66
.
29 Guillaume Tertereau, le titulaire de la commission, est un homme du sérail financier mais
d’assez petite envergure, y compris par rapport à certains de ceux qu’il relaie, Jehan Carré
aux officiers domestiques ou Bastien de Mareau, en place depuis le début du règne. Ce
bourgeois de Paris, époux d’une Le Tellier, est receveur des tailles en l’élection d’Arqués
depuis au moins 1515. En 1521 il est clerc auditeur à la Chambre des comptes, poste qu’il
occupe toujours lors de sa désignation de mars 152667. C’est un homme bien en cour,
comme le montre sa participation à plusieurs commissions, dont certaines prestigieuses
ou stratégiques : l’examen des comptes de Semblançay en 1524, la même année le compte
des funérailles de Claude de France, en attendant celles de Louis e de Savoie en 1531 68.
30 Les officiers écartés retrouvent cependant assez vite leur poste. Dès mars 1527 la
commission de Tertereau s’effiloche : les comptes propres de la chambre aux deniers
reprennent en effet à cette date69. Pour d’autres secteurs, le contrôle de Tertereau semble
durer un peu plus longtemps : le 13 octobre 1527 Guillaume Le Scein, fourrier ordinaire
du roi, un officier domestique donc, assigne un paiement sur Tertereau, certainement à
cause des gages que ce dernier lui doit70. Quant à l’Écurie, elle serait tenue par lui pendant
toute l’année 152771. Il est même possible que Tertereau s’occupe de l’Argenterie jusqu’en
mai 152872. Mais à partir du moment où sa commission est démantelée, le retour à la
dispersion antérieure est fatal73.
31 Pour les maisons des enfants de France en revanche, l’établissement d’un trésorier
principal demeure la règle. En 1527, Pierre Rousseau est commis à l’ensemble des services
financiers des deux fils aînés, retenus en otages. Galobre de Rogy pour sa part détient une
commission identique pour le plus jeune fils et les deux filles survivantes. Cette situation
dure au moins jusqu’en 152974. Probablement est-ce le retour des otages qui pousse à une
recomposition. Toujours est-il qu’en 1532 Victor Barguin est trésorier, apparemment en
268
titre, des deux filles, tandis que Pierre Rousseau contrôle par commission la trésorerie des
trois fils, à l’exception de leurs écuries, confiées à Fleury Geoffroy75. Ce dernier détail
souligne la plasticité de la situation des divers comptables. Jean II Duval, successeur de
Rousseau et futur trésorier de l’Épargne, récupérera les écuries et semble exercer en tant
qu’officier76. On aimerait savoir pourquoi ce qui peut fonctionner, y compris avec des
adaptations, pour les enfants, ne dure pas pour le père plus d’une année. Les modèles sont
moins aisés à déceler ici. La restructuration des services de la reine Anne en 1491-1494
peut-elle en faire office ? Jacques de Beaune, futur Semblançay, prend alors
progressivement le contrôle de la trésorerie générale (aumônes, offrandes, dons,
voyages…), de celle de l’Hôtel puis de l’Ecurie ; l’Argenterie et la chambre aux deniers lui
sont subordonnées77. Mais ceci ne concerne que la reine, et date de plus de trente ans.
32 L’idée du « laboratoire breton » est plus pertinente pour ce qui concerne la suppression
du généralat du duché. Le 16 février 1529, François Ier, « ensuivant l’advis des gens de
[son] Conseil […], de [sa] plaine puissance et auctorité royal et ducal », abolit en effet
l’office de général des finances de Bretagne78. La justification de cette disparition est
double. Comme il se doit, il est d’abord fait appel au passé. Sous les ducs souverains, la
charge n’existait pas. La décision royale met donc fin à une « nouveauté », datant tout de
même de près de quarante ans, pour revenir à l’ordre ancien. Ce qui est dans la logique
des réformes entreprises, puisque le Conseil royal, ici héritier du Conseil ducal, prend
directement le contrôle des finances. L’autre justification tient à l’inutilité de la charge
précisément depuis les réformes de 1523 : les décharges ont disparu et le roi peut très
bien déléguer un membre de la Chambre des comptes du duché pour faire les états des
divers receveurs. On est évidemment conduit à se demander si cette suppression n’est pas
un ballon d’essai pour une opération semblable touchant l’ensemble des ex-ordonnateurs
financiers, alors que, contrairement à 1523-1524, les poursuites battent leur plein. Le
généralat de Languedoïl, la « grande charge », est alors sans titulaire depuis la fuite de
Guillaume de Beaune en 1527. Jehan Prévost, par ailleurs général de Guyenne, est commis
à sa gestion. Ce pourrait être une autre occasion à saisir. Or rien ne vient. A l’automne de
1529, la Languedoïl retrouve un général en la personne d’Anthoine Bohier de Saint-
Cirgues, auquel Guillaume de Beaune revenu en grâce a pu négocier son office79.
33 C’est la Bretagne qui rentre dans le rang avec la nomination de Gilbert Bayard, peut-être
dès août 1529, comme nouveau titulaire d’un généralat rétabli. Malheureusement, cette
décision n’a pas laissé de traces. Ses attendus n’auraient pourtant pas manqué d’intérêt.
Est-ce à dire que c’est le seul contexte breton qui justifiait la décision du 16 février 1529 ?
La même année, on projette de faire disparaître un autre office financier du duché, le
trésorier des réparations80. Le roi envisage un temps de faire financer les travaux par les
receveurs locaux, ce qui correspond à la logique déjà observée, et qu’on va retrouver
bientôt, de suppression des officiers intermédiaires. Ainsi, sans parler d’assaut en règle,
on a le sentiment que le Conseil cherche à fragiliser l’administration bretonne. N’est-ce
pas un peu de l’autonomie de l’ex-principauté qui est en jeu, quand on sait qu’à partir de
Bayard vient le temps des officiers de finance de haut rang sans attaches dans le duché ?
1532 n’est pas loin.
269
2. Le trésor du Louvre
effet trois clefs, remises à trois porteurs différents, qui doivent être là, ou du moins
dûment représentés, à chaque opération114. Les fonds rassemblés dans les coffres servent
à payer comptant les dépenses. Ainsi les trésoriers des guerres, auparavant assignés sur
les recettes générales, le sont-ils désormais sur le trésor du Louvre115. Bientôt les fonds
des Parties casuelles font à leur tour l’objet d’une mesure semblable.
45 Le trésor du Louvre fonctionne sans trop de problèmes pendant quelques années, mais le
retour de la guerre lui est fatal en raison de la lourdeur du système de circulation des
fonds qu’il implique. A partir de la seconde moitié de 1536, pour cause d’urgence, il n’est
plus utilisé. Le trésorier de l’Épargne reprend son autonomie par rapport à lui. Or, la paix
ne ramène pas l’ordre ancien. Dans un texte de décembre 1538 concernant les fonds
bourguignons de l’année à venir, le roi précise qu’ils seront envoyés au trésorier de
l’Épargne « lez » le roi, nonobstant l’ordonnance du 7 février 1532, « à laquelle
ordonnance, jà discontinuée et interrompue en l’année présente, nous, pour certaines
bonnes causes nous mouvans et aussi à fin de nous relever et descharger de fraiz et
despens qui s’en ensuyvoient, avons dérogé et dérogeons par lesdictes présentes »116. Une
tentative est faite en 1540 pour relancer le trésor du Louvre, mais il est question d’y
amasser, non plus l’ensemble des fonds, mais seulement de quoi constituer une réserve
pour la guerre, ce qui n’a plus du tout la même signification. Ce nouveau trésor du Louvre
au petit pied est d’ailleurs vite englouti par le retour des hostilités. Henri II à peine sur le
trône, le projet refait surface. Par une ordonnance de mai 1547, la caisse est rétablie 117.
Cependant, une partie des fonds n’a pas à passer par elle, qu’il s’agisse des finances
extraordinaires ou de deniers des recettes générales directement assignés. Cette
souplesse ouvre la porte à tous les laxismes. Par ailleurs, le trésor du Louvre est distingué
d’une éventuelle caisse de réserve complémentaire. En fait cette remise en vigueur n’ira
pas beaucoup plus loin que la déclaration d’intention car, une fois encore, la guerre
emporte tout.
46 Le maintien de la plupart des recettes sous le régime de la commission à la fin des années
trente indique selon toute apparence que le roi avait l’intention de remodeler les cadres
financiers avant de remettre en place un corps de titulaires. Cette observation va dans le
sens d’une relative « préméditation » des réformes, après la fin du conflit de 1536-1538.
Comment expliquer alors le délai de plus de quatre ans qui sépare retour de la paix et
réorganisation ? La réponse est peut-être à chercher dans les troubles politiques qui
agitent les sommets de l’État. Le procès de Chabot, la progressive disgrâce de
Montmorency, le retour de l’amiral et l’arrestation du chancelier Poyet, tout ceci occupe
les esprits et le Conseil. A la fin de 1542, on peut espérer que la situation est stabilisée -
comment prévoir que l’amiral Chabot n’a plus que quelques mois à vivre ? - et
l’installation dans l’état de guerre est au contraire un stimulant au changement, comme
vingt ans plus tôt, de façon à rendre plus efficace la collecte des fonds.
1. De nouvelles circonscriptions
47 Les édits arrêtés à Cognac en décembre 1542 marquent la fin des grandes charges
financières telles qu’elles existaient depuis un bon siècle118. Seize recettes générales
fonctionneront dorénavant, et encore le texte n’évoque-t-il ni la Bretagne, ni la Savoie-
Piémont, qui ont elles aussi un receveur. Le redécoupage ne concerne en fait que les
274
quatre recettes principales : la Normandie est divisée en deux, Caen s’ajoutant à Rouen,
tout comme l’Outre-Seine, où Châlons rejoint Paris. Cette dernière circonscription perd
en outre les élections d’Amiens et Noyon, rattachées à la Picardie119. Le Languedoc compte
désormais trois recettes générales (Lyon, Montpellier et Toulouse) et la Languedoïl quatre
(Tours, Poitiers, Bourges et Issoire). Le choix des « capitales » est très important car c’est
autour d’elles que se structurent les circonscriptions, comme souvent sous l’Ancien
Régime. A chacune des villes « seront […] départies les receptes particulières les plus
prochaines ». Il n’est pas question ici d’étudier dans le détail le découpage et ses
motivations120. Contentons-nous de constater que dans l’ancienne Outre-Seine les débuts
de Châlons sont peu clairs : Reims semble servir un temps de capitale et figure comme
telle dans un édit du 17 janvier 1544121 Au sud de l’ex-Languedoïl, Issoire est rapidement
remplacée par Riom.
48 Ce dépeçage correspond en gros à une mise à l’échelle des grandes charges, alignées sur le
« format » de circonscriptions périphériques souvent héritières d’anciennes principautés.
Ces dernières il est vrai, à cause des privilèges qu’elles ont su préserver, offrent de toute
manière un terrain beaucoup moins propice à un redécoupage. Mettre les recettes sur un
pied d’égalité conduit sans doute à terme à renforcer l’unité voire la cohésion de
l’ensemble, sous le contrôle du pouvoir central. Avant cette réforme décisive, les recettes
originelles avaient déjà subi des assauts. En 1523, on reconstitue une généralité de
Guyenne, ce qui ampute lourdement la Languedoïl122. La coïncidence avec les réformes de
l’Épargne peut difficilement être fortuite. Lors de la mise sur pied des commissions, à la
fin de 1532, la Languedoïl est répartie entre deux équipes suivant une frontière
grossièrement Sud-Ouest/Nord-Est : d’un côté, Maine, Anjou, Touraine, Orléanais et
Poitou, c’est-à-dire les futures recettes de Tours et de Poitiers, de l’autre, Berry,
Nivernais, Bourbonnais et Auvergne, soit l’espace des circonscriptions de Bourges et
Issoire123. Étrangement, à partir de 1539, même si les sources ne sont pas totalement
claires, il semble bien que la Languedoïl soit réunifiée sous un commis unique,
Clérambault Leclerc, jusqu’alors responsable seulement de la recette des restes des
finances en Languedoïl124. Leclerc est en effet le seul comptable mentionné après la
disparition en 1538 des deux commis en place depuis décembre 1532, Guillaume de
Moraynes et Estienne Trotereau. Est-ce le souci de faire place nette avant un changement
décisif ? Aucun des trois ne trouve d’ailleurs place dans le nouvel édifice de 1542 125.
2. La recomposition du personnel
52 Durant tout le premier tiers du siècle, les fonctions des deux trésoriers de l’Ordinaire des
guerres connaissent peu de changements. Seul l’irritant problème des trésoriers locaux
perturbe, pour l’historien du moins, cette belle façade. Quelques sources mentionnent en
effet des trésoriers des guerres pour un secteur précis. En Milanais sous Louis XII, il est
difficile de dire s’il s’agit de l’héritage d’une charge locale ou des nécessités spécifiques de
la défense d’un territoire situé à la pointe des opérations militaires. Le cas breton est plus
clair, qui perdure sous François Ier. Les trois titulaires connus, Bertrand puis Guy de Tours
et enfin Robert Main, sont à l’évidence les successeurs des trésoriers du temps des ducs
indépendants138. En Languedoc, au moins jusqu’en 1521, le trésorier et receveur général
porte aussi le titre de trésorier des guerres139. On a nettement le sentiment qu’il ne s’agit
ici que d’une relique, simple mention sur les comptes. En revanche une quittance du
31 juillet 1525 cite le sieur de Carrières, Georges Heroet (ou Hervoet), comme trésorier
des guerres en Guyenne140. On peut, en l’absence de certitudes, formuler à ce sujet trois
hypothèses. La fonction, qui existait à l’époque où la province constituait un apanage
pour Charles de France, frère de Louis XI, n’a pas disparu141. Au contraire, c’est la
recréation en 1523 d’une généralité de Guyenne qui fait renaître l’office. Reste le cas,
toujours possible, de l’envoi ponctuel en une année difficile d’un responsable spécifique
sur une frontière qu’on croit menacée. Heroet devenant trésorier de l’Ordinaire en titre
en 1528, la fonction, si elle avait une quelconque consistance, a dû se fondre au sein de sa
nouvelle dignité.
53 Mais tout ceci n’est que peu de chose à côté du choc de 1534, en pleine période de paix. Le
5 janvier, un édit supprime tout simplement les deux offices de trésoriers de l’Ordinaire.
Il érige à leur place un office de payeur par compagnie d’ordonnance142. Cet éclatement
entérine le partage de la responsabilité des diverses unités, qui se faisait jusque-là
empiriquement entre les clercs des deux trésoriers. Mais il semble perturber le
fonctionnement de la comptabilité, si l’on en croit les remarques qui figurent sur une
synthèse du nombre des lances payées durant la période. Pour le temps des payeurs,
« n’ont peu estre trouvez si promptement lesd comptes, parquoy n’a peu estre vériffié
combien de lances et hommes d’armes ont esté paiez par chacune année »143. L’intérêt de
la réforme réside pour une part dans la volonté de rapprocher deux éléments jusque-là
distincts : le paiement des compagnies et la gestion des recettes générales. L’objectif est
évidemment de faciliter le plus possible les règlements des soldes. Le texte du 5 janvier
1534 précise en effet : « A esté ordonné par led seigneur ung desd offices [de payeurs] à
chascun des clers qui ont levé et tenu led compte des deniers des charges de ce
royaume ». Cette décision est réellement appliquée et, dans une liste des payeurs de
compagnies du milieu de 1538, les commis aux recettes générales figurent en bonne place.
Certains tels Nicolas de Saimbault ou Pierre Le Vassor ont même la charge de deux
compagnies144. Ces dernières ne leur ont pas été réparties au hasard, mais en fonction de
l’orientation géographique de leurs chefs, qui, évidemment, n’est pas sans conséquence
sur l’aire de recrutement des soldats et sur leur garnison en temps de paix. L’exemple de
Pierre Le Vassor, commis à la recette générale de Normandie, est éclairant. Il paye les
compagnies des sieurs de Villebon et de La Meilleraye. Le premier, Jean d’Estouteville, fait
une carrière normande comme bailli de Rouen, capitaine de la ville et lieutenant général
277
dans la province. Le second, Charles de Moy, exercera lui aussi cette dernière fonction
après avoir été, entre autres, commis aux marchés des bâtiments du Havre. Pour tous
deux le tropisme normand est évident. Un seul problème, mais de taille : il n’y a pas assez
de commis pour occuper toutes les charges de payeurs, il s’en faut de beaucoup. Sur les
quarante-deux compagnies mentionnées au milieu de 1538, ils n’assurent les paiements
que pour neuf d’entre elles.
54 La survie d’un des deux trésoriers de l’Ordinaire vient compliquer le tableau. Si Georges
Heroet paraît réellement sur la touche, son collègue Guy de la Maladière tient sa partie au
cours de la guerre de 1536-1538. D’ailleurs, depuis la suppression de son office, il continue
à percevoir ses gages. Non seulement il suit les armées, comme d’autres officiers
suspendus à cette époque, mais il se trouve directement en charge d’une partie des
compagnies d’ordonnance lors de la campagne de Picardie de 1537145. On a donc le
sentiment que le rétablissement officiel des trésoriers en mars 1543 ne change pas grand-
chose pour La Maladière146. Heroet en revanche ne revient pas aux affaires147. Encore
vivant le 21 novembre 1539, il est cité comme mort dans l’édit qui rétablit les charges.
Nicolas de Troyes prend sa place, après avoir fait un passage éclair à la recette générale
de Poitiers. Le retour aux deux trésoriers s’explique, aux yeux du pouvoir, par le besoin
de pallier l’éclatement des payeurs, car il est « difficile et quasi impossible, pour le grand
nombre qu’ils sont et diversité de lieux où ils sont demeurans, les faire assembler [au
Conseil] aux jours et heures qu’il est souvent besoin et très requis pour nostre service ».
Par ailleurs, classiquement, les payeurs sont accusés de fraude… comme l’avaient été les
trésoriers et leurs clercs lors de la suppression de 1534. Enfin, le regroupement des
comptabilités permettra d’éviter « à la dépense inutile qui se fait de présent […] pour les
frais de la façon et reddition de plusieurs comptes et copie d’iceux qu’il est besoin que
lesdits payeurs en rendent par chacun an ».
55 Si les trésoriers de l’Ordinaire sont solidement établis au début du siècle, il n’en va pas de
même des responsables de l’Extraordinaire. Ceux-ci ne disposent encore que de
commissions ponctuelles et pas toujours bien définies. Au début du règne de Louis XII, ce
sont les trésoriers de Milan qui ont tendance à monopoliser ces commissions 148. Mais il
n’y a là rien d’exclusif et, en avril 1507, Thomas Bohier, général de Normandie, qui suit
l’armée, est chargé du paiement des mercenaires allemands que le roi renvoie après
l’écrasement de la révolte de Gênes149. C’est en 1509 que naît véritablement une
commission distincte englobant l’ensemble de l’Extraordinaire. Cette année-là, le
trésorier de Milan et responsable de l’Extraordinaire dans le cadre de la campagne contre
Venise est Estienne Grolier. Il meurt entre le 26 juillet et le 5 octobre150. Si Jehan Grolier,
son fils, prend sa suite en ce qui concerne Milan, c’est en revanche Morelet de Museau qui
s’empare de l’Extraordinaire. Il a dû y avoir un intérim de plusieurs semaines, car le
compte de Morelet ne commence que le 24 novembre 1509, mais on ignore qui en a été
chargé151. A partir de Morelet, qui stabilise la fonction en restant en place près de quatre
ans, la succession des commis est aisée à suivre pendant vingt-cinq ans152. Pour obtenir du
roi la commission, le postulant doit lui prêter une somme importante. Mais il doit aussi,
dans le cadre de la vénalité privée, acheter sa charge à son prédécesseur153.
56 L’affaire se complique à partir de 1534, année qui, comme pour l’Ordinaire, correspond à
un changement, mais ici beaucoup moins aisé à cerner. A cette date en effet le commis en
titre, Jehan Godet, est apparemment suspendu. Les indices sont maigres154, mais ils
278
60 Dans l’épitaphe composée par Clément Marot pour la famille Lallemant, qui compte en ses
rangs trois receveurs généraux des finances, le poète précise au sujet de leur gestion :
« Rendu en ont très bon et loyal compte, Je le scay bien, et vérité vous compte. » 167
61 Quel symbole que ce souci de faire d’une reddition dans les règles un élément de la gloire
posthume de ces officiers ! Outre qu’il y aurait sans doute à dire sur la véracité de
l’affirmation… Quoi qu’il en soit, rendre ses comptes est effectivement une lourde charge
pour un responsable des finances. On vient d’évoquer les projets royaux d’un
Extraordinaire des guerres bi-annuel pour faciliter cette reddition. La mise en place du
système de l’alternatif sous Henri II pourra reprendre cette justification, au moins pour
les hommes d’argent. Mais il est révélateur que Philibert Babou, lui aussi commis à
l’Extraordinaire, demande en septembre 1516 à être relevé de sa charge au profit de
Lambert Meigret « affin que comme bon et loyal serviteur il nous puisse rendre de brief
temps compte de sadicte commission »168. Le même problème se retrouve en juillet 1521,
lorsque Lautrec écrit à Robertet qu’il a parlé au roi
« touchant les résignacions que les trésoriers Morelet et Grolier veulent faire de
leurs offices. Surquoy il m’a fait responce qu’il estoit content, pourveu que l’un et
l’autre eussent rendu leurs comptes, et despuis lesd trésoriers m’ont fait entendre
leur cas, disant qu’il leur seroit impossible rendre leursd comptes tenant tousjours
les estatz qu’ilz ont, en quoy je trouve de l’apparance ».
62 Aussi demande-t-il à Robertet d’intervenir auprès du roi169. Intervention couronnée de
succès car, sept ans et demi plus tard, Morelet, qui a effectivement abandonné la charge
en cause, n’a toujours pas rendu ses comptes… Une lettre de ce dernier, destinée à
Lambert Meigret, le 15 février 1529, souligne alors la difficulté de la tâche alors que
Morelet est pourtant immergé dans la finance depuis plus de vingt ans…
« Je suys après à dresser Testât d’entre mon fils et moy du fait des pensions [suisses]
et vouldroys que feussiez icy pour me ayder, aussi pour me ayder à dresser le fait de
la trésorerie des guerres. Toutes les deux charges sont bien embroullées mais
encore plus le fait des guerres que l’autre […]. Sy je ne puys sortir du fait de la
guerre, je vous envoyray mes pappiers et vous prendrez ceste peyne pour moy de
me donner un moys ou deux pour dresser mon affaire »170.
280
63 Les choses se compliquent encore lorsque le titulaire meurt en charge et que ses héritiers
doivent procéder à sa place, ce qui sera d’ailleurs le cas pour Morelet. D’autant que le roi
et les héritiers sont souvent rivaux pour tirer profit des successions171. Cela vaut par
exemple en Bretagne pour les Lespinay ou les Le Charron, deux familles de trésoriers et
receveurs généraux172. Le trésorier de l’Ordinaire des guerres Geoffroy de la Croix, dans
son testament du 4 mars 1515, désigne à la fois des tuteurs pour ses enfants et des
responsables pour la reddition de ses comptes173. Or en 1536, les héritiers, depuis
longtemps émancipés, bataillent avec Jehan du Chemyn, un ancien clerc de Geoffroy de la
Croix, au sujet des comptes de leur père et beau-père,
« disans oultre […] qu’ilz ne scavent s’il y a eu quelques quictances mal remply et
que sy s’en trouvoit aucunes, ce auroit esté à leur desceu et par la faulte et
inadvertance de ceulx que leurs tuteurs avoient commis pour descharger les
comptes dud deffunct […] et de celluy ou ceulx que led deffunct avoit esleuz,
pensant qu’ilz feussent fidelles pour dresser sesd comptes, et auquel pour ce faire
avoit legué certaines grans sommes de deniers »174.
64 En 1539 le procureur général du roi à la Cour des aides poursuit Anne de la Forge pour
qu’elle rende compte pour son père, mort vers 1525. Elle affirme ne pas pouvoir le faire,
faute de disposer de tous les papiers175.
65 Si les héritiers ont du mal à venir à bout de ces histoires comptables, il en va de même
pour la monarchie. Ce n’est pourtant pas faute d’édicter des règles strictes et des délais
contraignants. Le 6 mai 1494, un mandement ordonne de faire compter les officiers en
retard. Le 24 novembre 1511, un édit porte que tout comptable devra se présenter chaque
année devant la Chambre des comptes176. A la fin du règne de François Ier, on en est
toujours au même point. L’édit de Cognac, décidément omnicompétent, établit « que tous
officiers comptables seront tenus rendre leurs comptes des années passées dedans six
mois après la publication de ces présentes et pour l’advenir d’année en année ». Mais, en
mars 1546, un nouvel édit requiert « que tous nos officiers comptables soient tenus
compter dedans le temps respectivement à eux préfix […] suivant ladite ordonnance par
nous dernièrement faite à Coignac » et ordonne à « ceux qui se trouveront comptables de
plusieurs années […] qu’ils comptent de tout le temps passé dedans la présente année177 ».
Pour accélérer la procédure, une ordonnance du 18 novembre 1539 interdit aux
comptables de laisser une partie de leurs comptes en souffrance : ils doivent les faire
apurer. Peu après, un édit du 26 janvier 1540 impose à l’avenir de ne plus laisser en
souffrance aucune partie : les comptables seront jugés en fonction des pièces produites
par eux et toute partie non justifiée sera irrémédiablement rayée178. Dans le détail, de
nombreuses injonctions ou sommations individuelles pour les redditions sont formulées.
Elles ne concernent pas que les officiers : le 18 juillet 1540 ce sont les fermiers de
l’équivalent de Languedoc qui sont visés179.
66 Outre la présentation des documents justificatifs, celui qui rend les comptes, que ce soit
l’officier lui-même ou son procureur, est astreint à prêter serment. Au bureau de la
Chambre des comptes,
« il jure et afferme ou sond. procureur pour luy en son absence [qu’il a] faict entière
recepte et despense es comptes qu’il présente, qu’il ne rend aucun qu’il ne pense en
sa conscience estre bons et vallables et que toutes les parties [couchées] en iceulx
sont entièrement payées, après lequel serment faict est escript par l’un des maistres
desd comptes au-dessus de l’intitulation des comptes présentez le tra[ditus][…] et n’y
seroit jamais mys le traditus avant led serment »180.
281
67 Une ordonnance sur le maniement des fonds publics comme celle du 8 juin 1532 revient
dans quatre articles différents sur cette obligation du serment, auquel une grande valeur
est attachée181. Les sanctions prévues les plus fréquentes sont, en cas de non-reddition et
de retards, la suspension jusqu’à l’apurement, déjà évoquée pour les receveurs généraux à
la fin de 1531, et en cas d’omission de recette ou de dissimulation temporaire, la peine du
quadruple182.
68 Il n’entre pas dans mon propos d’évoquer les cadres normaux du contrôle financier, au
premier rang desquels se trouvent les Chambres des comptes183. Rappelons seulement que
l’instance parisienne conserve un poids exceptionnel. Ainsi, en Dauphiné, si l’examen des
comptes du trésorier et receveur général a lieu à la Chambre de Grenoble, pour les
revenus extraordinaires (tailles, dons des États), il peut y avoir réexamen à Paris. De
même, la Chambre des comptes de Montpellier, créée en 1523, n’a que des pouvoirs
incomplets : jusqu’en 1589 les receveurs généraux et les receveurs du domaine rendent
leurs comptes dans la capitale184. Au début du siècle, les généraux des finances disposent
d’un pouvoir de contrôle qui peut entraîner des rivalités avec les Chambres des comptes
185
. On trouve même une énigmatique mention de comptes rendus au général de
Normandie Thomas Bohier par le receveur général de la charge186.
69 Avec les vrais revenus extraordinaires, les choses se compliquent, car leur octroi fait
l’objet d’une négociation entre monarchie et victimes du prélèvement. D’où des
dérogations, comme celle qui est obtenue par la municipalité parisienne en 1528 : les
comptes de sa participation à la rançon seront rendus devant une commission municipale
et non à la Chambre des comptes187. Par ailleurs, des commissions spécifiques « sur le faict
des décimes et octroys d’Eglise » sont mises sur pied, devant lesquelles les comptabilités
sont présentées188. Cependant la Chambre des comptes est largement partie prenante de
ces instances : c’est avec le procureur général du roi à la Chambre que négocie un
représentant du commis à la recette du diocèse de Sées. Un autre document évoque la
reddition des comptes d’une décime des diocèses bretons devant Pierre Leduc, auditeur
des comptes à Paris189. Restent les comptabilités secrètes, que le roi examine en personne.
René de Puiguyon, seigneur de Bois-René et trésorier des menus plaisirs a effectué des
dépenses d’après un ordre verbal du roi. Il obtient des « lettres royaux » le dispensant de
dresser un compte autre que celui qu’il a présenté au souverain, compte détruit aussitôt
parce que certaines pièces en sont secrètes190.
70 Mais il y a comptes et comptes. Il est en effet plusieurs manières de les présenter, qui
toutes n’ont pas la même valeur juridique. Un commis du receveur ordinaire de Touraine
Estienne Trotereau cherche, en 1539, à obtenir du fermier du greffe royal de Tours le rôle
des amendes de sa charge en vue de procéder à la reddition des comptes de son maître. Le
fermier prétend l’avoir déjà fourni. Le commis réplique qu’il s’agissait seulement d’un
rôle en papier du type de ceux qu’on remet à un sergent pour en faire le recouvrement,
« et ne l’a baillé en la forme qu’il le demande pour servir à la reddicion des comptes dud
Trotereau »191. Sommés d’apurer leur situation en 1523, les principaux comptables, par la
bouche du changeur du Trésor Jaques Charmolue, se disent « prestz à obéyr, mais fault
premièrement savoir comment ilz ont à dresser leurs comptes, par grosse ou par forme
d’estat, en parchemyn ou en papier »192. A Jehan Prévost, commis à l’Extraordinaire des
guerres, on ordonne le 24 mars 1523 de fournir le compte de sa première année d’exercice
par état dedans la Saint-Jean-Baptiste et en forme dedans la Toussaint193. La présentation
laisse parfois à désirer. Le vice-amiral de France La Meilleraye refuse de signer les
« cayers » de comptes du trésorier de la marine de Ponant Jehan de Vymont car ils sont
282
« mal ordonnez, mal gectez et calculiez »194. Le cas de Vymont est peut-être particulier,
mais une telle « négligence » dissimule sûrement, chez certains officiers, le désir de
maintenir dans une bienfaisante pénombre la réalité de pratiques comptables plus ou
moins avouables. Cependant l’historien lui-même est parfois étonné du (relatif) manque
de sérieux de certains documents essentiels au bon fonctionnement financier de la
monarchie195. Il est vrai que le rapport à l’écrit ou à la précision comptable diffère alors de
celui qui nous est familier.
71 Circonstance aggravante, les difficultés quotidiennes obligent bien souvent à chercher
avec les rigueurs d’une législation stricte des accommodements que le souverain accepte
ou refuse au gré de ses nécessités ou de la faveur du suppliant. Il est vrai que l’usage
immodéré des anticipations et la quasi-permanence des arriérés ne contribuent pas à
simplifier les choses. Par ailleurs, il faut parfois en prendre un peu à son aise avec les
contraintes de la procédure écrite, même si, comme le rappellent des procureurs à la
Chambre des comptes, « au faict de finances l’on a accoustumé de besongner par escript
[…] et les gens desd finances n’ont de coutume de besogner autrement »196. Voici
Anthoine Bohier de Saint-Cirgues, commis aux paiements des pensions d’Angleterre,
contraint d’obtenir une lettre du roi pour que les instances de contrôle acceptent
d’allouer en ses comptes 3 750 écus, somme par lui « baillée et manuellement comptée » à
plusieurs personnes « du party du roy d’Angleterre », sur commandement - oral semble-t-
il - du général Raoul Hurault197. Voici Helluin du Lin qui s’est occupé en 1532 d’affaires
allemandes, et auquel il manque deux quittances des ducs de Bavière, prises par un
commissaire pour une procédure comptable et retirées à ce dernier pour les envoyer au
roi et au chancelier. Du Lin demande qu’elles « luy soient rendues ou bien que du contenu
en icelles il soit tenu quicte »198. A terme, en fait, il faut toujours une pièce justificative,
quelle qu’elle soit. Mais les mises au point comptables demandent évidemment beaucoup
de temps.
72 Sur les délais de reddition de comptes et les procédures afférentes - clôture ne signifiant
pas apurement -, la Bretagne de la fin de l’époque ducale offre un aperçu passionnant 199.
La documentation pour le royaume n’est pas de cette qualité, à Paris au moins, en raison
des déboires bien connus subis par les archives de la Chambre des comptes. Il me suffira
de dire ce que la répétition des prescriptions sous-entend : les délais réels sont infiniment
plus longs que les délais fixés par la législation. Parfois les comptables sollicitent très
officiellement une dérogation. C’est le cas de Pierre Sanson pour ses comptes de
l’Extraordinaire des guerres de 1544, car il a dépassé les échéances fixées par
l’ordonnance de Cognac200. Le plus souvent les choses se règlent lentement, mais sans
autorisation spécifique.
73 Quelques exemples, pris dans des domaines très divers, donnent une idée des délais réels.
A sa mort, Jehan de Lespinay, trésorier et receveur général de Bretagne, « n’avoit rendu
compte de sept ans »201. Gilles de Gouy, receveur des exploits et amendes de la Chambre
des monnaies, clôture le 22 mars 1521 quatre années d’exercice achevées en 1520 202. Le
compte de l’Extraordinaire des guerres de Jacques Veau pour 1545 est rendu en 1548 :
Veau désigne alors son procureur pour le faire clore et affiner. L’exercice de 1536 de
l’Argenterie est « ouy et clos » le 18 mars 1545. Pour la recette de Dourdan, le compte de
1538 est clos le 27 novembre 1542 et celui de 1542 doit attendre le 30 juillet 1549 203 Quant
à la recette de la traite des blés et vins de Saintonge et La Rochelle pour les années
1534-1536, les comptes en sont clos en juillet 1539.
283
74 Cette première étape franchie, reste à apurer les souffrances ou les débets mis en évidence
lors des clôtures. Cela demande encore de nombreuses années. Pour la traite de
Saintonge, le receveur Nicolas de Troyes bataille en 1541 pour obtenir du contrôleur de
ladite traite qu’il fournisse son « contre-rolle » de 1536 de manière à lever une souffrance
de 2 437 lt204. Pour Dourdan, en 1553, 3 785 lt sont toujours dues sur les 9 938 lt dont le
receveur Loys Tizard était redevable à cause de ses comptes de 1538 et 1542. Entre temps,
et pour faciliter les choses, Tizard est mort et les criées de ses biens rencontrent des
obstacles. Un compte de Michel Jacob, trésorier des salpêtres de Languedoïl, est clos le
6 avril 1540. Il doit 4052 lt. Or, le 6 octobre 1549, rien n’a été réglé et, là encore, Jacob est
mort205. Enfin, ce n’est qu’en janvier 1545 que Pierre d’Apestéguy parvient à récupérer
4 808 lt « pour son remboursement de pareille somme qui luy estoit deue de cler et liquide
par la fin du compte par luy rendu de la décime octroyée au Roy par le clergé de son
royaulme en l’année mil Vc XXVII »206.
75 Quand la responsabilité financière est répartie entre plusieurs échelons, la situation
devient encore plus complexe. En 1518, Martin Famé supplée un temps Guillaume Ruzé à
la trésorerie de Louis e de Savoie. Madame ne régularise cette situation que le 26 avril
1521 et Famé n’apure sa comptabilité avec Ruzé qu’en février-mars 1523. Ruzé à son tour
rend ses comptes à Angoulême en décembre 1526 et en février 1527. Un chapitre en est
tenu en souffrance jusqu’en 1546. Le sort du successeur de Ruzé est du même ordre : il
faut près de dix ans après la mort de Louis e pour que Victor Barguyn rende ses comptes
207. La reddition de comptes partiels, où les souffrances, voire les débets sont repris d’une
année sur l’autre, la mise en avant de quittances bien réelles, mais dont les paiements
correspondants ont pu ne pas avoir lieu, le « respect » d’États généraux largement
théoriques et inadaptés avant même le début de l’exercice concerné, tout ceci, et
beaucoup d’autres choses, donne aux opérations de contrôle un goût d’inachevé. « Seul
l’établissement des comptes définitifs, résultant d’une vérification d’ensemble pouvait
établir de façon certaine la situation d’un comptable »208. C’est ce à quoi visent les
commissions mises sur pied.
b. De nombreuses tentatives
76 Les opérations spécifiques pour accélérer les reddition de comptes ne commencent pas
avec la commission établie en janvier 1523. Sans remonter en deçà du règne, on peut
repérer deux autres tentatives en 1517 et 1521. Ces antécédents prouvent qu’il ne s’agit
donc pas au départ de menacer l’ordre normal des finances, ni de remettre en cause son
administration, contrairement à ce que la quasi-coïncidence en 1523 entre commission et
création du premier trésor de l’Épargne pourrait laisser croire. L’objectif est, via un
apurement général, de récupérer des débets accumulés.
77 Le 19 mai 1517, nous apprend Barrillon, le roi quitte Paris « et y laiss[e] monsr le
chancelier, le bastard de Savoye et les quatre généraulx de France pour visiter les
comptes des principaux officiers comptables […] affin de scavoir si on pourroit trouver
quelques restes »209. En fait, Duprat n’intervient pas dans l’affaire et c’est le Bâtard de
Savoie qui reçoit le premier juin la responsabilité d’une commission chargée
« de veoir et arrester par forme d’estat les comptes des changeur du Trésor,
recepveurs généraulx, trésoriers ordinaires et extraordinaires des guerres et autres
officiers comptables, pour les deniers qui seront trouvez es mains desd comptables
faire employer à l’acquict et descharge des grans arriérés en quoy noz estats et
finance sont »210.
284
81 Il n’en va pas de même pour la commission spécifique mise sur pied pour examiner la
comptabilité de Semblançay. Établie le 11 mars 1524, elle rend dès le 27 janvier 1525 un
verdict globalement favorable à l’accusé224. Pourquoi une instance propre à ce dossier ?
Plusieurs raisons peuvent être avancées. Tout d’abord le souci de l’efficacité face à la
commission en place qui, au début de 1524, est déjà bien engluée dans d’innombrables
conflits de procédure. Ensuite l’importance de l’enjeu, sans comparaison avec les autres
affaires. Enfin, et à mon avis surtout, le fait que Semblançay, légalement, n’est pas un
comptable, ce qui distingue son cas de tous les autres. S’ajoute aussi la question du
contentieux spécifique qui met en cause les finances de Louis e de Savoie. Dans la
procédure, deux questions apparaissent délicates à régler en raison du manque de clarté
des sources disponibles. Tout d’abord, Spont affirme que Madame dispose de deux
procureurs en la personne de Lambert Meigret et Thomas Rappouel, et ne nous dit pas qui
représente en l’affaire les intérêts du monarque. Doucet fait pour sa part de Meigret le
procureur du roi225.
82 La seconde difficulté est constituée par les appels. La procédure, qui est globalement
favorable à Semblançay, malgré ses préventions initiales envers ses juges226, peut-elle
rebondir au sein d’une autre instance ? Il est sûr que Lambert Meigret a effectivement
interjeté appel : le 28 janvier, au lendemain de la sentence, il annonce « qu’il appeloit de
la sentence en ce qu’elle faisoit contre le roi, mais qu’il acquiesçoit en ce qu’elle faisoit
contre la régente »227. En 1536, le président au Parlement Loys Caillaud cherche en vain
des traces de cette affaire : « Ne s’est rien trouvé des procédures faictes sur l’appel
interjecté par feu Maigret pour le Roy du jugement donné au Montis sur le faict de feu
Saint-Blançay »228. Caillaud a une opinion sur ce point mais, pour le malheur du
chercheur, il juge préférable de l’évoquer oralement avec le chancelier229. Quelle instance
doit recevoir cet appel ? A suivre le Bourgeois de Paris, il s’agirait du Parlement230. On
peut s’étonner de ce qu’une commission extraordinaire se place ainsi sous la correction
du Parlement. C’est peut-être cette erreur stratégique qui explique le silence qui suit. Un
autre document, très postérieur, estime qu’il y a eu appel de toutes les parties : le roi,
Madame et Semblançay. Mais une annotation marginale affirme : « Au regard de l’appel, il
n’a jamais été poursuivy ne par le Roy ne par aultre »231. De toute manière, le sort fait à
Semblançay rend vite sans objet ces interrogations juridiques.
83 Les quinze années qui suivent sont en effet placées sous l’égide de procédures plus
radicales, qu’on retrouvera dans quelques lignes. La commission sur les décimes, qui vise
à la fois à l’apurement des comptes et à la recherche des restes, est pour sa part réactivée
en 1535. Elle doit examiner la période 1518-1535 mais se heurte à de nombreuses
difficultés de fonctionnement232. Il faut dire qu’elle est toujours dirigée par Pierre Filhol
qui va, semble-t-il, sur ses 95 ans. Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne contribue pas à
rendre le travail très efficace, s’il faut croire ce que Loys Caillaud, cheville ouvrière de la
commission, écrit au chancelier : « Ay souvent honte des contradictions qu’il faict,
présentes les parties […]. Toutefois, encores qu’il empesche la besongne par interruption
de crier sans propos et qu’il face mieulx retiré et couché que besoignant avec nous,
néantmoins je le laisse à faire continuer cest affaire ainsi que vous verrez et me comporte
avec luy au mieulx »233. Dans les années quarante, on ne trouve pas trace de commissions
des comptes, même quand le souci d’un apurement se fait pressant, à l’exception peut-
être de la Bretagne234. Mais est-ce vraiment spécifique de cette province ? On peut se le
demander lorsqu’on constate pour les décennies précédentes combien le duché vit au
rythme du royaume : exécutoire pour des redditions de comptes le 17 mai 1517,
286
a. Le procès Semblançay
l’appel, [on] passerait oultre ». Et « finablement furent lesd juges déléguez de conseil et
advis de ne passer oultre au préjudice dud. appel »246. On sait la suite.
87 L’étirement de l’épisode final n’est pas sans signification. Après la sentence (le 3 ou le
4 août ?) les juges en réfèrent au roi qui ordonne l’exécution. Entre le 6 et le 9 de
nouvelles tractations ont peut-être lieu, les Parisiens ne se décidant pas à agir247. Enfin,
alors que les lettres du 24 novembre 1526 et du 16 mai 1527 rendaient les sentences de la
commission définitives, et que le roi a interdit au Parlement comme à toute autre cour
« toute juridiction et cognoissance desd matières », l’appel de Semblançay paralyse de
nouveau les commissaires. On devine chez eux le désir d’être pleinement couverts, et
pour finir, de sérieuses réticences à assumer les conséquences de leur propre sentence.
88 Comparaison n’est pas raison. Il peut cependant être instructif d’observer quelle est la
procédure appliquée lors d’autres procès de hauts responsables financiers. Les comptes
d’Enguerran de Marigny sont examinés par une commission où les gens des comptes sont
bien représentés. En revanche son procès criminel se déroule directement devant le roi et
sa cour248. Il n’est pas fait appel à une commission pour cette seconde étape. En ce qui
concerne Jacques Cœur, une commission instruit son affaire. Mais, au moment de la
sentence, ce sont le roi et son grand Conseil qui délibèrent et décident. Cependant les
membres de la commission d’enquête prennent part au débat249. Avec Semblançay, la
commission a le pouvoir de mener le procès jusqu’à son terme. L’évolution va donc dans
le sens d’une progressive autonomisation, dans la procédure du moins, par rapport au
souverain. Mais, en définitive, et les atermoiements du début d’août le montrent
clairement, c’est bien sur le souverain que repose la décision finale. Avec Fouquet, le
cadre est identique à celui de Semblançay, mais l’intervention du roi est plus voyante
encore puisque Louis XIV aggrave la sentence des juges250. Le parallèle entre les deux
derniers cas va plus loin : les poursuites contre l’homme en vue s’accompagnent en effet
d’une « recherche des financiers » beaucoup plus générale.
B. La Tour Carrée
89 Dans le grand désarroi du printemps 1525, alors que la commission de janvier 1523 se
dispute des registres avec la Chambre des comptes pour pouvoir travailler, les
remontrances du Parlement de Paris du 10 avril n’oublient pas dans leur catalogue les
dysfonctionnements financiers. Leur propos est important car il est clairement question
des malversations à réprimer, des « grans larrecins et pilleries notoires » des officiers. Or
cette dimension était totalement absente des textes de 1523, qu’il s’agisse des réformes ou
de l’érection de commissions. Les initiatives financières reposaient alors, du moins était-
ce ainsi qu’on les présentait, sur le souci d’un meilleur financement de la guerre251. S’il est
nécessaire de poursuivre les examens des comptes, affirment les remontrances de 1525, il
faut aussi mettre sur pied une seconde commission comprenant le chancelier, des
parlementaires et des techniciens des finances pour examiner l’emploi des sommes
perçues depuis le début du règne et dépister les détournements252. Rien n’indique que le
Parlement vise ici seulement l’administration, au contraire : tout porte à croire que les
pratiques de certains favoris, Bonnivet en tête, sont au moins indirectement en cause.
Cependant, quand le souverain reprend, sans le dire, la proposition un an et demi plus
tard, il n’est plus question que des officiers.
90 Le 24 novembre 1526, François Ier, « ayant esté adverty que plusieurs ses officiers de
finances auraient malversé », met sur pied une commission de six membres « commis à
288
enquérir des malversations qui leur seraient baillées par escript si besoing estoit et, si par
information jà faicte ou à faire leur apparust desd malversations, procéder par prinse de
corps à rencontre des coulpables » pour « juger les délinquans jusques à sentence
diffinitive et exécution d’icelle inclusivement et comme par arrest et jugement de court
de Parlement ». Le chancelier est invité à assister aux travaux « où il serait question de
décider et déterminer quelque affaire d’importance et le plus souvent qu’il pourra »253. Je
pense que c’est en application des pouvoirs ainsi définis qu’a lieu l’arrestation de
Semblançay le 13 janvier suivant. La volonté de s’en prendre, non à un homme en
particulier, mais à tout le personnel financier apparaît ainsi dès le départ. La suspicion
pèse sur l’ensemble des officiers et la culpabilité d’un grand nombre d’entre eux est
clairement supposée d’entrée de jeu. Cela n’a plus rien à voir avec la procédure rodée -
voire rouillée, 1523 le montre - de reddition des comptes. Ce qui naît en cette fin de 1526
c’est la chambre de justice, appelée à un si bel avenir pendant deux siècles254. Semblançay
n’est donc que la première victime d’un processus général dont il n’a été distingué que
pour la clarté de l’exposé.
91 Les officiers ne forment d’ailleurs pas une pâture suffisante pour la commission. Le
15 mars 1527 le roi élargit les pouvoirs de ses membres car ceux-ci « auraient trouvé que
plusieurs marchans banquiers et autres particuliers non estans officiers des finances
auraient malversé au faict des finances, et mesmement un nommé Nicolas Lalemant [ou
Alamant] touchant le faict des fleurs de Hz et pavillons d’Ardre »255. Au-delà des
modifications des 16 mai et 30 juin et du sort fait à Semblançay, on retrouve Nicolas
Lalemant qui fait l’objet d’un arrêt par les « juges ordonnés sur le fait des finances » dès le
19 août 1527256. Ce sont eux très probablement qui, avant le premier septembre,
informent contre Philibert Tissart, général des finances en Bretagne257. Ainsi l’acte du
17 novembre 1527, traditionnellement retenu comme date de naissance de la commission
dite de la Tour Carrée258, du nom de son lieu d’exercice, apporte-t-il en fait peu de chose à
un processus lancé depuis un an. Il convient cependant de s’y arrêter quelque peu. Le
16 novembre, François Ier met un terme aux activités de la commission du 17 janvier
1523 : il rétablit, pour les redditions, la Chambre des comptes dans toutes ses
prérogatives, « en remectant tout le négoce de lad commission pour le faire et parfaire
par vous, ordonnez juges desd comptables comme eussiez fait ou peu faire auparavant
icelle commission »259. Ce n’est évidemment pas par hasard que cette décision est prise la
veille de la parution d’un texte concernant les procédures criminelles. Mais s’il s’agit de
faire place nette dans ce domaine, les deux commissions, redisons-le, ne sont pas situées
sur le même plan. La structure mise en place le 17 novembre ne relaie pas, quoiqu’on
puisse en penser, celle qui disparaît le 16, dont d’ailleurs on ne trouve plus de trace
effective au-delà de 1526. La Tour Carrée ne « succède » pas à la commission du 17 janvier
1523.
92 Il n’existe de la lettre du 17 novembre qu’une copie gravement mutilée260. Elle marque
une nouvelle étape en ce que, pour la première fois, elle donne des noms de poursuivis :
Gilles Berthelot, président à la Chambre des comptes, Hugues Malras, receveur général de
Guyenne, Henri Bohier et les héritiers de son frère Thomas, Lambert Meigret, ancien
commis à l’Extraordinaire des guerres et un « Thizart » qui peut-être soit René Thizart,
trésorier de l’Ordinaire des guerres, soit Philibert Tissait, général de Bretagne, les deux
faisant alors l’objet de poursuites. La liste, en raison de l’état de la copie, n’est pas
limitative. Il s’agit pour beaucoup d’officiers qui ne sont pas comptables. On note en outre
un membre de phrase se référant à des actions « encommencez à faire contre les dessusd.
289
Berthelot, Thizard, Meigret… ». Ceci montre à l’évidence que les procédures sont déjà en
cours et les commissaires déjà au travail261. Ils continuent d’ailleurs à œuvrer : le
20 novembre, un arrêt de comparution est émis à rencontre de Guillaume de Beaune, fils
du défunt Semblançay, et le 2 décembre un jugement est rendu contre Gilles Berthelot 262.
Trois des quatre noms de juges déchiffrables sont ceux de personnages qui siégeaient
antérieurement dans la commission apparue le 24 novembre 1526 : Jean de Selve et
Antoine du Bourg depuis le départ, François de Saint-André depuis le 16 mai 1527. Le
quatrième, Jean Papillon, conseiller au Parlement, est un nouveau venu qui ne fait qu’un
bref passage puisqu’il meurt avant le 3 mars 1528263.
93 Des données complètes sur la composition sont disponibles seulement à partir du
4 octobre 1528. A cette date en effet, en raison de décès et parce que certains
commissaires désignés en novembre 1527 sont retenus par d’autres tâches, les effectifs
sont remodelés : la commission comprend alors dix-sept membres, dont dix seulement
peuvent prononcer les jugements264. Le 23 avril suivant, en raison d’absences,
d’empêchements et d’un nouveau décès, sept commissaires supplémentaires sont
nommés qui ont le « pouvoir de assister aux jugemens et décisions desd procès » 265. Le
texte du 4 octobre 1528 va cependant bien au-delà d’une simple remise à jour des
effectifs. On assiste alors à une systématisation de pouvoirs restés assez vagues dans le
texte du 17 novembre précédent. Toutes les procédures en cours, y compris celles qui
concernent le dossier Semblançay, relèvent désormais de la commission. Elle a plein
pouvoir pour procéder contre tous ceux « qui se trouveront avoir délinquê ou malversé »
en matière financière. Elle aura à connaître de « toutes les parties d’intérestz et pertes de
finances couchez ou baillez en compte » aux receveurs généraux, aux trésoriers des
guerres et aux autres comptables. Elle doit contraindre à rendre compte tous ceux qui ont
eu des deniers des offices (provenant des ventes, de résignations ou de permutations)
depuis l’avènement de Louis XII. Elle est enfin sa propre instance d’appel et celle de
toutes les procédures concernant les biens des condamnés.
94 Les années 1531-1532, avec la fuite de Sapin et la suspension des receveurs généraux,
réactivent la législation répressive et fournissent des armes nouvelles aux commissaires
266
. Le 19 avril 1532 une déclaration rappelle que l’omission de recette par les comptables
est passible de la peine du quadruple, « considérant les iniques et perverses
malversations, fraudes, dolositez et subterfuges » des intéressés. Le premier juin, ordre
est donné d’informer dans chaque bailliage sur les extorsions dont sont accusés les
receveurs et leurs commis. Le 8 juin, une longue ordonnance revient sur ce problème et le
14 le roi interdit aux comptables déjouer l’argent de leurs recettes267. Ce véritable déluge,
dont le contenu n’est d’ailleurs pas très neuf, souligne que le personnel financier est
vraiment dans le collimateur du pouvoir. On comprend mieux alors la prolongation de la
suspension des comptables à la fin de 1532. Le roi donne dans ce contexte une place de
choix à la Tour Carrée. Dans le texte essentiel du 8 juin, les juges sont requis d’examiner
tous les papiers des comptables, y compris ceux du changeur du Trésor, pour y
poursuivre les gages abusifs* le jeu sur les monnaies ou les taxations illégales sur les
assignés. Ils doivent voir aussi bien les États généraux que les états particuliers et les
autres pièces, en particulier les bordereaux des deniers touchés par les receveurs. Ils
devront vérifier l’emploi des fonds classés dans les catégories « cas inopinez, voyages,
ambassades, non valoirs, rabais et aumosnes »268.
95 Comme souvent avec ce type de commission, les poursuites et la répression se doublent
d’un travail de réforme269. Bientôt les commissaires sont aussi désignés comme « juges
290
ordonnés par le Roy sur le fait de la refformation des finances en la Tour Carrée » 270. En
mai 1532, à la veille de la série de textes que l’on vient d’évoquer, le roi demande au
président au Parlement Pierre Lizet, le « patron » de la Tour Carrée, de l’avertir « des
moyens par lesquelz l’on pourroit abréger l’expédition [des] finances et rendre plus
craintifz les comptables à l’advenir »271. Parmi les remèdes qu’il envisage, Lizet indique le
« soing et diligence continuelle de ceux qui ont la charge de la contraincte ». La
commission semble en fait tenir lieu de véritable cellule de réflexion pour l’élaboration
des réformes272. Pour mieux connaître la situation réelle, le roi met sur pied des
procédures d’enquête dans les provinces. C’est le deuxième volet de l’activité des
commissions tricéphales installées dans les recettes générales en décembre 1532. Outre
l’organisation de la perception des fonds, il leur faut en effet informer le roi d’une
multitude de choses :
« Comme nostre peuple est traicté par lesdictz recepveurs, sy noz fermes sont
baillées à juste pris, s’il y a eu aulcune intelligence, monopole, malversacions et
dons corruptibles […] et les informacions que sur ce que dit est aurez faictes,
appourtées ou nous envoyés féablement closes et sceellées, pour, icelles veues, y
estre pourveu de telle provision que verrons estre affaire par raison » 273.
96 Le résultat de ces enquêtes est très mal connu. Le témoignage de François Errault, qui
œuvrait en Languedoïl, est précieux :
« Après sa commission fînye, par ordonnance de feu monsgr le légat chancelier
[Duprat], il mist lesd commissions et procès-verbaulx ainsy que firent tous les
autres qui avoient eu pareilles commissions par devers maistre Pierre Chevalier,
greffier des comptes et greffier commis par les commissaires qui lors avoient esté
ordonnez par le Roy pour veoir et visiter les procès-verbaulx de tous lesd
commissaires, lesquelz juges estoient messieurs l’évesque de Soissons, président
Poyet lors advocat du Roy, monsieur le président de St André, icelluy Errault et
autres nommez en lad. commission »274.
97 Errault, qui a travaillé à la base, fait donc partie aussi de la commisson centrale d’examen,
« et est mémoratif led Errault que le sien procès verbal fut distribué aud Poyet ». Il faut
déplorer que les lettres de commission royales auxquelles Errault fait allusion n’aient pas
laissé de trace. Mais où est là-dedans la Tour Carrée ? Parmi tous les robins lancés dans les
provinces, deux sur onze seulement s’y rattachent : Jacques Minut en Languedoc en a été
membre jusqu’en 1529 et Errault lui-même en fait partie au plus tard en 1535. Mais, dans
la commission centrale, ce dernier retrouve avec Matthieu de Longuejoue (l’évêque de
Soissons) et Saint-André deux des piliers de la Tour Carrée, sans parler de Poyet qui, en
tant qu’avocat du roi, est régulièrement impliqué dans les procédures. Après un travail
d’enquête apparemment sérieux puisqu’Errault ne remet son rapport qu’en mai 1534, au
sommet ce sont donc les hommes des poursuites qui sont chargés d’en tirer les
conséquences. D’où la discrétion de cette structure qui laisse peu de traces parce qu’elle
est relayée pour les actions pénales par la Tour Carrée elle-même. Ce qui procure sans
doute à cette dernière un surcroît de travail.
98 Après presque dix années d’une activité soutenue, la Tour Carrée donne à partir de 1536
de sérieux signes d’essoufflement. Son dernier arrêt contre un officier de finance, l’ancien
receveur général d’Outre-Seine Jehan Ruzé, date du 12 avril 1536. Ensuite, plus rien, et ce
n’est pourtant pas à cause du manque de matière. Le cas le plus révélateur est celui de
Jehan Grolier, trésorier de France et ancien trésorier de l’Ordinaire des guerres. Au
moment de la sentence contre Ruzé, son « procès […] au principal » reste à faire275. Alors
que rien ne vient, Montmorency évoque, au début de 1537 semble-t-il, l’éventualité d’une
composition276. Or jusqu’à présent, celle-ci n’intervenait qu’après un arrêt. En mars 1537,
291
Loys Caillaud, qui œuvre avec la commission, écrit au chancelier : « Je ne scay à qui je
doibz faire distribuer les procès, voyant que les ordres de lad tour carrée sont en voye
d’estre récusez ainsi que j’entendz »277. Cependant la commission se survit et, pendant
quelques temps encore, on repère ici ou là une mention de son existence. La voici par
exemple le 22 janvier 1539 qui procède, deux jours après la Chambre des comptes, à
l’enregistrement d’une composition entre le roi et les héritiers de Thomas Bohier278. Mais
le ressort semble cassé et la commission va de dessaisissement en dessaisissement. Le
30 mai 1538, la Cour des aides reçoit la connaissance des procès engagés pour recouvrer
les créances de feu Jehan de Poncher, condamné à mort en 1535. Une telle initiative n’est
pas très neuve : en 1532 pour Morelet de Museau et en 1535 pour les Bohier, il en allait
déjà de même279. Mais tout se gâte quand le Parlement s’impose. Il récupère ainsi, au
hasard des actes, la connaissance des criées des terres de Jehan Ruzé, un procès mettant
en cause René Thizart, ancien trésorier de l’Ordinaire des guerres, une instance entre
Robert Albisse et les généraux de 1521 ou leurs héritiers, une autre entre les héritiers de
Jehan Lallemant le jeune et le procureur du roi, une encore entre ce dernier et le baron
d’Avaugour, au sujet d’un litige portant sur une seigneurie. Toutes ces affaires sont ôtées
par le roi à la Tour Carrée en 1540-1542280.
99 Sans que, à ma connaissance, la commission soit jamais clairement supprimée, on peut
dire qu’elle se survit à partir de 1537. Un dessaisissement précoce, en janvier 1538, est
révélateur : il a lieu « pour la difficulté [des juges] de se assembler pour l’occuppation
qu’[ils ont] respectivement en l’exercice de [leurs] offices »281. De leurs offices, non de leur
commission : chacun est retourné pour l’essentiel de son activité à son corps d’origine.
Selon toute apparence, c’est la révélation des turpitudes d’un certain nombre de ses
membres qui est à l’origine du déclin de la Tour Carrée. Au début de 1537 commence en
effet l’affaire René Gentil, ce président en Parlement qui était un pilier de la commission
depuis 1527. Une lettre de Jehan Prévost au chancelier, le 10 avril 1537, c’est-à-dire peu
après l’arrestation de Gentil, donne une idée de l’état d’esprit de beaucoup, et du roi en
particulier, au sujet d’une instance qui semble désormais en sursis. François I er a affirmé à
Prévost que les juges « auroient faict leur prouffict et cestoient faictz riches et oppullans
des procès et affaires de la tour carrée autant que led. Gentilz […]. Ils sont tant suspectz
au Roy que plus ne scauroit »282. Deux autres membres de la commission, Charles de la
Mothe et Jean Ravier, sont d’ailleurs eux aussi arrêtés. Gentil finira à Montfaucon et les
deux autres mourront en prison. Une lettre du roi à la Chambre des comptes souligne
encore combien le discrédit, sans se limiter à quelques brebis galeuses, s’étend
largement :
« Nous avons entendu qu’il y a aucuns de ceulx qui ont besongné en nostre tour
carrée qui demandent révision d’aucunes parties qui ont esté par vous raiées, qui
estoient et sont couchées en leurs noms es comptes de Jehan Putain, Anthoine Juge
et autres noz comptables, ne voullans eulx retirer et s’adresser à nous pour en
recouvrer les provisions, sy aulcunes leur en fault et sont nécessaires, de paour que
l’on congnoisse l’effect et vérité de leurs malversations et l’usurpation qu’ilz ont
faicte injustement de noz deniers […] ; leur faict est ou se pourra trouver du tout
connexe a celluy de Gentilz et Ravyer, leurs compaignons et complices et difficille
est que les ungs y aient faict et commys aucuns abbus et faulte sans le sceu et
consentement des autres ».
100 Le roi interdit que cette révision soit faite, « mesmement par gens à leur poste qui peult
estre seroient et sont de pareil péché comme ilz sont »283. Ceux qui répandaient
l’inquiétude dans les rangs des financiers sont à leur tour l’objet d’une suspicion générale.
292
On comprend aisément que, pour le roi et son Conseil, la Tour Carrée n’ait plus, après le
printemps 1537, la place qu’elle occupait jusqu’alors.
101 La Tour Carrée demeure malgré tout dans les esprits - et dans la réalité - la plus
importante des commissions sur les fraudes financières du règne. Cependant, elle n’est
pas la seule et, sur de nombreux dossiers, on voit poindre d’autres instances beaucoup
plus ponctuelles. Symbole de ce caractère éphémère, la commission d’enquête sur les
malversations supposées de la municipalité parisienne mise sur pied au début de 1520. Il
s’agit de voir s’il n’y a pas eu un trop-perçu lors d’une levée de 15 000 lt destinée aux
caisses de la monarchie. Les « juges commisseres députez par [le roi] en ceste partye »
sont Cybard Couillaud, juge des exempts par appel au duché d’Angoumois et Jehan Gallois,
« licencyé aux loix ». Très rapidement, devant la fausseté de l’accusation, ce sont les
calomniateurs qu’il faut poursuivre284. Lorsqu’en juillet 1537 Tournon fait allusion à des
fraudes commises par Bourgarel dans le ravitaillement des villes du Piémont, la menace
de poursuites est implicite285.
102 Entre 1526 et 1536, quand une commission locale est mise sur pied, il faut tenter de
déterminer les rapports qu’elle entretient avec la Tour Carrée. Un exemple breton
montre que les relations, sans être nécessairement directes, sont parfois bien réelles, en
raison des personnalités impliquées. Un document comptable de juillet 1532 fait allusion
à une commission de recherche des finances alors au travail en Bretagne. Suivant la
formule d’un document plus tardif, les commissaires sont chargés de « connoitre, juger et
décider des abus, crimes, délits et malversations, commises au faict [des] finances » du
duché286. Il ne peut s’agir ici de l’une des commissions tricéphales évoquées plus haut,
puisqu’elles ne sont pas encore établies à cette date. Les deux responsables de cette
instance sont Gilles Le Rouge, conseiller au Grand Conseil et président au Parlement de
Bretagne287 et Jacques Minut, président au Parlement de Toulouse288. Or ce dernier siège à
la Tour Carrée, de 1526 à 1529, et Le Rouge a fait partie du renfort du 30 juin 1527 pour
juger Semblançay. Tous deux ont déjà abandonné leurs collègues, mais n’y a-t-il pas un
lien entre leur appartenance passée et la direction d’une telle commission en Bretagne ?
Leur activité est réelle, et « aucuns Procès et différends ont esté terminés, et liquidation
faite d’aucuns restais ». Cependant, ils ne sont pas parvenus, en plus de trois ans, à venir
au bout de leur tâche car « ils ont esté occupez à d’autres affaires » du roi, sans que l’on
sache desquelles il s’agit. Aussi, le 4 septembre 1535, le premier président au Parlement
de Bretagne, le futur chancelier Poyet, est-il chargé de terminer le travail. Il peut
d’ailleurs pour cela faire appel aux membres de la commission qui resteraient disponibles
289
.
103 La présence de la Tour Carrée se fait encore sentir dans les procédures concernant les
débuts de la réforme des gabelles. François Alamant, contrôleur général des greniers à sel
de France, en tournée d’inspection en Bourgogne en 1536, renvoie le procès du grenetier
de Poilly (canton de Noyers, dans l’Yonne) à la Chambre des comptes de Dijon290. Mais il
fait évoquer à la Tour Carrée d’autres affaires, touchant en particulier le grenetier et le
contrôleur du grenier d’Auxerre, ainsi d’ailleurs que des marchands de Paris, Rouen et
Troyes, sûrement en tant que fournisseurs des greniers. Loys Caillaud, factotum de la
Tour Carrée, pousse d’ailleurs à prendre des mesures contre le personnel des gabelles,
mesures dont l’exécution sera « grandement prouffictable au Roy et son paouvre peuple,
293
lequel autrement sera pugny et portera la coulpe d’autruy »291. Nombreuses sont
d’ailleurs dans les années 1536-1538, les allusions à une tentative de remise en ordre
générale des gabelles292.
104 L’effacement de la Tour Carrée n’interrompt pas le travail : il est désormais ouvertement
question de « refformateurs et juges ordinaires des gabelles »293. Si on se souvient de la
place que tiennent dans les années quarante les tentatives de réforme de l’imposition sur
le sel, on ne sera guère surpris de voir des procédures contentieuses précéder puis
accompagner ce processus. Elles ont dû servir d’abord à alerter sur les imperfections.
Elles contribuent ensuite, tout en apurant la situation, à la bonne marche des
réorganisations successives. La commission à l’œuvre dans les années quarante, fort mal
connue, est celle des « juges commissaires sur le faict de la réformation des gabelles de
France en la Chambre d’Anjou à Paris »294. Les principales victimes des poursuites ne sont
pas les officiers mais les particuliers, marchands ou autres, qui ont pris part au trafic du
fournissement des greniers. En octobre 1543, les héritiers Perlin transigent avec le roi
pour toutes les condamnations prononcées contre eux à la Chambre d’Anjou295. Le même
mois, Thomasse Le Lorrain, veuve de Jehan Hotman, et les héritiers de ce dernier
obtiennent mainlevée des biens et du sel saisis sur eux, à condition qu’ils payent 76 000 lt
(?) de droit de gabelle296. Peu de temps avant, la veuve de Jehan Le Bossu, bourgeois de
Paris ayant fait le trafic du sel, a aussi obtenu une transaction que la Chambre d’Anjou
rechigne à enregistrer297. C’est semble-t-il comme fournisseurs que les familles Vivien et
Brigallier sont condamnées par arrêt du 14 avril 1547. Des lettres patentes du 7 mars 1548
attribuent à la Chambre d’Anjou la connaissance des procès entre les marchands de sel
des généralités de Normandie et d’Outre-Seine et le procureur du roi en ladite Chambre298
. Un document plus tardif évoque les fonds des « amendes et condemnations des
marchands de sel »299.
105 Jehan Laguette est amené à affirmer devant les commissaires de cette Chambre qu’il n’a
jamais été détenteur de deux seigneuries normandes de feu Jehan Ier Duval, vivant
changeur du Trésor300. Quel rapport avec le sel ? N’est-ce pas parce que, dans les diverses
poursuites dont Jehan Ier Duval a fait l’objet, il y en aurait une consécutive au
fournissement de sel abondamment pratiqué par son père, activité qu’il a peut-être lui-
même exercée ? En revanche Anthoine Bohier de Saint-Cirgues semble faire l’objet d’une
procédure devant la Chambre d’Anjou à cause de ses offices, en particulier celui de
général de Languedoïl. En tant que tel il aurait participé à une commission sur les gabelles
visant à réorganiser cette imposition. Mais il se défend sous Henri II en affirmant que
redit de mai 1543 rétablissant les gabelles est expédié « longtemps après qu’[il] s’estoit
desmys de l’office de général de France et n’ayant lors aucune charge ny commission sur
le fait desd gabelles ». Il peut faire d’ailleurs apparaître les preuves que François I er « a eu
pour agréable, après avoir bien entendu, tout ce qui avoit esté faict et exécuté au faict
desd gabelles »301. La Chambre d’Anjou est relayée au cours du règne d’Henri II par la
« Chambre de la Royne sur la réformation des abus commis au fait du sel »302. J’ignore à
quoi correspond ce changement d’appellation. Les deux « Chambres » sont aussi
impliquées dans le jugement d’autres affaires, comme les procès criminels auxquels
donnent lieu à partir de 1547 la reddition de Boulogne « et autres malversations »303.
294
106 Dans l’état actuel de ma documentation, j’ignore aussi qui compose les ultimes
commissions du règne. Pour évoquer les « juges des finances », force est donc de se
limiter à ceux de la période 1517-1529. Quarante-huit noms apparaissent au sein des
commissions des comptes de 1517 (effectifs incomplets), 1523 et 1524 (Semblançay) puis
de la Tour Carrée à partir du 24 novembre 1526304. Pour les ventiler entre les divers corps,
je suis parti de leurs fonctions à la date de leur désignation. En excluant le chancelier,
membre de droit en 1523 et 1526, et en rattachant systématiquement les personnages qui
ont une double fonction soit au Parlement soit à la Chambre des comptes, lorsqu’ils y
exercent, les résultats sont les suivants : dix-neuf membres du Parlement de Paris (39,6 %
), trois de Parlements provinciaux, deux maîtres des requêtes de l’Hôtel, six conseillers au
Grand Conseil, dix membres de la Chambre des comptes de Paris (20,8 %) et deux de celle
de Dijon, cinq divers (le Bâtard de Savoie, Pierre Filhol archevêque d’Aix, Jean Calvau
évêque de Senlis, le général Henri Bohier et le lieutenant civil du Bourg) et un inconnu
(Bertrand Gontard). Les parlementaires (45,8 %) et les gens des comptes (25 %)
constituent sans surprise près des trois quarts de l’effectif. Une analyse plus fine de
permet de préciser le sens de ces proportions. La volonté de garantir des relais entre la
commission comptable de 1517 et celle de 1523 apparaît claire : Jehan Brinon, Gilles
Berthelot et le Bâtard de Savoie siègent dans l’une et l’autre. De même le président
Guillard peut-il faire le lien entre la commission générale de 1523 et celle des comptes de
Semblançay. En revanche, entre l’ensemble des opérations de reddition de comptes et les
poursuites criminelles, la rupture est assez nette. Sur les trente-deux personnes
concernées de 1526 à 1529, une seule (Pierre Michon) a exercé auparavant.
107 La rupture se manifeste très logiquement dans la place prise par les deux piliers,
Parlement et Chambre des comptes, de part et d’autre de cette fracture. Jusqu’en 1524,
deux parlementaires pour huit gens des comptes. A partir de 1526, ces derniers ne sont
plus que cinq (trois de Paris et deux de Dijon) face à une meute de dix-sept
parlementaires parisiens auxquels s’ajoutent trois provinciaux. La domination
parlementaire est plus écrasante encore si l’on précise que les Dijonnais n’ont en fait sans
doute pas siégé et qu’on peut ajouter aux parlementaires les deux maîtres des requêtes de
l’Hôtel. L’affaire est entendue : à procédure comptable recours au vivier de la Chambre
des comptes, ce qui, on le verra, n’est pas apprécié pour autant par la maison mère. A
procédure criminelle, recours aux Parlements, avec un saupoudrage de techniciens du
Grand Conseil et des comptes.
108 Tout le problème est ensuite de savoir qui siège effectivement car bon nombre des
promus, en particulier pour 1526-1529, n’ont guère exercé, qu’ils soient morts
rapidement (comme Jehan Papillon) ou aient été appelés à d’autres tâches. Il est
malheureusement très difficile de conclure, faute de document totalement satisfaisant.
Cependant, si l’on peut se fier à une série de mentions concernant des paiements de
vacations entre 1526 et 1531, on constate plusieurs absents. François Doyneau, désigné en
mai 1527 et les deux promus de juin, Gilles Le Rouge et Estienne Le Blanc, ne sont pas
mentionnés, pas plus que Jehan Papillon, ou que Léonard Gay, pourvu le 4 octobre 1528.
295
Parmi les derniers arrivants, ceux de la fournée d’avril 1529, seul François Le Charron est
cité305. Par ailleurs, les dates des vacations permettent de dégager des types différents de
participation, avec au moins trois profils. Certains, comme Jehan Ravier, sont des piliers,
présents en permanence à la Tour Carrée. Ravier est en effet payé de façon ininterrompue
pour la période qui court du 26 novembre 1526 au 31 mars 1531, notre source n’allant pas
au-delà306. Anthoine du Bourg, qui a d’autres responsabilités, est très présent, mais
s’absente cependant parfois : de janvier 1527 à septembre 1528, il lui manque ainsi trois
mois. Pour la période octobre 1528-mars 1529, il touche des gages pour les cinquante-sept
jours du procès en appel des Beaune et les sept jours du procès de Michel Menant,
trésorier de la marine de Ponant. Enfin, du 22 mars au 31 août 1529, il n’exerce que
cinquante jours307. Dernier profil, celui de Jehan de Bailly, conseiller au Grand Conseil,
dont on ne note la présence que pour des procès ponctuels. Celui des Beaune, mais pour
soixante-quinze jours, celui de Menant pour sept jours et celui du trésorier des guerres
René Thizart pendant onze jours308. Il semble qu’il faille distinguer ceux qui se contentent
de participer aux procès et ceux qui sont chargés en plus de suivre les dossiers et de
mener les instructions, en démêlant le fouillis des comptes et le maquis des procédures
annexes, complémentaires et subsidiaires.
109 Au cours des années trente, l’élément le plus important est sans doute l’affaissement
progressif des effectifs. Après le remplacement du président de Selve par Lizet, en
1529-1530, on ne repère qu’une seule nouvelle désignation, celle de François Errault309. Or
la liste des morts s’allonge à partir de 1531-1532 (Jehan de Bailly, Adrien du Drac, Arnault
Lhuillier…), tout comme celle des membres qui sont appelés à des fonctions difficilement
compatibles (Anthoine du Bourg à la chancellerie, sans doute Bonaventure Thomassin à la
présidence du Parlement de Dauphinê). Dans cette commission peau de chagrin, d’où
n’émerge plus qu’une poignée de noms, dont les ténors qu’étaient de Selve ou Brinon ont
disparu, rien d’étonnant à ce qu’un René Gentil omniprésent, flanqué de Ravier et peut-
être de La Mothe, puisse donner le ton. L’une des personnalités marquantes qui subsiste,
le président en Parlement François de Saint-André, a des propos édifiants peu après
l’arrestation de son collègue : il faut, écrit-il au chancelier, surveiller de près l’inventaire
des biens de Gentil « car la plus grande partie des sacz et papiers des procez jugez [à la
Tour Carrée] et aultres affaires dud seigneur [roi] estoyent es mains dud Gentilz en sorte
que au greffe de lad Tour Carrée y en a bien peu »310… La commission semble bien être
devenue l’affaire de quelques-uns.
110 De toute manière, bien des éléments nous montrent que le monde des commissions et du
contrôle financier est un tout petit monde. La commission chargée en novembre 1521
d’un emprunt sur la vaisselle à Paris en fournit un exemple parmi d’autres : elle se
compose en effet de Semblançay, au moment même où il est question d’en faire le
responsable d’une commission des comptes, de Pierre Filhol, dont on a déjà évoqué le
rôle, et de Charles Guillart, présent dans les instances de 1523 et 1524 311. Dans la mesure
où l’orientation des procédures, à partir de 1523 du moins, empêche de recourir aux
capacités des officiers de finance eux-mêmes, il faut faire appel à des individus pas trop
incompétents, et ils ne semblent pas nombreux. Prenons le cas des contrôleurs de
l’Épargne. Les premiers titulaires, Pierre Michon et Estienne Leblanc, sont tous deux, le
premier surtout, intégrés dans la Tour Carrée. On leur adjoint deux suppléants au
contrôle en 1532, lors de la mise en place du trésor du Louvre312. Le premier, Pierre
Chevalier, outre ses tâches de greffier dans la commission de 1523, est de nouveau sur la
brèche avec la commission centrale qui se réunit en 1534 pour étudier les procès-verbaux
296
des enquêtes provinciales. Quant au second, qui répond au doux nom de Jehan Bordel, il
est tout simplement greffier de la Tour Carrée313.
111 Il est une autre forme de professionnalisme : celle des habitués des commissions. Ces
dernières n’ont pas toujours pour objet les finances, mais leur renouvellement manifeste
la confiance des autorités. Tout laisse à penser qu’elles concernent des juristes et des
individus efficaces et prêts à servir avec zèle les intérêts du pouvoir. Voici Jean Papillon
qui, avant d’être (brièvement) incorporé à la Tour Carrée, s’est déjà distingué dans le
procès d’un commis à la recette ordinaire de Toulouse, et surtout dam celui du
connétable et de ses complices314. Voilà Jacques Minut qui, après la Tour Carrée, s’intègre
dans une commission de réforme des finances en Bretagne puis dans la commission
tricéphale du Languedoc en décembre 1532315.
112 Si les juges des finances appartiennent aux élites administratives du royaume, on peut
cependant se demander, presque par provocation, si, pour une part appréciable d’entre
eux, on n’a pas affaire à de (relatifs) « marginaux », au moins pour ce qui concerne la
Tour Carrée. Sur les quelques trente-cinq individus que, dans son travail de synthèse,
Bernard Quilliet n’a pas pu rattacher au monde des deux cent dix familles qui forment la
masse des officiers de qualité à Paris, on ne peut s’empêcher de noter la présence de
plusieurs des ténors des commissions : non seulement les inévitables Gentil et Ravier,
mais aussi le président Lizet, les conseillers au Parlement François (ou Francisque) de
Médulla et Bonaventure Thomassin, voire le futur chancelier lui-même, Anthoiné du
Bourg316. Outre des provinciaux récemment et mal implantés, on remarque la présence de
quelques Italiens (les Milanais Gentil et Minut, le Napolitain Médulla), parmi lesquels le
bouc émissaire final sera choisi. Autre trait singulier, le nombre important des
bénéficiaires des récentes créations d’offices au Parlement, si mal ressenties dans les
cours souveraines : en dehors de Gentil et Médulla, qui cumulent les tares, cela vaut pour
le maître des requêtes de l’Hôtel Ambroise de Fleurence et pour les conseillers au
Parlement François Le Charron, Pierre Brulart et Jacques Boulard.
113 Est-ce à dire que tous ces éléments un peu atypiques, à coup sûr plus récemment installés
et plus dépendants du pouvoir, sont mieux dans sa main ? On peut tout aussi bien
formuler la chose de façon plus positive : moins englués dans les réseaux de sociabilité et
d’alliance qui les rattacheraient fatalement à ceux qu’ils ont pour tâche de juger, ils n’en
sont que mieux à même d’accomplir, sans trop d’états d’âme, leur labeur. Révélatrice est
sans doute en l’occurrence la mise sur la touche du président Charles Guillart, trop
proche de Semblançay, trop « indulgent » lors de la commission des comptes et allié, par
exemple, à la famille de l’ancien trésorier de l’Ordinaire des guerres Geoffroy de la Croix
317
. En mettant en avant cette facette du milieu des juges, je n’entends pas faire oublier la
présence parmi eux d’un Lhuillier, d’un du Drac ou d’un Badonvillier, qui se rattachent à
de vieilles familles solidement établies dans la capitale. Mais la présence abondante, sinon
massive, de ces « marginaux » d’un genre particulier, donne tout de même une coloration
originale à la Tour Carrée, coloration à laquelle les gens informés du temps n’ont sans
doute pas été indifférents.
114 S’ils jouent un rôle essentiel, les juges ne sont cependant pas seuls pour faire fonctionner
la Tour Carrée. Une documentation assez abondante permet d’observer, avec Loys
Caillaud, le travail d’un homme clé de la commission, au milieu des années trente. Le
297
31 décembre 1532, Caillaud est mentionné comme « conseiller et solliciteur des affaires
privées du roi »318. C’est à ce titre qu’il intervient à la Tour Carrée. Il y prend le relais
d’autres solliciteurs319 dans la défense des intérêts du souverain. Par voie de conséquence,
comme cela apparaît bien dans les années 1536-1537, il fait figure d’agent du chancelier.
Caillaud appartient aux proches de la mère du roi et n’est pas le seul dans ce cas dans le
monde des commissions320 II a été solliciteur général des procès et affaires de Madame 321.
Le chancelier Poyet parle de lui comme de celui « qui avoit tousiours manié et entendoit
le faict des finances de Madame »322. Cette expérience à la fois juridique et financière est
parfaitement adaptée à la situation. Parallèlement à son activité à la Tour Carrée, Caillaud
fait une carrière de parlementaire : reçu conseiller-clerc le 28 novembre 1532, il obtient le
21 décembre 1537 des provisions pour un office de président de la petite chambre des
Enquêtes vacant par la mort de Pierre de l’Estoile323. On ne reviendra pas ici sur son rôle à
la commission des décimes présidée par Pierre Filhol et sur la difficulté d’y travailler
efficacement. Au milieu de la décennie, Caillaud a au sein de la Tour Carrée une fonction
assez floue que résume bien une formule d’Anthoine du Bourg : « Avoir l’oeil et soing aux
affaires du roy »324. Il est l’homme de confiance des deux chanceliers qui se succèdent
alors et c’est là sûrement l’essentiel. Pour agir, une consigne verbale lui suffit, telle celle
que lui donne Duprat pour intervenir dans la procédure concernant Nicolas Le Coincte325.
115 De Louis e de Savoie à Duprat, la transition est aisée. Quant aux relations avec du Bourg,
elles incluent pour Caillaud une attention portée aux affaires privées du chancelier :
négociations pour l’achat d’une seigneurie, achat pour lui d’une maison à Paris. Une lettre
adressé à du Bourg le 3 mars (1537 sans doute) montre bien l’étroitesse des liens :
« Monseigneur, madame la chancellière me dist avant son partement que luy aviez
mandé faire enquérir de quelque docteur en théologie pour estre avec monseigneur
de Rieux [fils de du Bourg], dire heures avec luy et l’instruire à saincte vie tant par
exemple que par doctrine théologique et quen j’en auroys trouvé ung vous advertir
premier que rien conclure avec luy ».
116 Et Caillaud de conseiller « Johannes Arboreus », docteur demeurant au collège de
Sorbonne326. L’important dans la situation de Caillaud est donc évidemment, plus que
n’importe quel titre officiel, la confiance de ses supérieurs. Par parenthèse, ce détour du
côté du religieux montre tout ce que l’approche strictement financière à laquelle je suis
contraint de me tenir ici a de partiel pour l’étude d’une individualité. Il est bon de le
rappeler avant de retrouver la Tour Carrée.
117 En vertu de cette confiance, Caillaud y agit à peu près dans toutes les directions, à
l’exception des jugements eux-mêmes. Il s’occupe des instructions des diverses affaires en
cours et tente de hâter leur conclusion au milieu des pesanteurs du milieu et des défenses
des poursuivis. Il est particulièrement chargé de traquer les biens des officiers de finance.
Il lutte avec acharnement pour mettre la main sur les maisons, les fermes et les
seigneuries qu’on tente de dissimuler pour éviter la saisie. Il cherche à faire rentrer au
profit du roi les rentes et les créances. Le jugement prononcé, il est le maître d’œuvre de
la négociation des compositions avec l’officier condamné ou avec sa famille327. Il n’oublie
pas non plus de contrôler l’activité des responsables de la gestion des biens saisis dans le
cadre même de la Tour Carrée. 11 supervise ainsi, durant l’été 1536, les redditions de
comptes d’Anthoine Juge, commis à recevoir les dettes (entendre les créances) de feu
Semblançay et ceux de Jehan Putain, chargé des comptes de la vente des meubles de
Semblançay et de ceux de la gestion de ses seigneuries328. Caillaud s’occupe également de
l’audition du compte rendu par Jehan Basannier pour sa gestion des biens de Morelet de
298
Museau329. Enfin, autre tâche délicate qui se rattache indirectement à la Tour Carrée, avec
Jehan Prévost et Nicolas de Neufville il fait partie des quelques hommes de confiance qui
surveillent le travail de la commission d’enquête sur le président Gentil330.
118 Caillaud rentre dans l’ombre, dans nos sources du moins, pendant quelques années, mais
ne perd pas pour autant sa vocation de commissaire, comme le démontrent deux
nouvelles attributions en 1543. Il est tout d’abord chargé avec le président Bertrand et
deux conseillers au Parlement de rembourser en sel certains créanciers. Il doit mener
ensuite une enquête sur la saisie du temporel du cardinal de Meudon, évêque d’Orléans,
effectuée par le receveur général de Bourges en raison d’un défaut de paiement des
décimes et dons gratuits331. Alors qu’il reste beaucoup à faire, Loys Caillaud meurt entre le
9 septembre 1543 et le 26 janvier 1544, dans des conditions inconnues332. Sa situation de
fortune ne semble alors pas excellente car un marchand de Mauzé (gouvernement de
La Rochelle) dont le fils est héritier de Caillaud on ne sait trop comment, cède les droits à
la succession car elle est « grandement onéreuse, afin de n’estre aucunement involuez de
procès et affaires »333. Certains papiers qu’il détenait gagnent la Chambre des comptes :
beau symbole d’un retour aux règles traditionnelles334. Avec Caillaud s’est éteint un bon
serviteur de la justice extraordinaire, que l’historien peut bénir car son activité permet de
disposer de sources essentielles335.
2. La procédure
119 Le siège des commissions n’est pas nécessairement parisien. Les commissaires aux
comptes de Semblançay quittent en 1524 la capitale pour les Montils-sous-Blois. En 1517
le Bâtard de Savoie travaille avec les généraux à Montrichard durant l’essentiel du second
semestre. Certaines sessions de la commission fonctionnant alors se sont probablement
tenues dans cette petite cité des bords du Cher336. On ne sait trop où elle œuvre ensuite.
Peut-être a-t-elle repris le chemin de Paris. La capitale reste en effet le centre des
procédures les plus lourdes et les plus importantes. C’est le palais de la Cité qui les
héberge, et plus précisément le bâtiment de la Chambre des comptes. Les « commissaires
aux comptes » de janvier 1523 s’installent dans la « chambre du conseil »337. Les
procureurs de Jehan Sapin par exemple doivent « présenter par-devant messieurs les
commissaires ordonnez par le Roy nostred sgr en la chambre du conseil » les comptes de
leur mandant338. On comprend mieux alors la nécessité de supprimer cette commission en
novembre 1527 pour que la Tour Carrée puisse prendre son essor définitif.
120 Cette dernière en effet s’établit au même endroit : elle emménage à la place - mais pas à la
suite - de la commission précédente. Son nom de Tour Carrée vient alors tout simplement
du surnom de la tour où se trouve la chambre du conseil339. On ne sait pas en revanche où
siégeait auparavant la commission, dans le cadre du procès Semblançay. Peut-être
d’ailleurs est-elle déjà au même endroit. Nombreuses sont les mentions qui montrent que
la Tour Carrée est restée présente dans ces locaux au moins jusqu’en 1537. C’est une
commission du roi pour juger Henri Bohier « en la chambre du conseil de la tour carrée
de notre palais à Paris », ou le prononcé d’une demande d’information qui a lieu « en la
chambre du conseil lez la chambre des comptes » ou enfin une allusion à « Testât de
recepte et despence par [Jehan] Carré présenté et rendu pardevant messieurs les juges
ordonnez par le Roy sur le fait de ses finances de la tour carrée » dont un extrait est pris
le 5 avril 1537 « en la chambre du conseil lez la chambre des comptes »340. La Tour Carrée
299
abrite donc des archives et des dossiers, même si, on Ta vu avec Gentil et avec Caillaud,
bien des pièces, plus ou moins légalement, sont entreposées chez les membres des
commissions341. La Tour Carrée tient des registres ; elle reçoit des documents de tout style
(un livre non précisé le 9 mars 1536 par exemple) et on sait que Martin Berruyer, un des
quatre notaires du Parlement, aura la garde des papiers de la commission342.
121 Un document comptable déjà mis à contribution nous révèle quelques aspects de la vie de
tous les jours dans la chambre du conseil. Messire Pierre du Pro, prêtre, reçoit ainsi
5 l. 12 s. 6 dt pour avoir célébré chaque jour la messe dans la chapelle de la chancellerie
pendant le Carême de 1530. Voici Jehan Badonvillier qui touche 20 écus « sur ce qui peult
estre deu de quelques repparacions qu’il a faict faire au dessus de la tour carrée » : il en
est, rappelons-le, un des commissaires. Ce qui montre que ceux-ci doivent vraiment
veiller à tout… Enfin Jehan Moret, huissier de la Chambre des comptes, perçoit 10 lt pour
avoir porté le bois et fait le feu à la Tour Carrée pendant quatre ans343. Ce dernier élément
souligne combien la justice extraordinaire vit dans la proximité physique des gens des
comptes, ce qui est bien utile pour disposer d’informations valables, mais n’est pas sans
poser des problèmes de voisinage. Les juges de la Tour Carrée estiment qu’ils doivent
plutôt se rattacher au Parlement, comme en témoigne une fort prosaïque demande
adressée au chancelier, le 16 octobre 1535 :
« Monseigneur, pour ce que cest hyver fauldra besongner à la tour carrée, en
laquelle il est nécessaire qu’il y ait du boys, bougyes et aultres choses nécessaires
comme à une des chambres de la court, est requis monseigneur avoir lettres du Roy
adroissantes au receveur des admendes pour fournir lad Tour Carrée tout ainsi que
une des chambres de lad court »344.
122 Si elle a parfois recours au personnel de la Chambre des comptes ou du Parlement, la Tour
Carrée dispose cependant d’agents subalternes propres. Elle a ainsi ses huissiers, dont
Jehan Duboys, qui est remboursé de 9 lt « pour les beuvettes et autres menues
nécessitez » fournies aux juges345. Personnages essentiels au bon fonctionnement des
opérations de base, ils provoquent parfois des difficultés. En février 1537, le greffier
Séraphin du Tillet écrit au chancelier « que les huyssiers de lad Tour Carrée la pluspart du
temps ne font résidence en icelle ». Certains d’entre eux viennent de refuser d’exécuter
une commission : « M’ont rendu les obligations sans en voulloir faire aulcune dilligence,
eulx excusant qu’ilz n’en ont aulcun payement ». Du Tillet qui a besoin d’« un homme
fidelle et prompt ad ce faire » propose à du Bourg de désigner le porteur de la lettre, « qui
a esté nourry trois ou quatre ans en lad tour carrée sans avoir eu aulcune chose fors une
demye admende qui luy fut ordonnée par mesd sgrs de lad tour carrée »346. On devine à la
lecture d’un tel texte que, pour bien des basochiens de petit calibre, ce type de
commission extraordinaire est une véritable aubaine. D’autant que chacun des juges de la
Tour Carrée a ses propres clercs347. La grande affaire est sans doute la gestion des biens
saisis sur les officiers. Sous le commissaire général aux biens de Morelet de Museau, Jehan
Bazannier, bourgeois de Paris, bien des personnages sont à la besogne, depuis Pierre
Adam, commis pour une seigneurie briarde jusqu’à Jehan Hardouyn, chargé aussi bien de
mettre à exécution un arrêt sur des débiteurs de Morelet que de porter en Suisse des
papiers relatifs à ses affaires348.
123 Faire travailler les juges eux-mêmes n’est pas toujours évident car, parallèlement à la
Tour Carrée, ils ont d’autres activités. Outre leurs fonctions principales, nombreux sont
d’ailleurs ceux qui ont en charge d’autres commissions. Ainsi Léonard Gay et Bonaventure
de Saint-Barthélémy, présents à Cambrai en 1530 pour examiner des réclamations pour
dommages de guerre, Matthieu de Longuejoue chargé de la réunion du domaine aliéné en
300
1531, ou Guy de Breslay qui mène une enquête sur le droit d’entrée à Lyon en 1533349. Loys
Caillaud a toutes les peines du monde à les réunir pour travailler ensemble, même quand
ils sont à Paris : « Messieurs de la Tour Carrée (que l’on prent de toutes les chambres de la
court ainsi que scavez) ne se peuvent facillement assembler à présent moins que jamays.
Depuys lundi ne les ay peu faire assembler jusques hyer [samedi] au soir cinq heures
jusques à six », c’est-à-dire en dehors des heures normales de travail350.
124 A la commission des décimes, Caillaud essaie vainement de faire siéger des gens des
comptes lorsqu’ils ne sont pas pris par leurs vacations à la Chambre. Il aurait voulu les
rassembler soit de onze heures du matin à deux heures de l’après-midi, soit après cinq
heures du soir. Caillaud pour sa part est volontaire : « Quant à moy, de besongner à
heures extraordinaires mesmes depuys cinq du soir jusques à huict ou neuf, je suis tout
prest, et quelques heures les festes après avoir vacqué au service divin, et sans
prétermission [omission] d’icelluy, mais je suis seul de ce vouloir jusques à présent » 351. A
la Tour Carrée, il est sûr en revanche que certains juges l’ont accompagné dans son effort.
L’auditeur des comptes Pierre Michon reçoit 700 It pour avoir travaillé « aux jours et
heures extraordinaires esquelz l’on n’entroit point en lad chambre des comptes et aussi
pour le récompenser des rapports et espices pour le temps qu’il n’a esté en lad chambre
des comptes occuppé es affaires de lad commission » entre avril 1527 et janvier 1529.
René Gentil lui aussi a assisté au procès et jugement « des appellacions et protestations
interjectées par ledit feu de Beaune, Guillaume de Beaune, Jehanne Ruzé et consorts aux
jours et heures extraordinaires »352.
b. L’instruction
125 Lorsque, sous Henri II, l’ancien trésorier des Parties casuelles Jehan Laguette est
condamné par arrêt du Conseil privé, il est fait allusion aux commissaires « sur l’advis
desquelz sont fondées lesd condamnations »353. Cette méthode rappelle celle qui avait été
utilisée pour Jacques Cœur. Avec la Tour Carrée, car c’est d’elle qu’il va être ici
essentiellement question, les juges qui ont la responsabilité directe de la sentence doivent
aussi mener un travail d’instruction préalable. Sans que l’on connaisse les règles
d’attribution des diverses procédures, on découvre parfois, au hasard des documents, qui
est en charge d’un dossier. L’« instruction » du procès des héritiers de Thomas Bohier est
ainsi menée par Matthieu de Longuejoue et Anthoine du Bourg, et celle de Gaillard
Spifame par le président Lizet assisté de Jehan Ravier354. Le 30 octobre (1535 sans doute),
François de Saint-André et Jehan Luillier de Boullancourt informent Caillaud que le
procès de Jehan Grolier est instruit et en état de juger au principal355. Sont-ils les « juges
d’instruction » ? Cela est possible, mais l’imprécision des formulations interdit toute
affirmation définitive, comme souvent dans la correspondance de Caillaud. Ce dernier en
effet n’a nul besoin de rappeler au chancelier ce qu’il sait déjà.
126 Une réponse positive conduirait cependant à remarquer qu’un des deux personnages,
Jehan Luillier, n’apparaît jamais comme membre de la Tour Carrée. Il serait donc possible
pour les enquêtes de recourir à une aide extérieure, peut-être pour accroître le nombre
de magistrats instructeurs. D’ailleurs Luillier se retrouve aussi parmi ceux qui ont vaqué à
l’instruction du procès de Besnier356. Le même phénomène se produit sans doute avec le
maître des comptes Jehan Billón qui reçoit 2 235 lt pour avoir examiné sur ordre de
Duprat pendant 447 jours (en 1531-1534) les états de plusieurs officiers comptables 357. Les
« rapporteurs » connus, en revanche, sont tous des membres de la commission358. Le flot
des procédures connexes qui se greffent sur les enquêtes principales fait aussi découvrir
301
s’agit de démêler les comptabilités des officiers responsables des paiements suisses entre
1521 et 1531. La commission d’enquête est déjà au travail en mai 1532, sans doute depuis
un moment, et elle fonctionne jusqu’en avril 1533. Mais cela ne suffit pas et le relais est
pris en juin par Jehan Ravier, toujours en compagnie de Lamet, jusqu’en janvier 1534 369.
Avec Ravier, c’est le personnel de la Tour Carrée qui s’introduit directement dans la place.
Mais les résultats des missions antérieures sont certainement remontés jusqu’à lui.
130 Les « informations » - c’est-à-dire souvent les dénonciations - servent à orienter et à
faciliter le travail d’enquête. On en trouve sans doute un écho dans une formule qui
revient souvent dans les ordonnances de réforme ou de poursuite : le roi réagit parce qu’il
a été « averti » d’un forfait ou d’un dysfonctionnement. Il existe des formulations très
générales (« ayant esté adverty que plusieurs de ses officiers de finances auroient
malversé »), et d’autres plus précises (« advertís par plusieurs gens de bien que la plupart
de ceux qui s’entremettent de nosdites finances jouent de nos deniers tant aux dez que
aux cartes »)370. Rares sont les traces documentées de dénonciations. Il y a bien sûr le cas
du « traître » Jehan Prévost, qui se fait « accusateur envers le Roy dudit de Beaulne
[Semblançay] »371. Le président Lizet dans une lettre à Duprat du 12 juillet 1533, évoque
les « services » du même ordre que rend René Thizart : « Si m’a dit et asseuré qu’il
monstrera, quant à aucuns comptables, plusieurs choses cachées pour faire prouffit au
Roy de deux cens voyre trois cens mil livres, et est vraysemblable qu’il le fera, à ce qu’il a
encom-mencé »372. Thizart comme Prévost est lui-même officier de finance, et poursuivi
pour sa gestion. Tous deux sont donc bien au courant des pratiques du milieu. Ils ont en
même temps le souci de tirer leur épingle du jeu en collaborant étroitement avec la
commission : dans la même lettre, Lizet demande au chancelier de surseoir à des
exécutions prévues sur les biens de Thizart « à cause de ce que l’on dit qu’il doibt au
Roy ». Sa « bonne volonté » semble payante.
131 Les nombreux interrogatoires dont on repère ici ou là une mention n’ont, à ma
connaissance, pas été conservés, à l’exception de celui d’un serviteur de Semblançay et
d’un mémoire justificatif de Semblançay lui-même qui reprend l’ensemble des
accusations portées contre lui. Pour les autres procédures, on doit se contenter de
renseignements indirects. L’utilisation de la torture lors des enquêtes est expressément
envisagée par les lettres du 16 mai 1527. Si nécessaire, les juges auront recours à « tel
interlocutoire, soit de torture, question extraordinaire et ainsi que verront estre à faire »
373
. La menace n’est pas gratuite : Jacques Cœur a très vraisemblablement subi la question
374
. Cependant je n’ai pu trouver aucun exemple équivalent sous François Ier, à une
exception près : Geoffroy Longuejoue, sergent à verge de la prévôté de Paris, est payé
« pour avoir baillé la question […] à ung nommé Lyon Bourdier, archier de la garde, pour
ses démérites »375. Ce Bourdier, préposé à la garde de Semblançay, avait offert à ce dernier
la possibilité de communiquer avec l’extérieur. Il est condamné à mort et exécuté. On
aimerait savoir si cette « question » fut ordinaire ou extraordinaire mais elle n’a
apparemment pas laissé d’autres traces.
132 L’enquête concernant René Thizart en 1528-1529 permet d’illustrer l’ensemble des
méthodes utilisées. Françoys Boucault, un marchand d’Orléans, vient à Paris pour être
interrogé « à rencontre de René Thizart » en juillet 1528. Il accompagne ensuite à Janville
l’huissier de la Tour Carrée Jehan du Boys pour lui montrer un nommé Françoys Mynier,
procureur et notaire audit lieu, pour que du Boys l’ajourne à comparaître devant la Tour
Carrée pour cette affaire. En novembre, ce sont trois contrôleurs ordinaires des guerres,
anciens auxiliaires de Thizart, qui déposent devant Jehan Ravier. Du Boys part ensuite
303
pour Poitiers ajourner un autre contrôleur, Jehan Le Blanc. Pierre Cailleu, autre huissier
de la Tour Carrée, se rend à Montargis en mars 1529 pour ajourner le commissaire des
guerres « Sarragret »376. Le clerc de Ravier, Guillaume Duval, touche 15 lt pour minutes et
grosses de l’ensemble des dépositions du personnel de l’Ordinaire des guerres. D’autres
papiers s’accumulent. Certains proviennent de la Chambre des comptes. Ravier travaille
avec un certain Henri Beauclerc à partir de la Saint-Remy (1er octobre) 1528 à rassembler
des « extraictz […] pour servir à la vérifFication d’aucunes parties que l’on dict avoir esté
mal administrez es comptes des comptables ». Thizart est au premier rang des
« comptables » visés. Un autre clerc, Jehan Loysie, fait un double d’extraits de comptes de
ce dernier. Il faut enfin pister les dossiers de son personnel. Lors de son voyage à Poitiers,
du Boys prend par inventaire les papiers de feu Jehan Jamyn, qui fut clerc de Thizart 377.
On le voit, le « rapport » final rédigé par Ravier repose sur un travail d’instruction
imparfaitement connu, mais sérieux et nourri. La mise au point des comptes entraîne de
nombreuses procédures complémentaires, comme celle qu’entreprend Thizart devant la
Tour Carrée. Il s’agit d’une action en recours de garantie contre Guillaume Cartier,
contrôleur du grenier à sel de Paris et commis de Jehan Grolier, l’autre trésorier de
l’Ordinaire des guerres, à cause de 1 566 lt378.
133 Pour les commissions « criminelles » aussi, il est indispensable de voir clair dans la
comptabilité des officiers qu’elles sont amenées à juger. Dans l’arrêt de condamnation de
Jehan Ruzé, outre les « interrogatoires, confessions et responces dud Ruzé », les
documents comptables sous toutes leurs formes constituent la matière essentielle des
considérants du jugement379. Quelle que soit l’instance, chaque officier est donc « fort
contraint et pressé de rendre ses comptes »380. En dehors des recettes générales, le
document le plus important pour démêler la situation est le compte de l’Extraordinaire
des guerres « sans lequel on ne peut exécuter la commission » affirme-t-on en 1523 381. Or
les opérations de reddition, on le sait, sont extrêmement complexes, y compris pour les
officiers.
134 Les professionnels touchent en effet rapidement leurs limites dans le domaine comptable.
Il est vrai que les difficultés externes ne manquent pas. Ainsi, pour l’Extraordinaire des
guerres, Jehan Prévost a beau jeu de souligner qu’il n’arrive pas lui-même à obtenir de ses
clercs des comptes fiables. Ils sont dispersés « en divers lieulx, aucuns en Ytalie, les autres
en Prouvence, Guyenne et ailleurs ». Quand il parvient à travailler avec eux, les problèmes
rencontrés l’obligent à changer la forme de sa recette trois ou quatre fois. La chancellerie,
qui doit lui fournir les doubles de certaines pièces, est en retard. Ceux qui l’assistent
auprès d’autres officiers ou de chefs de guerre ne font rien. Quant à son successeur
Spifame, il « excuse » le principal commis de Prévost en Italie « de venir rendre ses
comptes, actendu les grandes affaires qu’il a »382. Les officiers de finance sont donc,
semble-t-il, souvent eux-mêmes très difficilement capables de fournir un état clair et
complet de leur situation financière. Leur mise sur la sellette dans les commissions
n’accroît pas toujours, il est vrai, leur bonne volonté. Lorsque Jehan Vyon, receveur
ordinaire de Valloys, présente les comptes de l’Extraordinaire de l’artillerie auxquels il a
été commis, Loys Caillaud, qui les examine avec le contrôleur de l’artillerie Ambroyse Le
Moyne, est édifié. Les quittances qui doivent servir pour la vérification de la recette sont
dispersées aux mains de plusieurs comptables : le trésorier de l’Épargne, le commis à
304
l’Extraordinaire des guerres et « celuy qui faict la recepte des casuelz ». Pour la dépense,
la confusion est telle que Caillaud lui ordonne de « refformer sesd estatz »383.
135 Chaque compte comporte, une fois examiné, un grand nombre de parties en souffrance,
pour lesquelles les justificatifs manquent, sont incomplets ou inadaptés. Il s’agit de
sommes considérables, de dizaines de milliers voire de centaines de milliers de livres.
Sans régler ces « souffrances », il est évidemment impossible d’y voir clair et de mettre un
terme aux procès384. La très grande lenteur de l’apurement des comptes repousse
indéfiniment le « profit » du roi. D’autant que la législation est parfois bien mal faite : le
retard des comptables entraîne leur emprisonnement, et celui-ci ne fait que compliquer
encore la reddition des comptes. Parfois, le flou règne, s’il faut en croire la veuve de
Morelet qui affirme que « oudict compte Vc XXI naguères cloz l’on a tenu en souffrance
plusieurs grosses parties et que es comptes Vc XIX et XX pareilles parties avoient esté
rayées purement et simplement ; que mesmes raisons militoient pour les avoir tenues en
souffrance aussi bien que l’on avoit faict les autres parties du compte Vc XXI »385. Par
ailleurs, tant que le dernier compte n’est pas clos, il est impossible de faire le bilan
complet de la situation d’un officier, car rien n’interdit qu’il soit débiteur pour certains
exercices et créancier pour d’autres. En août 1535 encore, la plupart des terres et
seigneuries de Morelet ne sont pas en criées « parce qu’il n’y a fondz de debte cler et
certain pour à ce procedder »386.
136 Pour parer au plus pressé et disposer de gages solides, la monarchie a trouvé un recours :
elle fait procéder à une saisie préventive des biens des officiers de finance, le plus souvent
après leur mort, en attendant le résultat de la procédure comptable. Les biens de Meigret,
comme l’écrit Caillaud au roi, sont « saisis après son trespas […] à la conservation de votre
droict parce qu’il n’avoit rendu compte des charges et administrations qu’il avoit heues
de voz deniers, aussi que les commissaires par vous envoyés en Suysse faisoient rapport
de plusieurs malversations par luy commises »387. La saisie des biens de feu Morelet en
1532 est faicte « parce que ledict Morelet estoit demouré en gros restes, dont touteffoys
ne apparessoit ne de deu formel ne certain »388. Une même mesure peut être prise en
cours d’instruction si le soupçon de malversation se précise389.
137 On en vient en fait à se demander si l’état précaire de la comptabilité « publique » permet
de faire réellement apparaître les fraudes éventuelles. La difficulté de prouver les
infractions est particulièrement manifeste dans le cas du procès de Semblançay, le seul où
se fait entendre nettement, grâce aux sources conservées, la voix de la « défense ». On
prend alors conscience que, dans nombre de cas, les seules traces écrites ne sont pas à
même de départager un litige390. C’est donc parole contre parole, et la confiance qui est
faite ou non à celui qui affirme est décisive. Que Salviati et Fortia mettent en doute la
validité des quittances, et c’est la procédure fondée sur l’écrit qui s’effondre. Semblançay
n’a sans doute pas tort d’assurer qu’accepter cela remet en cause tout l’édifice : « Il n’y
auroit personne, et mesmes des comptables, en seu-reté ». C’est effectivement ce qui se
produit et la perte de confiance, y compris la simple confiance « passive » qui est
acceptation au quotidien de ce que font les officiers, entraîne les poursuites que l’on sait.
Dans l’impossibilité de démêler « au vrai » les comptabilités, les juges en viennent à
utiliser des méthodes de contournement. Le roi lui-même en propose une, évoquée dans
une lettre du président Lizet : « Au regard, sire, du moyen contenu en vosd lectres de
regarder quelz biens avoient lesd comptables quant ilz vindrent à la charge, il est, sire,
très bon et bien inventé, et a esté practiqué autreffoiz en ce royaulme subsidiairement,
quand par autre moyen facillement l’on ne pouvoit avoir preuve »391. Autre « preuve » a
305
posteriori des malversations, le profit pour les caisses royales des réformes financières
« qui nous a donné à congnoistre les faultes faictes par cy devant »392. N’est-ce pas
cependant l’aveu d’une forme d’impuissance dans la mise au jour explicite des turpitudes
financières des officiers ?
d. Sentences et recours
138 Ici encore, il ne s’agit que des poursuites criminelles. Quand il est question de rendre les
arrêts, une partie seulement des juges de la Tour Carrée est appelée à siéger. Le roi lui-
même est tenu informé de la constitution des tribunaux. Il écrit à Duprat le 9 décembre
1534 : « Je m’actens que vous m’envoyerez de bref les noms de ceulx qui vous sembleront
plus suffisans et capables pour juger les procès de la Tour Carrée prestz à expédier » 393. En
janvier 1529, pour une sentence concernant deux responsables de la Marine (Michel
Menant, trésorier en Bretagne et Georges Daniray (parfois transcrit Dauvray),
contrôleur), sept membres de la Tour Carrée sont requis, dont un, Charles de la Mothe,
pour faire le rapport du procès. Pour René Thizart, quelques mois plus tard, sept juges
officient également394. La Tour Carrée, contrairement à la commission des comptes de
1523, obtient des résultats judiciaires. En effet elle rend de nombreuses sentences.
139 Pour les quelque neuf ans où elle exerce vraiment, on garde la trace de dix-huit arrêts de
condamnations contre des officiers de finance395. Ils se répartissent très inégalement.
Après l’ouverture terrible que représente la condamnation à mort de Semblançay (début
août 1527), les années 1528 et 1529 sont très chargées. Quatre sentences sont prononcées
la première année : contre Philibert Tissart le 4 février, contre Gilles Berthelot en mai-
juin probablement, contre Lambert Meigret avant le 23 juillet, et contre Jehan Parajau à
une date inconnue. Trois autres suivent en 1529 : Menant et Daniray en janvier, Guillaume
de Beaune en février et René Thizart un peu plus tard396. De 1530 à 1534, la moyenne
s’établit à un arrêt par an : Henri Bohier le 13 avril 1530, les héritiers de Thomas Bohier le
27 septembre 1531, Jehan Carré avant mai 1532 sans doute, Estienne Besnier en août 1532.
C’est très vraisemblablement en 1533 ou 1534 que sont condamnés les héritiers de Raoul
Hurault. L’activité repart en flèche en 1535, peut-être en lien avec l’affaire Poncher : deux
arrêts en mai (Gaillard Spifame le 3 et Jehan Lalle-mant le jeune le 12), les héritiers
Morelet le 31 août et pour finir Jehan de Poncher lui-même, condamné à la pendaison le
18 septembre. Jehan Ruzé, on l’a déjà souligné, est la dernière « victime » connue, le
12 avril 1536.
140 Ainsi donc la Tour Carrée fonctionne-t-elle. Malgré les blocages et les incertitudes, elle
parvient à rendre la justice, ou du moins à faire aboutir les dossiers qui lui sont confiés.
Elle le fait dans le cadre de ce qu’on peut appeler la justice retenue : elle traite des
affaires, « la seulle vérité du faict considérée, sans tenir ne garder figure, solennité ne
ordre de procès, tout ainsi que nous feryons ou pourryons faire en procédant en iceulx »
397. En cas de difficulté juridique, c’est au souverain lui-même qu’on renvoie directement.
Dans un texte réprimant une fois de plus les malversations, émis le 4 avril 1530, le roi
prévient : « Si nosd juges […] faisoient quelque difficulté sur l’interprétation de notre
présente ordonnance, comme à faute de dolosité, bas aage ou par faulte de preuve plaine
ou autrement, ilz pourront avoir recours à nous qui leur déclairerons et ferons entendre
sur ce nostre vouloir et intención »398. Le lieutenant civil Morin consulte les avocats et
procureurs généraux : il est chargé de la saisie des biens de Morelet. S’il y a appel de son
action, que doit-il faire ? La réponse des juristes manifeste bien qu’on est dans le domaine
306
de la justice retenue : « C’est au Roy et à messeigneurs de son conseil de ordonner sur cest
article »399.
141 La Tour Carrée, pour sa part, juge « diffinitivement en dernier ressort » et donc, comme
ses textes fondateurs l’affirment, elle est sa propre instance d’appel. Sans doute en ce cas
suffit-il de commettre en son sein d’autres juges que ceux qui ont rendu la sentence
contestée. Un seul appel a laissé des traces : celui du clan Semblançay400. Or la principale
chronique qui évoque l’affaire mentionne la mise sur pied d’un tribunal spécifique : « Le
Roy, voyant ces choses, manda quérir des plus suffisans gens de son conseil de son
royaume, de tous les parlemens, tant de Paris, Dijon, Grenoble, Thoulouse, Bordeaulx et
Rouen, de chacun deux présidens, les fist venir à Paris […] pour revoir le procès du dict de
Beaulne »401. Mais on sait que sept membres de la Tour Carrée ont assisté au jugement
« des appellations et protestations interjetées par ledit feu de Beaune, Guillaume de
Beaune, Jehanne Ruzé et consorts »402. On s’interroge : y a-t-il erreur du chroniqueur, ce
qui, vu sa précision, paraît peu probable ? Est-ce que les gens de la Tour Carrée se sont
associés aux autres juges ? Une allusion dans l’arrêt de la Tour Carrée concernant Jehan
Ruzé, un de ceux qui a conseillé l’appel, semble le confirmer. Elle évoque dans ses
considérants « les procès criminels fait tant par eux [Tour Carrée] que par les présidents
des cours souveraines »403. Il est vrai que la sentence du 11 février 1529 qui confirme le
jugement de Semblançay, évoque aussi les malversations de son fils. A ce titre, elle
concerne doublement la Tour Carrée. Même s’il est possible que le roi ait fait une entorse
aux règles qu’il avait fixées en recourant à des délégués des Parlements pour juger de la
validité de l’appel, il est sûr en revanche que le résultat obtenu - confirmation de la
sentence et peines très lourdes pour les appelants - constitue un excellent avertissement
pour les téméraires qui souhaiteraient s’engager dans cette voie.
a. Les protections
142 Une famille comme celle de Semblançay, abandonnée par le roi, est démunie face à la
machine judiciaire. Les officiers qui parviennent en revanche à s’assurer la protection du
pouvoir tiennent les juges en échec sans trop de mal. Ce phénomène est particulièrement
net pour la commission de 1523, pourtant « pressez par Madame et le conseil » d’aboutir,
le pouvoir n’étant pas ici à une contradiction près. Le cas le plus spectaculaire et le mieux
documenté est celui de Jehan Prévost, commis à l’Extraordinaire des guerres. Il met en
évidence la longue patience dont doit faire preuve une instance qui n’est pas épaulée par
les autorités404. La prolongation incessante des délais qui sont donnés à Prévost pour
présenter ses comptes est éloquente. Le 24 mars 1523 il doit présenter ceux de février
1522/février 1523 par état pour la Saint-Jean-Baptiste et par forme pour la Toussaint.
Après plusieurs rappels, la commission s’énerve un peu et le 2 octobre demande un
compte par état pour février 1522/juillet 1523 sous quinze jours. Avant le 17 décembre,
Prévost daigne envoyer un état mais il n’est pas « en forme deue ». Le 27 avril 1524, la
commission lui laisse six semaines pour le régulariser, et six autres pour fournir l’état de
juillet 1523/février 1524, date de sa sortie de charge. Le 31 décembre, un défaut est
prononcé contre lui. Le 18 janvier 1525, de nouveaux délais lui sont accordés : pour
février 1522/juin 1523 par exemple, un compte par état d’ici Pâques et par forme sous
neuf mois. Malgré un report à la Pentecôte, rien ne vient et il est enfin question
d’emprisonnement. Fin juin 1525, un nouveau défaut le condamne à 500 lp d’amende et à
307
la saisie des biens. Prévost obtient cependant six semaines de sursis avant
emprisonnement pour fournir un premier état. Le 22 août, nouveau délai pour
l’incarcération et l’état jusqu’à la Saint-Remy (1er octobre). Huit jours plus tard, la
Régente sollicite pour lui un délai supplémentaire de six semaines au-delà du 1er octobre.
Le 20 novembre 1525, Prévost propose de fournir avant Noël l’état de sa première année
d’exercice seulement, état qu’il devait rendre initialement… à la Saint-Jean-Baptiste 1523.
143 Cette fois, semble-t-il, la coupe est pleine et le 4 décembre la commission le décrète
d’arrestation : il sera emprisonné à la Conciergerie. Mais entre-temps, la Régente a écrit
de Lyon le 23 novembre pour demander un nouveau délai de huit mois. Apparemment la
commission tente de passer outre mais, un mois plus tard, le 27 décembre, Louis e de
Savoie revient à la charge : malgré sa lettre, Prévost a été emprisonné bien que sa
décision ait été « une chose bien veue, entendue et délibérée en la présence des princes et
gens du conseil du Roy estant lez nous ». Elle veut être avertie des motifs qui justifient la
décision des commissaires « pour après en ordonner ainsi que verrons estre affaire ». Dès
le 2 janvier 1526, ceux-ci font marche arrière et Prévost quitte la Conciergerie pour tenir
prison « en la maison où il est logé en ceste ville de Paris », sous la garde d’un huissier.
Malheureusement, le document s’interrompt là : il s’agit très certainement de la copie de
la procédure fournie à la Régente pour lui montrer la mauvaise volonté de Prévost. Après
son retour, François Ier prend la suite des initiatives de sa mère et donne ordre le
20 octobre 1526 de faire cesser toutes les procédures contre lui405. La commission
demeure finalement impuissante et jamais Prévost, solidement abrité derrière la
protection de la famille royale, ne rendra son compte de l’Extraordinaire des guerres 406.
144 D’autres comptables importants bénéficient d’un appui semblable. Le 23 mai 1525, la
Régente, toujours elle, écrit à la commission. Il y a un différend entre les juges de la
Chambre du conseil et la Chambre des comptes sur la présentation du compte de 1523 de
Guillaume Preudhomme, receveur général de Normandie. Louis e de Savoie demande des
renseignements sur l’affaire, ce qui nous vaut là encore notre document. Mais elle
s’empresse d’ajouter : « Cependant ne voulons que led général [il l’est devenu entre
temps] soit aucunement molesté ne inquiété soubz umbre des adjournemens qui luy ont
esté faiz à la cause dessusdicte, mais iceulx faictes cesser jusques à ce que par nous et le
conseil du Roy nostred seigneur et filz estant lez nous autrement en soit ordonné »407. Du
moins Preudhomme a-t-il auparavant rendu compte devant la commission pour deux ans
et trois quartiers de sa recette générale…
145 Autre obstacle : l’accumulation pas toujours très ordonnée des documents et des
procédures. Le déluge de papier financier et judiciaire qui s’abat sur la Tour Carrée est
considérable, et le risque de la noyade est grand. De petits détails donnent à penser : il
faut louer les services d’un « crocheteur gaigne denier par l’espace de deux mois ou
environ » pour transporter des pièces de procédures « au pallais et autres lieux ». Les
papiers du « contrôleur de Caen » (sans doute Guillaume Delalande), envoyés à Paris,
remplissent « une grosse malle bien plaine ». Pour les procès de Philibert Tissart et Jehan
Para-jau, un clerc reçoit un à-valoir pour un an entier d’écritures. Enfin pour une partie
de l’Extraordinaire des guerres du premier semestre de 1524, 110 rôles et demi sont
présentés408.
308
146 La reddition sur une période trop longue, à cause des retards, accroît encore
accumulation et confusion. Le cas des papiers de Morelet de Museau est particulièrement
éloquent, de la multiplication d’inventaires partiels et peu rigoureux aux pièces qu’il faut
aller chercher jusqu’en Suisse. Basannier, commis au gouvernement des biens depuis le
début de 1532, n’entre en possession de certains « coffres, bahuz et tonneaulx dedans
lesquelz sont plusieurs papiers, livres et sacs » qu’en janvier 1535409. Loys Caillaud, qui
mène l’enquête, découvre dans les greniers de Morelet, longtemps après le début des
poursuites, des flots de documents bien mal conservés :
« Lesd papiers [sont] cinq ans ou environ demourez en Testât, laissez pour dérelicts,
confuz et en tout désordre de temps, de personnes, de administracions, ne servant
que pour brusler […] ; je les apparceuz et feiz mectre soubz scellé jusques l’on peust
veoir que c’estoit […]. Je confesse que la multitude, confusion et poulcière faisoit
peur à y regarder et entrer. Touteffoiz nécessairement la faillu faire et mectre en
ordre par lyasses de personnes et années, afin que proceddant à l’audicion du
compte d’ung personnaige, l’on veoye tout ce que le concernera ».
147 La confusion en cette affaire est la chose du monde la mieux partagée. Les papiers
Morelet une fois récupérés sont l’objet d’un laisser-aller étonnant qui a le don d’irriter
Caillaud.
« Il y avoit quelques petitz coffres chez l’huissier Duboys baillez en garde à sa
femme plains de pappiers concernant l’office dud trésorier des ligues et de quelques
livres. On dict le tout avoir esté porté à la tour carrée, touteffoiz sans inventaire car
le contenu oud coffre n’avoit esté inventarié. Il n’y a personne qui en puisse parler
ne dire quelz pappiers c’estoient, sinon les serviteurs dud huissier qui disent lesd
pappiers et livres avoir esté portez piéça à lad tour carrée […]. Il s’est trouvé aussi
que chez le receveur général Le Maçon y a ung bahut plain de lectres et tiltres ainsi
que porte l’inventaire, touteffoiz n’est le contenu oudict coffre inventarié mais icel-
luy coffre baillé en garde aud Le Maçon et ne s’est trouvé scellé » 410.
148 Manque de place et de locaux obligent à caser à droite et à gauche des documents, avec
une grande légèreté dans la procédure, alors que les poursuites sont entamées depuis fort
longtemps : le tableau n’est guère reluisant. D’où des pièces qui disparaissent, ou du
moins s’égarent, comme l’inventaire des biens meubles parisiens de Jehan de Poncher 411.
Il est alors difficile de faire la distinction entre mauvais fonctionnement interne et
éventuelles tentatives pour enrayer le cours de la justice. Une chose est sûre : sous
l’avalanche, une avalanche sans ordre où les plus à même d’y voir clair sont les accusés
dont on comprend les réticences, les commissaires doivent faire preuve d’un certain
courage et d’une grande ténacité. Le parallèle est aisé avec ces litiges commerciaux où les
juges, ordinaires cette fois-ci, se perdent complètement sous un flot de pièces comptables,
« descharges, contrelettres, obligacions, cédulles, livres de raison et parties deues » dont
l’énumération ne déparerait pas une procédure contre un officier de finance412.
149 Autre océan sur lequel la navigation est ardue, celui des poursuites qui prolifèrent autour
du noyau central des actions engagées contre les grands officiers. Déjà, pour simplifier les
choses, la Tour Carrée tente d’obtenir du roi l’évocation en son sein de procès pendants
en diverses cours, du fait des finances413. Ce souci de centralisation et, partant, de
clarification, lui vaut évidemment un surcroît de travail. Les biens ou les créances et
dettes des poursuivis, avant comme après les arrêts de condamnation, donnent aussi lieu
à de multiples litiges. C’est le cas pour Semblançay d’une coupe de bois dans sa seigneurie
éponyme ou d’une créance sur Thomas Turquam : et voici deux nouvelles affaires que la
Tour Carrée doit juger414. Le 16 octobre 1535, les juges s’adressent au chancelier : « Nous
avons fait draisser […] une évocation générale des procès procédans à cause des biens
309
desd Ponchier, Spifame et de Lallemant, ainsi qu’il a esté fait des biens de feu Samblançay,
son fils, et de Berthelot, que vous envoyons […]. Nous vous supplions, monseigneur, [la]
voulleoir dépescher et nous [l’]envoyer »415. Il faut ajouter à cela les procès qui déchirent
les officiers de Finances entre eux au sujet de leur gestion. Certains des commissaires,
avec de Selve à leur tête, sont ainsi chargés du différend entre Jehan Prévost et Jehan
Sapin, après dessaisissement de la Cour des aides416.
150 Et s’il n’y avait que les officiers ! Mais tous ceux qui gravitent autour d’eux sont en cause,
des serviteurs de Semblançay au frère de Gaillard Spifame, Pierre, chevalier de Malte,
sans parler évidemment des clercs de finances, directement impliqués, surtout lorsque
leurs maîtres sont décédés sans avoir rendu leurs comptes417. Les marchands-banquiers
liés au crédit royal, les problèmes du sel ou d’autres impositions sont encore au menu de
la Tour Carrée. Aussi l’indigestion guette-t-elle. Révélateur est en ce domaine l’arrêt pris
par la commission contre quatre fermiers de l’imposition foraine en Outre-Seine. Caillaud
apprend bientôt que deux d’entre eux sont décédés, dont un avant même le
commencement du procès. La chose semble avoir été dissimulée, pour des raisons qu’on
ignore, par les deux survivants. Et pourtant « l’arrest ne le porte, mais comme si tous
deffendoient, comparaissoient et estoient vivans. Je m’esbays [que] quant il a esté
question de procedder par interrogatoires ou autrement par le discours du procès, l’on
n’a eu congnoissance et advertissement desd trespas et décès »418. Que de telles bévues
puissent se produire est un signe clair : les juges sont débordés.
151 On le conçoit aisément, car à elles seules les procédures contre les grands officiers ont de
quoi occuper. Or les clarifications financières sont laborieuses et demandent beaucoup de
temps. Comme le président Lizet l’écrit au roi en mai 1532, « pour vérifier les causes dont
lesd désordre et malversation ont procédé couvertes et desguisées de diverses couleurs et
cautèles exquises par les comptables et autres aiant l’administration de vosd finances, y a
eu, sire, de la longueur ». D’autant que les affaires s’accumulent : le procès de Jehan Carré
et l’expédition des criées des biens d’Henri Bohier ont ainsi retardé l’enquête sur les
« principaulx comptables »419. Deux logiques s’affrontent bientôt, lorsque la précision
procédurière des commissaires nuit à la rentrée des fonds. La Tour Carrée refuse ainsi
d’entériner un accord entre le roi et les héritiers de Raoul Hurault avant « que lad vefve
n’eust préalablement acom-ply par condempnation au greffe touchant le désistement de
son opposition et garantie de la seigneurie de Chivergny ». Caillaud tente de faire revenir
les commissaires sur leur refus car « différer seroit d’aultant retarder les deniers du roy si
pressez et nécessaires ce jour d’huy ». « Néanmoins pour l’heure je n’en ay sceu avoir
autre chose », conclut-il420. L’impatience royale se manifeste plusieurs fois devant les
lenteurs, qui ne sont pas seulement procédurières, de la commission. Le 23 novembre
1531, le chancelier Duprat recommande l’envoi d’un gentilhomme auprès des juges,
« pour les acheminer à diligenter »421.
152 Malgré ses pesanteurs, la Tour Carrée est peut-être aussi très sollicitée en raison même de
son efficacité, à l’aune du fonctionnement judiciaire du temps. Des particuliers portent
devant elle des affaires fort variées, depuis les Gualterroti, marchands anversois, qui
veulent obtenir le paiement de fournitures, jusqu’à Guillaume Allart, pour un
remboursement de prêt422. Tout ce qui peut être de près ou de loin reproché aux officiers
de finance se fraye un chemin jusqu’à la commission. Quant au roi, il la lance dans la
bataille contre les hérétiques sans qu’on puisse pourtant établir un lien formel entre ce
nouveau terrain d’action et les officiers de finances. Le seul texte qui évoque cet aspect
est d’ailleurs peu clair. Il mentionne seulement le fait que la Tour Carrée a évoqué « tous
310
les procès desd jugez héréticques pendant tant par devant [le] prévost de Paris que
ailleurs »423. Est-ce parce que, parmi les gens en fuite après l’affaire des Placards, se
trouvent beaucoup de personnes liées aux finances424 ? Plus probablement il s’agit
seulement de régler les contentieux « privés » des « mal sentants de la foi », et de profiter
de l’expérience de la commission pour faire rentrer au plus vite dans les caisses royales
quelques fonds supplémentaires à partir des biens confisqués.
153 L’impression prévaut donc pour finir que la Tour Carrée est aussi victime de son succès.
Devant les résultats qu’elle obtient, on se bouscule pour lui porter litige sur litige, dans
l’espoir d’un règlement accéléré. A terme cependant, cet afflux vient se conjuguer avec
des dysfonctionnements internes bien réels pour enrayer le processus. Saturée, minée de
l’intérieur par la lourdeur des procédures et par les vicissitudes de son personnel, dont le
plus bel exemple est fourni par l’affaire Gentil, au bout du compte la Tour Carrée ne
répond plus.
154 Les relations des commissions avec les instances ordinaires du contrôle financier sont
rarement excellentes. La Chambre des comptes fait ainsi preuve d’une opposition
farouche à l’égard de la commission comptable de janvier 1523425. Elle n’a entériné ses
lettres de création que de mandato expresso pluribus et reiteratus viribus facto, signe d’une
extrême réticence. Elle revendique l’examen des comptes de 1523 et 1524, cherchant avec
obstination à réduire le champ d’exercice d’une commission qui, à ses yeux, « n’est faicte
que pour oyr les comptes des nouvelles inventions et grosses receptes du temps
précédent et non du temps advenir » à la date de sa création. La Chambre ne perd pas une
occasion de dénoncer l’inefficacité des commissaires : en trois ans, « n’y avoit eu aucun
fruict ne ung seul compte clos ne affiné, et sembloit qu’ilz abusassent dieu, le Roy et le
monde ». Mais elle va plus loin, et lance une accusation de corruption : « Sont la plupart
des commissaires parens et alliez des comptables comprins en leur commission et y en a
qui ont mangé le cochon ».
155 L’affrontement direct se cristallise autour de la possession des dossiers. Les deux
instances se disputent, parfois violemment, les comptes des officiers de finance 426. La
Chambre accuse la commission d’avoir obtenu « par force » les comptes de Babou et de
Prunier, ce qui a pour effet de retarder leur reddition. Décidée à éliminer cette rivale, la
cour obtient de la Régente son abolition « et que les choses se mectroient en leur premier
estât et reverroient lesd gens des comptes ce qu’avoit esté fait par lesd commissaires ».
Mais, peu après, Louis e de Savoie revient sur sa décision :
« Y eut quelques gens qui luy desguisèrent les choses, affirment les gens des
comptes dépités, tellement qu’elle manda les députez de lad chambre des comptes
ausquelz elle dist qu’elle voulloit que lesd commissaires exer-ceassent leur
commission jusques à six moys après ensuivant et ce pendant le Roy pourroit
revenir et s’il ne venoit on y donneroit provision ».
156 Mais ce n’est que partie remise : la commission entre en sommeil en 1526 et disparaît
officiellement, on l’a vu, en novembre 1527.
157 L’acharnement des gens des comptes a de multiples raisons : une telle commission se
traduit pour eux par une perte d’audience et une perte de revenus. Elle signifie
implicitement que le travail ordinaire du contrôle est mal effectué. Enfin elle s’inscrit
dans un contexte de froid entre le roi et les cours souveraines. Pour la Chambre, 1523
c’est aussi la jussion pour l’enregistrement de la création du trésorier de l’Épargne et
311
161 Il faut évoquer pour finir un aspect, plus grave encore que des susceptibilités ou des
querelles de juridiction, des relations tendues entre commissions et tribunaux ordinaires
en matière de finance. Parmi les membres de ces derniers en effet, un certain nombre
sont d’anciens comptables. A ce titre, ils peuvent être directement mis en cause pour leur
propre gestion passée. Le cas est clairement évoqué pour la Bretagne. Poyet, premier
président du Parlement, chargé en 1535 de poursuivre les « recherches des finances »
dans la province, reçoit du roi mission de suspendre les membres de la Chambre des
comptes du duché « que trouvères chargés, ou véhémentement soupçonnés » de fraude.
« Jusqu’à ce qu’il soit connu s’ils ont malversé en leurs Estats et offices comptables, avant
que estre nos officiers en ladite Chambre, et qu’ils auront appurés et diffinis les dêposts,
suspens et autres articles mis en difficultés en leurs comptes, et que iceux leurs dits
comptes soient clos », le roi leur interdit « l’entremise de leursdits offices et Estât qu’ils
ont en [la] dite chambre »431.
162 Mais, malgré brebis galeuses et rivalités, les commissions financières doivent faire appel
aux gens des tribunaux car elles ne peuvent se passer des trop rares spécialistes. On a vu
ces derniers à l’œuvre pour la Tour Carrée, que ce soit comme membres ou comme
associés au travail d’enquête. La faiblesse du nombre des hommes à la fois disponibles et
compétents nécessite donc pour un fonctionnement décent un minimum de coopération
entre instances régulières et commissions. Est-ce un hasard si le contentieux entre la
Tour Carrée, la plus efficace des commissions, et la Chambre des comptes est en définitive
assez limité ? Il est vrai que les mises au point de la fin de 1527 entraînaient un partage
des tâches : à la Tour Carrée, les procédures criminelles, à la Chambre, les redditions de
comptes. Et cette dernière ne manque pas d’intervenir souvent dans les litiges financiers
432
. Mais on prend rapidement conscience que ce partage est très difficile à mettre en
œuvre. Aussi en 1532 un article de la grande ordonnance du 8 juin évoque-t-il les états qui
seront présentés par les comptables « à notre Chambre des comptes ou aux juges sur le
fait de nos finances en la Tour Carrée »433. Les deux instances se retrouvent souvent côte à
côte pour des procédures, au pire parallèles, au mieux complémentaires. Sans parler de la
Cour des aides, toujours présente.
163 Le complexe dossier Morelet fournit une bonne illustration de l’intervention des diverses
instances. Il illustre aussi, au passage, la difficulté du chercheur à bien comprendre
l’ensemble de la procédure, en raison du caractère fragmentaire de la documentation. Il
semble que la Tour Carrée, par son arrêt du 31 août 1535, sanctionne les irrégularités de
la gestion suisse du défunt. Mais on n’en a pas la preuve formelle. C’est en revanche la
Chambre des comptes qui statue en dernier ressort sur les comptes de la trésorerie de
l’Ordinaire des guerres, par un arrêt du 20 juillet 1537. Celui-ci fait suite à cinq autres
arrêts, échelonnés du 10 mai 1533 au 13 décembre 1535, dont la nature précise nous
échappe434. Est-ce déjà à cause de l’Ordinaire ? Est-ce aussi en lien avec l’Extraordinaire
des guerres que Morelet a tenu quatre ans sous Louis XII ? De cette partition, on doit
logiquement déduire que le contentieux suisse relevait des poursuites criminelles alors
que la gestion des trésoreries militaires n’entraînait qu’un simple litige comptable. Reste
l’activité de la Cour des aides, sollicitée pour le règlement des créances de la succession
dès 1532 et pour juger d’une opposition à la mise en criée d’une seigneurie en 1537 435.
Dans les années trente, c’est donc au moins autant à un partage des tâches qu’à une
guerre sans merci que l’on assiste. Mais cela ne se déroule pas toujours sans accroc.
313
Conclusion
164 Pour faire fonctionner les finances, François Ier et son Conseil doivent donc se résoudre à
d’innombrables aménagements. D’où, en matière d’organisation administrative, le flot
des réformes, avec les ajustements qu’occasionne une mise en œuvre souvent très
empirique. Mais, pour assurer la gestion comptable au quotidien, il est indispensable d’en
prendre un peu à son aise avec les règles strictes édictées par le souverain. D’où la
nécessité de contrôles exceptionnels qui se produisent de façon récurrente. Ils mettent en
évidence les limites du contrôle ordinaire et révèlent en même temps les facilités
comptables que se permettent, avec l’accord tacite du pouvoir, les officiers de finances
pendant de longues périodes. Dans les deux cas, réformes ou poursuites, le recours à des
actes d’autorité occasionnels s’impose. Ne sont-ils pas la vraie substance du
gouvernement royal de l’époque436 ? Incapable d’une persévérance dans l’effort dont il n’a
ni les moyens, ni peut-être le désir, le pouvoir manifeste sa présence et rappelle à l’ordre
son personnel grâce à des interventions ponctuelles. Si les XVIe et XVII e siècles
correspondent en France au temps des chambres de justice, c’est sans doute en partie à
cause de cela. Le développement de l’État, dans les faits et dans les têtes, interdit de
réduire dorénavant à un seul homme les poursuites financières. Mais les insuffisances des
processus de contrôle permanent, dont l’efficacité ne se marque nettement qu’à partir du
XVIIIe siècle, obligent à mettre de temps en temps tous les officiers de finance sur la
sellette.
165 Pendant les deux premiers tiers du règne, poursuites et réformes ont un cycle
comparable, avec les temps forts de 1517-1518, 1523-1524, 1527-1529 et 1531-1533. La
guerre de 1536-1537 marque la fin d’une époque avec la disparition de la Tour Carrée et la
mise sur la touche du trésor du Louvre. Ensuite, le parallélisme se fissure. Au temps de la
grande ordonnance de réforme de décembre 1542, les poursuites se font plus discrètes,
même si le règlement des procédures de la décennie précédente n’est pas encore achevé.
Pourquoi ce décrochement des commissions ? On peut formuler bien des hypothèses. La
situation financière est vécue comme moins critique, peut-être à cause de l’essor du
« crédit public », et l’obsession des arriérés se fait moins forte. Grâce au travail effectué
au cours de la période précédente, une relative mise en ordre a eu lieu et la monarchie
peut vivre sur cet acquis. Par ailleurs, les élites administratives, durement éprouvées
pendant plus de quinze ans, doivent être un peu ménagées. Dans cette perspective, rien
d’étonnant à ce que les poursuivis des années quarante soient, dans le contexte de la
réforme de la gabelle, les marchands de sel, qui appartiennent à d’autres cercles. Cette
mise en veilleuse signifie probablement aussi que la question du poids politique du
groupe des grands officiers de finance, très présente au début du règne, est
définitivement réglée.
314
NOTES
2. A titre d’exemple, la remarque de Wolfe, Fiscal system, p. 77 : « The reign of Francis I is
characterized by a surprisingly large number of changes in the fiscal system, strung out over a
period of twenty five years (1523-1547) ».
3. Voir par exemple Spont, Semblançay, p. 26-30 ; Doucet, Institutions, t. I p. 284-290 ; Wolfe, Fiscal
System, passim et surtout Jacqueton, Documents, qui fournit à la fois une présentation solide (p. IX-
XXIII), les principaux textes fondateurs et les instruments de travail du temps.
4. A.N. Z1a 49 f° 61 v° (15-1-1524).
5. B.N. P.O. 2056 (Morelet) dossier 46819, n os 5-7.
6. En fait, bien des parties inscrites à l’État général font aussi l’objet de lettres royales, pour
régler le détail des assignations dont l’État ne prévoyait que le montant total : Jacqueton, Épargne,
2e partie, p. 3 note 2.
7. B.N. Dupuy 233 f° 35 cité dans Jacqueton, Documents, p. 246 note 2.
8. Voir un dossier concernant la recette des tailles d’Étampes dans A.N. M.C. XIX 48 (26-6-1519).
9. A.N. M.C. LIV 53 (Inv. Morelet, 17-6-1536) n° 36.
10. A.N. J 958 n° 42 (2-8-1523).
11. B.N. fr 3029 f° 108.
12. A.N. KK 338 f° 60 v°. La période concernée n’est pas précisée.
13. B.N. fr 3029 f° 79 [5-8 (1521 ?)].
14. Ibid., f° 111 [7-8 (1521 ?)].
15. A.N. Z la 66 F 420 (31-8-1541). Le caractère tardif du document peut biaiser la description
proposée.
16. Texte dans Jacqueton, Documents, p. 196-198.
17. Spont, Semblançay, p. 134. Il s’appuie sur une lettre de 1526 à La Trémoille pour affirmer que
Semblançay dit être encore le « premier » et « le plus ancien » des généraux. Il faut se reporter au
texte pour voir que cette interprétation est fautive : Semblançay évoque « tout ce que feu
Monseigneur de la Trémoille avoit des cédulîes de Messieurs les généraulx et de moy, pour
entendre ce qui reste et pour en faire la poursuyte, pour ce que chascun désire d’en estre quiete
et moy le premier comme le plus ancien » : Marchegay, Lettres missives, p. 41. Il va de soi que
Semblançay se présente ici comme le plus ancien débiteur et non comme le plus ancien général,
d’autant qu’il se met clairement à part de « Messieurs les généraulx ». S’il est parfois cité dans
des procès comme général (un exemple in A.N. Z1a 54 F 173 v° (14-4-1529), pour un litige de 1523),
il faut alors faire la part du contexte polémique, et surtout, je crois, de l’impossibilité de le
« nommer » d’après sa situation postérieure à 1516.
18. Dès la fin de 1516 en fait il est clairement distingué du collège, y compris lors de la mise sur
pied de l’État général : Spont, Semblançay, p. 137.
19. Ibid, p. 133.
20. A.N. KK 289. Présentation synthétique dans Spont, Semblançay, p. 155 note 1.
21. Voir Antoine, Administration centrale, p. 514 et note 15 pour la situation au milieu du siècle.
22. Spont, Semblançay, p. 133 note 3.
23. Deux exemples : A.N. Z la 54 F 242 (14-7-1529) Justifier une remise de fonds ; X 1a 8621 f° 306
(4-1-1558) : obtenir le remboursement d’une créance sur le roi.
24. Zeller, Gouverneurs, p. 235 ; Doucet, Institutions, t. I p. 192-193 ; B.N. Dupuy 623 C 33 v° [22-5-
(1532)].
25. A.N. P 2307 p. 31.
315
26. B.N. fr 5500 f° 45 v° ; Clément, Trois drames, p. 400. On retrouve l’expression pour le général de
Bretagne en 1542 : A.D. Loire-Atlantique B 52 f° 233 et A.C. Nantes DD 43 n° 18. Ce n’est pas un
hasard si cet officier supervise lui aussi ordinaire et extraordinaire. Sur les « surintendants des
finances » en Piémont et en Corse sous Henri II, voir Antoine, Institutions en Italie, p. 774 et
778-779.
27. Spont, Semblançay, p. 233-234.
28. B.N. fr 2940 f° 66 v°-67 ; Jacqueton, Documents, p. 170-195 ; Spont, Semblançay, p. 141, 144-145,
151-153.
29. Les textes fondamentaux sont publiés dans Boislisle, Semblançay, p. 245-247 (18-3-1523), dans
O.R.F., t. III p. 309 (15-11-1523) et p. 318 (28-12-1523) et t. IV p. 32 (9-7-24).
30. A.D. Hérault B 14 f° 8 v°.
31. A.N. J 1040 n° 17. Le pourcentage tombe à 45,8 % si on prend en compte les deux postes
exclus.
32. Cependant, des lettres du 6 juillet 1524 donnent ordre à tous les comptables de verser sous un
mois ce qu’ils peuvent devoir pour la période antérieure au 31-12-1523 aux mains du trésorier de
l’Épargne, y compris les « receveurs des deniers casuelz et extraordinaires » : O.R.F., t. IV, p. 34.
Est-ce parce qu’il s’agit de conserver au même titulaire, Babou, le contrôle de ces fonds ?
33. Leur disparition est effective : les seuls contrôleurs de ce type que l’on repère dans la suite du
règne ont tous été établis avant la réforme. La plupart, par un hasard qui doit contrister le
pouvoir, vont rester en place longtemps encore. Les pourvus récents que sont Gilbert Filhol en
Languedoc (après le 28-8-1521 : B.N. fr 3045 f° 51) ou Oudart Hennequin en Outre-Seine
(28-12-1521 : C.A.F., t. V n° 17437) s’incrustent respectivement au moins jusqu’en 1546 (C.A.F., t. V
n° 15469) et 1550 (Jacqueton, Épargne, Ve partie p. 13 note 2). Même Jehan Le Picart, en place en
Bourgogne depuis 1500, tient jusqu’en 1549 (L. et S., t. I notice 411). Girard Acarie en Normandie
est toujours présent en 1545 et Jehan Binet, en Guyenne, en 1548 : C.A.F., t. IV n° 14569 et C.A.H.,
t. II n° 2038. La Bretagne offre, comme souvent, un cas à part puisque Florimond Fortier obtient
le 5-7-1542 la survivance du titulaire, Guillaume Barthélémy son beau-père (établi avant 1513) :
A.D. Loire-Atlantique, B 52 f° 234 v°.
34. Kauch, Trésor, p. 717-718. Un receveur de l’Épargne existe toujours en Bourgogne. Philippe
Rondot est pourvu le 15-1-1534. L’office, « longtemps a vaccant », a eu comme « derrier paisible
possesseur » un certain Didier Bernard. On aimerait en savoir plus sur les raisons de ce
rétablissement, mais l’acte est laconique : A.D. Côte d’Or B 1843 f° 2.
35. Voir Kerhervé, État breton, p. 295-313.
36. Ibid, p. 296 note 140.
37. Spont, Semblançay, p. 154 note 1. L’importance des sommes brassées se mesure aussi aux
restes dus par ses héritiers après sa mort. Ils atteignent 20 108 lt, dont François I er fait don à
l’amiral Bonnivet : A.D. Loire-Atlantique, B 582 f° 55 et sq.
38. A.N. M.C. XIX 111 (I.A.D. Meigret, novembre 1533) n° 177. Dessefort, après avoir été receveur
des tailles en l’élection de Paris et commis d’Estienne Besnier à la recette générale d’Outre-Seine,
est de nouveau mentionné comme trésorier de l’Épargne le 27-11-1532 : ibid., XIX 72. Il appartient
sans doute à la famille qui fournit deux auditeurs des comptes à Nantes, Anthoine et Michel
Dessefort : Fourmont, Chambre des comptes de Bretagne, p. 300.
39. Doucet, État général, p. 129 et 136.
40. Hernández Esteve (Esteban), « Estructura y funciones del consejo de hacienda de Castilla
durante su proceso constituyente (1523-1525) », Cuadernos de Investigación Histórica, 8, 1984,
p. 35-64.
41. Guy (John), Tudor England, Oxford, 1988, p. 102-103. En Angleterre, les changements qui se
produisent en 1524 à l’Echiquier relèvent probablement plus d’une question de personnes que de
structures : Jack, Henry VIII’s control of royal finances, p. 15. Mais, le cas de Semblançay le souligne,
les deux aspects sont difficilement dissociables. Les querelles de personnes ont leur place aussi
316
dans le processus castillan (cf. note précédente). Sur le synchronisme des initiatives financières
entre Bretagne, Bourgogne et France au début du XVe siècle, voir Kerhervé, État breton, p. 126 et
note 57.
42. Wolfe et Zacour, The growing Pains, passim. Le dernier paragraphe de ce texte reprend le
célèbre passage du « Journal » de Louis e de Savoie sur les malversations : « L’an mil cinq cens
quinze, 16, 17, 18, 19, 20, 21, et jusques à l’an mil cinq cens vingt et deux, sans y povoir donner
provision, mon filz et moy feusmes continuellement desrobez par les gens de finances ». Il ne
s’intègre pas au projet lui-même, longuement développé au préalable. S’agit-il alors d’une sorte
de « signature » pour indiquer de quel cercle est sorti le document ?
43. Elle envisage aussi une organisation des dépenses autour d’une gestion par « trois notables
personnages » - sous le contrôle du Conseil - qui reste sans suite : ibid., p. 76 et sq. Il faut attendre
1552 et le « voyage d’Allemagne » pour que Henri II mette sur pied une commission de ce type
composée de trois « surintendants » ou « intendants des finances » : Antoine, Un tournant, p. 54. Il
est cependant hasardeux d’y voir l’application tardive d’un projet vieux de trente ans…
44. Wolfe, Fiscal System, p. 81-82.
45. Voir les deux hypothèses de Jacqueton. Épargne, 1rc partie, p. 10-11, qui ignore évidemment le
document exhumé par Wolfe et Zacour.
46. Dans un tout autre domaine, voir le cas des « légions » créées en 1534 « à l’exemple des
Rommains » : Du Bellay, Mémoires, t. Il p. 288-292. Cette imitation descend jusqu’aux détails
puisque le projet inclut même la récompense d’un anneau d’or pour le légionnaire valeureux :
Lemonnier, Histoire de France, t. Il p. 97-98.
47. Jacqueton, Épargne, 1re partie, p. 29-30.
48. On assiste au cours du règne à une multiplication des contrôleurs à tous les niveaux :
contrôleurs des deniers communs en 1515, contrôleurs des tailles dans les élections en 1523.
Créer des offices, rappelons-le, procure des fonds.
49. Jacqueton, Épargne, 2e partie, p. 24. La charge de contrôleur de recette qu’occupe Pierre
Michon est supprimée après le deuxième quartier de 1537. C’est sans doute peu avant, le 10 avril,
qu’il écrit au chancelier une lettre qui évoque le flou « touchant la signature du contrerolle de
l’espargne de ceste présente année ». N’ayant toujours pas de registre nouveau à sa disposition,
par absence des secrétaires des finances qui doivent coter le registre, il insère les quittances qu’il
reçoit « au contrerolle de l’année passée, pour obvier à ce qu’il n’en viengne aucune crierie et
suyvant ce que aultres fois a esté faict par ordonnance de feu monseigneur le légat chancellier » :
A.N. J 967, 7/12.
50. Campardon et Tuetey, Insinuations, n° 1918 (7-12-1545) ; cf. aussi A.N. M.C. XLIX 68 (25-9-1542)
ou VIII 62 (30-1-1543).
51. Doucet, Institutions, t. I p. 295 ; Antoine, Administration centrale, p. 513. Le titre exact est encore
pour l’heure celui de contrôleur général de l’Épargne et des Parties casuelles. Voir la désignation
de Jehan Duthier le 17-4-1547 : C.A.H., t. I n° 77.
52. A.N. M.C. XIX 91 (11-3-1547). Les 6,2 % qui restent proviennent des trésoriers des guerres.
53. Hamon, Rançon, p. 16.
54. Jacqueton, Épargne, 2e partie, p. 14-15. Il est vrai que 1533-1537 correspond à une période de
suspension du trésorier des Parties casuelles Jehan Laguette.
55. Ibid, p. 24 et 31-32.
56. B.N. fr 3005 f° 113.
57. B.N. Dupuy 79 f° 18 v°.
58. C.A.F., t. IV, n° 14424 et t. V n° 14965.
59. C’est sa veuve qui rend son compte pour la période 17-3-1526/30-4-1526, compte pour lequel
le traditus date du 27 février 1527 : B.N. fr 10384. Seuls subsistent la recette et tes quatre premiers
jours de la dépense.
60. C.A.F., t. I n° 2316.
317
61. Lorsque l’argentier de la Rue est rétabli, le roi précise que sa suspension avait été motivée par
la volonté de le voir rendre ses comptes : C.A.F., t. VI n° 19512.
62. Voir l’exemple de Guillaume de Saffray, receveur de l’Écurie : A.N. M.C. XIX 59 (14-8 et
20-10-1526).
63. A.N. J 964 n° 59 (15-4-1526/31-10-1526), n° 58 (15-4-1526/31-12-1526) et n° 57
(1-1-1527/28-2-1527).
64. A.N. M.C. CXXII 1040 (8-11-1526).
65. Ce souci de réorganisation était présent, rappelons-le, sous une autre forme, dans le projet de
1522-1523 : Wolfe et Zacour, The growing Pains, p. 76 et sq.
66. Pour les données chiffrées sur ces postes, voir B.N. fr 4523 f° 1-10 v°.
67. A.N. M.C. VIII 55 (4-4-1515) ; Coyecque, Recueil, t. I n° 223 (31-10-1521).
68. C.A.F., t. V n° 17764, t. I n° 2433 et t. II n° 3868.
69. B.N. fr 4523 f° 1 ; AN. PP 99 p. 67 v°.
70. A.N. M.C. CXXII 1057 (20-4-1540). Cependant il peut s’agir de gages en retard pour une période
antérieure. Mais on sait que Tertereau est encore en place le 2 juillet 1527 : il est alors assigné
pour 37 673 It pour les paiements du deuxième quartier de l’année : C.A.F., t. VI n° 19276.
71. A.N. M.C. VIII 174 (22-5-1534). Feu Guillaume Tertereau est cité comme « commis à faire le
payement de lad escuyrie […] pour l’année finissant le dernier jour de décembre Vc XXVII ».
72. Le 5 mai 1528, Marc de la Rue est rétabli comme argentier ; C.A.F., t. VI n° 19512. Peut-être
est-ce pour résigner immédiatement car, ce même mois, Nicolas de Troyes verse 2 000 It aux
Parties casuelles pour cet office : A.N. KK 352 f° 14.
73. Quilliet, Officiers, p. 504 cite une série de trésoriers de l’Hôtel plus tardifs (Jacques Bochetel,
Nicolas Berthereau, Odet de Bâillon) qui sont en fait trésoriers des seuls officiers domestiques.
Mais certains actes notariés entretiennent la confusion. Voir pour Berthereau A.N. M.C. XIX 184
(14-7-1551) où il est intitulé trésorier de la Maison du roi.
74. A.N. J 964 n° 62-64.
75. B.N. fr 15628 f° 5 et 8.
76. A.N. M.C. LIV 11 (12-1-1537), XIX 149 (31-10-1537).
77. Spont, Semblançay, p. 19 et p. 21 note 1.
78. O.R.F., t. V p. 211. La suppression de l’office n’évoque aucune indemnisation pour le général
en titre, déjà condamné pour malversations.
79. Voir par exemple A.N. M.C. CXXII 15 (8-10-1529) sur les problèmes de la passation de relais de
Prévost à Bohier.
80. B.N. fr 3066 f° 54.
81. B.N. fr 3031 f° 47 (« la fuicte de Sapin qui en a emporté II c L m lt ») ; Du Bellay, Correspondance,
t. I p. 238 (« Sapin s’en est fuy avec deux cens soixante mil francz »). En 1528, Michel Menant,
trésorier de la marine de Bretagne, disparaît avec, « disait-on », 40 000 lt : Bourgeois de Paris,
Journal, p. 375.
82. A.N. JJ 246 f° 52.
83. O.R.F., t. VI p. 198 (4-11-1531).
84. B.N. fr 3001 f° 45 v° (2-4-1530) : le roi à Montmorency et Tournon. Le 10 avril, un mémoire
reprend les mêmes formules : « Quant aux recepveurs généraulx […] s’ilz ont failly de fournir
depuis ce qu’ilz dévoient, led seigneur y pourveoyra et les fera pugnir de sorte que ce sera
exemple perpétuelle en l’advenir à tous autres » : ibid., f° 60.
85. A.N. JJ 246 f° 52. Sapin a été trésorier et receveur général du connétable de Bourbon : A.N.
M.C. CXXII 11 (28/29-3-1523).
86. B.N. fr 3031 f° 47. Un exemple d’assignation touchée, celle de la comtesse de Carpi. A
François de Dinteville qui proteste en son nom, Jean du Bellay répond qu’il « a fallu faire
nouveaulx estatz et recepveurs, mais sa partie demeurera intacte » : Du Bellay, Correspondance, t. I
p. 238.
318
87. O.R.F., t. VI p. 198 : défense aux receveurs généraux de recevoir « aucungz deniers de leurs
dictes receptes généralles » tant que leur situation ne sera pas éclaircie et interdiction aux
receveurs particuliers de leur envoyer des fonds.
88. L’idée d’une contrainte par suspension d’office pour venir compter, classique, se trouve déjà
dans un règlement de 1454 : Jacqueton, Documents, p. 88 (article 48).
89. Ce qui n’est pas sans étonner puisqu’une décision du conseil du 11 juin 1510 établissait
précisément les tarifs des cautions des comptables : Jacqueton, Documents, p. 150. Il faut croire
qu’elle était mal appliquée.
90. On peut s’interroger avec Jacqueton (Épargne, 2e partie p. 6 note 2) pour savoir si un texte
spécifique a été émis qui parle clairement de suspension. Un tel document ne me paraît pas
nécessaire. Aux yeux du pouvoir politique, la décision du 4 novembre remplit cette fonction. Le
23 novembre, Duprat écrit à Montmorency : « Au demeurant, vous scavez la suspension des
recepveurs gênéraulx » : B.N. fr 3031 f° 47.
91. O.R.F., t. VI p. 225-226.
92. AD. Loire-Atlantique B 52 f° 26.
93. B.N. Dupuy 623 f° 33.
94. Le Maçon en Bourgogne, Bonacorsi en Provence et Pierre Faure en Picardie continuent en
effet à jouer un rôle comptable en 1532 : B.N. fr 15630 f° 5, 11 et 18. Aucun commis n’est en place
en 1532 pour ces trois recettes. Si des commis, Noblet pour la Bourgogne ou Saimbault pour la
Picardie, versent des fonds au titre de 1532, cela se passe très avant dans l’année 1533 et cela
porte sur les restes ou les plus-valeurs à cette date : ibid., f° 32 et 33. Voir aussi pour Le Maçon
l’étrange mandement du 7-6-1533 par lequel le roi demande à la Chambre des comptes de
Bourgogne de le laisser exercer son office : C.A.F., t. VII n° 24138. Il doit toucher ses gages pour
cette année-là : C.A.F., t. VII n° 24274 (5-12-1536).
95. O.R.F., t. VI p. 294. D’autres suspensions suivront : celle de Laguette aux finances
extraordinaires et Parties casuelles sans doute en 1533, celle de Godet à l’Extraordinaire des
guerres en 1534.
96. C.A.F., t. II n° 5255 (16-1-1533).
97. Présentation d’ensemble des commis dans O.R.F., t. VI p. 298-299.
98. C.A.F., t. II n° 5292 à 5300 (20-1-1533). Les robins de Languedoïl ne touchent que 240 lt, mais
ceux de Dauphiné et Languedoc en obtiennent 360.
99. O.R.F., t. VII p. 174-177 (31-12-1534) et p. 260-263 (23-8-1535). Voir aussi une déclaration
portant règlement sur leurs gages le 1-4-1536 : C.A.F., t. III n° 8391.
100. C.A.F., t. VII n° 24136 et 24142.
101. Exemple en 1534 : C.A.F., t. VI n° 20672-20677.
102. C.A.F., t. VII n° 24164 (15-1-1534) ; O.R.F., t. IX p. 266 note 2.
103. Allusion in A.N. J 968, 15/26 (15-8-1536). Il s’agit de Louis de Rabodanges.
104. A.N. J 967, 7/14 : les robins sont Guillaume Abot, en charge de la Picardie, Anthoine Hellin et
Pons Brandon qui se partagent la Languedoïl.
105. O.R.F., t. IX p. 266. Voir aussi C.A.F., t. III n° 10585 et t. VI n° 21565.
106. Rétablissement d’Hugues Malras en Guyenne le 27-5-1534 : C.A.F. t. VI n° 20746. La décision
est sans doute rapportée dans l’année qui suit.
107. Le Maçon est d’abord rétabli dans le cadre d’une commission annuelle, le 26-12-1538, pour
1539 : A.D. Côte d’Or, B 1851 f° 5 v°. Mais sa position, on l’a vu, a toujours été un peu particulière.
108. A.N. M.C. VIII 180 (6-6-1540).
109. Isambert, Recueil, t. 12 p. 806.
110. O.R.F., t. III p. 309 et 319.
111. Jacqueton, Épargne, 2 e partie, p. 1 note 2. Pour le développement sur le trésor du Louvre, je
renvoie une fois pour toutes à cet article.
112. B.N. fr 3048 f° 131 (12 mars).
319
137. Isambert, Recueil, t. 12 p. 905-906 (article 8). Ils doivent chevaucher leur circonscription
« une fois l’an en personne […] sans qu’ils se puissent excuser à faire lesdites chevauchées pour
autre cause et occasion que de maladie ».
138. Pour les de Tours : AD. Loire-Atlantique B 24 f° 111 v° (23-4-1518) et C.A.F., t. V n° 18762
(23-8-1526). Nombreuses mentions dans les années trente pour Main qui est aussi commis au
paiement des mortes paies du duché : ibid., t. II n° 4589, t. III n° 8982… Sur la trésorerie des
guerres sous les ducs, Kerhervé, État breton, p. 315-332.
139. Mirot, Dom Bévy, p. 302-303 et 360.
140. B.N. Carrés d’Hozier 197 p. 125 v°.
141. Spont, Semblançay, p. 65 note 5.
142. O.R.F., t. VII p. 91 et p. 107. Les gages des payeurs d’abord établis à 400 It pour 100 lances
passent dès février à 450 lt pour les compagnies de plus de 50 lances et 225 It pour celles de 50
lances et moins.
143. B.N. fr 4523 f° 46.
144. C.A.F., t. VIII nos 31416 à 31458.
145. B.N. fr 3044 f° 93 et sq ; A.N. J 968, 15/20.
146. A.N. P 2307 p. 27 (mars 1543).
147. Un Nicolas Heroet, qui est sans doute son frère, est un temps payeur de la compagnie du
comte de Saint-Aignan, avant de résigner pour Michel Regnault : C.A.F., t. VIII n° 31457 ; A.N. M.C.
III 16 [dos d’un acte du 10-4-1539, daté du 1 1-12 (1538 ou 1539 sd)].
148. Borrelli, Recherches, t. III p. 242
149. Auton, Chroniques, t. IV p. 243.
150. Spont, Semblançay, p. 68 note 5 ; L. et S. n° 305.
151. B.N. fr4523 f°49.
152. Un seul document gênant fait allusion en février 1519 à un commis à l’Extraordinaire des
guerres « delà les Monts » : Legohérel, Marine, p. 31. Mais il se réfère à une situation passée. Un
certain flou règne parfois aussi pour les payements aux Suisses, le commis à l’Extraordinaire
faisant parfois office de trésorier des Ligues. Il est vrai que cette dernière charge est aussi en voie
de stabilisation. La famille Morelet y est là encore pour beaucoup.
153. Jehan Godet évoque « les grandz fraiz qu’[il a] porté […] tant au prest qu’[il fit] au Roy
entrant en l’extraordinaire que en l’achapt dud. office » : A.N. J 967, 9/2 [13-3-(1536 ?)]. Le mot
d’office est ici mal venu. Tenir par commission n’empêche en rien la vénalité privée : voir le cas
plus tardif de la recette générale du clergé : Michaud, Eglise, p. 255 et 278.
154. La certitude qu’il est poursuivi pour sa gestion vers 1536 (A.N. J 967, 9/2), l’hésitation des
sources à partir de cette date sur sa titulature, les minutes de la Cour des aides le citant
alternativement pour la même affaire comme trésorier de l’Extraordinaire ou, pour la première
fois le 27 mars 1534, comme receveur de Châlons (A.N. Z la 59 f° 291, 435 et 568 v°), enfin un
compte de l’Extraordinaire qui se termine le 14 mai 1534 (B.N. fr 4523 f° 50). Y a-t-il un lien avec
la suppression des trésoriers de l’Ordinaire au début de janvier ?
155. B.N. fr 2963 f° 60 ; Du Bellay, Mémoires, t. III p. 40 et note 2.
156. B.N. fr 5125 f° 9 (13-10-1536).
157. A.N. J 965, 8/18, 9/10 et 9/12.
158. Les dernières mentions sont de janvier : A.N. M.C. XIX 151 (8 et 23-1-1539). Un compte de
l’Extraordinaire s’interrompt précisément le 23 janvier, qui est sûrement le sien : B.N. fr 4523 f
° 50.
159. A.N. M.C. XIX 163 (1-6-1543). Cette campagne fait l’objet d’un compte spécifique, pour le
deuxième semestre de 1542, dans B.N. fr 4523 f° 50.
160. Isambert, Recueil, t. 12 p. 804.
161. Dernière mention connue : A.N. M.C. III 28 (10-1-1544).
162. B.N. fr 26130 n° 2600.
321
commission ne pourra pas estre si tost exécutée, d’autant que par ung mesme moyen entendons
faire veoir le fons de noz recepveurs généraulx » : O.R.F., t. IV p. 33 (9-7-1524). L’incapacité à
régler le sort des officiers de haut rang a sans doute réduit ce projet de contrôle local à un vœu
pieux. Notons à la même époque la mise sur pied d’une commission pour traquer les exemptions
frauduleuses d’impositions que certains roturiers tentent d’obtenir, ce qui correspond à un autre
type de « recherche des finances » : C.A.F., t. I n° 1892 (2-9-1523)
224. Sur l’ensemble de la procédure, bien étudiée, voir Spont, Semblançay, p. 208-228.
225. Doucet, Parlement 1515-1525, p. 192 qui se base sur B.N. fr 2940 f° 14 v° -15 v°.
226. Voir le quitus obtenu deux siècles plus tôt par Enguerran de Marigny dans les conditions les
plus défavorables : Favier, Marigny, p. 205-207.
227. Clément, Trois drames, p. 188. Ce passage semble d’ailleurs indiquer que Meigret représente
les intérêts des deux personnages à la fois. Que devient alors Rappouel ? Meigret est-il ici son
porte-parole ? C’est peu probable pour une affaire de cette importance.
228. Il s’agit des Montils-sous Blois. La commission y siège à partir de juin 1524, à proximité de la
cour : Spont, Semblançay, p. 211.
229. A.N. J 966, 13/4. Cité par Spont, Semblançay, p. 242 note 2.
230. Bourgeois de Paris, Journal, p. 196. En réponse à cet appel, le procureur de Semblançay en
fait autant, tanquam a minima.
231. B.N. fr 2965 f° 19.
232. C.A.F., t. III n° 8006, 8446 et 8674 ; B.N. fr 25721 n° 465 et Dupuy 623 F 14-15.
233. B.N. Dupuy 623 F 8.
234. Sur la reprise en main financière et comptable de la fin des années trente, voir Kerhervé,
État breton, p. 853.
235. A.D. Loire-Atlantique B 51 f° 190 ; C.A.F., t. V n° 17888 et 18122, t. VII n° 25885.
236. Spont, Semblançay, p. 235-264.
237. Bourgeois de Paris, Journal p. 303. Outre Semblançay, il y a toute une série d’arrestations :
Robert Albisse, Jehan Prévost, Jehan Guéret, Guillaume de Frain, Jehan Ruzé. receveur général et
son cousin et homonyme, avocat du roi au Parlement.
238. Voir l’allusion erronée qu’y fait Spont, Semblançay, p. 244 note 2.
239. Spont, Documents, p. 324-333.
240. O.R.F., t. V p. 58-61.
241. Encore n’est-on pas sûr du tout que les deux partants aient jamais siégé.
242. A.N. Y 8 f° 225 v°. A cette occasion, Clément, Trois drames, p. 197 parle par erreur de
réduction à huit membres de la commission et Spont reprend son propos. C’est sans doute en
suivant Clément de trop près que Spont, peu coutumier du fait, multiplie les bévues. On a
d’ailleurs l’impression que ce chapitre est un peu bâclé.
243. Spont parle par inadvertance du lundi 11 août.
244. A.N. Y 8 f° 226 v° -227. Cet élément a été déjà mis en avant par Clément-Simon, De Selve, p. 63.
245. C’est d’ailleurs ce qu’écrit le Bourgeois de Paris, Journal, p. 304.
246. Versoris, Livre de raison, p. 199.
247. Guifrey (éd), Cronique, p. 60 écrit à la date du 9 août : « Survindrent quelques nouvelles,
parquoy l’exécution fut retardée ». S’agit-il seulement de l’appel ?
248. Favier. Marigny, p. 206-207, 209 et 214.
249. Guillot, Procès de Jacques Cœur, p. 30-32 et 54-55.
250. Dessert, Fouquet, p. 243 et sq.
251. Ce qui n’exclut pas totalement, à l’intérieur des actes, quelques allusions à des pratiques
illégales, comme les deniers « billonez » évoqués le 28-12-1523 : O.R.F, t. III p. 319-320. Voir aussi
comme élément antérieur ( ?) à 1525, mais à caractère privé, la célèbre formule du Journal de
Louis e de Savoie, p. 90.
252. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 106-107.
324
285. Tournon, Correspondance, n° 289 et 296. Voir A.N. J 993, 8/20. L’abbé Melchior (ou Marchion)
Bourgarel, un Piémontais, a déjà été évoqué comme munitionnaire et comme fermier en Italie du
Nord.
286. La Gibonais, Chambre des comptes de Bretagne, t. 1, 2 e partie, p. 1. Est-ce une application de
l’ordonnance pour informer sur les extorsions des receveurs et de leurs commis promulguée le 1
er juin précédent ? Voir O.R.F., t. VI p. 244.
287. Si, aux yeux des Bretons, il s’agit bien d’un parlement, pour les juristes français, il ne s’agit
que de « Grands Jours ». Par commodité, j’emploie le terme de parlement. En 1532 d’ailleurs, les
deux parties transigent sur l’appellation de « Grands Jours ou parlement ».
288. C.A.F., t. VII n° 28338. Une commission bretonne a produit un rapport qui est conservé : A.N.
J 818 n° 2. Contrairement à ce qu’écrit Kerhervé, État breton, p. 853 note 338, il est quasi sûr qu’il
ne s’agit pas d’une commission de 1537 placée sous la direction du général Bullioud. Les cas
précis évoqués (Jehan de Lespinay, Jehan de la Forge, receveur général de Picardie) concernent la
période 1524-1525. Il peut s’agir soit de la commission Le Rouge-Minut, soit d’une éventuelle
commission antérieure, datant des années 1525-1526.
289. La Gibonais, Chambre des comptes de Bretagne, t. 1, 2 e partie, p. 1-2.
290. A.N. J 968, 3/1.
291. A.N. J 967, 7/4 ; B.N. Dupuy 623 f° 3 v°, 37-39.
292. Voir par exemple A.N. J 967, 7/1 (grenier de Paris), 25/3 et 25/15 (réforme des greniers, dont
Orléans) et 37 (gabelle à Angers).
293. A.N. J 967, 44/1 [l7-4-(1538)].
294. A.N. M.C. XIX 91 (30-3-1547). La recette des fonds est faite par Nicolas Hardy, cité dès le
6 septembre 1543 comme commis à la recette (et dépense) des arrêts sur le sel : ibid., XIX 86.
295. C.A.F., t. IV n° 13431. Pierre Perlin, marchand bourgeois de Paris, est au début des années
vingt un personnage important du monde du fournissement du sel dans l’Outre-Seine et la
Bourgogne : A.N. XIX 49 pour le fournissement des greniers de Gien (27-4-1520), de Vézelay
(19-5-1520), de Bourbon-Lancy (30-4-1520) ; sur ce dernier grenier, voir aussi VIII 40
(17-12-1523) ; A.N. XIX 54 (4-11-1522) pour les greniers de Lagny-sur-Marne, Nemours et
Étampes.
296. C.A.F., t. VI n° 22690 (29-10-1543). Même si la Chambre d’Anjou n’est pas ici mentionnée, on
ne peut manquer de faire le rapprochement.
297. C.A.F., t. IV n° 12963 (5-4-1543).
298. C.A.H., t. II n° 2463.
299. A.N. M.C. XIX 199 (29-11-1555). Voir aussi XIX 86 (30-6-1543).
300. Ibid., XIX 176 (13-11-1548).
301. A.N. Xla 8621 f° 74 et sq, en particulier f° 77 v°.
302. A.N. M.C. LXXXVI 99 (I.A.D. Bohier, 23-3-1566) n° 1412 (1-5-1557).
303. A.N. PP 99 p. 98.
304. Il faut prendre garde au fait que Jehan Brinon, auditeur puis maître des comptes, présent en
1517 et 1523, est un cousin et homonyme du premier président au Parlement de Rouen, qui siège
en 1527 au procès de Semblançay. Voir L. et S., t. II, tableau XXIII, à compléter par A.N. M.C. XIX
48 (31-5-1519).
305. A.N. KK 338 f° 34-50.
306. Ibid., f° 36 v° -39.
307. Ibid., f° 35, 36, 44 v° et 46.
308. Ibid., f° 44, 46 et 50.
309. A.N. J 958 n° 9 : allusion à lui comme commissaire de la Tour Carrée en 1535. Y ajouter peut-
être Durant de Sarta, conseiller au Parlement de Toulouse, qui siège du 3-8-1535 au 12-2-1536 :
C.A.F., t. III n° 8336 et 8397. Sarta a pris part par ailleurs à la réformation de la justice en
Provence : ibid., n° 8085 et 8337.
326
332. C.A.F., t. IV n° 13329 (renouvellement de la commission sur le sel) et 13566 (son office de
président aux enquêtes passe à Jacques Spifame). Comme conseiller clerc, il est remplacé par J.
Anjorrant : ibid., t. VII n° 26104.
333. Campardon et Tuetey, Insinuations, n° 1267 (25-2-1544).
334. A.N. M.C. VI 68 (Inv. Morelet, avril 1544) n° 597, 616, 621 et 632 : pièces « demourées en la
possession du feu président Caillault [qui ont] esté portées en la chambre des comptes après le
décez dud. Caillault ».
335. Outre les correspondances de B.N. Dupuy 623, il est probable que l’ensemble des documents
rassemblés en A.N. J 958 l’a été pour le chancelier par Caillaud. Les procédures dont il dit
s’occuper en Dupuy 623 sont précisément celles dont on a trace en J 958.
336. Spont, Semblançay, p. 144.
337. Celle-ci abrite au moins depuis 1520 la commission mixte qui se réunit en cas de litige de
juridiction entre le Parlement et la Chambre des comptes : O.R.F., t. II p. 688-689 (décembre 1520).
338. Spont, Semblançay p. 229 ; A.N. M.C. CXXII 11 (29-3-1523).
339. Saint-Vallier, l’un des complices du connétable de Bourbon est condamné, d’après Guiffrey,
Cronique, p. 37, par des commissaires à la Tour Carrée. Or on est en 1524. Y a-t-il erreur de la
source ou n’est-ce pas tout simplement que cette localisation est traditionnelle pour les
commissions extraordinaires ?
340. B.N. fr 17527 f° 187 v° ; P.O. 79 (Apestigny) n° 8 (20-7-1534) ; A.N. M.C. XIX 81 (6-9-1539).
341. De même qu’il est probable que certaines activités sont « décentralisées ». Sans parler des
enquêtes en province, bien des procédures doivent avoir lieu à Paris chez des particuliers, à
l’image de l’interrogatoire que le président Le Viste fait effectuer chez lui, dans le cadre de
l’affaire Bourbon ; B.N. fr 5109 f° 446.
342. A.N. J 963, 32 ; B.N. fr 11969 f° 377 v° : le document, tardif, ne précise pas si cette garde prend
effet pendant la durée de fonctionnement de la commission ou ensuite seulement. Les greffiers
Bordel ou du Tillet jouent sûrement un rôle en ce domaine.
343. A.N. KK 338 f° 55, 59 v° et 62 v°.
344. B.N. Dupuy 623 f° 88.
345. A.N. KK 338 f° 60. On le découvre aussi chargé de la vente des meubles de Jehan Sapin : A.N.
M.C. CXXII 1123 (2-12-1536).
346. A.N. J 967, 18/3.
347. Guillaume Duval pour Ravier, Anthoine Sartin pour Minut et Jehan Goret pour du Bourg :
A.N. KK 338 f° 47, 48, 54, 68 et 70 v°.
348. A.N. M.C. LIV 7 (Inv. Morelet, 12-4-1532) n° 20-21 ; XIX 146 (9-2-1534).
349. O.R.F, t. VI p. 5 et 194 ; C.A.F., t. II n° 6128.
350. B.N. Dupuy 623 f° 10 v°. Même remarque dans O.R.F., t. IX p. 10 : « Pour la difficulté de vous
assembler pour l’occupation que avez respectivement pour l’exercice de voz offices ».
351. Ibid., f° 14 v° 15.
352. A.N. KK 338 f° 41 v° et 43 v°.
353. A.N. M.C. XIX 199 (29-11-1555).
354. A.N. M.C. LXXXVI 99 (I.A.D. Bohier, 23-3-1566) n° 237 ; B.N. Dupuy 623 f° 33.
355. B.N. Dupuy 623 f° 85.
356. C.A.F., t. VIII n° 30828.
357. B.N. fr 15632 n° 488 (9-7-1535).
358. Anthoine du Bourg pour Semblançay, Jehan Ravier pour René Thizart, Charles de la Mothe
pour Michel Menant : A.N. KK 338 f° 35 v°, 37 v° et 46 v°, ou Jacques Boulard pour Ruzé ; B.N.
Dupuy 623 f° 29.
359. A.N. M.C. XIX 70 [27-10-1531 (1540 par erreur)] ; B.N. P.O. 2246 (Pestegny) dossier 50929 n° 8
(8-6-1534).
360. A.N. J 958 n° 18 (au 25-6-1525).
328
Chapitre V
Le contrôle des finances : un enjeu
politique
4 Deux remarques préalables s’imposent. Tout d’abord, l’attention se concentre ici sur le
collège des généraux des finances et, accessoirement, celui des trésoriers de France :
« Messieurs des finances », ce sont eux. Ensuite, une part importante de la documentation
qui sert à étayer ce paragraphe provient du temps des poursuites. Elle apparaît alors
doublement biaisée pour notre propos : par certains des accusés d’une part, qui cherchent
à se dédouaner et à déplacer les responsabilités, par l’accusation elle-même d’autre part,
lorsqu’elle avance des éléments peut-être infondés et des faits parfois difficiles à vérifier.
L’utilisation rétrospective des sources est donc ici spécialement délicate et comporte des
risques qu’il ne faut pas négliger.
5 Un faisceau d’éléments se dégage cependant, qui tend à mettre en évidence l’importance
de ces grands officiers au début du XVIe siècle, importance telle qu’elle paraît pouvoir
leur donner prise sur la décision politique au plus haut niveau. Au sein du collège des
ordonnateurs, les divers membres disposent d’une compétence qui ne se limite pas à leur
seule circonscription d’exercice. Même si trésoriers et généraux ont « plus grand esgard
en ung lieu que en l’aultre », ils sont « ordonnez sur toutes icelles finances » et ont
« regard partout »1. Certains historiens n’hésitent pas à parler de « surintendance
collective » du groupe sur l’ensemble des revenus de la monarchie2. En théorie, le
président de cette sorte de commission des finances est le général de Lan-guedoïl. Dans
les faits, la répartition de l’autorité dépend du prestige respectif des divers titulaires. Le
jeune général de Languedoïl Guillaume de Beaune, dont le principal titre à faire partie du
collège est d’être le fils de son père, affirme que, lors des délibérations, il se gouverne sur
ses aînés, « signant aucunes fois après eulx sans regarder que s’estoit » 3. Certes, il s’agit de
se justifier au temps des poursuites, mais la chose en soi n’a rien d’étonnant : il est sûr
que face à Thomas Bohier ou Jaques Hurault, en 1516 ou 1518, son avis compte peu.
6 Le poids d’ensemble du groupe paraît aller croissant. Un exemple local tend à montrer
qu’il s’agit d’une volonté délibérée. Comme général de Languedoc, Semblançay lutte sous
Charles VIII contre le visiteur général des gabelles pour asseoir son autorité sur le trafic
du sel et faire « augmenter et croistre les droits dudit office de général et le prouffit et
authorité » de la charge. Or, après l’arrivée de Louis XII sur le trône, Semblançay parvient
à réaliser l’essentiel de son objectif4. Mais c’est sans doute avec le système du crédit, au
sein duquel les généraux tiennent de plus en plus de place, que l’on mesure le mieux le
phénomène. Lors de l’affaire du prêt de Duprat en 1505, qui consulte-t-on ? Les généraux.
Qui demande à Duprat de prêter ? Les généraux. Qui avance les fonds à Duprat ? Encore
eux. Qui prend ensuite en charge l’organisation du remboursement ? Toujours eux5. Et on
sait le rôle qu’ils jouent dans les relations avec les marchands-banquiers lyonnais. En fait,
beaucoup les soupçonnent d’avoir la haute main sur tout l’appareil financier de la
monarchie. Eux qui ne sont pas comptables sont accusés, conjointement avec
Semblançay, d’avoir « levé et receu par chacun an tous les deniers de [leurs] charge[s] ou
la pluspart »6. De plus, le collège des généraux connaît une certaine expansion. À
condition d’admettre que certains de ceux qui abandonnent leur office conservent une
activité financière, ce qui n’est guère douteux. Le relais en Languedoïl entre Semblançay
333
et son fils en 1516 ne met évidemment pas le père sur la touche. En septembre 1522,
Henri Bohier abandonne le Languedoc à Jehan de Poncher. Cependant, en tant que bailli
de Maçon et sénéchal de Lyon, il continue apparemment à jouer un rôle, en particulier
sur le marché du crédit. Enfin, en novembre suivant, Raoul Hurault divise son généralat,
conservant la Bourgogne, outre le comté de Blois, et cédant l’Outre-Seine à Morelet de
Museau. Ainsi le groupe s’étoffe-t-il.
7 Or, parallèlement, « Messieurs des finances » sont aussi accusés d’avoir multiplié les
commissions financières extraordinaires, « pour pourvoir leurs parens, affins et
serviteurs »7. C’est l’hydre du clan familial proliférant, constitué par les grands officiers et
leurs fidèles, qui est ici dénoncée. Il est vrai que l’accusation a de quoi être étayée. En
1523, Semblançay est en effet le père du général de Languedoïl, le beau-père de celui de
Bourgogne, le grand-oncle de celui de Languedoc, et l’oncle par alliance de celui de
Normandie. On pourrait multiplier les liens, en évoquant tous ceux qui sont tissés par la
famille Briçonnet. La mère de Jehan de Poncher et l’épouse de Thomas Bohier en font
partie, tout comme la femme de Morelet de Museau ou celle du trésorier de France Pierre
Legendre.
8 Il est vrai qu’une telle tendance est commune à tous les corps d’officiers, voire à la
plupart des milieux professionnels. Mais, ici, l’enjeu est exceptionnel car « Messieurs des
finances » donnent l’impression de former une véritable puissance avec laquelle il faut
compter. Vus d’en bas, les « généraulx des finances, et qui avoient toute puissance sur le
fait d’icelles », sont des personnages auxquels on ne désobéit pas, même lorsque leurs
initiatives financières vont à rencontre des prescriptions de l’État général des finances8.
Au sommet, une règle est établie le 2 décembre 1484 : « Les requestes que seront
doresnavant présentées au Conseil qui seront deppendans ou toucheront fait de finance,
seront envoyez aux trésoriers ou généraulx des finances, selon que à chascun la matière
pourra toucher et appartenir »9. Le roi Charles VIII croit devoir apporter cette précision
au sujet de fonds qui lui auraient été fournis comptants : « Ne commanda jamais
depescher lesditz acquictz [pour les obtenir], sinon qu’il eust premièrement esté délibéré
et advisé par les généraulx qu’il se devoit ainsi faire ». Ce sont eux en effet qui ont été
« inventifs desditz acquicts »10. Lorsqu’en avril 1516 François Ier met sur pied une crue de
taille, il la justifie par la hausse des dépenses et ajoute : « Quelques retranchemens et
recullemens que ayons faitz sur toutes les parties de nostre estât, où nous avons vacqué
par plusieurs journées avec les gens de noz finances »11. Ce sont donc semble-t-il
« Messieurs des finances » qui ont secondé le roi dans sa tâche, et non le Conseil.
9 Les rapports du collège des ordonnateurs avec cette dernière instance constituent
évidemment le cœur du problème. Sous Charles VIII et Louis XII, les grands officiers de
finance sont largement présents au Conseil du roi, y compris lorqu’il est question de
matières non financières, comme en témoignent leurs signatures relevées par Mikhael
Harsgor12. Pour les généraux qui poursuivent leur carrière sous le règne de François Ier,
on relève ainsi dix-sept mentions de Jacques Hurault, neuf de Semblançay, cinq de
Thomas Bohier, ainsi que seize du trésorier de France Florimond Robertet. Mais il est
beaucoup d’autres séances où se marque leur présence « en corps » : les documents
évoquent douze fois « les généraux », trois fois « les trésoriers de France » et six fois les
« gens de finance ». Ce dernier point montre bien qu’il ne s’agit pas seulement d’une
reconnaissance individuelle, telle qu’elle se manifeste par exemple sous Louis XII pour
Robertet.
334
10 Sur les relations entre grands officiers de finance et Conseil, l’approche des historiens est
souvent embarrassée. A preuve les propos d’Alfred Spont à quelques pages d’intervalle.
Les généraux apparaissent comme des auxiliaires qui « ne se réunissent que sur l’avis du
Conseil privé ». Mais ces techniciens sont en même temps des partenaires indispensables
et, en matière de finance, « le Conseil ne peut rien faire sans eux ». Allant plus loin, Spont
voit même dans les généraux un « quatuorvirat » rival du Conseil du roi13. De fait, les
généraux se réunissent hors des séances de ce dernier en un conseil spécifique où est
discuté tout ce qui a trait aux finances14. Pour la mise sur pied de l’État général, leur
« comité » joue donc un rôle essentiel. C’est le cas à la fin de décembre 1516, lorsque le roi
envoie Semblançay à Tours « en la compaignie de MM. les généraulx, pour estre avec eulx
à son affaire pour Testât et incontinant le luy porter à Romorantin ». Même si l’État
général doit être arrêté en Conseil, l’intervention de celui-ci a dû être des plus brèves, car
les états particuliers sont envoyés dès le milieu de janvier aux divers généraux, qui se
sont entre temps séparés15. Le comité des ordonnateurs a visiblement fait l’essentiel du
travail pour ce document qui engage fortement la politique royale.
11 On peut soutenir avec Michel Antoine que « le monarque n’avait pas voulu, au-dessous de
lui, une monarchie financière. Il lui préférait une double oligarchie ». Est-ce dans l’espoir
de diviser sinon pour régner, du moins pour limiter les pouvoirs de chacun et pour
arbitrer ? Il n’en reste pas moins que les propos de Maurice Rey pour le règne de Charles
VI conservent au début du XVIe siècle une grande actualité : « Dans le désir qui le
tenaillait de faire rentrer en hâte les sommes qui lui manquaient alors, le gouvernement
royal ne cédait-il pas trop à la légère à la tentation de s’en reposer sur quelques hommes
peu nombreux, mais mieux que personne au courant de ce qui se passait ? »16. Reste à
analyser comment les cercles dirigeants ressentent cette situation. Les remarques de
Charles du Lys, quoique largement postérieures, nous en donnent peut-être un aperçu.
Les généraux, maîtres des finances « extraordinaires » en un temps où le domaine ne
compte plus guère, « avoient de grandes occupations, puissances et authoritez, manians
seuls un si grand revenu, le plus beau et quasi le total de toute la France. Ce qui les fit
grandement envier, et entreprendre sur eux souz prétexte de les soulager »17.
12 Certes il est facile de nuancer le tableau qui vient d’être dressé et qui fait de Messieurs des
finances une puissance. Bien des arguments sont disponibles, dont le moindre, on le
retrouvera, n’est pas leur fragilité financière. Le collège perd aussi beaucoup de sa
cohérence quand on sait qu’il est la plupart du temps dispersé aux armées et aux quatre
coins du royaume. On mesure les limites de l’autonomie quand on voit Semblançay
affirmer que, pour passer un marché de munition, « n’en a jamais voulu faire conclusion
sans premier en advertir le conseil du Roy ou le maître de l’artillerie »18. Mais qu’importe :
au plus haut niveau, au début des années vingt, l’idée fait son chemin que, devant la
monopolisation par une étroite coterie des fonds et de l’information financière, il n’est
plus guère possible de savoir la vérité, voire de garder prise sur la politique financière. En
septembre 1521, Bonnivet se croit obligé d’envoyer lui-même au roi un état détaillé de sa
situation financière, « pour ce que je croys que MM. de voz finances delà vous donnent à
entendre qu’ilz m’ont satisfait à tout ce qui m’est nécessaire ». Touchant le Milanais, deux
mois plus tard, Louise de Savoie ne sait plus que croire, et les assurances de Semblançay
ne lui suffisent plus : « Sans faire que ceulx des finances qui sont par-delà s’entre
entendent avec led de Samblançay, il seroit impossible d’y congnoistre et savoir ce qu’il y
fault faire, et pource fault-il que ils dient ouvertement ce qui leur a esté fourny et ce qui
reste »19. Convaincu que « Messieurs des finances » mentent, Bonnivet déclare en octobre
335
1522 à Montmorency qu’il préférerait être « passé par les picques » plutôt que d’avoir
affaire à eux20. Un an plus tard, le Bâtard de Savoie évoque dans une lettre, également
destinée à Montmorency, une somme de cent mille lt qui doit parvenir à l’armée d’Italie.
Il prend alors bien soin de préciser : « Si ce que l’on a dit au Roy est véritable », et
d’ajouter : « On a derechef asseuré led sgr qu’elle a esté envoyé ». L’insistance est à mon
sens révélatrice des préventions des conseillers du roi. Au début de janvier 1524, le
propos est encore plus net. Il concerne les trésoriers des guerres : « Il me déplaist de la
faulte des promesses aultant que à personne qui vyve, mais vous congnoissez les gens à
qui l’on a affaire. Et soyez seur que, des promesses qu’ilz ont faictes […], l’on fera tel
devoir de les solliciter qu’ilz seront comme contraincts de non y faillir »21. Ce florilège
témoigne clairement de l’érosion de la confiance. La suspicion s’étend en fait, au-delà du
collège des généraux, à tout le monde de la finance. Pour les proches du pouvoir, le risque
de manipulation par les spécialistes paraît réel : il devient urgent de redresser la barre.
13 Indissolublement lié aux ordonnateurs dont il ne se sépare légalement qu’en 1516, après
plus de vingt ans de généralat, Jacques de Beaune, bientôt baron de Semblançay, ne peut
cependant être réduit au rang de simple membre de ce groupe. Son cas, à la fois
spécifique et emblématique, mérite un développement particulier. Il est en effet le plus
beau fleuron de l’oligarchie urbaine des villes du Val de Loire, et singulièrement de Tours
si bien étudiée par Bernard Chevalier. Il a su, avec habileté et grâce à un exceptionnel
réseau d’alliances et de relations sociales, négocier en douceur le passage de Charles VIII à
Louis XII et celui, plus délicat encore, de Louis XII à François Ier. Dans les deux cas, la
continuité est fournie par les femmes. La reine Anne tout d’abord, que sert Semblançay.
Puis Louise de Savoie, le tourangeau réussissant le tour de force de rester en grâce auprès
de la première tout en obtenant les faveurs de la seconde. Or, on le sait, ces deux dames
n’avaient l’une pour l’autre qu’une affection très modérée.
14 Semblançay est finalement investi d’une confiance qui dépasse celle qui est
habituellement accordée aux officiers dans l’exercice de leurs tâches professionnelles. Si
son « pouvoir » de 1518 n’en fait pas, en titre, un surintendant, s’il doit compter avec les
puissantes personnalités qui l’épaulent au sein du groupe des généraux, l’estimer
surintendant de facto, le considérer comme l’homme qui « exerc[e] en fait […] la direction
suprême » des finances, de 1518 à 1523 ne paraît pas exagéré22. À condition bien sûr de ne
pas oublier les exigences de la collégialité et la tutelle du Conseil. Semblançay n’est pas un
réformateur. On peut lui appliquer la réflexion de Maurice Rey à propos de Pierre des
Essarts : « Il ne s’est jamais soucié durant son long stage dans les finances d’améliorer les
méthodes imparfaites de son époque ». Ou celle de Daniel Dessert au sujet de Fouquet : « Il
connaît admirablement les composantes du système fisco-financier […], système qu’il n’a
jamais prétendu vouloir réformer mais dont il sait tirer le meilleur parti »23. Semblançay
lui aussi sait jouer de toutes les ressources que lui offre un outil « imparfait ».
15 Cependant, ses fonctions officielles nous révèlent-elle l’essentiel de ce qui fonde sa
position ? Cela n’est pas certain. Car autour de Semblançay s’est constituée une véritable
administration parallèle, qui seconde, voire oriente, l’activité des services monarchiques.
Les fonds maniés par les bureaux du tourangeau sont considérables. Son commis
Guillaume de Frain aurait brassé quatre millions de lt. Certes, il s’agit avant tout de
papiers financiers, mais, à ce niveau, cela n’a rien d’étonnant24. Semblançay entretient des
relations directes avec les responsables de l’Extraordinaire des guerres ét règle ses
336
spectaculaire, au camp du Drap d’or, il est un des six Français, outre le roi, à disposer
d’« ung pavillon de toille double tout prest, garny de pantes, franges, boys pour le dresser
et cor-daiges »33. Cependant, à ce niveau élevé de visibilité politique, Semblançay se
trouve dans une position délicate. En effet, plus il est en vue, plus il s’expose à une
éventuelle disgrâce, en raison, entre autres, de ses obligations financières et de sa
position sociale34. Plus dure sera la chute.
B. L’élimination politique
1. Le destin de Semblançay
a. L’effacement
lui devait « lui fut assigné sur les recettes générales de l’année suivante ». On ne sait trop
quelle valeur attribuer à cette précision, qu’aucun document contemporain n’étaye. Les
projets royaux d’appel de la sentence rendent improbables cette assignation. De toute
manière, la crise qui suit Pavie ne permet pas d’honorer ces (éventuels) engagements. Or,
toujours aux dires de Garnier, Semblançay s’enferre :
« La prison du roi, les désastres de l’État auroient dû sans doute l’empêcher de
solliciter trop vivement le remboursement qui lui avoit été promis, et de se plaindre
qu’on lui manquât de parole : mais, trop attaché à sa fortune, il avoit poursuivi avec
une sorte d’acharnement, ou son remboursement effectif, ou une nouvelle
assignation. Cette démarche envenimée par ses ennemis lui avoit fait tort dans
l’esprit du roi »47.
26 Cette insistance malheureuse serait donc à l’origine de son sort fatal. Cependant, le
chemin est long qui mène de la réclamation, même inopportune, de créances, même
importantes, jusqu’au gibet de Montfaucon. Il faut essayer, et c’est bien délicat, de mieux
cerner les agents et les motifs de la fin cruelle de Semblançay. Quelques éléments ténus
laissent-ils supposer qu’à partir de 1526 il se sent menacé ? C’est du moins ainsi que
Doucet interprète les « précautions pour dissimuler sa fortune » qu’il prend alors48. Mais
l’ensemble est peu convaincant. Il s’agit plutôt pour lui de faire face à ses créanciers que
d’affronter des poursuites monarchiques. Un acte royal mutilé de 1529 mentionne
« l’inventaire que ledit feu de Beaune avoit faict en son vivant de tous ses biens ». Spont
estime qu’il a été effectué en cette même année 1526, conclusion un peu hasardeuse
semble-t-il, puisque rien dans le texte n’étaye vraiment cette datation49. Mais, si elle est
recevable, Semblançay n’agit-il pas ainsi pour rassurer ses créanciers en faisant étalage
d’un patrimoine encore solide ? On ne voit guère en revanche en quoi dresser un état de
sa fortune serait un moyen de dissimuler ses biens, tout au contraire.
27 Un seul élément, à mon avis, va dans le sens de « précautions » face à d’éventuelles
poursuites royales. À la fin de 1526, Semblançay se rend à Paris alors qu’il n’y est pas
venu, d’après nos sources, depuis plus de deux ans. C’est là qu’il est arrêté. Ce
déplacement est traditionnellement mis en rapport avec les accusations de Prévost, sur
lesquelles je reviendrai plus loin50. Même si les deux éléments ne s’excluent pas, il est une
autre explication, fort simple : à la suite de la mise sur pied de la commission du
24 novembre 1526, Semblançay éprouve le besoin de venir dans la capitale pour être plus
à même de répondre à d’éventuelles accusations sur sa gestion. Son clerc Jehan Guéret
met au net à Paris en janvier 1527, juste avant l’arrestation, un cahier des propos que
Semblançay devra tenir « pour respondre aux interrogatoyres que on luy pourroit faire
sur les abbuz, désordre des finances faictz par luy ou de son temps », pour reprendre la
terminologie de ses accusateurs51. Il n’est donc pas venu dans la capitale en villégiature,
mais pour préparer sa défense.
28 L’affaire Semblançay comporte, comme il se doit, un méchant en la personne de Jehan
Prévost : ancien commis à l’Extraordinaire des guerres et général de Guyenne, très
compromis lui-même, il aurait dénoncé Semblançay pour faire oublier ses propres
malversations. Or Prévost apparaît, au moins jusqu’en 1523, comme un homme du clan
Semblançay. Ce dernier lui cède en mai 1522 sa place d’échevin de Tours. En 1523, Prévost
lui assure une couverture comptable pour lui permettre de se dérober à une nouvelle
demande d’argent de la part du roi52. Allons plus loin : le départ de Prévost de
340
l’Extraordinaire des guerres au début de 1524 n’est-il pas à mettre en lien avec la disgrâce
de Semblançay ? Spont parle en effet de « destitution » au sujet de son remplacement par
Carré. Et pourtant le même Prévost fait l’objet, dès 1525, d’une protection assidue de la
Régente, qu’on a vue à l’œuvre lors de la reddition de ses comptes. Alors que la rupture
entre Madame et Semblançay est consommée, Prévost a-t-il, dès cette date, réussi un
rétablissement qui lui assure de conserver une place dans l’appareil financier ? Là encore,
il faut prendre la mesure des choses : la disgrâce de Semblançay est relative : elle
n’empêche même pas son propre fils de rester général de Languedoïl. Rien d’étonnant
donc à ce que Prévost demeure général : il n’est pas besoin d’y voir un « marché » avec le
pouvoir. D’ailleurs, aucun comptable ne voit ses comptes clos par la commission de
janvier 1523 : en ce domaine, la « protection » dont bénéficie Prévost le ramène tout
simplement au sort commun. C’est peut-être le biais des sources qui en fait un cas
exceptionnel.
29 Cependant ses relations avec Semblançay se sont détériorées. Lors de la procédure de
1527, Jehan Guéret, serviteur du financier déchu, rapporte des propos très menaçants
tenus par Prévost, sans doute en 1526 : « Si ledit sieur de Samblançay luy faisoit eschoffer
la teste, il monstreroit qu’il le feroit bien marry et que ledit Samblançay retenoit au roi
100 000 francz ou 100 000 escuz, ne sçait lequel »53. Cet épisode appelle plusieurs
remarques. Tout d’abord l’origine du contentieux semble devoir être cherchée du côté de
Semblançay. On aimerait bien savoir ce qui risque « d’eschoffer la teste » de Prévost.
Malheureusement le document n’en dit pas plus. Est-ce à rattacher à l’arrestation de
Prévost ordonnée par le Parlement « pour estre interrogué sur aucuns poinctz
concernans le bien et utilité de ce royaume »54 ? Ensuite, la menace est proférée en petit
comité, en privé peut-on dire. Guéret tient ces propos de Françoys Becdelièvre, élu de
Tours et neveu de Semblançay. Ne s’agit-il pas là uniquement d’un signal destiné à
parvenir à ce dernier, dans le cadre d’une controverse dont tout nous échappe55 ? Peut-
être même l’essentiel du contentieux est-il entre Prévost et Becdelièvre, que l’on
découvre tous deux en procès peu après à la Cour des aides56.
30 Reste enfin la question de l’arrestation de Prévost qui se produit en même temps que celle
de Semblançay. « On disoit que c’estoit chose fainte et qu’il estoit accusateur envers le
Roy du dict de Beaulne »57. Or, j’ai essayé de le montrer, rien n’est moins sûr avant janvier
1527. D’ailleurs les commissaires, qui savent les relations passées de Prévost avec
Semblançay, ont de bonnes raisons de l’appréhender, aussi bien que d’autres de ses
proches comme le receveur général Ruzé ou Robert Albisse. Il est facile de trouver des
« traîtres », et Prévost, si on veut entrer dans cette logique, n’est pas le seul à pouvoir
jouer le rôle. Que dire en effet du cas hautement suspect de Julien Bonacorsi ? Voici un
officier qui est rappelé à l’ordre pour des pratiques financières irrégulières en 1526, qui
est ancien commis de Semblançay, qui l’héberge au moment de son arrestation, qui abrite
certains de ses papiers, qui est suspecté un peu plus tard en raison même de ses liens
passés avec le tourangeau… et qui n’est même pas arrêté en 152758 ! Le schéma du traître
correspond sans doute autant à une figure d’un récit convenu qu’à une réalité.
31 A partir du moment où le procès de Semblançay est entamé, il est clair en revanche que
Prévost tente d’utiliser ce qu’il sait pour se disculper en chargeant son co-accusé. Avec
Prévost, c’est en fait un véritable clan d’accusateurs qui se met en branle59. Bernard Fortia
avec Gabriel Miron son beau-père60, François de Campobasso et Bernard Salviati se
joignent en effet à lui. Semblançay a beau jeu de rappeler que Prévost est lui aussi gendre
de Miron, que Fortia et Salviati sont en affaires ensemble, que Salviati est allié de
341
Campobasso, lequel « a esté adhérent avec maistre Jehan Prévost, accusateur dudit de
Beaune ». Autour de Prévost, voici donc une nuée d’étrangers (Campobasso et Salviati
sont italiens, Miron, catalan, et Fortia sans doute également), à laquelle s’adjoint un autre
horsain en la personne de Robert Albisse. Ce dernier, après son arrestation, choisit
apparemment la même stratégie que Prévost. Cette présence massive des Italiens a-t-elle
une signification particulière ? Leur situation moins établie dans le royaume les rend-elle
plus sensibles à des pressions royales ? Quoi qu’il en soit, ce groupe mis à part, seuls le
prévôt de Paris Jehan de la Barre et Louise de Savoie figurent dans les chefs d’accusation
contre Semblançay. Le premier soutient que Semblançay a fait signer au roi des acquits
pour des fonds non versés et la seconde contredit l’accusé au sujet d’un don au Bâtard de
Savoie. Mais, malgré la surface sociale de ces deux derniers personnages, ce qui frappe,
c’est le faible nombre des accusateurs. Et parmi eux, Prévost est le seul officier de finance.
En effet les accusations lancées par Estienne Besnier ne prendront place qu’en 1528, après
les appels du clan Beaune contre la sentence de mort.
32 Outre Jehan Prévost et quelques autres qui cherchent à se sortir d’une situation délicate,
qui a en définitive intérêt à la perte de Semblançay ? Roger Doucet évoque toute une série
de gens qui sont, à son avis, dans ce cas61. Cette liste pose de nombreux problèmes.
Sollicitant sa créance sur le roi, Semblançay pousse les « administrateurs des finances
royales » à chercher à « se soustraire par n’importe quel procédé à cette obligation ». En
l’absence de preuve d’une assignation, on ne voit pas comment Semblançay pourrait les
inquiéter. En revanche, régler une bonne fois la question, tout en donnant satisfaction à
Madame, peut effectivement tenter le roi et son Conseil, dans une décision qui relève ici
du choix politique. Doucet ajoute que Semblançay se préoccupe aussi de se faire
rembourser par de puissants particuliers. Mais le seul cas de démarche connu concerne la
veuve de Bonnivet. Or, une fois son époux mort, lequel était d’ailleurs tenu en partie pour
responsable du désastre de Pavie, celle-ci n’a plus qu’un poids politique des plus réduits.
Les banquiers florentins associés de Semblançay seraient aussi « désireux de voir liquider
sommairement les opérations effectuées en commun ». S’ils sont ses créanciers, ils
prennent alors un gros risque : de telles poursuites, si elles aboutissent, conduiront à une
confiscation des biens par le roi, un roi qui, en ces temps difficiles, rembourse déjà bien
mal. Mais ceux parmi eux qui pourraient être ses débiteurs auraient en revanche tout
intérêt à cette opération. Or, Robert Albisse est le seul pour lequel on puisse soupçonner
cette éventualité. Il est alors moins étrange de le retrouver effectivement parmi les
accusateurs.
33 Obnubilé par les « ennemis », Doucet néglige pour finir le fait que les créanciers de
Semblançay, parmi lesquels on trouve, outre les marchands-banquiers lyonnais, les La
Trémoille ou la duchesse de Nemours, ont tout à perdre à son élimination. D’autres
historiens s’échinent à trouver d’autres raisons pour l’abattre. L’un voit en lui le pilier
d’un système financier qu’on veut changer62. Argument recevable en 1524, mais, en 1526,
Semblançay est déjà financièrement sur la touche. L’autre pense que cette condamnation
vise à frapper indirectement les banquiers lyonnais, que le roi s’inquiète de voir en
relations d’affaires avec l’Italie et l’Allemagne63. Cette interprétation laisse un peu rêveur.
34 Hormis le souci de liquider les créances en liquidant le créancier, rien de bien solide me
semble-t-il ne peut donc être retenu. Mais pour certains historiens, Spont en tête, il est
clair qu’il y a complot politico-financier, avec deux coupables : Madame, en raison de sa
créance et de sa rupture avec Semblançay, et Duprat, « de longtemps malmeu contre ledit
sieur de Semblançay ». Ces auteurs reprennent ici les propres arguments du clan Beaune,
342
c. Un mystère Semblançay ?
37 Allons plus loin, à la lumière du contexte précis de l’été 1527. Lorsque François I er, au
début d’août, refuse la grâce de Semblançay, deux événements très importants viennent
de se produire74. Le 24 juillet, le roi tient au Parlement de Paris un lit de justice pour y
réaffirmer son autorité. Les 26 et 27 juillet, dans le même cadre, la condamnation du
connétable de Bourbon (mort sous les murs de Rome en mai) est prononcée. Dans cette
perspective, la pendaison de Semblançay peut se lire comme un double déplacement. Le
roi, dans son édit du 24 juillet, déplore que la justice en France soit aux mains d’une
poignée de familles solidaires entre elles et renforcées par la vénalité de leurs charges. Ne
pourrait-on en dire autant des finances ? Mais surtout le président Guillart vient
d’affirmer devant François Ier : vous « ne debvez pas vouloir tout ce que vous pouvez, ains
seulement ce qui est bon et équitable, qui n’est autre que justice ». La réponse du roi en
colère ne s’exprime-t-elle pas dans la violence faite à Semblançay quinze jours plus tard ?
Quant à l’affaire Bourbon, il lui manque un cadavre. Alors que flotte encore dans l’air le
parfum de la trahison, maintenant que le connétable est à jamais hors d’atteinte, la
pendaison du 12 août n’a-t-elle pas lieu faute de mieux, comme succédané d’une autre
exécution ? Nous sommes alors à un moment où le roi et ses proches jugent inconcevable
de faire preuve d’une quelconque indulgence, de l’ordre de celle dont avait bénéficié
Saint-Vallier, trois ans plus tôt, dans un tout autre contexte. La mise en garde solennelle
et générale à destination du personnel que constitue l’exécution de Semblançay
s’inscrirait ainsi très logiquement dans un temps fort de l’affirmation du pouvoir royal.
38 Quoi qu’il en soit, cette opération « pédagogique » de réaffirmation de l’autorité du
souverain est d’autant plus aisée, et d’autant moins gênante pour la marche de
l’administration, que Semblançay est déjà financièrement sur la touche : l’exécution d’un
ancien responsable, d’un homme du passé, ne peut pas perturber le fonctionnement de
l’appareil monarchique. Cet acte hautement politique permet, accessoirement, de
caresser l’espoir d’une opération financière intéressante. Mais pour celle-ci, la pendaison
n’était pas nécessaire. Ce coup d’éclat présente donc un roi violent75. Il étonne d’autant
plus que, par comparaison avec les nombreuses exécutions d’Henri VIII, il est
exceptionnel. C’est, d’après Brantôme, le seul crime sérieux qui entache la mémoire du
noble roi François. Pour ce dernier, la disgrâce est toujours apparue comme une peine
suffisante, sauf ici. Même le « traître » Saint-Vallier, que l’on vient d’évoquer, est gracié
au pied de l’échafaud. Doit-on tenir compte du fait que le seul exécuté du règne est un
« roturier », malgré son titre ?
39 « Coup de majesté » dans ce qu’il peut avoir de plus archaïque : le droit de vie et de mort ?
Logique des haines individuelles et des vengeances personnelles ? Tout ceci reste trop
vague, ou trop peu fondé. La pendaison de 1527 conserve donc, me semble-t-il, un certain
halo de mystère que les hypothèses avancées plus haut tentent de dissiper en partie.
Constatons pour finir que, dans sa catégorie politique, Semblançay est la dernière victime
de la monarchie76. Dorénavant tous les grands serviteurs de l’État, Fouquet inclus,
sauveront leur tête77.
40 Le « cas » Semblançay n’est pas unique au sein du monde de la finance, y compris pour la
peine de mort, puisque Jehan de Poncher est à son tour pendu en 1535. Cette seconde
344
exécution constitue d’ailleurs une énigme subalterne et le manque de sources est ici
encore plus criant que pour Semblançay. On en vient à se demander si le silence
documentaire n’est pas, en lui-même, révélateur : là où la justice du roi passe avec toute
sa rigueur, il n’y a pas place pour la controverse ou le débat. Au cœur de ce mystère
s’élabore peut-être une certaine forme d’État. Ces deux pendaisons constituent le plus
spectaculaire des déboires subis par le clan des ordonnateurs, fer de lance de l’oligarchie
financière du début du règne de François Ier. Or, avec les années 1526-1527, ce règne
connaît précisément un nouveau départ, après le retour d’Espagne, à tel point que l’on a
pu parfois parler de second avènement. La reprise en main se traduit alors non seulement
par l’exécution de Semblançay, mais par une série de mesures de tous ordres, dont
certaines visent particulièrement les officiers. Au Parlement de Paris, on y a fait allusion,
François Ier fait taire les oppositions, fréquentes dans la première partie du règne, du
Concordat à l’affaire des bénéfices de Duprat, sans parler de l’assemblée de la Salle Verte.
Il fustige le comportement de corps trop englués dans leurs relations sociales pour
accomplir sereinement le service du roi78. Est-ce la moindre solidité du groupe ou la
nature des enjeux, est-ce le sentiment d’un danger, réel ou supposé, matérialisé par
« Messieurs des finances », qui explique que l’assaut soit plus poussé du côté des hommes
d’argent ? Alfred Spont voit dans les mesures prises progressivement contre eux « la
pression des événements qui conduisent par degré à l’absolutisme »79. Il n’est pas
impossible que le Parlement de Paris ait eu conscience que l’attaque visait assez
largement le monde de l’office, les liens entre gens de justice et de finances étant
d’ailleurs multiples. La cour sait s’acharner à son tour sur ceux de ses membres qui
prêtent la main à ces opérations, Pierre Laydet peut-être, mais surtout Gentil, La Mothe et
Ravier, du moins quand la possibilité lui en est laissée par le pouvoir politique 80.
41 L’attaque de la fin des années vingt n’est pas la première subie par le groupe des
généraux. Au milieu du règne de Louis XII, à l’initiative de l’amiral de Graville, ils sont
pareillement menacés d’une mise en accusation. Le contexte est alors celui de la perte de
Naples mais surtout celui des rivalités politiques qui secouent les cercles proches du roi
avec le procès du maréchal de Gié. Le clan tourangeau s’en sort avec les honneurs, en
faisant la part du feu, avec la mise sur la touche d’un membre du groupe81. L’échec d’un
tel assaut a-t-il pu donner aux généraux, et avec eux à l’ensemble des officiers de finance,
le sentiment d’une relative impunité, l’impression d’être « protégés contre toute mesure
de répression ou même de contrôle »82 ? Une telle analyse, peut-être psychologiquement
explicable par l’ancienneté en fonction et le prestige social atteint par les plus en vue
d’entre eux, relève cependant de l’aveuglement. Bernard Chevalier insiste avec raison sur
la vraie nature de la « victoire » de 1505 acquise avec le soutien d’Anne de Bretagne, sans
parler de Louise de Savoie : « Que serait-il advenu […] si l’appui du roi et de la reine leur
avait manqué ? ». C’est de cet abandon qu’ils font l’amère expérience à partir de 1523 et
plus encore de 1527.
42 En fait, le recul des ordonnateurs commence d’une certaine façon dès le pouvoir de
Semblançay de 1518. Sur le plan administratif, la désignation d’un « ordonnateur en
chef » peut être analysée comme la première atteinte au collège des généraux. Cependant,
la nature des liens qui unissent Semblançay et ses ex-collègues empêche pour l’heure
cette nouveauté d’avoir un effet de cet ordre. Doit-on attacher de l’importance au fait
que, sur les lettres de finance, les signatures des généraux, qui disparaissent quasi
totalement à partir de 1523, se font plus rares dès 1520 ? Certes, « aucune indication ne
permet d’établir une relation entre [cette] disparition […] et la modification apportée
345
dans l’administration des finances royales »83. Mais cela peut difficilement relever de la
simple coïncidence. Révélateur est aussi le fait que la rupture est préparée durant les
années qui précèdent 1523. Dans les réformes, la vulgate historique établie depuis des
siècles lit la volonté d’éliminer « Messieurs des finances » de la décision politique. Nul
doute que cette interprétation, qui reçoit ici bien des éléments de confirmation, n’ait sa
part de validité. Cependant, faut-il écarter les autres hypothèses, en l’absence d’un
discours contemporain clair ? Du Lys, au XVIIe siècle, affirme qu’on entreprend sur les
généraux « souz prétexte de les soulager »84. N’est-ce qu’un prétexte ? La complexité
croissante des de l’administration financière royale et l’étendue de certaines
circonscriptions tâches traditionnelles font naturellement songer à une intervention
marquée par le souci d’une plus grande efficacité. On reviendra dans le chapitre suivant
sur cette dernière notion.
43 Le reflux politique des généraux se lit tout d’abord dans leur disparition du Conseil du roi
à partir de 152485. Décrue ne mentionne pour les années qui suivent que Florimond
Robertet. Mais sa présence s’explique par son poids politique individuel et son rôle
comme secrétaire, non par son statut de trésorier de France. Il en va de même en 1544 de
Philibert Babou. Cependant, à la fin du règne, un retour d’hommes venus du monde des
finances semble s’amorcer. Outre Babou, Anthoine Bohier de Saint-Cirgues et Gilbert
Bayart, deux anciens généraux ainsi que Nicolas de Neufville, trésorier de France, sont
mentionnés86. Bohier a quitté les offices de finance. Bayart et Neufville sont en fait
surtout présents en tant que secrétaires des finances, tout comme Jacques Bochetel, lui
même fils de secrétaire des finances. Titulaires d’un office qui reste non vénal sous
François Ier, ce qui n’exclut pas une succession héréditaire, ils sont particulièrement
tributaire de la confiance directe du souverain87. A l’inverse des généraux et des
receveurs généraux, les secrétaires, d’abord simples agents d’exécution, en viennent de
plus en plus à prendre des initiatives : d’où leur poids accru, même s’il ne faut pas s’en
exagérer l’importance sous François Ier88. Us apparaissent néanmoins comme les
principaux rescapés du naufrage politique du groupe.
44 Dans l’exercice de leur charge, les généraux des finances perdent en effet le contact direct
avec le niveau central de l’information et donc de la décision. Le symbole le plus net est
leur repli provincial, hors structure collégiale. Limités à leur propre circonscription, ils
doivent en effet seulement y mettre au point les états particuliers des finances. Ils les font
parvenir ensuite à ceux qui centralisent dorénavant les données, chancelier ou trésorier
de l’Épargne89. Certes, dans leurs généralités, ils conservent un poids certain90. Mais,
même là, ils subissent une certaine concurrence : dans les diverses commissions
financières, ils sont souvent flanqués d’un robin pour accomplir un travail qui relevait
auparavant de l’exercice « normal » de leur charge ou, à défaut, de l’activité de commis
qui leur étaient subordonnés. Le cas le plus net est celui de la mise sur pied des
commissions tricéphales de décembre 1532 dans les diverses recettes générales. Les
généraux sont certes associés à leur travail, mais, au mieux, sur le même plan que les
parlementaires de ces nouvelles structures. Chargés d’aliéner en Languedoïl, le général
Anthoine Bohier de Saint-Cirgues et le conseiller au Parlement Pons Brandon sont ainsi
conjointement désignés pour continuer les baux des fermes du domaine, et ceux des aides
et impositions91. En 1544, dans les commissions exceptionnelles de juin et juillet, les
généraux se retrouvent une fois encore associés à des parlementaires.
45 Au quotidien, les officiers de finances ont apparemment plus affaire aux robins qu’aux
généraux, jusqu’en 1538. Quand Guillaume Rousseau, commis à la recette des tailles de
346
Bourbonnais, vient à Lyon en mai 1538 avec dix mille écus, il déclare que l’argent lui a été
délivré à Moulins par le conseiller au Parlement Anthoine Hellin, en charge de la
Languedoïl orientale, lequel lui a donné pour consigne de ne se dessaisir de son argent
que sur ordre du chancelier. Hellin, ensuite, « depeschera homme pour voicturer et
conduire bonne somme de testons et monnoye »92. Le droit de taxation des frais de
gestion est alors exercé par le parlementaire93 ! On pourrait, dans le détail, multiplier les
indices de l’abaissement subi. Le général de Languedoc, au début de 1528, se contente de
donner son « adviz » au chancelier sur le marché de l’entrée des draps de soie à Lyon. Il
n’apparaît plus comme agent de décision, mais de consultation, agissant sur « commission
du roi et commandement verbal » de Duprat94. Pire encore, quelques années plus tard (en
1534 ?) il semble n’être même pas consulté lors de la fixation de la taille de sa généralité.
Il en est réduit à demander à être « adverty de la somme toutalle du bloc de la taille que le
Roy entend estre mis sus, pour selon icelle faire son département »95.
46 Finissons sur un symbole. Alors qu’en Val de Loire, les châteaux royaux innovaient moins
que ceux des grands financiers, en Ile-de-France, les premiers deviennent les
« catalyseurs de l’événement artistique »96. Cette inversion paraît significative sur le plan
politique. D’autant que le (relatif) éloigne-ment de la monarchie par rapport aux bords de
Loire se produit précisément autour de 1527. C’est la fin d’un conditionnement hérité de
la guerre de Cent Ans. Il disparaît en même temps que ces autres héritages « ligériens »
que sont le personnel du clan Semblançay et le poids des grands ordonnateurs.
47 Réduits dorénavant au rang d’exécutants, cantonnés dans la mise en œuvre des décisions
prises par le groupe dirigeant, les grands officiers de finances s’investissent
exclusivement dans des tâches administratives et abandonnent toute prétention
politique. De même, leur rôle sur le marché du crédit est-il désormais pratiquement nul.
Nouveau symbole : sous Henri II, avec Albisse del Bene, c’est le marchand-banquier qui
accède à un office taillé sur mesure pour lui, et ce au détriment des grands officiers « de
carrière »97. Parler de déclassement est délicat, car cette notion comporte, me semble-t-il,
des attendus sociaux qui n’entrent pas en jeu ici. Il n’empêche. Non seulement le conseil
de « Messieurs des finances » disparaît en tant que tel, mais le groupe ne sécrétera plus de
Semblançay pendant un long moment. Ou plus exactement les cercles du pouvoir ne
distingueront plus de Semblançay parmi les serviteurs financiers de la monarchie. Les
nouveaux trésoriers ne profitent guère, en ce domaine, de l’effacement des généraux. Ils
sont bientôt eux aussi en position subalterne, y compris les trésoriers de l’Épargne
« confinés dans leur obscure besogne de comptables en chef des deniers royaux ». Ce sont
les caissiers du Conseil, des agents d’exécution98. En 1537 les clercs du commis à la recette
générale d’Outre-Seine remettent une décision au retour de leur maître plutôt que de
modifier une affectation à la demande du trésorier de l’Épargne Guillaume Preudhomme99
. Le temps est loin où l’autorité de Semblançay et de Thomas Bohier était plus forte que
les prescriptions de l’État général…
48 À l’exception de certains secrétaires des finances, dont il faut d’ailleurs rappeler la
position spécifique, sans relation avec le maniement des fonds, le déclin est donc général.
Qu’il suffise d’évoquer la disparition du changeur du Trésor, l’effacement des trésoriers
de l’Ordinaire des guerres pendant huit ans et la transformation en officiers de leurs
subordonnés d’autrefois, ou la suspension des receveurs généraux. Leur retour, avec les
réformes de 1542, se traduit par une démultiplication des recettes : cet éclatement, s’il
347
permet peut-être une meilleure gestion, a aussi un sens politique, celui d’une mise sur la
touche définitive. C’est donc, en ce domaine, l’ensemble du groupe qui est durement
malmené. À terme, on peut opposer un personnel de type gouvernemental, mais placé
dans une étroite subordination par rapport au pouvoir politique, à l’image des
« nouveaux trésoriers » et un personnel de gestion régionale largement atomisé. Dans les
deux cas, il n’est plus question de constituer une sphère de décision.
49 Pour autant, la « régionalisation » des officiers et leur fixation dans les provinces restent
fort imparfaites. Les ordonnances royales laissent d’ailleurs en ce domaine une certaine
marge de manœuvre, en particulier au moyen de l’obtention de lettres de non-résidence
100. Mais une procédure officielle n’est sans doute pas toujours nécessaire ici. Elle n’est
d’ailleurs pas requise pour les receveurs généraux. Malgré tout, un recrutement régional,
au sens large, se développe. Il est particulièrement net alors dans le sud du royaume,
spécialement pour les receveurs généraux, avec Bérenger Beringuier en Guyenne,
Estienne Mazade à Toulouse ou Guillaume de Sabran à Montpellier. L’enracinement dans
les terroirs entraîne à terme un autre rapport à la monarchie, au pouvoir central et à
l’État. Au bout du compte, les bureaux des finances, héritiers des officiers
« décentralisés », se muent en oligarchie locales âpres à la défense des privilèges, qu’il
s’agisse des leurs ou de ceux de leur circonscription. L’éloignement des grands officiers de
finance des centres de décision constitue une victoire pour les défenseurs d’une certaine
idée de la « centralisation » du pouvoir. Mais, s’il contribue à renforcer l’armature
administrative dans les provinces, il risque aussi de structurer des contre-pouvoirs
régionaux qui, de blocages en rivalités, s’opposeront parfois aux nouvelles avancées de
l’État monarchique.
50 Il est au moins une province, la Bretagne, où la monarchie, dès le milieu du règne de
François Ier, est de toute évidence attentive à ce danger. Les grands officiers bretons sont
d’ailleurs parmi les premières victimes des poursuites. Quant à la suppression du
généralat, elle ne touche que cette province. Au tout début de la mainmise française,
Charles VIII avait tenté d’imposer dans le duché un personnel extérieur mais l’opération
avait fait long feu. À la fin des années vingt, le pouvoir royal revient à la charge, prenant
soin d’éliminer des fonctions financières principales les derniers membres des familles
solidement implantées dans l’administration du duché depuis le temps de l’indépendance
ou du moins de la reine Anne. À celles-ci succèdent des gens venus d’ailleurs, à l’image de
Gilbert Bayard, originaire du comté de Montpensier, du bourguignon Palamède Gontier
ou du lyonnais Anthoine Bullioud. Peut-être la mort de la reine Claude, en 1524, a-t-elle
hâté le processus : on saisirait alors ensuite les occasions qui se présentent. Dans la
perspective de l’union du duché au royaume, la politique suivie par la monarchie est
claire et se poursuivra longtemps dans le monde de l’office. Le « cas » breton est alors
sans doute l’exception qui confirme la règle d’un recrutement de plus en plus
provincialisé.
première moitié du XVIe siècle restent mal connus101. Ils n’ont laissé de leur activité au
jour le jour que des traces ténues. Par ailleurs, rares sont les textes officiels qui
organisent leur fonctionnement, alors qu’ils prolifèrent à partir de 1560102.
52 Cette date paraît révélatrice : antérieurement, les conseils peuvent œuvrer dans un relatif
vide législatif, tout simplement parce que leur bon fonctionnement ne nécessite pas les
mises au point détaillées qui ont lieu en période de crise politique, au temps des Guerres
de Religion. La pauvreté documentaire manifeste ici l’inexistence d’un grave problème de
pouvoir, en un temps où la monarchie légifère avant tout pour faire face aux difficultés
qui se présentent ponctuellement et non pour assurer une gestion au quotidien. Un des
rares textes disponibles pour le règne de François Ier concerne précisément le
fonctionnement d’un « Conseil privé » d’un genre particulier, siégeant à Lyon en 1536 en
l’absence du roi qui est aux armées. Le Conseil, en un âge ni troublé, ni « bureaucratique »
reste donc relativement informel, répondant au coup par coup aux besoins royaux
immédiats.
53 Autour du souverain se dessinent cependant deux structures : un conseil restreint et un
autre plus large103. Le premier est politiquement le plus important104. Au début du règne,
le vocabulaire n’est guère précis. Les ordonnances financières royales évoquent le
« conseil » sans plus de précision. Progressivement apparaissent des indices plus nets
d’une dichotomie. En 1527-1528, il est question de « conseil estroict » ; en 1534 de « privé
Conseil »105. Les historiens datent en fait l’inflexion du retour d’Espagne, dès 1526106. La
distinction est-elle pour autant très tranchée dans les faits ? La réponse n’est pas aisée.
Mais ce qui nous importe ici, ce n’est pas le déchiffrement d’une évolution
institutionnelle rigoureuse (rigueur qui semble d’ailleurs étrangère au règne), mais
l’observation des conditions concrètes de l’exercice du pouvoir, avec en point de mire les
choix financiers et ceux qui les orientent. Aussi ce qui retient l’attention ce sont les
hommes, les « gens de conseil », plus que les institutions dont la plasticité,
particulièrement éclatante pour ce qui touche au Conseil, permet d’ailleurs nombre
d’accommodements.
54 La part prise en ce domaine par les « gens de conseil » n’a rien de très neuf. On ne voit
guère ici, étant donnée l’importance des enjeux, quelle autre instance que le Conseil du
roi pourrait prendre l’initiative et mener les opéradons. En 1505 les membres de
l’administration des guerres accusés de malversations « furent interrogez et ouys sur ce
par messire Guy de Rochefort, chancellier de France, et tous ceulx du conseil du Roy » 107.
Au début des années vingt, on garde quelques traces de l’activité des conseillers en vue
d’une réforme du système financier. Le premier projet est celui de Bonnivet. Le 12 août
1521, au cœur d’une campagne difficile aussi bien militairement que financièrement, il
propose au roi une « organisation de crise ». Pour l’heure, il ne s’agit pas de
réorganisation administrative, mais de répartition concrète des tâches pour utiliser au
mieux les compétences. Laissons-lui la parole :
« Qu’il vous plaist départir les charges à gens qui en sceussent respondre, qui seroit
que quant au fait des admortissemens et des greffes, vous en baillez la charge à
monsr d’Azay [Gilles Berthelot, président de la Chambre des comptes], lequel avez
mandé venir devers vous, pareillement à messieurs les généraulx de Languedoc
349
pour faire cesser son opposition112. En février 1524, c’est en « pourvoiant à ses finances
avec son conseil » que le roi décide de faire rendre compte à Semblançay113. On aimerait
savoir qui pousse dans ce sens, et plus encore pour la commission de novembre 1526. Il
est peut-être possible pour cette dernière de deviner qui l’inspire en observant le profil
des membres désignés. Le président de Selve est un vieux serviteur des Angoulême.
Anthoine du Bourg, président du conseil de Louise de Savoie, est originaire d’Issoire,
comme Duprat. Jehan Ravier, conseiller au Parlement de Dijon, est traditionnellement
présenté comme une « créature » du chancelier. Quant au président Jacques Minut, peut-
être protégé par Louise, c’est à coup sûr un proche de Lautrec. N’a-t-on pas affaire ici tout
simplement au trio qui tient alors, sous le roi, les rênes du pouvoir : Louise de Savoie,
Duprat et Lautrec ? Outre Ravier, il y a deux autres « Bourguignons », provenant de la
Chambre des comptes de Dijon. Est-ce à cause de l’influence de Chabot, gouverneur de la
province ? L’un des deux maîtres des comptes, Pierre Sayve, fait en effet partie de sa
clientèle114. Un grand absent en revanche dans cette constellation politique : le nouveau
grand maître, Anne de Montmorency. Coïncidence intéressante : on le retrouvera plus
tard comme défenseur de certains officiers poursuivis.
59 L’arrestation de Semblançay a lieu, d’après Versoris, « du vouloir, mandement et
auctorité du Roy ». Bouchet insiste pour sa part sur le fait que la décision est prise en
Conseil étroit115. Pourquoi cette opération, prise à l’initiative du cercle de pouvoir le plus
restreint, se produit-elle à ce moment précis ? Deux éléments ont sûrement joué. Tout
d’abord l’opportunité que représente la venue à Paris de Semblançay. Ensuite le retour de
l’urgence financière qui transparaît en ce mois de janvier 1527. Le 10 janvier, ce ne sont
pas moins de 370 000 lt pour divers postes qu’il faut trouver avant cinq jours116. Une telle
situation exacerbe évidemment les rancœurs contre les malversations du personnel et les
demandes de remboursements de Semblançay lui-même. Par ailleurs la saisie de ses biens,
couplée à l’arrestation, peut apparaître au Conseil du roi comme un expédient financier
appréciable. A l’autre extrémité du processus, mais dans la même perspective, on
retrouve le Conseil lors de la mise au point des compositions des officiers condamnés 117.
Organiser les poursuites et mettre en œuvre des réformes : voilà donc deux excellents
moyens pour le Conseil d’imposer sa marque sur la gestion des finances royales. Certes,
ses interventions manquent parfois de cohérence. Certaines sont même un peu
brouillonnes. Mais elles finissent par accroître sensiblement son rôle. La réduction de la
spécificité des questions financières se traduit ainsi par une extension, à la fois technique
et politique, des compétences du Conseil.
2. Un contrôle renforcé
vu, plus forte encore. La formule de Louise de Savoie, qui évoque de façon rétrospective
les malversations des gens de finances de 1515 à 1522, fait évidemment de 1523 le
moment décisif de l’inflexion de l’attitude du groupe dirigeant envers le personnel
financier.
61 A partir des réformes, le Conseil prend solidement en main l’élaboration même de l’État
général des finances120. Il tient aussi à exercer une surveillance beaucoup plus attentive
sur les flux financiers. Le trésorier de l’Épargne est tenu dès 1523 de présenter des
rapports hebdomadaires sur la situation de ses caisses121. Dans les années quarante, on lui
fait aussi obligation de remettre au Conseil des états de quartier, « afin, dit le roi, que à
toute heure qu’il nous plaira nous puissions veoir et entendre la vraye recepte et
despense »122. Le principe des états trimestriels à envoyer au chancelier, pour les rentrées
du moins, est déjà en place pour les commis aux recettes générales dans les années trente
123
. L’ordonnance d’avril 1547 d’Henri II précise que le trésorier de l’Épargne doit remettre
deux états trimestriels au Conseil, l’un pour les fonds reçus et distribués au Louvre,
l’autre pour ceux qui circulent « lez nous ». Les généraux non plus n’échappent pas à
l’envoi d’un état au vrai tous les trois mois124. En 1528, le « Conseil estroict » tente de
mettre sur pied un contrôle mensuel des fonds de l’Extraordinaire des guerres, qui passe
par un enregistrement rigoureux des diverses étapes de la circulation des assignations et
des espèces125. Le rétablissement des trésoriers des guerres en 1543 est lui aussi un moyen
de faciliter le contrôle par le Conseil puisque l’un des deux titulaires est censé être à ses
côtés en permanence126.
62 On a désormais maintes preuves que le suivi au quotidien des affaires financières
n’échappe plus au Conseil. « Messeigneurs du conseil privé » sont les interlocuteurs du
personnel du trésor du Louvre. Ils suivent attentivement les négociations, depuis la
composition pour les velours de Gênes jusqu’aux ventes de rentes sur l’Hôtel de Ville de
Paris. Ils dressent l’état des sommes nécessaires aux opérations militaires127. Les
distributions de fonds retiennent leur attention, en particulier pour tout ce qui concerne
la politique internationale. Et ce non seulement pour des affaires de premier plan, comme
le versement des pensions anglaises mais aussi pour des opérations de détail, comme pour
« bailler charge à Mariot Rousselay [Rucellaï] qu’il fournisse argent » pour l’ambassadeur
à Rome128. Très logiquement, le Conseil est désormais sollicité par tous ceux qui désirent
obtenir remboursements et payements divers : des gendarmes et mortes-payes de
Bourgogne pour leur solde au cardinal de Gramont pour des frais d’ambassade en passant
par Julien Bona-corsi, trésorier de Provence, « sur ung faict de despense pour le grand nef
que luy et ses frèrez ont faicte », navire sans doute nolisé par le roi129. Le même Bonacorsi
est en 1530 aux côtés des Florentins lors de la renégociation de leurs anciennes créances.
Malheureusement le Conseil lui reproche alors ses liens passés avec Semblançay130.
63 Parallèlement au règlement des dépenses, il convient aussi de rechercher des sources de
financement. C’est, au temps de la rançon, aux gens du Conseil que Guillaume du Bellay
soumet son offre de prêt de dix mille lt au roi131. On pourrait sûrement appliquer à
nombre de séances du Conseil royal français les propos écrits le 16 novembre 1527 par
Jehan de Calvimont, ambassadeur en Espagne auprès de Charles Quint : les membres du
groupe dirigeant impérial « tiennent grands conseils tant au matin qu’après dîner, pour
inventer moyens d’avoir argent, et crois qu’ils en pourront recouvrer, mais non pas tant à
beaucoup près qu’ils se vantent »132. Même la remarque finale serait aisément
transposable…
352
67 Un des rares documents officiels sur le fonctionnement des Conseils sous François I er est
un « roolle de ceulx que le Roy veult entrer en son conseil pour le fait de ses finances »
daté du 26 février 1543137. Outre deux secrétaires des finances et le trésorier de l’Épargne,
il ne comprend que cinq conseillers au sens strict : Tournon, Montholon, Chabot,
Annebault et François Errault. Il s’agit à cette date de l’équipe dirigeante. Dix autres
personnages, nommément désignés, sont hors de ce Conseil. Parmi ces exclus figurent les
Bourbon, le duc de Guise, les fidèles de Montmorency - connétable en disgrâce dont on ne
parle même pas - que sont l’évêque de Soissons Longuejoue ou le président Bertrand. Or,
353
au détour d’une phrase, le « roolle » nous apprend que ce conseil est « estably tant pour
lesd finances que pour les matières d’estat ». Il ne reste plus aux réprouvés qu’à assister
« aux requestes, s’ilz veullent ». Ce Conseil d’État et des finances me paraît être ici
exactement à l’opposé de son lointain et homonyme successeur du XVIIe siècle : il est
pour l’heure l’équivalent du futur Conseil étroit, chargé des affaires les plus importantes.
Si la spécialisation financière est en fait largement fictive, notons cependant que ce sont
les finances qui servent à départager les conseillers : être exclu des décisions financières,
c’est être mis politiquement sur la touche. Ceci met en évidence la place des affaires
d’argent parmi les préoccupations des dirigeants. Cette tentative pour établir une
distinction presque officielle entre Conseil étroit et élargi se produit, mais est-ce une
surprise, au cours de la période la plus mouvementée de la vie politique du règne, les
années 1541-1543. Elle dure peu car, au bout de quelques mois, le noyau central est
décapité par les disparitions de Chabot et de Montholon le premier et le douze juin 1543
respectivement.
68 Reste à juger à l’aune de cet « acquis » de 1543 - la délibération financière relève du
Conseil restreint - les données dont on dispose pour les années précédentes. Il faut
d’abord rappeler que le schéma véhiculé par Du Tillet, celui d’une division tripartite du
Conseil, avec une section financière autonome au début du XVIe siècle, ne repose sur rien
dans les sources contemporaines138. Quand s’ouvre le règne de François Ier, les Conseils
« financiers » (c’est-à-dire tout simplement ceux où l’on évoque les questions d’argent)
sont marqués par la présence des grands officiers de finance139. En dehors d’eux, seules
cinq ou six personnes ont droit à une mention140. La période de la Régence de 1525 offre
un visage particulier avec un Conseil aux effectifs fortement accrus : le 18 mai, outre
Robertet « pour faire les dépesches », seize noms sont cités, incluant une demi-douzaine
de parlementaires dont deux simples conseillers au Parlement de Paris141. Mais il s’agit
d’un cas d’espèce. Avec le retour du roi, le Conseil de gouvernement retrouve un nombre
réduit : six présents au « conseil du roi estroict » du 24 août 1528 pour un prêt important ;
six encore le 15 mars 1535 pour délibérer sur la décime ; six toujours le 8 juin 1537 pour
arrêter les modalités du financement d’opérations militaires142.
69 Attention cependant à ne pas perdre de vue les réalités quotidiennes de l’exercice du
pouvoir : être absent d’une de ces listes, qui ne sont pas, contrairement à celle du
26 février 1543, des « listes officielles », ne signifie pas la disgrâce, ni même le second
rang. Ainsi par exemple, si Tournon n’est pas cité en 1537, c’est tout simplement qu’il est
à Lyon avec une mission importante. De même quand Duprat s’adresse à Montmorency en
disant : « Vous et les autres qui estiez au conseil feustes de ceste oppinion », c’est tout
simplement qu’il en est lui-même matériellement éloigné pour un temps143. A l’inverse,
l’entrée au Conseil d’un nouveau venu est un événement signifiant, comme en témoigne
une lettre de Chabot à Montmorency le 15 avril 1530 : « Je vous advertís, Monsieur mon
compaignon, que nous avons un compaignon de crue aux affaires du Roy qui est Monsieur
le cardinal de Loreygne […] et fut la chose bien soudainement faicte »144.
70 Les listes fournies par Décrue permettent cependant d’esquisser une évolution
d’ensemble. Au cours du règne, la place des aristocrates laïques s’amenuise et les gens de
finances sont en voie de disparition, malgré quelques cas d’espèce dans les années
quarante. En revanche le poids des robins s’affermit et celui des dignitaires
ecclésiastiques, en particulier les cardinaux, s’accroît nettement. La place prise par les
clercs au sommet de l’État n’est peut-être pas sans rapport avec les effets progressifs de
l’application du concordat de 1516. Même si nombre d’entre eux sont de la plus haute
354
nécessité, Tournon prend parfois l’initiative. A la fin de décembre 1536, pressé par le
besoin d’argent pour solder les troupes de Piémont, le cardinal écrit au chancelier qu’il va
accepter les exigences des marchands-banquiers lyonnais pour bénéficier d’une avance de
fonds. Il conclut : « Deussies vous aultres, messieurs du conseil, me fere pendre et le
trouver le pyre du monde »161. Mais, quoi qu’il en dise, il peut en fait se permettre cette
décision financière, donc politique : il sait en effet qu’il appartient aux quelques
individualités qui ont voix au chapitre en ce domaine, même en dehors du cadre strict des
séances du Conseil. A ce titre, sa marge de manœuvre est réelle.
77 La participation quotidienne de François Ier à la gestion des affaires d’argent, quel qu’en
soit l’enjeu, est traditionnellement considérée comme des plus réduites. Lorsque la
situation s’aggrave en octobre 1521, alors que le roi est à la tête de l’armée en Picardie,
Louise de Savoie écrit à Robertet qu’il faut, en matière de finances, accomplir des « choses
que l’on ne doit pas seulement dire très difficiles mais impossibles veu ce qui cest fait
jusques icy ». Cependant, ajoute-t-elle, le roi doit être tenu à l’écart de ces
préoccupations : « Toutefois, pour ne travailler point led sgr, qui n’a besoing pour ceste
heure d’autre pensement que de l’affaire où il est, je luy donne espérance d’y satisfaire »
162
. Un tel comportement est-il vraiment le propre des périodes où le roi commande en
personne ? Au début de cette même année, avant l’ouverture du conflit, le général Raoul
Hurault rend compte dans une lettre au Parlement de ses efforts pour obtenir une
réponse sur un dossier dont il ne précise pas la nature. Il constate cependant : « Les
choses sont ung peu longues à cause que on ne parle pas souvent d’affaires oud sgr »163.
78 En janvier 1527, alors même que la situation financière est critique, à l’heure où
Semblançay est mis sous les verrous, aux dires du nonce, le roi « se tourne tout entier
vers des plaisirs proches et faciles à le réjouir », au grand dam des ambassadeurs de la
ligue de Cognac164. Le 22, celui de Florence le dit parti à la chasse depuis douze jours165. Les
chroniqueurs parisiens évoquent son départ pour Notre-Dame de Liesse, que Versoris
date du 14, au lendemain de l’arrestation de Semblançay166. Quel que soit, au jour le jour,
le partage exact entre souci de voyage, de chasse ou de dévotion, le roi, qui laisse à Saint-
Germain-en-Laye Madame, le chancelier et les conseillers de robe longue, ne semble pas
vouloir prendre une part active au labeur quotidien. Certains de ses proches manifestent
d’ailleurs leur souci de le voir se tenir au courant. C’est précisément en janvier 1527 que
Duprat, parallèlement à l’envoi au roi d’une longue lettre très technique sur les questions
monétaires, écrit à Montmorency. S’il demande au grand maître de « faire en sorte de
trouver telle opportunité que le Roy puysse lire tout du long et bien entendre le contenu
en mes lettres », c’est que la chose ne va pas de soi167. Le « projet Bonnivet » d’août 1521
n’insiste sûrement pas pour rien sur la nécessité d’informer quotidiennement le roi. Au
même moment, l’amiral lui conseille de prendre sa part, de « parler aux gens de [ses]
finances pour y donner tel ordre qu’il ne puisse venir inconvénient »168.
79 Pourtant, la vision d’un François Ier se tenant totalement à l’écart des questions
financières ne correspond que partiellement à la réalité. En bien des circonstances, on le
voit prendre sa part du travail, même s’il n’y met sans doute ni allégresse, ni
enthousiasme. Ainsi son engagement paraît réel en avril 1519 quand il consacre trois
jours, avec Semblançay, Babou et les gens de finances, pour trouver des sommes
357
82 Parmi les conseillers du roi, et spécialement parmi les grands officiers de la couronne, un
personnage paraît plus spécifiquement responsable du suivi des affaires financières. C’est,
dans les premières années du règne, le grand maître Boisy qui tient ce rôle. Quand il
s’agit, en janvier 1519, de rassembler des fonds pour l’élection impériale, les responsables
358
des finances se retrouvent autour de lui, dans son hôtel. Faisant allusion lors de son
procès à un versement d’intérêts inscrit dans un État général, Semblançay s’empresse de
préciser que cet article avait été « entendu et ordonné au conseil […] auquel estoit
présent feu M. le Grand Maistre de Boisy ». Il ajoute que « autrement n’eust voulu […]
permectre qu’il y eust esté employé »178. Aux yeux du spécialiste des finances, mettre en
avant ce nom semble donc une bonne manière de se couvrir.
83 Avec René, Bâtard de Savoie, successeur de Boisy, le phénomène est plus net encore.
Avant 1519, il a déjà œuvré « en plusieurs charges et commissions touchant le fait desd
finances »179. Ensuite il est, avec Semblançay, le principal responsable du rassemblement
et de la répartition des fonds. Il apparaît comme l’intermédiaire essentiel, aussi bien pour
faire remonter vers le roi les plaintes des généraux que pour recevoir les états du commis
à l’Extraordinaire des guerres présentés au roi180. Lorsque François Ier accorde un don de
douze mille lt à Montmorency, l’assignation relève du trésorier Morelet de Museau et du
Bâtard de Savoie. « Adviserons entre luy et moy où ceste partie se pourra prendre pour
estre baillée où vous adviserez », écrit alors le grand maître à Montmorency181. Rien
d’étonnant donc à ce que, dans sa « cellule de crise » financière proposée en août 1521,
Bonnivet le place « par dessus tous » les officiers de finance. Dans une lettre du 5 avril
1524, le roi exprime parfaitement la place occupée par son oncle de la main gauche. Il a
été adjoint le 12 mai 1523 à la commission sur les comptes créée en janvier précédent
parce qu’il a « la principalle charge et superintendance de nosd finances »182.
84 Le grand mot est lâché. On a déjà vu que sa plasticité ne permettait pas de lui donner une
signification administrative précise. Cependant, il qualifie bien, surtout dans un texte
émanant de la monarchie elle-même, la position de pouvoir tenue par l’intéressé. Faut-il
rappeler que, dans le « pouvoir » de Semblançay de 1518, le terme ne figure pas ?
D’ailleurs ce dernier, quand il est sollicité, n’hésite pas à renvoyer au Bâtard, « qui a la
charge des finances »183. C’est un bon moyen, évidemment, d’écarter une demande
gênante. La mise en évidence d’un « tuteur » financier dès le début du règne permet donc
de relativiser la coupure que représentent les années 1523-1524 pour les grands
ordonnateurs. Avant cette date, leur autonomie, y compris pour Semblançay, n’est pas si
grande en fait qu’on l’a parfois dit. Cependant, jusque-là, le travail semble s’être déroulé
de façon harmonieuse : les relations du Bâtard de Savoie et de Semblançay sont
excellentes et la « tutelle », quoique réelle, est aisée à supporter dans de telles conditions.
85 Après la disparition du Bâtard à Pavie, la succession des responsables assurant des
fonctions équivalentes est beaucoup moins nette. Ceci pose un problème délicat.
L’explication réside-t-elle dans le contraste entre l’abondance d’informations, en
particulier celles qui sont rassemblées par Spont, pour les dix premières années et une
relative pauvreté ensuite qui trouble la régularité du phénomène ? N’est-ce pas plutôt
parce que la reprise en main par le Conseil, qu’on a évoquée, et le rôle accru du
chancelier, qu’on retrouvera bientôt, permettent de fonctionner sans un responsable
sinon officiel, ce qu’il n’est jamais, du moins clairement avéré ?
86 Jacqueton ne craint pas d’affirmer qu’il ne parle des décisinos du Conseil que par
commodité, dans l’impossibilité de désigner clairement le conseiller « qui gouvernait seul
les finances » et qui se cache derrière les options prises, lesquelles sont simplement
entérinées par le Conseil184. C’est faire peu de cas d’un fonctionnement collégial qui garde
une grande importance, par exemple lorsque « l’on besogne tous les jours au conseil pour
mectre ordre au faict des finances »185. Le poids du collégial apparaît dans ces propos de
Montmorency à Duprat : « J’ay aussi veu par vostred lectre comme vous et le général de
359
Normandye avez regardé à tout Testât des finances. Mais que soyons à Paris, nous nous
assemblerons et adviserons de pourveoir à tout suyvant l’intention dud seigneur [roi] »186.
On peut néanmoins chercher à découvrir les successeurs de Boisy et du Bâtard. Les listes
fournies par les historiens sont sujettes à caution : en l’absence de toute commission
officielle, la part de subjectivité du chercheur est grande. Le summum de la confusion est
sans doute atteint par Boislisle mélangeant, dans une même série de préposés à
l’ordonnancement des finances, des trésoriers de l’Épargne (Babou, Preu-dhomme) et des
hommes comme Montmorency ou Annebault187. Or ils se situent visiblement sur des plans
différents.
87 Une possibilité s’ouvre alors : qu’en est-il de la place tenue par le nouveau grand maître,
Anne de Montmorency, successeur en cette charge des deux « tuteurs » précédents ? On
sait son importance financière à la charnière des années vingt et trente, tout d’abord en
collaboration avec le chancelier Duprat, puis dans le cadre du rassemblement de la
rançon. Cependant, son rôle apparaît bien moins net dans le domaine financier au long
des années trente. Sa disgrâce à partir de 1541 le place hors jeu : à la fin du règne, le nom
le plus fréquemment évoqué comme responsable est celui d’Annebault, après un bref
épisode Chabot188. Faible impact dès les années trente et relais de grands officiers
différents (deux amiraux) : la piste du grand maître semble bien tourner court. Le critère
de la compétence technique est-il plus pertinent ? Cela n’est pas certain. A preuve les
hésitations des historiens sur la place de Tournon parmi les « tuteurs financiers » 189. Or
avec lui on tient incontestablement un professionnel des questions d’argent. Il faut donc
chercher ailleurs.
88 Une expression utilisée au sujet des négociations de 1520 avec l’Angleterre livre la clé du
rôle de ces tuteurs. Lors des discussions sont intervenus, outre les spécialistes, « quelques
personnaiges de autorité »190. Face aux officiers de finance qui disposent d’une efficacité
technique et d’une bonne connaissance des circuits de l’argent, le « tuteur » se présente
comme doté d’une compétence radicalement différente : celle d’une autorité politique
partiellement déléguée, en raison de la confiance du souverain. Cela est particulièrement
net quand, en février 1538, la désignation de Montmorency comme connétable lui donne,
entre autres, « pouvoir sur [les] finances »191, Ceci n’exclut évidemment pas un intérêt de
la part des « tuteurs » pour les problèmes financiers. Mais les origines et les
préoccupations de ces membres de l’aristocratie rendent peu probable une réelle passion
pour la gestion des deniers. Ils entendent ici servir le roi sur un autre plan. Ainsi, en
l’absence d’une connaissance très technique des questions en cause, le relais peut-il se
faire de façon souple entre le « tuteur » en titre et un suppléant momentané. Au cours de
l’été 1518, Boisy, malade de la goutte, se décharge sur le Bâtard de Savoie de la direction
des finances. A la fin de 1520, en l’absence du nouveau grand maître parti en Provence,
c’est Bonnivet qui assure l’intérim192. Au niveau où ces Grands se placent, celui d’une
impulsion proprement politique, sous le regard du roi, cela ne semble pas poser de
problème. Ces deux exemples prennent place en des temps où la situation financière n’est
pas très compromise. Sans doute l’engagement personnel est-il plus intense lors des
périodes de tension.
89 Depuis le 14e siècle, le chancelier de France, grand officier de la couronne lui aussi, a
acquis un droit de regard sur les activités financières193. Mais la fin du règne de Louis XII
correspond, en ce domaine comme dans d’autres, à un relatif effacement de cette fonction
360
. Lors de l’arrivée sur le trône de François Ier, en raison de la retraite du chancelier Jean
194
de Ganay pour cause de maladie, il n’y a qu’un garde des sceaux en fonction, l’évêque de
Paris Estienne de Poncher. La désignation de Duprat ne semble pas, dans le domaine qui
nous concerne, modifier les choses : la place occupée par les généraux et Semblançay
laisse le chancelier au second plan195. Il faut probablement y voir une raison du peu
d’amitié, voire de la haine, que Duprat manifeste à l’égard du Tourangeau et des siens. En
1517, il s’entête à refuser de sceller un brevet pour du Bouchage, un proche de
Semblançay. En novembre de l’année suivante, il s’oppose à ce dernier à propos d’une
décime196. Pourtant les deux hommes doivent travailler ensemble et le chancelier est
conduit parfois à donner des ordres à Semblançay. Anthoine de Lamet, ambassadeur en
Suisse, manquant de fonds, supplie Duprat de « voulloir faire commander à monsieur de
Sainct-Blançay m’en faire tenir icy »197.
90 Le projet de réforme financière de 1522-1523 envisage clairement de donner (ou plutôt de
redonner ?) un rôle notable au chancelier198. Duprat lui-même, en raison de son rôle
administratif, en est probablement l’un des inspirateurs. Pour lui réformer est un bon
moyen de mettre un terme à la prééminence de son rival. Doit-on voir aussi la marque de
Duprat dans les nouveautés financières de 1522, rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris et
essor de la vénalité publique des offices ? Ce serait le signe d’une évolution déjà en
marche199. Cependant, le récit que fait Barrillon du processus de création de la troisième
Chambre des enquêtes ne présente le chancelier que comme l’exécutant d’une décision
royale200. A partir de la mise sur la touche de Semblançay, il n’y a en revanche plus de
doute possible : Duprat figure au premier rang des responsables financiers. Ainsi, mettre
en avant le poids du chancelier au XVIe siècle pour souligner l’importance conservée par
« l’État de justice » avant la montée en puissance de « l’État de finance » au XVII e siècle,
c’est commettre un malentendu sur la fonction. Le chancelier est en effet un homme clé
des finances, à la Renaissance201. La réduction progressive de ses activités financières au
cours de l’Ancien Régime n’est justement pas sans rapport avec son relatif déclin.
91 Si l’implication du chancelier est certaine à partir de 1525, elle présente des caractères
spécifiques qui en font un objet d’étude assez complexe. Duprat, qui va nous retenir en
premier lieu, est tout d’abord le maître d’oeuvre du rassemblement des fonds pour la
guerre dans les années 1526-1529. Il est un temps épaulé, comme on l’a vu, par Tournon et
de Selve. Il apparaît comme le principal responsable du versement de la contribution
française à la ligue de Cognac202. En juillet 1529, pour faire face à l’arrivée de nouveaux
lansquenets, « du paiement desquelz et de ceux qui sont jà par deçà pour ce moys nous
sommes bien empeschez », Chabot informe Montmorency : « J’en escript à monsieur le
cardinal chancellier afin de regarder où cela se prendra »203. En définitive, l’ensemble de
la mobilisation des fonds relève alors de sa compétence204. Non content de surveiller et
d’orienter les rentrées, Duprat est bientôt amené à s’investir dans les circuits du crédit. Il
avance des fonds et en fait avancer par ses « amis ». En cas de nécessité, il s’adresse
partout.
« Touchant le fait de l’argent dont le Roy et vous m’escrivez, répond-il à
Montmorency, j’ay serché tous les moyens du monde pour les pouvoir trouver, et
aux banques et ailleurs où il me sembloit y en avoir, et en eussions recouvert plus
grosse somme si les eussions voullu assigner aux prochains deniers à recouvrer, ce
que ne povons faire, obstant que le Roy en a fait estât ».
92 Du solde de ce qu’il faut fournir, « je n’ay encores trouvé argent à préster où je puisse
avoir seureté encores que je y aye fait et face tout ce que je puis » informe-t-il le grand
maître quelques mois plus tard205.
361
d’opérations militaires (les deux phénomènes n’étant peut-être pas sans liens) laissent
dans l’ombre bien des aspects de la décision financière à cette époque.
100 Se succèdent ensuite deux gardes des sceaux, François de Montholon d’août 1542 à juin
1543, puis François Errault jusqu’en septembre 1544. Après une période confuse - le
nouveau garde des sceaux est-il Matthieu de Longue-joue ou François Olivier ? -, la
destitution de Poyet au terme de son procès conduit en avril 1545 à une clarification :
Olivier devient chancelier226. Ce sont tous des personnages de second rang, à l’exception
d’Olivier, mais ils ont néanmoins une place non négligeable dans le domaine financier.
Montholon est un des cinq membres du « Conseil des finances » (entendre Conseil étroit)
désigné en février 1543. Errault multiplie les commissions portant sur les affaires d’argent
227. Mais la « tutelle » ici leur échappe sans doute largement. Elle est aux mains de Chabot
101 Tournon est le seul membre du Conseil pour lequel on puisse risquer ce qualificatif. Mais,
avant de se pencher sur son cas, une autre figure au moins s’offre à nous pour évoquer
une telle spécialisation : celle de l’archevêque d’Aix Pierre Filhol (ou Le Filleul) 229. Il ne
s’agit pas ici d’énumérer toutes les commissions financières auquelles ce grand serviteur
de l’État, lié à Semblan-çay aussi bien qu’à Duprat, participe entre 1520 et 1535. Mais on
ne peut que remarquer l’importance qui lui est donnée dans la surveillance des redditions
de comptes. Il fait figure en ce domaine de délégué du pouvoir, et plus particulièrement
sans doute d’œil du chancelier. On a déjà évoqué son action pour les comptes des décimes,
aussi bien en 1521 qu’à partir de 1535230. Mais il est aussi présent auprès des « grandes »
commissions. Le 21 janvier 1523, Filhol est adjoint à celle qui a été créée quatre jours plus
tôt pour les comptables principaux. Le 10 décembre 1527, peu après la disparition de cette
commission, il reçoit pour tâche de surveiller la procédure au sein d’une Chambre des
comptes aux prérogatives retrouvées : il faudra l’appeler pour la clôture de tous les
comptes231. L’archevêque d’Aix, tout en intervenant dans le rassemblement des fonds des
finances extraordinaires (vente d’offices, décimes, emprunts), fait ainsi figure de
spécialiste du contentieux financier.
102 Avec Tournon, on se situe un degré au-dessus : plus question ici de surveillance ou de
relais du chancelier. A la fin de 1536, le cardinal affirme au roi découvrir à Lyon les
questions d’argent, « desquelles je ne me suys jamais meslé jusques à présent, ny n’eusse
fait sans la nécessité de voz afferes pour lesquelz il vous a pieu me laisser icy » 232. Cette
remarque semble fort étonnante. La tradition attribue en effet à Duprat la formation de
Tournon en ce domaine233. Et surtout sa participation active au rassemblement de la
rançon aux côtés de Montmorency est bien connue, en particulier pour ce qui touche
précisément aux questions financières et monétaires les plus techniques. Mais il est sûr
que sa figure ne prend tout son relief en ce domaine qu’en 1536, au contact direct de la
place lyonnaise. Il y a tout d’abord l’action au sein du « Conseil privé » créé en août, suivie
de la lieutenance générale dans le Sud-Est. Le choix de Tournon pour ce dernier poste,
outre ses qualités personnelles (connaissance de la région, liens avec l’Italie), relève aussi
un peu du hasard. Les « prétendants » possibles sont soit retenus auprès du roi (du Bourg)
ou aux armées (Montmorency), soit déjà en charge (du Bellay à Paris), soit en disgrâce
relative (Chabot)234. Pour la première fois depuis Semblançay, le milieu financier lyonnais
364
finances au sommet, sauf sans doute Tournon. Mais cette spécialisation, d’ailleurs toute
relative, n’est pas indispensable au niveau politique auquel se situent les protagonistes.
109 Les besoins d’argent du chef de guerre font de lui, suivant la belle formule de Boyvin du
Villars à propos du maréchal de Brissac, un « obstiné solliciteur de finances » 241. Or la
multiplication simultanée des opérations militaires et diplomatiques impose des choix.
Même dans l’urgence, le gouvernement monarchique ne fait pas n’importe quoi : il
oriente les fonds en fonction de priorités parfois claires à nos yeux, et parfois moins
nettes. Si les options stratégiques, pour discutables qu’elles soient, sont largement mises
en avant, leur dimension politique, qui relève précisément des rivalités internes au sein
du groupe dirigeant, est beaucoup plus difficile à cerner. Il est cependant des
circonstances où les interventions des hommes de pouvoir paraissent directement
366
influencées par ce dernier aspect des choses. La conjoncture militaire de l’été 1521 en
fournit un exemple éclairant. François Ier envoie alors l’amiral Bonnivet opérer en
Guyenne. Cette initiative n’est pas approuvée par les autres chefs militaires. « J’ay veu le
partement de M. l’admyral pour son voyaige de Guyenne, que je n’ay jamais trouvé bon »
écrit Lautrec. Le maréchal de Châtillon est plus net encore : « C’est une grosse despence,
et sans propox ». Or Lautrec part à ce moment commander en Milanais et affirme au roi :
« Le plus grand affaire que vous povez avoir pour ceste année sera en Ytalie »242. Quant à
Châtillon, c’est un des chefs de l’armée de Champagne. La « grosse despence » entraînée
par l’expédition de Bonnivet, au-delà d’une éventuelle utilité stratégique, signifie donc
nécessairement une réduction des flux d’argent destinés aux autres fronts. Ce qui ne
manquera pas de causer des difficultés de tous ordres, depuis l’approvisionnement
jusqu’à la solde des mercenaires. Et, en cas d’échec militaire grave, une lourde part de
responsabilité retombera sur le chef de l’armée, compromettant ainsi sa position
politique.
110 Bonnivet, pour sa part, cherche à s’assurer une source de revenus spécifique. Il désire
qu’on lui réserve les recettes de la généralité de Normandie. Il s’adresse le 7 septembre
1521 à Florimond Robertet pour que « l’on ne touche point aux parties de la charge de
monsieur le général de Normandie ordonnées pour le quartier de deçà, et est besoing que
le roy le commande bien expressément à mons. le grant maistre et à monsieur de
Samblanssay. Je vous prie, monsieur le trésorier, de tenir la main à cela »243. L’amiral
cependant paraît moins sectaire que ses collègues, lui qui, à propos du Milanais, pousse en
juillet le roi à « parler aux gens de [ses] finances pour y donner tel ordre qu’il ne puisse
venir inconvénient »244. Mais quel courtisan pourrait se permettre de dissuader le roi de
succomber au « mirage italien » ? Ce serait un choix politiquement hasardeux. En
revanche quand, à la mi-septembre, François Ier en personne prend la tête des opérations
dans le Nord-Est, Bonnivet n’hésite pas, tout comme Lautrec d’ailleurs, à conseiller la
défensive dans ce secteur. L’argument est vite trouvé : la saison est trop avancée.
Vendôme, qui pour sa part commande des fantassins en Picardie, demande au contraire
au roi de « haster son équipaige »245. Si « l’opinion des militaires varie », comme l’écrit
Spont, ce n’est donc pas seulement en raison de divergences stratégiques. D’autant que
les généraux sur les autres fronts savent qu’en raison même de la présence du roi, la
priorité financière sera donnée au secteur où celui-ci commande. Et, de fait, Semblançay
s’occupe ensuite plus particulièrement de l’armée du Nord246.
111 A d’autres moments, mais avec moins d’évidence, on retrouve des phénomènes
comparables. Si Lautrec insiste au printemps 1528 sur la nécessité pour le roi de ne faire
la guerre que d’un seul côté, est-ce seulement parce que cela permettra de licencier des
lansquenets247 ? N’est-ce pas aussi pour s’assurer l’exclusivité militaire dans le royaume
de Naples ? Lorsque Tournon demande d’abandonner les opérations du Nord-Est pour
« tourner force et despence » du côté du Piémont, ne souhaite-t-il pas, en mettant en
avant des arguments militaires louables, voir améliorer sa difficile situation dans le Sud-
Est248 ? Sans perdre de vue que le service du roi ne se réduit pas à une égoïste sauvegarde
de leurs intérêts immédiats, il serait cependant angélique de ne pas voir dans les avis des
proches du souverain le souci d’aller dans le sens de leur réussite politique. L’idéal est
évidemment de parvenir à concilier les deux.
367
112 C’est une partie délicate que joue au printemps 1530 le grand maître. Il a été investi par le
roi de larges responsabilités pour faire aboutir le dernier acte du traité de Cambrai :
l’échange de 1,2 million d’écus contre deux princes et une reine249. Pour ce faire, il vient
s’établir à Bayonne, accompagné d’une équipe étoffée. L’importance de l’enjeu éclate dans
les lettres que le roi lui écrit : « Je ne faiz nulle doubte, mon cousin, que vous ne
cognoissiez clere-ment de combien l’affaire pour lequel je vous ay envoyé par delà me
touche ». « Les gens à qui vous avez à besoigner sont saisis d’un gaige qu’il faut
nécessairement recouvrer »250. Ainsi, sans qu’il y ait le moins du monde à lire ces propos
comme une menace directe, Montmorency est-il prévenu : l’échec de l’opération sera son
échec.
113 Dès le départ, le grand maître s’engage pleinement. Il fait jouer toutes les ressources de sa
prestigieuse position. Ses fidèles se dépensent pour convaincre la noblesse de prendre
part au fardeau, à l’image de Saint-André en Lyonnais. D’autres sont à des postes clés : son
cousin Brissac auprès des enfants de France ou son ami Humières pour organiser la
remise de Hesdin. L’entourage familial prend sa part des prêts au roi. La maréchale de
Châtillon, sœur du grand maître, avance six mille écus, madame de Villars, sa belle-mère,
sept mille. Les fidèles là aussi y vont de leur bourse : le trésorier de France Claude
Robertet, frère du bailli du palais François, un proche de Montmorency, fournit trois mille
écus. Quant à Guillaume du Bellay, son ardeur à prêter tient sans doute pour beaucoup à
son désir de servir les desseins du grand maître. Ce dernier, au terme du processus, finit
par s’engager directement en cautionnant, le 15 août, la dette du roi. Quant aux vingt
mille lt qu’il emprunte alors à Nicolas Le Coincte, leur destination est aisée à deviner 251.
114 L’engagement personnel vient ici épauler celui de l’appareil monarchique. L’argent afflue
à Bayonne. Le rassemblement de la somme, malgré des difficultés monétaires non
négligeables, ne pose cependant pas de problèmes majeurs, en raison de la priorité
absolue donnée par le roi lui-même. Mais les Impériaux, échaudés, à juste titre, par la
non-application du traité de Madrid, multiplient les arguties, les soupçons et les chicanes.
Les retards s’accumulent. L’échange, lors de la signature du traité du Cambrai, avait été
fixé au premier mars 1530. Il est régulièrement repoussé et le roi s’impatiente. Les
adversaires politiques du grand maître, que l’on retrouvera bientôt pour une affaire liée à
celle-ci, ont beau jeu de dénoncer l’immobilisation des fonds et l’inefficacité du
négociateur alors qu’il y a bien d’autres urgences, à commencer par les pensions des
Suisses et des Anglais. A en croire les détracteurs de Montmorency, on néglige tout pour
satisfaire ses volontés. En juin, alors que les négociations s’éternisent, on le croit - et il se
croit - menacé de disgrâce. Mais quelle peut être l’alternative ? En forçant le destin le
premier juillet, alors qu’une nouvelle reculade impériale se dessine, Montmorency
impose l’échange, sauve sa mise et rend caduque cette question. Dès lors, son succès lui
permet d’asseoir solidement sa position politique. Dix ans plus tard, une démarche
similaire d’entente avec les Impériaux, avec cette fois le Milanais pour enjeu, échoue. La
disgrâce, alors, ne tarde guère.
368
115 L’argent est indispensable, mais il faut pour le manier avec compétence des techniciens
qualifiés. D’où l’ardeur des responsables à réclamer à leurs côtés la présence d’officiers de
finance. A Bayonne, au printemps 1530, Montmorency a emmené avec lui aussi bien le
trésorier de l’Épargne Guillaume Preu-dhomme que celui des finances extraordinaires et
Parties casuelles Pierre d’Apestéguy, sans parler du général de Bretagne et secrétaire des
finances Gilbert Bayard ou du général des monnaies Nicolas Le Coincte. Aux armées, l’aide
offerte par les hommes de métier est aussi fort appréciée. A l’été 1521, Bonnivet en
Guyenne entend se réserver non seulement les fonds normands, mais aussi les services du
général de Normandie. C’est dans ce dessein qu’il ne lui fait pas de place dans son
« organigramme » de cellule financière de crise soumis au roi au même moment. D’autant
que l’intéressé, Thomas Bohier, est un homme chevronné, général depuis plus de vingt-
cinq ans. Lau-trec le réclame d’ailleurs pour le seconder en Italie. Thomas Bohier s’est fait
depuis longtemps une sorte de spécialité d’accompagner les armées dans la péninsule : ce
fut le cas en 1494, 1504, 1507, 1509, 1511-1513 et 1515 ! Aussi la demande de Lautrec est-
elle logique. Mais le roi n’y donne pas suite et le général de Normandie reste auprès de
Bonnivet.
116 Quinze ans plus tard, en 1536, on s’arrache toujours les officiers compétents. Le duc de
Vendôme, qui commande en Picardie, doit faire face seul aux problèmes de financement
de ses troupes, alors que le duc de Guise en Champagne peut se reposer sur le général des
finances Anthoine de Lamet. Vendôme s’en plaint, non sans une certaine aigreur, auprès
du cardinal du Bellay, lieutenant général à Paris et en Ile-de-France : « Je n’ay point de
général avec moy comme ilz ont et faut que moy seul y entende »252. L’activité de Lamet à
l’entour de Guise montre que les généraux n’ont évidemment pas disparu après 1523.
Mais, quelqu’importante qu’elle soit, leur tâche se situe désormais résolument à l’échelon
provincial et sans intervention dans les circuits du crédit253. Au printemps suivant, c’est
au tour d’Humières, qui commande en Piémont, de réclamer la présence auprès de lui de
Charles de Pierrevive. Ce trésorier de France en Languedoc est très apprécié aux armées.
Il suit alors Montmorency en Picardie, et ce dernier le juge indispensable auprès de lui.
Bien qu’Humières le « demande tous les jours, écrit-il au chancelier, nous ne nous en
scaurions passer icy ». Mais le grand maître a une solution. Elle consiste à faire sortir de la
prison où il croupit depuis longtemps le trésorier de France Jehan Grolier, et à l’envoyer
en Piémont254. Entre Humières et Montmorency, la « rivalité » s’explique par la rareté du
personnel disponible, non par une opposition politique. D’où le souci du grand maître de
proposer une solution pour aider à organiser le front italien.
117 Ce besoin, peut-être plus vif dans les armées, se retrouve chez les responsables
provinciaux, y compris en l’absence d’opérations militaires. Vers 1527-1528, le lieutenant
de Montmorency en Languedoc cherche à obtenir du roi et du gouverneur en titre l’envoi
dans la province du général de Languedoc, Jehan de Poncher, qui « feroit du service au
Roy et [le] releveroyt de peine »255. Il s’agit semble-t-il d’assurer les paiements des gens de
pied cantonnés dans la province. Gouverneurs et lieutenants généraux ne sont pas
réticents à l’arrivée dans leur circonscription de spécialistes des finances et de la justice,
bien au contraire. Ces derniers en effet ne sont pas perçus comme des rivaux, mais
comme d’utiles auxiliaires dont on a plutôt tendance à vouloir se réserver les services, au
369
détriment des autres responsables. C’est dans cette perspective qu’il faut observer les
premiers pas des « intendants » aux armées ou dans les provinces, à l’époque d’Henri II 256.
118 Pour qui occupe une position de pouvoir auprès du roi, la circulation des offices de
finance importe beaucoup. Les changements de titulaires donnent lieu à des intrigues et à
des négociations. A travers elles se mesure l’influence des principaux membres du groupe
dirigeant. Peu d’affaires sont assez documentées pour permettre une approche de ces
tractations. Aussi, plutôt qu’une aléatoire voire impossible étude d’ensemble, mieux vaut
présenter un peu longuement deux « cas » révélateurs, pour lesquels la quantité et la
précision de l’information disponible donnent quelque crédit aux hypothèses du
chercheur…
119 Nous sommes au début d’octobre 1521. Loys de Poncher, trésorier de France en
Languedoïl, âgé d’une soixantaine d’années, est gravement malade. Il est d’abord victime
d’un « fluz de ventre, et après de urine avecques fyevre continuelle »257. La « merveilleuse
peinne et grand ennuy » qu’a son frère ainé, Estienne de Poncher, « de [le] veoir en Testât
qu’il est » ne lui fait cependant pas perdre de vue les intérêts de la famille. Il s’agit
d’assurer au clan Poncher la conservation du prestigieux office du malade. Le 6 octobre,
Estienne écrit en ce sens à Florimond Robertet, influent collègue de son frère. Il a
d’ailleurs déjà envoyé une missive en ce sens à Madame. Il est logique que ce soit Estienne
qui accomplisse ces démarches : archevêque de Sens, ancien garde des sceaux de
Louis XII, c’est le grand homme de la famille, le mieux placé pour négocier. Il pousse en
avant son petit-neveu Jehan de Poncher, qui est pour l’heure trésorier de l’Ordinaire des
guerres. Ce dernier, en cas de succession, « se mectera en son devoir, pour soubvenir aux
affaires du Roy, [de lui laisser] faire son proufït de son office de trésorier des guerres ».
Aussi Estienne « supplie humblement [Robertet] qu’il [lui] plaise avoyr son affaire pour
recommandé ». Malgré sa position en vue, il ne peut en effet se passer de relais pour
emporter la décision.
120 Mais un autre solliciteur se présente en la personne de Charles de Bourbon. Le lendemain
de la mort de Loys de Poncher, qui s’éteint le 9 octobre258, le connétable, depuis « Bac à
Bery » (Berry-au-Bac), écrit au roi. Étant donné son rang, il n’a pour sa part nul besoin
d’intermédiaire pour présenter une requête à François Ier. « J’ay esté adverty de la mort
du trésorier Poncher. Vous scavez, monseigneur, le désir que j’ay de vous faire service en
la despence qu’il me convient faire, par quoy vous supplie, monseigneur, y avoir esgard et
me donner led office pour me ayder à supporter la bonne voulenté que j’ay et y despendre
ce qui en viendra et le reste de mes biens ». Il est encore possible de concilier les deux
propositions : il suffit de céder au connétable l’office de trésorier des guerres abandonné
par les Poncher. De moindre valeur que celui de trésorier de France, il constitue
cependant un fort honnête cadeau.
121 Mais rien de tout ceci ne se produit car Louise de Savoie, qui a un homme à placer, impose
son propre point de vue. Sa position politique est alors très forte, contrairement à celle
du connétable. Ce n’est pas par hasard que la première démarche d’Estienne de Poncher
était tournée vers elle. Mais celui-ci connaît bientôt « la délibération de madame » :
l’office ira à Philibert Babou, contrôleur général des finances de Louise et l’un de ses
370
fidèles dans le monde des officiers. Il est pourvu le jour même de la mort de Loys de
Poncher259. Estienne regrette d’avoir été pris de court par la progression de la maladie et
de ne pas avoir commencé ses démarches suffisament à temps : « Si j’eusse pansé le
dangier de mort y estre si grand comme l’effect l’a monstre, j’eusse plutost fait
diligence ». Mais les médecins ont longtemps donné « espérance de santé »…
Evidemment, pour Estienne de Poncher, le choix qui a été fait par Louise est le meilleur…
à l’exception du sien : « J’ayme mieux que celuy-là en soyt pourveu, puys que le temps ne
s’est [trouvé] pour mondit neveu, [plutôt] que aucuns autres qui la poursuyvoyent ». Sans
doute le connétable, entre autres, avait-il son candidat ? Sur ce point, on n’en sait pas
plus.
122 S’il est de bonne politique pour Poncher d’abonder dans le sens de la décision prise, il est
opportun pour Madame de veiller à ne pas s’aliéner la famille lésée. L’approbation du chef
du clan Poncher se comprend plus aisément à la lumière des « compensations » qu’elle
obtient alors. Loys de Lon-gueil, conseiller au Parlement de Paris et au Parlement de
Bretagne, est, en novembre, « en extrémité de maladie ». Estienne de Poncher s’empresse
d’annoncer la nouvelle à Madame, qui cette fois n’hésite pas, au moins pour la charge
parisienne : « Je vous prie parler au Roy de son office, écrit-elle à Robertet le
11 novembre, pour l’une des filles du feu trésorier Poncher ». Estienne en rajoute auprès
de l’influent secrétaire : « Je vous supplie monsgr qu’il vous plaise m’y estre aydant pour
les pouvres filles qui n’ont père ne mère »260. Cela servira à les marier : un tel office ne
nuit pas en effet quand il s’agit de constituer une dot. La charge sera pourtant revendue,
car ceux qui épousent les deux dernières filles à marier de Loys de Poncher, Anthoine
Bohier en 1522 et Eustache Luillier en 1523, n’en héritent pas directement. Mais
l’archevêque est gourmand et aimerait obtenir aussi la charge bretonne de Longueil pour
un autre de ses neveux par alliance, François Crespin, pour l’heure conseiller au
Parlement de Paris. Il s’y emploie en sollicitant Robertet, mais aussi Claude, la bonne
reine-duchesse261.
123 Et le connétable dans tout cela ? Pour autant que je sache, il n’a pas droit à la moindre
compensation. Il est d’ailleurs révélateur de voir que sa demande est faite au lendemain
de la provision de Babou. Charles de Bourbon, bien qu’en dignité le deuxième personnage
du royaume, compte politiquement assez peu. C’est un problème que l’on retrouvera
bientôt. L’influent Bonnivet, qui est alors en Navarre, est en revanche dûment et
rapidement averti par Madame. Il approuve totalement l’opération : « J’ay veu par ce qu’il
vous a pieu m’escripre comme le Roy à votre requeste a pourveu Babou […] ; me semble
ma dame que n’eussez peu le mieulx faire employer ». Pour qui connaît la rivalité de
l’amiral et du connétable, cette approbation prend une saveur particulière. Et, depuis
avril 1521, s’est ouverte la grave question de la succession de Suzanne de Bourbon. Loys
de Poncher « a faict bonne fin, à dieu en soyt la louange ». Sa mort, à un moindre échelon
certes que celle de Suzanne, est aussi une bonne occasion d’observer la vie politique sous
François Ier.
b. L’affaire Ruzé-Besnier
124 Après ce drame en un acte, la querelle autour de la recette générale d’Outre-Seine, qui
culmine au printemps 1530, fait figure de long roman. Il faut remonter au début de 1527
pour en saisir le sens et prendre un peu de recul avant de retrouver le groupe dirigeant.
En janvier de cette année-là, le receveur général Jehan Ruzé, parent de Semblançay, est
inquiété au moment de l’arrestation de ce dernier262. Ses relations avec son parent sont
371
assez étroites et, si on ignore tout de son devenir au cours du procès de Semblançay, il
apparaît, avec son cousin et homonyme, avocat du roi au Parlement, comme un de ceux
qui « avoient conseillé à la vefve de feu mons. de Sainct-Blancet et à ses héritiers de
former une appellation contre l’arrest ou sentence donnée contre ledict seigneur
Blancet »263. Aussi, en juillet ou août 1528, est-il emprisonné au Petit Châtelet pour ce
motif264. Mais il conserve cependant son office265. C’est Estienne Besnier, alors commis au
paiement d’une compagnie d’archers de la garde, qui aurait dénoncé cet appel secret aux
autorités. Premier et fondamental élément d’un contentieux entre les deux hommes.
Besnier, peu de temps auparavant, était encore un fidèle de Semblançay : ayant des
intelligences à la Bastille, il servait d’intermédiaire entre l’accusé et son fils 266. Peut-être
a-t-il changé de camp pour ménager sa propre situation.
125 Le 11 février 1529, la commission qui statue sur l’appel rend sa sentence. Le jugement est
validé. Ruzé est condamné aux amendes pécuniaires et honorables et perd son office de
receveur général, « combien qu’il n’en fut parlé en son procès »267. La nature juridique de
cette « perte » est peu claire, dans la mesure où, effectivement, la sentence n’y fait pas
référence. Simple suspension ou destitution ? La première solution paraît la plus probable
268
. Une chose est sûre : c’est Estienne Besnier qui est commis à sa place le 18 mars 1529,
moyennant un prêt de vingt mille lt269. Il doit recevoir tous les fonds dus depuis le
premier janvier précédent270. Selon le Bourgeois de Paris, Ruzé aurait essayé en vain de
récupérer l’office pour son fils, en proposant d’avancer dix mille écus au roi, mais la
tentative elle-même n’est pas certaine271. Du moins l’ancien receveur parvient-il à refaire
surface. Si les fonds du quartier d’octobre 1529 sont toujours gérés par Besnier, ceux de la
taille du quartier de janvier 1530 le sont par Ruzé. C’est apparemment vers la mi-janvier
qu’« il a pieu au Roy remettre monsieur le recepveur général Ruzé en son office »272. Ce
retour est le fruit d’une négociation. Pour le Bourgeois de Paris, il est rétabli moyennant
une avance de soixante mille lt. On garde trace d’un prêt d’au moins 41 500 lt, même si
cette avance n’a probablement lieu qu’en février 1530273.
126 Un homme, et non des moindres, paraît être à l’origine de ce partiel retour en charge :
Anne de Montmorency. Si son absence parmi les détracteurs de Semblançay a un sens, on
le retrouve ici, dans cet appui donné aux proches du financier exécuté. Mais la situation
est fragile, car Besnier ne désarme pas. A la fin de février, il lance une grande offensive.
Les conditions politiques lui sont de nouveau favorables. Montmorency en effet a quitté la
cour à Moulins le 22 pour se rendre à Bayonne. Les conséquences de cette prise de
distance sont immédiates, comme en témoigne une lettre de Jehan Breton au grand
maître : « Dès le lendemain que vous partistes de Moulins, la chose fust mise sur le bureau
et fust dit au Roy que led Besnyer offrait trente mil escuz plus que ne bailloit Ruzé et que
cestoy chose à quoy l’on devoit bien penser veu les affaires que led sgr avoit, et ne fut
oublyé une seulle chose à dire de ce qui povoit servir pour ayder aud Besnyer »274.
127 Même le versement de tout ce qu’il a promis ne peut donc mettre Ruzé à l’abri des
surenchères. Dans l’urgence du rassemblement de la rançon, le roi prête une oreille
attentive en priorité à ceux qui annoncent les plus gros chiffres. Les deux rivaux ne s’en
privent pas. Les offres de Ruzé sont jugées risquées par Jehan Breton lui-même : « Je
crains que le pouvre homme, pour faire service au Roy […], ait advancé chose qui luy sera
bien difficile de retirer ». Celles de Besnier font dire au chancelier Duprat « qu’il acheptoit
bien chèrement ung procès »275. Mais Besnier a le vent en poupe. Breton en avertit le
grand maître au début de mars : « Monsieur de Stains ( = Jehan Ruzé) aura bien à faire de
demourer en Testât que vous l’avez mis et [je] craings merveilleusement que votre
372
absence luy soit grandement préjudiciable ». « Je me doubte fort que tout ce que vous
avez faict pour monsieur de Stains s’en ira en fumée, car il a de fortes partyes » 276. Notons
au passage combien, aux dires de Breton, le retour de Ruzé devait aux efforts de
Montmorency : ses propos sont ici sans équivoque.
128 Besnier à lui seul ne constituerait pas une « forte partie ». Mais il dispose de soutiens de
poids. Dans une lettre en partie codée du 18 mars, destinée à un serviteur du grand
maître, Nicolas Berthereau, Jean du Bellay brosse un tableau assez sombre de la situation :
« Entendez que tout ce qui est possible de faire, l’Admirai [Chabot] le faict pour
deffavoriser votre maistre comme s’il n’avoit d’aultre but en ce monde […]. Et
autant en a faict le prévost de Paris [Jean de la Barre] et Dieu scay s’ilz ont, chacun
en son endroict, faict là dessuz de belles gloses et de belles menées […]. En l’affaire
de Besnier, […] leur partialité est si extrême que, combien que Robertet [François,
bailli du Palais] leur donne bien à souffler et l’aultre [Jehan Breton] aussi, si
[Montmorency] est-il en dangier de perdre le jeu »277.
129 Outre ces deux ténors, le chancelier lui-même semble défavorable au grand maître et
donc à Ruzé. De son propre aveu, Duprat se dit « suspect en ceste affaire » aux yeux de
Montmorency278. Par deux fois, au milieu de mars, François Robertet intervient auprès du
roi pour critiquer, et Besnier, et ses offres279. Mais Breton, cet autre fidèle du grand
maître, est témoin de son impuissance, malgré les courriers envoyés depuis Bayonne par
Montmorency : « Aucuns personnages ont faict ce qu’ils ont peu pour ayder aud Ruzé,
mais leurs forces ont été trop petites »280.
130 Le 18 mars, le roi écrit à Montmorency et Tournon pour leur expliquer pourquoi il
accepte les propositions de Besnier, « que je suis seur que vous trouverez sy raisonnables
que vous ne me desconseillerez de prandre et accepter pour ceste heure chose sy
adventageuse pour moy qu’est ceste là »281. Besnier est donc réinstitué le 20 mars 1530,
moyennant un prêt de quarante mille écus et des engagements financiers
complémentaires, mais il tiendra toujours la recette générale sous la forme d’une
commission282. Ce choix du plus grand avantage financier est aussi, selon le roi, le choix
de la justice : « L’on m’a escript piéçà de Paris que le pis que je pourroys faire, ce seroit de
remectre icellui Ruzé aud office et que, s’il y estoit une fois, il y a plusieurs choses de très
grande importance et conséquence touchant et concernant le faict de mes finances,
lesquelles choses sont sur le poinct d’estre advérées et esclarcies, qui ne le seroyent
jamais »283. On devine ici l’intervention des gens de la Tour Carrée, bien relayés à coup sûr
dans l’entourage royal. Bon prince, François Ier accorde cependant une priorité au
remboursement des avances déjà faites par Ruzé. Mais en fait celui-ci devra attendre
longtemps encore. L’affaire fait grand bruit dans les allées du pouvoir : « Tout le monde
crye de plus en plus sur l’injustice faicte à Ruzé » constate Jean du Bellay le 28 mars.
Montmorency persiste à écrire au roi à ce sujet, mais Jean Breton lui expose qu’on ne peut
plus rien pour le moment en faveur de Ruzé284. A certains, le bruit fait par l’affaire semble
disproportionné par rapport à l’enjeu. Le 12 avril, Tournon affirme à Jehan Breton qu’il y
a des choses plus importantes à faire que de multiplier « répliques et dupliques du fait de
Ruzé et Baynier »285.
131 L’échec du grand maître est ici patent. L’ampleur des besoins explique que le roi ait
préféré Besnier, mais cela ne suffit pas. Il faut que les promesses de ce dernier, difficiles à
tenir, lui aient été présentées sous un jour favorable. L’absence physique de
Montmorency a pesé très lourd dans la balance. Telle est du moins l’opinion de ses fidèles,
sur le témoignage desquels repose l’essentiel de ce développement. Pour Jean du Bellay,
« son absence a faict cognoistre de quoy il sert ». L’avenir de l’affaire est suspendu à son
373
retour auprès du roi : « Quant à l’affaire de monsgr de Stains, c’est une chose de quoy il ne
fault plus parler jusques à vostre retour » conclut Breton286.
132 Le conflit peut-il être interprété comme l’affrontement de deux clientèles ? Ruzé est sans
doute un client ou du moins un protégé de Montmorency. En revanche, les soutiens de
Besnier, dans leur diversité, ne s’apparentent guère qu’à une coalition momentanée des
adversaires du grand maître. Ce dernier est en phase d’essor politique, au début du
« test » de la rançon, et tous les moyens sont bons pour contenir son influence
grandissante287. Montmorency, fragilisé par l’absence, dans un monde où le contact direct
pèse lourd, peut de plus difficilement s’opposer à ce que le roi accepte la solution la plus
avantageuse pour les finances royales : sa propre réussite à Bayonne dépend aussi de cela.
Si seul son retour peut inverser la situation, c’est aussi parce qu’il signifiera, outre la fin
de l’éloignement, la levée de l’hypothèque politique que représente alors pour lui le
règlement de la rançon.
133 Il est possible que derrière Besnier se cache un groupe financier disposé à prendre des
places dans le contexte changeant des poursuites financières. On constate que des liens
l’unissent en effet à Gaillard Spifame, général d’Outre-Seine ou à Jehan Prévost, général
de Guyenne288. Sans parler de relais dans le monde des marchands-banquiers parisiens
voire lyonnais289. Mais ceci n’est qu’une hypothèse. Pour mieux cerner la question, il
faudrait pouvoir replacer tous ces gens dans le cadre de l’affrontement dominant au
sommet, celui qui oppose alors Chabot et Montmorency290. C’est fort délicat, sauf à dire
que ni Spifame ni Prévost n’a de relation privilégiée avec le grand maître. On ne peut
guère aller au-delà de cette preuve par l’absence, dans la mesure où les sources sont
infiniment moins riches pour le « clan » Chabot. Le cas de Nicolas Le Coincte, général des
monnaies qui va bientôt devenir changeur du Trésor, pose problème dans cette
perspective car celui-ci est lié à la fois à Besnier et à Montmorency291. Mais on ne peut
évidemment supposer une étanchéité telle qu’elle opposerait deux camps séparés par un
véritable « rideau de fer ». D’autant que Le Coincte occupe une position centrale sur le
marché financier parisien du moment.
134 Le succès de Besnier est très provisoire. Bientôt poursuivi pour sa gestion, il est
emprisonné à une date inconnue, peut-être dès 1531. En août 1532, il est condamné par la
Tour Carrée et meurt en prison peu après, probablement en septembre. Les sources
disponibles ne permettent pas de rattacher ses déboires à une intervention directe de
Montmorency. Mais il est probable que ce dernier a vu sans déplaisir les malheurs de
celui qui avait voulu profiter de la situation au printemps 1530. Si Ruzé est « vengé », le
sort cruel de son adversaire ne le fait pourtant pas revenir en charge. C’est alors le temps
de la suspension des receveurs généraux. De plus, rien ne dit qu’il veuille retourner aux
affaires, d’autant qu’il est lui aussi poursuivi pour sa gestion. A partir de 1532, il siège
comme conseiller au Parlement de Paris et reste à ce poste jusqu’à sa mort, en mai-juitt
1539, après avoir à son tour fait l’objet d’une sentence de la Tour Carrée en 1536.
135 La position de pouvoir des hommes en vue du règne leur assure des profits sérieux. Le
service royal paie bien, au niveau du Conseil et de la cour. Il n’est que de voir les dizaines
de milliers de livres de gages et de pensions que draine Montmorency. Celui-ci fera
374
d’ailleurs encore mieux sous Henri II292. Aux revenus réguliers s’ajoutent des
gratifications ponctuelles. A l’avènement de François Ier, les deux Gouffier (Boisy et
Bonnivet), le Bâtard de Savoie, Lautrec et La Palisse se partagent de somptueux cadeaux :
revenus de la grande prévôté de Nantes, profits des créations d’offices d’enquêteurs et de
contrôleurs dans les villes, montant des droits de francs-fiefs et nouveaux acquêts. A en
croire le Bourgeois de Paris, l’ensemble atteint environ 200 000 lt 293. Et il ne s’agit pas d’un
geste isolé : dès 1517, le Bâtard de Savoie et le grand maître Boisy reçoivent 64 475 lt
« pour leurs services », en sus de leurs états et pensions294. On pourrait multiplier les
exemples.
136 La monarchie constitue une source privilégiée de liquidités pour les grands. L’ampleur
des versements d’argent comptant éclaire d’un jour particulier les réformes financières
centrées autour des trésors de l’Épargne et du Louvre. Pour les courtisans, la
concentration des fonds à l’entour du roi permet de recevoir de beaux écus sans la
contrainte d’assignations provinciales longues et aléatoires. L’argent est là, plus besoin
d’aller le chercher. En ce domaine, on peut aisément déroger aux ordonnances qui
réglementent strictement les dons. Le roi ne fait d’ailleurs pas de difficultés à ce que ses
proches bénéficient des stocks accumulés295. Mais les fonds accaparés par les rivaux
politiques sont toujours trop importants. Dimension classique de l’affrontement autour
du pouvoir que celle de la lutte pour les dons royaux. Elle passe ici le plus souvent par une
critique des largesses du monarque sur fonds de défense des intérêts de la monarchie. Au
printemps de 1535, le chancelier Duprat produit un document qui parle de treize
« millions d’or » de dons, sans doute depuis le début du règne, « essendo capi di lista il
Granmaestro et l’Armiraglio, che ne havevano avuto buona parte »296. La dénonciation des
dilapidations - le « roi dépensier » est « trop » généreux et doit être protégé contre sa
propre largesse naturelle - est une méthode courante pour s’en prendre aux leaders
politiques du moment.
137 L’exploitation financière de la position de pouvoir ne se limite pas aux seuls revenus
assurés par le souverain : le mouvement est beaucoup plus large. Parmi les dispensateurs
de cadeaux, on trouve ainsi les États provinciaux, bourguignons pour Chabot et
languedociens pour Montmorency297. S’assurer la bienveillance hautement rémunérée
d’un gouverneur bien en cour est un placement qui paraît très rentable. Plus largement,
le recours nécessaire aux intermédiaires pour obtenir du souverain une quelconque
faveur entraîne la généralisation du système des cadeaux. Sous Louis XII, Florimond
Robertet est réputé parmi les Italiens pour sa rapacité. Quant à l’amiral Chabot, il semble
pratiquer un trafic d’influence à grande échelle pour adoucir le sort des officiers de
finance en délicatesse avec la justice298. L’accès aux informations les plus fiables et les plus
rapides se monnaie aussi, soit qu’on les transmette, soit qu’on les utilise pour son propre
compte. N’est-ce pas le cas de Tournon quand il spécule sur une ferme lyonnaise299 ? Le
« délit d’initié » est ici la chose du monde la mieux partagée, en un temps où d’ailleurs il
n’est évidemment pas considéré comme un délit300. Le pouvoir en effet peut et doit
enrichir. Brantôme fait de l’amiral d’Annebault un cas presque aberrant
d’appauvrissement au service du roi301. Cependant, la frontière du licite et de l’illicite, qui
sépare l’exploitation légitime du détournement de fonds, existe bien. Mais elle n’est elle-
même mise en évidence à ce niveau qu’en fonction de nécessités politiques.
138 Chabot, mettant à profit son implantation provinciale, ne se contente pas de bénéficier
des largesses des États de Bourgogne. A plusieurs reprises, il aurait puisé indûment dans
des caisses d’officiers du roi du cru, et même dans celle d’un commis à la recette générale
375
violent incident oppose sur ce sujet Anne de Bourbon et Louise de Savoie. Aussi le
connétable est-il contraint de financer une part importante de son action au service de la
couronne avec ses revenus personnels. Ceux-ci seraient, sous bénéfice d’inventaire,
considérables : peut-être cent vingt mille écus, plus vingt mille assurés par sa belle-mère,
soit quelque deux cent cinquante à trois cents mille lt. En face, les dons et pensions,
lorsqu’ils sont versés, comme en 1515 par exemple, ne dépassent pas la somme, déjà
coquette, de 75 000 lt. Quant aux octrois des États d’Auvergne et de la Marche (cinquante
mille lt + cinq mille lt sur cinq ans, de 1517 à 1521), ils gagnent directement les caisses de
la recette générale de Languedoïl310.
142 L’affaire est entendue : le roi tente d’exploiter financièrement son connétable311. Est-ce si
surprenant ? Certes, le rappel du Milanais en 1516 ne peut être clairement interprété
comme un signe de défaveur : les opérations terminées, il est logique que le connétable
vienne prendre son service auprès du roi. Cependant, la cessation du versement des
pensions cette même année est un signe fort inquiétant. A partir de 1519, les relations se
tendent nettement. Est-ce un hasard si la première ouverture en direction de Charles
Quint porte sur un contentieux financier ? Le connétable réclame à l’empereur les biens
donnés à Gilbert de Montpensier, son père, dans le royaume de Naples. Charles Quint
refuse, mais lui accorde une compensation de cent mille lt en dix annuités. Charles de
Bourbon perçoit les trois premières. Auprès du roi en revanche, il est bientôt en semi-
disgrâce. La remise du commandement de l’avant-garde à Vendôme, en 1521, est une
claire preuve de défiance. On a vu cette même année la façon cavalière dont, dans la
succession de Loys de Poncher, sa requête est traitée.
143 Bourbon offre la particularité toute « féodale » de ne pas dépendre assez, financièrement
et donc politiquement, du roi et de ses coffres. C’est sans doute là l’essentiel :
l’exploitation financière vise à affaiblir un homme dont la position socio-politique n’est
pas suffisamment tributaire du roi312. Aussi, pour le connétable, une disgrâce ne saurait
être suffisante pour réduire à néant son autorité politique. Il faut trouver autre chose, et
le litige sur la succession de sa femme permet d’y parvenir. Au bout du compte, Bourbon
doit faire figure de traître pour que sa discutable élimination puisse se justifier. Par
ailleurs, sans que l’on puisse évaluer quel impact il a eu, le souci pour la monarchie en
difficulté de disposer de ressources nouvelles n’est sûrement pas absent des suites
données aux premières décisions judiciaires. Le séquestre est vite prononcé, dès août
1523, et la saisie suit dès mars 1524, après la « trahison » : tout ceci ressemble à s’y
méprendre à un expédient financier pour période difficile, sans parler un peu plus tard de
la vente des terres confisquées, la confiscation définitive n’intervenant qu’en juillet 1527
313
. L’affrontement spectaculaire du « dernier féodal » (Nevers excepté ?) et de son
suzerain est donc, pour une part non négligeable, une affaire d’argent.
144 En matière de gestion des finances au quotidien, la vulgate du règne veut que le roi suive
l’opinion de ses proches, voire leur laisse toute latitude pour régler les questions
techniques. « Le roi très-chrétien n’aime pas les affaires ni le souci de l’État, mais plutôt la
chasse et les plaisirs […]. [Il est] docile à l’avis de ses conseillers » affirme
François Giustiniano en 1537. Il lui oppose Charles Quint attaché à son labeur et se
conduisant « d’après son propre avis ». Son successeur Marino Cavalli renchérit en 1546 :
« Les soucis de l’esprit lui pèsent, et il s’en décharge presqu’entièrement sur le cardinal de
Tournon et sur l’amiral [d’Annebault] […]. En toute chose, il s’en tient à leur avis » 314.
377
Henri VIII fait l’objet de propos semblables, les principaux ministres, Wolsey ou Cromwell
contrôlant tout ce qui arrive, et parfois n’informant même pas le roi. Quant à l’empereur
Maximilien, « il avait des conseillers, des fripons, qui le régentaient entièrement et
presque tous devinrent riches »315. L’épisode Semblançay et l’attitude du roi en janvier
1527 semblent illustrer le désintérêt de François Ier, alors qu’ici pourtant l’affaire est
d’importance.
145 Cette vision est largement, sinon totalement, erronée. En cas de décision majeure
précisément, nul ne saurait trancher si ce n’est le roi lui-même. Cavalli en 1546 le sait
bien qui, quelques lignes après l’évocation de la docilité du roi aux avis, s’empresse
d’ajouter : « Pour ce qui est des grandes affaires de l’état […], sa majesté […] veut que les
autres obéissent à sa volonté. Dans ce cas-là, il n’est personne à la cour, quelque autorité
qu’il possède, qui ose en remontrer à sa majesté ». Quand le roi a une position fermement
arrêtée, le silence se fait. Son choix s’impose pour la campagne pour l’Empire : aucune
voix discordante ne se fait alors entendre. Tout au plus est-il question de mener
différemment la même politique316. Quand, en septembre 1543, le Conseil est d’avis
d’évacuer Luxembourg après en avoir rasé les fortifications, François Ier, « quelque
persuasion qu’on luy feist, demeur[e] en son opinion de garder ceste ville », et se
préoccupe d’assurer le financement de l’approvisionnement de la place317. Pour autoriser
la bataille à la veille de Cérisoles, l’année suivante, le roi décide de nouveau contre l’avis
du Conseil : l’anecdote de Monluc est sans doute en partie reconstruite, mais elle n’en est
pas moins fort éclairante318. Lors du choix d’un époux pour Madeleine de France, le
cardinal de Lorraine, quant à lui, est très clair : il « s’est contenté de ce qui satisfait le
roi »319.
146 Attitude hautement révélatrice. Le silence qui entoure l’arrestation de Semblançay prend
ainsi tout son sens. L’opération a le plein aval du roi. Mais François I er n’a nul besoin de
suivre l’affaire heure par heure : il laisse agir après avoir tranché. Si aucune voix, ici
encore, ne se fait entendre en faveur du condamné, c’est que la décision royale contraint
au silence celui qui a un minimum de souci de sa survie politique. La mort de Semblançay
est peut-être une conséquence de ce silence. François Ier en effet n’est pas un monstre,
mais personne, personne qui compte du moins, ne lui demande sans doute la grâce de son
vieux serviteur avec suffisamment de conviction. L’indifférence aristocratique vis-à-vis
du sort d’un roturier déchu peut jouer, mais elle ne suffit pas. Personne ne veut ou n’ose
parler en sa faveur.
147 Le poids du roi est donc décisif et, il faut y revenir, son rôle au quotidien dans la gestion
des finances s’avère moins dérisoire qu’on ne le dit parfois. Si le chancelier peut régler
seul les petites parties, « les autres qui sont d’importance » doivent attendre le retour du
roi. Quand le Conseil a un avis, il le présente au roi qui choisit librement 320. En
conséquence, la responsabilité finale incombe bien au souverain. Là encore, l’anecdote de
Cérisoles, quoique située sur un autre terrain, demeure instructive. Après la discussion,
Anne-bault demande au roi : « Sire, quelle opinion vous prent-il à présent ? » François I er
ayant décidé d’autoriser le combat, l’amiral conclut : « Or doncques, il n’en faut plus
parler […] ; si vous perdez, vous serez seul cause de la perte, et si vous gaignez,
pareillement ; et tout seul en aurez le contentement, en ayant donné seul le congé »321.
148 En conséquence, le thème du favori tout-puissant, figure de rhétorique souvent présente
dans les témoignages du temps, en particulier ceux des ambassadeurs, est à manier avec
précaution. L’absence d’autonomie politique ou du moins la très faible marge de
manœuvre du personnage apparaissent rapidement. Ainsi il est maladroit de dire de
378
Montmorency devenu connétable que « son pouvoir sur François Ier est lié à sa capacité à
décharger ce dernier des soucis de gouvernement »322. Il s’agit en effet de collaboration,
non de domination. Le favori n’est jamais que l’instrument du souverain et le rapport ne
peut s’inverser. D’où l’ambiguïté redoutable de l’expression alors fréquemment employé
de « quasi roi » ou à’alter rex à propos des personnalités politiques les plus en vue 323. Elle
doit se comprendre, non au sens de pouvoir concurrent, rival ou supérieur à celui du
souverain, mais au sens de délégation de pouvoir extrêmement étendue, et justifiée, pour
l’heure et sans la moindre garantie de durée, par la seule confiance du monarque envers
l’intéressé. Il est incontestable cependant qu’un tel conseiller n’est pas sans influence, pas
plus d’ailleurs que les autres personnages qui siègent au Conseil. Mais, sous François I er du
moins, cette influence semble inversement proportionnelle aux enjeux. Ainsi, pour
Semblançay, le choix royal entraîne-t-il une - apparente - adhésion générale. Le litige
Besnier-Ruzé en revanche offre un bon exemple de multiplication dans les cercles du
pouvoir des « répliques et dupliques » au sujet du personnel financier. Alors que le poids
de l’autorité royale fait taire chacun dans une « grande affaire de l’état », un enjeu
secondaire peut donner lieu à un affrontement quasi ouvert entre les factions, parce que
l’engagement personnel du roi y est réduit. Ce type de rivalité lui est au contraire fort
utile, car il lui permet d’exercer pleinement son rôle d’arbitre et non seulement de
maître.
149 Sous François Ier, on voit donc fonctionner une régulation monarchique en période de
pouvoir fort. La lutte pour le contrôle des finances, qui s’exacerbe lors des périodes de
« crise » du pouvoir royal, est un sujet bien étudié. Il faut se tourner vers les quelques
semaines qui suivent Pavie pour noter quelque chose d’un peu comparable, quand les
divergences des clans qui s’affrontent au Conseil entraînent des retards financiers324. Sans
compter l’intervention politique du Parlement de Paris. Mais cet épisode est bref et vite
maîtrisé. Le temps du pouvoir fort, on l’a vu, n’est pourtant pas exempt de luttes, mais
elles se déroulent sous le contrôle d’un monarque maître du jeu. Quand il réforme et
cherche à assainir ses finances, nul ne s’avise d’y voir un programme partisan, comme
c’est le cas lorsque les Guise font de même sous François II325. Quand il soutient son agent,
comme cela vaut en définitive pour Montmorency en 1530, les traverses nombreuses
n’empêchent pas d’aboutir. Jamais les conflits ne dégénèrent : entre rivaux on
communique, on mange ensemble, on échange des services. Enfin, les membres du groupe
dirigeant peuvent disposer de pouvoirs et de moyens importants sans trop de difficultés,
en raison même de leur dépendance vis-à-vis du monarque. Cette redistribution régulée
par le haut fait de la fidélité l’atout décisif dans la carrière politique. Le trouble naît
précisément lorsque cette régulation n’est plus assurée, et qu’il faut se battre pour
accéder à la fois au pouvoir et aux écus. La faiblesse du pouvoir royal est bien souvent un
motif d’inquiétude et non d’euphorie pour l’entourage politique du monarque.
150 On comprend mieux dans cette perspective l’admiration que le roi-chevalier porte à
Louis XI. Il le « louoit extrêmement, fors qu’il estoit un peu trop cruel et sanguinaire, [car]
c’estoit celui qui avoit jette les roys de France hors de page ». Louis XI « jugeoit,
ordonnoit, condemnoit, pardonnoit, absol-voit, le tout à son bon plaisir. Et disoit le roy
Françoys qu’ainsy il falloit régner »326. Aussi le temps de François Ier, qui offre en matière
de pouvoir fort toutes les garanties requises, n’est-il pas celui de la sécurité. Au contraire,
il abonde en disgrâce et en procès, des deux connétables à l’amiral Chabot et au
chancelier Poyet, sans parler de Semblançay ou même, dans un registre un peu différent,
du dauphin Henri. Si le roi donne parfois sa confiance, il sait aussi la retirer quand il lui
379
convient. La disgrâce n’est pas ici, comme au XVIIIe siècle, un symptôme du blocage
progressif du système politique. Elle n’est pas toujours la sanction d’un échec personnel
bien précis. Elle apparaît comme une forme spécifique de régulation d’un pouvoir fort en
phase ascendante327. Elle est indissociable de la personnalité du souverain, et de la façon
dont il intègre en profondeur son rôle de roi et sa place dans le royaume328. L’individu
François Ier tient en effet une place décisive dans la construction d’une image royale,
image dont se nourrira longuement l’absolutisme politique. Elle implique une volonté
farouche de se distinguer de tous les sujets, y compris les plus proches, et un souci,
presque pédagogique, de mettre en évidence par l’expérience la fragilité de chaque destin
politique. S’est-on beaucoup éloigné des finances ? Certes non. On a vu leur rôle central à
la fois comme moyen pour tenir le groupe dirigeant et comme outil privilégié, via les
diverses accusations de malversations, pour abattre ceux qui cessent de plaire.
Conclusion
151 Pour les membres du groupe dirigeant, il est indispensable d’utiliser au maximum
l’argent et les hommes de l’État de finances pour mener leur action au service de la
monarchie, et donc pour asseoir leur propre réussite politique. Leur position de pouvoir
leur assure en contrepartie un accès privilégié aux caisses de l’État. L’argent du roi leur
garantit une position sociale hors pair. Mais il implique une dépendance étroite par
rapport au monarque quand celui-ci, comme c’est le cas sous François Ier, est pleinement
maître du jeu politique. Sa volonté changeante fait loi. Même si l’influence des conseillers
est une réalité dans nombre de décisions du règne, il ne faut pas y voir une prise de
contrôle du pouvoir politique de la part d’un homme ou d’un clan. Cela peut inspirer qui
réfléchit sur le pouvoir. Qui le détient en définitive : celui qui est « réputé » détenir le
pouvoir ? Celui qui occupe une « position de pouvoir » ? Celui qui prend une décision ?
Celui qui inspire celle-ci ? L’objectif de François Ier, à l’évidence, c’est la fusion en sa
personne des trois premiers éléments, ce qui ne laisse aux « autres » que le conseil et
l’avis. Ils seront, au mieux, éminences grises, au pire, techniciens. Mais toujours un seul
homme doit être mis en avant. Alors même qu’Henri VIII est censé être parfois tenu à
l’écart par ses propres ministres, les changements financiers sont réputés se produire
durant son règne sans intervention humaine autre que la sienne329. Quant à François Ier, il
voit bientôt, ou du moins il dit bientôt voir, une inspiration divine dans les réformes de
1523-1524.
152 La mise au pas des grands officiers de finance relève-t-elle aussi du même mouvement ?
Autant qu’on puisse en juger, les inquiétudes sur la croissance du pouvoir politique de
« Messieurs des finances » étaient assez peu fondées. Mais, d’un autre côté, la conviction
d’être volé comme dans un bois par les officiers imposait d’agir. Et le remède réside
évidemment dans une restriction de l’autonomie du personnel. Celle-ci passe alors par
une reprise en main à la fois technique et politique.
153 Avec le règne de François Ier, Mère Sotte se réjouit car :
« Noblesse aura gouvernement
des princes et en manyement
les deniers que soulloient avoir
praticiens330… »
154 Gardons-nous de prendre ces affirmations, ces espoirs plutôt, pour argent comptant. La
noblesse, qui n’a pas été fiscalement brimée avant 1515, n’a pas non plus été à l’écart du
380
pouvoir, loin s’en faut. Quant à la façon dont, à l’avenir, elle va gouverner les princes, on
vient de voir ce qu’il en faut penser. Cependant, il est sûr que, sous l’égide du monarque,
le groupe dirigeant, aristocrates clercs ou laïques en tête, avec l’appui de quelques robins,
a renforcé son contrôle des deniers royaux. Cette influence accrue des non-spécialistes
doit être maintenant mise en relation avec la forme que prennent au cours du règne les
initiatives financières.
NOTES
1. Jacqueton, Documents, p. 199 et 201 : citations extraites d’un traité sur les finances.
2. Jacqueton, Épargne, 1re partie, p. 5.
3. Clément, Trois drames, p. 398.
4. Spont, Semblançay, p. 59 et 62.
5. Maulde, Procédures politiques, p. 710-711.
6. Spont, Documents, p. 322. Voir les remarques de Chevalier, Tours, p. 341 à ce sujet.
7. Ibid., p. 322-323 (article V).
8. Un exemple en A.N. Zla 54 f° 173 v° et sq.
9. Valois, Étude historique, p. LXIII.
10. Spont, Documents, p. 321.
11. Spont, Semblançay, p. 126 note 3.
12. Harsgor, Recherches, p. 380 et sq. L’absence de signature, révélatrice en elle-même, ne signifie
cependant pas nécessairement que l’intéressé n’a pas pris part à la délibération.
13. Spont, Semblançay, p. 129, 130 et 132. On retrouve cette hésitation, ou du moins une nette
différence de tonalité, dans deux passages de Knecht, Francis I, p. 21 et p. 121. Dans le premier, le
Conseil, responsable ultime de la politique financière, ne laisse aux officiers de finance que les
aspects techniques. Dans le second, Robert Knecht insiste sur l’importance du comité financier
constitué par Messieurs des finances, qui se réunit régulièrement, indépendament du Conseil, et
dispose en certains domaines d’un pouvoir de décision.
14. Voir Jacqueton, Documents, n° X p. 100.
15. Spont, Semblançay, p. 137-138.
16. Antoine, Administration centrale, p. 512 ; Rey, Finances de Charles VI, p. 169-170.
17. Du Lys, Traicté sommaire, p. 14.
18. Spont, Documents, p. 339 (article VII).
19. Spont, Semblançay, p. 178 et note 4.
20. Potter, Picardy, p. 183 (d’après B.N. fr 3028 f° 64).
21. B.N. fr 2987 fos 15 et 41.
22. Antoine, Administration centrale, p. 512.
23. Rey, Finances de Charles VI, p. 304 ; Dessert, Fouquet, p. 94.
24. Spont, Documents, p. 347 (article XX),
25. Ibid., p. 340 (article IX) et 341-342 (article XI).
26. Ibid., p. 349-350 (article XXIII).
27. B.N. P.O. 248 (Beaune) n° 71.
28. Spont, Documents, p. 333 (article I).
381
29. Spont, Semblançay, p. 224 note 1. Il n’a eu la gestion de l’argent de Naples que par
commandement verbal : ibid, p. 169.
30. Spont, Documents, p. 349 (article XXI) et p. 325 (article VIII).
31. Favier. Marigny, p. 104.
32. Spont, Semblançay, p. 193 note 4 et p. 194 note 2 ; B.N. fr 2963 f os 65 et 194.
33. Spont, Semblançay, p. 168 et note 5 et p. 164-165 : les cinq autres sont le duc d’Alençon, le
Bâtard de Savoie, Bonnivet, Montmorency et Duprat.
34. On pourrait ici évoquer Jacques Cœur : voir l’article de J.L. Biget. Dans un tout autre contexte,
une citation de Stern (Fritz), L’or et le fer. Bismarck et son banquier Bleichrôder, Paris, 1990, p. 221,
peut aussi être éclairante : « L’ironie du sort fut qu’en cherchant à s’élever davantage.
Bleichrôder devint aussi une cible de plus en plus visible pour tous ceux qui enviaient,
craignaient ou méprisaient l’ascension des riches juifs ».
35. Spont, Semblançay, p. 193-201.
36. Spont, Semblançay, p. 191 et 197.
37. Bibl. de l’Institut, Godefroy 283 F 1.
38. Voir deux actes par exemple dans B.N. P.O. 248 (Beaune) n ot 74 et 75 (8-3 et 15-11-1524).
39. Une lettre mal classée de la correspondance de Wolsey a induit en erreur Doucet, Parlement
1525-1527. p. 225 : en effet le cardinal d’York écrit à Semblançay au sujet d’une obligation
financière, non le 31-10-1525 mais le 31-10-1520. Je remercie Charles Giry-Deloison d’avoir pris la
peine de revoir pour moi le document original au Public Record Office de Londres (sous la
nouvelle cote SP 1/36 F 101). Spont, Semblançay, p. 168, s’en était déjà tenu à 1520.
40. Clément, Trois drames, p. 190 ; Boislisle, Surintendance, p. 250.
41. Spont, Semblançay, p. 235 et 237 notes 2 et 3.
42. A.D. Indre-et-Loire 3E1 28. Il s’agit avant tout de baux à rente et à ferme.
43. Bouchet, Annales, p. 412.
44. Spont, Semblançay, fac-similé de la lettre du 9-8-1527, entre les p. 260 et 261.
45. A.D. Indre-et-Loire 3E1 28 (20-5 et 3-6-1525) ; A.N. J 958 n° 4, recettes, n os 70-77. D’autres
ventes sont évoquées, mais non datées (nos 72 et 78)
46. A.D. Indre-et-Loire 3E1 65 (13-7-1550).
47. Garnier (Jean-Jacques), Histoire de France depuis rétablissement de ia Monarchie jusqu’au règne de
Louis XIV, Paris, 1774, t. 24, p. 254.
48. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 226. Il se base à l’évidence sur les informations fournies par
Spont.
49. Spont, Semblançay, p. 238 et note 3.
50. Voir par exemple Spont, Semblançay, p. 244.
51. Spont, Documents, p. 332 (articles XXXIV-XXXVI).
52. Spont, Semblançay, p. 201, 243 (et note 1) et 255.
53. Spont, Documents, p. 330 (article XXIII).
54. A.N. Xla 1529 f° 415 v° (20-10-1526).
55. Faut-il même faire intervenir le peu que l’on sait de la psychologie des personnages ? Prévost
est apparemment des plus coléreux. À titre d’illustration, ses propos alors qu’il est en prison,
après une offre d’achat de son office de général de Guyenne. Jehan de Mondoulcet disait avoir
charge de lui pour négocier l’affaire : « À quoy icelluy Prévost avoit faict responce […] qu’il
désavouerait ledict de Montdoulcet pour ung lynot voire sa femme […] et qu’il ne venderoit pas
son office » : A.N. M.C. XIX 71 (3-9-1532).
56. A.N. Zla 53 f°s 298 et 325, 54 f° 29 v° et 263 v°.
57. Bourgeois de Paris, Journal p. 303.
58. O.R.F. t. IV p. 252 ; Spont, Semblançay, p. 252 et 257 ; Hauvette, Alamanni, p. 87 note 3.
59. Sur l’ensemble des accusations, voir Spont, Documents, p. 335 et sq.
382
60. Spont, Documents, p. 336 note 2 parle par erreur de François Miron. Pour preuve du prénom
Gabriel, voir Chevalier, Tours, p. 372 et note 12, ainsi que A.D. Indre-et-Loire 3E1 65 (3-5-1550).
61. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 225-226.
62. Bosher, Chambres de justice, p. 32.
63. Vial, Cléberger, p. 86 note 1.
64. Paris, Etudes, p. 249.
65. Spont, Documents, p. 354.
66. Ibid., p. 341.
67. Spont, Semblançay, p. 264 et note 4.
68. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 228-234.
69. Ibid., p. 235. Le jugement lui apparaît d’ailleurs illogique : il prévoit la confiscation totale des
biens du condamné et, en même temps, envisage une restitution de 300 000 lt au roi. Ce chiffre,
qui ne repose sur rien, doit-il servir de base de négociation pour un compromis financier
ultérieur ?
70. « Les faits retenus étaient vagues […]. C’était laisser apparaître les vraies raisons du procès » :
Jacquart, François Ier, p. 387.
71. D’ailleurs le désir exacerbé de « justice » de la part du souverain révèle peut-être aussi une
culpabilité liée ici à l’échec de Pavie, ressenti comme une punition ? On retrouvera au chapitre
VII, dans une autre perspective, la question de la culpabilité du monarque.
72. Versoris, Livre de Raison, p. 201.
73. Songeons aussi à l’accusation (non retenue) d’empoisonnement d’Agnès Sorel qui sert à
abattre Jacques Cœur.
74. Voir la mise au point récente de Knecht, Francis I and the « lit de justice », passim.
75. Voir les remarques de Ruiz (Teofilo), « Une royauté sans sacre : la monarchie castillane du Bas
Moyen Âge », A.ES.C, mai-juin 1984, p. 447 : « Les rois de Castille, malgré le droit et les marques de
la royauté, exprimèrent leur pouvoir par la manifestation la plus grossière et la plus
fondamentale du pouvoir individuel : par des actes personnels de violence ».
76. Même si l’on pend encore, au XVII e siècle, des financiers jugés coupables : Bayard, Monde des
financiers, p. 323. Mais il s’agit de personnages sans envergure politique.
77. L’évolution est inverse pour les grands et les pairs. À l’exception de Nemours et Saint-Pol, au
plus fort du règne de Louis XI, ils ont été jusque là épargnés. Même le grand comploteur devant
l’éternel que fut Jean d’Alençon a toujours été gracié, y compris par Louis XI. Ce n’est qu’au XVII e
siècle que tombent les têtes, au temps de Biron, Chalais ou Montmorency.
78. Voir un exemple de collusion qui unit justice et finance avec l’évocation au Grand Conseil, le
12 août 1527 précisément, de l’affaire de la traite foraine à Toulouse à cause des liens de parenté
entre les membres du Parlement et les marchands de la ville : O.R.F., t. V p. 83.
79. Spont, Semblançay, p. 132.
80. Maugis, Parlement, t. I p. 356-359 ; Doucet, Parlement 1525-1527, p. 239-240 ; Quilliet, Officiers,
p. 749. Le rôle de Laydet dans le procès de Semblançay, faute de renseignements précis, reste
mystérieux. Joue aussi à coup sûr chez les parlementaires le réflexe anti-Duprat qui retombe sur
ses « créatures ».
81. Sur l’affaire, voir Spont, Semblançay, p. 89 et sq. Bonne analyse dans Chevalier, Tours, p.
490-493.
82. Doucet, Parlement 1515-1525, p. 151.
83. Michaud, Grande Chancellerie, p. 225.
84. Du Lys, Traicté sommaire, p. 14.
85. Sur la composition du conseil sous François I er, voir Décrue, De consilio, p. 37 et sq. Il y a certes
toujours un écart entre les listes reconstituées à partir des mentions au pied des actes royaux et
la présence effective au Conseil. Certains font partie des « autres présents » confondus dans
383
l’anonymat, et d’autres n’ont pas même droit à une allusion. Cependant, sur une période assez
longue, ce type de mention, seul utilisable, prend tout son sens.
86. Neufville cité dès 1536 in R.D.B.V.P. t. II p. 280.
87. Quilliet, Officiers, p. 185.
88. Voir Michaud, Grande Chancellerie, p. 148-149 et 153. Un signe de leur importance : au début de
1545. Charles Quint fait parvenir des cadeaux à trois conseillers du roi : huit mille écus à Tournon
et Annebault et quatre mille à Bayard comme « primo secretario » : Canestrini, Négociations, t. III
p. 144 (20-2-1545).
89. A.N. J 966, 19/1 (Languedoc) et 27/18 (Outre-Seine) ; B.N. fr 20542 f os 12, 109 et 130
(Dauphiné).
90. Voir par exemple leurs tâches évoquées en A.D. Côte-d’Or B 1851 f os 7-7 v°.
91. C.A.F., t. III n° 9081 (13-6-1537).
92. A.N. J 967, 10/3.
93. C’est le cas en Picardie : Guillaume Abot, conseiller au Parlement, taxe à Anthoine de
Bezançon, clerc demeurant à Paris, quinze lt pour avoir aidé à compter les deniers du quartier
d’octobre 1538 et à les apporter à Paris, ainsi que pour plusieurs autres voyages : A.N. M.C. XIX
151 (1-1-1539).
94. B.N. fr 3048 f° 1 ; P.O. 2326 (Poncher) n° 55.
95. B.N. fr 2985 f° 60.
96. Charton-Le Clech, Chancellerie et culture, p. 100.
97. Sur ce personnage, voir François, Del Bene, et Baudouin-Matuszek et Ouvarov, Banque et
pouvoir, passim.
98. Jacqueton, Politique extérieure, p. 16 et Épargne, lrc partie, p. 26-27 et 39.
99. A.N. J 968, 12/1 [11-4-(1537 sd)].
100. Voir celles de Charles de Pierrevive, « trésorier et général des finances tant ordinaires
qu’extraordinaires établi à Lyon », octroyées par Henri II et justifiées auprès de la Chambre des
comptes par un service aux armées : il « vient présentement avec nous pour nous servir en noz
camp et armées que faisons dresser pour la tuition et deffence de noz ennemys » : B.N. fr 5085 f
° 198.
101. Le recours au conseil n’est pas le propre du pouvoir royal. C’est une structure normale de
fonctionnement pour les maisons aristocratiques et les personnages importants. En revanche,
quand les officiers de finance utilisent cette notion, elle s’applique seulement aux avocats et
procureurs chargés de leurs procès. Ainsi Charles de Pierrevive, trésorier de France, à propos
d’une affaire judiciaire, affirme-t-iî qu’il en « parlera à son conseil » : A.N. M.C. CXXII 1132
(19-4-1543).
102. Michaud, Grande Chancellerie, p. 148 note 1.
103. Avec des « élargissements » exceptionnels comme celui de l’assemblée de juillet 1515, pour
trouver des fonds : O.R.F., t. Il p. 46 ; Spont, Semblançay, p. 119-120. Avec ce dernier élément, on
retrouve, ponctuellement, le schéma des trois conseils élaboré par Claude de Seyssel sur le
modèle des relations entre le Christ et ses apôtres : voir Valois, Étude historique, p. XXXIX.
104. Voir les propos de l’ambassadeur Giustiniano en 1535 : « Il n’y a qu’un bien petit nombre
d’hommes qui prennent part aux conseils secrets et ceux-là sont tout puissants dans l’État » ;
Tommaseo, Relations, t. I p. 107.
105. Doucet, Institutions, t. I p. 136, Knecht, Francis I and the « Lit de justice », p. 67, B.N. fr 5501 f
° 381 ; O.R.F., t. VII, p. 169. Il ne faut pas supposer alors une opposition entre « étroit » et « privé »
à l’image de celle qui aura cours plus tard.
106. Valois, Etude historique, p. XXXIX-XL ; Guy, French King’s Council, p. 277-278.
107. Auton, Chroniques, t. III p. 338.
108. B.N. fr 2994 f° 13 v°.
109. Texte dans Wolfe et Zacour, The growing Pains, passim.
384
142. Pour 1528, Duprat, Montmorency, Chabot, Tournon, de Selve et Preudhomme : B.N. fr 5501 f
° 381 ; pour 1535, les quatre premiers plus le duc de Vendôme et Longuejoue : Lestocquoy, Nonces
1535-1540, p. 21-22 ; pour 1537, du Bourg, Montmorency, Chabot, Poyet et les cardinaux du Bellay
et de Bourbon : A.N. J 965, 11/4.
143. B.N. fr 3048 f° 139 (12-11- ?)
144. Décrue, Montmorency, p. 156.
145. Conseil à Angoulême le 22-11-1542 : B.N. fr 2965 f° 40.
146. Spont, Semblançay, p. 161 note 6.
147. Boyvin, Mémoires, p. 277-278 et 280.
148. Du Bellay, Mémoires, t. III p. 2 et 27.
149. Sous Henri VIII on repère aussi un petit groupe de personnes qui, sans rapport avec leur
poste officiel, sont chargées des questions financières. Elles se connaissent bien mais leurs
réunions n’ont pas d’existence structurée : Jack, Henry VIII’s controï of royal finance, p. 14.
150. Tournon, Correspondance, nos 12, 14 et 20.
151. B.N. fr 20502 f° 135.
152. A.N. M.C. Inv. Carré n° 2057.
153. Wolfe, Fiscal System, p. 289.
154. B.N. fr 4754 F 14 [19-12-(1523)] ; fr 2987 F 69 [12-l-(1524)].
155. Du Bellay, Mémoires, t. I p. 327-328. Versoris, Livre de Raison, p. 162 (paragraphe 218) range
d’ailleurs « Sainct Marceau » parmi les trésoriers et financiers pris à Pavie. Il meurt avant le
14-5-1526 : C.A.F., t. V n° 18462 et t. VII n° 23884.
156. Canestrini, Négociations, t. II p. 1041.
157. Spont, Semblançay, p. 175 et sq.
158. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 17.
159. O.R.F., t. VIII p. 138 (6-8-1536).
160. Il retrouve une certaine existence, mais sans pouvoir connu, en octobre 1537, quand le
cardinal et le chancelier sont de nouveau ensemble à Lyon alors que le roi est en route vers le
Piémont où le précède Montmorency. Voir leur activité pour financer les opérations dans B.N. fr
3055 fos 132 v° et 156 v°.
161. B.N. fr 5125 f° 189.
162. B.N. fr 2978 f° 15 [18-10-(1521)].
163. A.N. Xla 9322 f 181 [8-2-(1521)].
164. Cité par Jacquart, François Ier, p. 196.
165. « Sua Maestà Cristianissima è stata già dodici giorni lontan di qui venti cinque leghe verso la
Champagne per cacciare » : Canestrini, Négociations, t. II p. 892.
166. Bourgeois de Paris, Journal, p. 303 ; Versoris, Livre de Raison, p. 194 (parag. 340).
167. B.N. fr 3048 f° 145.
168. B.N. fr 2994 f° 4 et 13 v°.
169. Clément, Trois drames, p. 182.
170. B.N. fr 2987 f°61.
171. B.N. fr 2976 f°83.
172. B.N. Clairambault 332 fos 14-16 (8-4-1530).
173. Tournon, Correspondance, n° 8 et n° 21.
174. Ibid., n° 19 (22-4-1528) ; B.N. fr 3031 f° 59 (1-5-1527) : Duprat, afin que Montmorency « donne
à entendre au Roy où ses deniers se despendent », fournit une liste des divers frais
extraordinaires de Tannée écoulée, des obsèques de Claude de France aux charges de la guerre.
175. Il y a aussi une tradition monarchique d’investissement en ce domaine si l’on en croit par
exemple Jean Chartier rappelant que Charles VII « besoignait aux finances avec ses conseillers »
les mercredi, vendredi et samedi de chaque semaine ; Valois, Étude historique, p. LXII.
386
176. « He had a strong sensé of financial reality and a prudent concern for the pennies » : Jack,
Henry VIII’s control of royal finances, p. 4.
177. Wolfe, Fiscal system, p. 93.
178. Spont, Semblançay, p. 160 note 4 ; Documents, p. 353.
179. B.N. Clairambault 1164 f 178.
180. Spont, Semblançay, p. 190 note 5 ; A.N. J 958 n° 18 (30-6-1523 et 29-7-1523). Prévost précise
qu’il a baillé auparavant « ses estatz de moys en moys à monsieur le grant maistre et généraulx
des finances » : ibid., (24-3-1523).
181. B.N. fr 2987 f° 59 (24-9-?).
182. A.N. J 958 n° 1 f° 12.
183. Spont, Semblançay, p. 134 et note 4.
184. Jacqueton, Épargne, 1re partie p. 39 note 1.
185. Décrue, De consilio, p. 66 note 2. Wolfe, Fiscal system, p. 288 présente la période qui suit 1523
comme marquée par une alternance entre « ministre des finances » et section du Conseil jouant
le rôle de Conseil des finances.
186. B.N. Dupuy 486 f° 118 [24-11-(1536-40 ?)].
187. Boislisle, Surintendance, p. 262-263.
188. Dermenghem, Annebault, p. 41. Entre le temps de Montmorency et celui de Chabot, un
correspondant de Matignon évoque le 2 août 1541 Saint-Pol comme chef du Conseil secret :
Matignon, Correspondance, p. XXXIV. A-t-il un rôle en finances ?
189. Cité par Antoine, Administration centrale, p. 514, pas retenu par Doucet, Institutions, t. I p. 290
et évoqué seulement pour 1536-1537 par le biais d’une note dans Boislisle, Surintendance, p. 262.
190. Jacqueton, Politique extérieure, p. 138.
191. Bedos Rezak, Montmorency, p. 130.
192. Spont, Semblançay, p. 153-154 et 168.
193. Lot (Ferdinand) et Fawtier (Robert), Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, Paris,
1958, t. II p. 57-65 et 85-96.
194. Jacqueton, Politique extérieure, p. 10-13 insiste a contrario sur le poids politique que prend
Florimond Robertet, qui contribue lui aussi à cet effacement.
195. Sa fonction permet cependant à Duprat de conserver une certaine activité en ce domaine.
Voir son intervention sur les besoins financiers de la monarchie devant les députés des bonnes
villes en mars 1517 : Barrillon, Journal, t. I p. 275 et sq.
196. Spont, Semblançay, p. 139 et note 3, p. 157-158.
197. A.N. J 966, 27/4 [7-3-(1521/22)].
198. Wolfe et Zacour, The growing Pains, p. 62 (voir par exemple p. 75, paragraphe 37, sur le
contrôle des deniers extraordinaires).
199. A ce propos, Descimon, Parlement, p. 156, parle de la « cohérence de la politique de crédit
public que le chancelier Duprat mit sur pied ».
200. Barrillon, Journal, t. II p. 308.
201. Sur ses tâches financières, voir par exemple Michaud, Chancellerie, p. 53. Noter aussi
l’importance des papiers financiers dans l’inventaire des dossiers du chancelier Poyet : B.N.
Dupuy 79 fos 3 v° -16.
202. B.N. fr 2977 f° 15 ; fr 3031 fos 7, 17, 59 et 103 v°.
203. B.N. fr 3066 f° 79.
204. Voir par exemple B.N. fr 2976 f° 44 : fonds pour « le deslogement de monsgr d’Angolesme »
(Charles, troisième fils du roi), pour « Laval » (sans doute Guy XVI, comte de Laval), mais surtout
pour Lautrec et les Suisses.
205. B.N. fr 3048 f° 81 [27-12-(1527 ?)] ; f° 43 [4-4-(1528)].
206. B.N. fr 2977 f° 15 [24-10-(1527/28)].
387
241. Boyvin, Mémoires, p. 13. Il souligne dans sa préface, pour répondre à ceux qui l’accusent de
trop parler d’argent, qu’il ne peut y avoir de « grand capitaine » sans moyens conséquents et
reprend le lieu-commun des « deniers » « premiers nerfs et les plus importans pivots de la
guerre ».
242. Spont, Semblançay, p. 175 note 1.
243. B.N. fr 3029 f° 13. Bonnivet n’est pas pleinement exaucé comme le montre une lettre au roi
du général Thomas Bohier le 5 octobre suivant : « Mondict seigneur l’amiral a esté adverty et
moy semblablement que, quelque chose qu’il vous ayt pleu de commander de ne toucher aux
deniers de ma généralité, qu’on a entreprins de y prendre XXV M lt pour le paiement des Suysses
[…]. Ce seroit du tout rompre l’ordre desd paiemens de ce cousté [de Guyenne] et au plus fort et
droit point de l’affaire » : B.N. fr 2971 f° 138.
244. B.N. fr 2994 f° 4 v°.
245. Spont, Semblançay, p. 176 note 3.
246. Ibid., p. 177. Comme le remarque Potter, Picardy, p. 186, à propos de la campagne de 1537,
« direct royal involvement probably led to smoother operations ».
247. Tournon, Correspondance, n° 19 (22-4-1528).
248. Isaac, Tournon, p. 27.
249. Sur toute cette affaire, voir Décrue, Montmorency, p. 140-161.
250. B.N. Clairambault 332 f° 14 (8-4-1530) et f° 17 (9-4-1530).
251. Le Roux de Lincy, Grolier, p. 373.
252. Du Bellay, Correspondance, t. II p. 469 (13-9-1536).
253. Voir la lettre que le roi lui écrit le 23 août 1536 : « N’oubliez pas de solliciter les receveurs de
votre charge de faire leur devoir, et quant aux commisions des baulx des fermes de votred
charge, ilz seront faictes et dresséez par deçà et à vous envoiées pour estre faict porter par les
ellections de votred charge » : A.N. J 965, 4/8.
254. A.N. J 965, 8/11 [10-4-(1537)].
255. B.N. fr 3064 f° 51 v° (18-2- ?).
256. Voir les remarques d’Antoine. Genèse, p. 289 et 291 et Institutions en Italie, p. 808. En 1554,
Brissac demande au roi un homme de finance pour le Piémont : « Seroit bon […], pour le meilleur
mesnagement desdicts deniers que vous envoyiassiez quelque personnage qui n’eust autre
charge ny affaire que cest-là » : ibid., p. 772.
257. B.N. fr 2963 f° 82. L’ensemble du dossier pour cette affaire se compose de sept lettres : quatre
d’Estienne de Poncher à Robertet (B.N. fr 2963 f° 65, 82, 86 et 90), une de Louise de Savoie au
même, une du connétable de Bourbon au roi (B.N. fr 2978 f° 33 et 77) et une de Bonnivet à Louise
de Savoie (B.N. fr 2985 P 92). J’y renvoie une fois pour toutes.
258. Versons, Livre de Raison, p. 113.
259. C.A.F., t. V n° 17424.
260. L’attribution un peu étonnante du titre de « monseigneur » à Robertet est déjà évoquée par
Fauvelet du Toc, Secrétaires d’Estat, p. 22. Il remarque que Commynes, « dans tous les endroits de
ses Mémoires, ne donne la qualité de Monseigneur qu’aux princes, prélats et grands seigneurs qui
avoient charge ou employ considérable […] et qu’en effet celuy de Robertet l’estoyt sans doute,
puisqu’il avoit le secret du Roy son maistre ».
261. Crespin finira président au Parlement de Bretagne : C.A.F., t. III n° 10598.
262. Versons, Livre de Raison, p. 100.
263. Ibid., p. 116.
264. Bourgeois de Paris, Journal, p. 310.
265. Voir par exemple B.N. fr 21413 f° 35 (24-11-1528). Comptes rendus jusqu’au 31-12-1528 :
Mirot, Bévy, p. 356.
266. Spont, Documents, p. 356.
267. Bourgeois de Paris, Journal, p. 313.
389
268. Ruzé est toujours cité comme receveur général les 17 et 30 juillet 1529 : A.N. Z la 54 f° 252 et
263 v°.
269. Spont, Semblançay, p. 268 ; C.A.F., t. VII n° 27859.
270. Voir, pour la gabelle, une allusion dans A.N. Zla 54 f° 250 v° (17-7-1529).
271. Bourgeois de Paris, Journal, p. 314. De même Spont évoque sans preuve une lettre de
rémission.
272. B.N. fr 3046 f° 101 [2 l-l-(1530)] : Neufville à Montmorency. Une autre lettre du même au
même, trois jours plus tôt, fournit la plus ancienne trace connue de ce « rétablissement » ; B.N. fr
2976 f° 62.
273. C.A.F., t. II n° 4792 (28-8-1532) ; B.N.fr 2976 f 74. Dès août 1529, Ruzé avait étésollicité pour le
financement de la rançon : O.R.F., t. V, p. 224.
274. B.N. fr 3011 f°44.
275. B.N. fr 3001 f° 27 ; fr 3031 f° 75.
276. B.N. fr 3001 f° 23 (6-3-1530) et f° 27 (10-3-1530).
277. Du Bellay, Correspondance, t. I p. 132.
278. B.N. fr 3031 f° 75.
279. B.N. fr 2976 f° 54 et 56.
280. B.N. fr 3011 f° 44 (24-3-1530).
281. B.N. fr 3044 f° 11.
282. C.A.F., 1.1 n° 3646 ; B.N. fr 3001 f os 30 et 38. Contrairement à l’interprétation que fait Spont,
Semblançay, p. 268, du texte du Bourgeois de Paris, Journal, p. 314, il n’y a évidemment pas de
cession de la charge par Ruzé à Besnier.
283. B.N. fr 3001 f° 38.
284. B.N. fr 3001 f° 41 et fos 45 v° -46 ; fr 3018 fOS 42 et 45.
285. Tournon, Correspondance, n° 35.
286. Du Bellay, Correspondance, t. I p. 132 ; B.N. fr 3018 f° 42.
287. En 1528, son poids politique est encore jugé moindre que celui de Duprat : « Où l’autre
chante, le crédit vous fault » lui écrit alors du Bellay : Spont, Semblançay, p. 243 note 2.
288. B.N. Dupuy 623 f° 23 v° ; A.N. J 958 n° 38.
289. Paris : A.N. M.C. XIX 86 pour Jaques Pinel (date illisible, liasse de juillet 1543) et pour
Estienne Delange (12-7-1543). Lyon : ibid., LXXXVI 1 (22-5-1531) pour Loys de Ladey et CXX1I 1049
(11-12-1534) pour Jacques Lasneau.
290. En ce qui les concerne, on parle clairement de « partis ». François de Dinteville, qui est
proche de Montmorency, évoque dans une lettre à Palamèdes Gontier, fidèle de Chabot, le cas
d’un homme qui dit « que vous l’avez autreffois essayé de gaigner pour mond sgr l’admirai et
laisser le party de mond sgr le grand me » : B.N. Dupuy 260 f° 331 (24-8-1532).
291. Liens avec le premier : B.N. Dupuy 623 F 56 et A.N. Z la 59 F 597 v° ; prêt de vingt mille lt à
Montmorency en 1530 : Le Roux de Lincy, Grolier, p. 373.
292. Greengrass, Montmorency, p. 377-382.
293. Bourgeois de Paris, Journal, p. 8-10.
294. B.N. P.O. 2655 (Savoie) dossier 58960 n° 33 (20-3-1517).
295. Jacqueton, Épargne, 1re partie, p. 37 note 1 et 2e partie p. 14.
296. Lestocquoy, Nonces 1535-1540, p. 29-30.
297. Isambert, Recueil, t. 12 p. 735 ; Greengrass, Montmorency, p. 381.
298. B.N. fr 3873 f° 4.
299. François, Tournon, p. 210.
300. Temps appelé à durer : Bismarck, « s’il ne réalisa aucun profit illicite, n’avait aucun scrupule
à exploiter pour ses investissements personnels les renseignements auxquels ses fonctions lui
donnaient accès » : Stern (Fritz), L’or et le fer. Bismarck et son banquier Bleichrôder, Paris, 1990, p. 13.
390
301. Brantôme, Œuvres, t. 111 p. 210. Il place dans la bouche de François I er sur son lit de mort les
propos suivants : « Jamais, en toute sa faveur, (Annebault) n’avoit faict tort à personne, ny pillé,
ny gaigné, comme beaucoup d’autres ; mais tant s’en faut, il s’y estoit apauvry, au contraire de
tous les autres ». Aussi le roi souhaite-t-il qu’il obtienne un dédommagement - rien moins que
cent mille lt - pour que tout rentre dans l’ordre.
302. Tommaseo, Relations, p. 107.
303. Isambert, Recueil, t. 12, p. 721 et sq. (18-1-1541).
304. Greengrass, Montmorency, p. 386-387.
305. Voir les remarques de Bergin, Fortune de Richelieu, p. 181 et 263-264.
306. Mousnier, Conseil du roi, p. 226 (article d’Yves-Marie Bercé).
307. B.N. Clairambault, 1164 f° 178.
308. Voir en priorité La Mure, Ducs de Bourbon, t. Il p. 546-565, en raison des notes extrêmement
riches de l’éditeur, R. de Chantelauze. Accessoirement, voir Varennes, Ducs de Bourbon, p. 185-187,
203 et 212.
309. B.N. fr 2978 f° 42 (8-8-1521).
310. A.N. KK 289 f° 133-137. La levée auvergnate est « autorisée » par le roi : C.A.F., t. V n° 16201
(28-8-1516).
311. Chantelauze fournit dans La Mure, Ducs de Bourbon, p. 548 et sq. de nombreuses preuves de
ce phénomène : engagement et vente de terres, gros emprunts, sans parler de l’appui financier de
sa belle-mère, qui ne ménage pas son soutien au connétable.
312. Il faudrait pouvoir affiner toute cette analyse. En effet, sous Louis XII, Alain d’Albret, lui-
aussi à la tête d’une principauté, est devenu très dépendant du roi et pallie l’insuffisance de ses
revenus grâce à l’argent monarchique : Luchaire, Alain le Grand, p. 67.
313. Doucet, Parlement 1515-1525, p. 151 ; État général, p. 25-26 ; Jacquart, François I er. p. 151. Sur la
gestion des biens confisqués, voir C.A.F., t. VII n° 26434 et sq.
314. Tommaseo, Relations, p. 175 et 281.
315. Propos de Lucas Rem d’Augsbourg cités dans Ehrenberg, Fugger, p. 30.
316. Barrillon, Journal, t. II p. XXXI, XXXIV et sq.
317. Du Bellay, Mémoires, t. IV p. 160-161.
318. Monluc, Commentaires, p. 142-148. En cherchant à convaincre, non pas le Conseil, mais le roi,
Monluc a bien compris l’enjeu, lui qui remarque : « Devant ces princes, il y a tousjours de belles
opinions, mais pas tousjours bonnes. On ne parle pas à demy et tousjours à l’humeur du maistre. Je
ne serois pas bon là, car je dis tousjours ce qu’il m’en semble ».
319. Lestocquoy, Nonces 1535-1540, p. XXV.
320. Voir des exemples dans B.N. fr 3048 f° 139 et Dupuy 486 f° 118.
321. Monluc, Commentaires, p. 147-148.
322. Bedos Rezak, Montmorency, p. 130.
323. Nombre de « principaux ministres » sont ainsi qualifiés par les chroniques ou les
ambassadeurs. Les exemples sont multiples. En France, cela vaut pour Georges d’Amboise sous
Louis XII (« ipse est vere rex Franciae ») ou en 1516 pour Boisy « quel si poi dir alter rex » : Buisson,
Duprat, p. 56 et Spont, Semblançay, p. 134 note 1. Même formule en Angleterre pour Richard Fox,
au début du règne d’Henri VIII, toujours sous la plume d’un ambassadeur vénitien ou pour
Wolsey (« impression de négocier, non avec un cardinal, mais avec un autre roi ») : Minois,
Henri VIH, p. 86 et Buisson, Duprat, p. 152
324. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 22.
325. Jouanna, Devoir de révolte, p. 123.
326. Brantôme, Œuvres, t. II p. 346.
327. On retrouve exactement le même phénomène avec Henri VIII. Mais ici sous une forme plus
sanguinaire, car les exécutions sont nombreuses : Richard Empson et Edmond Dudley en 1510,
Buckingham en 1521, Thomas More en 1535, Thomas Cromwell en 1540. Plus les disgrâces de
391
Warham en 1515 et de Wolsey en 1529, sans doute mort à temps : Guy, Tudor England, p. 81, 89,
97, 115, 141 et 188.
328. Voir les analyses de Lecoq, François Ier imaginaire, et les remarques de Marc Fumaroli dans la
préface de cet ouvrage, p. 8, 10, 13 et 14.
329. Jack, Henry VIII’s control of royal finances, p. 11.
330. B.N. fr 17527 f° 61.
392
Chapitre VI
Les enjeux financiers des poursuites
et des réformes
3 Qui connaît les difficultés récurrentes des finances royales est frappé par l’optimisme qui
règne souvent au sommet de l’appareil monarchique. Déclarations d’intention et calculs
précis se rejoignent ici dans un même climat de confiance résolue. Premier espoir :
l’emprunt peut remplacer le prélèvement. Lorsque le roi cherche des revenus
complémentaires au printemps 1515, il ne craint pas d’annoncer : il « nous fauldra […]
aider par emprumpt d’aucuns noz bons serviteurs et officiers, et sur nos bagues et
vesselle […], ce que nous aymons mieulx faire que d’en charger nostre dict peuple et
subjectz »1 A lire ce passage, on s’interroge sur l’équivalence implicite entre les deux
types de rentrées que laisse percer ce texte. L’emprunt est certes un procédé moins
douloureux, d’autant qu’on verra bientôt qu’imposer ses sujets pose en soi problème au
monarque. Cependant, c’est une étrange illusion que de sous-entendre qu’une fois la
dépense exceptionnelle passée, les ressources ordinaires permettront à elles seules de
rétablir la situation financière et d’éponger les dettes. Pourtant le roi ne perd jamais
espoir de revenir promptement à des finances saines. L’État général de 1518 une fois
arrêté, il affirme son « intención, les années prouchaines, [de] remectre les payemens des
tailles par esgale porción aux termes ordinaires », donc sans anticipation2.
4 Ce rêve rejoint celui qu’alimentent des états surévalués des recettes de la monarchie. Un
document portant sur « l’ordinaire des finences de France » pour une année, qui date
probablement de 1518, est particulièrement évocateur3. Il estime les rentrées ordinaires à
7 139 020 lt ! Avec un tel chiffre, il n’est pas difficile de présenter - en temps de paix - un
« budget » en équilibre, et ce sans rogner sur les dépenses… Alors que la guerre
s’annonce, au début de 1542, c’est sur l’ampleur des ressources extraordinaires
mobilisables que porte le débat. A suivre les propos du nonce, si le conflit éclate, le roi
peut trouver en six mois six à sept millions d’écus d’or, soit une quinzaine de millions
de lt, grâce au trésor accumulé, aux décimes, aux Florentins de Lyon, aux villes, à la
hausse de la taille et des revenus du sel. On pourra ainsi dépenser cent mille écus par
mois pour la guerre, tant qu’elle durera, sans se restreindre sur le reste. Quelques mois
suffisent pour imposer le retour à une vision plus réaliste des choses, et le même nonce
constate bientôt que les Français n’ont pas autant d’argent qu’ils le disaient4. La
déclaration de guerre de François Ier, en juillet 1542, pourrait donc bien reposer pour une
part sur « an absurdly optimistic view of his capacity to pay for it »5.
5 En fait, c’est la dépendance financière elle-même, avec les contraintes qu’elle fait peser
sur les choix politiques au sommet, que le groupe dirigeant rêve de voir disparaître. Un
article placé au tout début du projet de réforme de 1522-1523 est particulièrement
significatif : « Les affaires du Roy ne seront plus subjectz à ses finances comme ilz ont esté
si davant, combien que lesdictz finances soient pour soubzvenir ausdictz affaires »6.
L’argent est un moyen d’action pour le roi, non un paramètre dont il faut tenir compte
pour agir. Certes, François Ier et ses conseillers savent bien que le manque de deniers est
une limite cruelle. Mais ils ont parfois tendance à « faire comme si » ce n’était pas un
problème. Les remarques âpres ou désabusées de Tournon en 1537 en témoignent. Il
critique l’inconséquence financière d’un François Ier qui « ne trouve rien d’impossible ». Il
394
faut lui faire comprendre, et c’est ici le rôle ingrat du chancelier, que certaines choses
sont « hors de sa puissance ». La bonne volonté ne suffit pas quand « le roi commande que
l’on garde le crédit » du cardinal. Cela ne peut se faire sans des choix délicats et des
arbitrages douloureux7. C’est sans surprise que l’on constate que ce discours est tenu par
l’un des rares « spécialistes » des affaires d’argent au sein du groupe dirigeant.
6 On peut aisément taxer de naïveté, voire d’inconscience, l’optimisme du monarque, et,
avec lui, celui de bien des conseillers. Pourtant, il n’est pas si puéril qu’il le semble. Il se
nourrit tout d’abord du spectacle des difficultés encore plus grandes rencontrées par le
grand rival Charles Quint. François Ier se sait, en règle générale, toujours mieux pourvu
que l’empereur, qu’il affecte en certaines occasions de ne pas craindre en raison même de
son impécunio-sité. Mais surtout, cet optimisme est en prise sur un discours largement
répandu alors, celui de l’opulence du royaume de France. Sa richesse est fondée sur
l’étendue du terroir, la diversité des aptitudes et le nombre des hommes. Un tel pays, à
suivre ce thème ressassé, ne peut que fournir des ressources immenses à son souverain.
Cette confiance, presque attendrissante parfois, dans les capacités du pouvoir, révèle
comment le « choix » de la dynamique du déficit, déjà mis en évidence, s’articule avec les
discours et les pratiques des acteurs politiques. Mais l’optimisme, toujours présent,
toujours nécessaire, est fréquemment traversé de désillusions à la mesure des énormes
difficultés concrètes rencontrées par la monarchie. Celles-ci, par un effet en retour,
incitent alors à accroître encore l’impact de l’État sur le royaume.
7 Il faut donc ne pas perdre de vue les contraintes de la gestion quotidienne. Le pouvoir
central a besoin de disposer de données à peu près fiables pour orienter son action et
éviter un pilotage trop incertain. En septembre 1536, depuis Pont-Saint-Esprit, le roi et
son entourage cherchent à obtenir des renseignements précis sur la situation financière
du duc de Vendôme en Picardie. François Ier avertit le 12 les responsables parisiens,
cardinal du Bellay en tête :
« J’escript présentement à mon cousin de Vendosme m’envoyer un estât au vray
[des frais de l’Extraordinaire] signé de la maindud commis et que, semblablement, il
en envoyé un double aussi signé à vous, monsieur le cardinal, affin que je puisse, et
vous pareillement, entendre quelle recepte et despence a esté faicte […], quel fons
d’argent iceluy commis peut avoir encor en ses mains ».
8 Dans une lettre du même jour à du Bellay, le secrétaire Jehan Breton abonde dans ce sens :
« Entendez, Monseigneur, que de quelque despence que ayt faicte mond sr de Vendosme
par delà, nous n’en avons encore jamais riens sceu ne veu estât ne demy. Et en sommes à
deviner, comme vous, ne ne scavons quant il a besoing d’argent ne quant il en a assez »8.
Ce dysfonctionnement est peut-être à mettre en relation avec l’absence d’un officier de
finance de haut rang auprès du duc, absence dont ce dernier se plaint précisément le
13 septembre.
9 Il y a donc une importante demande d’information. Savoir qui jouit du privilège d’être au
courant est, on le sait, un excellent moyen de dessiner une géographie du pouvoir. Mais,
le plus souvent, les documents ne nous en disent pas assez. Le 12 août 1521, Bonnivet en
route pour la Guyenne confirme au roi avoir « veu les estatz que mess, de Samblanssay
[lui] a envoiez pour les moys d’août et de septembre de toute la despence qu’avez à
porter, qui n’est pas petite »9. A quel titre a-t-il accès à ces données ? Est-ce comme
« favori » ou bien dispose-t-il de ces informations au même titre que tous les autres
395
de son combat contre la commission de janvier 1523, ne craint pas d’affirmer qu’en 1522,
« y a eu deux creues et autres deniers receuz » par les officiers comptables « montant à
XVIII ou XX millions »18. Un tel chiffre n’est plus en prise sur la réalité. Or le roi et le
Conseil souhaitent disposer d’une information fiable. Pour ce faire, ils ont tendance à
pousser à la multiplication des documents de synthèse, en particulier de la part du
trésorier de l’Épargne. Ils veulent de surcroît que ses papiers soient toujours disponibles,
qu’il tienne « à toute heure ses estatz et registres prests pour nous monstrer ou à
nostredict conseil privé »19.
13 Outre les données rassemblées par sa propre administration, le pouvoir monarchique
peut-il puiser son information à d’autres sources ? Les agents économiques de premier
plan que sont les marchands et les banquiers fournissent des renseignements
complémentaires. Pour leur propre pratique professionnelle, disposer de renseignements
fiables et rapidement collectés est indispensable20. Ils sont particulièrement précieux
pour le pouvoir grâce à ce qu’ils peuvent savoir de ce qui est hors du champ d’action des
agents du roi, et pas seulement dans le domaine financier. Ainsi, c’est par le canal des
banquiers de Lyon que Tournon et Gramont peuvent informer François Ier de la retraite
de Charles Quint en Hongrie en 1532, qui se serait déroulée dans un bien plus grand
désordre que celle des Turcs21. Souvent directement concernés par la politique royale,
voire impliqués dans celle-ci, marchands et banquiers surveillent de près l’état des
ressources et l’ampleur des besoins de la monarchie. Quand, en janvier 1542, le nonce
veut obtenir des précisions sur les capacités des finances royales, il se renseigne auprès
de quelques grands marchands22. Ces derniers jouent enfin leur partie quand le pouvoir
consulte, comme en 1517, pour déterminer une politique économique qui, via les
monnaies et les taxations, a des implications financières directes 23. Mais on sait qu’en ce
domaine les réflexions tout comme l’action de la monarchie ne vont pas très loin.
14 Les lacunes de l’information ne sont pas seulement dues aux circonstances, comme lors
de l’épisode Vendôme de 1536. Certaines méconnaissances en disent long sur les moyens
dont dispose alors le groupe dirigeant. A commencer par la déception du roi en janvier
1525 après le jugement sur les comptes de Semblançay, qui fait de lui un créancier
encombrant là où le souverain croyait voir apparaître un débiteur providentiel24. Plus
grave, car chronique, est le problème de la prévision financière, pour laquelle le Conseil
ne dispose pas d’instruments satisfaisants. Les dépenses comme les recettes, en fin
d’exercice, n’ont qu’un rapport plus ou moins lointain avec les bases fixées au départ dans
l’État général des finances. Même en temps de paix, il existe une marge réelle. En fait, une
partie de l’année, pour certains postes du moins, en particulier l’Extraordinaire des
guerres, le roi gouverne sans états, à la petite semaine. Le 20 avril 1515, les dépenses de la
future campagne d’Italie sont estimées à 1 567 500 lt. Durant l’été, il faut réévaluer
l’Extraordinaire à 1,8 million de lt. Or pour finir, il s’élèvera à 2 673 050 lt 25. Il faut donc
trouver au fil des mois des ressources complémentaires et rogner sur les dépenses qui
avaient été ordonnancées au profit d’autres plus urgentes.
15 Au-delà de variations inévitables, ne peut-on se donner les moyens d’un travail plus
sérieux par la mise au point de solides états au vrai en fin d’exercice ? Il semble en fait
que les états au vrai pour l’ensemble des finances royales n’existent tout simplement pas
à l’époque. Sous bénéfice d’inventaire, jamais on ne met totalement à plat dans un
document de synthèse unique le bilan des recettes et des dépenses pour une année.
D’après Alain Guéry, c’est avec le règne d’Henri II que les états au vrai font leur apparition
26
. Les données financières vérifiées correspondent seulement aux recettes et dépenses
397
des trésors de l’Épargne ou des finances extraordinaires. Elles ont une finalité autre - la
surveillance des flux - et ne fournissent pas de synthèse utilisable27. Ainsi les prévisions
restent-elles terriblement fragiles. Probablement s’en tire-t-on en bricolant à partir de
l’expérience passée, d’informations partielles et de l’État général prévisionnel. Révélateur
est sur ce point le seul État conservé, celui de 1523, sur lequel on voit s’ajouter des listes
de pensions improbables et de recettes complémentaires au fur et à mesure du
déroulement de l’année.
16 A l’échelon inférieur, l’existence d’états au vrai, dont la confection est l’un des devoirs des
ordonnateurs, est en revanche acquise et les traces ne manquent pas. Les papiers Duprat
en comprennent plusieurs, et l’ordonnance de décembre 1542 s’étend sur leur confection
28. Mais leur fiabilité reste sujette à caution : ils semblent en effet relever autant de la
prévision que du bilan. Le 12 décembre 1538, François Ier se préoccupe des revenants-bons
provençaux, évalués à la livre près pour l’année fiscale en cours, qui ne s’achèvera pour
tant que le 31 décembre. Le roi se fonde sur « la fin de Testât par [le] général faict de la
valleur de nosdictes finances d’icelluy pays durant ceste présente année »29. Or il est sûr
que tous les fonds ne sont pas déjà intégralement rentrés… Ces revenant-bons
constituent-ils donc des recettes assurées ? Cela n’est pas certain. On peut pour finir
considérer les documents fournis par les comptables lors de leurs redditions de comptes
comme des états au vrai30. Mais, outre leur caractère partiel, tardif et aléatoire, ils ne
servent pas aux hommes de la décision politique mais à ceux du contrôle technique.
L’ordonnance de décembre 1542 exige des receveurs généraux l’envoi au Conseil privé,
pour chaque quartier, d’états au vrai des deniers reçus, payés et envoyés à l’Épargne31.
Mais cette prescription est-elle appliquée ?
17 Reste enfin la question des informations sur la situation économique ou démographique.
A l’exception de celles portant sur la conjoncture, des disettes aux épidémies, le pouvoir
royal dispose de fort peu de données. Nous en savons infiniment plus, est-il besoin de le
rappeler, sur les structures socio-économiques de la Renaissance que les mieux informés
des contemporains, qui ne sont peut-être pas toujours les dirigeants politiques. Handicap
majeur que la « difficulté de connaître avec précision […] l’évolution à moyen terme des
recettes que l’État pourrait retirer des masses contribuables »32. La hausse des prix est
peu et mal perçue jusqu’au milieu du siècle et à Dumoulin. Elle entraîne une baisse des
profits réels tirés de la taille, mais la corrélation entre les deux phénomènes échappe
totalement. C’est dans ce climat de pilotage à vue qu’il faut envisager le travail effectué.
18 Dans le Conseil des finances créé en février 1523 en Castille, on observe « la centralisation
de l’information, du contrôle et de la comptabilité dans les mains de personnes idoines
qui, sans être nécessairement les plus compétentes, seront en tout cas dévouées, fidèles et
dociles à l’Empereur ». Nobles et ecclésiastiques jouent un rôle dans l’administration
financière des Pays-Bas sans avoir de formation propre, mais parce qu’ils ont la confiance
de Charles Quint33. Ici s’opposent clairement ici deux formes de compétences : celle,
politique, qui consiste en une fidélité au Prince, et celle, technique, que requiert
apparemment la spécificité des tâches. Il est évident que, pour les organes évoqués, la
première est une priorité par rapport à la seconde. On peut en dire autant du Conseil du
roi en France. A organe de décision, personnel de confiance.
398
19 Mais il faut bien gérer. Au début des années vingt, une correspondance de Lautrec est
éclairante. Interrogé par le roi en septembre 1521 sur la situation financière en Milanais,
le maréchal en fait une présentation sommaire et finit en avouant que, « pour ce que le
général de Milan est allé à Crémonne pour la monstre et paiement des Suisses », il ne peut
en dire plus. « Il luy fera escripre bien au long par le menu comme il en va » dès son
retour. Ainsi Lautrec semble-t-il incapable de produire un rapport de synthèse financière
digne de ce nom34. Francis Décrue affirme que Montmorency disposait de bonnes
connaissances financières35. On est en droit de s’interroger, même s’il est
incontestablement tenu au courant de ce qui se fait en ce domaine. Certes, les contre-
témoignages sont rares. Cependant, en 1537, évoquant une requête de Jean-Paul de Cère
touchant les fermes de la ville de Pontoise, le grand maître reconnaît dans une lettre au
chancelier : « Pour ce que je ne m’entendz non plus que luy en telles matières, j’ay advisê
vous envoyez lad requeste, vous priant, monsgr, adviser ce qu’il est besoing de faire là-
dessus »36. Mais est-ce à cause des aspects financiers ou en raison d’un litige judiciaire ?
On n’en sait pas plus. Ceci illustre en revanche une probable règle générale : pour les
aspects techniques de la gestion, Montmorency - comme le roi - se repose avant tout sur
le chancelier. Le fait est particulièrement documenté pour les années d’exercice
d’Antoine du Bourg, mais il n’est pas nouveau.
20 « Il me semble que le faict des finences est tant barbouillé que peu de gens si entandent,
et travaille fort monsieur le chancelier à démesler cest affaire »37. Ainsi s’exprime
Guillaume de Montmorency à l’intention de son fils en décembre 1523. Alors que l’équipe
de « Messieurs des finance » est en train de passer la main, seul Duprat paraît en mesure
de mettre de l’ordre. La situation « barbouillée », liée aux difficultés de l’heure, paraît
constituer une excellente arme aux mains des professionnels, pour leur permettre de
conserver leur parcelle de pouvoir. Ils semblent être en effet seuls capables de
« démesler » l’écheveau. Mais un risque grave se fait jour alors. Pour le groupe dirigeant
en effet, finances trop embrouillées signifient fraude dissimulée. Il faut donc procéder à
un sérieux ménage, qui atteint de plein fouet les officiers de finance.
21 Une telle opération ne dispense malheureusement pas des affres quotidiennes d’une
décision financière toujours délicate à prendre. A la mi-décembre 1536, Tournon remet en
cause la compétence technique de la plupart des membres du Conseil. Ceux-ci, roi en tête
apparemment, l’ont assigné sur le Languedoc pour payer les troupes de Piémont. Or le
rythme syncopé des quartiers empêche qu’il en reçoive « ung quatrin » avant la fin de
janvier. « Se monsieur le chancelier ou le général de Normandie (Guillaume Preu-
dhomme, trésorier de l’Épargne) y eussent esté quant la despeche ma esté faicte, ils
eussent bien sceu remonstré ce que je diz cy dessus estre véritable, comme ceulx qui ont
la charge et l’intelligence des finances »38. Ce qui signifie à l’évidence que les autres ne
l’ont guère…
22 En fait le chancelier lui-même n’est pas parfaitement au courant. Dans une lettre qu’il lui
adresse le même jour, Tournon renvoie du Bourg aux « vrais » spécialistes :
« Demandez à ceulx qui manyent les finances, et vous trouverez que je ne scaurois
recevoir ung denier, ny des restes du quartier passé ne de ce qui peult escheoir au
commencement d’icellui qui vient, que à la fin du moys de janvier prochain (…) ;
vous trouvez tout ce que j’escriptz le meilleur du monde, […] mais vous ne
m’envoiez pas de quoy payer [les troupes] »39.
23 Aussi Tournon ne craint-il pas parfois de prendre l’initiative en ce domaine. Outre les
nécessités de l’urgence, il y a sans doute également chez lui le sentiment qu’il apprécie
399
mieux les réalités financières que l’ensemble de ses collègues du Conseil. Evoquons ici le
lointain souvenir d’Enguerran de Mari-gny qui, en 1313, seul contre l’ensemble du Conseil
de Philippe le Bel, s’oppose à la fourniture de subsides pour des galères pontificales,
arguant qu’il est seul compétent en la matière, les autres conseillers ne s’occupant pas des
dépenses dont il a toute la charge40.
24 En 1544, Hyppolite d’Esté, cardinal de Ferrare, « voyant que la France manquait
terriblement d’argent », fait revenir le roi sur un don accordé à Cellini. D’après ce dernier,
qui prête ses sentiments au roi, « il avait agi de la sorte beaucoup plus pour se faire valoir
que par conscience des nécessités de l’État, car il n’était pas croyable que ce courtisan eût
une connaissance si approfondie des besoins d’un si grand royaume »41. On n’a pourtant
pas le sentiment qu’il faille être grand clerc, précisément, pour prendre conscience de
l’urgence financière cette année-là. Il n’empêche : qu’un proche du pouvoir comme le
cardinal puisse disposer d’une information correcte sur la situation financière est presque
un sujet d’étonnement. « A beaucoup de conseillers du Roi, la technique financière
apparaissait comme une matière à n’aborder qu’avec circonspection, un monde un peu
mystérieux et complexe, où seuls les gens de finance parvenaient à s’orienter »42. Il est
nécessaire de fournir des explications, « les choses étant malaysées a estre entendues par
ceulx qui ne sont du mestier », comme l’écrit un marchand-banquier sous Henri II43. D’où
le rôle important des secrétaires des finances, à la fois, de par leur fonction, proches du
Conseil, et, de par leur profil, informés des réalités financières. Nul doute qu’un Nicolas
de Neufville ou un Jehan Breton ne puisse utilement renseigner les conseillers perplexes.
Encore faut-il que les donneurs d’avis soient d’accord entre eux…
25 Reste la compétence technique particulière du souverain. Son inexpérience financière,
pour laquelle les traces précises manquent, est probablement réelle. François Ier aurait
sûrement pu reprendre à son compte les propos que tient en 1580 Philippe II, roi des
asientos mais aussi des banqueroutes : « Ces questions de change et d’intérêt, jamais je n’ai
pu les faire entrer dans ma tête ; je n’en finis jamais de les comprendre » 44. A moins de
revendiquer l’incompétence en matière de « honteux maniement de deniers », en ce
qu’elle manifeste un dédain de l’argent légitime chez un roi ? Mais l’honneur du
monarque est en jeu jusque dans le gâchis financier. Duprat le souligne en octobre 1528 :
« Envoyer gros argent [pour l’armée] et le despendre sans mesure et ne fournir à tout le
nécessaire et ne payer à temps, c’est argent perdu qui s’en va en fumée, et oultre le
dommage, l’honneur y court »45.
26 Le trésorier de l’Ordinaire des guerres Jehan Grolier, en juin 1525, est mis en cause pour
ses retards dans le paiement des compagnies. Il ne peut les éviter, affirme-t-il, et il les
met sur le compte d’une réorganisation des assignations :
« Qui tiendroit le train ancien aux assignacions des trésoriers des guerres, la
gendarmerye ne fauldroit jamais à estre paiée, car anciennement les trésoriers des
guerres avoient leur assignacion sur partie des deniers des charges principalles et
ne failloient jamais à estre paiez des premiers et plus clers deniers, au moien de
quoy lad. gendarmerie estoit paiée à jour nommé. Mais maintenant, on leur baille
toute une charge et peu sur les autres, par quoy sont les deniers retardez et est
l’ordre des finances ancien tout diverty ».
27 Ainsi ne recevra-t-il pas avant le 20 août tout le quartier de la recette générale de
Normandie qu’on lui a « baillé »46. Il m’a été impossible de retrouver la trace de cette
400
roi et l’empereur. Mais cela n’empêche pas des ratés au quotidien. A preuve les
hésitations du roi au début de 1530 : faut-il acheter au cours marchand des écus d’or pour
la rançon ? Ces tergiversations entraînent de sérieux retards : « S’il eust pieu au Roy
mander que l’on eust priz les escuz à XLI s. VI d. dès l’heure que j’en advertiz, vous
eussiez eu tout votre cas en or » affirme Neufville à Montmorency dès le 11 février 54.
Quand on s’y résout en avril, il faut en outre compter avec les hausses dues à une tension
accrue sur le marché de l’argent.
31 Les questions monétaires imposent apparemment au pouvoir une prise en compte des
réalités économiques et métalliques. Mais ce n’est pas par ce biais qu’elles sont le plus
souvent abordées. L’argent, dans une société chrétienne traditionnelle, pose dès le départ
des problèmes de morale. Le rôle de la monarchie en ce domaine consiste plus en
l’imposition d’un pouvoir régalien qu’en un service mis à la disposition des agents
économiques. Ce qui touche à la monnaie du roi relève donc en priorité d’un ordre éthico-
politique55. Aussi les réactions du Conseil royal sont-elles foncièrement conservatrices. Au
début de 1543, Cellini est pressenti par François Ier pour fournir des modèles pour les
monnaies du royaume. L’affaire échoue, aux dires de l’Italien, parce que, lors des
discussions, « son Conseil, qui était présent, cherchait par tous les moyens à persuader [le
roi] que les monnaies devaient être faites à la manière de France, comme elles l’avaient
toujours été jusqu’à présent »56. La monnaie, c’est le roi dans toutes les mains57. La facture
même des espèces peut-elle être bouleversée sans remettre en cause l’image du
souverain ? Les proches du roi préfèrent s’en tenir à une représentation traditionnelle.
32 Des difficultés de compréhension des phénomènes monétaires se manifestent au sommet
de l’État. En 1529, on interprète l’affaiblissement des monnaies comme une conséquence
des « guerres et charges de vivres [ = disettes] » car « la monnoye d’or et d’argent estoit
lors haulsée de cours par la volonté du peuple ». Au milieu du règne, s’impose toujours
« le bon plaisir du Roy […] de faire faire […] bonnes monnoyes sur l’ancien pied de ses
prédécesseurs », avec même l’espoir d’une très improbable déflation58… Sous Henri II,
malgré les évolutions survenues depuis vingt ans, le progrès des réflexions semble pour le
moins limité. Ainsi, le ratio or-argent, qui est de 11,76 depuis 1519, est-il abaissé à 11,47
en 1550, en contradiction avec l’évolution qui se dessine à la faveur d’un afflux d’argent 59.
Au même moment, en 1549, la tentative d’émission d’une pièce d’or plus lourde révèle
aussi « une incompréhension évidente de la situation réelle »60. Les ajustements
nécessaires ne sont effectuées qu’en traînant les pieds et avec un grand retard sur la
conjoncture. En matière monétaire, le Conseil a donc bien du mal à s’adapter aux réalités
nouvelles. Mais, là comme ailleurs, une information médiocre, une pratique maladroite et
des conceptions archaïques n’empêchent en rien de faire du nouveau. Les voies de
l’innovation sont parfois étonnantes, et le rêve, réactionnaire et illusoire, du retour à un
état antérieur est souvent le meilleur moteur d’une évolution décisive.
33 « Les Roys de France n’ont point contrevenu à la loy de Dieu pour le regard de l’article qui
défend d’amasser trop grands thrésors, et ne faut avoir crainte qu’ils y contreviennent
par cy après » affirme Bodin ironiquement dans la République. Dans le Denier royal, en 1620,
Scipion de Gramont constate : « Pour le regard de France, elle ne sçait nullement [ce] que
402
c’est que réserve »61. La permanente course à l’argent que l’on peut observer sous
François Ier semble donner raison à ces constats désabusés. Cependant, le souci de
constituer des réserves, de disposer d’un trésor en cas de besoin est, tout au long du
règne, une véritable obsession. Le roi de France rêve de se placer dans la lignée des
trésors plus ou moins mythiques du roi David, de l’empereur Tibère et du pape Jean XXII,
ou de ceux, plus proches et plus réels, de Henri VII Tudor62.
34 Durant l’été 1510, selon Machiavel, alors ambassadeur en France, Louis XII ordonne aux
généraux de trouver des fonds pour la guerre à venir « senza toccare i suoi coffani » 63. En
fait, la formule est ambiguë : Louis XII veut-il préserver des réserves déjà existantes ou
bien éviter que l’on touche aux dépenses déjà ordonnancées ? Sous François Ier, c’est au
cours de l’intermède pacifique de 1517-1520 que le pouvoir monarchique met sur pied un
premier « trésor ». Les 240 000 lt inscrites comme réserves dans l’État général de 1518
n’ont sans doute jamais été mises de côté, car la situation financière reste difficile 64. En
revanche, les fonds amassés par Boisy, « empruntés » par le roi après la mort du grand
maître, sont effectivement apportés en 1519 au château de Blois par un commis de
Lambert Meigret, le responsable de l’Extraordinaire des guerres qui est comptable de cet
argent. Meigret dispose d’une des trois clefs du coffre. La deuxième est remise à du
Bouchage et la troisième au roi.
35 A la reprise de la guerre, au printemps 1521, les écus et la vaisselle du défunt sont
rapidement engloutis dans des dépenses nouvelles65. La possibilité, au cours des mois
difficiles qui suivent, de mettre des fonds de côté est des plus réduites. Le ralentissement
des hostilités, au cours du printemps de 1522, permet de prendre un peu d’avance, mais la
réserve de cent mille lt mentionnée à Blois en octobre 1522 par le Bâtard de Savoie n’est
qu’une goutte d’eau dans la mer, dès le retour d’opérations importantes66. Cette faiblesse
explique que, dans les réformes de 1523, le souci de constituer une réserve métallique soit
au premier plan. La création du trésor de l’Épargne de mars 1523 est sur ce point sans
équivoque : les fonds rassemblés serviront à financer les dépenses de l’Extraordinaire des
guerres puis, avec le retour de la paix, à racheter le domaine67. La réserve foncière
accroîtra les revenus et servira, à son tour, en cas de besoin, de moyen de rassemblement
de fonds via les aliénations. En pratique, l’Épargne qui court après le métal dans les
années 1523-1525 ne voit certainement jamais s’accumuler dans ses coffres des sommes
importantes. Quant à l’argenterie royale, qui fait elle aussi figure de caisse de réserve,
qu’on la vende ou qu’on la fonde, elle disparaît aussi pour une bonne part en 152468.
Durant tout le règne, le roi passe son temps à l’utiliser puis à reconstituer ses stocks.
36 En période de conflit aigu, il est donc impossible d’envisager sérieusement la constitution
de réserves monétaires. Pour les fonds reçus du clergé en 1523, le chroniqueur Bouchet
évoque cependant une consignation un peu étrange. Le roi « manda que les deniers qu’il
demandoit aux seigneurs de l’Église fussent mis entre les mains de gens de bien qui les
garderaient pour luy subvenir en cas de plus urgente nécessité »69. Nul doute que la
« nécessité » n’ait été au rendez-vous… C’est l’arrêt des hostilités consécutif à la défaite de
Pavie qui laisse de nouveau une marge de manœuvre. La Régente et son Conseil
reconstituent au printemps 1525, en rognant sur les dépenses prévues, y compris les
soldes des troupes, une réserve métallique. Il faut se donner les moyens d’agir, en
403
particulier d’acheter des alliés, au premier rang desquels se trouve le roi d’Angleterre,
sans solliciter trop lourdement les sujets dans un contexte politiquement dangereux.
37 L’énorme stock métallique que représente la rançon ne fait que transiter par les caisses
royales. Mais le retour de la paix entraîne automatiquement le souci d’un trésor. En
décembre 1532, lorsqu’il demande à une assemblée de prélats « quelque volontaire
subside », François Ier évoque « l’apparence des affaires à venir et la provision qui estoit
nécessaire pour y obvier »70. On ne saurait être plus vague sur le motif de cette
« provision ». Mais le principe même en est désormais acquis pour le groupe dirigeant : à
la première occasion, il faut veiller à mettre de côté quelques écus. Les réformes de 1532
vont dans le même sens. A côté du trésor du Louvre, qui constitue une première caisse, le
pouvoir établit une caisse de réserve spécifique, sous la surveillance du même personnel.
Il s’agit de deux coffres-tirelires où l’on accumule les économies, en particulier les
décimes « qui dernièrement ont esté cueillyes et levées »71. Cette fois-ci, ils disposent de
quatre clefs, réparties entre le roi, le chancelier, Chabot et Montmorency72.
38 Les tensions internationales croissant, le roi tente, surtout en 1535, d’y amasser le plus
d’argent possible. A en croire les prévisions alors faites, six millions de lt doivent y entrer.
Une controverse sur les « économies » que peut amasser le roi agite le milieu
diplomatique. En 1535, le Vénitien Marino Giustiniano hésite : l’hypothèse « haute » est
de quatre cent mille écus par an (soit neuf cent mille lt) mais « d’autres prétendent que
c’est seulement dix-huit mille par quartier, ce qui ferait soixante et douze mille par an »
(soit cent soixante-deux mille lt seulement)73. La vérité semble se situer entre les deux
chiffres, c’est-à-dire nettement en-dessous des espoirs du Conseil : en 1536, lors des
opérations militaires, la caisse de réserve peut fournir 1 659 000 lt 74. A quoi il faut ajouter
la vaisselle et les objets précieux eux aussi utilisés pour l’effort de guerre. Ce qui provient
de Babou et de la succession de Duprat est dans un coffre, peut-être l’un des deux déjà
évoqués. Quant à l’argenterie royale, elle se trouve dans le « cabinet de l’Épargne »
probablement contigu du lieu qui abrite les deux « tirelires »75. Les vaisselles de Duprat et
Babou servent à alimenter l’Extraordinaire des guerres de Picardie, alors que l’essentiel
des espèces, soit 1,6 million de lt environ, y compris 245 000 lt « empruntées » à la
succession du chancelier, contribuent à payer « les guerres d’Italie et de Provence »76. Ce
stock important, qui n’est sans doute pas sans lien avec le relatif bon déroulement de la
campagne de 1536, n’est plus cependant, dès l’automne, qu’un souvenir.
39 Sera-t-on surpris d’apprendre que, la paix revenue, le Conseil se préoccupe de
reconstituer un trésor ? Les « coffres-tirelires » de 1535 reprennent du service.
Montmorency détient deux clefs sur quatre, mais il doit les céder au début de 1542. Beau
symbole à la fois de sa place en 1540 et de sa disgrâce77. François Ier décide de consacrer à
ses réserves les fonds de la généralité de Normandie. Le 23 janvier 1540, un état constate
que « les deniers d’icelle charge se mettent ou coffre du trésor du Roy ». Il s’agit là des
restes à percevoir au titre de l’année 1539. Effectivement au cours de 1540 tombent dans
cette caisse 417 498 lt provenant à coup sûr de cette généralité et 225 000 lt qui ont sans
doute la même provenance, sans qu’on puisse en apporter de preuve certaine78. Ainsi, le
5 avril 1541, le coffre rassemble-t-il 642 498 lt. C’est peu de chose, et le roi ambitionne, au
cours de l’année, d’atteindre un total de trois millions de lt de réserve79. Pour y parvenir,
outre les recettes ordinaires, le Conseil compte sur les décimes demandées cette année-là.
Les documents comptables subsistants ne permettent pas d’évaluer le stock à la veille de
la guerre. Mais il est plus que probable que les objectifs de 1541, quoique moins élevés que
ceux de 1535, se sont révélés tout aussi inaccessibles. En janvier 1542, le nonce, qui
404
dispose de sources apparemment bien informées, juge que le roi a pu mettre de côté une
somme notable, qu’il estime à 1,2 million de lt80. La fiabilité de ce chiffre est relative, mais
l’ordre de grandeur paraît réaliste, au vu des données précédentes. Comme à
l’accoutumée, les premières opérations assèchent les « économies ».
40 Dès 1546, le cycle bien connu reprend, mais avec cette fois une originalité de taille : pour
garnir ses caisses, le roi emprunte auprès des grands marchands-banquiers. Il n’est guère
possible de savoir quelle est la somme effectivement rassemblée dans les coffres. Les
millions de livres tournois alors drainés ne se sont certainement pas tous matérialisés en
beaux écus en l’espace de quelques mois. Parallèlement, les méthodes traditionnelles
persistent. Le compte de l’Épargne rendu pour la période février 1546-avril 1547 nous
apprend que 605 403 lt ont été mises comptant aux coffres du Louvre81. Si l’ambassadeur
impérial est bien informé, les deux sources de fonds ont permis de rassembler des
sommes à peu près équivalentes. Il évalue en effet les réserves à un maximum de cinq
cent à six cent mille écus, soit entre 1,125 et 1,350 million de lt82. Henri II poursuit dans la
ligne de son père et envisage même de « mettre en réserve aucun deniers en autres
coffres [que ceux du Louvre] fermans à quatre clefs différentes »83. Parmi les détenteurs
des clefs, nul doute que Montmorency ne retrouve sa place…
trouver les acheteurs. En définitive, le trésor monétaire déjà constitué est le moyen d’une
adéquation immédiate, quoique ponctuelle, entre ressources et dépenses. Il contribue à
réduire le temps de la réaction et celui de la décision, tout en facilitant les premières
opérations. D’ailleurs, avec Bodin, c’est l’ensemble des « économistes » de la Renaissance
qui recommande la mise sur pied d’un trésor de guerre86.
44 L’échec de l’invasion de la Provence en 1536 s’explique en partie par le fait que le roi de
France disposait, pour « la plus grande partie en son trésor », des sommes nécessaires
pour y faire face87. De fait, il s’agit sans doute de la guerre pour laquelle les stocks initiaux
sont les plus importants. Au Conseil, en juillet 1542, le grand argument des
« temporisateurs », ceux qui veulent « démouvoir le Roy de faire guerre », est
précisément la faiblesse des réserves : il faut
« faire plus grande provision de deniers car, à la vérité, depuis la dernière guerre, le
Roy avait plus advisé de soulager son peuple par diminution de taille et impost, à
enrichir sa noblesse par dons et grandes pensions, à retirer son domaine aliéné par
les roys ses prédécesseurs et en partye par luy mesmes et à rembourser l’argent çà
et là emprunté qu’à en amasser de nouveau, faisant son compte que l’Empereur, qui
seul le pou-voit mettre en despense, […] ne recommençeroit la guerre ny le mettroit
en nécessité de la recommencer. Et, à vray dire, les affaires du Roy eussent bien
requis d’encore temporiser… »88
45 Les « coffres pleins » de 1547 ont joué un grand rôle dans la gloire posthume de François I
er
. Le roi serait parvenu, peu de temps après une guerre très onéreuse, à reconstituer des
réserves. On trouve chez Bodin et de Thou un écho de cette situation « florissante » des
finances royales. Il faut nuancer très largement le tableau89. Mais, incontestablement,
l’efficacité psychologique de la politique d’emprunts massifs est réelle, non seulement sur
la postérité, mais dès 1547. L’ambassadeur impérial rapporte le bruit selon lequel, à sa
mort, François Ier avait en caisse « assez d’argent pour entretenir une armée pendant six
mois », c’est-à-dire plusieurs millions de livres tournois90. On se situe au niveau des
chiffres rapportés par Bodin, qui parle de « 1 700 000 escus en l’Espargne ». Quelques
pages plus loin, faisant allusion à 500 000 écus d’emprunts lyonnais, il affirme que le roi
les « avoit en ses coffres, et quatre fois davantage »91.
46 De toute manière, la valeur idéologique du modèle que représente un roi aux caisses bien
remplies dépasse de beaucoup la prudence requise face aux nécessités guerrières. Elle est
en effet aussi le moyen de la largesse, et comme telle, l’image d’une générosité
potentielle, qualités indispensables au souverain traditionnel. Cependant, de la puissance
à l’acte, il y a une distance qui explique les inquiétudes perceptibles chez certains auteurs
du temps. Accumuler un trésor sans le dépenser, que ce soit par la guerre ou par les dons,
est mal vu. Commynes déplore le poids de la taille sous Louis XI, mais constate « un bien
[qu’]avoit en luy nostre bon maistre : c’est qu’il ne mettoit riens en thrésor. Il prenoit
tout, et despensoit tout »92. Ronsart critique la thésaurisation dans son Hymne du très
Chrestien roy de France Henry :
Mais tu ne veux souffrir qu’un thrésor dans le Louvre
Se moisissant en vain, d’une rouille se couvre93.
47 Bodin aborde la question sous un angle différent. Il rappelle cette « loy de Dieu » qui
« défend de faire grand amas d’or et d’argent, soit pour trancher l’occasion de faire
exaction sur le peuple, soit pour oster l’envie de faire guerre sans propos ayant le moyen,
soit pour inviter les Princes aux œuvres charitables »94. Le second argument met bien en
évidence les liens organiques entre succès militaires et réserves solides. Quant à la
« charité » du roi, elle profite plus aux aristocrates qu’aux pauvres du royaume.
406
48 Certains signes soulignent combien le désir d’une réserve s’impose aux cercles dirigeants,
roi en tête, comme une nécessité absolue. Il vaut mieux un stock fictif que pas de stock du
tout comme en témoigne l’épisode de l’argent de Naples. Charles Quint a fourni trois cent
mille écus dans le cadre du dédommagement promis au roi de France pour son abandon
de toute prétention sur le royaume de Naples. Ce trésor de guerre, amassé en 1518-1520,
fond comme celui de Boisy lors des opérations de 152195. Jusque-là, rien d’étonnant : les
deux réserves ont été utilisées de la même façon. Mais tout se complique avec la reddition
des comptes de Semblançay. Ce dernier n’a rien à voir avec l’argent du grand maître, dont
Lambert Meigret est directement responsable, mais il s’est occupé en revanche de la
distribution des fonds « napolitains ». L’étrange fiction comptable adoptée par le Conseil
en 1522 considère même ces trois cent mille écus comme un emprunt de Semblançay,
qu’il faut « rembourser ». C’est que le roi désire, alors que les finances sont aux abois,
« derechef [en] faire fons et [lad somme] estre levée en ses finances ». On a le sentiment
qu’il importe avant tout que le roi puisse alors faire exister une réserve, même s’il ne
s’agit que d’une chimère. « Les empes-chemens des guerres qui ont toujours depuis
continué », constate-t-on au cours de l’été 1524, rendent impossible la matérialisation de
ce souhait. Du moins la réserve « potentielle » a-t-elle traversé les années 1522-1524 96…
49 La mise sur pied d’un trésor peut se faire aussi, de façon moins fantasmatique, mais tout
aussi peu « rationnelle », dans l’ignorance complète des contraintes financières. Le projet
de réserve de 1541, s’il aboutit, doit à coup sûr désorganiser totalement les finances
royales. Qu’on en juge : des 4 619 297 lt de recettes prévues, 920 758 lt ont déjà été
dépensées avant le 5 avril. Le reste des charges ordinaires pour l’année se monte à
3 736 084 lt. C’est dire que, dès cette date, on peut entrevoir un très léger déficit. Or le roi
envisage froidement de prélever 2 357 501 lt sur les fonds disponibles, pour les mettre
dans les « coffres-tirelires »97… Il ne reste donc que 1 341 037 lt pour faire face aux
dépenses, soit guère plus du tiers de ce qui est nécessaire. Il faut, poursuit en toute
candeur le document, « aviser quelles parties de despenses sont acquitées en l’espargne
pour toute cested. année à cause de ce qui reste à payer des charges ordinaires ». Le tri ne
sera guère aisé… D’où la pertinence, au même moment, d’un mémoire sur l’Épargne qui
demande « un ordre certain et non confuz » pour cette caisse, « actendu mesmement que
lesd charges ordinaires montent plus que la valleur des finances de lad. année présente,
en distrayant les deniers de Normandye qu’on met en réserve »98. Non sans étonnement,
on décèle donc chez les responsables de la décision financière une tentative pour
dissocier accumulation métallique et gestion des flux financiers.
50 Cela conduit à s’interroger sur la façon dont ils perçoivent les masses monétaires
disponibles. Incontestablement, la plupart des prévisions d’ordre « budgétaire » ne
dépassent pas le court, voire le très court terme. Il y a certes les difficultés chroniques,
ainsi que l’absence d’instruments valables de prévision, qui rendent myope le pouvoir.
Mais, en même temps, la politique financière du groupe dirigeant lui interdit de prendre
du recul par rapport aux contraintes quotidiennes. Son horizon est étroitement borné et
gouverner l’empêche de prévoir. Dans le même mouvement, l’attitude par rapport au
crédit est révélatrice : celui de Semblançay, le roi le « veulx garder comme un trésor en
[ses] affaires »99, ramenant ainsi le mystérieux au connu et au traditionnel. Le projet de
réforme de 1522-1523 est très réticent par rapport au principe même du recours au
crédit : « N’y a personnage si puissant qui puisse faire lesdictz prestz [et] avancemens [au
roi] car il n’a minière d’or ne d’argent ». Ceci révèle les limites étroites des conceptions
407
économiques du ou des auteurs qui, comme plus tard Philippe II, ne rêvent que d’une
chose : « sortir des changes et dettes qui consument tout »100.
51 Quant à la cible, elle est claire : sont visés en 1522-1523 les officiers de finances, proches
parents de ces banquiers dont le métier inspire toujours une grande défiance101. D’autant
que les jongleries financières des hommes du roi, à l’évidence, s’alimentent aux caisses
royales. Elles permettent d’illicites profits car on prête en définitive au roi son propre
argent. Ainsi le projet envisage-t-il de faire cesser toute politique d’emprunts102. Le
« trésor », en revanche, est un instrument simple et clair : il permet une gestion saine,
loin des sophistications de « Messieurs des finances ». Il met le fonctionnement des
circuits de l’argent du roi à la portée de tous, souverain compris : il y a une grosse boîte
qu’on vide et qu’on remplit. Pour les pensionnés, courtisans en tête, il est alors beaucoup
plus facile d’être servi qu’avec les assignations, et ce en évitant la médiation des officiers
de finance. Sans doute, dans une telle ambiance, Tournon fait-il cavalier seul, lui qu’on
crédite d’un projet de banque en 1542. Nul étonnement à ce qu’il ait échoué103. A la fin du
règne, le crédit « moderne » de ce qui est en train de devenir le Grand Parti est mis au
service… de la constitution d’un trésor. Merveilleux symbole, lorsque le stockage des
espèces sonnantes et trébuchantes dans un coffre apparaît comme le meilleur moyen
d’utiliser et de contrôler les flux monétaires104.
fait un retour sur les méthodes prévalant jusqu’en 1523, ainsi que sur leur survie au-delà
de cette coupure fatidique. Enfin et surtout, il convient d’explorer d’autres pistes que
celles qui sont mises en avant par Jacqueton. Les réformes sont en effet « efficaces » dans
d’autres domaines, car elles visent à transformer les relations du pouvoir avec le
personnel monarchique. Elles révèlent alors au sein du groupe dirigeant un imaginaire de
l’État qui n’est pas celui auquel on s’attend.
55 Avant d’aborder la finalité même des réformes du règne, un retour en arrière s’impose,
vers l’époque de « Messieurs des finances » et des grandes familles du Val de Loire. Il
serait nécessaire de se reporter au temps de Charles VII et de Jacques Cœur, voire à la fin
du XIVe siècle, pour chercher les racines du système qui fonctionne encore quand
François Ier monte sur le trône. Cependant les véritables débuts du groupe ligérien se
situent dans les années 1480. A la mort de Louis XI - avant même les États généraux - un
sérieux renouvellement se produit au sommet de l’appareil financier107. C’est alors que
Guillaume Briçonnet devient général. Avec les restrictions fiscales sévères imposées par
l’assemblée de Tours, même s’il ne faut pas en exagérer la portée108, le rôle de « Messieurs
des finance » comme pourvoyeurs de fonds est encore accru. Pendant une génération,
cette structure fait preuve d’une réelle efficacité. Ce sont ses réussites, relatives, qui
expliquent son enracinement.
56 Celui-ci possède une tonalité spécifique, les grands ordonnateurs, Semblan-çay en tête,
ayant pris le contrôle des circuits financiers. Leur mainmise se traduit par une
imbrication, une osmose presque, entre les deniers du roi, l’argent des particuliers et le
leur propre109. Il est délicat de parler de « traitants » à leur sujet, tout simplement parce
que leurs relations avec la monarchie sont régulées d’une toute autre manière que le
seront celles découlant des véritables « traités », au XVIIe siècle. Cependant il est sûr que,
par certains côtés, leur implication dans le système fisco-financier est telle qu’on a du mal
à ne pas considérer celui-ci comme une « énorme entreprise privée » (B. Chevalier). Autre
caractéristique : les relations assez étroites nouées avec les marchands-banquiers
internationaux. Semblançay offre le cas le plus net, qui est en lien avec les Gualterroti
d’Anvers comme avec les Cavalcanti de Londres110. Ce sont ces réseaux privilégiés qui
s’effacent ensuite.
57 Il est possible, dans une certaine mesure, de soutenir que « Messieurs des finances » sont
victimes de leur succès. Leur position dans les circuits de l’argent facilite pendant un
temps l’arrivée des fonds. Bientôt, ils sont conduits à prendre des engagements de plus en
plus importants sur le plan financier. Le roi et les siens y poussent, et la logique de
l’implication dans l’État y contraint. Or, dès la fin du règne de Louis XII, le collège des
généraux a du mal à faire face à l’accroissement des besoins. Sous François I er, les limites
des capacités d’emprunt du groupe sont vite atteintes et la fragilité de ses bases
financières apparaît au grand jour. Semblançay affirme en 1521 : « Je vouldroye bien
trouver aultent [d’argent] que j’ay le désir d’en pran-dre »111. Constatant en 1523 qu’il
« avoit employé tout son crédit », il en est réduit à user de subterfuges pour éviter de
nouvelles sollicitations royales112.
409
59 La nouveauté n’interdit pas l’inscription dans des cadres antérieurs. Le rôle du trésorier
de l’Épargne est en effet marqué par une ambiguïté déjà présente dans le pouvoir de
Semblançay. Placé au cœur du système financier, le nouvel agent doit à la fois opérer une
centralisation des fonds et assurer le service financier direct du monarque114. Mais
Philibert Babou n’est qu’un caissier, et non plus un ordonnateur ; d’autre part le
rassemblement monétaire doit dorénavant avoir une réalité matérielle : les fonds sont à
verser effectivement au trésor de l’Épargne. Comment parvenir concrètement à
rassembler l’argent des quatre coins du royaume, tout en assurant, comme caissier du roi,
un service ambulatoire ? La solution résiderait évidemment dans la stabilisation de la
caisse, à Blois par exemple, ce qui n’empêcherait pas le trésorier de suivre François I er.
Malheureusement, la ville n’est apparemment évoquée dans l’ordonnance du
28 décembre 1523 qu’à cause du séjour momentanée de la cour, et peut-être en raison de
sa tradition de siège des réserves. C’est « en noz mains », comme le précise Babou le
10 mai 1524, que l’argent doit finir sa course, « suyvant l’ordonnance et mandement » du
roi, et non dans un coffre précis115. Une fois Blois abandonnée, les fonds partent ensuite
vers des destinations variables, à la suite du trésorier et de son maître116. Le roi tient
visiblement à contrôler étroitement ses ressources et à avoir sous la main d’importantes
liquidités. Les faire parvenir jusqu’à lui paraît donc être la solution la plus adaptée. Mais
c’est courir deux lièvres à la fois, celui de la centralisation des fonds et celui de leur
disponibilité immédiate, où que soient le monarque et le Conseil. Comme dans la
principauté bourguignonne du XVe siècle, le désir de centralisation signifie pour une
bonne part désir de rendre plus proches les revenus, en un temps où les caisses se
multiplient au sein de l’administration monarchique117.
60 Est-ce la force d’inertie qui fait envoyer encore au château de Blois, le 19 août 1524, des
fonds pour l’Épargne alors que le roi a quitté la ville le 12 juillet et Babou avec lui selon
toute probabilité ? Il s’agit plus probablement de garnir l’éternelle caisse de réserve 118. Le
« coffre de l’espargne du roy » se trouve cependant en mai 1525 avec Babou à Lyon, où ce
dernier réside aux côtés de la Régente. Anne Duprat, receveur des aides et tailles
d’Auvergne, y apporte alors 15 000 lt. Mais il apprend que Babou s’est démis de son office.
410
Son successeur n’est pas encore pourvu et, en attendant, personne ne veut décharger
valablement Anne Duprat, signe clair que le « coffre » n’est que la caisse du trésorier.
Aussi le receveur est-il contraint de rapporter son argent à Clermont119. Onze ans plus
tard, le « coffre du Roy nostre sire en la ville de Lyon », évoqué le 3 août 1536 dans un acte
parisien, coïncide avec un séjour du monarque et de son trésorier de l’Épargne dans cette
ville120. Ensuite ils se séparent, le roi descendant vers Valence et Preu-dhomme remontant
vers Amboise. C’est probablement le Conseil établi dans la capitale des Gaules qui, aidé du
commis de l’Épargne Jehan II Duval, gendre de Preudhomme, surveille ensuite la caisse.
Reste le problème des coffres évoqués par Duprat à Paris, auxquels on a déjà fait allusion
121
. L’impossibilité de déterminer une date précise réduit aux hypothèses. La plus simple
est évidemment l’installation momentanée du trésorier Preudhomme dans la capitale.
61 Pendant quelques années, le fonctionnement du trésor du Louvre permet de faire cesser
l’ambiguïté initiale. Il y a d’un côté une « vraie » caisse à Paris et de l’autre un caissier en
chef qui, avec son administration, contrôle et oriente les flux monétaires, sous l’autorité
du souverain et du Conseil. Un commis du trésorier de l’Épargne est à demeure attaché au
trésor du Louvre. Cependant, les envois d’argent directement à Preudhomme ne cessent
pas pour autant. La reprise des hostilités met rapidement fin au fonctionnement régulier
du trésor du Louvre et redonne toute sa place au trésorier de l’Épargne. C’est vers lui
qu’en juillet 1538 convergent les fonds pour le financement de l’entrevue de François I er
avec Charles Quint122. Dès lors, Preudhomme reste maître du terrain : seul comptable de
premier rang, il réside près du roi, ce qui assure le maintien d’un trésor ambulatoire. Le
Louvre n’abrite plus qu’une caisse de réserve. Premier acquis : les deux aspects sont
clairement distincts, alors que les créations de 1523 entretenaient le flou en ce domaine,
tout comme d’ailleurs le trésor du Louvre en 1532.
62 On peut se demander cependant si cette distinction est toujours bénéfique, quand on voit
à quels égarements budgétaires l’existence d’un « trésor » spécifique peut conduire le
Conseil dans les années 1540. Quant au progrès dans la maîtrise des flux, il est délicat à
mettre en évidence. Il est certain que l’argent du roi est, pour une part appréciable, plus
proche de lui qu’avant 1523. Et cette proximité, qu’elle soit physique - c’est-à-dire
métallique - ou seulement comptable, via les écritures du trésorier de l’Épargne, donne
les moyens d’un contrôle accru des fonds. Comme le précise une ordonnance de janvier
1544 : il est « très requis et prouffitable que le compte général de nosd deniers soit tenu
par un seul comptable résident près de nous »123. La situation des recettes et des dépenses
est mieux cernée. Mais la spécificité d’une caisse de l’État est loin de se dégager, c’est le
moins que l’on puisse dire.
63 Le maintien de structures patrimoniales reste en effet d’actualité. Ce problème connexe
nous éloigne un peu du trésor de l’Épargne, mais il permet à mon sens de situer sa
création dans un climat précis. La manifestation la plus nette de la force de ces structures
se trouve dans l’attitude du roi par rapport à qa famille. Elle s’exprime dès le départ dans
une fusion des sphères privées et publiques des finances, étendues aux proches du
monarque. A la Cour des aides qui proteste contre l’aliénation du Berry au profit de
Marguerite d’Alen-çon, François Ier n’hésite pas à répondre qu’« aussi bien estoient les
deniers à luy quand sa sœur les avoit que si luy mesme les avoit »124. L’argent de l’État est
possession indivise des Angoulême. C’est sur cette confusion des caisses, outre
l’autorisation de l’intéressée, que Semblançay s’appuie pour justifier l’utilisation de fonds
appartenant à Louise de Savoie lors de la grande misère financière de 1521, « pour ce qu’il
a entendu que la voulunté et bourse du roy et de Madame n’estoit que ung ». Ce qui
411
3. La politique du « comptant »
a. L’efficacité : un débat
64 Après les réformes de 1523-1524, une évidence s’impose : les stocks métalliques doivent
être le plus souvent possible l’instrument financier de référence. Quel plus beau symbole
que ces multiples clefs qui permettent l’accès aux écus accumulés dans les coffres ?
Parallèlement à cette politique des stocks se met en place une politique de l’argent
comptant en matière financière qui doit conduire à limiter le rôle du papier financier.
Une telle approche, une fois posés les cadres mentaux des gens de conseil, n’a rien pour
surprendre. Ici encore, se pose la question de l’efficacité. Le premier mai 1527, le
chancelier Duprat fait l’apologie du nouveau système. Au temps passé, le roi fonctionnait
toujours « un cartier en arrière, pour lequel avancer les comptables avoient gros gages, et
ung aultre qui chevauchoit sur l’année subséquente ». Dorénavant, François Ier « a
tousjours ung cartier devant luy » et ce sans crue, sans invention, en ayant recours
seulement à « l’ordinaire du Roy, qui n’est pas petit mais qu’il soit bien conduict » 127.
L’objectif d’assainissement fixé par le projet de 1522-1523 serait donc réalisé et même
dépassé. On ne sait s’il faut attribuer directement aux réformes de 1523-1524 ce beau
succès. Du moins le refus des contraintes du système ancien est-il clair : maintenant, le
roi a, très concrètement, de l’argent devant lui. Peut-être s’agit-il en fait du plaidoyer
pour une transformation en cours, dont on ignore les contours précis. Dans une autre
lettre à Montmorency, trois jours plus tôt, Duprat écrit en effet : « Le roy print hier sur
ses finances pour le fait de ses guerres et conduyre son estât de ceste présente année un si
bon moien que plus ne pourroit ». Le chancelier est chargé de le « mettre par escript »,
mais il ne nous en dit pas plus128.
65 L’ambiance est de toute évidence à un second souffle de la réforme, ce que confirme la
création des contrôleurs de l’Épargne le 9 mai 1527. Il est bien délicat de mesurer
l’efficacité pratique de telles déclarations de principe. Ce que l’on sait des difficultés
chroniques des finances royales incite à la prudence face à l’affirmation triomphante de
Duprat, qui se livre de plus ici à un plaidoyer pro domo. Faut-il voir cependant une sorte de
confirmation du quartier d’avance dans le fait qu’à la fin de 1527, le roi ayant fait état du
quartier de janvier 1528, les remboursements de prêts ne peuvent être assignés que sur
celui d’avril129 ? On peut tout aussi bien supposer que le quartier de janvier est déjà
« mangé » et non réservé par avance. Hypothèse que renforce une remarque du
chancelier datée du 6 avril 1528 : « Les deniers ne sont prompts, parquoy sera besoin
trouver qui les avance moyennant quelque prouffict »130. La monarchie est vite retombée,
412
si tant est qu’il y ait eu une interruption, dans les ornières passées, dénoncées moins d’un
an plus tôt.
66 L’idée d’une simplification des procédures consécutive aux réformes est
traditionnellement mise en avant. Sur certains points, elle est indéniable. La disparition
des attaches des ordonnateurs ou des écrous remis aux contrôleurs des recettes générales
en fait foi. Dans nombre de cas, conséquence de la circulation des espèces elles-mêmes, la
paperasse administrative est en recul. Cependant le transit par les caisses centrales n’a
pas que des avantages. Voici un clerc qui erre à Lyon avec des fonds des tailles de
Normandie, à la recherche d’un commis du trésorier de l’Épargne qui ne s’y trouve pas.
Voici des fonds empruntés à Paris qui doivent passer par le trésor du Louvre avant d’être
remis au responsable de l’Extraordinaire des guerres de Picardie131. Quand elles sont
appliquées, les réformes entraînent donc des délais préjudiciables. Parfois même on
devine des aberrations. En avril 1538, deux voitu-riers sont payés, respectivement pour
des envois de fonds provenant des impôts picards d’Abbeville à Montdidier puis Paris, et
pour la fourniture d’espèces pour les guerres de Paris à Amiens132. Nul doute qu’une
gestion différente aurait permis d’économiser l’essentiel des vingt-sept lt dépensées pour
la circonstance.
67 Ce qui conduit tout naturellement à la question du coût du système réformé. Reprenant
presque les propos de Duprat, R. Doucet voit dans les réformes de 1523 le souci de se
débarrasser d’un personnel « dont les services étaient jugés trop onéreux pour le Trésor »
133. Il ne peut s’agir ici que des services « financiers », car le personnel n’est pas renvoyé et
être instruit par l’expérience, le souverain est plus pragmatique : outre les deux derniers
postes cités, le texte évoque les assignations « que nous en pourrions ordonner faire à
plusieurs personnes, tant pour le payement de notre gendarmerie que autres, pour éviter
aux fraiz du port et voicture des deniers ».
69 En fait les décharges, si elles s’appellent dorénavant mandements ou res-criptions,
persistent largement après 1523136. C’est un ordre du Conseil de régence qui permet, en
février 1526, au receveur général de Bourgogne Bénigne Serre d’enfreindre les règles
établies. Quant aux 42 000 lt qu’aux dires de Thomas Bohier, « on est alé en Auvergne
pour recouvrer » pour l’Italie au début de 1524, elles n’ont sûrement pas transité par les
caisses du trésorier de l’Épargne137. On constate sans surprise qu’il s’agit, dans les deux
cas, de versements destinés à l’Extraordinaire des guerres. C’est alors au tour du trésorier
de l’Épargne de se trouver investi du rôle du fournisseur de papier financier. Le 17 avril
1524, Hector d’Availlolles confesse avoir reçu de Jehan Carré, chargé de l’Extraordinaire
des guerres, une rescription en papier du trésorier Babou, adressée au receveur général
Bénigne Serre, pour que ce dernier paye mille lt à Carré138. Cette « rescription » est bien la
sœur cadette des décharges des généraux. Même en période plus calme, le procédé
demeure. Le 30 décembre 1531, le receveur de l’Écurie est appointé de 24 847 lt sur
Preudhomme. Ce dernier ne lui fournit pas d’argent, mais une rescription de deux mille lt
sur son commis Jehan de Chantosmes et, pour le reste, une assignation sur le receveur
général Besnier. Chantosmes pour sa part ne lui délivre que mille lt. Pour les mille lt de
reste, il lui remet à son tour une rescription adressée au receveur général de Guyenne, et
portant sur les fonds que ce dernier fait alors convoyer à Rouen, où se tient la cour 139.
70 Cependant, malgré les ouvertures possibles laissées par le texte fondateur, la mise sur
pied du trésor du Louvre correspond à un durcissement de la pratique du « comptant ».
L’absence de crise financière aiguë et de conflit autorise une telle reprise en main.
D’importants paiements en espèces se font dans les caisses parisiennes. Parfois même, on
va au-delà des prescriptions de l’ordonnance du 7 février 1532. Mais, parallèlement, le
trésorier de l’Épargne lève des fonds directement sur les receveurs généraux pour les
charges « autour de la personne du roi ». Au total, en quatre ans, cela représente
1,275 million de lt. Avec les assignations directes de Preudhomme, soit 150 000 lt, on
atteint 1,425 million de lt, soit seulement un douzième des quelque 17 millions de lt de
recettes que totalise l’Épargne pendant cette période140. C’est dire l’importance de ce qui
passe par les coffres du Louvre, à condition, bien sûr, que l’existence de circuits parallèles
ne nous soit pas dissimulée. De toute manière, dès avril 1533, les fonds des finances
extraordinaires et Parties casuelles ne respectent plus la procédure mise en place. Et on
repère au hasard des sources des traces de versement sans passage par le Trésor. Le
18 octobre 1532, un commis de l’Extraordinaire des guerres reçoit directement 300 lt des
restes des décimes du diocèse de Soissons. En août 1534, ce sont deux remboursements
qui sont assignés sur le receveur des exploits et amendes du Parlement de Paris, avec une
dérogation officielle141. Malgré tout, la période 1532-1535 semble bien correspondre à
l’étiage des assignations.
71 Le retour des hostilités les voit de nouveau fleurir. Elles s’installent solidement dans les
années quarante, et la fin du règne est marquée par la reconnaissance officielle de
l’existence d’un double système de versement142. Pour les compagnies d’ordonnance, les
payeurs, suivant un édit de mars 1543, « seront tenus prendre et recevoir les assignations,
qui leur seront baillées et départies […] le plus près des lieux où lesdites compagnies
seront assises, pour en faire le recouvrement et tous les frais d’iceux ». Le 17 janvier 1544,
414
le roi rappelle que, « par nécessité, importunité ou autrement », il peut être amené à faire
payer certaines parties par les receveurs généraux ailleurs qu’en l’Épargne143. Après une
écrasante domination des assignations, puis des tentatives plus ou moins fructueuses
pour imposer les versements comptants, c’est un système mixte, à l’empirisme bien
tempéré, qui finit par s’imposer144. En témoigne aussi la possibilité rapidement retrouvée
par le trésorier des Parties casuelles de débourser des fonds sans passer par le trésor de
l’Épargne.
72 L’exemple des années 1536-1538 montre en fait comment, au quotidien, on procède au
coup par coup, avec des circuits financiers souples par nécessité. Il existe des
circonstances où l’on peut s’en tenir à peu près aux règles édictées par le pouvoir. Ainsi,
lorsque les responsables de la recette générale d’Outre-Seine font parvenir des
« charges » de deniers au trésorier de l’Épargne, depuis Troyes ou Reims, en avril 1537. En
juin, suite à un ordre envoyé de Corbie, probablement par le chancelier du Bourg, ils font
partir leurs écus « la part que le Roy seroit ». Ils regrettent la faiblesse de l’envoi. Elle
s’explique parce que le trésorier de l’Épargne « en a faict mectre au Louvre […] la somme
de LXIII m tant livres, le tout en monnoye »145. La caisse centrale, en ces mois difficiles,
continue donc à être utilisée. Mais les assignations se multiplient. En avril 1538 le
receveur général de Languedoc évoque les 11 509 lt qui sont à Lyon, prêtes pour employer
où le chancelier voudra. Il suffit que le commis du trésorier de l’Épargne en fasse
« rescription pour en bailler acquict de l’Espargne ». Le même mois, en Guyenne, le
conseiller au Parlement La Chassaigne rappelle à du Bourg le dernier envoi de fonds qui a
été fait depuis Agen jusqu’à Lyon. Il ajoute : « Et à présent eussions faict autre voicture,
n’eust esté les assignations que monsr le trésorier de l’Espargne a faict sur led Arnoul »,
commis de cette recette générale, soit cinq mille lt pour le grand écuyer et vingt mille lt
pour payer la compagnie de Saint-Pol146.
73 Ainsi donc, bien des fonds gagnent une affectation sans même passer par les mains de
Preudhomme ou de ses commis. Fin juin 1537, vingt mille lt d’Outre-Seine partent
« incontinent en Picardie, la part que seroit mond seigneur le daulphin », qui commande
l’armée avec Montmorency. Sur l’autre front, c’est Tournon qui détourne l’argent. Dès
mars de cette année, Hellin et de Moraynes, tous deux commis en Languedoïl orientale,
reçoivent une lettre du chancelier leur ordonnant de faire tenir quarante mille lt à Lyon,
au cardinal, et plus précisément aux mains d’un commis de l’Extraordinaire des guerres
présent dans la ville. Fin mai, après une nouvelle injonction en ce sens, ils doivent lancer
un courrier en poste pour rattraper cinquante-six mille lt qu’ils viennent de faire partir
« pour porter la part que seroit le Roy et vous [du Bourg] ». Ils espèrent que l’argent leur
reviendra d’ici quatre ou cinq jours147. L’urgence qui règne au moment de l’entrevue
d’Aigues-Mortes en juillet 1538 donne lieu à un autre « détournement ». Cette fois-ci, en
Languedoc, c’est le trésorier de l’Épargne lui-même « en grande nécessité d’argent » qui
demande à ce que les clercs qui « sont au recouvrement » en Languedoc viennent lui
apporter en toute hâte les fonds reçus, sans passer par le receveur général de la charge,
leur supérieur direct148.
74 Ces derniers épisodes montrent bien que le système ne peut fonctionner que si les
prescriptions légales ne sont pas respectées. Ceci se produit le plus souvent avec l’aval,
voire les encouragements, du pouvoir politique. Un mandement de remboursement du
9 août 1540 fournit une belle illustration du principe de dérogation. Il s’agit de faire payer
par le receveur des exploits et amendes du Parlement de Paris quatre mille lt au frère et
héritier d’un prêteur de 1521. Pour ce faire, on dérogera à la règle selon laquelle les dons
415
excédant mille écus à la fois ne peuvent être payés qu’en fin d’année, à l’ordonnance sur
les coffres du Louvre, à l’édit sur la réservation pour six ans des deniers des amendes,
aubaines et confiscations pour les réparations et fortifications des places-fortes, et enfin à
l’ordonnance de Meaux du 26 juillet 1539, conservatoire desdits édit et ordonnance149.
Rien moins que quatre textes. Et ce n’est pas une exception150. A cela s’ajoute la pratique
fréquente de procédures plus ou moins régulières. Cellini rapporte ainsi que François I er,
impressionné par son Colosse, « ordonna de suite à l’un de ses secrétaires de me
rembourser incontinent, sur un simple écrit de ma main, toutes les sommes que j’avais
dépensées de mon argent »151. Les propos du génial artiste ne sont point parole d’Evangile
mais, si cela s’est produit, on peut aisément imaginer l’accueil fait par la Chambre des
comptes à la « note de frais » sans autre justificatif de Benvenuto…152 Tout ceci conduit
donc à relativiser la réalité et l’impact des changements dans la gestion des flux
monétaires qu’entraîne la politique de réforme du règne.
4. L’inertie gestionnaire
75 Par leur mise en route même, les réformes provoquent des perturbations momentanées
des circuits financiers. Seules des études locales pourront permettre de prendre toute la
mesure de ces difficultés. Cependant quelques exemples montrent que les changements
font sûrement bien des mécontents et troublent la circulation des fonds. Assignés sur
divers receveurs locaux à la fin de 1523 et au début de 1524, des marchands-banquiers
lucquois ne peuvent rentrer dans leurs fonds car « l’on n’avoit sceu recouvrer les deniers,
au moyen des ordonnances […] portant défense de ne payer aucunes assignations par
descharges »153. En 1525, Jehan Duval, receveur et payeur des gages du Parlement de Paris,
a sur les bras trois décharges sur des grenetiers. Elles ont d’abord été « recullées » de
l’année fiscale octobre 1522-septembre 1523 à la suivante. Ensuite, « ledit Duval n’a
aucune chose reçu pour ce que les greniers sur lesquelz led Duval estoit assigné par lesd
descharges ne lui ont rien voulu bailler au moien de ce que, par lettres du Roi, leur avoit
esté mandé de ne délivrer aucuns deniers sinon à monsieur le trésorier Babou »154. Et
Jehan Duval, qui doit par ailleurs 3452 lt au roi pour deniers plus reçus que payés,
aimerait sans doute apurer le plus gros de cette somme grâce à ces décharges inutilisées.
En 1531-1532, la réorganisation financière, aux dires de Duprat, ne peut manquer
d’entraîner pendant quelque temps « quelque facherye et longueur », mais ce ne sera que
ponctuel, car une nette amélioration se produira à moyen terme155. A cette occasion, le
trésorier des guerres Grolier, qui en était revenu au système classique des assignations
sur les recettes générales, redécouvre les payements comptants à l’Épargne. Dans le grand
mouvement de rigueur associé à la mise sur pied du trésor du Louvre, on tente donc
d’appliquer enfin les règles si allègrement piétinées depuis 1523156. Mais ceci conduit
fatalement, comme on l’a vu, à des retards.
76 Certaines réformes ont par ailleurs bien du mal à s’acclimater. Il est des habitudes
tenaces. Au début de 1525 encore, des fonds sont reversés par les finances extraordinaires
et Parties casuelles à la recette générale de Langue-doïl, l’ancienne grande charge qui
continue de prendre en main les paiements d’un certain nombre de frais de
fonctionnement (chevaucheurs, postes, chantres et chapelains)157. Quant aux receveurs
locaux, ils rechignent en 1523-1524 à envoyer tous leurs fonds au trésorier de l’Épargne,
au grand dam du souverain qui les menacent bientôt des pires sanctions158. L’inertie des
pratiques peut avoir des significations variées : une réelle mauvaise volonté, signe de
réticence face à la réforme elle-même, une tentative pour profiter de la confusion et
416
tenter de faire quelques profits, ou enfin une certaine prudence, qui pousse à conserver
des fonds par devers soi, en se disant que, si le roi annule sa décision et que les assignés
reviennent, il faudra bien faire face.
77 Dernier signe, symbolique, mais révélateur des pesanteurs ambiantes : les trésoriers de
l’Épargne sont le plus souvent désignés par leur office d’« ordonnateur », Babou comme
trésorier de France et surtout Preudhomme comme général de Normandie159. Il faut
attendre l’arrivée de Jehan II Duval en 1540 pour que le nouveau titre s’acclimate
pleinement. Mais n’est-ce pas tout simplement parce que Duval n’en a pas d’autre ? Alors
que les ordonnateurs ont beaucoup perdu de leur gloire passée, leur dénomination paraît
conserver un prestige supérieur à celui du principal office créé par les réformes. De
même, bien après son dépècement, il arrive qu’on parle encore de généralité de Lan-
guedoïl, sans doute à propos de celle de Tours, cette ville étant l’ancienne capitale de la
grande charge160.
78 Pour mesurer pleinement l’inertie administrative, il faut se placer à la fin du règne de
François Ier et faire quelques constats. Les fonds recueillis via le Grand Parti en gestation
sont remis non au trésorier de l’Épargne, mais au receveur général de Lyon, Martin de
Troyes. Ils sont compris dans sa recette en 1547. Quant aux assignations de
remboursements, elles peuvent être délivrées aussi bien sur les recettes générales ou les
décimes que sur l’Épargne. Cela se fera « au choix des prestans »161. La centralisation
qu’est censé assurer le trésorier de l’Épargne paraît ici assez poreuse… La gestion des flux
financiers n’est en définitive guère éloignée de celle des années 1515-1523. En revanche,
contrairement au début du règne, les principaux responsables financiers ne peuvent plus
prétendre exercer un droit de regard sur la politique financière de la monarchie. Mais il
s’agit ici d’une inflexion politique et non d’un aspect du fonctionnement administratif. Il
semble même légitime de se demander si, dans la répartition des pouvoirs, les receveurs
généraux n’ont pas gagné en autonomie par rapport au temps de « Messieurs des
finances », dans la mesure où le trésorier de l’Épargne n’a qu’un faible droit de regard sur
ce qui se passe à l’échelon régional.
79 En matière de finances, Roger Doucet ne craint pas d’affirmer que le trésor de l’Épargne
n’est qu’une « réforme toute superficielle »162. On est tenté de le suivre sur cette voie, à
condition, bien sûr, de s’en tenir aux seuls aspects techniques et pratiques. Bref,
l’« Ancien Régime » financier persiste pour l’essentiel. Alain Guéry voit même dans les
réformes de 1523 une véritable régression : l’État général (prévisionnel) des finances joue
dorénavant un rôle peu important, le roi ne se sentant pas tenu par les instruments
financiers mis en place. Il perd même toute valeur de justification comptable à partir de
1532 puisque des lettres spéciales sont indispensables pour chaque paiement. C’est un
obstacle de plus dans la mise au point d’une conception plus rigoureuse de la gestion
« budgétaire », celle où le « budget » engage fortement ceux qui l’établissent163.
80 Les pratiques comptables fournissent enfin une bonne illustration de l’inertie qui pèse sur
l’administration royale164. Ainsi la classification des dépenses du compte du trésorier de
l’Épargne est-elle calquée sur celle des recettes générales d’avant 1523165. Le
chevauchement des années fiscales, avec début au 1er octobre et au 1er janvier, ne
disparaît pas166. Autre chevauchement, celui qui prévaut en 1532-1533, lorsque les
structures comptables adoptées pour les recettes ne sont pas les mêmes que celles qui
sont retenues pour les dépenses. Pour les premières, on enregistre les rentrées
réellement effectuées durant une année civile, alors que pour les secondes, on se réfère à
l’ensemble des dépenses assignées sur une année fiscale, dont le règlement s’étale sur
417
82 Parmi les reproches précoces qui sont faits à « Messieurs des finances » figure l’utilisation
contestable des commissions financières. Dans son attaque de 1505, l’amiral de Graville
met déjà l’accent sur ce point172. Il condamne la création, à l’initiative des officiers, de
commissions inutiles, tout juste bonnes à faire tomber quelques écus de plus dans
l’escarcelle du titulaire, comme cette « commission à icelluy qui a la charge en Bretaigne
de recevoir les déniez ordonnez pour payer lesdits pancionnaires, qui a deux mil frans de
tauxacion pour ce fère, qui est une grant somme de deniers perdue pour le Roy »173.
Chacun sait en effet que les pensionnaires doivent se charger eux-mêmes, à leurs frais, de
recouvrer leurs décharges. Suit une attaque plus générale : Semblançay « et les aultres
généraulx ont baillé ou fait bailler plusieurs commissions extraordinaires à plusieurs
personnes, et à chascun baillé grosses tauxacions », et ce « pour pourvoir leurs parens,
affins et serviteurs ». La critique est double, portant à la fois sur les frais supplémentaires
que doit prendre en charge le Trésor et sur la mainmise du clan qui s’étend à l’ensemble
des activités financières de l’appareil monarchique. Malheureusement, Graville ne précise
pas à quel type de commission il songe. Faut-il opposer en ce domaine les commissions de
dépense, à l’image de la plus importante d’entre elles, celle de l’Extraordinaire des
guerres, et les commissions de recettes de revenus spécifiques ? En fait les deux aspects
sont intimement liés. En effet, l’Extraordinaire des guerres est directement alimenté par
ces expédients que sont les fonds des décimes, des offices ou des villes. Aussi n’est-il pas
rare que ces derniers soient levés par le personnel de ce département. Mais tout ceci se
418
fait dans le désordre, un désordre, juge-t-on, propice à bien des fraudes et des
détournements. Le cas des fonds provenant des offices est éclairant. Certains sont versés
au receveur général du secteur concerné, d’autres vont directement dans les caisses de
l’Extraordinaire des guerres, d’autres enfin passent par les mains de Semblançay174. Et
rien ne dit qu’il n’y ait pas encore d’autres canaux, en particulier via les généraux des
finances.
83 La trésorerie de l’Épargne première manière, matrice de la trésorerie des finances
extraordinaires et Parties casuelles, est un instrument de choix pour réorganiser ce
secteur et assurer à la fois une plus grande cohérence et un meilleur contrôle de la
gestion. Cette rationalisation, au moment où se développe la vénalité publique, est fort
utile car le roi a besoin d’y voir clair dans la gestion de son personnel. De façon générale,
l’existence d’un comptable unique et permanent permet d’améliorer la « visibilité » des
rentrées extraordinaires. Celles-ci deviennent donc beaucoup plus disponibles pour le
Conseil. Mais cette centralisation complète des recettes extraordinaires ne dure pas. A la
fin du règne, les rentrées de ce secteur se partagent entre les Parties casuelles pour les
offices, les recettes générales pour les décimes (et peut-être les versements des villes pour
la solde des gens de pied175) et l’Épargne, directement, pour ce qui reste.
84 Pour autant, les commissions financières sont loin d’avoir disparu. Mais dorénavant elles
sont directement attribuées par le roi et le Conseil, sans que les grands officiers de
finance puissent se livrer comme autrefois à des désignations semi-privées. Certains
agents de la monarchie s’en font d’ailleurs une spécialité. La succession des tâches
souligne alors la confiance qui leur est faite par le roi. Anthoine Juge offre en ce domaine
un exemple très parlant. Il « sert » dans le cadre des poursuites criminelles, aussi bien
comme commis à la recette des terres confisquées sur le connétable de Bourbon que pour
le recouvrement des créances de Semblançay qui doivent revenir au roi. Il est aussi
chargé de la perception des restes des décimes de 1523. En matière de « politique
étrangère », il convoie des fonds aussi bien en Suisse et en Allemagne qu’en Gueldre ; il
tient par ailleurs le compte des achats d’étoffes pour l’entrevue de Boulogne de 1532.
Enfin il est cette même année commis à la recette générale d’Outre-Seine-et-Yonne176.
Toutes ces missions lui sont confiées en une dizaine d’années, entre 1525 et 1534.
Certaines d’entre elles restent ponctuelles, mais d’autres sont de longue haleine, ce qui
entraîne inévitablement des chevauchements. Cependant, l’ensemble de ces activités se
déroule sous le regard et avec l’aval de la monarchie, qui a donc la maîtrise des
opérations. A la fin de 1532, si Juge n’est pas reconduit en Outre-Seine, ce n’est pas une
marque de défiance, mais tout simplement parce qu’il est question de lui donner des
missions au-delà des frontières.
85 Les « commis royaux » sont des agents étroitement contrôlés par le roi et le Conseil. Cette
reprise en main ne fait cependant pas disparaître tous les aspects reprochés à l’ancien
système, que ce soit l’éclatement des destinataires des fonds ou les relations familiales
avec les officiers. Ainsi François Dupré, commis à l’emprunt sur les prélats normands en
1538, est-il le gendre du trésorier de l’Épargne, qui est en même temps général de
Normandie. Quant aux fonds qu’il collecte, ils prennent directement le chemin de
l’Extraordinaire des guerres. Dupré est en effet flanqué dans sa tournée par un commis de
Martin de Troyes, le responsable de ce service177. Comme souvent, l’urgence met à mal les
procédures ordinaires, y compris celles qui découlent des réorganisations du règne.
419
86 L’attitude du pouvoir face à la croissance numérique de ses propres agents est une
question délicate. Elle dépasse le cadre strict de l’observation des décisions concrètes
concernant le personnel financier, mais elle est riche d’enseignements. D’une certaine
manière, elle permet de mettre en perspective l’ensemble de la construction de l’État, ou
du moins la vision que s’en fait le cercle dirigeant. Le discours sur la surabondance des
officiers est déjà largement répandu à la Renaissance. Dès l’avènement de Louis XI, Jean
Maupoint croit pouvoir affirmer qu’ils sont soixante-quatre mille. Quant à l’ambassadeur
Cavalli, en 1546, il est formel : des emplois qui se multiplient alors, « la moitié serait bien
suffisante »178. Or, et c’est là que la chose devient réellement intéressante, la monarchie
elle-même ne manifeste qu’un intérêt limité à voir s’accroître son personnel. Réagissant
aux démarches du Parlement qui suivent l’édit de création de la troisième chambre des
Enquêtes, le roi explique que, « vu les grandes affaires qu’il avoit, il ne se pouvoit
bonnement pourvoir qu’en faisant ladite création, et que, sy on ne luy bailloit autre moyen
pour avoir argent, qu’il entendoit avoir par manière de prest, à charge de le rendre, il vouloit que
lesdictes lettres de édict fussent publiées »179. Cela sous-entend clairement qu’un autre
expédient financier ferait aussi bien, voire mieux, l’affaire : le roi déplore en fait souvent
d’être contraint d’augmenter les effectifs de son personnel.
87 En diverses occasions, François Ier essaie en fait de les faire diminuer, ou du moins d’en
contenir la croissance. En août 1546, l’édit sur la réduction du nombre des offices de
judicature a pour objectif avoué le retour à la situation de 1515 : les créations ont été
faites « pour l’urgente nécessité de nos affaires, à nostre très-grand regret et desplaisir » ;
« le principal moyen de redresser et remettre la justice en sa splendeur et réputation
ancienne est d’avoir peu de juges et officiers de justice »180. En novembre 1542, c’est le
personnel du contrôle des troupes qui est jugé trop abondant : il faut réduire les frais
causés par « le sallaire et tauxacion desd contrerolleurs des guerres qui ont esté cy devant
employez en nombre effréné aux monstres des gens de guerre extraordinaires »181. Enfin,
au début de 1522, l’ambassadeur Lamet écrit depuis Lucerne à Robertet : « J’ay entendu en
ceste ville que le Roy réduyt son estât et qu’il oste beaucoup de gens de son service. Je ne
say si je seray de ce nombre cy »182.
88 Pour la haute administration financière, le phénomène se retrouve presqu’à chaque
réforme. A l’automne de 1523 comme à celui de 1531, l’élimination des receveurs
généraux est d’abord envisagée comme la meilleure solution, à charge pour les receveurs
locaux de faire parvenir leurs fonds jusqu’aux caisses centrales. Avec la suppression du
général de Bretagne en 1529, François Ier veut commencer à « obvier à multiplication
d’officiers et charges inutiles des finances ». A la fin de 1534, dans un édit de réduction
des gages des anciens ordonnateurs, le roi ne cache pas qu’il juge que ces offices « sont
quasi frustratoires, et que la charge qui leur est demourée pour lad. réformation est de
petis fraiz et labeur, et que le tout aisément se feroit par deux personnages, l’un pour le
dommaine et l’autre pour l’extraordinaire, à quoy espérions pourvoir, vacation advenant
d’iceulx offices »183. La disparition des collèges d’ordonnateurs et de comptables, sans
parler des contrôleurs, semble donc bien correspondre au « régime rêvé par le Roi et ses
conseillers »184.
89 Le pouvoir politique, en éliminant les malversateurs, veut retrouver une transparence
accrue dans ses rapports avec les sujets. Les officiers - bientôt on dira les bureaux - font
écran : l’État se dresse comme un obstacle entre le roi et son peuple. D’où le conseil donné
420
par Monluc au duc d’Anjou, comme futur monarque. Il lui faudra s’occuper
personnellement de la distribution des fonds, en particulier des dons : « Si vous le faictes
de vostre main, cinq cents escus seront prins de meilleure part que deux mil par voz
thrésoriers, car quelque chose leur demeure tousjours dans les pattes ». Monluc évoque
alors le souvenir (évidemment mythique) du roi Louis XII, qui « avoit dans son coffre
force bourses dans lesquelles il avoit des escuz, en l’une plus, en l’autre moings, et les
distribuoit selon la qualité de ceux qui luy faisoyent service […]. Je sçay bien que l’on vous
dira que cela n’est pas digne d’un roy. Ne le croyez pas : ce sont gens qui veulent avoir
toute la paste entre leurs mains »185. Présenter le maniement des fonds comme indigne du
souverain ne serait qu’un prétexte pour, en bon intermédiaire, disposer d’une position
propice à l’enrichissement. Le « roi dépensier » doit donc donner lui-même, dans un
contact direct avec le bénéficiaire. Donnant moins, il donne en fait plus et mieux. L’État,
allégé, coûte moins cher tout en fonctionnant plus efficacement. Quant à la relation entre
le Prince et ses obligés, elle n’en est que plus forte.
90 En conséquence, la dynamique d’accroissement de l’État, ici sous la forme de
l’augmentation de ses suppôts, semble plus subie que souhaitée par le roi et les siens.
Louis XI, au début de son règne, avait tenté de mettre sur pied dans certaines provinces
un système d’abonnement à l’impôt permettant de réduire considérablement le personnel
financier de la monarchie. Là encore, un double objectif : un État moins lourd et des
rapports meilleurs avec les sujets. Mais Louis XI, ce faisant, n’entend pas que ses
ressources diminuent. Or l’attitude des contribuables le contraint bientôt à faire marche
arrière : ceux-ci en effet, laissant sans doute passer une chance intéressante d’autonomie
financière, ne voient dans cette opération qu’une occasion pour tenter d’alléger leur
fardeau186. Les créations d’offices se font, on l’a vu, « pour l’urgente nécessité » financière
qui règne. Cependant, la monarchie est parfaitement disposée à supprimer une charge ou
à ne pas même l’établir à condition que cela lui rapporte au moins autant d’argent. Des
incohérences dans les créations, avec restrictions mentales et promesses de retour en
arrière, servent alors de révélateur aux éternelles réticences du pouvoir face à
l’accroissement réel du nombre des offices. L’affaire fort embrouillée des maîtres des
requêtes, au milieu des années 1520, en offre un éclatant témoignage, qui va au-delà de
l’affrontement des coteries et même de l’incapacité à gérer le personnel187.
91 L’amélioration de l’encadrement causée par l’augmentation considérable du nombre des
officiers n’est donc pas directement souhaitée par le pouvoir, même s’il attend par
exemple des généraux et trésoriers de France finalement maintenus qu’ils « chevauchent
plus souvent leur charge qu’ils n’ont faict le temps passé »188. Pour autant, l’échec de la
compression des effectifs se manifeste clairement au plus haut niveau de l’administration
financière. Seul le changeur du Trésor a effectivement disparu. En additionnant les ex-
ordonnateurs, les receveurs généraux et le changeur, les responsables des guerres, et en
tenant compte des nouveaux trésoriers créés (Épargne et Parties casuelles), on constate
de 1515 à 1547 une augmentation de plus de 50 %, de 22 à 34 personnes 189. Il y a sept
receveurs généraux de plus, et même trois généraux supplémentaires, à cause de la
création de la Guyenne et de l’éclatement de la charge tenue en 1515 par Jaques Hurault :
Outre-Seine-et-Yonne, Bourgogne et comté de Blois ont en 1547 chacun leur titulaire.
92 On discerne, sur le plan comptable, un même souci de limiter le poids de l’État à travers la
sous-estimation fréquente, non seulement des dépenses, mais aussi des recettes.
Françoise Bayard observe encore ce phénomène au XVIIe siècle : « On préfère, sur le
papier, ne pas trop gonfler les revenus de l’État »190. L’« imprévoyance » de certaines
421
gestions, qui ajoutent recette complémentaire après recette complémentaire plutôt que
de prendre un peu de recul face aux besoins, trouve peut-être ici une explication
partielle. Ainsi il n’est pas évident que la monarchie se fasse une idée très positive de sa
propre croissance. Comparaison n’est pas raison. Cependant on ne peut s’empêcher de
songer à l’attitude des élites urbaines des XVIIIe et XIX e siècles, beaucoup plus effrayées
qu’émerveillées par la croissance de leurs cités. De même que l’essor des « classes
dangereuses » remet en cause la ville d’Ancien Régime et ses équilibres sociaux, de même
la croissance du personnel administratif sonne le glas de la monarchie patrimoniale. Dans
les deux cas, ceux qui déplorent l’évolution sont bien sûr les premiers « coupables ». La
croissance du nombre des officiers sous François Ier, réalité tangible dans tous les corps,
peut donc être lue à la fois comme une victoire pour l’État et un aveu d’échec pour la
monarchie traditionnelle. A terme, le renforcement de l’appareil d’État joue au détriment
du contact direct qui doit, en théorie du moins, présider aux relations entre le roi et ses
sujets. Cette « médiatisation », vécue comme un obstacle, remet en cause l’existence de
ces liens personnels et fait courir à la monarchie en tant que principe politique un risque
mortel.
93 Il en va donc des réformes comme des créations d’offices : en dernière analyse, elles
servent essentiellement à mieux faire face dans l’immédiat aux charges qui pèsent sur les
caisses du roi, à cause des opérations militaires ou bien, en 1531-1532, pour finir de payer
la rançon. Au début de 1524, le trésorier de l’Épargne entre rapidement en action. Dès le
15 février, Robertet informe Montmorency d’envois de fonds « en la plus grande
dilligence que possible sera, et en ce a fait et fera son loyal devoir monsieur le trésorier
Babou »191. On sait que le roi s’est réjoui des possibilités financières offertes par les
réformes. Doit-on estimer que l’amélioration du paiement des compagnies d’ordonnances
en 1523 par rapport à 1521 en est une conséquence ? François Ier va jusqu’à affirmer que,
malgré le contexte particulièrement difficile, l’établissement de l’Épargne a même permis
de régler « plusieurs debtez, en quoy nous estions constituez du passé, qui est chose quasi
incréable »192. La campagne qui mène à Pavie ne donne pas lieu non plus à des plaintes
d’ordre financier, même s’il faut rester prudent devant les affirmations optimistes du roi
au dataire Ghiberti en novembre 1524193. Si cette amélioration se produit effectivement,
elle n’est au mieux que temporaire. Dès 1527, les difficultés de financement des
opérations reprennent sur un pied qui rappelle l’ère Semblançay. Mais, à la fin de 1534
encore, le roi peut de nouveau évoquer le « gros proffict et émolument qui chaque jour
[lui] advient » à cause des mesures de 1532194.
94 Puisque les réformes, outre leur dimension politique, visent avant tout à permettre des
rentrées d’argent plus efficaces immédiatement, on comprend mieux pourquoi les
impératifs d’une amélioration en profondeur du système fiscal ne sont pas à l’ordre du
jour. Que ce soit dans les réalisations effectives ou dans les limites vite atteintes de
certaines pétitions de principe, l’aspect de trompe-l’œil, au sens esthétique du terme, des
transformations gestionnaires est patent. Il n’y a guère lieu de s’en étonner. Les
opérations à chaud visent à parer au plus pressé, le plus pressé étant évidemment l’afflux
immédiat d’argent. Le « débat » Richelieu-Marillac, au temps du « grand orage », n’est pas
ici sans résonances. L’un propose une réforme en profondeur de l’État. L’autre donne la
priorité à l’action internationale, en sachant que cela oblige à « quitter toute pensée de
repos, d’épargne et de règlement du dedans du royaume ». Or, sous François I er, le
422
pouvoir donne au premier abord l’impression de vouloir mener de front une politique
guerrière de grande ampleur et des réformes financières profondes. Mais la première a,
de toute évidence, pris le pas sur les secondes, ce qui explique que celles-ci, en définitive,
se limitent avant tout à des expédients financiers.
95 Du moins, grâce aux mesures prises, les gens de conseil ont-ils la conviction que l’étendue
des détournements antérieurs apparaîtra en pleine lumière. En mai 1527, en pleine
période de réorganisation, le chancelier affirme à Montmorency que l’ordinaire du roi
s’améliore car « de jour en jour l’on s’advise de choses qui retournent à son prouffit ». On
ignore la nature exacte des découvertes faites, mais elles sont directement en lien, selon
Duprat lui-même, avec une réorganisation des pratiques financières. Quatre ans plus tard,
une autre missive du chancelier au grand maître tire les premiers enseignements de la
suspension des receveurs généraux et de l’érection du trésor du Louvre. Par ce moyen,
« cognoistrez oculairement la malversation qui a esté par cy devant »195. La réforme,
même de façade, coup de pied dans la fourmilière des officiers suspects, permet donc de
faire venir au jour leurs « turpitudes ». Il ne reste plus qu’à entamer des poursuites, de
manière à ce que le roi rentre dans ses fonds.
prend ainsi directement le chemin des cassettes ou des patrimoines de fidèles serviteurs
de la couronne. Ce qui allège d’autant l’apport destiné aux coffres de l’État…
98 Sur cent dix-huit officiers de finances de haut rang retenus pour une étude détaillée
(généraux et trésoriers de France, receveurs généraux ou commis en leur charge,
trésoriers des guerres et nouveaux trésoriers), vingt-quatre au moins ont vu leurs biens
saisis dans le cadre de poursuites engagées par la monarchie. Si l’information était
complète, nul doute que ce chiffre serait plus élevé. C’est évidemment la Tour Carrée, à
l’origine des plus notables poursuites, que l’on retrouve ici au premier rang, avec seize
des vingt-quatre « victimes » connues : les généraux Henri et Thomas Bohier, Morelet de
Museau, Philibert Tissart, Jehan de Poncher, Jehan Prévost199, Gaillard Spifame et Raoul
Hurault, les receveurs généraux Besnier, Grolier, Lallemant le jeune, Ruzé et Sapin, le
changeur du Trésor Le Coincte, l’ancien commis à l’Extraordinaire des guerres Lambert
Meigret et, last but not least, Semblançay. Avant la Tour Carrée, on note la saisie du
patrimoine de Jehan de Lespinay, receveur général de Bretagne, à sa mort (1524), et celle
de Jehan de la Forge l’aîné, ancien receveur général de Picardie, sans doute en 1526 200. A la
fin de 1539, les biens de Georges Héroet, ancien trésorier de l’Ordinaire des guerres, sont
gérés par un commissaire, à la suite d’une saisie prononcée par la Chambre des comptes :
la Tour Carrée a alors fait son temps201. Dans les années quarante, on repère des
procédures contre Philippe Le Tirant, ex-commis à la recette générale d’Outre-Seine, vers
1545, et contre Bénigne Serre, qui fut receveur général de Bourgogne, en 1542202. Enfin,
trois des officiers de François Ier voient leurs biens saisis sous Henri II seulement : le
général de Guyenne Pierre Secondât vers 1553, l’ancien trésorier des Parties casuelles
Jehan Laguette en 1555 et Jaques Marcel, receveur général à Paris, en 1556. Parmi ceux
qui gravitent autour de cette oligarchie financière - à laquelle on peut associer Gilles
Berthelot, président de la Chambre des comptes -, beaucoup font l’objet du même
traitement. Ainsi Guillaume de Beaune, le neveu (et non le fils) de Semblançay, ancien
receveur des aides et tailles de Poitou et de Touraine, dont le roi saisit les seigneuries
normandes sans doute dès 1527203.
99 Il s’agit dans la plupart des cas de procédures préventives. A la mort des intéressés, ou au
moment où débute une procédure contre eux, le roi met la main sur leur patrimoine.
Pour les seize cas connus de la Tour Carrée, six saisies sont à coup sûr préventives et
quatre le sont probablement. Pour quatre autres, on ne peut rien affirmer faute de
sources. Celle de la succession de Thomas Bohier a eu lieu à coup sûr après la sentence.
Cette dernière date du 27 novembre 1531. Or il faut attendre le 3 février suivant pour que
deux fils et héritiers de Thomas s’opposent aux saisies, et le 22 février pour voir Jehan
Petit, huissier et sergent ordinaire au Grand Conseil, officier pour un exploit204. Avec
Thomas Bohier, il s’agit d’un « coupable » disparu depuis longtemps. Pour les vivants ou
ceux qui, au temps des poursuites, meurent subitement en charge, la saisie préventive
semble de rigueur. A l’exception du seizième cas, celui d’Estienne Besnier : il est en effet
condamné en août 1532 et la saisie n’est prononcée qu’à sa mort. Ce traitement de faveur
(relatif) s’explique-t-il par des appuis spécifiques présents, on l’a vu, en 1530 lors de la
rivalité avec Ruzé, ou par une particulière bonne volonté rendue inopérante par le décès ?
424
100 La mainmise royale sur les patrimoines ne va pas sans quelques contretemps. Il faut tout
d’abord dresser précisément l’état des biens à saisir, opération qui est loin d’être
évidente. Loys Caillaud, agent particulièrement actif en ce domaine, peut écrire au
chancelier le 3 octobre 1535 : « Je m’esbays des obmissions en la saisye des biens
Poncher ». Il procède à une enquête complémentaire fructueuse qui permet d’en mettre à
jour de nouveaux205. Une fois la prise de possession effective, restent à régler les
problèmes de la gestion. Celle-ci s’avère en effet fort embarrassante. Le plus souvent, le
roi et ses agents ne peuvent récupérer directement des fonds. De ce fait il leur faut bien se
résoudre à exploiter les patrimoines dans la durée. La mise à ferme de l’essentiel des
biens est de rigueur, comme sous les anciens propriétaires (eux ou leurs héritiers le sont
d’ailleurs toujours en théorie). Aussi les fermiers cherchent-ils à régulariser leur
situation. Jehan Guillaume, laboureur à Bis-seaux, paroisse d’Ozouer-le-Repos (commune
de Mormant, Seine-et-Marne), prend contact le 8 juillet 1535 avec Pierre Carrel, commis
au gouvernement des biens de feu Gaillard Spifame. Il lui montre les lettres du bail pour
douze ans conclu en 1521 entre le premier mari de son épouse et Spifame. Ce dernier est
détenu à la Conciergerie quand, en 1533, vient le temps du renouvellement. Guillaume
s’en va trouver la femme du général d’Outre-Seine, « avec-ques laquelle il convint de
marché et nouveau bail », à charge de le faire ratifier par le prisonnier. Cependant, en
raison de la conjoncture, tout se déroule par oral : « Lad damoiselle ne sond mary prévenu
de mort ne luy ont aucune chose passé par escript ». Guillaume paye la première année de
son fermage. Puis Spifame meurt en prison le 26 mars 1535 et ses biens sont saisis.
Guillaume fournit quatre muids de grain le 16 juin 1535 à Carrel, qui les vend aussitôt. Le
fermier veut maintenant régler la question du versement du solde du fermage. Carrel et
lui se mettent donc d’accord206. La passation de pouvoir à la ferme de Triel-lez-Meaux, qui
appartint à Jehan de Poncher, semble se dérouler moins bien. Après la mort de ce dernier,
en septembre 1535, Jehan Moullin, le fermier en titre, ne fournit rien pendant deux ans.
En novembre 1537, il renonce au reste de son bail « pour ce qu’il dict n’estre plus son
prouffict de tenir lad maison et terres »207. Est-ce une forme d’obstruction par fidélité
envers le défunt ? Quoi qu’il en soit, la mort du général de Languedoc semble avoir
désorganisé une gestion que Nicole Carat, commissaire au régime de ses biens, a bien du
mal à reprendre en main.
101 Il existe cependant une solution simple. Elle consiste à affermer à la femme ou à la veuve
de gros morceaux du patrimoine saisi sur son époux. C’est le choix que fait Jehan
Basannier, qui a la responsabilité des biens de Morelet, pour une partie d’entre eux. Sans
doute dès son entrée en fonction - il est établi en février 1532 -, il loue à la veuve, Marie
Briçonnet, l’hôtel de Savoisy, la principale résidence parisienne du défunt, pour 200 lt par
an208. Le 24 avril 1534, celle-ci prend à ferme la très belle seigneurie briarde de Saint-
Jehan-les-Deux-Jumeaulx, après une enchère à la chandelle, moyennant un loyer de
1550 lt209.
102 Dans certains cas une collusion entre le commissaire et la famille du poursuivi semble
possible. Gabriel de Saluées, évêque d’Aire, occupe un temps une partie de l’hôtel de
Saint-Avoye qui appartenait à feu Lambert Meigret. Il soupçonne le responsable des biens
de Meigret, Wast de Marie, d’avoir tout fait pour que Catherine de Champrond, la veuve,
puisse prendre à bail la résidence familiale. Ce soupçon est d’ailleurs partagé par le
procureur du roi à la Cour des aides, qui rappelle au commissaire des principes
élémentaires : il faut que la maison « soyt, pour le prouffict dudict seigneur [roi], baillée à
louage au plus offrant et dernier enchérisseur, et que à y mectre enchère toutes parties y
425
feussent et soient receuz ». C’est d’ailleurs devant cette instance qu’un procès s’ouvre
entre Saluées et Marie à ce sujet. Le premier affirme que ses représentants ont été
malhonnêtement évincés de la compétition. Le second soutient que Saluées, précédent
occupant partiel de l’hôtel, était peu fiable au point d’avoir tenté de vider les lieux sans
payer son loyer. Tout ceci nous vaut par ailleurs des détails intéressants sur la procédure
d’enchères. Catherine de Champrond entre à son tour dans la mêlée, soutenant qu’elle
prendra plus de soin du patrimoine en jeu que son compétiteur, car c’est elle qui, avec son
regretté époux, l’a « faict bastir pour la plus part », et a « faict faire ou acheté » les
meubles. Il vaut donc mieux qu’elle occupe les lieux en payant 300 lt par an plutôt que d’y
établir Saluées pour 400 lt… Par ailleurs, elle n’a pas d’autre demeure. La débouter de son
bail, c’est la mettre à la rue avec ses enfants210. Si l’on ignore le dénouement immédiat de
la procédure, une chose est sûre : le don par le roi de l’hôtel à Anne de Montmorency en
janvier 1535 règle le problème.
103 Le litige peut aussi porter sur le destinataire du revenu des biens qui passent sous
administration monarchique. Le commissaire chargé du patrimoine de Semblançay, Jehan
Putain, et le grenetier de Tours Michel Legrant se disputent ainsi les rentrées de la
chambre à sel de Neufviz, dont les revenus avait été donnés à Semblançay. La solution
retenue satisfait la susceptibilité du grenetier tout en assurant à la caisse de Putain la
centralisation de l’argent saisi. En effet Legrant, qui reçoit les fonds, les reverse ensuite à
ce dernier211.
104 Mettre le plus rapidement possible les choses au clair facilite et accélère les rentrées. Cet
effort importe d’autant plus que les saisies sont appelées à durer. Il s’agit en effet
rarement d’un bref épisode, dans l’attente d’un jugement imminent. La longueur des
procédures, dont l’aboutissement met seul un terme à cette situation transitoire, fait que
les commissaires aux biens restent en fonction de nombreuses années. Le patrimoine de
Besnier est saisi à sa mort, en septembre 1532, « pour la sûreté du deu » du roi. Besnier,
qui vient d’être condamné, n’a pas eu le temps de se mettre en règle. Dix ans plus tard, en
juillet 1542, le commissaire chargé de ses biens, Jehan Basannier, est toujours en activité
et loue une maison tourangelle212. On conserve même la trace d’un compte de Basannier
qui court jusqu’au 31 décembre 1548213. Peut-être les biens de Besnier demeurent-ils
finalement dans la main du roi, faute d’héritiers. Mais est-ce ce dernier élément qui
explique que l’affaire s’éternise ? Probablement pas : chez les Morelet de Museau, où les
candidats à l’héritage sont nombreux, la saisie est elle aussi fort longue. Elle est
prononcée le 8 février 1532. En août 1542, le bail à ferme d’une terre et seigneurie est
encore négocié par le même Basannier214. Du moins ici sait-on que le dénouement
intervient en 1544, après douze ans de gestion royale215. La saisie des biens de Jehan de la
Forge l’aîné, déjà effective en 1526, est toujours d’actualité en 1541, quinze ans plus tard 216
. Certes, le règlement est parfois plus rapide. Dès septembre 1535, après moins de quatre
ans, les héritiers de Thomas Bohier obtiennent mainlevée sur la succession à la suite d’un
accord avec le roi217. Pour Bénigne Serre, tout va plus vite encore. Prononcée le 26 janvier
1542, la saisie est levée le 24 juillet 1543218. Il est vrai qu’il ne s’agit pas ici de la Tour
Carrée mais d’une procédure assez largement politique, liée au destin de l’amiral Chabot.
105 Cependant, dans certaines affaires, l’administration royale ne fait pas de concession.
Alors que les héritiers de Jehan de Poncher ont déjà obtenu une composition avec le roi
pour mettre un terme aux procédures consécutives à la condamnation du général de
Languedoc, certains des biens restent saisis, probablement comme garantie en attendant
l’exécution complète des engagements pris par la famille. L’accord date en effet du
426
13 avril 1538 alors que les seigneuries de Châteaufort et Jouy-en-Josas sont toujours
administrées par un commissaire en décembre 1539219. Dans le cas des Ruzé, on a plutôt
l’impression que c’est le non-accomplissement d’engagements pris sans doute à
l’automne 1537 qui conduit à une nouvelle saisie : la seigneurie de Stains est gérée par un
commissaire en 1542220. Comme pour les Morelet cependant, tout semble se régler vers
1544. Ainsi, la date de composition ne constitué-telle parfois qu’une illusion d’accord
définitif. Le fait est particulièrement net pour Philibert Tissart : condamné le 4 février
1528 par la Tour Carrée, le général de Bretagne compose avec le roi dès le 29 mars
suivant. Malheureusement, s’il règle bien son amende, il n’accomplit que partiellement
ses obligations et une nouvelle saisie est prononcée à une date inconnue. Mais on sait
qu’elle est effective en 1548 et que la véritable mainlevée n’a lieu que le 30 décembre
1560, à l’aube du règne de Charles IX221…
106 La procédure de saisie ne peut être assimilée à un simple séquestre, durant lequel la
dévolution des biens serait suspendue en attendant le règlement du litige. Le roi, juge et
partie en cette affaire, s’approprie sans vergogne les revenus des biens qu’il contrôle.
Ceux-ci ne sont ni rétrocédés lors d’éventuels accords, ni, sous bénéfice d’inventaire, pris
en compte dans le calcul du règlement, qu’il soit négocié ou non. Comme il s’agit de
profits immédiats pour la monarchie, il est donc logique de les évoquer avant même
d’étudier les condamnations proprement dites. A titre d’exemple isolé, la seigneurie
d’Azay-le-Brulé (aujourd’hui Azay-le-Rideau) saisie sur Gilles Berthelot, rapporte aux
caisses royales 706 lt en 1528 et 700 lt en 15 2 9222. L’ensemble des biens de Semblançay,
dans la main du roi depuis le début de 1527, représente une somme bien plus importante.
Lors d’un litige avec la monarchie, les héritiers du Bouchage, intéressés à la succession,
estiment à cinquante mille lt le revenu annuel des immeubles accaparés par François I er
pendant de longues années223. Ce chiffre est évidemment très excessif, même en incluant
toutes les sources de revenus de Semblançay. Le compte de Jehan Putain, qui regroupe les
rentrées d’une bonne part du patrimoine de ce dernier pendant les années 1527-1530,
n’atteint qu’environ 16 500 lt224. Le revenu annuel, à partir de ces données, compte tenu
de l’inclusion d’une vente massive de vivres en 1527 et d’importantes ventes de bois, ne
dépasse peut-être pas les 3 500 lt. Mais le suivi des biens de Semblançay a été, on le sait,
particulièrement chaotique225…
107 Des chiffres plus généraux peuvent être avancés à partir des estimations de revenus qui
figurent dans les dossiers de procédures. Pour les biens des More-let père et fils, ceux de
Jehan Ruzé, de Jehan de Poncher et de Gaillard Spifame, seuls disponibles, le revenu
annuel se monte à plus de 19 000 lt226. Il s’agit d’estimations « prisées au moindre », et
certains des biens saisis n’y sont pas répertoriés. Dans de rares cas, des recoupements
permettent de juger de la fiabilité du document. Elle est excellente pour la seigneurie de
Stains qui appartient aux Ruzé. Estimée à 692 lt, elle est baillée à ferme pour 700 lt par un
commissaire en 153 6227. La marge est plus grande en ce qui concerne la terre de Saint-
Jehan-les-Deux-Jumeaulx, évaluée à 1 750 lt par an, et affermée 1 550 lt seulement à la
veuve de Morelet. Pour Limours acquis par Jehan de Poncher, l’écart paraît considérable.
Un bail est signé en mai 1536 pour 910 lt par an228. Or l’évaluation parle d’un revenu de
1 413 lt. Est-ce à dire que le commissaire n’a pas fait une bonne affaire ? En fait non.
L’expert en la matière, Loys Caillaud, dans une lettre au chancelier du 27 avril 1536,
estime, un peu largement, le revenu à « mil livres tournois sans la coppe ordinaire des
tailliz, et avec la coppe (à) XV c lt ». Or celui qui prend la ferme quelques jours plus tard le
fait « lad coppe des boys exceptée »229. L’écart de 500 lt trouve ici son explication.
427
108 Les données de l’estimation d’ensemble sont donc recevables. Il est cependant probable
que les rentrées réelles sont inférieures aux chiffres fournis, en raison de multiples
déperditions. Mais ces informations ne concernent que certaines des saisies. A la même
époque, vers 1536, il faudrait pouvoir y ajouter les revenus des biens de Besnier, Le
Coincte, Lallemant le jeune, Meigret, d’autres encore. Au milieu des années trente, ces
rentrées peuvent donc procurer annuellement quelques dizaines de milliers de livres
tournois, ce qui en définitive n’est pas énorme. Les profits étaient peut-être plus
importants quelques années auparavant, lorsqu’étaient concernés les biens d’Henri et de
Thomas Bohier, et sans doute aussi ceux de Sapin. Mais, pour cette période, les
documents sont muets. Globalement, cette source de revenus diminue très fortement à la
fin de la décennie. Mais, au début des années quarante, certains des biens de Morelet,
Ruzé ou Besnier sont toujours, on l’a vu, aux mains des commissaires.
109 La saisie se justifie par l’existence d’une procédure judiciaire contre l’officier de finance
concerné. L’aboutissement « logique » est alors une sentence de condamnation, dont seuls
les aspects pécuniaires nous retiendront ici. On peut en effet parler directement de
condamnation, dans la mesure où il n’est pas d’exemple d’acquittement pur et simple en
ce domaine, du moins lorsque la procédure aboutit. Sous le qualificatif de condamnation,
vague à dessein et composite, se cachent des réalités diverses. Le plus souvent, la
sentence implique à la fois un redressement consécutif à diverses fraudés et une amende
à titre de réparation. Cette dernière ne pose pas de problème majeur, à condition bien sûr
que son montant soit clairement fourni par les sources. Il n’en va pas de même pour les
redressements. Rares sont en effet les cas où il est possible de déterminer ce qui relève de
véritables détournements de fonds et ce qui découle de simples irrégularités comptables
dont l’officier concerné n’a pas été nécessairement le bénéficiaire. Ainsi, lors de
l’apurement des comptes, les restes, dont les montants sont parfois très élevés,
correspondent pour une bonne part à des dépenses qui ne sont pas acceptées par les
juges, le plus souvent faute de justificatifs valables.
110 Restes « réels » éventuellement utilisés à divers trafics par les officiers et restes
« comptables » qui s’expliquent en fait par des dépenses ou des recettes mal justifiées,
sont donc deux réalités différentes. La Chambre des comptes évoque ainsi en décembre
1525 « ung comptable duquel le compte estoit lors prest à clorre », et qui devrait par la fin
d’icelui quelque 233 100 lt230. On peut assurer sans grand risque d’erreur que cette somme
considérable ne dissimule pas uniquement le montant de ses rapines. Celles-ci se cachent
peut-être, probablement même, à l’intérieur de ce chiffre global, mais dans des
proportions impossibles à évaluer. Il en va de même pour les 382 663 lt réclamées par la
Chambre des comptes, en vertu d’un arrêt du 20 juillet 1537, à la succession Morelet de
Museau, à cause de la dernière année d’exercice du défunt comme trésorier de l’Ordinaire
des guerres, en 1522231. Aussi ne faut-il pas s’illusionner sur les chiffres disponibles pour
les condamnations des officiers. Une part appréciable de ce qui leur est réclamé pourrait
être obtenue grâce à la production de pièces comptables et non d’espèces sonnantes et
trébuchantes.
111 Cependant, le défaut de pièces déplace l’enjeu. C’est en particulier le sens des sentences
rendues sur les articles de comptes qui sont seulement tenus en souffrance. C’est aussi
tout le problème des redditions de compte après la mort de l’officier. La désorganisation
428
113 On note que les condamnations des généraux sont dans l’ensemble plus élevées que celles
des comptables. Ceci illustre sans doute la place respective des deux groupes, qui ne sont
d’ailleurs pas étanches, dans les jeux de l’argent des débuts du règne. Les seuls
comptables à atteindre des montants comparables aux ordonnateurs, sont ceux qui ont
tenu l’Extraordinaire des guerres, à l’image de Jehan Carré. Spifame, de très loin le plus
frappé, est à la fois un ancien de l’Extraordinaire et du collège des généraux. La faiblesse
du chiffre de Meigret, le dernier de la liste, lui aussi ancien de l’Extraordinaire, s’explique
sans doute parce qu’on ne dispose que de la première sentence le concernant, en 1528. Il
fait ensuite l’objet, dans les années trente, d’une autre procédure dont l’ampleur est
ignorée. Le total des condamnations, qui toutes ici sont le fait de la Tour Carrée, approche
2 657 000 lt. Et on ne dispose évidemment pas de l’ensemble des chiffres, en particulier
429
pour les nombreuses procédures secondaires. Ainsi le procès Semblançay et l’appel qui en
découlent entraînent-ils des amendes que Jehan Putain est aussi chargé de faire rentrer 235
. Quelle que soit la fiabilité des données ici rassemblées, leur ampleur dit bien les espoirs
qui sont ceux du roi et des gens de conseil. Par ces condamnations, c’est un gigantesque
gisement financier de plusieurs millions de lt qui semble s’offrir à la machine
administrative et judiciaire de la Tour Carrée et, partant, aux caisses royales. Tous les
moyens sont bons pour l’exploiter.
114 Les agents du roi fondent sur le patrimoine des condamnés pour en extraire ce qui doit
revenir à leur maître. Le plus simple est d’abord de vendre ce qui peut l’être. Les biens
meubles sont dispersés les premiers. Le 27 juin 1532, Geoffroy Longuejoue, sergent à
verge au Châtelet de Paris, se présente au domicile de la veuve de Morelet de Museau et
lui signifie l’ordonnance de vente des meubles prise la veille par le prévôt de Paris. Celle-
ci s’y oppose et fait appel. Malgré cette opposition, Longuejoue vient le premier juillet lui
confirmer la décision prise236. Néanmoins, deux ans plus tard, en juillet 1534, la vente
n’est pas achevée. Le 24 de ce mois, un laboureur de Champigny-sur-Marne passe
déclaration au sujet du matériel viticole, cuves, baignoires et autres cuviers, d’une valeur
de trente-deux lt que, « mercredi dernier passé, il acheta aud lieu de Champigny des
commissaires commis et establiz de par le Roy à vendre les biens meubles qui furent et
appartinrent à feu Morelet de Museau »237. Au même moment, un acte évoque les biens
saisis chez Jehan Sapin à son logis près des Bernardins. Certains ont déjà été vendus pour
une valeur de 173 l. 10 s 5 dt, montant auquel il faut ajouter le prix d’une « hac-quenée »
238.
115 Quelques chiffres plus globaux permettent de se faire une idée des sommes récupérées.
Dans le compte de Jehan Putain, 4 095 lt proviennent de biens « venduz particulièrement
à l’enquant au plus offrant et dernier enchérisseur »239. Mais cela ne représente qu’une
partie des meubles de Semblançay, car Louise de Savoie, comme créancière du défunt, a
mis la main sur la plupart d’entre eux, pour une valeur de près de 38 000 lt. En 1555, la
liquidation des meubles de Jehan Laguette rapporte quelque 6 000 lt. A un échelon social
inférieur, celle de Guillaume Chevalier, receveur de Noyon et ancien commis de Besnier,
produit en 1535 1 293 lt, mais en y incluant la récupération d’une créance dont le montant
n’est pas précisé240. L’avantage de la vente des meubles est évidemment une certaine
célérité dans l’opération. Dès 1528, ceux de Semblançay sont dispersés. En 1555, alors que
l’exécutoire contre Laguette date du 11 mars, la vente a lieu avant la fin de novembre.
Certes, pour tout écouler, il faut un peu de temps, comme en témoigne le matériel viticole
de Morelet à Champigny. Certes, des retards « frivolles » dans la mise aux enchères des
meubles de Prévost à Tours ont le don d’irriter Caillaud en 1536241. Mais ces délais sont
peu de choses comparés à ceux qui concernent l’immobilier.
116 A titre d’exemple, une maison située à Paris, rue Saint-Denis, qui appartint à Nicolas Le
Coincte, mort en 1532, est en criée au plus tard en août 1535. Or, selon toute apparence, sa
vente n’a lieu qu’au cours de 1542 et il faut attendre le 4 janvier 1543 pour le règlement
d’une clause annexe de cette transaction242. Les ventes aux enchères organisées par les
commissaires royaux n’ont laissé que des traces limitées. Le cas de la vente forcée de la
seigneurie de Colombiers (aujourd’hui Villandry) à Jehan Breton le 4 mars 1532 ou 1533
est peu explicite. Hormis le prix (35 000 It), on ne sait rien de l’accord ni de ses conditions
243
. La seigneurie de la Poterye appartenant à Jehan Carré est acquise en novembre 1535
430
pour 6 000 lt par « le seigneur Rance » (Renzo da Ceri) ; « les héritages dud Carré estans à
Orléans avoyent aussi esté adjugés aud seigneur Rance pour la somme de trois mil cinq
cens livres, mais il est venu un marchant de ceste ville qui a enchéry lesd héritaiges de dix
livres par dessus l’enchère dud sgr Rance »244.
117 Des précisions sur la mise en vente de la seigneurie de Chenevelle (en Beauce, à l’est
d’Auneau), terre que le roi avait saisie sur Philippe Le Tirant, vicomte d’Orbec et commis
important dans les services financiers centraux de la monarchie, nous sont fournies par
des lettres d’agents des Guise. Le 22 janvier 1547, Richer, l’un d’entre eux, constate qu’« il
ne se trouve pas tant de terre ne taillis comme contient la déclaration baillée par le
vicomte d’Orbec », ce qui donnera « occasion de demander rabaist ». Néanmoins, l’écuyer
de Nouville, qui semble agir pour le compte du duc d’Aumale, « a mis son enchère de
XVII m lt et fault qu’elle dure quinze jours entiers et ce faict on la luy fera adjuger ». Une
semaine plus tard, Richer annonce l’arrivée imminente de Nouville avec l’argent. Le
dernier jour de février, Palamèdes Gontier écrit à la duchesse de Guise qu’il est « venu en
ceste ville [de Paris] pour la consignation des XVII m francs qui doit se faire […] au
prouffict de monseigneur le duc d’Aubmalle vostre fïlz, à cause de la terre de Chenevelles
qui fut au vicomte Le Tirant, laquelle pour dernière enchère est arrestée à lad. somme » 245
.
118 Le devenir des biens immobiliers des Beaune pose pour sa part problème. Le dossier le
plus documenté est celui de la châtellenie de la Carte (paroisse de Ballan, près de Tours).
A la fin des années vingt, elle fait partie des domaines confisqués dont les revenus sont
perçus par Jehan Putain. Cependant, en septembre 1536, celui-ci, dont la gestion est
passée au crible, explique que, depuis quatre ou cinq ans, il ne touche plus rien des
diverses seigneuries, « parce que le receveur du dommaine de Touraine a faict toute lad
recepte pour le Roy comme des choses incorporées à son dommaine ». Or, quelques mois
plus tard, La Carte, prétendument rattachée au domaine, est en pleine procédure de vente
aux enchères. Le 9 mars 1537, Charles du Solier, chevalier, seigneur de Morette, fait une
offre pour trente mille lt, en incluant douze arpents de pré « en la prairie du Cher près le
grand molin neuf ediffié de nouvel sur la rivière du Cher ». Le 20 août suivant, Loys de
Clermont enchérit de quatre mille lt « oultre et par dessus l’enchère faicte par messire
Baptiste de Villequier »246. Malheureusement, on ignore le dénouement et le prix de vente
définitif. Du moins cela permet-il de juger que l’intégration au domaine, si elle est autre
chose qu’un argument de défense pour Jehan Putain en difficulte, reste pour le moins
sujette à caution. En effet, il ne s’agit nullement ici d’aliénation, mais d’une très classique
procédure de « criée ».
119 Autre élément du patrimoine, les créances qui figurent dans les portefeuilles des officiers
de finance et qui peuvent atteindre des sommes considérables. Le problème est qu’une
part appréciable de ces reconnaissances de dettes s’est attardée entre les mains des
créanciers précisément en raison des difficultés de leur remboursement. Aussi les
« commis à faire venir ens les deniers dus » multiplient-ils les procédures judiciaires. En
une seule année d’activité de la Cour des aides, d’octobre 1533 à septembre 1534, Jehan de
Gennes, contrôleur de Bernay et commis aux créances de Sapin est impliqué à ce titre
dans vingt-six instances contre divers débiteurs de l’ex-receveur général de Languedoïl 247.
Sur les dix-sept qui sont identifiés, les officiers de finances sont de loin les plus présents,
soit directement, soit via leurs héritiers (douze affaires). Parmi eux on relève les noms de
Le Coincte, Hurault, Pierre-vive ou Tissart. Trois autres procédures se rattachent à
l’aristocratie : l’une concerne la succession de Jean de la Barre et deux autres la famille
431
Tournon. Robert de la Vallée, seigneur des Foussez, est mis en cause en raison d’une dette
de cent écus : il appartient à une famille « noble » liée au connétable. Reste un bourgeois
de Paris, Jacques Fournier, seigneur de la Mare. Selon toute vraisemblance, les non-
identifiés regroupent les plus modestes gibiers, mais on y trouve aussi la veuve
d’Anthoine de Berry, peut-être un parent de Guillaume de Berry, marchand pelletier
parisien. Il est difficile de faire rentrer l’argent : Jehan de Gennes multiplie les demandes
de reconnaissance de cédules ou de seing et prend acte des innombrables défauts des
parties qu’il a assignées devant la cour.
120 La succession des procédures et des commis en charge des dossiers occasionne parfois des
confusions, si on en croit le plaidoyer de Jehan Brenezay, fruitier du Dauphin. Il affirme
avoir remis en partie à la femme de Besnier et en partie à Anthoine Le Maçon, un temps
en charge des créances de Besnier, les cent lt que lui réclame aujourd’hui, saisie à l’appui,
Jehan Basannier, qui a pris le relais de Le Maçon248. Et que dire de la situation délicate de
Caillaud qui tente aussi de récupérer des créances de l’ancien receveur général d’Outre-
Seine, et qui, par le jeu des transferts de cédules, se retrouve créancier… des États de
Normandie249 ? Le même Caillaud se lamente auprès du chancelier sur les difficultés
d’ensemble de ces tentatives de récupération dans un post-scriptum autographe à une
lettre du 27 avril 1536 : « Monseigneur, il y a plus de cent mil livres [de] debtes actives
déclairés et révélées au greffe, dont n’est rien venu et ne vient ens, jaçoit que la plupart
sont clères et sursolvables […]. J’en ay parlé souvent aux juges et commissaires et, ne
gaignant rien, j’ai commandé au greffier m’en faire l’extraict pour vous l’envoyer affin de
y pourveoir »250. Caillaud ne nous dit malheureusement pas quels officiers sont les
heureux propriétaires de ces « debtes actives » (créances) et, bien sûr, l’extrait qu’il
mentionne ne nous est pas parvenu.
121 Il nous livre cependant dans une lettre du 19 septembre suivant quelques précisions sur
les opérations en cours :
« Monseigneur, au regard des debtes actives de feuz Morelet et Besnier, le
recouvrable est venu ens ou peu s’en deffault, ainsi qu’il apert par les estatz que
autreffoiz vous en ay envoyé. Touchant celles de Spiffame et Poncher, pour donner
ordre et acheminer la poursuicte, j’ay enquis de la demeure et facultés des
redevables et de la vérité desd debtes et trouvé que, du contenu esd deux estatz, s’il
en peut venir de VIII m à IX m lt au proffict du Roy sera beaucoup faict, le non
solvable et le payé considérez »251.
122 Outre cette remarque, il n’y a guère que pour Morelet que les documents disponibles
permettent de se faire une idée un peu précise des sommes en jeu et des rentrées. Marie
Briçonnet, la veuve, affirme au début de 1539 « que es mains de Jehan Basennier,
commissaire, ont esté mis des cédulles, brevestz et obligations appartenans aud deffunt
Morelet pour deux cens mil livres tournois ou environ »252. Il est impossible, car les divers
inventaires dont on dispose sont tous partiels, de juger de la valeur de cette affirmation.
Un document incomplet énumère à lui seul près de quarante-quatre mille lt de créances
diverses253. Plus intéressant est un état d’avril 1544 qui mentionne les cédules sur
lesquelles Basannier est parvenu à obtenir des fonds. Le total se monte à 16 138 lt 254. C’est
un chiffre plancher, car certaines créances indiquées par leur seule cote, et dont on
ignore par ailleurs le montant, sont mentionnées comme argent reçu. Et, une fois encore,
l’inventaire connaît des lacunes. Aussi un ordre de grandeur de quelque vingt mille lt de
créances récupérées sur Morelet est-il réaliste. On est loin du chiffre avancé par Marie
Briçonnet, mais très au-dessus des espérances de Caillaud pour Spifame ou Poncher, dont
la surface financière est pourtant au moins équivalente à celle de Morelet. Reste une
432
ultime catégorie de « debtes actives » des officiers qui profite au roi. Il s’agit tout
simplement de ce que le monarque a emprunté à son personnel. Ces créances, récentes ou
à la traîne, à commencer par celles de Semblançay, sont effacées sans discussion.
123 Le souverain récupère enfin, dans le patrimoine des condamnés, les charges qu’il leur a
accordées. Nombreux sont ceux qui se voient privés de tous offices par les arrêts qui les
frappent. Il en va ainsi des Beaune père et fils, de Besnier, Henri Bohier, Lallemant le
Jeune, Spifame, Tissart ou Poncher. Le roi peut ensuite disposer à son gré des charges
ainsi rendues vacantes. A titre d’exemple, il dispose du généralat de Languedoïl en 1529,
de ceux d’Outre-Seine ou de Languedoc en 1535. Dans le cas de Meigret, le Bourgeois de
Paris, pour l’arrêt de 1528, parle aussi de perte d’office. Ceci ne l’empêche cependant pas
de rester secrétaire et contrôleur général de la guerre. Est-ce une erreur de la source, ou
bien Meigret a-t-il obtenu, moyennant finance, de rester en fonction ? Le deuxième cas de
figure paraît le plus probable. Sans doute est-ce le prompt règlement d’une condamnation
somme toute modérée qui explique ce maintien. La même chronique nous apprend que
Ruzé est démis de son office en février 1529 « combien qu’il n’en fut parlé en son procès ».
Il lui faudra, comme on sait, mettre de nouveau la main au gousset pour tenter de revenir
en charge. Même si les documents dont on dispose y font rarement allusion, nul doute
donc que le roi tire profit des offices dont il reprend possession.
124 Seule une affaire de second ordre permet d’observer dans le détail Loys Caillaud en train
de tirer, non sans mal, quelques deniers d’un office. Il s’agit de celui de receveur de Noyon
possédé par Guillaume Chevalier, poursuivi pour des fonds dus par lui au roi en tant
qu’ancien clerc de Besnier255. En août 1535, le commissaire aux biens de Chevalier a bon
espoir d’en tirer 2 500 lt. A la fin d’octobre malheureusement, il faut en rabattre, car ceux
qui avaient parus prêts à mettre ce prix se sont « révocqués ». On ne trouve plus preneur
qu’à 2 000 lt. En avril 1536, « un marchant de Paris nommé Philippe de Lyon » offre cette
somme, mais ne veut payer que 1 200 lt lorsqu’il aura les lettres d’office, et le reste
ensuite. En juillet, l’affaire traîne toujours : « Celluy qui a achapté l’office est prest de
parfournyr les II m lt en luy baillant ses lettres à la résignation dud Chevalier ». Sinon, il
réclame les 1 200 lt déjà versées. C’est que Chevalier et les siens multiplient « les
monopoles et menées secrètes », dans l’espoir de parvenir à un compromis avec le roi
permettant de sauver l’office. Cependant Caillaud parvient à son but et peut, le 27 août
suivant, annoncer au chancelier : « Les lettres de l’office de receveur de Noyon furent
hyer apresdisner délivrées à l’achapteur dud office, lequel par-paya VIII c lt à Bazannier.
Led achapteur a différé vouloir prendre lesd lettres et se voulloit repentir à cause des
guerres. Toutefois on l’a contrainct ». Il a donc fallu un an d’efforts au moins pour
conclure l’affaire.
125 Cette vente laborieuse souligne combien le roi et ses agents ont du mal à faire rentrer
l’argent des condamnations. Pourtant, on fonde sur ce gisement de grands espoirs. Le
Conseil du roi, au début des années trente, table sur des chiffres impressionnants, ce qui
apparaît comme une preuve de plus de son amateurisme financier. Un état du 23 août
1533 estime le reste à percevoir des condamnations de la Tour Carrée à près de deux
millions de lt. Un second état du 14 mars 1535, un peu moins élevé, escompte encore
1,7 million de lt256. La baisse se justifie sans doute par les versements effectués entre ces
deux dates. Il s’agit très vraisemblablement d’estimations, car, en mars 1535, les arrêts
contre Spifame, Poncher, Lallemant le jeune, Ruzé ou Grolier n’ont pas encore été rendus.
433
A moins que les affaires en cours ne soient pas prises en compte, auquel cas le montant
global des espérances (secrètes) du pouvoir dépasserait les trois millions de lt. Ce qui
n’aurait rien d’étonnant : les seules condamnations connues, rappelons-le, se montent à
2,65 millions de lt. Cet argent constitue une des bases potentielles de la caisse de réserve
établie alors. En 1506 déjà, l’amende extorquée à Jehan du Bois (une modeste somme de
quarante mille lt) avait été remise à Robertet en prévision d’une conjoncture difficile257.
126 Il est impossible de proposer un chiffre global pour les rentrées effectives découlant des
condamnations. Certaines mentions mettent l’eau à la bouche : Jehan Putain tient du
19 août 1528 au 1er mai 1532 un compte des deniers provenus des jugements des
commissaires de la Tour Carrée. Le 8 août 1536, Loys Caillaud fournit au chancelier un
« estât des parties deuez au Roy par arrest de la Tour Carrée, généraulx de la justice (des
aides), chambre des comptes et par composition »258. Le premier document aurait permis
une approche des rentrées effectives, le second, un regroupement de l’ensemble des
procédures en cours. Il faut se résigner à leur absence. La dispersion des comptables qui
reçoivent des fonds fait aussi obstacle à une estimation des rentrées. Entre les opérations
de détails et les vagues espoirs du Conseil, un maillon manque donc.
127 Au début du règne, les restes et les redressements sont censés tomber dans la caisse du
changeur du Trésor. En 1535 encore, la Chambre des comptes veut lui voir remettre des
restes dus par la succession Morelet à cause de la trésorerie de l’Ordinaire des guerres de
152 2259. Mais le changeur peut n’être qu’un intermédiaire. En 1528, il rétrocède aux
Parties casuelles des restes de comptes à lui versés260. C’est sans doute en tant que
responsable des Parties casuelles que Laguette est commis à recevoir les amendes des
condamnations de la Tour Carrée261. Mais cette commission qui succède à celle de Putain
déjà évoquée n’entraîne en fait aucune centralisation réelle. Une partie des fonds s’écoule
directement vers l’Épargne, parfois avec le relais d’un commis spécifique, comme celui
que Caillaud appelle de ses vœux en septembre 1536 pour faire rentrer quarante et un
mille lt de restes de « comptables particuliers » (sans plus de précisions), « et quant il
aura somme notable la mectre au coffre par quictance de l’espargne »262. Ultime problème
pour les hommes de terrain : les fonds qu’ils extorquent aux condamnés doivent-ils être
remis au comptable qui doit, selon les textes, les recevoir ou à celui qui est déjà assigné
sur eux ? Bref, cet émiettement parachève l’impossibilité de toute estimation.
128 Une chose est sûre en revanche : les rentrées déçoivent. Ici encore l’optimisme financier
invétéré des hommes au pouvoir fait des ravages. On attendait cinq cent mille lt des
créances de Semblançay. Le compte d’Anthoine Juge qui s’étend jusqu’à la fin de juin 1536
ne totalise que 20 974 lt263. Encore s’agit-il de recettes en partie fictives puisque certaines
rentrées sont compensées par un don équivalent du roi au débiteur : au niveau de Juge, il
y a donc un simple jeu d’écriture. Certes, on connaît d’autres reconnaissances de dettes à
Semblançay, qui ont pu être au moins en partie remboursées264. Mais ici, on n’atteint
guère que seize à dix-sept mille lt. Et du montant des créances aux rentrées effectives, il y
a une énorme déperdition. Les déceptions ne datent pas de la Tour Carrée. Il est
révélateur que les deux seuls chiffres connus de comptes mis au net par la commission de
1517 révèlent un comptable débiteur de 4844 lt et un autre… créancier de 76 000 lt 265 !
Michel Menant, trésorier de la Marine en Bretagne, est assigné en 1524 pour dix mille lt
sur Charles Luillier, commis aux restes des comptes et revenants-bons en Bretagne. Or
celui-ci ne parvient à fournir à Menant que 3 328 lt, soit un tiers de l’assignation, selon
toute apparence à cause des médiocres rentrées de sa propre commission266.
434
129 Loys Caillaud au milieu des années trente sait qu’il faut se méfier des chiffres. Dans un
élan d’optimisme, en août 1535, il affirme espérer que, sur le compte de l’Ordinaire des
guerres de Morelet de 1521, « il sera deu grosse somme de deniers, voyre plus de C m lt ».
Effectivement, informe-t-il le chancelier en avril 1536, les restes se montent à 180 850 lt,
somme considérable. Mais, et la restriction est de taille, les souffrances atteignent
184 793 lt. Lucide, Caillaud conclut : « Partant, si elles estoient allouées, seroit deu par le
Roy » quelques 3943 lt267. Envoyant quelques mois plus tard à du Bourg un « roolle ou
extraict » sur lequel il ne fournit aucune précision, sinon qu’il concerne Meigret, le
Coincte et Morelet et provient de la Chambre des comptes, il se sent obligé de prendre
aussi des précautions :
« Monseigneur, led extraict ne me semble soub correction tant de proffit que en
aparance, car de Vc XV m VII c LXXIX l VI s ob. pite t. à quoy il se monte en somme
totalle ainsi que pourrez veoir, je crois que le cinquième denier hen reviendra au
Roy, […] et disent le procureur du roi et le clerc, l’ung desd correcteurs qui a signé
led extraict qu’il n’est bon que pour environ LX m lt ainsi qu’ilz croyent » 268.
130 On comprend mieux, à la lumière de ces éléments, la remarque attristée de Duprat le
23 novembre 1531 : « Je ne voy point que le Roy soit secouru de ceste tour carrée ».
131 Cependant, le chancelier ne perd pas totalement espoir : si on active le personnel, « il s’en
pourroit faire quelque fons »269. Pour les restes et les amendes des officiers, comme pour
les arriérés des décimes et de la rançon, le Conseil du roi est en août 1533 à la recherche
d’un « personnage diligent et roidde », dont Anthoine Juge semble avoir le profil. Bien
qu’on soit très en dessous des prévisions, les condamnations des officiers de finance
rapportent malgré tout de l’argent, les diverses opérations ponctuelles de ventes ou de
criées évoquées plus haut en fournissaient déjà la preuve. Les chiffres avancés par Roger
Doucet pour faire la synthèse des profits tirés par le roi et sa mère de la condamnation de
Semblançay sont fortement sujets à caution, en raison du recours à des documents tardifs
et de la mauvaise interprétation de certaines données270. Cependant, il est incontestable
que les profits ont été importants, même s’ils ne sont pas à la hauteur de la fortune
mythique, attribuée, comme pour Jacques Cœur, au responsable des finances. Dès 1528
par ailleurs, les amendes de Philibert Tissart et de Lambert Meigret tombent dans les
caisses des Parties casuelles. Mais ce sont des sommes réduites, 13 584 lt d’une part et
15 000 lt de l’autre271. Le commis à l’Extraordinaire des guerres bénéficie, sans doute en
1536, de versements de Putain et de Juge272. Le greffier de la Tour Carrée, Séraphin du
Tillet, écrit au chancelier le 26 mai 1537 : « J’envoye à Jacques Cordier [huissier de la Tour
Carrée] Testât des deniers que j’ay receuz tant des condampnations faictes par messieurs
de la Tour Carrée que […] de la composition de monsr le receveur général Carré » 273. Cette
dernière allusion met sur la voie de ce qui est peut-être la principale source de profit des
poursuites.
5. Les compositions
132 La composition financière est une pratique courante au terme des redditions de compte.
Elle n’est donc aucunement réservée aux poursuites criminelles comme celles de la Tour
Carrée. Une lettre du roi du 23 septembre 1540 fait remise aux héritiers d’Olivier Barrault,
trésorier et receveur général de Bretagne mort une génération plus tôt, de 26 130 lt
d’arriérés figurant sur ses comptes, moyennant un versement de 4 000 lt 274. Le 17 février
1548, le roi fixe à 2 400 lt la somme à verser par la fille du défunt receveur des aides de
Poitou Anthoine Cornu pour être quitte des 19 500 lt dont son père était demeuré
435
reliquataire275. A la fin du règne de Louis XII, les tuteurs des héritiers d’un receveur
ordinaire de Paris débattent de la récompense à accorder « aux médiateurs qui avoient
portés parolles au Roy pour l’expédition des lectres [de composition] qui furent moult
difficiles à obtenir et que l’on esti-moit presqu’impossible à obtenir, mesmement pour si
petite somme qui est contenue esd lectres, veu le grant reliqua et à comparaison d’icelluy
qui se trouvera estre deu par la fin et clousture desd comptes »276. Pour les grands
officiers de finance du règne de François Ier, on a gardé trace du montant de douze
compositions. Dix concernent des procédures qui font suite à des condamnations
prononcées par la Tour Carrée. Elles sont ici rangées par ordre chronologique :
Henri Bohier : 19-2-1535 (120 000 lt)
Héritiers de Thomas Bohier : 28-5-1535 (150 000 lt)
Jehan Carré : 12-10-1535 (50 000 lt)
Héritiers de Raoul Hurault : vers le 27-8-1536 (100 000 lt)
Jehan Lallemant le jeune : 5-10-1537 (28 049 lt)
Jehan Ruzé : vers octobre 1537 (30 000 lt)
Héritiers de Jehan de Poncher : 13-4-1538 (environ 80 000 lt)
Héritiers de Gaillard Spifame : 14-8-1539 (20 000 lt)
Héritiers de Lambert Meigret : 27-11-1540 (25 000 lt)
Héritiers de Morelet de Museau : avant mars 1544 (40 000 lt)
133 Une autre composition, celle de Babou, vers 1535 (50 449 lt), découle de condamnations
inconnues, selon toute vraisemblance aussi liées à la Tour Carrée277. La douzième date de
1555 et concerne Jehan Laguette, pour environ 126 000 lt. Il est par ailleurs presque
certain que Jehan Grolier, sans faire l’objet d’une condamnation, a pu bénéficier d’une
composition, mais son montant reste ignoré. Deux cas particuliers peuvent enfin être
rattachés à l’ensemble des compositions. Celui de Philibert Tissart tout d’abord : au début
de 1528, il y a accord avec le roi sans réduction de ce que Tissart doit payer (13 584 lt).
Celui de Jehan Sapin ensuite, en février 1532, lorqu’il fait l’objet d’une lettre de rémission
qui réduit à 150 353 lt le montant de ce qui lui était demandé en raison de sa fuite de
l’année précédente. Après son retour, il présente d’ailleurs des offres sur lesquelles le
pouvoir réagit le 3 juillet 1532278.
134 Si l’on fait l’addition, en laissant cependant de côté Sapin et Laguette, on atteint un
montant de 707 082 lt pour les compositions découlant de la Tour Carrée. Or, à la
différence des condamnations, on sait ici que l’essentiel des sommes inscrites dans ces
divers compromis a bien été versé au roi. C’est une certitude par exemple pour Thomas
Bohier, Raoul Hurault ou Jehan de Poncher, puisque, pour ces trois compositions, on
garde trace de la quittance du payement allouée par la monarchie. Mais cette certitude
existe aussi pour Philibert Tissait, Jehan Ruzé ou Morelet, sans parler de Laguette. Et la
présomption est très forte pour Carré, Spifame ou Lallemant le jeune. Pour les autres, il
est possible qu’une partie seulement ait été versée. Mais il y a d’autres compositions pour
des condamnés de moindre rang, sans oublier celle de Grolier.
135 Certes, les règlements se font rarement dans la joie et les familles traînent les pieds 279.
Mais un rappel à l’ordre suffisamment énergique peut faire jaillir les fonds. Dix mois
après l’accord du 12 octobre 1535, Jehan Carré n’a toujours rien versé. Fin août 1536,
l’huissier Dupuys reçoit « une commission exécutoire par prise de corps contre les
cautions dud Carré ». En trois semaines 12 335 lt rentrent alors dans les caisses du greffier
de la Tour Carrée280. Pour les compositions comme pour les condamnations, les officiers
sont obligés d’écorner ou d’entamer leur patrimoine. Certains paiements se font d’ailleurs
436
en nature. Les Poncher cèdent Limours au roi, et les héritiers de Thomas Bohier font de
même avec Chenonceaux, seigneurie estimée à la somme considérable de 90 000 lt (soit
60 % de leur composition).
136 Lorsqu’il est possible de l’établir, le rapport statistique entre montant des condamnations
et des compositions ne permet pas de déceler une règle générale. La fourchette va des
héritiers de Thomas Bohier, astreints au versement de 79 % de la condamnation initiale,
aux Spifame, réduits à 2,8 % de l’énorme versement qui leur était imposé. Entre les deux,
on trouve Henri Bohier (60 %), Lallemant le jeune (46,7 %), Poncher (21,3 %), Ruzé (17,8 %)
et Carré (13,3 %). Apparemment chaque dossier a sa spécificité. Le taux élevé des héritiers
Bohier peut se justifier par l’importance de leur patrimoine foncier, très tentant, avec
Chenonceaux au premier rang. Le faible taux des Spifame trouverait son explication dans
l’ampleur des autres prélèvements dont la succession fait l’objet de la part du roi. Il y a
probablement un rapport, plus difficile à percevoir évidemment, entre les possibilités
financières des familles et le niveau des compositions, plus réaliste assurément que celui
des condamnations. Une enquête sur les « facultés » des Lallemant est ainsi évoquée dans
le préambule de leur accord avec le roi281.
137 Si l’on s’en tient aux chiffres bruts, on constate que les premières compositions connues,
d’Henri Bohier aux Hurault, atteignent des chiffres nettement plus élevés que celles qui
suivent. La guerre peut, en 1537, expliquer la relative bonne volonté d’une monarchie à
l’affût de fonds immédiats. Le 8 juin 1537, parmi les parties dont le Conseil privé souhaite
s’aider pour financer les opérations, figure la proposition de composer, sous le bon plaisir
du roi, avec Grolier, Ruzé, Lallemant le jeune et autres comptables condamnés282. Pour les
derniers accords, faut-il songer à la lassitude qui pousse à baisser la garde ou à
l’importance des ponctions antérieures, qui incite à la modération ? Les deux éléments
ont sans doute joué. Que le montant le plus élevé soit alors celui des Poncher n’a rien
pour surprendre. D’une part il découle d’une condamnation à mort. Par ailleurs, Jehan de
Poncher avait accumulé un patrimoine foncier d’importance, qui ne pouvait là encore que
retenir l’attention du roi.
6. Taxation et banqueroute
138 L’un des aspects essentiels des poursuites contre les officiers de finance est donc le souci
de la monarchie de se procurer des fonds par tous les moyens. A tel point que l’on peut
avoir parfois l’impression - en partie fausse - que la sanction des fautes importe peu
pourvu que les écus rentrent. Que dire en effet de la proposition faite aux officiers
malversateurs, le 4 avril 1530 : s’ils déclarent sous un mois leurs forfaits et versent ce
qu’ils doivent, ils ne seront pas poursuivis, malgré leurs irrégularités283. Dans le contexte
de la réunion de la rançon, le roi se doit de faire flèche de tout bois. D’une certaine
manière, les poursuites ne sont donc, plus généralement, qu’un expédient parmi d’autres.
Avec ses lacunes, ses ratés, ses négociations et ses violences, c’est une forme de
financement qui s’apparente à une taxation extrême, frappant les agents royaux qui sont
le plus soupçonnés d’exploiter leur position de pouvoir à des fins d’enrichissement et
d’ascension sociale. C’est un aspect de plus du retour dans les caisses de la monarchie des
fonds que les « riches » y prélèvent sous des formes variées. Cependant, si la ponction sur
la succession du grand maître Boisy se présente comme un emprunt, celle qui frappe les
plus prestigieux des financiers, Thomas Bohier par exemple, sans parler de Semblançay,
correspond à une perte sèche. La différence sociale ne peut ici que jouer son rôle. Il est
vrai cependant qu’il y a eu dans un cas délit, et dans l’autre non. Mais ne peut-on dire
437
plutôt que dans un cas on cherche - et on trouve - des irrégularités, et que dans l’autre, on
se contente de ne pas se poser de questions ?
139 Les poursuites permettent non seulement l’entrée effective de fonds dans les caisses
royales, mais elles contribuent aussi à éponger le passif de la monarchie par l’annulation
d’une partie des créances qui pesaient sur elle. Le banquier du Saint-Siège Filippo Strozzi
frôle la faillite en 1534 lorsque Paul III ne reconnaît qu’une petite partie des dettes de
Clément VII. Avec le « nouveau règne » de François Ier qui commence en 1526-1527,
l’impression prévaut que le roi cherche aussi à faire disparaître ce qui peut subsister
d’obligations de la période antérieure. Est-on si loin d’une forme, un peu atténuée, de
banqueroute ? Le Conseil procède directement, par l’élimination de certains agents et
l’extinction de leurs créances, et indirectement, en suspendant les remboursements des
autres créanciers, au premier rang desquels figurent les marchands-banquiers italiens,
privés dans le même mouvement d’interlocuteurs valables. A partir de 1536, la
progressive reconstitution des réseaux du crédit volontaire passe par un règlement des
créances du début du règne, qui se poursuit jusqu’au temps d’Henri II. Constatons que les
circuits du crédit des marchands-banquiers sont mis en veilleuse précisément durant les
dix ans d’exercice de la Tour Carrée. Est-ce l’action de la commission qui effraie les
bailleurs de fonds potentiels ou est-ce leur retrait qui incite à s’attaquer largement au
monde de l’argent, puisqu’il refuse de collaborer ? Il est, me semble-t-il, impossible de
dissocier ces deux facettes d’une même réalité.
140 L’argent obtenu des officiers ne correspond donc qu’à une partie de ce que le pouvoir
espérait récupérer en entamant les poursuites. Mais celui-ci doit faire face à une autre
forme de déperdition qui procède du coût même des opérations de recouvrement, des
procès aux saisies. Il faut débourser de l’argent pour en récolter… et réciproquement.
141 Dès l’abord, une précision : si les commissions financières ponctionnent de l’argent, le
contrôle financier « normal », dans le cadre de la Chambre des comptes, n’est pas gratuit
non plus. A titre d’exemple, voici les cinq cents lt de frais, droits de messeigneurs des
comptes inclus, pour la reddition d’un compte de la trésorerie de l’Hôtel du roi en 1526
totalisant 205 122 lt de recettes et 220 396 lt de dépenses284. Mais si cet aspect est passé
dans les mœurs, il faut en revanche débloquer des sommes spécifiques pour les juges des
finances. Le 5 avril 1524, lors du renouvellement des pouvoirs de la commission de janvier
1523, le roi attribue deux mille lt aux responsables de l’examen des comptabilités 285. Pour
le financement de la Tour Carrée, un état du 21 août 1531 attribue mille écus. Au
printemps suivant, Jehan Duboys, un des huissiers de la Tour Carrée, reçoit l’ordre
« d’aller demander à maistre Estienne Besnier, recepveur général des finances du Roy
notre sire, ce qui restoit à payer de la somme de deux mil livres tournois que le Roy avoit
ordonné estre baillée pour subvenir aux affaires de la chambre de la tour carrée », soit
365 lt. Il s’agit sans doute de la même somme que les mille écus cités plus haut 286.
142 Le poste principal de dépense est le paiement des personnels, au premier rang desquels
figurent les juges. De juin 1517 à avril 1519, pour vingt-deux mois, Henri Bohier touche
deux mille lt. Le forfait journalier étant de cinquante st, cela devrait correspondre à huit
438
cents jours de vacations, ce qui est impossible. C’est que, outre leurs gages « directs », les
commissaires bénéficient d’une récompense pour le manque à gagner qu’entraîne leur
activité et pour les frais extraordinaires qu’elle occasionne souvent287. A la Tour Carrée,
Pierre Michon, auditeur des comptes, reçoit ainsi de l’argent pour avoir travaillé « aux
jours et heures extraordinaires esquelz l’on n’entroit point en lad chambre des comptes
et aussi pour le récompenser des rapportz et espices pour le temps qu’il n’a esté en lad
chambre des comptes, occuppé es affaires de lad commission ». D’après le compte de
Jehan Putain qui, sans être forcément exhaustif, couvre la période qui s’étend de
novembre 1526 à mars 1531, les gages des seuls juges et avocats généraux pour ces quatre
ans et demi atteignent 18 205 lt. Et il faudrait y ajouter le flot du personnel subalterne 288.
143 Bientôt les juges vivent directement de leur travail, car les sommes qui leur sont
assignées sont souvent à prélever sur les biens de ceux dont ils font le procès. Quelle
meilleure façon de stimuler leur zèle ? Le président Lizet, en récompense de trois ans de
bons et loyaux services à la Tour Carrée, touche 1 500 lt sur les revenus des biens de
Semblançay289. Duprat alloue 4 000 lt sur les ventes des blés et vins du défunt à ceux qui
ont fait son procès, et les juges de Spifame sont eux aussi indemnisés sur le patrimoine du
condamné290. Quant à Jehan Ravier, deux mille lt de ses frais de mission en Suisse sont à
prendre sur le profit des créances de Morelet de Museau291. Cela tombe bien : Ravier
s’était rendu dans les Cantons précisément pour démêler la situation financière de
Morelet. Le compte d’Anthoine Juge qui regroupe des recettes, d’ailleurs en partie
fictives, tirées des créances de Semblançay, atteint 20 974 lt. Il contient en dépense au
moins 9 354 lt de taxations des commissaires pour la période 1532-1534 : plus de la moitié
des profits réels de son activité finissent donc dans les escarcelles des magistrats 292.
144 De là à dire que les commissaires ont trouvé une merveilleuse source de revenus qu’ils
entendent bien exploiter, légalement ou non, mais à coup sûr largement à leur profit, il
n’y a qu’un pas, que beaucoup s’empressent allègrement de franchir ! Loys Caillaud
constate bon nombre d’irrégularités. Certains « particuliers juges des finances » prélèvent
sur les fonds maniés par les huissiers de la Tour Carrée de gras émoluments avant même
d’en avoir eu acquit. Ils tentent sans doute parfois de toucher en même temps des gages
du roi et des taxations des commissaires aux biens saisis. La « cuisine » en circuit fermé à
laquelles ils se livrent conduit les intéressés à s’octroyer mutuellement des taxations. Or,
s’exclame avec raison Caillaud, « ce seroit chose exhorbi-tante que lesd commissaires se
taxassent salaires les ungs les autres ! »293. La Chambre des comptes, partant à l’assaut de
la commission de janvier 1523, n’y va pas par quatre chemins : « Ressemblent lesd
commissaires à ung batel-leur qui crye la malle beste, la malle beste, pour assembler le
peuple et quant il est assemblé, ilz vendent leurs coquilles, font leur profit et néanmoins
la malle beste ne se treuve point »294. Il est vrai que la Chambre et la commission sont ici
directement rivales. Quel contraste avec le ton de Jehan Prévost, une des cibles de
Caillaud, quand il sollicite auprès du chancelier du Bourg le versement de vacations pour
son rôle dans le procès Gentil : « Je n’ay nulz gages, pension ne bienffaiz et a grant peyne
pour vivre, ma femme et neufz petitz enffans et moy sans les serviteurs et servantes » 295.
Cependant, l’affaire Gentil éclate précisément parce que l’activité de la Tour Carrée, et de
ses juges en particulier, débouchait sur un véritable scandale financier.
145 Dans les procédures, les juges ne sont pas tout. Il leur faut pour œuvrer efficacement le
secours d’un abondant personnel subalterne, qui doit être rémunéré par le roi. Transport
ou garde de prisonniers, port de lettres et de papiers, écritures diverses, démarches
légales, depuis les commandements de payer jusqu’aux saisies en passant par les
439
146 Le contrôle du patrimoine des officiers poursuivis est, pour ce faire, un terrain
particulièrement propice. Déjà, en toute légalité, les frais de saisie et de gestion grèvent
lourdement les comptabilités. Pour les biens de Semblan-çay, sur une recette de 48 723 lt,
Jehan Putain inscrit dans ses dépenses 15 254 lt (soit 31,3 %) de charges diverses
entraînées par la prise en main du patrimoine. Tonneliers, selliers, voituriers, serruriers,
peintres, médecins, brodeurs, tapissiers, orfèvres, trompettes, sergents, huissiers,
notaires, basochiens de tous poils, jusqu’à un imprimeur « pour raison du significavit
impetré par le Roy et Madame contre les latiteurs des biens de Saint Blançay » : c’est une
foule qui est concernée par l’estimation des biens, le transport des meubles ou des
papiers, la gestion, le contentieux296. C’est une manne par exemple pour le sergent royal
au bailliage de Touraine Claude (ou Claudin) Maslard, qui multiplie les « journées et
vaccations » à ce propos. On garde trace de trois de ses quittances : le 1er janvier 1528,
pour 54 lt, le 31 janvier 1529 pour 22 l. 3 s. 6 dt et le 15 septembre 1531 pour 57 lt.
147 Mais les personnages les plus importants sont les commissaires au régime et
gouvernement des biens saisis. Parmi eux, trois profils se dégagent. Le premier est celui
de basochiens de métier : l’examinateur au Châtelet Pierre Carrel pour Spifame, les
huissiers au Parlement Jehan Dupuys pour Ruzé et Nicole Carat pour Poncher297. Le
second correspond à des marchands ou bourgeois, sans autre qualification, dont le plus
important est Jehan Basan-nier, chargé des dossiers Morelet et Besnier. Sire Claude
Fauconnier, marchand demeurant à Bourges, est aussi un temps commis aux biens de
Jehan Lallemant298. Restent les cas où le responsable est en même temps un parent de
l’officier incriminé. Ainsi Christofle de Refuge, qui succède au procureur au bailliage
d’Amiens Jehan Pinte pour la gestion des biens de Jehan de la Forge l’ainé, est-il l’époux
de la petite-fille de cet ancien receveur général de Picardie299. Pour Nicolas Le Coincte,
c’est son propre frère, Guillaume, marchand drapier et bourgeois de Paris, qui est désigné
300
. Rien ne permet de déterminer les motivations de cet apparent traitement de faveur. Il
est sûr en revanche que l’attitude face aux biens et à leurs possesseurs théoriques diffère
considérablement selon qu’on est l’oncle des héritiers ou un basochien qui connaît ses
intérêts.
148 Certains de ces derniers se font une spécialité de ces gestions. Maude Guesselin, huissier
de la Cour des aides, inventorie en 1534 des biens de Jehan Sapin. A la fin de 1535, on le
retrouve s’occupant des criées des biens de Morelet le jeune, et, en 1537, commis à ceux
de René Gentil301. A l’échelon au-dessous, celui de la gestion directe de certaines
seigneuries, le même phénomène apparaît. Le personnage le plus significatif est ici René
Claveau : receveur de la seigneurie d’Azay-le-Rideau, qui fut à Gilles Berthelot, en
1528-1529, il est aussi à partir de 1529 receveur de celle de la Carte, saisie sur les Beaune.
De juin 1530 à février 1532, il tient le compte des revenus des seigneuries de La Chapelle
Bellouin et La Chesnaye appartenant à Henri Bohier302. Le territoire de chasse de Claveau
est bien délimité : toutes ces terres sont tourangelles. Pierre de la Parque œuvre dans le
même secteur : commis à la recette de la terre de Semblançay en 1528-1530, il est en
charge d’une partie des biens de Jehan Prévost en 1536, dont une maison tourangelle303.
440
149 Pour que ce personnel agisse, il faut lui assurer quelque argent. Lorsque Loys Caillaud se
démène pour faire activer les criées des biens saisis, il précise au chancelier : « Lad
poursuite [est] advancée, nonobstant les difficultés y réccurantes tant à faulte de fraiz
que autres. Je vous avoys envoyé une minute de lettres pour donner ordre ausd fraiz, car
s’il est question de signiffier une seulle requeste de forclusion ou un deffault, ne se trouve
huissier qui le vueille faire sans paiement préalable »304. Autre problème : lever le voile
sur la gestion des commissaires aux biens, qui font preuve d’une évidente mauvaise
volonté lorsqu’il s’agit de rendre leurs comptes. Caillaud conseille la menace au
chancelier du Bourg : « S’il vous plaisoit […] contraindre lesd. commis à iceulx présenter,
par saisye, vente et exploitation de leurs biens meubles et immeubles, et emprisonnement
de leurs personnes, me semble, soubz correction, qu’il ny auroit que du bien ». On croirait
entendre les propos de ceux qui veulent clore les comptes des officiers de finance eux-
mêmes ! Il est vrai que les commissaires aux biens se versent des gages substanciéis. Or,
pour juger de leur validité, il faut mettre à plat la situation comptable : « Par led examen,
l’on verrait au vray leurs vaccations, sur lesquelles leur tauxation doibt estre fondée, […]
sans cela leur tauxation ne pourroit estre faicte justement ne à la vérité, car sans avoir
préallablement examiné ou Testât ou le compte [de leur gestion], Ton ne pourroit avoir la
vraye congnoissance des vaccations et choses tumbans en taxe »305. L’opération de
reddition de compte est en elle-même coûteuse. Les frais d’audition, mais aussi de bail à
ferme, concernant des terres d’Henri Bohier et Semblançay, obligent à verser 380 lt à
Jehan Grenasie, maître des comptes à Blois, et 55 lt à Guillaume Halloppe, très
probablement comme notaire. C’est le commis à la gestion desdites terres qui débourse
l’argent : comme souvent, les poursuites se nourrissent de leur propre substance306.
150 Certains indices laissent penser que les diverses opérations donnent lieu à de nombreuses
irrégularités. La plus spectaculaire, sur laquelle on manque malheureusement de détails,
est la fuite - pour des raisons inconnues - d’un curateur aux biens vacants de Semblançay
(peut-être Humbert Velliet), lequel aurait emporté avec lui rien moins que soixante
mille lt de cédules appartenant à la succession307. Mais cela reste exceptionnel. D’ailleurs
il s’agit peut-être pour lui, plutôt que de faire argent avec les papiers, de disposer d’un
moyen de pression dans une négociation visant à rentrer en grâce. Rappelons que c’est sa
promesse de restituer des papiers de son père qui permet à Guillaume de Beaune de
négocier, en 1529, sa rémission. Beaucoup plus lancinantes sont les permanentes
tentatives des divers agents pour tirer profit de leur activité. Soit légalement, grâce à de
« grosses tauxations », soit autrement. L’huissier Carat, chargé des biens de Poncher, ne
fait en octobre 1535 recette annuelle que de 600 lt pour la seigneurie de Limours. En avril
1536, déjà harcelé par Caillaud, il maintient que Limours ne peut rapporter plus de 700 lt.
Et Caillaud, qui a parlé de 1 000 lt pour faire monter les enchères, triomphe, car il se
trouve bientôt un fermier pour offrir 900 lt308. Carat a-t-il directement prélevé une partie
des profits ou s’est-il entendu avec le précédent fermier pour lui faire un bail bien doux, à
charge de récompense ? Peu importe : le résultat, vu depuis les caisses royales, est le
même.
151 Sont-ce encore des baux trop avantageux que révèlent des mentions éparses dans la
présentation des biens saisis ? Dans l’estimation qui concerne Jehan Ruzé, une ferme est
baillée à huit muids de grains, laquelle « peult bien val-loir honnestement douze muicts
de grain » ; deux seigneuries sont affermées dix-huit muids, alors que « se sont offers
marchands qui en veullent bailler vingt »309 : l’huissier Dupuys gère-t-il de façon
régulière ? Et lorsque Wast de Marie, en charge des biens de Meigret, est accusé de
441
collusion avec sa veuve, agit-il uniquement par charité ? La fraude est partout, ou du
moins l’accusation de fraude. Les commissaires à la Tour Carrée prétendent qu’Anthoine
Juge a menti en affirmant qu’ils ont mis la main sur des fonds venant des poursuites
contre Semblançay. Caillaud, qui évoque des criées, affirme que « le Roy avoit esté mal
servy et trompé en celles de feu Hurault ». A la Tour Carrée, le greffier Séraphin du Tillet,
accusé de receler les fonds de la composition de Jehan Carré, se défend avec énergie 310.
152 Tirer profit de sa position dans le monde judiciaire est en fait à la fois une nécessité et
une pratique courante, en un temps où régnent les épices. Un épisode révélateur des
comportements en matière de poursuites financières donne le ton. Hennequin Barat,
sergent demeurant à Soissons, est chargé d’une poursuite contre les fermiers de
l’imposition foraine d’Outre-Seine à l’initiative d’Estienne Besnier. Cette affaire finira
d’ailleurs devant la Tour Carrée311. Barat se rend à Châlons chez Pierre de Morillon,
« pleige et com-paignon » en cette affaire. Morillon est absent, mais sa femme le prévient
du passage des sergents. Il rentre aussitôt et s’en va trouver Barat, installé au logis de la
Grant-Couronne. Il lui propose d’aller exécuter Girard Lombart, aussi « pleige et
compagnon », qui demeure à Chaumont-en-Bassigny. Pour ce faire, et pour l’éloigner,
Morillon est prêt à lui fournir dix écus, un cheval frais et un guide. Barat prend le tout, en
maugréant que ce n’est pas assez « et que les despens estoient chers ». Huit jours plus
tard, il revient à Châlons. Entre-temps Morillon a pu se retourner et trouver des
répondants financiers. Il apprend par le guide, son serviteur, que Barat a relâché Lombart
moyennant cent écus de consignation et vingt écus « pour les peines dud Barat ». Sur quoi
Lombart en profite pour prendre la fuite. Les généraux des aides, devant lesquels Besnier
a porté l’affaire en raison des pratiques du sergent soissonnais, constatent que « led Barat
sergent, en entreprenant cognoissance de cause, auroit les aucuns [des fermiers]
constitués prisonniers et exécutez, eslargiz et relâchez jusque à quelque temps, et aux
autres fait sur eulx quelques petites exécutions de biens en prenant et exigeant d’eulx en
ce faisant plusieurs grosses sommes de deniers ». Barat se fait par ailleurs également
payer de ses vacations par Besnier, « jaçoit ce qu’il ait encore entre ses mains plusieurs
deniers du Roy desquelz n’auroit tenu compte ne iceulx renduz »312.
153 Le comportement de l’obscur Barat dans cette affaire de recouvrement met à nu certaines
pratiques des auxiliaires de justice du temps. Ce type de comportement n’est évidemment
pas réservé aux affaires de finances. Pour autant, les procédures de la Tour Carrée n’ont
aucune raison de se dérouler dans une autre ambiance. Au contraire, le caractère
exceptionnel des poursuites renforce peut-être la marge de manœuvre des divers
intervenants. Aussi, globalement, la ponction est-elle considérable. Elle se fait à la fois sur
ce qui est prélevé à la source, et sur ce qui parvient ensuite aux caisses royales. Bien
évidemment, une évaluation précise est impossible. Du moins l’amputation des profits
est-elle sensible. Et ce n’est pas tout.
3. De nombreux dons
154 Le roi donne en effet une part appréciable de ce qui lui revient. Il ne s’agit plus ici de
récompenser d’une façon ou d’une autre les efforts de ceux qui contribuent aux
poursuites, mais d’exercer la simple largesse souveraine, dans la grande tradition du roi
dépensier pour lequel gouverner, c’est donner. Au premier rang des bénéficiaires figure
l’entourage immédiat du monarque : d’une part le groupe dirigeant, d’autre part les gens
de sa maison. Il y a bien sûr quelques donataires atypiques, comme Pierre de Bérard,
seigneur de la Foucaudière. Il reçoit le 10 juin 1534 deux mille livres parisis, montant
442
d’une amende non précisée de la Tour Carrée313. Or, en 1528, lui-même accusé, comme
commissaire des guerres, de « manger les deniers » aux armées d’Italie, il avait été arrêté.
De nouveau, en 1531, il fait l’objet d’une prise de corps, précisément dans le cadre de la
Tour Carrée314. Après tout, peut-être est-ce de sa propre amende dont le généreux
François Ier lui fait remise !
155 Les dons du roi se font sous des formes diverses, la plus importante étant sans doute la
cession directe d’un des éléments du patrimoine immobilier des officiers dont les biens
ont été saisis ou confisqués. De beaux hôtels parisiens changent ainsi de main. Celui de
Morelet de Museau, l’hôtel de Savoisy, situé à l’angle de la rue du Roi-de-Sicile et de la rue
du Petit-Marivaulx, est donné à l’amiral Chabot en 1535, ainsi que plusieurs maisons
attenantes315. L’ensemble sera déduit, en 1544, de la transaction entre le roi et les
héritiers Morelet. La même année 1535, pour ne pas faire de jaloux, Montmorency prend
possession de l’hôtel des Meigret, rue Sainte-Avoye316. On ignore en revanche dans ce cas
si la composition familiale prend en compte cette spoliation. Pour des gens de moindre
surface, une maison peut suffire. Celle que possède Henri Bohier rue Bourg-Tibourg
échoit à Benoît Théocrène, le précepteur des enfants de France317. Les terres sont aussi
convoitées. Limours, fleuron de Jehan de Poncher, revient à la duchesse d’Étampes,
maîtresse du roi. Chenon-ceaux, gloire des Bohier, devra attendre le règne d’Henri II pour
connaître, avec Diane de Poitiers, un pareil destin. A un niveau inférieur, Lespinay et
Trémar, terres enlevées au trésorier de Bretagne Jehan de Lespinay et situées au comté
nantais (paroisses de Plessé et Guenrouet), reviennent en 1527 à Louis de Perreau,
chevalier, gentilhomme de l’Hôtel du roi, en récompense et à titre de compensation des
frais qu’il a faits au service du roi318.
156 Parfois, le don porte sur les seuls revenus comme ceux des seigneuries d’Orlu et
Bréthencourt (en Beauce), ces autres possessions de Poncher dont jouit la duchesse
d’Étampes319. Enfin le roi peut remettre à l’acquéreur d’une terre vendue par un financier
le paiement des droits seigneuriaux. Ainsi le gentilhomme de la Chambre Perrot de
Ruthie, adjudicataire de Cheverny, est-il dispensé du règlement des lods et ventes et
autres droits320. Reste la question des offices. On ne dispose pour ceux des grands officiers
d’aucune précision touchant ceux qui ont changé de main. Mais il est possible que
certaines successions se soient faites à des conditions avantageuses pour les remplaçants.
Ainsi les maîtres d’hôtel du roi Anthoine de Lamet et Charles du Plessis, qui succèdent en
1535 respectivement à Spifame et Poncher comme généraux des finances, ont peut-être
pu profiter de largesses monarchiques. Doit-on en voir un indice dans le fait que la lettre
de provision de du Plessis précise qu’il est digne, en raison de ses bons et loyaux services,
« de louange, recommandation et rémunération »321 ? Cela reste de l’ordre de l’hypothèse.
157 Le roi donne aussi une partie de l’argent qui est dû, à des titres divers, par les officiers
condamnés. François Ier cède à l’amiral Bonnivet sa créance sur la succession de Bertrand
de Tours, trésorier de l’Épargne de Bretagne. Il faudra attendre 1556 et le versement de
dix-sept mille lt au fils de l’amiral par l’héritier de… Philibert Tissait, qui a repris entre-
temps le fardeau de la créance, pour voir aboutir l’affaire. Ce qui montre qu’en matière de
règlement, la célérité n’est pas toujours de rigueur. On aimerait savoir combien de temps
il a fallu au duc de Guise pour récupérer les quinze mille lt que le roi lui ordonne sur les
créances d’Estienne Besnier322. Mieux vaut être assigné, pour un don, sur les rentrées
beaucoup plus assurées que représentent les compositions. Louis de Rabodanges,
chevalier et premier valet tranchant du roi, encaisse ainsi promptement, en 1540, 1 500
écus provenant d’accords entre le roi et les héritiers Spifame323.
443
158 Mais il existe une méthode encore plus simple. Le roi a mis la main sur les créances des
officiers sur les particuliers. Il lui suffit de les effacer purement et simplement. Le
seigneur de Nançay (La Châtre, capitaine des gardes du roi) récupère ainsi une dette de
cent lt envers Estienne Besnier324. Parmi les débiteurs de Semblançay, le comte de Saint-
Pol et Jehan de Lévis, seigneur de Châteaumorant, gentilhomme de la Chambre,
bénéficient d’un semblable cadeau en 1533-1534. En avril 1547, au début de son règne,
Henri II donne l’ordre à Laguette, alors détenteur des papiers de Semblançay, de restituer
au connétable de Montmorency une reconnaissance de dette de mille écus envers le
défunt, datée du 30 novembre 1521. Laguette reçoit la garantie du monarque, « pour ce
que l’on luy en pourrait cy après faire demande, au moyen de ce que lad cédulle [dit]
expressément led prest luy avoir esté faict pour emplo[yer à ses] affaires, combien que
nous soyons bien et deuement informez en quoy et comment icelle somme fut employée
au service et pour les affaires » de François Ier325. Dans le cas de Morelet de Museau, le roi
éteint d’autres créances. Ainsi pour les 475 écus dus par Charles du Solier, seigneur de
Morette, gentilhomme ordinaire de la Chambre, qui prétend d’ailleurs avoir déjà payé son
dû, ou pour Michel de Balan, seigneur de Maulévrier, qui déclare avoir « obtenu lettres de
don ou surcéance du Roy »326. On note aussi une remise portant sur des arrérages de
rente, en faveur du comte de Brienne327.
159 A la longue, les dons du roi peuvent représenter une part appréciable des redressements
extorqués aux officiers, comme le souligne le cas des biens Spifame. Les revenus de ses
terres sont cédés à Poyet, alors premier président au Parlement de Paris, en septembre
1537, et, deux ans plus tard, au lendemain de la composition, Poyet est confirmé dans la
possession des biens Spifame situées dans la région de Montfort-l’Amaury328. A cela
s’ajoute le don à Jean de Couteaux, valet de pied ordinaire du roi, d’une maison à Blois,
srue du Puy-Chastel, et au roi de Navarre d’une autre demeure rue aux Ours à Paris329.
Sans oublier les 1 500 écus de Rabodanges, déjà évoqués, et qui, au départ, devaient être
pris sur la vente de la maison du Château-Fétu, située rue Saint-Honoré330. Le tout finit
par être assez substantiel. Mais le cas extrême est représenté par Gilles Berthelot,
puisque, s’il faut en croire un acte de confirmation du 7 novembre 1533, la totalité des
54 400 lt auxquelles il a été condamné envers le roi doit revenir à Poton Raffin, sénéchal
d’Agenais331.
160 Dans le détail, ces diverses donations posent en fait de nombreux problèmes de méthode.
Ainsi, dès janvier 1537, le roi fait don de Limours à la duchesse d’Étampes. Or, à la suite de
la transaction intervenue avec les Pon-cher et de la cession officielle de Limours au roi,
François Ier avise la Chambre des comptes et le Parlement qu’il a reçu trente-cinq mille lt
pour l’achat par la duchesse de cette seigneurie et des fiefs adjacents. En fait, il ne s’agit
que de la légalisation du don, et donc d’une vente simulée332. Mais le cas inverse existe
aussi, celui d’un faux don cachant une vente bien réelle. Louis Burgensis (ou Bourgeois),
médecin ordinaire du roi, obtient le 21 août 1537 des lettres de don pour la maison de
Jehan Ruzé située rue Neuve-Saint-Merry. En fait Burgensis a acheté la demeure à Ruzé
pour la fort belle somme de douze mille lt333. Le don royal sert en fait à garantir à
l’acquéreur la paisible possession du bien saisi. Mais il est aussi le signe de l’engagement
du roi aux côtés de Burgensis, ce qui permet à celui-ci de faire face à des traverses de
dernières minutes, causées par un autre acheteur potentiel334. La cession de la maison de
la rue Bourg-Tibourg à Benoît Théocrène en 1534 est également une opération ambiguë.
Cette demeure donne aussi sur la rue du Franc-Meurier. Or, en 1541, une des maisons de
cette dernière rue aboutit à « messire Henri Bohier, chevalier », l’ancien propriétaire, qui
444
semble donc l’être resté. La « maison de Paris » qui apparaît en 1555 dans le partage de sa
succession est sûrement la même, car aucune autre implantation de la famille n’est
connue dans la capitale335. Soit le don n’a pas eu d’effet, soit, plus vraisemblablement,
Théocrène a obtenu une compensation de la part des Bohier pour abandonner ses droits.
161 Il est donc possible que certains des dons évoqués, connus grâce aux lettres royales,
masquent des transactions spécifiques, que les lacunes de la documentation ne
permettent pas toujours de comprendre pleinement. Le cas de Chabot à Savoisy fournit
un bon exemple de situation peu nette. En juillet 1535, l’amiral passe procuration pour
s’opposer aux « criées » de l’hôtel et émettre une éventuelle offre d’achat. C’est que la
succession de Morelet fait l’objet d’une pour Ssuite de la part de particuliers qui explique
cette menace d’enchères. Le roi lui-même s’y oppose. Cette instance privée reste
finalement sans suite, et Chabot continue à jouir de l’hôtel, apparemment à titre de
donataire. Mais n’a-t-il pas protégé sa situation par une transaction financière336 ?
162 Certaines assignations sur les versements des officiers de finance correspondent aux
paiements de dépenses qu’il aurait de toute manière fallu solder, en particulier des
pensions. Le don à Anthoine de Mailly, chevalier et capitaine de mille hommes de pied, de
quatre mille lt à prendre sur une amende de Jehan Sapin envers la Tour Carrée offre un
bon exemple de cas mixte : la moitié de la somme lui est en effet due au titre d’arriérés de
pension, et l’autre moitié est un don pur et simple337.
163 D’où la difficulté, ou plutôt l’impossibilité, de déterminer, même au coup par coup, si les
dons royaux qui amenuisent les profits des poursuites sont ou non « gratuits ». S’ils sont
utilisés à la place d’autres sources de financement, ils entrent à ce titre dans les dépenses
courantes de la monarchie. Si, en revanche, l’occasion faisant le larron, ils sont le lieu
d’une campagne spécifique de largesses monarchiques, avec les pressions et les
suppliques que cela suppose de la part des donataires, ils grignotent les rentrées
potentielles. En fait les deux aspects sont évidemment indissociables. Quoi qu’il en soit,
ces faveurs semblent au monarque ne lui rien coûter et lui permettre donc d’exercer sans
frais ses fonctions de dispensateur de bienfaits. De plus, ces largesses, qui ne sont que
partielles, peuvent sans doute servir de justification idéologique. Comment prétendre en
effet que c’est l’appât du gain, et non le souci de la justice qui fait agir le pouvoir, lorsqu’il
est si généreux des profits qu’il retire ? Sauf que, précisément, les hommes de pouvoir
sont les premiers servis…
Conclusion
164 Au sein du groupe dirigeant, l’obsession du trésor et du rassemblement matériel de
grosses sommes d’écus donne tout son sens à la tyrannie du métal précieux alors à
l’œuvre dans les circuits de l’État monarchique. Cependant la méfiance face au papier
financier, aux manipulations comptables et aux jeux du crédit a peut-être empêché
l’éclosion d’un système de gestion plus subtil, pour ne pas dire plus moderne, plus proche
en tout cas des pratiques du monde commercial. Des aspects très archaïques sont en effet
mis en avant, que ce soit le désir d’une proximité physique du pouvoir avec les masses
métalliques, au travers des coffres-tirelires ou des caisses ambulatoires, ou le rêve, bien
présent, d’une monarchie sans officiers. En clair, le groupe dirigeant est réticent face au
développement de l’État. Il refuse - ou du moins déplore - l’essor de formes de médiations
du pouvoir qu’il vit comme une dépossession. C’est dans cette optique aussi qu’il faut
comprendre la réaffirmation de la maîtrise du Conseil sur la décision financière. Quant à
445
l’essor « dans les faits » de l’État, il est plus que probable, quoique délicat à mesurer
quand on met par exemple dans la balance d’une part, l’accroissement du personnel et de
l’autre, la diminution de la taille en valeur réelle338.
165 En ce qui concerne la gestion des finances, on ne décèle pas de « grand dessein » de
réorganisation, si ce n’est évidemment sur le terrain politique. Mais pour ce qui touche
aux recettes et aux dépenses, aux flux financiers et aux techniques comptables, nihil novi
sub sole. Très prosaïquement, le Conseil cherche des solutions acceptables pour répondre
aux problèmes de l’heure. Il prend des décisions plus ou moins rationnelles, en fonction
des informations plus ou moins valables, parfois douteuses, dont il dispose et des cadres
mentaux et sociaux qui sont les siens. Réformes et poursuites s’inscrivent dans cette
logique. Le but est la disposition accélérée, immédiate si possible, des fonds, beaucoup
plus que la mise sur pied de réformes structurelles ou la réorganisation du personnel. Ce
sont, redisons-le, des expédients, ce qui ne signifie évidemment pas une absence d’impact
à moyen ou long terme sur la construction de l’État. Mais il s’agit ici d’une conséquence,
non d’un objectif poursuivi. En effet, l’idéal demeure celui qui affleure dans les décision
de l’automne de 1523 et de la fin de 1531 : la centralisation ultra-rapide et sans
intermédiaire de tous les fonds auprès du roi. Dans cette perspective, le personnel
financier sur la sellette doit rendre les restes qu’il stocke et les fonds qu’il a détournés.
166 Par les poursuites, le Conseil vise à faire rentrer dans les caisses des sommes énormes.
Dans les faits, il est probable que des centaines de milliers de livres, sous une forme
monétaire ou en bien-fonds, ont enrichi le souverain. Mais les déperditions sont énormes.
Certes, il y a une part d’arbitraire à opposer les profits théoriques des caisses royales et
l’enrichissement, via les poursuites, des agents de la monarchie, depuis les juges
jusqu’aux membres du Conseil du roi. Ce sont eux, après tout, qui sont l’Etat. D’ailleurs,
les financiers eux-mêmes s’y rattachent, et on n’a donc, si l’on veut pousser le
raisonnement à son terme, qu’une simple opération de redistribution entre les agents de
l’État. Cependant, ce qui compte ici, c’est le surplus qui parvient effectivement dans les
coffres et le soulagement qu’il peut apporter aux finances royales toujours fragiles. Or cet
apport est limité. Est-ce la déception du Conseil qui le conduit, en 1535, à faire pendre
Jehan de Poncher, dont on ne voit guère qu’il ait été plus coupable ou plus en vue que les
autres ? Comment expliquer que la gestion financière entraîne toujours un droit de vie et
de mort de la part du souverain ? Derrière les questions de gros sous, on voit poindre des
enjeux qui touchent aux fondements idéologiques de la monarchie et de la société dans
laquelle elle s’inscrit.
NOTES
1. O.R.F., t. I p. 193 (20-4-1515).
2. Spont, Semblançay, p. 152.
3. B.N. fr 4525 f° 93 et sq.
4. Lestocquoy, Nonces 1541-1546, p. 113 (janvier 1542) et p. 155 (juillet 1542).
5. Knecht, Francis I, p. 377.
446
44. Braudel et Gentil da Silva, Réalités économiques, p. 737. Philippe II a fréquemment besoin lui
aussi de l’avis de son secrétaire, Francisco de Gamica.
45. B.N. fr 3048 f° 37.
46. A.N. Xla 1528 f° 551.
47. A.N. J 965, 7/24 [12-10X1536)].
48. Ibid., 7/9 (30-6-1537).
49. A.N. J 966, 30/2 [20-3-(1537)].
50. A.N. J 967, 73.
51. Tommaseo, Relations, p. 195.
52. Spont, Semblançay, p. 131.
53. B.N. fr 3031 f° 15-17 [21-1-(1527) J ; Buisson, Duprat, p. 230-238.
54. B.N. fr 3046 f° 45.
55. Voir, dans le contexte ottoman, les réflexions de Kafadar (Cémal), « Les troubles monétaires
de la fin du XVIe siècle et la prise de conscience ottomane du déclin », A.E.S.C., mars-avril 1991,
p. 381-400 et spécialement p. 390.
56. Cellini, Vie, t. 2 p. 89.
57. Sous François Ie1, le portrait du roi figure cependant seulement sur les espèces d’argent
(teston et demi-teston) et quelques rares monnaies de billon (liard à effigie). Il n’apparaît pas en
revanche sur les écus : O.R.F., t. I, p. L-LI.
58. Spooner, Frappes, p. 124. Peut-on rattacher cet espoir du retour de la forte monnaie à
l’expérience historique que constitue le franc de 1360, qui s’inscrit lui aussi dans le contexte
d’une rançon ?
59. Chaunu, H.E.S.F., t. I p. 277. Il faudra attendre 1563 pour retrouver le ratio de 1519.
60. Spooner, Frappes, p. 135.
61. Bodin, République, p. 908 ; Gramont cité par Spont, Semblançay, p. 131 note 2.
62. Voir Bodin, République, p. 907 et Dietz, Engljsh finances, p. 87. Le thème est appelé à durer.
Qu’on songe par exemple à Sully et au « trésor de la Bastille », symbole de sa bonne gestion.
63. Spont, Semblançay, p. 69 note 2.
64. B.N. fr 2940 f° 49.
65. Spont, Semblançay, p. 163 et 172.
66. Ibid., p. 191.
67. Boislisle, Surintendance, p. 245-247.
68. A.N. KK 104 f° 23.
69. Bouchet, Annales, p. 373.
70. Du Bellay, Mémoires, t. II p. 157.
71. O.R.F., t. VII p. 196 (12-2-1535).
72. Jacqueton, Épargne, 2e partie, p. 17.
73. Tommaseo, Relations, p. 103. « Quartiere » est ici traduit par « tous les quatre mois ». La
rectification est aisée…
74. Jacqueton, Épargne, 2e partie, p. 21-22.
75. A.N. J 967, 15/2 [6-9-(1536)].
76. B.N. fr 2963 f° 60.
77. Décrue, Montmorency, p. 404.
78. Jacqueton, Épargne, 2e partie, p. 28-29.
79. B.N. fr 3005 f° 111.
80. Lestocquoy, Nonces 1541-1546, p. 113. Il ajoute que, si le roi modérait un peu ses dépenses de
cour, il pourrait faire beaucoup mieux.
81. B.N. fr 17329 f° 92.
82. Ehrenberg, Fugger, p. 251.
83. Isambert, Recueil, t. 13 p. 8.
448
finance, qui font que les « receveurs particuliers ne se y scevent comment gouverner, et
demeurent souvent les assignez sur eulx sans appointement » : Jacqueton, Documents, p. 14.
155. B.N. fr 3031 f°47
156. C.A.F. t. II nos 4409, 4617, 4949 et 5077 ; Le Roux de Lincy, Grolier, p. 343.
157. A.N. KK 351 f os 24, 29 v°, 33 v° et 40. Il faut apparemment attendre la fin des années vingt
pour voir cesser cette pratique. Sur les fonctions spécifiques de la « grande charge », voir Spont,
Semblançay, p. 66 et note 4. Le receveur général d’Outre-Seine, qui siège à Paris, se prétend
cependant aussi l’héritier direct du receveur général unique, en raison de sa capitale. Il obtient
pour cela, en 1522 encore, certains privilèges : A.N. P 2304 p. 711-717.
158. O.R.F., t. IV p. 32 (9-7-1524).
159. Voir à titre d’exemple, Du Bellay, Correspondance, t. I p. 123, 126, 128, 130, 188…
160. Un exemple en 1548 : C.A.H. t. II n° 3821 (29-10-1548).
161. A.N. M.C. LIV 20 (2-3-1545 et 3-7-1544). Pour 1547 voir B.N. Dupuy 958 f° 54.
162. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 110.
163. Guéry, Naissance, p. 57 ; Jacqueton, Épargne, 2e partie, p. 3.
164. Ne faut-il pas ici faire un parallèle avec le retard technique traditionnellement prêté aux
marchands français ?
165. Jacqueton, Épargne, 1re partie, p. 32 et note 2.
166. Voir par exemple : B.N. fr 2962 f° 136 v° et fr 4526 f° 22 v°.
167. Jacqueton, Épargne, 2 e partie, p. 8-9. En 1535 cependant, il y a harmonisation sur le modèle
des recettes. Faute de sources, on ignore si la mesure est d’un effet durable.
168. B.N. fr 2940 f° 48 et sq. (déficit d’environ 140 000 lt) ; fr 3005 f° 111 (déficit d’environ
38 000 lt).
169. B.N. fr 20502 f° 108.
170. En 1607 encore, Simon Stevin, de Bruges, propose vainement à Sully la comptabilité en
partie double pour les états de finance ; Guéry, Finances, p. 220. Elle est adoptée en Castille dès
1592 : Hernández Esteve (Esteban), Establecimiento de ta partida doble en las cuentas centrales de la
Real Hacienda de Castilla (1592), Madrid, 1986.
171. Wolfe et Zacour, The growing Pains, p. 76, 77.et 80.
172. Spont, Documents, p. 322 (articles IV et V).
173. Il s’agit en fait, selon toute apparence, d’une situation d’exception qui s’explique par la
spécificité de l’action royale dans le duché. Dès 1488, Olivier Barrault est cité comme chargé du
paiement des pensions des gentilhommes bretons : L. et S., t. I notice 32.
174. A.N. J 958 n° 42 (2-8-1523) ; B.N. fr 2978 f° 11.
175. A.D. Côte-d’Or B 1851 f° 6 (23-6-12-1538) : le commis à la recette générale de Bourgogne
percevra les fonds de l’aide de villes en 1539.
176. C.A.F., t. I n os 2677 et 2685 ; t. II n os 4944-4945, 6421-6422 et 7439 ; t. VII n° 28322 etc. B.N. fr
15630 f° 5 ; A.N. J 960/6 f° 133.
177. A.N. J 966, 18/1 et 4.
178. Tommaseo, Relations, p. 301.
179. Barrillon, Journal, p. 308.
180. Isambert, Recueil, t. 12 p. 912-914.
181. B.N. fr 2965 f° 40.
182. B.N. fr 2994 F 115 [14-1-(1522 sd)]. Lamet parle probablement en tant qu’ambassadeur, lui
pour qui rentrer en France est « la chose de ce monde que plus [il] désire », plutôt qu’en tant que
gentilhomme ordinaire de la Maison du roi.
183. O.R.F., t. VII p. 175.
184. Jacqueton, Épargne, lre partie, p. 10. Richelieu lui-même, un siècle plus tard, rêve du temps
où, le royaume ayant retrouvé « une profonde paix », il pourra réduire les officiers de finance
« au moindre nombre qu’il sera possible » : cité par Bayard, Église et financiers, p. 10.
451
Terreur d’y intégrer tout ce qui touche aux dettes actives et autres papiers financiers de
Semblançay.
225. Voir Spont, Semblançay, p. 269-279.
226. A.N. J 958 nos 10, 17, 34 et 37.
227. A.N. M.C. VIII 282 (25-11-1536).
228. A.N. M.C. LIV 11 (11-5-1536).
229. B.N. Dupuy 623 f° 20 v°.
230. A.N. X1a 1529 f° 36 v°.
231. Allusion dans A.N. J 958 n° 9.
232. Voir à titre d’exemple les remarques de Caillaud sur les comptes de Jehan Ruzé : B.N. Dupuy
623 f° 85.
233. A.N. J 958 n° 6.
234. En raison de l’absence de chiffre d’ensemble, le cas de Morelet n’a pas été retenu. Les deux
seules onnées précises dont on dispose viennent d’être évoquées.
235. A.N. KK 338 f os 29-32 : amende de Gaillard Burdelot (pour avoir permis l’inhumation de
Semblançay ?), d’Aymery Lopin, le « conseil » du défunt etc.
236. A.N. J 958 n° 8.
237. A.N. M.C. VIII 46.
238. A.N. M.C. CXXII 1048 (11-7-1534).
239. A.N. J 958 n° 4, recettes, n° 112.
240. A.N. M.C. XIX 199 (29-11-1555) ; B.N. Dupuy 623 f° 22 v°.
241. B.N. Dupuy 623 f° 70.
242. Ibid., f° 57 v°; A.N. M.C. VIII 70 (4-1-1543).
243. Carré de Busserolle, Dictionnaire, t. III, vol. II. p. 407 ; Chevalier, Tours, p. 499 note 97.
244. B.N. Dupuy 623 f° 89 (les juges de la Tour Carrée au chancelier).
245. B.N. fr 20542 f°s 114 et 134 ; fr 20649 f° 111.
246. A.N. M.C. XIX 148 (9-3-1537) et 149 (20-8-1537).
247. A.N. Zla 59, passim.
248. Ibid., f° 710 (5-10-1534).
249. B.N. Dupuy 623 fos 59 et 75.
250. Ibid, f° 29.
251. Ibid., f° 69 v°.
252. A.N. M.C. CXXII 1053 (17-1-1539).
253. Voir A.N. M.C. LIV 6 (21-2-1532).
254. Voir A.N. M.C. VI 68 (avril 1544).
255. Sur cette affaire, voir B.N. Dupuy 623 fos 22 v°, 42 v°, 54 v°, 61, 67 et 74. Il s’agit sans doute
du Guillaume Chevalier qui devient grenetier de Clermont-en-Beauvaisis en novembre 1524 sur
résignation de Georges de Vercle et sur présentation de Louise de Savoie : C.A.F., t. V n° 17885.
256. Jacqueton, Épargne, 2e partie p. 18.
257. Spont, Semblançay, p. 35. Le montant de 400 000 lt donné par Spont est à rectifier : Chevalier,
Tours. p. 493 note 67.
258. A.N. PP 99 p. 99 v° ; B.N. Dupuy 623 f° 69 (allusion dans une lettre du 19-9-1536).
259. Jacqueton, Documents, p. 83 n° 26 ; A.N. Xla 1529 f° 37 (13-12-1525) ; A.N. J 958 n° 9.
260. A.N. KK 352 f° 32.
261. Cité comme tel dans A.N. M.C. XIX 199 (29-11-1555).
262. B.N. Dupuy 623 f° 70 v°.
263. A.N. J 960/6 f° 133 ; J 958 n° 3.
264. Liste dans A.N. J 958 n° 4, recettes, cotes 1 à 66, dépense, cote 1 : Putain remet à Juge
l’ensemble des cédules.
453
265. Spont, Semblançay, p. 144 note 5. Il est vrai que la créance est un peu particulière : elle porte
sur la trésorerie du roi avant son avènement. Quant aux restes dus, ils sont peut-être plus élevés
car les 4844 lt en question sont à prendre « sur les deniers deubz par de la Coulombière »
(trésorier de Dauphiné) : A.N. KK 289 f° 63 v°.
266. A.N. Zi3 59 f° 195 (14-2-1534). Une autre explication peut être la volonté des responsables des
restes de frauder à leur tour. Une commission d’enquête en Bretagne affirme qu’ils « sont causes
de faire convertir le propre revenu du roy en restât et après, desd. restaulx, en font à longueur de
temps comme ils veullent » : A.N. J 818 n° 2.
267. B.N. Dupuy 623 fos 52 et 26 v°.
268. B.N. Dupuy 623 f° 65 v°.
269. B.N. fr 3031 f°47.
270. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 242-243.
271. A.N. KK 352 fos 31-33.
272. A.N. J 967, 87/7.
273. Ibid, 72/2.
274. C.A.F., t. IV n° 11650.
275. C.A.H., t. II n° 2235.
276. A.N. M.C. XIX 38 (24-12-1513).
277. C.A.F., t. VII n° 26751.
278. Acte signé Blondeau et La Ferrière, notaires, sur les articles répondus aux offres faites par
Sapin, mentionné dans les papiers Duprat : B.N. fr 2962 f° 134.
279. Les résistances des familles seront développées dans un autre volume, à paraître
ultérieurement, sur le monde des officiers de finance.
280. B.N. Dupuy 623 f° 69.
281. B.N. fr 3876 f° 299 : « Après avoir ouy les remonstrances faites par les officiers qui se sont
enquis des capacités, facultés et biens de Jehan Lallemant, saisis et mis en criée… ».
282. A.N. J 965, 11/4.
283. O.R.F., t. VI p. 154. Il faut évidemment que les déclarations soient faites avant la découverte
de la fraude par la justice : ibid., p. 251 (article XIII).
284. A.N. J 964 n° 58.
285. C.A.F., t. I, n° 2000.
286. A.N. J 964, 29 bis ; M.C. CXXII 1048 (9-7-1534).
287. B.N. Clairambault 1164 n° 176 ; P.O. 2655 (Savoie), 58960 n° 34.
288. A.N. KK 338 fos 34-44. La citation concernant Michon est au f° 41 v°.
289. C.A.F. t. Il n° 5457 (22-2-1533) ; A.N. J 958 n" 3 dépenses, cole 5.
290. A.N. KK 338 f° 19 v° ; C.A.F. n° 8226 (3-12-1535).
291. C.A.F. t. VII n° s 29231-29232.
292. A.N. J 958 n° 3.
293. B.N. Dupuy 623 f° 67 et 8 v° ; A.N. J 958 n° 4, dépenses, cotes 7 et 138.
294. A.N. Xla 1529 f° 38.
295. A.N. J 967, 97/1 [16-2-(1537)].
296. A.N. J 958 n° 4. Spont, Semblançay, p. 269 et sq. fournit des renseignements sur l’exploitation
du patrimoine de son héros.
297. B.N. P.O. 2724 (Spifame) n° 30 ; A.N. PP 99 f° 58 v° (Ruzé) ; M.C. LIV 11 (11-5-1536) pour
Poncher.
298. A.N. M.C. LIV 11 (24-5-1536) pour Besnier, XIX 70 (13-3-1532) pour Morelet et VIII 285
(31-3-1539) pour Lallemant.
299. A.N. X3a 36 (27-4-1528) et M.C. XLIX 65 (2-10-1539).
300. A.N. PP 99 p. 58 v°; M.C. VIII 134 (16-11-1532).
301. A.N. M.C. CXXII 1048 (11-7-1534) et VIII 178 (16-2-1540) ; B.N. Dupuy 623 f os 78 v° -79.
454
Chapitre VII
Politique et personnel financier :
devant Dieu et devant les hommes
1 Les chapitres qui précèdent sont centrés sur l’appareil monarchique. A les lire,
l’impression peut prévaloir d’un fonctionnement en circuit fermé. Les sujets du roi sont
largement absents. Ils n’apparaissent de façon ténue, quoique essentielle, que comme les
pourvoyeurs désincarnés des espèces monétaires indispensables au pouvoir. Or, la
politique financière de la monarchie ne se réduit pas à cela. Elle se construit aussi dans
une relation avec l’ensemble de la société, depuis les réalités des contacts quotidiens
jusqu’aux soubassements idéologiques qui orientent, aux dires du roi et des siens, l’action
de l’État.
2 Entre le monarque, ses agents et le peuple, le dialogue financier est une constante. Mais
les intervenants, en actes ou en paroles, diffèrent selon qu’il s’agit de dialogue
institutionnel réglé ou de révolte fiscale. De l’un à l’autre pôle, tout un dégradé de
comportements et de propos peut être mis en évidence, mais l’essentiel reste la tonalité
d’ensemble du règne en matière fiscale. La relation qui unit ces attitudes et le discours
financier tenu par la monarchie n’est pas évidente. Le recours à la notion d’opinion
publique appelle, pour l’époque, quelques réflexions. Du moins l’existence d’un discours
justificatif émanant du pouvoir est-elle un fait acquis. La pression fiscale ne peut
s’exercer sans se dire, et le roi se croit tenu de rendre compte à ses peuples de ses choix,
car leurs incidences les touchent directement. Il le fait en particulier dans ses
ordonnances. Ces textes combinent de façon étonnante la recherche d’une adhésion des
sujets et la dissimulation de l’information, double dimension qui se retrouve
parallèlement dans certaines pratiques quotidiennes.
3 Il est du moins un regard toujours posé sur le roi : celui de Dieu. Ceci explique que le bien
soit la catégorie fondamentale de l’action politique dans le discours royal. Comptable de
ses actes qui engagent l’ensemble du peuple dont il a la lieutenance, François I er doit se
situer, devant le souverain juge, en tant que collecteur de fonds, et de fonds importants.
Est-ce pour compenser les inquiétudes qui transparaissent alors dans le discours que le
roi cherche à rétablir l’ordre dans le domaine financier ? En empêchant ou en
sanctionnant les débordements de son personnel et de l’ensemble des hommes d’argent,
456
le roi contribue à l’avènement d’un ordre moral dont il est en théorie le garant. Ce faisant,
il rétablit un ordre social perturbé, par le recours à des gestes à forte charge émotionnelle
et symbolique.
4 A terme, la question se pose d’une véritable tentative de « diabolisation » du personnel
financier par les hommes de pouvoir. Les officiers de finances en tant que groupe, et au
premier chef le personnage emblématique qu’est Semblançay, sont-ils la cible d’une
opération politique dont la logique éventuelle demande à être explicitée ? Au-delà de
l’analyse de la démarche entreprise, il faut jauger son impact sur l’ensemble de la société,
en utilisant les traces ténues qu’elle laisse dans les sources disponibles. L’étude du « cas »
Semblançay, particulièrement bien documenté en raison de sa résonance exceptionnelle,
permet d’affiner une réponse globale qui ne peut être qu’assez grossière.
5 A la veille de Marignan, François Ier, lors de négociations de la dernière chance avec les
Suisses, doit réunir d’urgence cent cinquante mille écus. Il les trouve dans son propre
camp en quelques heures. La bonne volonté des sujets, en cette circonstance, « est bien
pour démonstrer la grande amour que les Français ont à leur prince »1. Mais le cercle du
camp, proches du roi, capitaines et officiers de finances mêlés, est un monde bien
spécifique où coexistent l’amour le plus sincère, parce que le plus intime, du souverain, et
la pression maximale que ce dernier peut exercer. L’octroi de subsides par des groupes
beaucoup plus nombreux de sujets, le plus souvent fort éloignés de la présence royale, est
une tout autre réalité. Si l’amour, cette catégorie politique essentielle du temps, n’en est
pas pour autant absent, il n’en reste pas moins que la négociation prend souvent un
caractère beaucoup plus mesquin. La société politique qui retiendra ici l’attention, c’est
celle qui prend une part active à ces négociations. Elle comprend aussi bien les États
provinciaux que les villes, l’ordre du clergé que les grands corps d’officiers. Tous ceux qui
sont sollicités, en vertu de privilèges anciens et âprement défendus, cherchent à
sauvegarder leur libre consentement dont le principe même ne saurait être remis en
cause. Pour eux, l’objet du débat doit se limiter à l’analyse des motifs qui justifient la
demande royale et à la fixation du montant de ce qui peut et doit être octroyé2.
6 Le fait même de négocier un montant avec le roi ne peut être ici retenu comme critère
unique, sans quoi il faudrait aussi intégrer les fermiers qui, de façon récurrente, viennent
supplier le monarque d’accorder des rabais, avec chaque fois les meilleures raisons du
monde. Si le jeu de la sollicitation peut paraître ici inversé, en fait il n’en est rien : obtenir
un dégrèvement suit la même logique que limiter un prélèvement. Mais les fermiers ne
représentent qu’eux-mêmes. Or la délégation me paraît nécessaire dans ce cadre pour
donner à la confrontation - agents du roi face aux représentants d’un corps -le caractère
d’une négociation politique. Les conditions de ce dialogue doivent être présentées avec
prudence. Certaines sources n’ont en effet pas une grande fiabilité, comme en témoigne la
description faite par Marino Cavalli en 1546 : « Le roi écrit tous les ans aux gouverneurs
des provinces, en leur ordonnant de rassembler dans une des principales villes de leur
gouvernement les trois états, c’est à dire le clergé, les bourgeois et les campagnards, car
les gentilhommes ne payent rien »3. A lire Cavalli, on pourrait croire que ce mode de
perception vaut pour toutes les provinces, ce qui est faux. Quand aux « trois ordres » qu’il
457
mentionne, ils n’ont guère de réalité. Et l’exemption fiscale, d’ailleurs variable selon les
régions (qu’on songe à la taille réelle), n’empêche nullement la noblesse de jouer un rôle
actif dans les débats.
7 En matière de dialogue entre la monarchie et les communautés privilégiées, la tradition
historiographique est depuis longtemps établie : le roi demande et obtient à peu près ce
qu’il veut. Sous François 1er, il est aisé d’apporter bon nombre d’éléments à l’appui de
cette thèse. En contrepartie des demandes qu’il adresse aux divers Etats provinciaux, le
roi est prié de répondre aux doléances que ses sujets font alors monter vers lui. François I
er ne reste pas sourd et certaines plaintes sont effectivement suivies d’effets 4. Mais la
question essentielle, du moins pour la théorie politique, est celle de l’antériorité des
doléances par rapport à l’octroi des subsides. Quoi de plus révélateur alors que de voir
François Ier interdire en 1538 à ses commissaires de répondre aux sollicitations des États
de Languedoc avant que ceux-ci aient accordé l’argent qu’il leur demande5 ? II ne saurait
être question ici d’une négociation sur un pied d’égalité : la réponse royale aux doléances
n’est qu’une grâce libéralement accordée.
8 Dans le quotidien de la négociation, il peut être de bonne guerre de présenter une
proposition très élevée pour ensuite, sous la pression des interlocuteurs, faire un beau
geste et réduire ses exigences. « Si le roi veut six cent mille écus, explique Cavalli, il
demande un million : on discute ; on rabat ; à la fin on s’accorde »6. Duprat conseille aux
commissaires auprès de la municipalité parisienne, en février 1528, de viser haut, pour
intégrer la remise qui sera à coup sûr sollicitée : « Et si vous saurons meilleur gré du
rabais que de leur avoir demandé au commencement »7. Mais les pratiques des agents de
la monarchie sont parfois franchement sujettes à caution et il est des procédés fort
discutables. Le premier est le versement de gratifications, pour ne pas dire de pots-de-vin.
Le gouverneur de Bretagne, Jehan de Châteaubriant, demande au chancelier du Bourg dix
mille It pour les pensionnaires de la province. Il souhaite les « avoir avant le terme de
l’assignation desd estatz pour contenter [...] les principaulx, car ceste petite somme sera
cause que le Roy en aura libérallement une bien grosse »8. Viennent ensuite, en cas de
réticence, les menaces et les pressions. Elles manifestent, au passage, les limites de
l’obéissance spontanée des sujets. Le 26 juillet 1542, le roi désigne une commission pour
emprunter vingt mille écus en Dauphiné. Visiblement, l’enthousiasme des Dauphinois est
plus que relatif. Aussi, pour « convaincre » les leaders naturels de la province, le roi fait-il
saisir les gages des membres du Parlement de Grenoble et du procureur des États. Ils en
obtiennent mainlevée le 3 octobre, sans doute après avoir accepté une levée effective de
quarante mille lt9. La tradition des pressions est ancienne. Un témoin au procès de
Jacques Cœur affirme que, aux États de Languedoc où il était commissaire, l’argentier
« tenoit termes durs [...], de grande authorité et usoit aucunes foiz de commination ». Il
ne s’agit pas de simples calomnies car l’intéressé ne s’embarrasse pas, à le lire, de
beaucoup de précautions face à l’assemblée. Il écrit en 1447 : « Je suys passé par icy pour
avancer les Estatz car ils ne vouloient ne besogner ne avancer mais je les feray expédier
[...]. Estoit nécessaire, et le Roy aura ce qu’il demandoit »10.
9 Les agents du roi n’adoptent cependant pas tous une telle attitude. Ils sont loin d’être
toujours des tyrans de province. D’autant que les instances locales, qui connaissent leur
monde, pensionnent grassement, à leur tour, les représentants du souverain11.
Semblançay, dont le comportement fait écho à celui de Jacques Cœur, a le souci, sous
Charles VIII, de défendre la cause des gens du Languedoc face aux exigences royales,
obtenant parfois même pour eux des dégrèvements. Sa situation devient même
458
provinces peut s’interpréter ainsi : pour le roi, ce qui compte avant tout est la rentrée de
l’argent. Pour lui, il ne s’agit que d’un simple déplacement du motif du versement.
L’annulation, moyennant finance, de la création d’une Chambre des comptes à Rouen ou
le rachat de taxes et d’offices de justice en Bourgogne, le tout dans les années quarante,
vont dans le même sens, tout comme l’octroi par les Bourguignons, en 1522, de cinquante
mille lt pour l’abolition d’un subside sur le vin (outre leur quote-part pour la solde des
gens de pied)21. Au début de 1544, les pays de quart-bouillon, en basse Normandie,
envisagent de donner « ung gros pot de vin au Roy », soit cent mille lt pour éviter « un
merveilleux impoz qui va se mettre pour le sel »22.
14 Ce dernier cas débouche sur une question de méthode. En effet, la menace de l’impôt
devient, entre les mains du pouvoir, comme une invitation à composer. Elle manifeste
alors la ruse de celui qui sait comment obtenir de l’argent de privilégiés menacés. Mais,
menée à son terme pour l’ensemble de la négociation financière, cette explication, fondée
sur la suprême habileté des hommes de pouvoir, fait problème. Lorsque le montant
obtenu est inférieur à ce qui est demandé au départ, pourquoi ne pas soutenir
systématiquement que les agents du roi avaient majoré leurs exigences de façon à aboutir
au chiffre souhaité, c’est-à-dire à celui sur lequel s’achèvent les tractations ? Cavalli et
Duprat ont fait allusion plus haut à ce procédé, qui existe bel et bien. Dans cette logique,
la marge de manœuvre des interlocuteurs est tout simplement nulle, manipulés qu’ils
sont par les commissaires royaux. Restituer aux sujets leur capacité de négociation, c’est
reconnaître parallèlement aux agents du roi la possibilité de l’échec, au moins partiel, de
leurs entreprises, ce qui n’a rien d’impossible23.
15 Reste que cette querelle d’interprétation, qui peut sembler arbitraire, voire ridicule
quand elle est ainsi systématisée, pèse sur l’analyse de chaque aspect précis du dialogue
financier. Qu’est-ce en effet, dans cette perspective, qu’une résistance vigoureuse, mais
d’efficacité limitée, comme celle qu’observe en Bourgogne J. L. Gay ? Est-ce à dire que les
gens des États ont lutté pour l’honneur mais se sont inclinés devant les pressions et
l’habileté des commissaires ? Est-ce au contraire que, dans les délais obtenus, les
réductions grignotées, les doléances reprises, ils ont su affirmer leur place dans la
décision financière à l’échelle de la province ? Quand la résistance des États transforme
une demande de cent vingt mille lt en un octroi de cinquante mille lt, quelle est la part du
recul tactique et presque planifié des commissaires et celle des concessions arrachées de
haute lutte par la province24 ?
16 S’obstiner dans cette voie conduit à négliger le caractère de partenariat et non plus
d’affrontement qui prévaut fréquemment dans les relations entre les États et le
monarque. Par ce biais, l’inégalité apparente du dialogue peut être de nouveau
relativisée. Les travaux de William Beik pour le XVIIe siècle ont mis en évidence une
collaboration entre les États de Languedoc et le pouvoir royal qui s’avère fructueuse pour
les deux parties25. La monarchie, comme le montrent les analyses de David Bien, a pour sa
part tout intérêt à favoriser l’existence de corps solides, en particulier pour garantir son
crédit26. Dans les deux cas, le privilège, y compris fiscal (peut-être surtout fiscal), est la
clef du système. Il faut cependant garder à l’esprit le fait que le dialogue profite avant
tout aux membres des assemblées ou des divers corps eux-mêmes, ou du moins à leurs
ténors, choyés, voire achetés par le pouvoir royal pour aller dans le sens de ses désirs.
17 Il importe, une fois ces bases posées, de s’interroger sur une autre stratégie
monarchique : celle qui consisterait, pour les agents du pouvoir, à utiliser ces relais
locaux pour assurer à moindre coût financier, social et psychologique un prélèvement
460
fiscal d’un maniement toujours délicat. Dans le Dauphiné, une des rares provinces où
l’avancement des travaux permette quelques conclusions, l’accroissement du fardeau
passe précisément par l’élargissement des responsabilités locales et provinciales 27. Ce qui,
à terme, entraîne des affrontements entre les diverses parties prenantes, en raison même
de leur autonomie de décision dans certains secteurs. De fait, la participation à la gestion
est, dès le XVe siècle, une source d’impopularité pour les États du Dauphiné28. En donnant
ou en laissant une (relative) marge de manœuvre financière en matière d’assiette et de
collecte des taxes, le souverain accroît donc les enjeux de pouvoir locaux, avive les
tensions sociales et finit par disloquer les solidarités. La monarchie n’a plus alors qu’à
s’engouffrer dans la brèche. Phénomène identique apparemment en Comminges, au
temps de la grande « Recherche » de 1534-1552. Cette enquête fiscale marque le déclin des
États face aux agents royaux. Or ce sont les Commingeois eux-mêmes, en raison de leurs
rivalités fiscales internes, déjà évoquées plus haut, qui ont fait appel au Conseil et à
l’administration royale pour trancher leurs différends29. Une évolution semblable se
retrouve, semble-t-il, pour les villes30. Le roi tente en effet de les amadouer en leur
donnant une large autonomie dans la levée des charges croissantes qu’il fait peser sur
elles. Elles sont ainsi largement en mesure de déterminer qui prendra sa part du fardeau,
d’où de sérieuses empoignades pour savoir comment celui-ci sera réparti. Il y a là une des
facettes des crises urbaines qui se multiplient à partir des années quarante et qui
déboucheront là encore, à terme, sur une avancée monarchique.
18 Alors, faut-il en définitive faire de la politique royale une lecture « absolutiste » ou une
lecture « transactionnelle » ? Dans le domaine de la négociation financière, cette
opposition me paraît largement factice. Ou, pour mieux dire, l’une n’empêche pas l’autre.
Dans sa pratique, la monarchie assume en effet sans complexe son absence totale de
dogmatisme. Ce qui lui importe avant tout, c’est le résultat, c’est-à-dire la collecte de
fonds. Ainsi, ce serait se voiler la face que d’ignorer pressions, menaces et corruption :
quand ils le peuvent, le roi et ses agents ne se privent pas de tenter le passage en force, au
nom bien sûr d’une meilleure compréhension des intérêts collectifs. Mais, de l’existence
de ces méthodes, il serait absurde de déduire le refus de tout dialogue. La monarchie n’a
rien contre le fait de négocier, à condition qu’elle trouve en face d’elle des interlocuteurs
valables, c’est-à-dire disposant de la légitimité et des capacités nécessaires pour
permettre le rassemblement des fonds. Il n’y a pas, de la part du Conseil, de plan concerté
de réduction des autonomies et c’est donc sans le vouloir, du moins au XVIe siècle, qu’il
lui arrive de fournir à ses partenaires des moyens d’action accrus qui, comme on vient de
le voir, deviennent des armes qui se retournent contre eux.
19 Cependant ce pragmatisme atteint rapidement ses limites en dehors des pratiques de la
gestion quotidienne. Il est un « domaine réservé » sur lequel la monarchie ne souhaite pas
transiger. Tout d’abord, le contrôle de l’emploi des fonds reste largement hors d’atteinte
des instances représentatives. Quant à la législation, elle doit également demeurer
l’apanage du pouvoir central. En 1509, Semblançay morigène à ce sujet les Dauphinois :
« J’ay esté adverty que MM. de la Court ont fait une ordonnance sur la manière de
recouvrer les deniers de la taille, [ce] qui est entièrement aller contre l’ordre général de
tout le royaume. Et quand le roy en seroit adverty, il n’en seroit content »31. Ce contrôle
législatif assez strict, étayé par la réaffirmation fréquente de principes généraux très
fermes, donne au pouvoir une grande maîtrise du déroulement du jeu fiscal. A condition
cependant que ses partenaires acceptent d’en respecter les règles…
461
B. Les oppositions
1. Les figures de la contestation non violente
20 Entre négociation et obstruction, la transition, dans le cadre du dialogue réglé, est sans
solution de continuité. Quand le clergé normand fait tout, en 1517, pour échapper à la
décime, mais finit par être contraint de céder32, son attitude le place-t-il encore sous les
auspices de la collaboration (il plie en définitive) ou de la résistance (il récuse jusqu’au
bout le principe même) ? Et que dire, dans cette perspective, du combat mené en 1543 par
le Parlement de Paris contre la création de la Chambre du domaine33 ? Une forte hostilité
et une action de retardement de la part de l’auguste sénat servent vite d’opportunité pour
une critique plus large de la politique royale. Comme le constate Duprat dès le début du
règne, les parlementaires sont prompts à affirmer « que tout est mal gouverné et mal
guidé et si, par nécessité, on leur recule un quartier de leurs gages [...] tout va mal et les
finances sont dérobées »34. Les débats du Parlement font alors office de caisse de
résonance.
21 Le monde de la justice, et surtout celui de la basoche, joue un rôle important dans la
formulation et la diffusion de la contestation de la politique royale, en particulier
financière. L’autre groupe phare est celui des étudiants. Les pièces de circonstance qui
circulent dans les grandes villes sortent en règle générale des plumes des uns ou des
autres. Le théâtre contestataire dans la capitale, farces de Mère Sotte gouvernant la cour
ou farce de maître Cruche, trouve ici son origine et son premier public35. En Anjou, un
agent du chancelier signale au milieu des années trente que
« les officiers d’Angers ont permys aux bazochiens jouer au carreffour du pillory le
Roy et ceulx qui ce sont mesler de la gabelle, le plus excécrablement que l’on
sauroyt dire, disant que le Roy estoit gouverné par foui conseil qui mectoyt les gens
en piesse par exactions de gabelles, faisans plusieurs mallédictions de ceulx qui s’en
melloient et qui les failloyt sacager »36.
22 Cet exemple est particulièrement révélateur. Il souligne la complicité de certaines
autorités locales et met en évidence le lien perçu entre pouvoir royal et pression fiscale,
une pression qui prend la forme ici d’une relative nouveauté, car l’introduction de la
gabelle en Anjou date du début du règne. Les thèmes de la contestation s’inscrivent dans
une tradition déjà ancienne, aussi anciennne en fait que le prélèvement lui-même et la
première cible notable fut Philippe le Bel, et avec lui ses conseillers avides :
« Un tel ne semblable outrage
Onques mais nul temps ne levèrent
Les rois qui avant toi régnèrent. »
23 Et malgré cela, continue Geoffroy de Paris, le Trésor royal est vide. Les proches du roi
l’ont « devers eux saqué, et en leurs grands manoirs caché »37. Sur ce thème classique
viennent s’ajouter au fil des générations des variations récurrentes. Au début du XVI e
siècle, le personnel royal est trop abondant ou inefficace :
« Nos capitaines sont trop riches,
Nos gendarmes sont trop gorriers.
Nous avons trop de trésoriers
Et nos gouverneurs sont trop chiches »38.
24 Or l’administration coûte de plus en plus cher. L’extension de ses activités oblige le
pouvoir à multiplier les « novelletés », en matière fiscale comme dans la législation. D’où
l’incontournable appel à la tradition :
462
Paris ». Outre l’arrestation des parlementaires, le Journal mentionne aussi le cas de maître
Pantha-léon Lebeuf qui est fait prisonnier le 18 novembre 1523 « parce qu’il estoit
refusant de paier la somme de X livres à laquelle il avoit esté imposé » sur une taxe de
seize mille lt46. De telles interventions manifestent la fermeté du pouvoir. Il tente
parallèlement de détourner l’orage en adoptant, on le verra, la stratégie du bouc
émissaire.
28 Cette période n’est pas la seule où la tension règne dans la capitale. Il est probable que,
malgré son incontestable justification, la levée des 150 000 lt de contribution parisienne
pour la rançon ne s’est pas faite sans murmures. Versoris parle d’une somme octroyée
« indiscrètement et ligèrement » par la municipalité47. La levée d’hommes de pied en 1536
et les problèmes de leur solde donnent lieu au moins à un incident sérieux à Paris, au
grand mécontentement des habitants. A la même époque réapparaît chez eux le
sentiment de « n’avoir ayde dud seigneur [roi] en l’affaire de présent de Picardie »48. En
1545 encore, l’ambassadeur florentin mentionne des démarches de la municipalité de la
capitale pour alléger un fardeau qui nourrit sans doute le mécontentement populaire49. Ce
dernier est moins net à cette époque, ou peut-être en fait est-il moins bien connu en
raison de la disparition des chroniques pour ces années. Ainsi, « François I er n’a jamais eu
à faire face à une rébellion sérieuse dans sa capitale, mais ses relations avec les bourgeois
ont souvent été tendues »50. Et ceci vaut au premier chef pour les questions fiscales. N’est-
ce pas un signe avant-coureur des crises entre Ville et Roi dans la seconde moitié du
siècle ?
29 La capitale est sans doute un lieu privilégié de la contestation. Mais il est aussi un moment
privilégié pour l’expression des critiques : ce sont les mois qui suivent la défaite de Pavie.
Le pouvoir affaibli doit faire face aux reproches de tous ordres qui montent jusqu’à lui. Il
est parfois obligé de solliciter lui-même les critiques. Un tel contexte d’après désastre n’a
rien de nouveau : au lendemain de Crécy, en 1347, les bonnes villes réclament de « savoir
ce qu’était devenu le grand trésor qu’on avait levé dans le royaume par le passé en
dixièmes, maltôte, subsides, forge de monnaie et toutes autres extorsions, par lesquels
leurs gens avaient été malmenés et tourmentés, les soudoyés mal payés, le royaume mal
gardé et défendu »51. Après Pavie, nombreux sont aussi ceux qui veulent faire le point. Le
maître des requêtes René Ragueneau, fort mal vu du roi, demande comme il se doit la fin
du gaspillage et des dissimulations. Mais Guillaume de Montmorency lui-même, guère
suspect pour sa part de manque de loyalisme, cherche aussi à savoir où vont les deniers
du royaume52. Le Parlement s’associe à la municipalité dans le cadre de l’assemblée de la
Salle Verte pour prendre des initiatives financières. Il émet de solennelles remontrances,
et accuse les « favoris » d’être à l’origine du désastre53. La régente, tout comme Duprat,
semble particulièrement réticente à voir la cour s’intéresser de très près aux questions
d’argent. Le 24 juillet, le président Guillard déclare que Madame entend lui interdire « le
manyement des finances », lui laissant « seullement la superintendance de la justice » 54.
30 La contestation de la politique financière se manifeste aussi dans les provinces. Les
initiatives normandes sont les mieux connues. « Les Normands arresterent tous les
deniers de la duché [destinés à la régente, basée à Lyon], disant par eulx qu’ilz les avoient
en leur garde pour subvenir aux affaires de la duché »55. Les Etats de Normandie mènent
ensuite une résistance acharnée contre l’obligation qui leur est faite, ainsi qu’à d’autres
collectivités, de garantir le traité du More, ce grand succès de la diplomatie de Louise de
Savoie face à l’Angleterre56. Le raisonnement est le suivant : « Ratification équipolle à
obligation, et d’avant tout obligation, se qui est faict par l’homme est voluntère, mais
464
après obligation, voluntère est convertie en nécessère ». Si les trois états ratifient, ils se
lient. Or l’Église ne peut payer sans l’autorisation du pape. Quant aux nobles, ils sont
exempts. Reste le Tiers. Si le pouvoir soutient que la ratification n’oblige pas à payer, les
Normands répondent qu’il n’y paraît guère, puisque les impôts sont déjà augmentés pour
solder le premier terme dû à Henri VIII : si on l’oblige à payer avant ratification, que sera-
ce ensuite ? Or cette taxe est levée en contradiction avec le serment du prince et les
privilèges normands. Si on lève une taille de force, la ratification importe peu. Mais en ce
cas les Normands sont serfs et non libres, et « ung serf ne se peut obliger ». La boucle est
bouclée. Les Normands ne cèdent pas, aussi est-ce François Ier qui, à son retour d’Espagne,
doit garantir le traité57. Cette victoire est sans doute, sur le long terme, une victoire à la
Pyrrhus. Les réticences à s’engager ne renforcent-elles pas le pouvoir royal, qui apparaît
comme seul garant possible, en raison même de la défection des États ? Les Normands
refusent clairement de s’engager dans un processus financier « national », qui pourrait
conduire à la définition d’une « dette publique » juridiquement distincte du monarque.
Leur opposition étouffe dans l’œuf cette possibilité. Les Parisiens font le même choix :
« Finablement, après gros débat et murmurerie audict hostel [de Ville], ilz déclarèrent
tous qu’ilz n’en feroient rien et que jamais ilz ne se obligeroient »58.
31 Durant la crise - si le mot n’est pas trop fort - la prudence est de rigueur pour le pouvoir.
Il faut ainsi attendre avril 1527 et le raffermissement définitif de l’autorité pour que les
ténors de l’opposition parisienne au traité du More soient arrêtés59. Pour l’heure, la
régente choisit de freiner au maximum les dépenses, y compris militaires, pour éviter un
mécontentement lié à une surcharge fiscale, d’autant que les prix des grains sont au plus
haut et qu’il faut songer à nourrir les pauvres, par charité mais aussi par peur des
troubles60. La baisse des prix à partir de la récolte de 1525 n’empêche pas le populaire de
rester très sensible aux questions d’approvisionnement. La trêve signée en septembre
1525 est fort mal ressentie. Les Parisiens murmurent, « alléguens que c’estoit en intention
que les ennemis eussent des blés et vins du Royaulme, dont bruit estoit qu’il estoient bien
malgarnis »61. Le pacte de famine n’est pas loin… Or il existe alors des risques politiques.
Dans la capitale, et même dans certains corps de troupes de la région, le connétable de
Bourbon est fort estimé, malgré (ou à cause de) sa « trahison »62. Il faut éviter tout
débordement en ce domaine, d’où pour l’heure un souci d’apaisement dans les procédures
engagées contre le connétable. En 1526, quand vient l’heure de revenir sur les promesses
du traité de Madrid, le pouvoir ménage aussi particulièrement la Bourgogne. Officiers
payés ponctuellement, réductions d’impôts : il faut s’assurer d’une province moins
unanime dans son « patriotisme » qu’on a pu l’écrire parfois. Certains Bourguignons sont
en effet allés jusqu’à se réjouir de la défaite royale, qui peut leur permettre de retrouver
leurs libertés63.
2. Soumission et révolte
32 Mais les inquiétudes du pouvoir sont brèves, et peut-être excessives. Sur l’ensemble du
règne, la soumission aux demandes royales, en particulier sur le plan fiscal, est
remarquable. Voici les notables lyonnais, assemblés pour trouver comment payer la solde
de douze cents hommes de pied : ils « se sont fort estonnez fournyr si grosse somme,
néantmoins, comme bons et très loyaulx subjectz, se perforceront faire tout leur pouvoir
et possibilité »64. Les exemples abondent où, comme ici, alors même que l’ampleur du
prélèvement semble faire problème, les intéressés disent se plier à la volonté du
souverain. Évoquant la réaction éventuelle des sujets à l’emprunt (sacrilège ?) des trésors
465
des églises par le roi, le Parlement craint qu’ils soient « merveilleusement espovantez et
intimidez », mais non qu’ils se soulèvent contre de telles mesures65. Une remarque du
chancelier Duprat, à la fin des années vingt, va dans le même sens : il faut éviter les
retards de paiement des gendarmes et des cours de justice, car d’eux « vient plus de
murmure que de nul autre cousté de ce royaulme ». Ce qui signifie implicitement que la
collecte, elle, ne fait pas de difficulté66. Et, de fait, l’absence de troubles graves ou répétés
s’impose à l’historien, avec cependant une réserve pour l’extrême fin du règne.
33 Cette facilité à percevoir frappe tout particulièrement les étrangers. Ils sont largement à
l’origine du lieu commun de l’obéissance totale. Le roi « peut demander à ses peuples ce
qu’il veut [...] sans une réplique au monde ». « Plus ses peuples sont grevés et plus ils
payent gaiement ». On peut les mettre à contribution « sans crainte de les révolter : c’est
comme s’ils étaient des esclaves »67. Des esclaves, on passe aux animaux. Le roi de France,
aux dires de Maximilien, règne sur des ânes qu’il peut charger comme il le souhaite 68.
D’où le corollaire, développé en particulier par la propagande Habsbourg au moment de
l’élection impériale, selon lequel les Français, clergé compris, sont abrutis de taxes, avec
beaucoup de « nouvelletez et invencions »69. Il faudrait, pour prendre toute la mesure de
ces critiques, mener à l’échelle européenne une étude sur la perception des politiques
fiscales. Mais, souvent, les analyses développées par les observateurs incluent la
réfutation même des affirmations générales trop systématiques auxquelles ils se laissent
aller. Ainsi le Vénitien Marino Giustiniano affirme que le roi peut augmenter les tailles à
volonté, mais il ajoute un peu plus loin que ce fardeau pèse surtout sur les paysans, qui
sont très pauvres : « Toute charge nouvelle leur deviendrait insupportable ». L’extension
est donc bien bridée, sauf à tailler nobles et villes exemptes, ce qui pose d’autres
problèmes.
34 Pour les étrangers, cette obéissance prend d’abord sa source dans la docilité naturelle du
peuple français, solidement épaulée par la crainte du bâton : « Tout cela se paye avec une
grande facilité et, si quelqu’un résiste, on le rudoie de belle manière »70. Là encore, la
contradiction affleure : l’existence de réticences montre bien que la docilité n’est que
relative… Reste enfin le dévouement et l’attachement des Français envers leur roi qu’ils
« révèrent » et « adorent ». Le peuple est « veneratore religiosissimo délia maestà regia » 71.
L’ensemble va dans le sens d’une cohésion qui, quels qu’en soient les fondements précis,
paraît aux yeux des étrangers beaucoup plus forte qu’ailleurs. En définitive, en tant que
représentants de pouvoirs établis, ces observateurs manifestent peut-être une certaine
envie face aux moyens que ses nombreux sujets fournissent sans trop rechigner au roi de
France. Mais les explications avancées sont un peu courtes, voire partiellement erronées.
C’est en effet du côté de la prospérité économique qu’il faut d’abord se tourner pour
comprendre la facilité et la bonne volonté relatives avec lesquelles les contribuables font
face à leurs obligations. Il est clair aussi que, dans ce contexte, les sujets sont assez peu
imposés. La hausse des impôts est faible ; il y a même un recul en valeur réelle pour la
taille. Quant aux innovations, elles sont rares en comparaison de ce qui se fera un siècle
plus tard.
35 Le calme du royaume est en lui-même un signe que le fardeau reste léger : ce n’est pas
parce qu’il est écrasé de taxes et presque amorphe que le peuple français demeure
paisible jusqu’aux années quarante, bien au contraire. En définitive, le roi est obéi
d’autant plus facilement qu’il demande peu. Cette analyse semble appeler quelques
restrictions. Les énormes tailles exigées par Louis XI à la fin de son règne n’ont en effet
pas entraîné de troubles graves. Est-ce en raison de l’important dispositif militaire alors
466
mis en place ou de la brièveté de l’effort ? Il n’en demeure pas moins que le règne a été
marqué, en particulier lors de l’imposition de « novelletés », par toute une série de
mouvements de révoltes, principalement urbains72. Et ce malgré la politique fiscale,
globalement favorable aux villes, du souverain73. En outre, la réaction politique sera forte
au temps des États généraux de 1484.
36 Pour autant, ce qui est « léger » au regard d’autres périodes de l’histoire du royaume,
peut légitimement paraître lourd à qui vient de pays moins chargés. Mais ceci ne vaut pas
pour les Vénitiens, s’il faut en croire l’ambassadeur Cavalli, qui déclare : « La Normandie
est toujours la plus grevée de toutes les provinces ; les Normands payent plus que les
sujets de votre sérénité : mais ailleurs on est mieux que chez nous »74. La taille du
royaume joue ici son rôle. L’importance de la masse fiscale est telle qu’elle permet au roi
d’imposer peu chaque contribuable tout en collectant plus que les autres souverains. Il
faut attendre le milieu du siècle pour observer une dégradation sérieuse de l’ambiance
fiscale, quand se conjuguent accroissement net du prélèvement et retournement de la
conjoncture économique. Et le pouvoir d’achat, lentement grignoté, commence à
atteindre des seuils alarmants. Le tournant se situe sous Henri II. Un exemple peut avoir
valeur de symbole : pour la première fois, en décembre 1555, la municipalité de Valence
émet une remontrance pour se plaindre de ce que la capacité de payement de la ville face
aux demandes royales est épuisée75.
37 Mais les premiers symptômes se font en fait sentir dès la fin du règne de François I er. La
règle du « calme plat », sur laquelle on vient de s’appesantir longuement, connaît, comme
tant de règles, des exceptions. Ou plutôt sa validité tend à diminuer au fil du règne. Les
manifestations ponctuelles de mauvaise humeur ne disparaissent jamais en matière
fiscale, mais leur impact est très faible et leur fréquence épisodique jusqu’aux années
quarante. Cela commence par des manifestations hostiles. Ainsi des Bourguignons
« avoient proféré aucunes parolles injurieuses et sonnantes » contre le receveur ordinaire
de Dijon qui exécute des « lettres royaux » concernant la réforme du domaine. Une
information est ouverte contre eux76. En 1516, le roi évoque des procès engagés à
Bordeaux, à cause d’excès et de rebellions « sur le fait des fermes et aussi pour les offices
de la jurade ». L’évocation est justifiée par les « discors, querelles et divisions » découlant
d’un problème de juridiction entre André de Foix, lieutenant général en Guyenne, et le
Parlement de Bordeaux77. L’établissement en 1522 d’un nouveau droit sur le vin sortant
du royaume provoque une agitation dans les pays viticoles, agitation suivie d’effet
puisque la Bourgogne est exemptée dès 1523 et la Guyenne en 152578.
38 Les charges financières sont une des causes de la révolte de Sarlat durant l’hiver
1526-1527. En 1526, les consuls de la ville avaient d’ailleurs présenté une requête au roi
pour obtenir une dispense de certaines impositions. Ils prétendaient ne pouvoir y faire
face à cause de la peste79. Cependant, la description de l’agitation ne met pas en évidence
son origine fiscale : « Se sont assemblez audict pays [de Périgord], et mesmement au
ressort de Sarlat, grand nombre de gens portans enseigne, cryans quelzques cris, qu’ilz
ont controuvés, disans et publians qu’il fault thuer tous les gentilzhommes et gens de
justice, [...] crians : Vive la gayté »80. Mais peut-être ce récit officiel, qui parle de trois à
quatre mille révoltés, occulte-t-il les aspects financiers du mouvement. De même, les
précisions manquent sur les troubles du Rouergue en 151881.
39 La cible principale des émotions populaires est la gabelle. Elle est à l’origine, dans les
dernières années du règne, des seules révoltes notables, les premières après un bon siècle
de calme relatif82. Elles se situent plus dans la lointaine postérité des soulèvements
467
urbains de 1382, eux-aussi dressés contre les prétentions fiscales de la monarchie, gabelle
en tête, que dans celle des Jacques avant tout antinobiliaires83. Les années quarante voient
toute une série d’initiatives royales pour étendre la gabelle ou du moins modifier le
régime de la fiscalité du sel. En Normandie, une tentative d’extension de l’impôt dès le
début du règne provoque une « grand clameur de peuple », et la mesure est rapportée84.
Mais à partir de 1544, le pouvoir central tente de nouveau sa chance, en particulier en
établissant entre les pays de quart bouillon et de grande gabelle un secteur à régime de
sel d’impôt85. Au début de 1548, Henri II fait loger des troupes par Joachim de Matignon,
lieutenant général de la province, dans les villages des environs d’Alençon qui se sont
soulevés contre les officiers et commissaires du roi sur la gabelle, et ce jusqu’à
l’achèvement des informations contre les coupables86. Pour une part au moins, malgré
cette répression, les contribuables obtiennent gain de cause. Dans la vicomte d’Orbec,
Henri II octroie des lettres de rémission aux habitants des paroisses qui se sont soulevés
au sujet de l’établissement du sel d’impôt87. Et la vicomte continue de faire partie du
secteur de vente volontaire.
40 Mais c’est dans le Sud-Ouest qu’éclatent les troubles les plus graves, directement liés aux
aléas de la législation royale. L’enchaînement des mouvements est bien connu88. La
première révolte est centrée sur l’Aunis et les marais salants, en 1542. Le Périgord prend
le relais en 1545, suivi par la Saintonge l’année suivante89, en attendant l’embrasement
beaucoup plus grave de 1548, avec comme épicentre, outre Bordeaux, l’Angoumois et de
nouveau la Saintonge. Normandie et Sud-Ouest : la géographie des troubles préfigure
celle des grands soulèvements du règne de Louis XIII.
41 En fait, durant les années quarante, la tension est quasi permanente dans le Sud-Ouest. Au
printemps de 1545 par exemple, le roi envoie à La Rochelle et dans les environs un maître
des requêtes avec une compagnie de gendarmes « per far danari e augumentare le gabelle de
sali e altro ». Ce type de démarche annonce les méthodes des intendants de Richelieu. Mais
il est bien difficile d’agir : « S’intende quei popoli essere tutti sotto sopra e quasi ammutinati »
conclut l’ambassadeur florentin90. Et la gabelle n’est pas seule en cause dans ce climat
tendu. L’aggravation générale de la fiscalité dans les années quarante, en particulier dans
les villes, joue son rôle91. Une chronique de Saint-Maixent, en Poitou, donne le ton au
milieu de 1544. Le roi demande alors la levée d’un emprunt sur les cités de la province,
« pour laquelle payer est convenu vendre les trésors des Églises de Saint-Saturnin et de
Saint-Léger. Et c’est encore une seconde taille, outre la grande taille, les francs-fiefs, les
arrières-bans et encore la garnison qui se tient, dont le peuple est fort fatigué ». Un an et
demi plus tard, alors que les troupes multiplient les déprédations en Poitou, le lieutenant
général de la sénéchaussée écrit au gouverneur qu’il est « très nécessaire [d’y] pourveoir,
autrement y aura dangier de pragier en ce pays »92. « Pragier », c’est évidemment se
révolter, comme au temps de la Praguerie, sous Charles VII, un mouvement qui avait
touché au premier chef le Poitou.
42 Malgré le poids des troupes, la stratégie adoptée par le pouvoir n’est cependant pas celle
d’une répression à tous crins. L’épisode du pardon royal aux Rochelais, le 31 décembre
1542, est bien connu93. Cependant, ce pardon n’est pas gratuit : le roi lève une amende de
quinze mille muids de sel sur les marais salants, qui doivent être fournis au grenier de
Rouen. On est en pleine guerre : le souci de ménager les populations n’empêche pas de
chercher à obtenir des fonds par tous les moyens. La monarchie tire ensuite des profits
sérieux de ce sel, soit en le vendant directement, soit en dédommageant en nature des
créanciers, procédure qui a déjà été évoquée94. Pour autant, le pardon ne se dissocie pas
468
43 Officiers de finance et soldats ne sont pas les seuls instruments de la monarchie dans sa
quête de fonds. A la nécessité de contraindre répond le souci de convaincre. Celui-ci passe
par un discours structuré et cohérent. Contrairement à ce qu’écrit Versoris lors d’une de
ses attaques, le roi ne prélève pas « sans propos ne raison ». La ponction monarchique ne
peut pas plus se passer de mots que de collecteurs ou d’espèces métalliques : il faut
précisément exprimer des « propos » et des « raisons ». Ils figurent dans les préambules
des Ordonnances des Rois de France du règne. Celles qui sollicitent des fonds doivent en
effet exposer quelles circonstances motivent les demandes royales. Une cinquantaine de
textes ont été ici retenus96. Ce regroupement n’a rien d’exhaustif, mais il est largement
représentatif et fournit une bonne base de départ pour un travail efficace. Rien n’interdit
d’ailleurs de recourir à d’autres documents pour compléter les analyses.
44 Le désir d’informer et de se justifier paraît donc être à la base du message et, partant, de
la démarche de la monarchie. Mais qui s’agit-il d’informer ? Et, quand on s’immerge dans
ce discours, ce désir résiste-t-il à l’analyse ? La justification monarchique ne s’adresse pas
nécessairement à ceux que l’on croit…
que de se demander qui parle au travers des remarques financières des chroniqueurs. Que
penser par exemple de l’adhésion assez nette qu’exprime Jehan Bouchet, clerc poitevin et
juriste réputé, pour ce qui touche aux besoins de la monarchie dans les années quarante98
? Reflète-t-elle la seule conviction de l’auteur, dans une région traversée par la grogne
antifiscale, ou un plus vaste courant de loyalisme, qui expliquerait, entre autres, l’absence
d’explosion marquée ?
46 Mais là n’est pas l’essentiel, qui se situe dans une critique beaucoup plus radicale mettant
en cause le recours même à la notion d’opinion publique, trop souvent confondue avec la
simple expression d’une demande émanant du corps social. Les sociologues nient la
validité de l’utilisation rétroactive d’un concept et d’une réalité nés au XXe siècle : « En ce
domaine, connaître, c’est aussi faire exister, et l’ignorance équivaut ici à une quasi-
inexistence sociale. Mobilisant toutes les ressources disponibles [...], [les historiens]
fabriquent une « opinion publique » qui, en fait, n’a jamais existé ainsi pour personne,
faisant disparaître du même coup la spécificité de cet objet éminemment historique » 99.
Ce jugement sans appel souligne que la mise à jour d’une « opinion publique » ne prend
tout son sens que dans l’instant, lorsque sa définition par les divers agents de la
reconnaissance sociale et politique est un enjeu immédiat de lutte. A l’inverse, la
tentative de construction d’une « opinion » par l’historien n’est d’aucun fruit, y compris
scientifique, puisqu’elle méconnaît les réalités de la formation et de l’expression des
opinions dans un contexte donné. Cela ne peut conduire que sur de fausses pistes. La
réflexion historique vient épauler les réserves des sociologues, au moins pour ce qui
concerne la première modernité : « Les lieux de la discussion active, ceux dans lesquels on
« opine », ne sont pas publics. Et quant à ceux où se tenaient des discussions publiques, on
ne saurait leur reconnaître la capacité de transformer des « bruits » en opinion. Une
opinion publique qui n’aurait pas conscience de son existence, cela peut-il exister ? ». La
conviction de l’historien relaie ici celle des contemporains : « Aucun écrivain ne croit
alors à la clairvoyance politique du commun. Ni même qu’il puisse avoir de véritable
opinion »100. Au XVIe siècle, souligne Michèle Fogel, le roi est attentif, non pas à
l’« opinion », mais aux seules plaintes et doléances de ses sujets101. La mutation, en ce
domaine, ne se produira à Paris que sous Louis XV102. Le risque qui se profile
indirectement ici est peut-être de ne plus pouvoir caractériser une société autrement que
par ses propres catégories. Qu’on se rappelle, en un autre domaine, la querelle sur « ordre
et classe »…
47 De toute manière, l’existence d’une opinion « éclairée » (opinion publique restreinte ?
opinion collective non publique ?) et à l’intérieur de celle-ci, la circulation d’informations
et de prises de position ne fait en revanche pas de doute103. Elle seule, lors des moments
de tension extrême, comme èn 1525, peut se permettre de demander au roi et à ses agents
des informations sur la situation des finances. L’étendue de cette « opinion » susceptible
de s’exprimer est plus ou moins vaste selon les secteurs. Au début du XVIe siècle, la
capacité de prise de parole est probablement plus grande dans le domaine religieux que
dans le domaine financier. Plus nombreux sont ceux qui se reconnaissent le droit à
l’opinion dans le premier cas que dans le second. Encore cela nécessite-t-il bien des
nuances. Quelle est l’autonomie de choix chez ceux qui rompent avec le catholicisme ? Et
le droit à l’opinion n’est pas plus (et sans doute moins encore) accepté par les autorités en
religion qu’ailleurs. Enfin la révolte peut-elle être considérée, dans le domaine fiscal,
comme l’expression d’une opinion ?
470
48 Ces réflexions générales, et les réserves qu’elles entraînent, ne troublent évidemment pas
la monarchie. Dans ses ordonnances, elle a le ferme désir de s’adresser à tous ceux qui
verront ou entendront les lettres qu’elle produit. Au premier abord, les sujets sont les
évidents destinataires de cette prose. Le désir d’informer semble net, comme le
préambule d’un mandement du 24 juillet 1522 pour une levée de taille en Comminges le
rappelle : « Désirons bien que nosdicts bons et loyaulx subjectz congnoissent et entendent
que, pour la tuicion et deffence de nostredict royaume et d’eulx, n’avons rien obmys et ne
voulions obmectre de ce qui estoit pertinent »104. Aussi les ordonnances royales
s’étendent-elles sur les diverses dépenses qui motivent les demandes de fonds pour
« l’entretenement de Testât de la chose publicque de nostre royaume »105. L’allusion aux
frais représentés par l’ordinaire est irrégulièrement présente106. Très logiquement,
l’insistance sur cet aspect permanent des besoins se fait plus forte lors des périodes de
paix, en 1518-1520 ou en 1533-1534. Cependant cela n’a rien de systématique : en période
d’opérations militaires, en 1515 ou 1522, l’ordinaire est aussi évoqué107.
49 Mais, traditionnellement, les textes s’attardent surtout sur la guerre, figure imposée du
discours. Encore faut-il argumenter correctement, tous les comportements guerriers
n’ayant pas la même efficacité rhétorique et idéologique. La présentation des faits
s’efforce de faire coïncider le conflit de l’heure avec la posture la plus satisfaisante
moralement et donc politiquement, celle de la guerre défensive. Agissant « pour la tuition
et deffence » du pays, François Ier doit « obvier et résister à plusieurs entreprinses [...] qui
se meuvent et conspirent à rencontre de [lui] et de [son] dit royaume »108. De ce fait, il est
aisé de justifier la résistance aux attaques dont la France est victime. Dans une lettre au
Parlement de Paris du 23 mai 1522, le roi déplore que la détresse du Trésor fasse obstacle
à la défense du royaume menacé d’invasion109. En revanche, les subtilités du jeu italien
imposent des contorsions plus délicates. Cependant le schéma reste le même : laisser
l’ennemi bafouer les droits français dans la péninsule, comme il l’a si souvent fait sous
Louis XII, lèse à terme le royaume car Charles Quint ne s’arrêtera pas en chemin. Une fois
les Français « déchassez de l’Ytalie, [...] par après luy et ses aliez [pourront] nous venir
courir sus en noz royaumes, pays et seigneuries de deçà »110. Ainsi jamais le « mirage
italien » ne justifie à lui seul, dans ces textes du moins, la guerre et donc le prélèvement.
Certes, le pouvoir destiné à la régente, en août 1523 affirme qu’il y aurait « grant honte et
vergongne » à « habandonner nosd amys, serviteurs et subjectz » du Milanais, d’Asti et de
Gênes, mais c’est pour ajouter aussitôt : « Si nous y laissons asseurer et fortifier [nos
ennemys], veu leur mauvaise et dampnée volonté et les autres grosses puissances qu’ilz
tiennent par delà, mectons en émynent péril et danger de ruyner nostred royaume, pays
et seigneurie de deçà »111. En conséquence, dans le discours, l’Italie n’est jamais
prioritaire, et le royaume toujours. La menace anglaise sur la Picardie en 1522 oblige d’y
envoyer des troupes qui étaient parties « outre-monts » à la reconquête du duché de
Milan. Il n’y a donc que des guerres défensives.
50 Ce discours est parfois repris à leur compte par les contribuables. En mai 1515, un des
arguments avancés pour accorder au roi des fonds, dans une assemblée parisienne, est le
fait « que c’estoit pour la deffence de ce royaume ». Or il s’agit du Milanais. C’est sans
doute cette bonne volonté qui explique qu’un an plus tard François Ier sollicite une aide
précisément en raison de l’intervention de Maximilien en Italie du Nord112. Le passage en
Milanais est aussi magnifié par les Lyonnais lors de l’entrée du roi dans la ville, en juillet
471
1515. François Ier éloigne en effet du royaume, par sa campagne italienne, le spectre de
l’invasion, très présent deux ans seulement après le déferlement suisse en Bourgogne.
Louis XII avait dû prendre alors des mesures de défense fort onéreuses pour la cité. Aussi
l’expédition outre-monts doit-elle à terme réduire le fardeau financier de Lyon113. En
revanche, la volonté du roi, en 1523, de ne pas laisser le royaume « dépourvu de gens de
guerre ni de conseil » alors qu’il part vers l’Italie, ne semble pas convaincre tout le
monde, s’il faut en croire l’opinion déjà citée de Nicolas Versoris. Italie et défense du
royaume ne font plus ici bon ménage.
51 Le roi, à le lire, pousse parfois la bonne volonté jusqu’à mettre sur pied une armée pour
« empescher et garder que [les ennemis] ne nous facent invasion » et ce sans chercher à
faire « quelque exploict de guerre, [...] fort seulement garder nostre dict royaume et
subjectz »114. La figure militaire la plus adaptée à ce discours est évidemment la
fortification. Elle garantit d’un même mouvement la bonne foi du pacifique et la défense
efficace de l’agressé. L’exaltation des places « commodes et proufitables pour la seureté et
desfence de nostre dicte frontière » se fait de plus en plus fréquente vers la fin du règne,
en lien avec un effort matériel plus important115. Mais si la guerre coûte cher, la paix
entraîne aussi de lourdes dépenses. Le roi revient sur ce point chaque fois que le contexte
diplomatique l’y invite. A l’effort fait lors du conflit doit s’ajouter un effort
supplémentaire pour parachever, garantir, en un mot acheter la paix, que ce soit pour le
règlement de la rançon ou les versements aux alliés. D’une certaine manière, la
construction de solides places fortes peut apparaître aussi comme une sauvegarde de la
paix. Ainsi donc le discours adressé aux sujets ne peut-il être qu’un discours du manque et
de l’insuffisance. Les difficultés financières empêchent le monarque de faire face à ses
obligations : c’est pour cette raison qu’il lui faut prélever encore.
52 Destinataires privilégiés, les sujets ne sont cependant pas les seules cibles du discours
monarchique. Les méandres de la diplomatie imposent la production d’une propagande à
tonalité ou à finalité financière. La lutte de libelles est chaude avant l’élection de 1519,
entre les attaques des agents Habsbourg qui mettent en avant le fardeau fiscal écrasant
qui pèse sur les régnicoles, et les assurances multipliées par la propagande française116. En
mai 1536, le roi veut réunir les marchands allemands présents à Lyon pour, en personne,
« leur tenir des propos accomodez au temps »117. Nul doute qu’il espère en faire, dans
l’Empire, des relais du discours monarchique. Et cela prioritairement dans des milieux
financiers particulièrement sensibles à la conjoncture internationale, et que tout pouvoir
responsable cherche à ménager. L’efficacité de l’intoxication à usage externe, qui passe
souvent par le canal des ambassadeurs, est relative. Si le Vénitien François Giustiniano ne
craint pas d’affirmer en 1537 que les finances du roi « lui donnent tout ce dont il a besoin.
Ainsi ce n’est pas le manque d’argent qui le pousserait à une paix sans utilité et sans
honneur », à l’inverse, en février 1516, l’ambassadeur florentin doute fortement de la
bonne santé financière dont se vante le roi118. Il se livre en ce domaine une véritable
guerre de chiffres. Le nonce, d’après des informations qu’il juge fiables, estime au début
de 1542 que le roi peut, en cas de guerre, réunir en six mois six à sept millions d’écus 119.
En 1546, l’ambassadeur vénitien Cavalli tient de « Sa Majesté et d’autres personnes » que
les dépenses de guerre de 1542-1543 se sont montées à douze millions d’écus, soit plus du
double de la réalité120. Ces anticipations ou ces bilans largement surestimés ne peuvent
avoir pour but que de majorer les capacités du monarque et donc de mettre en valeur
l’importance de ses moyens. Au discours du manque à usage interne répond un discours
de l’abondance, destiné à l’extérieur. Un « budget » des années 1518-1519,
472
exceptionnellement gonflé, avec des rentrées ordinaires supérieures à sept millions de lt,
se termine par cette remarque : si besoin est, « led seigneur [roi] demande deux ou troys
millions de francs ou une autre somme telle qu’il luy plaist et que ses affaires le
requièrent », et ce sans la moindre réflexion sur les expédients possibles121. La destination
de ce document est ignorée. Mais ne pourrait-il s’agir d’un outil de propagande ? Y
confluent en effet l’utilisation de chiffres excessifs et le topos du roi imposant à volonté et
sans limites ses sujets. Cette vision d’un roi libre de solliciter - et d’obtenir - ce qu’il veut
serait donc, en partie du moins, produite par le pouvoir lui-même pour faire illusion sur
ses possibilités réelles, pourtant déjà considérables. On est ici au cœur du royaume du
« faire croire ».
manifester, de façons diverses, leurs critiques ou leurs refus, et en fait leurs refus plus
que leurs critiques, en particulier dans le cadre des révoltes. Le temps est encore à venir
où les sujets se persuaderont de leur droit et de leur compétence à critiquer et désobéir 125,
quand « l’usage public de leur raison par des personnes privées », reconnu par Kant
comme constitutif des Lumières, prendra toute sa place. Pour l’heure, il n’est d’autre
discours financier que celui de la monarchie, qui se cherche, au cœur même de sa
pratique discursive, un interlocuteur moins évident qu’il n’y paraît au premier abord.
57 La monarchie, pour « faire croire », dispose cependant encore de moyens limités. Elle
peut toujours « sous-traiter » aux spécialistes de la chose une partie du travail, et
s’aboucher avec tous les frères André de Ferrare du royaume. Ils sont toujours
disponibles, surtout si on promet à l’éloquence une belle récompense. Dans le cas de frère
André, comme l’insinuent les du Bellay, il ne s’agit de rien moins que de l’archevêché de
Milan. En un temps où les possibilités d’action du pouvoir ne sont pas illimitées, il lui faut
savoir mettre en valeur ce qui est fait. « Agir peu, faute de moyens, tout en magnifiant
cette action par la propagande. Cet aphorisme pourrait être la devise de mainte
administration d’Ancien Régime »126. D’où le souci du coup d’éclat, y compris en matière
de finance, de la création du trésor de l’Épargne à la suspension des receveurs généraux.
La majesté du pouvoir s’y manifeste clairement : n’est-ce pas là le cœur du message ? Les
actes les plus spectaculaires procurent un retentissement maximal. A travers les
pendaisons de Semblançay et de Jehan de Poncher, le roi entend manifester à la fois la
vigueur de l’autorité souveraine, le souci de la justice, le rétablissement d’un ordre social
perturbé et le grand ménage des finances. C’est beaucoup, trop sans doute, comme on le
verra. Malgré tout, par de tels événements, dont la vertu pédagogique doit éclater aux
yeux du plus grand nombre, en particulier dans la capitale, le pouvoir cherche à « faire
l’opinion ». Ces manifestations sont d’autant plus précieuses qu’elles permettent d’agir
sans diffuser d’informations financières. Ce mutisme trouve place en fait au cœur même
du discours.
B. Faire silence
1. Dissimuler l’information
58 Avant toute chose, il faut rappeler l’évidence : taire certaines informations financières est
d’abord une preuve de sagesse politique. Ainsi, il est peu souhaitable que l’ennemi dispose
de renseignements valables sur la réalité des finances royales, en particulier quand la
conjoncture est mauvaise. Outre l’intoxication, qu’on a déjà vue à l’œuvre, les hommes de
pouvoir recourent à d’élémentaires précautions. Ils cherchent par exemple à masquer,
autant que faire se peut, la dramatique situation de 1521. Dans une commission pour
aliéner en Dauphiné, le roi ordonne le 11 août que les commissaires usent d’une
procédure plus discrète que la traditionnelle « publication es lieux requis [des] places et
portions qui seront vendues », et ce « pour obvier que noz ennemys n’en soient advertiz »
127
. Le 8 octobre, à propos des difficultés que rencontre Lautrec en Milanais pour payer ses
Suisses, Louise de Savoie écrit à Robertet que le roi « n’est content que on leur satisface
par hostaiges ou engaigement de ville de la duché ». Elle ajoute : « Je ne le puis trouver
bon ; [...] ce seroit que les estrangiers et ennemys du Roy congneussent ses affaires estre
en telle extrémité »128.
59 Mais le secret est aussi d’usage dans certaines institutions. Il est théoriquement de
rigueur en matière de contrôle financier. A la Chambre des comptes, la déclaration du
474
26 novembre 1447 ordonne que « ledit correcteur et pareillement les clercs de nosdiz
Comptes tiengnent secret, comme faire doivent, les restes et sommes quelzconques qu’ilz
trouveront nous estre deues par lesdiz comptes ». Plus généralement, le règlement du
23 décembre 1454 souligne que « les faiz et escriptz de ladicte Chambre doivent estre
tenuz secrectz et plus que nulz autres, ce qui n’a pas tousjours esté bien gardé jusques
cy ». Les « suppostz de ladicte Chambre » doivent respecter désormais cette injonction,
qui concerne également « les consultacions, oppinions et délibérations d’icelle
Chambre », et ce « sur peine de privación de leurs offices »129. La cour, qui comprend
désormais des officiers et non plus de simples fidèles du roi, amenée à plonger dans les
arcanes de l’alchimie administrative et financière, sert donc un peu de laboratoire en ce
domaine. Mais depuis longtemps déjà les trésoriers sont eux aussi astreints au silence. A
la fin du règne de Philippe le Bel, ils prêtent serment « que Testât de leur recepte à home
nul, se n’est à monseigneur de Marreigny, il ne révéleront de cy à II ans [...] et que les
noms des persones de qui les empruns seront faiz il ne révéleront devant autre temps » 130.
La discrétion comme garantie pour les prêteurs, évoquée ici, est toujours une réalité au
début du XVIe siècle.
60 Cependant, le « secret des finances » peut aussi se retourner contre eux. C’est par
l’ignorance de la situation réelle des caisses royales que Roger Doucet explique la bonne
tenue du cours des obligations du Grand Parti en 1559 encore, alors que la crise
financière, pour qui dispose des données valables, est déjà largement ouverte. Et
l’historien de conclure benoîtement : « Le mystère qui entourait l’administration était
une méthode très sage dont nous apprécions ici les résultats »131. Le secret devient donc
une arme contre les étrangers, les officiers soupçonnés de fraude ou les prêteurs. La
même logique est à l’œuvre dans l’Angleterre d’Henri VIII. Sybil Jack pense même que
l’incohérence apparente de certains circuits comptables peut servir à égarer ceux qui
cherchent à connaître d’un peu trop près les finances de la monarchie132.
61 Pour les sujets, un des moyens de tourner ce secret est la justice. Dans le cadre des procès,
la monarchie ne peut parfois éviter de communiquer des informations précises. C’est sans
nul doute une contestation portant sur les impositions qui permet aux marguilliers de
Sceaux, en novembre 1542, d’avoir accès à « ung compte escript en parchemyn des tailles
et équivallent de la prévosté et vicomte de Paris contenant trente six feuilletz de
parchemyn escriptz »133. Ce document adapté aux nécessités de l’affaire ne fournit
cependant que des données partielles.
62 A leur tour, les contribuables ne manquent pas d’opposer le plus d’opacité possible aux
regards du pouvoir. Une intervention du trésorier de France Jehan Grolier en 1557 fournit
une illustration des appuis dont ils peuvent bénéficier en ce domaine. Grolier, qui plaide
pour une diminution du fardeau fiscal des Lyonnais, écrit en effet à la municipalité de la
ville pour lui donner des conseils de discrétion. Il s’agit d’éviter que certains officiers du
roi puissent utiliser les renseignements obtenus pour exiger plus d’argent de la cité : « Il y
a dans Lyon des officiers de finances et d’autres de justice joints ensemble, qui ne cessent
journellement de s’enquérir de vos affaires et les descouvrir au conseil privé pour se
montrer bons varletz. Je vous supplie que vos affaires soient secrets pour le prouffit du
public, car la complexion du courtizan n’est sinon de veoir où en pourra prendre »134. Au
passage s’exprime ici, dans la bouche d’un officier de finance solidaire de sa ville natale,
une opposition paradoxale entre intérêt public et fiscalité royale qui est irrecevable par le
discours financier du roi.
475
63 La démarche de la monarchie telle qu’elle se dégage sous François Ier - mais ce n’est à
coup sûr qu’une étape - va bien au-delà du calcul immédiat ou de la simple prudence.
L’analyse des « lettres royaux » montre comment, au cours du règne, le silence se fait
progressivement. A l’exception des sommes que le roi demande, une évolution nette se
dessine dans ces textes pour ce qui concerne la mention de données chiffrées. Jusqu’en
1518, six lettres sur neuf contiennent des précisions importantes sur le montant des
dépenses engagées, que ce soit pour une campagne militaire (1,5 à 1,6 million de lt), pour
cinq mois d’Extraordinaire des guerres (0,6 million de lt) ou pour les Suisses (1,1 million
en un an). On revient même sur le règne précédent, en particulier sur les 1,4 million de lt
du passif laissé par Louis XII135. Cependant l’évocation précise du déficit accumulé depuis
le début du règne semble taboue. Malgré cette restriction, les textes fournissent donc des
renseignements précis et intéressants. A partir de 1519, le silence se fait. Jusqu’en 1524,
sur douze textes, aucun nouveau chiffre de dépenses. Seules apparaissent quelques
vagues données touchant les recettes : la pension de Naples que Charles Quint rechigne à
payer ou, fin 1519, une remarque : il faudrait bien trois millions de lt de taille pour
l’année qui vient, mais le roi, « pour la pitié et compassion que [a] de son peuple », saura
se contenter de 2,4 millions136. Est-ce le climat de tension qui explique l’hapax de
septembre 1524 ? Le roi donne alors le coût mensuel de l’Extraordinaire des guerres, soit
environ 300 000 lt137. Mais, avec la déroute de Pavie et la crise politique consécutive,
l’hapax s’avère précurseur : dans chacune de ses lettres en effet, Louise de Savoie fournit
des chiffres. Cependant les montants mentionnés sont très partiels et ne peuvent être
comparés aux précisions du début du règne138.
64 Le retour de François Ier n’en ramène pas moins un silence quasi total de 1526 à 1528. Une
seule exception, la quote-part mensuelle de la France à la Ligue de Cognac (150 000 lt) 139.
Mais il s’agit d’une information officielle, accessible par d’autres canaux, au moins en
théorie. A partir de 1528, les chiffres se mettent à refleurir dans les lettres. Mais ils ne
concernent qu’un seul poste de dépense : la rançon du roi. Chiffre global (deux millions
d’écus d’or dont 1,2 million d’écus lors de l’échange) ou ventilations internes servent ainsi
d’ultime alibi « numérique » jusqu’en 1533. Avec les neuf derniers textes du corpus, le
silence est désormais complet. Aux officiers et aux représentants locaux des populations
de se satisfaire des allusions sans cesse reprises et désormais seules présentes aux « très
grands et incroyables despences » auxquelles il faut faire face.
65 Est-ce aller trop loin que de chercher à lire ici une évolution du discours de la monarchie
sur elle-même ? Une explication plus simple peut tenir à la personnalité des rédacteurs
des actes, à travers l’observation du renouvellement au cours du règne des secrétaires
signant en finance140. Une étude de détail montre malheureusement qu’il n’y a aucune
corrélation possible en ce domaine. Le cas le plus net concerne la période 1517-1520 : à
une exception près, Robert Gedoyn signe toutes les lettres retenues (soit neuf sur dix). Or
c’est pourtant à ce moment que se fait la rupture, et que l’on passe des données précises à
une phase de mutisme. L’alternance des périodes de paix et de guerres ne se révèle pas
pertinente non plus. Ne reste donc qu’une évolution révélatrice de la montée du « secret
des finances ». Le creusement progressif du déficit serait-il tel que le roi se refuserait à
toute précision ? Cela aussi est peu probable. D’une part cette donnée est absente dès le
début du règne. Par ailleurs, si la situation est effectivement critique de ce point de vue
en 1523 ou 1538, en revanche les années 1533-1535, celles où s’installent un silence
476
normal réservé aux initiés, manifeste la crise ouverte du modèle, du discours et des
pratiques de la monarchie absolue145.
70 Le secret de l’État se développe parallèlement au secret du prince, pour lequel François I er
représente aussi une étape cruciale. Secret de l’affirmation de soi, manifesté par le
caractère privé de bon nombre des pièces rassemblées par Anne-Marie Lecoq. L’alchimie
idéologique se façonne dans l’intimité du cercle familial. Secret des significations de la
galerie de Fontainebleau, dont l’accès lui-même est réservé à quelques privilégiés 146. Ainsi
se construit la dimension insondable du Prince, et sa radicale spécificité. Tout incite à
penser que le secret d’État conduit à mettre en évidence l’insondable de l’État, et au
premier chef de ses finances147. Ce qui amène à conclure que le discours politique
véritable ne peut être destiné au peuple. Mais, dans le même temps, l’exaltation du
pouvoir par le pouvoir doit lui assurer une audience et un prestige accrus. Avec alors la
tentation, à la fois logique et paradoxale, de fonctionner en vase clos.
toujours la même : le texte ne fait que répéter ce qui est posé comme déjà su par le texte
lui-même. Le discours peut aller plus loin encore dans la construction de l’évidence qu’il
postule en affirmant : « Comme chacun ait assez veu et congneu par expérience le mauvais
vouloir et affection [de] noz ennemys… », faisant ainsi pratiquement de « chacun » la
victime directe de l’adversaire155. Le mandement pour la levée de la taille en Comminges
daté du 24 juillet 1522 vient couronner l’édifice. Chacun sachant les entreprises de
l’ennemi, « il n’est ja besoing, actendu que lesdictes affaires sont si notoires, d’en faire
autre déclaracion »156. Et pourtant, sur deux pages, le texte se poursuit par un récit
détaillé des opérations, y compris la descente des Anglais à Morlaix. Il n’est pas nécessaire
de dire ce que tout le monde sait, mais il faut quand même le dire. Tout est déjà su, mais il
convient cependant de l’écrire de nouveau. De quel ordre est cette nécessité, puisqu’il ne
s’agit pas d’informer le peuple ? La logique du discours renvoie aux préoccupations
propres des rédacteurs des lettres.
C. Le dieu cache
1. Prélèvement et culpabilité
82 Ce n’est pas la raison d’État qui fait agir le roi de France. Le mot de raison n’est pas absent
des textes, mais il y prend une toute autre valeur. Ainsi, pour les funérailles de Louis XII,
François Ier a procédé « comme la raison estoit », le plus honorablement qu’il a pu 168. La
« raison » se veut ici dynastique et familiale. Elle touche à la justice, à l’honneur et au soin
à rendre aux morts - une des sept œuvres de miséricorde - en fonction de leur état.
Quand, en août 1521, le roi déplore la « rompture de paix », il affirme avoir tout fait pour
l’empêcher et pour se « mectre plus que en [son] devoir, et avoir Dieu et la raison de [sa]
part »169. Raison est ici entendue au sens de bon droit, de justice. C’est ainsi sans doute
que l’utilise Versoris quand il évoque un prélèvement opéré par le roi « sans raison ».
Cette dernière est associée à Dieu, auquel il n’est guère de lettre qui ne fasse allusion. Les
récits offerts ont tous une forte connotation morale. D’où le vocabulaire utilisé pour
évoquer les ennemis. Ils représentent l’injustice à l’état pur : « Non contens de ce qu’ilz en
ont faict, qui a esté injustement et sans aucune raison ne occasion, se préparent et font
groz appareil de retourner en nostred royaume »170. Leur intervention n’a pas de finalité
politique précise : ils sont de simples agents destructeurs. Il faut empêcher que Charles
Quint « ne ruyne, destruise et mecte en perte nosd roiaulme, païs et subgectz, comme il se
jacte et vante tant en publicq que en privé ». En définitive, la France est victime de
« dampnées machinations, conspirations et entreprinses [...] tendans à [la] piller, butyner,
ruyner et destruire »171. Derrière l’ennemi, il y a Satan. En 1540, alors que le royaume est
en paix, François Ier redoute « l’indiction de celui qui est ennemy et adversaire de paix »172
. A plus forte raison est-il à l’œuvre en temps de guerre : il prend alors directement la
forme de l’ennemi. « L’assimilation de l’adversaire à Satan [...] témoigne assez de la
violence du ton dans les polémiques déclenchées par les guerres d’Italie »173.
83 Face aux méchants, le roi de France plaide l’innocence et affirme : « Le fait et disposition
desdictes guerres [...] n’a esté à nostre faulte et coulpe, ainsi que scet nostredict
créateur »174. Face au jugement de Dieu, clairement sous-entendu ici, les sujets sont
rhétoriquement pris à témoin de la pureté des intentions du roi. Mais, n’ayant pas voulu
la guerre, le roi de France justifié a-t-il pour autant le droit moral d’imposer son peuple ?
Un détour peut être éclairant. Dans les lettres de rémission du XVIe siècle, Natalie Davis
constate l’absence du terme « repentir ». Au mieux le suppliant se dit-il « fort marry et
desplaisant » ou plein de « grand regret et desplaisir ». Aucun ne se déclare repentant 175.
Or le discours monarchique reprend exactement ces termes. Le roi, à chaque demande de
fonds, se déclare « très fort desplaisans et ennuyé de ce que par contraincte et nécessité il
[lui] convient bailler [à ses sujets] ladicte charge », ou « ayans très grant regrect et
desplaisir que lad somme ne peult estre moindre »176. Avec les préambules se dessine
peut-être alors l’image d’un roi qui cherche à se faire pardonner pour l’argent qu’il
prélève. Le rapprochement s’impose d’autant plus avec les lettres de rémission que les
notaires et secrétaires du roi sont les rédacteurs des deux séries de textes. Voilà qui peut
expliquer aussi pourquoi les formulations se répondent. Si le récit qu’ils mettent en forme
fonctionne bien, le pardon n’est-il pas alors accordé de lui-même ? « Savoir façonner un
récit à partir d’une action terrible permet de mettre une distance entre soi-même et
l’événement, au pire en s’illusionnant, au mieux, en se pardonnant »177.
482
84 Pour parvenir à ce résultat, le roi, face aux « méchants » ses ennemis, doit apparaître
pleinement bon. Loin des compromissions morales et des accommodements avec le ciel
auxquels la pratique contraint parfois, le discours financier dans les préambules se doit
d’être quasi angélique. Il s’y emploie de multiples façons. Tout d’abord, face à un
adversaire aux sataniques motivations, les fondements du projet politique royal sont la
paix, la justice, l’honneur ou l’amitié. Dans la conduite même des opérations militaires, le
roi qui se refuse, on le sait, à « l’exploict de guerre », n’hésite pas, en Picardie, en 1537, à
accorder une trêve à ses adversaires « pour aucunes bonnes causes, et mesmement pour
le bien et soullaigement du paovre peuple d’icelle frontière qui tant a esté travaillé,
tourmenté et foullé que c’est chose incréable »178. Jamais les difficultés et les défaites ne
poussent les textes vers une logique du bouc émissaire, en particulier des ennemis de
l’intérieur qui seraient ici jetés en pâture à la vindicte générale. Les coupables, car il y en
a, sont les ennemis, rejoints une seule fois par un traître : le connétable de Bourbon
« lequel, en grand ingratitude [...] s’est rendu de la part de nos ennemys chef et
conducteur principal » pour l’armée qui envahit la Provence en 1524179. A cette exception
près, les sujets ne sont jamais mis en cause. Pas même les officiers de finances sur lesquels
les hommes de pouvoir font pourtant peser de lourdes responsabilités, comme on le
verra. De même le roi n’exprime guère dans ses préambules le désir de vengeance qui
figure par exemple dans la lettre « privée » destinée à Semblançay : « J’ay résisté [à mes
ennemis] [...] et suis délibéré [...] les grever et endommager [...] pour venger mes pouvres
subjectz »180. Une seule fois est évoqué le désir « d’endommaiger nostred ennemy ainsi
qu’il nous [avoit] faict en nostre frontière de Picardye »181. Mais le mot de vengeance lui-
même n’est pas prononcé.
85 Enfin, et ce trait est sans doute décisif, jamais le roi ne profère la moindre menace contre
d’éventuelles réticences à payer de la part de ses sujets. Or cette dimension se fait au
contraire insistante lorsque le roi adresse une demande de fonds à un destinataire précis.
La lettre envoyée à chaque prélat du royaume le 6 septembre 1521 pour le solliciter de
prêter illustre cette différence de ton : se dérober serait une faute, « car si vous le faisiez,
vous nous donneriez occasion de n’estre jamais plus content de vous »182. Ecrivant à Gênes
pour obtenir un « don et octroy » de cent vingt mille écus au début de son règne, François
Ier espère que ses sujets de la cité de Saint-Georges l’accorderont de bonne grâce, « sinon
ilz en auraient à jamais regret et lui desplaisir »183. Il est vrai que le traitement appliqué
aux sujets d’outre-monts diffère probablement de celui qui est à l’œuvre dans les
préambules étudiés ici, qui ne concernent que les sujets « de deçà ». Le monde des
ordonnances est donc pur, sans compromis, il évacue toute évocation d’un rapport de
force entre souverain et sujets. Il ne s’agit pas du tout de consignes pour préparer les
négociations réelles, par exemple avec les États provinciaux. Sans véritables enjeux
terrestres, les préambules sont écrits par ceux qui prélèvent sous le regard de Dieu. C’est
ainsi qu’il faut y lire le discours financier de la monarchie, un discours qui tente de régler
de façon rhétorique la délicate question morale et religieuse que pose l’existence même
du prélèvement.
483
86 La posture du roi-juste qui triomphe dans les « lettres royaux » ne fait cependant pas
disparaître totalement le sentiment de culpabilité. La mauvaise conscience face au
prélèvement reste présente. Une solution s’offre au souverain : déplacer la culpabilité
hors de l’appareil monarchique ou la circonscrire à l’intérieur de celui-ci. Le pouvoir se
met à désigner à son tour des comportements moralement condamnables en matière de
maniement d’argent184. Il lui reste alors à châtier les coupables et à moraliser les
pratiques sociales pour reconquérir son prestige et accomplir pleinement sa fonction
éthique.
1. L’argent impur
87 Le jeu offre un excellent exemple de transfert de culpabilité. Lorsque Duprat évoque les
taxes parisiennes destinées à la rançon, il affirme qu’elles ne dépasseront pas cinquante
écus par tête, et ajoute : « On les joue bien à ung soir aux cartes ou aux dez »185. En tentant
de dévaloriser la moralité des futurs payeurs, le chancelier, pour cette demande pourtant
très légitime, ne cherche-t-il pas à faire contrepoids à la mauvaise conscience induite par
le fait de prélever ? Du prélèvement justifié par le jeu, on passe, avec l’instauration de la
blanque en mai 1539, à l’innovation financière destinée à moraliser le jeu : ce dernier
entraîne la perte de biens pour certains particuliers et est source de blasphèmes. Aussi,
« pour faire cesser lesdits inconvéniens [...], ne se trouveroit meilleur moyen que de
permettre et mettre en avant quelques autres jeux et ébatemens, esquels nous, nosdits
sujets et chose publiques ne pussent recevoir aucun intérest [au sens de préjudice] »186.
C’est donc le souci du bien commun qui fait ici agir la monarchie. Deux siècles plus tôt,
l’attachement à cette même valeur avait entraîné l’intervention royale dans le trafic du
sel en raison de la spéculation et des problèmes d’approvisionnement187.
88 Les deniers publics eux-mêmes ne sont pas à l’abri de manipulations douteuses en ce
domaine. L’interdiction de jouer avec eux est une nouvelle fois rappelée le 14 juin 1532 188.
Elle n’est pas vaine, comme en témoigne un épisode un peu antérieur. Les trésoriers des
guerres René Thizart et Jehan Gro-lier viennent exposer au roi la faute commise par
Pierre Godefroy. Il s’agit d’un de leurs clercs, envoyé vers les receveurs des aides et tailles
de Meaux et Château-Thierry pour recouvrer une assignation. « Lequel Pierre Godefroy
retourné en [la] ville de Paris, fut affronté et persuadé par Pierre Legras, marchant de [la]
ville, qui le mena couscher en sa maison puis l’instiga et enhorta de jouer, et de luy eut
aud jeu la somme de sept à huit cens escuz solleil [des] deniers ordonnez pour le
payement [des] gens de guerre, et dont led Pierre Godefroy ne pouvoit user ne disposer ».
Le roi commet alors huissier et sergent pour recouvrer l’argent189. Mais c’est bien du
temps perdu, et de l’énergie aussi, alors que les nécessités sont pressantes. Ici victime du
jeu et de la malignité de ses sujets, le souverain sait parfois les utiliser à son profit. Mais
son intervention n’est valide que s’il agit toujours en vue d’un meilleur fonctionnement
social.
89 Ce faisant, il sert son peuple, qui ne peut autrement retirer que déboires de la pratique du
jeu. Il le sert plus encore en poursuivant avec conviction les « usuriers » au cours du
règne. Les mentalités administratives manifestent la persistance de ces procédures par
484
92 Un grand nettoyage est aussi nécessaire au sein même de l’appareil monarchique. Les
fauteurs de troubles y sont rapidement localisés, en la personne des manieurs de fonds.
Les officiers de finance sont des voleurs. Le thème, bien qu’il ait déjà servi, conserve
cependant encore une certaine fraîcheur. Au fil du siècle, il deviendra d’une grande
banalité200. C’est pendant le règne de François Ier que les membres du Conseil semblent
prendre, après une longue éclipse depuis Jacques Cœur, une conscience aiguë de cette
réalité. Le témoignage du Journal de Louise de Savoie en fournit un bel exemple. « L’an
485
1515, 16, 17, 18, 19, 20, 21 et 22 [...] fusmes continuellement desrobez par gens de
finances » et ce sans que le roi et les siens puissent y « donner provision »201. Est-ce à dire
qu’ils sont impuissants ? Certes non. Mais la prise de conscience de Louise, qui se noue
autour de 1522-1523, conduit à une relecture de la période antérieure et rend plus
insupportables encore les forfaits commis, comme en témoigne l’obsédante répétition des
années. Elle manifeste la profondeur de la crise de confiance du pouvoir envers son
personnel ou du moins une part notable de celui-ci. Il est donc nécessaire de faire justice,
de faire rendre gorge aux prévaricateurs. Agir ainsi, c’est pour François Ier manifester une
véritable sollicitude envers ses sujets, victimes des agissements des gens de finances plus
encore que lui-même. Car les receveurs volent le peuple « pour soutenir le gros estât
qu’ilz meinent, non se contentans de vivre en la parsimonie de ce que leurs biens et
gaiges peuvent porter »202. La chambre de justice et la recherche des financiers sont de
bons instruments pour restaurer l’ordre social perverti par un enrichissement trop
rapide, excessif et frauduleux.
93 Pour contrôler les manifestations extérieures de ces excès, le souverain promulgue le
8 juin 1532 une ordonnance somptuaire qui vise expressément les officiers de finance 203.
L’immoralité sociale en ce domaine doit être soigneusement réfrénée. Interdiction du
drap de soie, des « fourures de martres, zeblines ou de pays, loups cerviers et genettes
noires ou autres », des chaînes d’or de plus de dix écus, des bagues et pierres de plus de
trente écus. A suivre la lettre du texte, les mesures prises ne concernent que ceux des
officiers qui en font trop, et non le groupe en tant que tel. Le roi paraît distinguer
soigneusement les dépenses somptuaires financées par l'« ancien patrimoine » des
officiers et celles qui découlent de leurs malversations. Dans le premier cas, une dispense
pourra assouplir la rigueur de l’ordonnance. Cependant la violence de la condamnation et
la généralisation des soupçons à l’ensemble du groupe emportent aisément cette frêle
distinction. En définitive, tous sont visés, puisque tous sont coupables d’une façon ou
d’une autre. Les mesures somptuaires sont un lieu commun de la pratique socio-politique
de la monarchie204. Richelieu en 1624 considère « l’excès de luxe » qui entraîne une
confusion complète entre les états comme un des deux signes les plus nets de la
décadence de l’État, l’autre étant la faiblesse même de l’autorité royale205. Sous François I
er
, la référence en matière de législation somptuaire est un texte de Charles VIII du
17 décembre 1485206. Le 18 février 1517 paraît une ordonnance qui prohibe les
importations de draps précieux. Outre sa dimension « pré-mercantiliste », elle dénonce
chez certains la « superfluité et désordre des habillemens, [...] qui ne convient porter à
leur estât »207. Ce n’est cependant qu’à partir de 1543 que les textes se multiplient. On en
compte dix jusqu’en 1606. En ce domaine, la demande sociale est forte : les États d’Orléans
et de Pontoise s’en sont fait l’écho. Mais l’initiative de 1532 offre ceci de particulier qu’elle
vise un groupe spécifique et non, comme en 1485, l’ensemble des roturiers. La force du
ressentiment des hommes de pouvoir est mise en évidence par cette focalisation sur les
officiers de finance. Pour Meynial, c’est « le document qui révèle le mieux l’irritation du
roi » à leur encontre208.
94 La remise en cause de la gestion des officiers débouche finalement sur toute une série de
condamnations. Les aspects pécuniaires ont déjà été évoqués. Mais ces arrêts ont une
autre dimension. Ils servent à manifester à la fois le déshonneur des coupables et le
retour à l’ordre social, grâce à une cérémonie traditionnelle : l’amende honorable, qui
donne à voir publiquement, dans un même mouvement, la gravité des larcins, l’efficacité
de la justice et le repentir des fautifs. Les sources ne fournissent de renseignements que
486
sur cinq de ces amendes. Dans la mesure où il s’agit parfois du seul texte de l’arrêt,
l’exécution n’est pas certaine. L’amende honorable requise contre Besnier a eu lieu en
août 1532, celle de Lallemant le jeune le 12 mai 1535. Celle de Ruzé (en 1536) est probable,
celle d’Henri Bohier (en 1530) possible. En revanche celle qui est décrétée à rencontre de
Guillaume de Beaune n’a jamais eu de suite.
95 Effectives ou non, ces cinq liturgies judiciaires peuvent être analysées ensemble209. La
procédure se structure autour de deux séquences centrales. L’une semble valoir pour
tous : le condamné, nus pieds et nue tête, portant une torche de trois ou quatre livres,
sort de la Conciergerie où il est enfermé pour venir s’agenouiller sur le perron de marbre
situé au pied des grands degrés de la porte du Palais. Là, il demande pardon à Dieu, au roi
et à la justice. La disparition de l’arrêt contre Besnier fait que manquent dans son cas les
précisions concernant l’agenouillement et la formule prononcée. Mais il ne peut s’agir
que d’une lacune des sources, le rituel étant ici parfaitement rodé. Il connaît cependant
quelques ajouts. Ainsi Besnier a-t-il « la corde au col » au cours de la cérémonie. Quant à
Lallemant et Ruzé, ils subissent en outre un passage par la Chambre des comptes. L’arrêt
très explicite du premier précise que, dans le grand bureau, les faux dont le condamné a
été reconnu coupable seront lacérés en sa présence.
96 Tout ceci se déroule dans un espace relativement clos, l’enceinte du Palais de la Cité. Pour
donner tout leur retentissement aux condamnations, un passage dans l’espace public de
la capitale s’impose. Trois condamnés sont donc conduits jusqu’au pilori, près des Halles.
Pour Bohier et Ruzé, les sources n’évoquent pas cette séquence. Pourquoi sont-ils
épargnés ? Jehan Ruzé a déjà pris part en 1529 à l’amende honorable d’Emery Lopin, le
conseiller juridique de la famille de Beaune210. C’est peut-être ce qui incite les juges à
rendre moins rude le rituel imposé par sa propre condamnation en 1536. Par ailleurs,
celle-ci est la dernière qui est prononcée par la Tour Carrée : la virulence de la
commission a pu s’atténuer. Le cas d’Henri Bohier est peu clair en raison de l’imprécision
des sources. Peut-être est-ce l’intervention du chancelier Duprat en sa faveur qui
explique cette absence. Quant aux trois autres, une charrette ou un « tumbereau » les
mène, en compagnie du bourreau, jusqu’au pilori autour duquel ils doivent être tournés
trois fois. Ils regagnent ensuite la Conciergerie. Pour Besnier, la richesse des mentions
permet d’envisager en fait un cérémonial un peu plus riche, à supposer que les précisions
apportées soient exactes. La Cronique du roy Françoys Premier affirme qu’il a été
« condamné à estre trainé sur une claye [...] jusques au pillori dudict lieu, où illec fut
tourné trois tours et depuis ramené en ladicte conciergerie en ung tumbereau où l’on
mène les fanges et boues de Paris ». D’après une lettre adressée à l’évêque d’Auxerre
François de Dinteville, Besnier a été « mené par tous les carrefours de Paris » avant de
venir au pilori. La rudesse de l’humiliation subie a-t-elle à voir avec la mort du condamné
dès le mois suivant, en septembre 1532 ? Rien ne permet de l’affirmer et le Bourgeois de
Paris attribue son décès à la peste.
97 Le traitement le plus infamant est destiné à Guillaume de Beaune, condamné à être
« flétry au front d’une fleur de lys de fer chaud », apparemment sur le pilori. Mais il s’agit
d’un arrêt contre un contumace, qui n’a pas de suite. La violence de la sentence ne
s’exprime-t-elle pas d’autant plus qu’elle n’aura pas à être appliquée ? Les amendes
honorables de trois « courtiers des usures » en décembre 1534 peuvent être comparées à
celle des officiers de finance. Elles sont mal connues mais la dimension religieuse est
fortement soulignée par un passage, après la « pierre de marbre » du Palais, devant
Notre-Dame de Paris211. Outre le spectacle offert à l’édification des spectateurs, l’amende
487
honorable se veut aussi une cérémonie de purification, qui tend à la pénitence publique.
Ceci passe par une inversion des conduites qui ont rompu l’ordre de la société. A forfait
dissimulé, réparation au grand jour, à crime contre le roi et les sujets, cérémonie devant
le temple de la justice du royaume, à péché par désir inconsidéré d’élévation et
d’enrichissement, humiliation et honte profonde212.
98 Corollaire quasi systématique de l’amende honorable, la privation d’office est mentionnée
dans tous les cas, celui de Jehan Ruzé excepté. Il fait ici encore figure de « privilégié ». En
revanche, la privation de tous honneurs, en particulier la réduction à l’état roturier, ne
concerne que les condamnés à mort, Semblançay et Jehan de Poncher. Avec un nouveau
problème posé par Henri Bohier, pour lequel un document porte trace d’une telle mesure.
Il est vrai que le Bourgeois de Paris se fait l’écho d’une rumeur selon laquelle Bohier
aurait d’abord été condamné à être décapité, puis aurait été gracié à la suite de
l’intervention de Duprat213. Le mode d’exécution évoqué complique encore l’affaire, car la
perte de la noblesse implique une mise à mort par pendaison. Le dossier reste donc
ouvert. Sur le chemin du gibet les condamnés à mort sont accompagnés par un rituel qui
peut s’apparenter à l’amende honorable. En l’absence de sources concernant Poncher,
seul le traitement réservé à Semblançay, le 12 août 1527, est connu. Il est d’abord « défait
et desvetu de l’orde de chevallerie ». Puis par trois fois, de la Bastille à Montfaucon, « luy
fut faict son cry », un « cry fort inhomineulx, c’est asçavoir pour les pilleries et larcins
commis des deniers du Roy », qu’il écoute tête nue214. Déshonneur, forfait exprimé devant
tous et attitude du condamné répondent aux procédures déjà évoquées.
99 Mais, avec l’exécution capitale, l’infamie va beaucoup plus loin que la pire des amendes
honorables. La justice et le pouvoir s’acharnent à cette occasion sur les corps des
suppliciés. Marigny était resté deux ans pendu au gibet avant de trouver la paix d’une
sépulture chrétienne215. Sous François Ier, les cadavres donnent lieu à de véritables luttes.
Les serviteurs de Semblançay font inhumer ses restes à Sainte-Catherine-du-Val-des-
Ecoliers. Duprat réclame leur exhumation, le retour au gibet et la punition des coupables
216
. Mais ces velléités n’ont pas de suite. Il n’en va pas de même pour le corps de Jehan de
Poncher en 1535 : « Depuis [la pendaison], par ses amis fut despendu, et, affin qu’il ne fust
cognu, on luy couppa la teste, et son corps mis et gecté en ung marescaige ; et depuis la
court, advertie de ce, ordonna qu’il seroit de rechef pendu audict Monfaulcon, ce qui fut
faict ». Ce récit est repris dans une autre chronique : « Trois ou quatre jours après qu’il fut
pendu, fut secrètement dépendu et enterré aux champs, là où il fut trouvé, et rependu à
chaisnes de fer. Mais il fut mis en pièces et osté de là, tellement qu’on ne sceut qu’il
devint »217. Le combat autour des corps est donc sans merci. Ceux-ci sont en partie
dévorés par les animaux : « Le corps d’icelluy Semblançay avoyt esté trayné dedans les
vignes, dessiré et desmembré par les bestes auprès d’un village nommé Panthin ». Il est
possible que le cadavre de Poncher ait ainsi fini. Ce sort atroce est le complément d’une
mort infamante. Jehan Prévost, qui a la dent dure et déteste les Bohier, aurait souhaité,
dans le cadre des poursuites, faire « déterrer les os du corps de feu messire Thomas
Bohier [mort en 1524] pour les faire pendre au gibet »218. La démarche suit la même
logique, avec ici en plus l’accomplissement d’une vengeance personnelle, fort éloignée de
la sérénité que doit manifester la justice. Mais, avec l’implication directe du chancelier,
sans parler de celle du monarque, la vengeance est-elle totalement absente au niveau
même de l’État ?
100 Un dernier corps fait l’objet d’une décision judiciaire : celui de Gaillard Spifame, mort le
25 ou le 26 mars 1535 à la Conciergerie. Par arrêt de la Tour Carrée du 3 mai suivant, le
488
cadavre est délivré à l’huissier Bachelier « pour icellui faire inhumer et enterer au
cymetière en la fosse de Saincte-Catherine, rue Sainct-Denis, où led Bachelier le fera
porter de nuit et à la lanterne, sans que lors ne après soit faict aucun cry, convoy,
armoyrye ne aultre pompe funèbre »219. La fosse Sainte-Catherine, c’est « la fosse des
misérables » du cimetière des Innocents. Les juges semblent cependant avoir fait preuve
d’une relative indulgence, car ils avaient d’abord envisagé de pendre le cadavre, sans
doute à Montfaucon220. La question de la gravité du traitement réservé à Spifame est
compliquée par un doute sur la nature de son décès : mort accidentelle, comme le croit le
Bourgeois de Paris ou suicide, parce qu’il se savait à la veille d’une rude condamnation,
peut-être d’une exécution, comme l’affirme la Cronique du Roy Françoys Premier 221 ?
101 Le retour à l’ordre implique donc une forme de violence de la part du pouvoir, violence
purificatrice, à la fois symbolique et physique. Cette violence ne peut s’exercer qu’avec
l’appui de Dieu, car l’ordre social est un ordre moral, donc un ordre divin. La dimension
religieuse n’est pas réservée au discours financier. Dans les comportements, le recours à
une chambre de justice manifeste le souci de l’expiation des péchés commis, et la
multiplication des réformes implique toujours chez ceux qui les mettent en œuvre la
nécessité d’une conversion. L’importance attachée, à chaque période de tension, à la lutte
contre les blasphèmes met en évidence cette omniprésence du religieux dans les
comportements politiques222.
102 Cependant, à un degré inférieur de la hiérarchie des offices, les enjeux politiques et
religieux sont moins présents. Il est possible à ce niveau de substituer de beaux écus au
rituel déshonorant. Jacques Acarie, trésorier des offrandes, est condamné en 1528 par le
Grand Conseil à cinq cents lt d’amende « prouffictable » et à l’amende honorable. Pour
éviter cette dernière, Acarie propose de verser mille lt de plus. Le chancelier Duprat
pousse à accepter cette proposition. Son argumentation repose sur l’urgence : « Vous
voyez les affaires dud seigneur » rappelle-t-il à Montmorency. L’accord est donné et les
1 500 lt tombent dans la caisse des Parties casuelles223. La même procédure a pu avoir lieu
pour d’autres victimes. Même (surtout ?) pour les manieurs de fonds, plaie d’honneur est
plus grave que plaie d’argent. D’où, de l’autre côté, le souci de la monarchie de voir se
dérouler au moins quelques cérémonies expressives et humiliantes à souhait.
103 L’impossibilité ou le refus, au-delà des lois somptuaires, de faire peser ce fardeau sur tous
les officiers de finance entraîne une focalisation de l’action judiciaire sur quelques ténors
du milieu, qui a valeur d’exemple et d’édification pour les gens de finance et pour le
peuple tout entier. L’usage interne des mesures prises, répressives et réformatrices,
apparaît aussi dans la demande que fait en 1532 le roi à Pierre Lizet, le président de la
Tour Carrée, de l’avertir « des moyens [de] rendre plus craintifz les comptables à
l’advenir ». La réponse de Lizet met en avant non des mécanismes techniques, mais
l’amélioration morale des agents. Le meilleur remède est dans la loyauté des officiers et
dans la diligence de ceux « qui ont la charge de la contraincte », c’est-à-dire ceux qui les
contrôlent224. A usage externe, c’est-à-dire en direction de l’ensemble des sujets, la
monarchie, en s’attaquant à son personnel comme aux usuriers, se présente comme celle
qui rétablit un tissu social menacé par les abus et les excès des gens de finances. Elle vise,
ce faisant, à créer un consensus social sur leur responsabilité dans les aléas de la politique
financière. Mais la « réponse » des sujets ne rentre pas toujours dans le cadre que la
monarchie tente d’imposer.
489
104 La mise en cause par le pouvoir politique des gens de finances dans les échecs et les
dysfonctionnements du règne est une pratique courante. L’angélisme du « discours
financier », imposé par des préoccupations élevées mais fort spécifiques, n’a plus cours
ici. Ainsi la monarchie fait-elle retomber sur l’administration de l’Extraordinaire des
guerres, au premier rang de laquelle figure Gaillard Spifame, la défaite de Pavie. Spifame
est emprisonné, « chargé d’avoir dérobbé des deniers du Roy plus de trois ou quatre cens
mille francs quand il avoit la charge de l’extraordinaire des guerres, [...] parquoy avoit
esté cause de la perdition de la guerre et journée à laquelle le Roy fut prins, par faulte de
payer les gens d’armes »225. Or les causes de la défaite sont beaucoup plus à chercher du
côté de la stratégie et de la tactique du roi et de son conseiller Bonnivet que dans des
difficultés de financement. Cette accusation tardive sert à l’évidence à déplacer les
responsabilités. Même chose, dans l’instant, pour le Conseil et la régente au milieu de
1525. En juillet, les autorités feignent de découvrir que les troupes n’ont pas été payées
depuis longtemps par la faute des trésoriers, alors que les fonds destinés à la solde sont
systématiquement mis en réserve pour pouvoir faire face à des besoins imprévus226.
Faisant l’éloge de sa politique devant le Parlement, en novembre suivant, Louise de Savoie
fait remarquer que, « depuis la prinse dudict seigneur, elle n’avoit fait aucuns emprunts
sur le peuple, ne pris aucuns deniers sur les gens d’église, ne argent à interest, ne usure,
ne autrement, comme avoient parcy-devant fait les gens de finances »227. L’officier de
finance est donc appelé à servir de cible pour les mécontents. Il est plus difficile de savoir
si les critiques de Duprat dans les années 1527-1528 sont ainsi biaisées. Du moins ne
manquent-elles pas. En octobre 1528, se démenant pour payer des lansquenets, le
chancelier constate : « Le Roy ne feust en ceste peyne si ses financiers alloient le droit
chemyn »228.
105 Les reproches ne concernent pas les seules opérations militaires. En 1517, ce sont les
officiers des monnaies qui sont mis en cause dans un discours de Duprat aux notables :
« Au fait des monnaies, il y a un grand abus et désordre [...] lesquels abus sont venus par
la faute, négligence ou coulpe des officiers »229. En 1531-1532, c’est la fuite de Sapin qui
justifie toutes les difficultés financières, depuis les problèmes du versement à Charles
Quint du solde de la rançon jusqu’au retard des pensions. Face aux Suisses toujours
avides, et qu’il faut combler d’or, les trésoriers font d’excellents boucs émissaires.
L’ambassadeur Lamet se charge de leur dispenser la bonne parole en ce domaine. En
juillet 1521, alors que des versements se font attendre, il a « fait en sorte que les sgrs des
ligues ont bien congneu que la faulte venoit des trésoriers qui en avoient la charge ».
Douze ans plus tard, le contentieux s’est alourdi. Lamet, de retour dans les Cantons avec
quelques fonds, met les retards et la faiblesse des payements du roi sur le compte de
Lambert Meigret, qui vient de mourir, et de la corruption générale des finances. Il affirme
que les sommes ordonnancées par le roi èt le Conseil subissent une déperdition d’un tiers
avant d’atteindre leur destination230.
106 Un tel climat rend logique le désir du pouvoir, à partir des années vingt, de mettre fin aux
forfaits commis. Les coupables sont clairement désignés le 4 avril 1530 : « Nous, nostre
royaume et subjectz [avons] beaucoup souffert, perdu et enduré à faulte d’avoir esté
secouru du nostre en temps et lieu, de ceulx qui avoient de nosd deniers entre mains,
dont aucuns les recelloient ». Ce qui contraint le roi à emprunter : faute de disposer de ses
propres deniers, « luy a esté nécessité souvent prendre argent à grant intérest »231. Tout
490
ceci dépasse l’interprétation du seul épisode de Pavie pour s’ériger en vérité générale. Les
officiers sont condamnables, « actendu le gros mal et inconvénient qui est advenu en
nostre royaume par leur faulte »232. Les manieurs de fonds sont présentés comme
collectivement responsables des déboires subis. Ce discours est destiné aussi bien aux
étrangers, en particulier les alliés qui pestent contre les mauvaises manières françaises,
qu’aux sujets. Pour ces derniers, il est diffusé non pas tant à travers les ordonnances que
dans le cadre même des procédures judiciaires impliquant les officiers. Outre les
cérémonies, des amendes honorables aux exécutions, sans parler des arrestations, les
arrêts eux-mêmes, repris et copiés, font l’objet d’une certaine publicité. Quatre versions
au moins de celui qui frappe Jean Lallemant le jeune, qui n’est pourtant pas un des
hommes les plus en vue du groupe, sont ainsi conservées233.
107 Les gens de conseil sont confrontés à la nécessité de mettre en avant des coupables parce
qu’ils trouvent en face d’eux un autre discours, dans lequel les responsabilités sont
situées à un autre niveau. L’analyse du sentiment qui prévaut dans la population ne peut
être conduite qu’à Paris, et elle repose sur des témoignages peu nombreux, au premier
rang desquels s’impose celui de Versoris. La grogne face aux prélèvements conduit à
critiquer les choix du pouvoir politique. Or les cibles ne sont nullement les gens de
finances, mais le Conseil et le roi, auxquels s’ajoutent parfois les commissaires
directement chargés des levées. C’est parmi eux, à la fin de 1521, entre le président
Guillart et l’archevêque d’Aix Pierre Filhol, que figure Semblançay, seul officier en cause.
Pour le reste, en 1521-1522, les responsables sont « ceulx qui avoient ce consillé le Roy »,
« le Roy et son conseil » qui ont « trové manière de contraindre les bourgois et habitans
de Paris », le conseil encore qui, aux dires du chancelier, remontre au roi qu’il « ne povoit
trouver manière plus honneste d’avoir argent »234. En mars 1524, François Ier se croit
obligé de venir rendre compte de sa politique devant la municipalité parisienne. Est-ce
par coïncidence que s’ouvre précisément alors la procédure comptable contre
Semblançay235 ? Le fusible est clairement désigné. Sans grand succès pour l’heure car,
après Pavie, les Parisiens déplorent le rôle des favoris dans le Conseil, non celui des
financiers. Les délégués envoyés à la régente par la capitale, le 19 avril 1525, « luy
supplièrent qu’elle voulsist dès or mais soy conduire par bon conseil et bon nombre et
non par ung, deux ou trois, car l’on a veu les inconvénients advenuz »236. Les favoris sont
donc responsables du désastre. Aux premiers rangs d’entre eux figure Bonnivet, d’autant
plus facile à accuser qu’il est mort sur le champ de bataille, mais aussi le chancelier. C’est
seulement comme séides du pouvoir que certains financiers comme Prévost ou Babou
sont dénoncés237.
108 L’impopularité de Duprat est grande : Versoris en fait un « homme fort hay et mal voullu
en France, fort ambicieux et hay du peuple et de Paris ». Un « tract » de 1525 le dénonce
comme père des expédients fiscaux : francs-fiefs, nouveaux acquêts, croisade, saisie de la
grille de Tours…238. Dans les années 1527-1528, les ambassadeurs étrangers se font l’écho
de ce phénomène, et reprennent à leur compte ce jugement sévère. Ne va-t-on pas jusqu’à
faire porter le poids de l’échec à Naples aux « faultes et longueurs dudit chancelier » 239 ?
En fait, c’est la popularité même du souverain qui est en cause. Lorsque les délégués de
Paris se rendent à Blois en avril 1525 pour voir les princes, ils sont émerveillés,
spécialement par le dauphin François « qui, à leur advis, fera une foiz grant fruit, et
resemble à feu le roy Loys douziesme »240. Lapsus révélateur ou perfidie consciente : le
grand-père est pris pour modèle, ce qui souligne que le père n’est pas une référence
valable. Lorsque François Ier est libéré, en 1526, les Parisiens ne s’en émeuvent guère.
491
totalement la vraie nature des enjeux. C’est dans cette perspective, d’après le roi et le
Conseil, qu’il faut considérer l’action des officiers de finance.
112 Toute la question est de savoir si ce discours est entendu. La postérité le reprend
largement à son compte. Jean Bourgoin, dans Le pressoir des esponges du roi paru en 1623,
rend Semblançay et les autres officiers de finance responsables de Pavie et « autres
accidents sinistres »247. Et il y a surtout l’épisode de La Bicoque, dont le récit par les du
Bellay constitue la vulgate248. Depuis longtemps déjà, il est clair qu’il s’agit d’une grossière
déformation des faits249. Cependant, même si les du Bellay soulignent plus la culpabilité
de Louise de Savoie que celle de Semblançay, il n’en reste pas moins que la mémoire de ce
dernier est désormais entachée d’un reproche d’inconséquence voire de malveillance.
D’autant que circule une autre tradition qui prend sa source chez Arnoul Le Ferron et fait
peser toute la responsabilité sur Semblançay250. Le raccourci le plus saisissant, et le plus
inexact, entre la Bicoque et l’exécution de 1527 se trouve chez Monluc. Lautrec est venu
se justifier auprès de François Ier. « A la fin le Roy l’escouta et en fist pendre Sainct
Blançay »251. Mais peu importe, pour l’heure, au Conseil ou à Lautrec ce (relatif) succès
posthume. Ce qui compte, dans le tumulte des années vingt, c’est l’efficacité immédiate de
la mise en avant du bouc émissaire. S’il n’est pas aisé d’en juger, l’observation de
l’attitude d’ensemble des populations par rapport aux hommes d’argent permet
cependant d’y voir un peu plus clair.
B. Le regard de la societe
113 En ce domaine se pose avec une particulière acuité la question des sources. Elles sont
rares, et souvent biaisées. Comment interpréter par exemple les remarques du Journal
d’un Bourgeois de Paris, quand on sait précisément qu’il s’agit de tout sauf d’un journal ?
Faut-il y lire un discours manipulé par le pouvoir via les informations qu’il distille, ou y
chercher un contre-pouvoir prenant en charge les réflexions et les a priori d’une
introuvable « opinion » ? La réponse est probablement plus complexe. D’autant que le
petit nombre des éléments disponibles interdit au moins une chose : ne pas utiliser tout
ce qui est disponible. Tout en ayant conscience que les publics visés sont variables. Celui
d’un occasionnel en français sur le destin de Semblançay n’est pas le même que celui de
distiques élégiaques latins sur la mort de Jehan de Poncher.
114 Du groupe des officiers de finance, chroniques et poèmes n’ont qu’une perception
rudimentaire. Les textes parlent souvent indistinctement de « gens de finances », de
« trésoriers » ou de « receveurs ». Ces œuvres d’actualité, celles du moins qui subsistent,
sont pour une bonne part consécutives à l’exécution de Semblançay. Cet événement est le
point central du règne pour ce qui touche à la diffusion sur la place publique des
questions relatives aux officiers de finance. On y reviendra. C’est Semblançay qui fait
surgir autour de lui l’ensemble du groupe, dont il apparaît comme le leader, le « guidon »,
pour reprendre l’expression d’un poème du temps252. L’approche de ce monde est souvent
sommaire, comme en témoignent certaines des remarques des chroniqueurs. Ainsi la
lecture que fait Bouchet des réformes financières de la fin 1523 : « Fut cassé le nombre
d’un tas de petits Trésoriers, par lesquels la finance publicque de France estoit
consumée ». Et comme il y a eu en novembre une gelée qui a ravagé blés, choux et
pommiers, « aucuns par gaudisserie firent ce distique :
493
contre l’établissement de la gabelle sur les draps de soie à Lyon, écrivant : « Notre
Seigneur veuille pugnir ceulx qui sont cause de telles choses et adviser le prince de
rellever son peuple de telles charges »261. Sa virulence ne tient-elle pas au fait que
l’innovation « a esté inventée ainsy qu’on dict, par Guillaume de Noble, maître des ports
et Nicollas de Noble, lucquois demeurant à Paris » ? De même l’opposition farouche de la
municipalité parisienne à l’établissement d’une banque dans la capitale en 1548 n’est sans
doute pas sans rapport avec l’identité du promoteur du projet, l’italien « Vincent de
Sainct Donyno »262. Il est délicat de dissocier la condamnation qui vise le horsain et celle
qui accable l’homme d’argent. Du moins une part importante de la population partage-t-
elle avec les hommes du Conseil une réticence certaine face aux manipulations et autres
jongleries financières, rapidement assimilées à des pratiques illicites, et ceci aussi bien de
la part des officiers que des marchands-banquiers. Sur ce point, un relatif consensus se
dégage, qui conduit d’ailleurs à relativiser fortement, en ce domaine, la « modernité » du
XVIe siècle263.
118 Ainsi seule cette méfiance bien réelle donne prise à une condamnation d’ordre socio-
professionnel de l’officier de finance, et avec lui de tous les hommes d’argent. Mais elle
n’est pas le critère essentiel. Ce qui importe au premier chef est l’usage que font les riches
de leur fortune. La richesse est une valeur positive, à condition de faire le bien264. Le
discours de l’Église elle-même va dans ce sens. Les chroniques ne s’attachent guère aux
conditions de son acquisition et aux procédures d’enrichissement pour juger de la vertu
des hommes. L’attitude face aux pauvres est en revanche décisive. Comme tous les
responsables, les hommes d’argent se doivent d’être attentifs « au régimen, estât et
prospérité de la chose publicque et des pauvres »265. D’où l’importance de l’engagement
de certains des officiers de finance : le trésorier de l’Extraordinaire des guerres Anthoine
Pétremol participe à la gestion de l’hôpital des Enfants Rouges ; l’ancien commis à la
recette générale de Bretagne Olivier Harouys est chargé du deuxième mois des donations
de pain à Nantes lors de la famine de 1532 ; le trésorier de Bretagne Florimond Le Charron
assure le 31 janvier 1544 la fourniture de « pain blenct et chayr » pour les malades et le
personnel de l’hôpital de Nantes266. Les chroniqueurs portent témoignage de ce
dévouement, qui leur sert à faire le tri entre les officiers. Quand disparaît le trésorier de
France Loys de Poncher, en octobre 1521, il est réputé « homme de bien et bien renommé
et plain fort des pouvrez »267. A l’inverse, quand s’éteint le trésorier de France Pierre
Legendre, l’oraison funèbre de Nicolas Versoris est fort sèche, le 15 février 1525 : « Led
trésorier estoit grand riche homme et puys c’est tout »268. Ce dernier appartient sans
doute à cette catégorie d’hommes « aveuglez d’avarice et cupidité, sans nulle charité et
pitié du populaire, non ayans Dieu devant les yeulx », modèle que la monarchie cherche à
faire admettre pour tout le groupe269. Parmi les hommes d’argent, d’autres figures
charitables se remarquent. Thomas Gadaigne fonde des hôpitaux pour les pestiférés à
Lyon et Avignon. Quant à Jean Cléberger, le « bon Allemand », il multiplie les charités
dans la capitale des Gaules et est, par ses dons, l’un des actifs promoteurs de la création
de l’Aumône générale270. Dans « l’autre camp », le quartier de la Fuggerei fondé à
Augsbourg pour cent six familles pauvres est plus révélateur encore271.
119 Ainsi l’officier de finance ou le marchand-banquier n’est-il pas en tant que tel
condamnable. Il n’est guère possible de déceler une vision de groupe structurée et
uniment négative. Jehan Bouchet, évoquant le sort cruel de Jehan de Poncher, affirme :
« Il fust estimé un des hommes de bien de France ». Il est vrai que la part prise en l’affaire
par Gentil renverse les rôles. Gaillard Spifame lui aussi, qui meurt la même année dans sa
495
prison, « estoit homme de bien », aux dires du Bourgeois de Paris. Un signe ne trompe
pas : la veille de sa mort, il avait fait ses Pâques272. Dieu aurait-il fait mourir un méchant
juste après qu’il a été lavé de ses péchés et nourri du corps du Christ ? L’élégie latine sur
la mort de Poncher introduit d’ailleurs dans le portrait de la victime bien des nuances 273.
Certes, ses malheurs viennent pour une part de sa « mortelle passion de l’opulence ». Le
texte ne dissimule pas qu’il a commis des « délits ». Cependant Poncher manifeste un
grand amour pour sa patrie, outre son affection pour sa famille. Et, c’est le mort qui parle,
loin d’être damné, il demande au lecteur : « Souhaite-moi la félicité. Que le ciel ait mon
corps et que mon esprit soit devant Dieu ». Or ce poème ne reprend nullement la thèse de
l’erreur judiciaire commise à l’instigation de Gentil. A ce texte unique sur une victime de
second ordre répond une abondante littérature concernant le « guidon » des gens de
finances.
2. Le cas Semblançay
120 Le dossier nourri qui concerne Semblançay permet de mener une analyse plus fine, avec
tous les risques que fait courir la focalisation sur un cas exceptionnel pour lequel on est
réduit à postuler une valeur plus générale. Quelques détails des années 1521-1524
soulignent que, dans certains milieux au moins, Semblançay n’a pas alors très bonne
presse. Pour Versoris, il ne gagne « aucune louange ou honneur » comme commissaire
aux emprunts de vaisselle à Paris en 1521. Jehan Badonvilier qui sera son juge, et Jehan
Brinon, tous deux membres de la Chambre des comptes, s’opposent à lui, le premier à
cause des « inventions » qu’il fait peser, entre autres, sur ladite Chambre, et le second
pour son rôle dans l’imposition d’amortissements aux maladreries et aux hôpitaux274. Ces
reproches isolés sont très probablement partagés par beaucoup. Ainsi les critiques
concernant Semblançay visent-elles avant tout la politique d’expédients du moment, à
laquelle il ne peut pas ne pas être associé. Cependant, comme je l’ai montré, il n’est
qu’une des cibles du mécontentement.
a. Un sujet porteur
121 Pour la réputation de Semblançay, tout se joue autour de son second procès et surtout de
son exécution. A cette date, il n’a plus d’activité financière et le ressentiment qui a pu
exister à cause des expédients s’est forcément atténué. Mais l’ampleur de sa disgrâce fait
de son aventure un sujet de conversation et oblige à une lecture ou à une relecture
correctement orientée de son existence passée. Qu’un tel événement suscite un large
intérêt n’a rien de très neuf. La condamnation de Marigny était déjà un sujet de
conversation répandu, aussi bien à Paris qu’en Hainaut et « cil qui le mains en savoit, plus
en parloit », (formule efficace, soit dit en passant, pour disqualifier la validité des
« opinions » ici publiquement exprimées)275. Deux siècles plus tard, l’ambiance est la
même : « On ne parloit à Paris que de la mort dudict Semblançay ». Devant cette demande
populaire, producteurs de texte et imprimeurs se mettent au travail : la fin de
Semblançay donne lieu à une floraison d’écrits. Apparemment, l’arrêt de condamnation
lui-même a fait l’objet d’une large diffusion. Il est copié par Versoris et repris dans le
Bourgeois de Paris. Les occasionnels apparaissent rapidement, en particulier sous la
forme de poèmes. « De luy furent faictes plusieurs ballades » affirme le compilateur de la
Cronique du roy Françoys Premier, qui en insère une « qui fut trouvée sur le pont aux
musniers trois jours après sa mort » et qui est de la plume de Marot276. Le motif du pendu
496
renvoie évidemment à Villon, que la complainte de Marot ne peut ignorer quand elle fait
parler le défunt de son propre cadavre :
« Mes yeux, jadis vigilans de nature,
De vieux corbeaulx sont devenuz pasture ; [...]
Mon corps, jadis bien logé, bien vestu,
Est à présent de la gresle battu,
Lavé de pluye et du soleil seiche… »
La verve linguistique des Grands Rhétoriqueurs demeure de rigueur :
« Mon col, qui eut l’accol de chevalier,
Est accolé de troup mortel collier. »
122 A leur tour, les chroniqueurs s’attardent sur le procès et la pendaison. Les Parisiens,
Versoris surtout, témoin oculaire, sont souvent originaux dans leur description de la
scène. Alain Bouchart, plus éloigné de l’événement, s’est contenté de reproduire un
occasionnel, qui est repris aussi dans la Cronique du roy Françoys Premier 277. Mais, au-delà
des détails de l’exécution, l’interprétation à donner se retrouve dans toutes les sources.
Versoris lui-même achève son récit - de nature privée - par une courte méditation dont
les thèmes recoupent directement ceux des œuvres de circonstances qui paraissent alors.
Il se peut d’ailleurs qu’il s’en soit inspiré.
b. Le drame se noue
123 A l’occasion de sa chute, les textes reviennent brièvement sur la carrière de Semblançay.
Ses origines ne font guère problème : il sort de la marchandise tourangelle. En lisant le
passage qui suit de la première épitaphe, on songe à l’image pieusement conservée d’un
autre grand homme de finance, modeste et honnête « marchand drapier de Reims », à la
veille de son « offre au roi » :
« Adonc scavoiz que l’aulne contenoit
Aussi comment mesurer convenoit
Et que valoit chacune marchandise ».
124 Sans doute le jeune Jacques de Beaune sait-il cela, mais il est peu probable que, dans ses
magasins, il soit chargé de mesurer lui-même les tissus, comme le laisse entendre ce
poème. L’essentiel ici est que Semblançay jouisse dès le départ d’une situation sociale
aisée :
« Un temps je fus en estât de marchant
Qui fuz assez de richesse approuchant ».
125 Il apparaît donc comme tout autre chose qu’un « laquais-futur financier »278. Il faut un
conflit familial pour voir surgir, dans les années 1510, une accusation de ce type.
Semblançay, oncle par sa femme des enfants d’Adam Fumée, est devenu leur tuteur. Un
litige Financier l’oppose bientôt à eux. Les enfants Fumée insinuent au Parlement qu’il
« n’estoit fort opulent, mais lui sont venuz les biens à cause du maniement qu’il a eu des
biens dudit Fumée et de sa femme [à partir de leur mort en 1494]. Quant il vint à la
maison des Fumée, il estoit pauvre, et print là son commencement et moyen d’avoir des
estatz »279.
126 Le reproche est évidemment aussi infondê que la plupart de ceux concernant les gens de
finances du XVIIe siècle. Mais ce qui importe ici, c’est que l’accusation ne rencontre pas le
moindre écho en dehors de la procédure judiciaire, pourtant apte à servir de caisse de
résonance. Un demi-siècle plus tôt, Jacques Cœur est en revanche généralement crédité
de modestes origines. Mais cela n’apparaît pas condamnable en soi aux yeux de nombre
497
de chroniqueurs. Beaucoup attribuent alors pour une large part ses succès à ses
exceptionnels mérites280.
127 Mais l’ampleur de l’enrichissement et de l’ascension sociale ne peut manquer de faire
problème dans une société certes fluide, mais qui nie largement cette fluidité. Déjà les
chroniqueurs marquaient leur étonnement devant « l’avidité » de Marigny. Les
acquisitions immobilières effrénées de Jacques Cœur entraînent une attitude semblable. Il
en va de même pour Semblançay, devenu, comme le rapporte la seconde épitaphe,
« De Tours vicomte et Baillif de Touraine,
Dont suis natif et seigneur du dommaine
De Samblançay, la Carte et autres lieux
Et [ses] enfans fait presque Semydieux. »
128 Versoris évoque « ses biens, dont il avoit à milliers ». Cela fait trop et, comme l’explique
Marot :
« Les grands trésors, en lieu de secourir,
Honteusement me menèrent mourir. »
129 Le drame, aux dires du Bourgeois de Paris, se noue autour de l’affaire de L’Aigle,
emblématique des mystères de l’argent. « Il avoit faict de grosses acquisitions,
mesmement il avoit acquis la ville de l’Eigle en Normandie. [...] Or est-il ainsy que le Roy
et son conseil s’esmerveilloient des dictes grosses acquisitions et gros bastimens. Ledict
de Beaulne avoit achepté la dicte ville de l’Eigle IIIIXX m escus d’or »281. Le souverain
ordonne alors une enquête282. La trahison se met de la partie, car le vendeur supposé de la
baronnie de L’Aigle n’est autre que René de Brosse, gendre d’un proche de Semblançay,
Ymbert de Batarnay, mais qui, complice du connétable, « depuis cette vendition, s’en alla
rendre et prendre le parti de l’empereur contre le Roy ». La morale est sauve, car il meurt
à Pavie, tout comme l’autre traître, Bourbon, mourra devant Rome en 1527. Il n’empêche :
cela fait à Semblançay un étrange et bien malsain voisinage. Richesse rapide, richesse
suspecte, richesse qui fait défaut au roi à partir de 1523, et qui finance au même moment
un traître en puissance : c’est beaucoup.
130 Parallèlement se développe le thème d’un Semblançay tout-puissant, sinon jusqu’à sa
chute, du moins jusqu’aux réformes de 1523-1524. « Longtemps [se] feit appeller Roy de
Tours » affirme Marot. Mais les chroniqueurs vont plus loin : « Il n’y avoit homme qui
osast le dédire », « il avoyt gouverné trois roys », « je l’ai veu estre estimé quasi roy en
France »283. Aussi pour articuler cet excès de pouvoir à la violence de sa chute, le recours à
la « fortune » s’impose-t-il. Elle revient, obsessionnelle, dans les divers poèmes. Versoris
lui-même y renvoie, qui lit dans l’événement « instabilité et mutation de fortune ». Celle-
ci offre aux auteurs du temps une façon commode de penser un changement brutal. Elle
peut aussi, pour une part, dissimuler le rôle joué par les autorités, et au premier chef par
le roi, sur lequel on reviendra. Car si la « fortune » est maîtresse du jeu et du destin de
Semblançay, le pouvoir politique est mis sinon hors de cause, du moins hors de champ.
Encore faut-il s’entendre sur la nature de cette fortune. Est-elle une entité morale qui
punit, à terme, les méchants, Dieu sous un autre nom, ou une puissance aveugle qui agit
au hasard, héritage des Anciens ? Les textes insistent avant tout sur la dépendance de
Semblançay par rapport à elle, dépendance qui entraîne un véritable asservissement.
L’idée d’un pacte n’est pas loin, comme le souligne la première êpitaphe :
« Fortune alors quérant ma chalandise,
Existimant que fusse convoyteulx
Et que mon cueur repputasse honteulx
De tant tenir marchande maisonnette
498
c. Le grand passage
132 Les récits en prose comme en vers de la fin de Semblançay sont produits dans un évident
souci d’édification285. Tous s’attardent en premier lieu sur la fermeté d’âme dont fait
preuve le vieillard : il donne une leçon sur la façon de mourir. En prenant « moult
saigement sa mort et fortune en patience », il réussit pleinement son « examen de
passage », si pleinement
« Que l’on cuidoit, pour vray, qu’il menoit pendre
A Montfaulcon le lieutenant Maillart. »
133 Ce calme et cette dignité sont fort éloignés du spectacle donné par Marigny deux siècles
plus tôt, qui crie son innocence sur le chemin du gibet et demande des prières286.
Semblançay, lui, « portoit son adversité en si merveilleuse constance que tous ceulx qui le
veoyent en estoyent esmerveillez ». Le mérite du condamné est d’autant plus grand qu’il
fait clairement figure de bouc émissaire, portant seul les péchés de tout un groupe. Aussi
les autres coupables, qui ont la vie sauve, doivent-ils comprendre en leurs oraisons
« l’âme du cappitaine,
En suppliant à la cour souveraine
Que ses péchés lui soient pour rien comptez
Puis’u'il, sur tous qui se sont mescomptez,
Supporte mort, aux siens non reprouchable. »
134 Cela tend vers une figure christique, n’était-ce une différence majeure : Semblançay n’est
pas, lui, un innocent qui meurt pour les coupables. Cependant, l’insistance à rappeler sa
mort « entre larrons » évoque aussi le calvaire.
135 Mais l’édification vaut surtout par le message qu’une telle fin délivre sur la vie à mener.
Semblançay réussit une belle, donc bonne, mort, mais sa destinée doit servir aussi
d’enseignement pour mieux vivre. Les premiers « bénéficiaires » en sont évidemment les
499
autres gens de finances auxquels une pièce rappelle à chaque strophe : « Souviegne vous
de la mort Santblancey », pour mieux les inciter à s’amender287. Ce dernier mot est repris
par la première épitaphe pour mettre en garde ceux qui manient les « deniers publicqs » :
« Un jour viendra où tous les maleffices
Que assez on voit, amender conviendra.
Chacun de vous s’il est sage tiendra
Au plus entier de sa bonne mémoire »
qu’un même jugement le guette, aussi,
« Retirez-vous de votre affection
Sans plus hanter lieux plainz de faction. »
136 Mais le message vaut plus largement pour tous ceux qui sont appelés à « gouverner »,
comme le rappelle la seconde épitaphe :
« Mirez-vous y, qui gouvernez les Princes,
Villes, Citez, Communautez, Provinces. »
137 L’événement doit enseigner la valeur d’un comportement droit, mais tout autant la
prudence de rigueur face à la réussite terrestre :
« Ne vous fiez en Fortune, et la Court,
Ni aux honneurs du monde, où chacun court. »
138 La fin tragique de Semblançay montre bien, estime Marot, « que vault grant charge à
bailler et à prandre ». Jehan Bouchet rapporte les propos attribués au condamné au pied
de l’échafaud. Ils vont au-delà des leçons jusqu’ici évoquées, en remettant en cause les
fondements même de l’engagement mondain : « Si j’eusse autant prins de peine et labeur
et par si long temps à servir Dieu, comme j’ay à servir le Roy, il ne m’en fust pas ainsy
mal. J’ay bien mérité la mort, pour avoir plus servy aux hommes qu’à Dieu »288. Avec cette
affirmation, le véritable sens de l’épisode est donné : tout en définitive doit être accompli
pour Dieu : servir ailleurs, c’est se fourvoyer. L’exécution de Semblançay a accompli la
totalité du chemin qui la transfigure, à terme, en un exemplum offert en parabole aux
croyants.
d. Le jugement populaire
139 Il peut paraître difficile de s’appuyer sur l’attitude des spectateurs d’une exécution
capitale pour essayer de déduire leur « opinion » sur le condamné. La nature spécifique
du rituel impose en effet un certain type de comportement. Marot a bien vu la chose, qui
fait dire à Semblançay :
« A mon loz n’est chouse demourée
Que une constance en face coulorée
Qui jusques au pas de mort m’accompaigna,
Et qui les cueurs du peuple tant gaigna
Que estant meslée avec mes ans vieulx
Fist larmoyer mes propres envieulx. »
140 La fameuse épigramme est écrite dans le même esprit. Cependant, l’absence totale
d’animosité est un indice sérieux. Marigny avait été conduit au gibet sous les huées, avant
que l’« opinion » ne se retourne après sa mort289. Aucune manifestation de ce genre pour
Semblançay, du moins d’après les sources disponibles. Au contraire les spectateurs
espèrent jusqu’au bout qu’il sera gracié : « Il fut fort plainct et regreté du peuple, lequel
eust bien voullu qu’il eust pieu au Roy le saulver » affirme Versoris. Les Parisiens avaient,
trois ans plus tôt, accueilli avec joie la grâce royale destinée à Saint-Vallier, complice de
Bourbon, au pied de l’échafaud. Beaucoup comptaient probablement, comme Semblançay
500
lui-même, que « le Roy luy [ferait] telle grâce comme il avoit fait au seigneur de Sainct
Vallier »290.
141 Aucun jugement entièrement négatif n’est porté contre lui. Certes sa culpabilité est
admise, ainsi que l’équité d’un procès qui a été « bien et justement fait », comme le
reconnaît Versoris lui-même, bien qu’il ait été mené par une commission et non par une
juridiction ordinaire. Certes, Semblançay a été, comme tant d’autres, égaré par l’avarice,
ce « criminel vice » qui pousse à l’enrichissement excessif. Il s’est acoquiné avec des
marchands parisiens « par finesse et cautelle », et la présence de plusieurs hommes
d’affaires étrangers autour de lui, de Thomas Gadaigne à Robert Albisse n’est peut-être
pas sans rapport avec sa faute. Si la Fortune lui a accordé quatre dons, comme l’explique
la première épitaphe, le dernier lui est fatal. Outre l’accès au prince, le maniement de ses
deniers et la richesse personnelle, Semblançay reçoit en effet « grande mesco-
gnoissance » - c’est-à-dire aveuglement - qui lui fait perdre tout sens de la mesure et le
met pour finir en la « puissance » de Fortune. Cette disparition des repères le conduit à
« chasser dans les forestz » des grands seigneurs, voire à « prendre authorité sur ceux du
sang ». Pour autant, il a de nombreuses circonstances atténuantes. Tout d’abord d’avoir
su rester « pendant qu’il estoit en si gros honneur [...] humble et gracieux aux
gentilshommes et au peuple qui avoit affaire à luy ». Il est demeuré « homme prudent,
saige et de grant conduicte ». L’ingratitude de ceux qu’il a souvent obligés est flagrante, et
la première épitaphe insiste particulièrement sur celle des puissants :
« L’esprit de mon malheur lassé
Remect en jeu le secours et service
Dont j’ay été en mon temps si propice
[...] Aux grands seigneurs que j’ay toujours servy
Mon corps et biens ont esté asservy,
Et néanmoins voyez la récompense. »
Marot l’exprime d’une formule :
« J’euz en effect des plus grands la faveur
Où au besoin trouvé fade saveur. »291
142 Un témoignage exceptionnel est fourni par une lettre d’une Clarisse de Gien datant peut-
être de mars 1527. Elle dépeint Semblançay, son destinataire, sous les traits du bon riche
chargé d’épreuves : « Ayes force de portés en passience, ayant mémoire du bon juste Jop.
Après sa passience nostre bon dieu luy doubla tous ces biens [...]. Je croy, monsgr, qui
veulz veoir la vostre pareillement en vous donnant quelque ennuy et dêsolassion. » Il ne
peut que triompher de l’épreuve, car la prière de beaucoup monte vers Dieu en sa faveur
en raison de « la bonne sorte dont vous estes gouverné aux grans aferes et charges qui
vous ont esté commises, car vous avez réconforté les povres membres de Jhésus en
plusieurs sortes, dont de nostre partie nous l’avons senti et santons tous les jours » 292. Le
bon usage fait par Semblançay de son pouvoir et de son argent donne à son statut social
sa signification éthique, la seule valable. Ainsi le jugement porté sur lui est-il nuancé. Sur
son cas, les avis sont contradictoires : coupable ou victime ? Dans les conversations
parisiennes d’août 1527, après sa mort, « les aulcuns en disoient du bien, les aultres du
mal ». Mais nul mouvement de haine collective, nulle joie devant son supplice ne
transparaît. De la teneur de l’arrêt qui le condamne, « on fut moult esbahy », mais non
réjoui293.
143 Parmi tous ceux qui l’ont abandonné, le roi n’est pas oublié. L’absence de « miséricorde »
de la part du souverain terrestre fait mieux ressortir l’infinie bonté du vrai juge et
apparaît comme un signe d’imperfection du pouvoir terrestre. Le roi, bien peu paternel
501
jamais été hostile à Semblançay. Sans doute a-t-on aussi largement approuvé
l’ensevelissement en terre chrétienne des restes du condamné. Le roi lui-même, un peu
plus tard, accordera sa rémission aux serviteurs fidèles qui avaient voulu rendre ce
dernier hommage à leur maître disparu300. Enfin le Parlement de Paris, au travers des
mesures qu’il prend contre certains de ses membres impliqués dans la condamnation,
manifeste peut-être indirectement sa sympathie envers la victime. Pierre Laydet affirme à
la fin de 1527 que la cour lui est hostile en raison de « certains papiers qu’il dit avoir
baillez contre le seigneur de Samblançay et les dispositions et confrontation à ceste cause
faictes aud de Samblançay »301. Mais la fragilité des sources interdit ici d’être trop
catégorique.
Conclusion
147 Le règne de François Ier est traversé par de classiques et récurrentes traces de réticences
face à l’impôt. Même la prospère capitale, pourtant privilégiée sur le plan fiscal, témoigne
d’une animosité certaine et chronique envers un roi qui demande toujours plus. Mais,
sauf à la fin du règne pour ce qui touche à la fiscalité du sel, ces oppositions ne
débouchent pas sur des troubles graves. Coercition efficace ? Conscience nationale
surmontant les égoïsmes locaux ? Probablement pas : l’État comme la Nation sont encore
trop faibles. Cependant l’habitude du paiement, pour les taxes traditionnelles du moins,
est dorénavant bien prise. Par ailleurs la « demande d’État » des populations n’est pas
nulle. Ceci devrait les inciter à contribuer au financement de son action. Mais
parviennent-elles pour autant à concevoir comme un tout cohérent et indissoluble une
légitime exigence de justice et de paix d’une part et une taxation toujours douloureuse et
souvent mal employée de l’autre ? Ce qui facilite, au début du XVIe siècle, l’action de la
monarchie tient tout d’abord à la conjoncture, c’est-à-dire à la relative modération du
prélèvement et à la bonne santé de l’économie. Ensuite, de façon plus durable, la
collaboration du pouvoir avec des élites locales et régionales en matière de finance est
déjà partiellement en place. Organisation des levées voire prise de certaines décisions se
font dans un cadre décentralisé, comme en témoigne le Dauphiné. Mais seules des études
plus précises et plus nombreuses permettront de l’établir clairement.
148 La monarchie, qui perçoit les réserves de ses sujets, produit un discours financier qui
n’est pas à lire comme une tentative de réponse directe à l'« opinion ». Les propos tenus,
en particulier dans les préambules d’ordonnances, sont cependant révélateurs de
caractéristiques idéologiques soit traditionnelles, comme la tentative de prise en charge
de l’intérêt collectif ou la culpabilité devant lé prélèvement, soit plus novatrices, comme
l’importance croissante prise par le secret des finances. S’il y a « réponse », c’est
beaucoup plus dans l’attitude du pouvoir et des gens de Conseil vis-à-vis de l’argent et des
hommes d’argent qu’il faut aller la chercher. Textes de référence, actions judiciaires et
cérémonies symboliques servent à déplacer les responsabilités, à la fois aux yeux de
pouvoir lui-même et, espère-t-il, aux yeux de l’ensemble des sujets302.
149 Cette politique ne rencontre qu’un succès limité. La médiocrité des moyens
d’investigation de l’historien pour percevoir les réactions des sujets répond à la probable
médiocrité des moyens dont dispose le pouvoir pour faire passer son message.
L’opposition farouche aux officiers de finance est largement absente. Elle ne semble pas
relayer la mise en cause des gens de Conseil, nette au début des années vingt, et qui se
poursuit probablement ensuite. Cette mise en cause révèle d’ailleurs une vision assez
503
pertinente des conséquences des réformes du règne. Il faudrait pouvoir faire le point au
milieu du siècle, mais les sources ne le permettent guère. Le flot des poursuites
financières a-t-il pu avoir raison de la focalisation des Parisiens sur le Conseil ? Quelques
spectaculaires procès politiques, comme ceux de Chabot ou Poyet n’encouragent guère les
sujets à cesser leurs critiques sur la façon dont les décisions se prennent au sommet,
puisque le roi lui-même met en accusation ses principaux agents. Aussi, à l’égard des
officiers de finance, ce qui frappe est le poids dominant d’un discours très nuancé,
particulièrement riche dans le cas de Semblançay. Il ne se nourrit pas encore des
stéréotypes qui feront les beaux jours des terribles attaques qui fleurissent au XVIIe siècle
contre l’ensemble des gens de finances.
NOTES
1. Barrillon, Journal, t. I p. 108.
2. Guéry, Roi dépensier, p. 1256.
3. Tommaseo, Relations, p. 295.
4. Voir un exemple provençal dans O.R.F., t. IV p. 252.
5. Knecht, Francis I, p. 353.
6. Tommaseo, Relations, p. 297.
7. B.N. fr 3048 f° 1.
8. A.N. J 966, 28/6 [22-6-0 536-1537)].
9. C.A.F., t. IV nos 12646 et 12772-12774. Ils ont donc obtenu, par rapport à la demande initiale, un
rabais de 5 000 lt.
10. Mollat, Jacques Cœur, p. 224.
11. Un exemple dans C.A.F., t. VII n° 24227 (10-1-1536) : don de 9 000 lt aux commissaires aux
États de Provence.
12. Spont, Semblançay, p. 25 note 3 ; p. 82 et p. 84, note 1.
13. Versoris, Livre de Raison, p. 121 (paragraphe 96).
14. Bourgeois de Paris, Journal, p. 183.
15. Hermann et al., Premier âge de l’État en Espagne, p. 203 et 325.
16. Knecht, Francis I, p. 354 ; BN fr 2985 f° 60.
17. C.A.F., t. IV n° 11234.
18. Knecht, Francis I, p. 356 ; Contamine, Histoire militaire, t. I p. 266-267.
19. Spooner, Frappes, p. 115-116 et 128 note 1.
20. Le Roy Ladurie (Sous la dir. de), Histoire de la France Rurale, t. 11 (1340-1789), Paris, 1975, p. 338.
21. Knecht, Francis I, p. 354-355 ; Gay, Bourgogne, p. 189 ; C.A.F., t. V n° 17479 (14-5-1522).
22. Matignon, Correspondance, p. XLIV et p. 95.
23. Voir par exemple les pressions bordelaises ou languedociennes couronnées de succès pour la
suppression de taxes sur le vin et le pastel : O.R.F., t. IV p. 69 (4-5-1525) et t. V p. 11 (3-2-1527).
24. Gay, Bourgogne, p. 186 et 210.
25. Beik (William), Absolutism and Society in Seventeenth Century France. State Power and Aristocracy
in Languedoc, Cambridge, 1985, XVII1 + 375 p. Voir aussi Dubost (Jean-François), « Absolutisme et
centralisation en Languedoc (1620-1690) », R.H.M.C., juillet-septembre 1990, p. 369-397.
26. Bien, Offices, p. 394-397 et 401.
504
27. Van Doren, War taxation, p. 80-81 : les États de Dauphiné reçoivent une « virtual autonomy in
the preparation of parcelles » ; p. 94 : extension de la juridiction administrative dans le domaine
fiscal à partir de 1537. En mettant l’accent sur le processus de décentralisation, Van Doren se
place dans la lignée des réflexions de Russell Major, Représentative Institutions, p. 3-13.
28. Vernus-Moutin, États de Dauphiné, p. 118.
29. Souriac (René), « L’autonomie provinciale du Comminges au xvi e siècle », Revue Géographique
des Pyrénées et du Sud-Ouest, 1989, p. 243-255.
30. Voir pour les cités picardes, Potter, Picardy, p. 258-264. Potter insiste sur le fait que, parfois,
c’est le pouvoir royal qui est manipulé à leur profit par certains acteurs locaux.
31. Spont, Semblançay, p. 46.
32. Buisson, Duprat, p. 261-262.
33. Maugis, Parlement, t. I p. 159-161.
34. Buisson, Duprat, p. 126.
35. Bourgeois de Paris, Journal, p. 44 ; Lecoq, François I er, p. 176-178.
36. A.N. J 967, 37 [(31-3-(1536-1538)].
37. Favier (Jean), Philippe le Bel, Paris, 1978, p. 601-602.
38. B.N. fr 17527 f° 97. Une thématique semblable sous Louis XII avec le « défaut du Garillant »,
après la chute de Naples en 1504 : Auton, Chroniques, t. III p. 340-346.
39. B.N. fr 17527 f° 97 v°.
40. O.R.F., t. II p. 239 (28-6-1518).
41. C.A.F., t. IV n° 12829 (6-12-1542).
42. O.R.F., t. VII p. 127.
43. La famille Versoris fait déjà preuve d’une sensibilité ultra-catholique qui la pousse à une
condamnation morale sévère de la politique monarchique. On se situe ici dans une préhistoire du
monde ligueur. Voir sur ce point Descimon (Robert), Qui étaient les Seize ? Mythes et réalités de la
Ligue parisienne (1585-1594), Mémoires de la fédération des sociétés historiques et archéologiques
de Paris et de l’Ile-de France, Paris, 1983, p. 225-226.
44. Versoris, Livre de Raison, p. 114 et 119-120.
45. Ibid., p. 132.
46. Bourgeois de Paris, Journal, p. 121, 134, 160 et 180.
47. Versoris, Livre de Raison, p. 211.
48. Knecht, Paris, p. 32-33 ; A.N. J 967, 127 [12-3-(1537)].
49. « La città di Parigi mandi ambasciatori a sua Maestà, a reclamare, e dire che non possono
reggere più, nè pagare tanti danari » : Canestrini, Négociations, t. TU p. 154.
50. « Francis never had to face a serious rebellion in his capital, but his relations with the citizens
were often tense »: Knecht, Paris, p. 33.
51. Cité par Chevalier, Bonnes villes, p. 95.
52. Doucet, Parlement 1525-27, p. 28.
53. Doucet, Parlement 1525-27, p. 56, 68-69, 79-86, 98 et 106-110.
54. Ibid., p. 93.
55. Bourgeois de Paris, Journal, p. 233.
56. Sur le traité, voir Jacqueton. Politique extérieure, passim.
57. Prentout, Etats de Normandie, t. I p. 268-271.
58. Bourgeois de Paris, Journal, p. 267 (assemblée du 30-10-1525).
59. Voir par exemple Versoris, Livre de Raison, p. 196 (paragraphe 345).
60. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 25 et 56.
61. Versoris, Livre de Raison, p. 172 (paragraphe 272).
62. Doucet, Parlement 1515-1525, p. 316-317 ; Parlement 1525-1527, p. 63-65 ; Versoris, Livre de Raison,
p. 129 (paragraphe 121) parle de la « sagesse, prouesse et vertu » prêtées à Bourbon par le
« commun peuple de France ». Sur la popularité des « traîtres », voir un siècle plus tard le cas de
505
Biron et l’émotion lors de sa condamnation : Babelon (Jean-Pierre), Henri IV, Paris, 1982,
p. 894-896.
63. Knecht, Francis I, p. 208 ; sur ce dossier voir Hauser (Henri), « Le traité de Madrid et la cession
de la Bourgogne à Charles Quint. Étude sur le sentiment national bourguignon en 1525-1526 »,
Revue bourguignonne, vol. 22, n° 3, 1912.
64. A.N. J 968, 33/2 (28-4-1538).
65. Spont, Semblançay, p. 190 note 1.
66. B.N. fr 3048 f° 131.
67. Lestocquoy, Nonces 1541-Î546, p. VIÏ ; Tommaseo, Relations, p. 97 et 403.
68. Ehrenberg, Fugger, p. 31 et note 61.
69. Schick, Fugger, p. 169.
70. Tommaseo, Relations, p. 297.
71. Ibid., p. 403 et 97 note a.
72. Demurger (Alain), Temps de crises, temps d’espoirs XIVe-XVe siècle, Paris, 1990, p. 146 :
« mutemaque » de Reims et « tricotterie » d’Angers (1461), troubles à Bourges (1474), au Puy
(1477), à Agen (1481)… Si les cas de Dijon (1477) et d’Arras (1479) sont spécifiques car liés à
l’annexion française, la composante antifiscale compte sans doute aussi dans les révoltes. En
milieu rural, voir le cas un peu isolé, et mal connu, des « Galants de la Feuillée » en Bourbonnais :
Le Roy Ladurie (sous la dir. de), Histoire de la France rurale, t. II (1340-1789), Paris, 1975, p. 96.
73. Chevalier, Bonnes villes, p. 101-103.
74. Tommaseo, Relations, p. 297.
75. Heller. Conquest of Poverty, p. 218-219.
76. B.N. Dupuy 79 f° 25 v° (sd 1538-1542).
77. A.D. Gironde, 1B2 fos 178-179 (5-8-1516).
78. C.A.F., t. I n° 1538 (27-4-1522) ; O.R.F., t. IV p. 69 ; Zeller, Institutions, p. 265 ; Gay, Bourgogne, p.
189.
79. B.N. fr 11645 f° 36.
80. O.R.F., t. V p. 1-2 (4-1-1527).
81. Voir C.A.F., t. V n° 16635 et VIII p. 320 a n° 833 bis.
82. Bercé, Croquants et Nu-pieds, p. 12.
83. Chevalier, Bonnes villes, p. 98, 99. Au cours du règne de Charles V se sont conjugués en fait
dans les villes un fort prélèvement royal et une fiscalité municipale accrue.
84. Prentout, Etats de Normandie, t. II p. 155 et 266-269.
85. Voir Valiez (Jean-Marie), « Cartographie des régimes et des circonscriptions des gabelles en
Normandie » dans Hocquet (Jean-Claude), Le roi, le marchand et le sel, Actes de la table ronde des
23-25 septembre 1986, Villeneuve d’Asq, 1987, p. 187-199 (+ cartes).
86. Matignon, Correspondance, p. XLVIII et 148 note 1.
87. C.A.H., t. II n° 3984 (novembre 1548).
88. Voir Gigon, Révolte, passim ; Bercé, Croquants et Nu-pieds, p. 19-43.
89. Sur les conséquences fiscales de ces troubles, en particulier les très faibles rentrées
d’une crue de quinze lt par muid de sel qui devait payer les gages du parlement de
Bordeaux : C.A.H., 1.1 n° 1714 (11-12-1547) et t. II n° 2326 (29-2-1548).
90. Canestrini, Négociations, t. III p. 154.
91. Voir les conclusions de Roudié, Embarras, p. 78.
92. Heller, Conquest of Poverty, p. 191 et 186.
93. Voir Guiffrey (éd), Chronique, p. 413-425 ; Du Bellay, Mémoires, t. IV p. 101-107.
94. C.A.F., t. IV n° 13167 (25-5-1543) ; cf A.N. M.C. XLIX 72 (19-5-1544) : vente par deux procureurs
du roi de 883 muids de sel venant de Saintonge et La Rochelle, pour 70 610 It (soit 80 It le muid) à
Jehan de la Chesnaye, secrétaire des commandements, François Allamant, contrôleur général des
506
fautes et abus sur le fait du sel, Jaques Pinel, Loys Saulsoye et Martin Quatrehommes, bourgeois
de Paris.
95. Lestocquoy, Nonces ¡541-1546, p. 186.
96. Cinquante et une lettres ont fait l’objet d’une étude approfondie : trente et une sont adressées
à des commissaires qui se présenteront devant des Etats provinciaux (vingt pour le Languedoc,
de loin la série la plus homogène, trois pour la Bretagne ou le comté d’Auxonne, deux pour la
Bourgogne, un pour le Dauphiné. la Normandie et la Provence), quatorze textes sont destinés à
des officiers chargés de prélever directement tailles ou crues de tailles (dix cas) ou impositions
diverses (quatre cas) ; enfin cinq lettres ont trait au domaine et une à des prélèvements de gages
sur le personnel monarchique.
97. Autrand, Parlement, g. 228 ; Schick, Fugger, p. 166 ; Wolfe, Fiscal System, p. 99. Réflexions
générales sur l’opinion à la fin du Moyen Age dans Cazelles (Raymond), Société politique, noblesse et
couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève-Paris, 1982, p. 3-5.
98. Voir par exemple ses propos lors de la demande royale portant sur 50 000 hommes de pied
pour quatre mois en février 1545 : les villes closes de Poitou doivent verser 24 000 It, « a quoy le
dit païs s’accorda, comme la raison le vouloit et veut, veu les grandes affaires du Roy et du
Royaume » : Bouchet, Annules, p. 552.
99. Champagne (Patrick), Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique, Paris, 1990, p. 70.
100. Jouhaud (Christian), Mazarinades : la Fronde des mots, Paris, 1985, p. 241 et 88.
101. Fogel (Michèle), Les cérémonies de l’information dans la France du XVIe au milieu du XVIIIe siècle,
Paris, 1989, p. 11-15. Évoquant les « clameurs » des sujets, elle affirme, p. 13 : « A aucune de ces
manifestations audibles n’était cependant reconnu le statut de discours articulé. 11 revenait à la
sagesse du roi justicier de trancher dans les plaintes et les demandes, à son savoir de leur donner
une forme élaborée, à sa puissance de rétablir l’ordre et le silence par la publication de ses
décisions ».
102. Voir sur ce changement la synthèse de Fogel (Michèle), L’État dans lu France moderne de la fin
du XVe au milieu du XVIIe siècle, Paris, 1992. p. 176-178.
103. Bonne mise au point sur cette notion dans Sabatier (Gérard), « Les rois de représentation.
Image et pouvoir (XVIe-XVIIe siècle) », Revue de synthèse, juillet-décembre 1991, quatrième série,
p. 419.
104. O.R.F., t. III p. 175.
105. B.N. fr 5085, f° ! 15-16. La formule date ici du règne de Louis XII.
106. Liste très complète : O.R.F., t. VII p. 61-62 ; variante plus courte : O.R.F., t. VIII p. 180 :
« despense et paiement de noz officiers domesticques et autres charges ordinaires ».
107. O.R.F., t. I p. 281 (3-8-1515) ; t. II p. 178 (27-7-1522).
108. O.R.F., t. III p. 28 (29-5-1521).
109. Doucet, Parlement 1515-1525, p. 150
110. O.R.F, t. I p. 384 (30-3-1516).
111. O.R.F., t. III p. 283.
112. R.D.B.V.P., t. I p. 222 et 230.
113. Lecoq, François Ier imaginaire, p. 203.
114. O.R.F., t. III p. 66 (11-8-1521).
115. O.R.F., t. VIII p. 441-442 (7-10-1537).
116. L’imprimerie a fortement accru les capacités de propagande monarchique. Trente ans plus
tôt, lors de la rupture de la promesse de mariage entre Charles VIII et Marguerite d’Autriche, les
ambassadeurs allemands se plaignent déjà des Français qui « impriment des lettres qu’ils
appellent instructions et informations, et qu’ils répandent par tout le royaume » pour appuyer
leur position : Demurger (Alain), Temps de crises, temps d’espoirs, XIVe-XVe siècle, Paris, 1990, p. 228.
117. Du Bellay, Mémoires, t. III p. 39.
118. Tommaseo, Relations, p. 179 ; Canestrini, Négociations, t. II p. 765.
507
119. Lestocquoy, Nonces 1541-1546, p. 113. En janvier 1543 encore, le nonce souligne qu’il est plus
facile pour les Français que pour leurs adversaires de faire des préparatifs militaires : ibid., p. 185.
120. Tommaseo, Relations, p. 305.
121. B.N. fr 4525 f° 93-96.
122. Du Bellay, Mémoires, t. I p. 205.
123. On retrouve ici indirectement les réflexions des sociologues sur la pratique des sondages…
124. Sur le discours politique adressé au roi, cf. Lecoq, François I er imaginaire, p. 482-485.
125. Voir la célèbre formule du président Guillart le 24 juillet 1527 : « Nous ne voulons revocquer
en doubte ou disputer de votre puissance. Ce seroit espèce de sacrilège… » : Jacquart, François I er,
p. 201.
126. Hermann et al., Premier âge de l’État en Espagne, p. 236.
127. O.R.F., t. III p. 61.
128. B.N. fr 2978 f° 30.
129. Jacqueton, Documents, p. 54 (article 6) et p. 78 (article 13).
130. Favier, Marigny, p. 104.
131. Doucet, Grand Parti, 2e partie p. 5. Même cas de figure en 1596 en Espagne, lorsque les gros
prêteurs d’argent « sont littéralement surpris par le decreto royal de la mi-novembre par lequel
Philippe II suspend les paiements » : Braudel, Méditerranée, t. I p. 464.
132. Voir Jack, Henry VIII’s control of royal finances, p. 1, 3 et 16.
133. Coyecque, Recueil, t. I n° 2446.
134. Le Roux de Lincy, Grolier. p. 22.
135. O.R.F., t. I p. 193 et 220 ; t. H p. 108 et 248.
136. Ibid., t. II p. 523 et t. III p. 292.
137. Ibid., t. IV p. 47.
138. O.R.F., t. IV p. 120 et 127 (300 000 lt pour les Suisses) et p. 161 (300 000 lt pour le roi
d’Angleterre).
139. Ibid., t. V p. 755. En décembre 1527, lors d’une Assemblée convoquée au sujet de la rançon du
roi, François Ier fournit des chiffres. Mais, au début de la rencontre, le chancelier fait jurer aux
auditeurs « que de chose que le Roy leur diroit, et déclareroit présentement, ils ne le
révèleroient » : Godefroy, Cérémonial, p. 481. Le principe du secret est ainsi réaffirmé, mais bien
mal respecté : les chiffres se retrouvent en effet dans le compte-rendu de la séance fait par la
municipalité parisienne lors d’une assemblée de ville : R.D.B.V.P., t. II, p. 1-2.
140. Six signataires : Nicolas de Neufville, Florimont Robertet, Robert Gedoyn, Jehan Breton,
Gilbert Bayart et Guillaume Bochetel. Plus une signature de Thierry Dorne en 1526.
141. Wolfe et Zacour, The growing Pains, p. 65 (paragraphe 3). D’après Wolfe, Fiscal system, p. 83. les
réformes entraînent d’ailleurs effectivement « a significantly greater degree of secrecy in royal
affairs ».
142. Kauch, Épargne, p. 704, 707-708, 717-718.
143. O.R.F., t. II p. 408-409 et p. 469.
144. Isambert, Recueil, t. 11 p. 658.
145. L’exemple castillan de 1623 est lui aussi éclairant : c’est… pour s’assurer les bonnes grâces
des Cortes que la monarchie sous l’impulsion d’Olivarès révèle la gravité de la situation
financière (dette de 116 millions de ducats) aux « représentants » : Elliott (John), Olivarès
(1587-1645), L’Espagne de Philippe IV, Paris, 1992, p. 177.
146. Sabatier (Gérard), « Rappresentare il principe, figurer l’État. Les programmes
iconographiques d’État en France et en Italie du XVe au XVIIe siècle », dans Genêt, L’État moderne :
genèse, p. 255-256.
147. Plus profondément encore, sur « le silence nécessaire qui entoure le pouvoir légitime », voir
les réflexions de Chiffoleau (Jacques), « Dire l’indicible. Remarques sur la catégorie du nefandum
du XIIe au XVe siècle », A.E.S.C., mars-avril 1990, n° 2, p. 289-324 et spécialement p. 311.
508
148. Jouhaud (Christian), Mazarinades : la Fronde des mots, Paris, 1985, p. 77.
149. O.R.F., t. II p. 518. Pour un texte postérieur à 1532, voir t. IX n° 946 p. 634 et sq. (20-8-1539).
150. Certaines des provinces concernées, comme le Rouergue et le Périgord, possèdent des États
particuliers : Doucet, Institutions, t. I p. 340 et 354-355. Mais aucune allusion n’y est faite dans les
lettres, qui ne sont en rien des commissions pour la tenue des États.
151. B.N. fr 2940 f° 4 [16-10-(1522)]. Contrairement à l’acquit de février 1522, cette lettre n’a pas
valeur de garantie particulière. Rien ne « justifie » donc une particulière solennité.
152. O.R.F., t. VIII p. 440 note 1.
153. O.R.F., t. III p. 177.
154. Ibid., t. III p. 33 et 175 ; t. VIII p. 441.
155. Ibid, t. III p. 98.
156. OR.F., t. III p. 175.
157. A.N. I 966, 19/1 [7-3-(1536-1538)].
158. O.R.F., t. I p. 394. Duprat ne tente pas autrement de justifier devant le Parlement des
créations d’offices. 11 « est besoin couler et passer beaucoup de chose [...] pour éviter plus grant
inconvénient » : Buisson, Duprat, p. 257.
159. O.R.F., t. I p. 193 ; t. III p. 203.
160. Tommaseo, Relations, p. 403 (relation de 1561).
161. Voir sur ce point les remarques de Descimon (Robert), « La royauté française entre féodalité
et sacerdoce. Roi seigneur ou roi magistrat ? », Revue de synthèse, juillet-décembre 1991,
quatrième série p. 466-467.
162. Jouhaud (Christian), Mazarinades : la Fronde des mots, Paris, 1985, p. 129.
163. Réflexions sur les relations entre libéralité et impôt dans Guéry, Roi dépensier, passim et en
particulier p. 1262.
164. Cité par Knecht, Francis I and the « Lit de justice », p. 67. Guillart s’inscrit dans toute une
tradition de la fin du Moyen Age, qui s’est largement exprimée aux Etats de 1484. Voir aussi, à
titre d’exemple, Lewis (Peter), Écrits politiques de Jean Juvénal des Ursins, Paris, 1992, t. III
p. 120-123. Dès le XIVe siècle, l’argent destiné à payer les gens de guerre est détourné à d’autres
fins.
165. O.R.F., t. III p. 33 et 66.
166. Voir dans un domaine en définitive pas si éloigné la réflexion de Chevalier, Bonnes villes, p.
290 : « Les honnêtes gens, pas plus que les malfaiteurs, n’ont la claire notion d’un ordre public qui
se surimposerait efficacement à la crainte du péché ».
167. Cité par Guéry, Roi dépensier, p. 1257.
168. O.R.F., t. I p. 192.
169. Ibid., t. III p. 67.
170. O.R.F., t. III p. 98.
171. Ibid., t. IX p. 70 et t. III p. 175.
172. A.C. Agen, BB 26 f° 290 (22-9-1540).
173. Lecoq, François Ier imaginaire, p. 346.
174. O.R.F., t. 1 p. 394.
175. Davis (Natalie), Pour sauver sa vie. Les récits de pardon au XVIe siècle, Paris, 1988, p. 94.
176. O.R.F., t. I p. 193 ; t. V p. 190.
177. Davis, op. cit. p. 240.
178. O.R.F., t. VIII p. 442.
179. Ibid., t. IV p. 46.
180. B.N. fr 2940 f° 4.
181. O.R.F., t. VIII p. 441.
182. A.N. J 965, 4/1.
509
183. Casati, Lettres royaux, p. 29. La date retenue par Casati (23-4-1515) est très certainement
erronée. Le document est sans doute du 23-4-1517.
184. Il y aurait beaucoup à dire, par ailleurs, sur le rapport à l’argent dans la société du
temps, qu’il s’agisse par exemple des hommes d’église, des parlementaires ou de la
noblesse, Voir, à titre de piste à suivre, les réflexions de la conclusion de Bayard, Eglise et
financiers, p. 24.
185. B.N. fr 3048 f° 1.
186. Isambert, Recueil, t. 12 p. 560.
187. Hocquet (Jean-Claude), « L’impôt du sel contre la modernité de l’État », dans Genêt, L’État
moderne : genèse, p. 119-120.
188. O.R.F., t. VI p. 256.
189. B.N. fr 5086 f° 36.
190. Bouchet, Annales, p. 371.
191. O.R.F., t. 111 p. 235. A cette occasion, les cas de quatre « usuriers » sont évoqués : trois
marchands, de Sarlat, Périgueux et « Nanteul » (= Nantheuil) en Périgord, plus Marie Julhard,
veuve de Jehan Tixendier, sans état indiqué.
192. Versement de fonds par acquit du roi du 2-8-1532 : A.N. J 958 n° 4, dépenses, n° 1. Voir aussi
le mandement non daté au trésorier de l’Épargne pour délivrer 1200 lt aux conseillers qui ont
vaqué aux procès contre les usuriers par ordonnance de Jean Prévost et Nicole Quélain : C.A.F.,
t. VII n° 25628.
193. Si le Jehan Houel de l’affaire est bien le même que Jehan Houet, marchand bourgeois de
Paris cité en 1545 dans Campardon et Tuetey, Insinuations, n° 1875. Pour l’ensemble du dossier,
voir Bourgeois de Paris, Journal, p. 428 et 440 ; Driart, Chroniques, p. 175 ; B.N. Dupuy 623 f° 57 ; fr
15633 fos 175-177.
194. C.A.F., t. IV n° 13877 (28-5-1544).
195. C.A.F., t. V nos 14977 (9-4-1546) et 15212 (9-7-1546).
196. Dumoulin, Contractz, f° 126 v°.
197. Spont, Documents, p. 336 (article IV).
198. Bodin, République, p. 893.
199. Claude de Rubys cité dans Doucet, Grand Parti, 1re partie, p. 496.
200. A titre d’exemples, les remarques de Monluc et de Boyvin. Le premier, évoquant les
trésoriers, précise que si de l’argent transite par eux, « quelque chose leur demeure tousjours
dans les pattes » : Monluc, Commentaires, p. 815. Boyvin, par deux fois en 1557, revient sur ce
thème. Une somme doit être rassemblée à l’initiative du connétable, en dehors de
l’administration financière, pour éviter que « les trésoriers, les pensées desquels ne s’estendent
pas plus avant que leur vie, [y] fassent la moindre bresche ». Quelques mois plus tôt, Boyvin
escorte lui-même des fonds jusqu’en Piémont « sans passer par les mains des trésoriers, qui y
feraient quelque bresche » : Boyvin, Mémoires, p. 278 et 269.
201. Cité et resitué par Spont, Semblançay, p. 208.
202. O.R.F., t. VI p. 244 (1-6-1532).
203. Ibid, p. 246 et sq.
204. Voir Jouanna, Ordre social, p. 127-128 et Fogel (Michèle), « Modèles d’État et modèle social de
dépense : les lois somptuaires en France de 1485 à 1660 », dans Genet (Jean-Philippe) et Le Mené
(Michel), Genèse de l’État Moderne. Prélèvement et redistribution, Paris, 1987, p. 227-235.
205. Cité dans Dubost (Jean-François), « Absolutisme et centralisation en Languedoc au XVIIe
siècle », R.H.M.C., juillet-septembre 1990, p. 369. A suivre Michèle Fogel (op. cit., note précédente),
la confusion des états, marquée par les usurpations roturières, est plutôt un thème des
ordonnances du XVIe siècle, et l’excès de luxe, qui ruine directement la noblesse, plutôt un
leitmotiv des textes du XVIIe siècle.
510
271. Garin (Eugenio) (dir.), L’homme de la Renaissance, Paris, 1990, p. 243. Ce type de
comportement, à la fois dans le public et chez les hommes d’argent, persiste longtemps. Voir les
remarques de Stern (Fritz), L’or et le fer. Bismarck et son banquier Bleichrôder, Paris, 1990, p. 564 sur
l’importance de la philanthropie, les exceptions confirmant la règle. Ainsi, peu de gens sont
affligés en 1879 à Londres par la mort de Lionel de Rothschild parce qu’il « n’a pas su se faire
aimer et n’a presque rien fait pour les pauvres ».
272. Bouchet, Annales, p. 498 ; Bourgeois de Paris, Journal, p. 454.
273. B.N. Dupuy 736 f° 154.
274. Versoris, Livre de Raison, p. 114 ; Spont, Semblançay, p. 192 note 5 et p. 209 note 4 (qui parle
par erreur de Guillaume Badonvilier).
275. Favier, Marigny, p. 215.
276. Guiffrey (éd.), Cronique, p. 61-63. Deux autres textes du même type dans B.N. fr
24029 f°135 (dorénavant « première épitaphe ») et Bouchet, Annales, p. 413 (dorénavant
« seconde épitaphe »). Y ajouter bien sûr la célébrissime épigramme de Marot et une
autre moins connue citée par Spont, Semblançay, p. 263 note 3.
277. Bouchart, Grandes cronicques, f° 258 v°.
278. Ce type de discours existe pourtant dès l’époque : un poème anti-Duprat de 1525 dénonce les
origines sociales indignes du chancelier : « Toy, filz d’un faiseur de sabotz, portes des robes de
drap d’or. » Champollion-Figeac, Captivité, p. 376.
279. Spont. Semblançay, p. 112-114.
280. Mollat, Cœur, p. 350-351. Pour le jugement sur J. Cœur, la profondeur des oppositions
politiques chez les chroniqueurs (entre « Bourguignons » et « Royaux » avant tout) vient
brouiller les choses. Rien de tel pour Semblançay.
281. Bourgeois de Paris, Journal, p. 195-196.
282. Voir Spont, Semblançay, p. 206 note 1 : une lettre de Louis Martine prouve qu’une enquête a
bien lieu. La façon qu’a Martine d’enchaîner les faits fournit un bon exemple de la logique des
connexions : il y a tellement de liens entre la baronnie de L’Aigle et Semblançay qu’il ne peut qu’y
avoir quelque chose de vrai dans les soupçons royaux.
283. Bouchet, Annales, p. 412 : Bourgeois de Paris. Journal, p. 306 ; Versoris, Livre de Raison, p. 200.
Rappelons que le thème du quasi-roi est un lieu commun du temps.
284. Auton, Chroniques, t. III p. 336-337 ; Bourgeois de Paris, Journal, p. 308.
285. Voir la synthèse des faits dans Spont, Semblançay, p. 262-263.
286. Favier, Marigny, p. 217.
287. B.N. fr 17527 f° 11 v°.
288. Ce type de propos est un lieu commun dans la bouche des disgraciés, à l’échelle européenne.
« If I had served God as diligently as I have done the King, he would not have given me over in my
grey hairs » affirme Wolsey en 1529 : Guy, Tudor England, p. 115. Un bon siècle plus tard, Olivares
lui fait écho. « Il ressassait, écrit John Elliott, l’inconstance des choses et l’ingratitude des
hommes et la fatale erreur qu’il avait commise en plaçant sa confiance dans les hommes plutôt
qu’en Dieu » : Elliott (John), Olivares (1587-1645). L’Espagne de Philippe IV, Paris, 1992, p. 778.
289. Favier, Marigny, p. 198, 209 et 215.
290. Bouchet, Annales, p. 413.
291. Songeant au maréchal de Brissac, François Boyvin parle de ces chefs d’armée qui « ne se
doivent jamais reposer sur les promesses et paroles de ceux qui gouvernent ». Évoquant les
déboires habituels des troupes françaises en Italie il ajoute : « Qui en demanderait des nouvelles à
ce bon seigneur de Semblançay, il dirait que les grands en ces demeslemens jouent de la vie des
petits, comme fit madame la Régente de la sienne » : Boyvin, Mémoires, p. 186.
292. Bibliothèque de l’Institut, Godefroy 284 f° 11.
293. Driart, Chroniques, p. 128.
513
294. Brantôme, Oeuvres complètes, t. III p. 90. Malgré l’emploi du mot « compère », aucun
document ne permet de supposer que le roi aurait été le parrain d’un des enfants de Semblançay.
295. Cité dans Clément, Trois Drames, p. 213.
296. Voir pour un aperçu sur Montaigu : Autrand, Charles VI, Paris, 1986, p. 437-439.
297. B.N. fr 17527, f° 11 v°.
298. Doucet, Parlement ¡525-1527, p. 238.
299. B.N. fr 17527 f° 51.
300. O.R.F., t. VI p. 24-27.
301. Doucet, Parlement 1525-1527, p. 240 note 1. Laydet est par ailleurs un conseiller-clerc de la
« fournée » de création de 1522 : C.A.F., t. VI n° 25991 (18-6-1522), ce qui ne contribue sans doute
pas à le rendre populaire.
302. Une réflexion de Denis Crouzet ouvre plus largement cette piste : « C’est par le langage que
le roi se fait obéir de ses sujets, par le mythe, et il est évident que la fragilité de l’architecture
étatique renaissante tient à ce que tout est construit moins sur une réalité du pouvoir absolu que
sur le pouvoir rhétorique des images et des rituels » : « Désir de mort et puissance absolue de
Charles VIII à Henri IV », Revue de synthèse, juillet-décembre 1991, quatrième série, n° 3-4, p. 424.
514
Conclusion générale
années vingt, le phénomène est antérieur. Le roi multiplie également les procédés pour
faire contribuer le personnel en place à l'effort financier, que ce soit au travers des
retenues de gages ou des taxes sur les mutations.
3 Avec les prélèvements sur les offices, on se situe en fait à la charnière de la taxe et du
crédit. Il en va de même pour l'autre grande innovation du règne de François Ier :
l'instauration des rentes sur l'Hôtel de Ville. Ici encore, une image déformée a trop
longtemps dominé. Rien ne donne en effet à penser que les souscriptions du règne,
pourtant limitées, aient été couvertes dans l'enthousiasme, bien, au contraire : il s'agit
avant tout d'emprunts forcés, aussi mal acceptés par la masse des « prêteurs » que les
procédures traditionnelles de ce type. Ce n'est qu'a posteriori que le paiement
relativement régulier des « quartiers » de rentes au cours de cette période la fera
considérer comme un âge d'or par les rentiers bien mal servis du temps de Louis XIII ou
de Colbert. D'autre part, le phénomène n'est pas limité à la municipalité de la capitale :
des rentes sur l'Hôtel de Ville se négocient à Tours comme à Troyes, à Reims comme à
Orléans. Les informations disponibles semblent limiter à la moitié nord du royaume la
diffusion de ce phénomène.
4 Les rentrées supplémentaires mises sur pied ou systématisées dans la première moitié du
16e siècle sur les clercs, les officiers ou les villes, auxquelles on pourrait ajouter quelques
novations comme les insinuations ou la « Manque », ne représentent, en volume, qu'un
apport secondaire si on le rapporte à l'ensemble des prélèvements. Mais, à la marge, il
peut permettre de faire la différence et de fournir un effort décisif. La contribution
principale est à coup sûr celle du clergé : avec quelque vingt millions de lt, il fournit peut-
être 10 % des recettes du règne.
5 A côté des impôts traditionnels, qui évoluent peu, des gisements de ressources
nouvellement découverts ou mieux exploités par la monarchie prennent donc leur essor.
Dans le domaine des cadres de gestion, un même contraste s'observe entre stabilité et
novation. Les structures de prélèvement et de contrôle des échelons inférieurs, marquées
par le poids de la régie directe, restent identiques, alors que des transformations
profondes se produisent au sein des instances les plus élevées. Ce dernier aspect se
marque tout d'abord par la réduction drastique, au moyen des réformes et des poursuites
judiciaires, du rôle des grands ordonnateurs financiers que sont les généraux des finances
et les trésoriers de France. Leur déclin s'exprime dans un double mouvement de
centralisation et de « régionalisation », deux évolutions qui ne sont qu'apparemment
contradictoires, dans la mesure où l'éclatement régional, neutralisant le pouvoir politique
de la haute administration financière, facilite en définitive le contrôle des finances par le
Conseil du roi. La centralisation se traduit par la fusion de l'Ordinaire et de
l'Extraordinaire autour d'une caisse centrale : le trésor de l'Épargne. Avec, dans la
pratique, une ambiguïté révélatrice des limites de la construction étatique, ambiguïté
héritée de Semblançay : il s'agit à la fois de la caisse, plus ou moins itinérante, du
souverain et de la caisse de l'État. Le mouvement de « régionalisation » passe par le
triomphe, en 1542, de la généralité de taille moyenne comme cadre essentiel de
l'organisation financière du royaume : c'est désormais à cet échelon seulement que les
ordonnateurs déchus trouvent leur place, avec des pouvoirs restreints et bientôt menacés
par l'intervention de commissaires royaux. Mais, dans le même temps, l'impact de
l'administration monarchique est fortement accru par l'étoffement des cadres
qu'entraîne l'augmentation du nombre des circonscriptions et des officiers. Cela lui
donne en définitive un surcroît de moyens. Pour autant, la machine administrative n'en
516
reste pas moins relativement sommaire. Peut-être sont-ce même sa simplicité et ses
limites, lui assurant une forme de robustesse assez primitive, qui expliquent qu'elle ait pu
faire face sans trop de mal aux transformations à répétition des organigrammes et aux
mises en cause successives des personnels les plus qualifiés.
6 Au sommet de la pyramide, une fois Semblançay éliminé, pas de « surintendant » ou
d'équivalent, c'est-à-dire de personnage qui soit en même temps leader du personnel
financier et homme d'argent. La position du chancelier, bien que forte, repose sur son
autorité administrative liée à sa charge de grand officier et non sur son appartenance
directe au monde de l'argent. Pour l'heure, c'est le Conseil du roi qui prend directement
en main la politique financière. Un Conseil marqué par une forte présence de
l'aristocratie laïque et ecclésiastique ; mais qui continue cependant à abriter des
« hommes nouveaux », comme en témoignent non seulement les noms de Duprat et
Poyet, mais aussi l'importance croissante des secrétaires. Pour les « gens de conseil », au
plus haut niveau, l'implication dans les questions d'argent s'impose comme une
obligation quasi statutaire. Mais, au-dessus de tous, le roi assure sa pleine maîtrise de la
décision politique en matière de finance : il reste le recours obligé, et l'arbitre de rigueur
en cas de rivalité. La concentration, autour du souverain, de la sphère de décision
manifeste la progression d'une forme d'État moins ouvert. Cette évolution prend tout son
sens à travers l'expansion parallèle de la notion de « secret des finances ». Ce qui
n'empêche pas, pour l'heure, certaines des formes traditionnelles de dialogue réglé, bien
étudiées par J. R. Major, de demeurer encore vivaces, à la notable exception des États
généraux.
7 Pour autant, il ne faut pas lire cette évolution vers un contrôle accru et plus sourcilleux
en matière de finance comme l'aboutissement d'un projet politique mûrement réfléchi,
pensé sur le long terme et tendant à la construction d'un État de type nouveau. Les
hommes au pouvoir agissent dans l'urgence et tâtonnent le plus souvent, faute de recul et
par manque d'instruments de prévision fiables. Les efforts entrepris pour nettoyer les
« écuries d'Augias » du système financier traditionnel et rebâtir à neuf ce dernier
prennent leur sens le plus immédiat, et peut-être le plus fort, dans les contraintes du
court terme : les réformes doivent fournir plus d'argent, plus vite ; les poursuites doivent
permettre de récupérer des sommes détournées et faire peur aux candidats à la fraude.
Les deux piliers de l'activité du groupe dirigeant en matière d'argent apparaissent alors
sous les couleurs de simples expédients financiers supplémentaires. Si la volonté de
contrôle est forte, en particulier sur le personnel, soupçons, procès, éliminations et
réorganisations conduisent parfois à un certain recul de l'efficacité technique de
l'appareil monarchique, parallèlement à une véritable « déprofessionnalisation » des
décideurs.
8 Ainsi, les transformations financières du règne découlent-elles souvent d'un projet
financier à courte vue. Il se révèle aussi profondemment réactionnaire, en raison des
conceptions, sinon étriquées, du moins archaïques, qui sont celles du souverain comme de
la plupart des gens de conseil, bardés en ce domaine de notions rudimentaires, voire
fausses. Le poids de l'histoire se retrouve ainsi dans la mise sur pied en 1532 de
commissions tripartites pour lever les fonds. Elles rappellent étrangement les « élus » des
années 1355-1356... à cette différence (fondamentale) près que le processus est désormais
entièrement maîtrisé par le roi et ses proches. Les cadres idéologiques anciens, et en
particulier le modèle nobiliaire, sont alors très prégnants, avec en leur centre l'obsession
- simple - du Trésor : une caisse à remplir et à vider. Elle conduit parfois à ne voir dans le
517
recours à l'emprunt qu'un outil pour la constitution d'un nouveau trésor. D'ailleurs, si la
politique du crédit connaît au long du règne tant de rebondissements, n'est-ce que
maladresse ou n'y a-t-il pas une part de réticence face à des jongleries financières plus ou
moins compréhensibles, et plus ou moins morales ? Autre dimension réactionnaire :
l'attitude face à la croissance du personnel. Une incontestable volonté de le restreindre
s'exprime, mais reste de l'ordre du vœu pieux et n'empêche en rien son expansion, sauf
parfois, peut-être, à la freiner quelque peu. La combinaison de ces différents éléments,
jointe à la conviction d'être volé, explique largement la violence avec laquelle le roi et le
Conseil s'en prennent au personnel financier.
9 La politique menée dans les années 1527-1531 paraît se rapprocher le plus du modèle
souhaité par les gens de conseil : recours à un prélèvement « consensuel » et
immémorialement justifié avec la rançon, poursuites contre les officiers, mise à l'écart
des marchands-banquiers, prêts fournis, si nécessaire, par les « élites » du pays
directement sollicitées par le roi. Ce rêve, sanctionné par les échecs de politique
extérieure de 1528-1529, n'a qu'un temps. Faute de mieux, banquiers, financiers,
nouvelles taxes, vaste système de crédit font progressivement leur réapparition au cours
de la seconde moitié du règne. La politique réactionnaire est une impasse. Mais elle n'en
est pas moins, à terme, un facteur essentiel de changement.
10 Le rassemblement de la rançon permet ce à quoi la monarchie aspire toujours : l'adhésion
des populations à un prélèvement dont la justification ne peut être contestée. Mais il
s'agit d'un cas exceptionnel et d'un prélèvement ponctuel. D'autant que, dans le même
temps, le roi et le Conseil refusent aux sujets tout droit de regard sur la politique
financière, ne serait-ce qu'en leur fournissant une information fiable. Or le pouvoir
monarchique ressent profondément le besoin d'un consensus, d'une adhésion. Il fait
montre aussi de sérieuses réticences en ce qui concerne l'argent et le droit à l'impôt. Pour
sortir de cette contradiction, la réponse est double. Rhétorique, comme en témoigne
l'analyse du discours financier, et pratique, au travers du déplacement des
responsabilités. L'officier voleur devient alors la cible privilégiée. La monarchie ne se
contente pas d'un procès individuel, comme pour Jacques Cœur : elle met sur pied, avec la
Tour Carrée, la première chambre de justice, organisme appelé à un riant avenir pendant
deux siècles. La conviction royale d'avoir été trompé, bien réelle au demeurant, se double
du désir de renvoyer au public qui est témoin et juge des actions entreprises une série
d'actes populaires, depuis les exécutions jusqu'à la « loi somptuaire » de 1532. Mais la
tentative pour déplacer les responsabilités en désignant les « bons » coupables échoue
largement. On trouve chez les sujets, du moins au travers des traces disponibles, fort peu
d'expressions d'une haine à rencontre des gens de finance : le « laquais-financier » en
tant que mythe social n'est pas encore né. Cependant les « coupables » que sont les
grands officiers de finance restent indispensables pour faire fonctionner l'État
monarchique, malgré (ou à cause de) leurs turpitudes. Boucs-émissaires souhaitables, ils
ne peuvent ni ne doivent cependant être réellement immolés sur l'autel d'une vindicte
populaire encore en devenir. Sinon, bien sûr, à titre individuel, ce qui ne remet pas en
cause la place du groupe dans le fonctionnement de l'appareil monarchique2.
11 En définitive, dans le domaine financier, on constate que le roi et le Conseil s'engagent
nettement dans la voie d'une décision de plus en plus restreinte et plus largement
imposée, tout en souhaitant conserver un modèle monarchique patrimonial, à l'ancienne,
et tout en manifestant une certaine mauvaise conscience à extraire de l'argent et,
accessoirement, à le dépenser sans respecter les règles traditionnelles. On se trouve alors
518
ici face à une figure inversée par rapport à la présentation classique des progrès de
l'« absolutisme » : une affirmation théorique solidement étayée, mais sans les moyens de
la mettre en œuvre. Une telle vision néglige en effet les contraintes que font toujours
peser, à la Renaissance, les exigences d'un État « moral » qui ignore encore - ou veut
ignorer - la raison d'État. Quant à la théorisation de la monarchie absolue, ne franchit-elle
pas une étape décisive seulement dans la seconde moitié du siècle, alors que la crise
pratique de l'autorité royale combinée aux tensions religieuses impose une redéfinition
des pouvoirs, qui triomphe sous Henri IV ?
12 De même, si les grognements des rentiers, les procès des financiers ou les rivalités de
Conseil ont comme un parfum de Grand Siècle, il faut se garder de bousculer la
chronologie et ne pas craindre, en bons disciples de Monsieur de La Palice, de rappeler
l'évidence : en matière de finances, le temps de François Ier n'est pas celui de Louis XIII.
Pour dessiner les grands traits de l'État de finance de la Renaissance, il convient donc de
prendre du recul par rapport au modèle historiographique d'un 17e siècle maintenant
bien connu grâce à de superbes travaux. L'élément décisif demeure ici la nature des
circuits de l'argent. Malgré les limites de l'information, leur mise au jour ne fait pas
apparaître sous François Ier un système fïsco-fïnancier équivalent à celui que connaîtra le
siècle suivant. Les dominants, quand ils s'impliquent dans les prêts au roi, le font
directement, sans paravents ni prête-noms, et pour des sommes qui restent minces. Il n'y
a pas encore de traitants et les fermiers sont toujours, pour la plupart, d'assez médiocres
personnages. Seuls les marchands-banquiers comptent vraiment sur le marché du crédit
volontaire. Quant aux grands officiers, ils ne fournissent que des avances limitées qui les
placent, en définitive, dans une position voisine de celle des autres groupes sollicités dans
le cadre du crédit contraint.
13 Il est vrai que, toujours par comparaison avec le siècle suivant, la monarchie de François I
er
n'a pas d'énormes besoins d'argent. Le chiffre, imposant, de deux cents millions de lt
parvenant aux caisses centrales sur l'ensemble du règne peut faire illusion3. Mais cela ne
représente que six à sept millions de lt par an en moyenne, pour un royaume de seize ou
dix-sept millions d'habitants. Les quelque dix-neuf millions de sujets du roi de France
supportent pour leur part une charge de 20,5 millions de lt en 1600, année moyenne, puis
de 109 millions en 1636, à l'heure de la « guerre ouverte ». Il faut certes tenir compte de la
dévaluation de la livre. Mais les écarts restent sensibles : une conversion en poids
d'argent donne environ 110 tonnes par an sous François Ier contre 242 en 1600 et 1 194 en
16364. Dans le prospère royaume de la Renaissance, on ne peine donc pas trop à alimenter
les caisses, d'autant que l'élargissement des bases sociales du prélèvement, la croissance
de la population qui n'entraîne pas encore de conséquences critiques sur le plan
économique et social, la richesse d'ensemble et, déjà, l'inflation, permettent d'absorber
assez aisément l'élévation modérée des exigences royales au cours du règne. La facilité
avec laquelle la rançon du roi est rassemblée montre bien que la marge de manœuvre est
réelle. Le « beau seizième siècle », celui qui nous retient ici, correspond à un temps
relativement faible du prélèvement, compte tenu de la conjoncture dans laquelle ce
dernier s'inscrit, et malgré les guerres. Les difficultés chroniques de trésorerie,
inhérentes au fonctionnement de la technostructure monarchique, ne doivent donc pas
faire illusion : elles pèsent sur la politique royale sans refléter une crise profonde dans le
pays. D'autant que le déficit, qui reste modéré, possède alors un rôle moteur pour le
développement de l'Etat : c'est, pour une part, en vivant au-dessus de ses moyens que
celui-ci les accroît5.
519
14 Mais, dans les années quarante, la conjoncture évolue nettement, et bientôt tout bascule :
hausse considérable, en quelques années, des dépenses militaires et donc de l'impôt,
énorme demande sur un marché du crédit qui semble abonder en capitaux disponibles. Or
ceci se produit dans un climat socio-économique mais aussi religieux, qui s'est nettement
assombri. Il se traduit dans le domaine fiscal par le retour des révoltes populaires et par
de graves tensions sociales dans des villes beaucoup plus sollicitées par le roi. Les mesures
de réformes et l'offensive symbolique qui sont la marque de la politique de Henri II
tentent de répondre aux difficultés croissantes qui se font jour6. Mais en matière
financière, le règne s'achève sur une banqueroute, avec la déconfiture du Grand Parti. Au-
delà commence une période plus périlleuse encore... et qui reste mal connue.
15 Ainsi, pour faire face aux structurels problèmes de trésorerie, plusieurs types de circuits
financiers sont successivement mis sur pied, une fois consommée la rupture avec le
système mixte (officiers et marchands-banquiers) mis en place par « Messieurs des
finances ». Dans une première étape, le Conseil impose son autorité et tente de se limiter
au recours à un Trésor paré de toutes les vertus et à l'engagement financier direct du
personnel dirigeant. Devant l'insuffisance des moyens disponibles, on assiste au retour
des marchands-banquiers : le Conseil, sans doute à l'initiative de Tournon, entame avec
eux un dialogue qui débouche sur la constitution du Grand Parti. En quelques années,
celui-ci a vécu. Le troisième temps, au cœur des Guerres de Religion, correspond très
vraisemblablement à la mise au point des formules qui vont perdurer tout au long du 17 e
siècle, et au-delà, en particulier pour le crédit. Cette vaste et délicate question mérite de
faire l'objet d'un travail spécifique, qui comblera une importante lacune. Si l'hypothèse
ici avancée se vérifie, elle permettra de souligner une fois de plus le caractère de rupture
des années 1560-1600, au cœur même de la plus grave crise que connaît la monarchie
entre la guerre de Cent Ans et la Révolution.
16 Du moins, grâce, entre autres, aux rentes et aux offices, celle-ci ne manque-t-elle pas
alors d'alliés « objectifs » pour surmonter les tempêtes de la seconde moitié du siècle 7. La
naissance d'un monde d'officiers et de rentiers directement dépendant de la santé de la
monarchie française et de ses finances est décisive dans l'affermissement de l'État. Les
nouveautés fiscales établies sous François Ier pour alimenter le « mirage italien » ont ainsi
leur part, trois générations plus tard, dans le rétablissement opéré sous Henri IV. Cadeau
involontaire du « grand roy Françoys » à un Bourbon...
NOTES
1. Cependant, lorsqu’une nouveauté fiscale répond à une demande sociale, comme cela semble
être le cas avec l’établissement des insinuations en 1539, l’acclimatation est aisée. Mais il ne s’agit
que d’une ressource marginale. Par ailleurs le contrôle des actes n’est pas toujours bien accepté
comme en témoigneront plus tard les révoltes de 1675.
2. Un autre ouvrage sera spécialement consacré aux grands officiers de finance du règne, à leur
rôle au sein de l’appareil d’État, leur attitude face aux poursuites, leur situation sociale et leur
fortune.
520
3. Il faudrait pouvoir y ajouter les charges pesant localement, comme celles qui ont été étudiées
pour le Dauphiné.
4. Les données sur le 17e siècle proviennent de Bayard, Monde des financiers, p. 29.
5. Le caractère « positif » de ce phénomène n’est pas toujours évident. Pour l’Espagne du 17 e
siècle, c’est au contraire une « amère vérité », qui débouche sur des impasses politiques et
sociales : Elliott (John), Olivarès,(1587-1645). L’Espagne de Philippe IV, Paris, 1992, p. 355. L’explication
réside probablement dans le rapport, complexe, entre le prélèvement monarchique et l’état
général de l’économie et de la société.
6. Voir par exemple Antoine, Un tournant, passim et Fogel (Michèle), Les cérémonies de
l’information dans la France du XVIIe au milieu du XVIIIe siècle, Paris, 1989, p. 146 et sq.
7. Robert Descimon souligne combien « le processus de construction de l’État moderne
multipliait ainsi les créanciers de l’État », directement intéressés à sa survie : Descimon, « La
royauté française entre féodalité et sacerdoce. Roi seigneur ou roi magistrat ? », Revue de synthèse,
4e série, n° 3-4, juillet-décembre 1991, p. 469.
521
Notes préalables :
• pour les noms les plus courants, les mentions significatives sont seules retenues (par
exemple pour François Ier) ;
• les noms en italiques sont ceux des historiens cités dans le texte ;
• les numéros de pages suivis d'un n renvoient aux notes de la page : 513n renvoie à une note
seulement, 513 et n renvoie au texte et à une note ;
• les fonctions mentionnées sont indicatives et non exhaustives.
A
Abot, Guillaume, conseiller au parlement de Paris, 27ln, 356n.
Abres, Jean d', docteur en théologie, 310.
Acarie, Girard, contrôleur des finances en Normandie, 259n.
Acarie, Jacques, trésorier des offrandes, 122n, 530.
Adam, Pierre, commis à la gestion d'une seigneurie, 313.
Affaitati, les, marchands-banquiers à Crémone, 148, 155n, 233, 237, 239n.
Alamant (ou Allamant), François, contrôleur général des greniers, fermier du douaire de
la reine Marie, 69, 79, 85, 303, 501n.
Alamant, Nicolas, marchand et bourgeois de Paris, 14ln, 296 et n.
Alart (ou Allait), Guillaume, conseiller au parlement de Paris, 183, 230, 234, 328.
Alart (ou Allart), Guillaume, marchand et bourgeois de Blois, 231.
Albany, Jean Stuart, duc d', 197.
Albisse, Jean, secrétaire du roi, 146.
Albisse, Robert, fermier des aides à Lyon, marchand-banquier à Lyon, 78, 144-145,
153-155, 158n, 163, 173, 206, 208, 214, 232, 239n, 300, 348-349, 547.
Albret, Alain, sire d', 177-178, 400n.
Albret, Henri de, roi de Navarre, 101-102, 479.
Alciat, André, jurisconsulte, 16.
522
B
Babou, Philibert, commis à l'Extraordinaire des guerres, trésorier de France en
Languedoïl, trésorier de l'Épargne, 152, 180, 184n, 200n, 201n, 210n, 257-258, 283, 291,
297n, 322n, 329, 355, 369, 371, 375, 390, 391, 422-423, 431-432, 435-436, 439-440, 448, 467,
533.
Bachelier Jean, huissier du parlement, 529.
Badonvillier, Jean, maître des comptes à Paris, 308, 312, 315, 540.
Baillet, Thibault, président au parlement de Paris, 222.
Baillon, Odet de, trésorier des officiers domestiques, 265n.
Bailly, Jean, de, conseiller au grand conseil, 306.
Balan, Michel de, seigneur de Maulévrier, 478.
Balbe, Jean-Ambroise, marchand-banquier, 155n, 239n.
Barat, Guichard, receveur de la baronnie de Semblançay, 474n.
523
Berthelot, Gilles, président des comptes à Paris, 85 et n, 88, 199, 289, 297, 305, 322, 327,
330, 360, 361n, 449, 451, 455, 458, 473, 479.
Berthereau, Nicolas, secrétaire du roi, trésorier des officiers domestiques, 265n, 393.
Berthier, Claude, marchand de Troyes, 524.
Bertrand, Jean, président au parlement de Paris, 311, 365.
Besnier, Etienne, receveur général d'Outre-Seine, 83, 161n, 208, 239, 268, 315, 322, 349,
392-396, 436, 450, 451, 453, 456, 458, 461, 462, 471, 473, 475-476, 478, 526-528.
Bezançon, Antoine de, clerc de finances, 356n.
Bien, David, 489.
Billon, Jean, maître des comptes à Paris, 315.
Binet, Jean, contrôleur des finances en Guyenne, 259n.
Bini, Jean-François, marchand-banquier à Lyon, 205.
Bini, Pierre, marchand-banquier à Lyon, 158n.
Biron, Charles de Gontaut, duc de, 352n, 496n.
Blancbaston, Nicolas, conseiller au parlement de Rouen, 182.
Bochetel, Guillaume, secrétaire du roi, 512n.
Bochetel, Jacques, trésorier des officiers domestiques, secrétaire des finances, 265n, 355.
Bodin, Jean, 11, 135, 173, 420, 424-426.
Bohier, famille, 114n, 145n.
Bohier, Antoine, seigneur de la Chesnaye, général de Languedoïl, 179.
Bohier, Antoine, seigneur de Saint-Cirgues, général de Languedoïl, 179, 207, 266, 285n,
287, 304, 355, 391, 410-411.
Bohier, François, évêque de Saint-Malo, abbé de Bernay-en-Auge, 186.
Bohier, Guillaume, bailli de Coten-tin, 237.
Bohier, Henri, général de Languedoc, sénéchal de Lyon, 178-179 et n, 206, 289-290, 297,
305, 312, 322, 327, 330, 337, 343, 360, 450, 456, 458, 462, 467-469, 471, 473, 474, 477, 479,
527-528.
Bohier, Thomas, général de Normandie, 26, 144n, 151, 159n, 177n, 178-179, 183, 205, 207,
226, 233, 253, 254, 256, 280, 286, 336-338, 344, 357, 360, 385 et n, 388, 436, 450, 456, 469,
529.
Bohier, Thomas, héritiers de, 267-268, 297, 300, 314, 316, 322, 451, 454, 458, 467, 468, 477.
Bois, Guy, 66-67.
Boislisle, Arthur de, 345, 375.
Bonacorsi, Julien, trésorier de Provence, 240, 241, 269n, 348, 364 et n.
Bonenfant, Louis, conseiller au parlement de Rouen, 182.
Bonguillaume, Jean, marchand-banquier à Lyon, 241.
Boniface VIII, 87.
Bonnebault, Robert de Mahiel, sieur de, capitaine de galère, 35.
Bonnefoy, Jean de, conseiller au parlement de Toulouse, 183.
Bonneval, Foucault de, évêque de Soissons, Bazas, Périgueux, 187.
Bonneval, Jean de, capitaine de cinquante lances, 42.
525
Bonnivet, Guillaume Gouffier, seigneur de, amiral, 26, 29, 85n, 101, 107, 130, 158, 159n,
225, 226, 259n, 260, 295, 339, 340, 343n, 360-361 et n, 368, 369, 373, 376, 385-386, 388, 391,
396, 410, 411, 477, 531, 533.
Bonvisi, Antoine et Louis, marchands-banquiers à Lyon, 232.
Bonvisi, Antoine, marchand-banquier à Londres, 141.
Bordel, Jean, greffier de la Tour Carrée, 307, 312n.
Boucault, François, marchand d'Orléans, 318.
Bouchard, Amaury, maitre des requêtes, commissaire aux emprunts, 189.
Bouchart, Alain, chroniqueur breton, 541.
Bouchet, Jean, chroniqueur poitevin, 88, l0ln, 189, 345, 362, 421, 502-503, 523, 524, 535,
536, 539, 545.
Boulard, Jacques, conseiller au parlement de Paris, 308, 315n.
Boulengier (ou Boulenger), Louis, donneur d'avis, 84.
Boullenc, Jacques, conseiller au parlement de Paris, 183.
Bourbon, Charles de, cardinal, 185n, 365, 366n.
Bourbon, Charles de, connétable, 22, 112, 131, 132, 225, 260, 268, 312n, 351-352, 381n,
390-391, 399-400, 403, 496 et n, 521, 543.
Bourbon, Charles de, duc de Vendôme, 27, 28, 30, 138, 189n, 198, 226, 228n, 236-237, 281,
365, 366n, 386, 388, 400, 410.
Bourbon, François de, voir à Saint-Pol.
Bourbon, Suzanne de, femme du connétable, 391.
Bourcelot, Jean, archer des toiles de la vénerie du roi, 224.
Bourdier, Lyon, archer de la garde, 318.
Bourgarel, Melchior ou Marchion, marchand munitionnaire, fermier général en Piémont,
41, 81, 83, 302 et n.
« Bourgeois de Paris », mémorialiste, 102, 156, 159, 187, 190, 192, 199, 392, 396, 463, 493,
524, 528, 536, 537, 539, 541, 543.
Bourgoin, Jean, libelliste, 535.
Bourillac, Marie de, demoiselle de Louise de Savoie, 210n.
Boyvin du Villars, François, mémorialiste, 384, 525n, 547n.
Brachet, Jean, receveur général de Languedo 111, 120.
Bragadin, Piero, baile de Venise à Constantinople, 132n.
Brandon, Pons, conseiller au parlement de Paris, 271 et n, 355.
Brantôme, Pierre de, 352, 397, 548.
Braudel, Fernand, 151.
Brenezay, Jean, fruitier du dauphin, 461.
Breslay, Guy de, conseiller au grand conseil, 314.
Bretagne, Jean de, duc d'Étampes, 220.
Breton, Jean, seigneur de Villandry, secrétaire des finances, général de Blois, 108, 126,
211, 369, 379-380, 393-394, 410, 417, 459, 512n.
Brézé, Louis de, grand sénéchal de Normandie, 138.
526
C
Caillaud, Louis, conseiller au parlement de Paris, 221, 292, 300, 303, 309-312, 314-316, 319,
320 et n, 325 et n, 326-328, 330-331, 451, 457n, 459, 461-466, 472, 474-475.
Cailleu, Pierre, huissier de la Tour Carrée, 318.
Calvau (ou Caluau), Jean, évêque de Senlis, 187n, 289, 305, 309n.
Calvimont, Jean de, président au parlement de Bordeaux, 236, 271, 364.
Campobasso, François de, 348.
Capodiferro, Jérôme, nonce, 4.
Caracciolo, Jean, prince de Melfi, maréchal de France, 501.
Carat, Nicole, huissier en parlement, 452, 473, 475.
Cardailhac, Jean de, abbé d'Aurillac et Bellegarde, 211.
Carpi, Rodolfo Pio di, nonce, 12.
527
Carré, Jean, receveur général de Normandie, commis à l'Extraordinaire des guerres, 22,
138, 161, 196n, 201n, 204, 231, 239, 264, 312, 315, 322, 327, 347, 368, 436, 457, 458, 460, 467,
468, 475.
Carrel, Pierre, examinateur au Châ-telet, 452, 473.
Cartier, Guillaume, commis de J. Grolier, 318.
Castelnau, François-Guillaume de, archevêque d'Auch, 187n.
Cauwès, Paul, 191-192.
Cavalcanti, les, marchands-banquiers de Londres, 430.
Cavalli, Marino, ambassadeur vénitien, 13, 37, 74, 93, 95, 109, 112, 400-401, 444, 485, 498,
507, 537-538.
Cellini, Benvenuto, 122, 416, 419, 439.
Ceppo, Camille, gentilhomme milanais demeurant à Paris, 233.
Cére, Jean-Paul de, gentilhomme de la chambre, 30, 31n, 415.
Ceri, Renzo da, lieutenant général au royaume de Naples, 34, 198n, 460.
Chabannier, Louis, conseiller au parlement de Paris, 18ln.
Chabot, Philippe de, seigneur de Brion, amiral, 12n, 58, 72, 107n, 138, 177, 202, 205,
235-236, 274, 350, 361-362, 365, 366 et n, 367, 375, 378, 381, 382, 393, 395, 397-398, 403, 422,
454, 477, 479-480, 551.
Chalais, Henri de Talleyrand, comte de, 352n.
Chambellan, David, écuyer, élu de Tonnerre, 39.
Chambon, Eustache, conseiller au parlement de Paris, 182-183.
Champeverne, Jean de, commis de J. Carré, 315.
Champrond, Catherine de, veuve de L. Meigret, 452-453.
Chandelle, « Mainfroy », marchand de Moncalieri, 41n.
Chantosmes, Jean de, commis de G. Preudhomme, 436.
Chapuys, Eustache, ambassadeur impérial, 58n.
Charbonnier, François, trésorier des offrandes, 530n.
Chardon, Jean, fermier de l'imposition foraine en Outre-Seine, 78-79.
Charles d'Angoulême, fils de François Ier, 377n.
Charles de France, frère de Louis XI, 278.
Charles II, roi de Navarre, dit le Mauvais, 132.
Charles III, duc de Savoie, 198.
Charles Quint, 33, 34, 46, 47, 50-52, 58-60, 63, 121n, 130, 131, 148, 157n, 170-175, 186n,
191n, 215n, 267, 355n, 364, 370, 399-400, 409, 412, 414, 426, 487, 505, 511, 520, 532.
Charles V, 519.
Charles VI, 215, 260, 339.
Charles VII, 65, 66, 251, 252, 254, 372n, 501. Charles VIII, 5, 26n, 35, 121, 123, 129, 136, 338,
340, 358, 506n, 526.
Charles IX, 219n.
Charles, Jean, marchand de l'Argenterie, 345.
Charlotte de France, fille de François Ier, 8.
528
D
D'Ages, Bertrand, conseiller au parlement de Bordeaux, 271.
Dallès, François, premier médecin du roi, 237.
Damours, Gabriel, conseiller au grand conseil, 181n.
Danès, les frères, marchands de Paris, 524.
Daniray (ou Dauvray), Georges, contrôleur de la marine en Bretagne, 321, 322.
Daubray, Françoise, femme d'Étienne Delange, 160.
Daubray, Guillaume, marchand et bourgeois de Paris, 160.
Dauvet, Pierre, maître des requêtes, 271.
Dauvet, Robert, conseiller au parlement de Paris, 200n.
David, roi d'Israël, 420.
Davis, Natalie, 520.
Décrue, Francis, 354, 367, 415.
De La Chayne, Balthazar, marchand munitionnaire, 40.
Delalande, Guillaume, contrôleur de Caen, receveur général à Caen, 325.
Delange, Etienne, marchand orfèvre de Paris, 159, 160 et n, 161n, 192, 208, 395n.
De La Vigne, Henri, marchand champenois, 40.
Delbene (ou d'Elbene, ou Del Bene), Albisse, marchand-banquier à Lyon, 150 et n, 158n,
167n, 179n, 233, 356.
Deschamps, Jean, de Bourges, 82.
Dessefort, Alexandre, trésorier de l'Épargne en Bretagne, 259.
Dessefort, Antoine et Michel, auditeurs des comptes à Nantes, 259n.
Dessert, Daniel, 207, 341.
Dessoubzlefour, Jean, avocat au parlement, 284n.
Dinteville, François de, évêque d'Auxerre, 187, 225, 268, 395n, 527.
Dognon, P., 487.
Doria, Andrea, amiral génois, 35, 143, 164.
Dorne, Thierry, secrétaire des finances, 512n.
Doucet, Roger, 65, 68, 78, 79, 86, 95, 98, 150, 167, 168, 170, 207, 291, 344n, 346, 349, 351, 378,
435, 441, 449, 455n, 466, 510.
Doyneau, François, conseiller au parlement de Paris, 306.
Drouyn, Jean, marchand tourangeau, 240.
Drujart (ou Drugeat), Antoine de, capitaine d'hommes de pied, 22.
Du Bellay, Guillaume, Seigneur de Langey, lieutenant général en Piémont, 38, 58, 172,
203-204, 205n, 224, 228, 238, 364, 387.
530
Du Bellay, Jean, évêque de Paris, cardinal, 87, 148, 164, 173, 185n, 187, 192n, 193, 204, 224,
267, 268, 366n, 382, 388, 393-395, 410.
Du Bellay, Louis, archidiacre de Paris, 199n.
Du Bellay, Martin et Guillaume, mémorialistes, 37n, 101n, 228, 383, 508, 535.
Dubois, Antoine, évêque de Béziers, 187n.
Du Bourg, Antoine, chancelier, 112, 177, 185, 194n, 221, 297, 305-308, 309 et n, 310, 313n,
314, 315n, 361, 366n, 370, 378-380, 410, 415, 416, 418, 438, 474.
Du Bourg, François, évêque de Rieux, 185, 310.
Duboys, Jean, huissier de la Tour Carrée, 313, 318, 326, 470.
Ducei, Gaspard, marchand-banquier à Anvers, 141, 142, 148n.
Du Chemyn, Jean, clerc de G. de la Croix, 284.
Du Chesne, Raymond, solliciteur du roi à la Tour Carrée, 309n.
Dudéré (ou Dudré), Jean, commis au change du Trésor, 276.
Dudley, Edmond, 403n.
Du Drac, Adrien, conseiller au parlement de Paris, 306, 308.
Du Fou, Lancelot, évêque de Luçon, 199.
Du Gabre, Dominique, évêque de Lodève, 173n.
Du Hastat, Christophe, capitaine de lansquenets, 227.
Du Lin, Helluin, commissions Financières, 287.
Du Lude, gouverneur de Saint-Quentin, 226.
Du Lys, Charles, 339, 354.
Dumoulin, Charles, jurisconsulte, 148, 198n, 414, 524.
Du Moustier, Jean, commissaire des guerres, 318 et n.
Du Peyrat, Jean, lieutenant général de la sénéchaussée de Lyon, 168.
Du Plessis, Charles, général de Languedoc, 477, 517.
Duprat, Antoine, chancelier, 12, 21, 54, 55, 63, 84, 91, 94, 122n, 126n, 129, 138, 140, 144n,
146, 148, 160, 171, 174, 176, 177, 187, 200-205, 208, 211, 215, 216, 222, 229, 233, 238, 267,
268, 272, 289, 299, 309, 328, 337, 343n, 350, 353n, 361, 366n, 367, 368, 371, 372, 374-379, 381,
382, 393-394, 395n, 397, 415, 417, 419, 422, 423, 43 ln, 432, 434, 439, 449, 466, 471, 485, 486,
491, 495, 496, 517n, 522-523, 527-533, 535, 537, 542n, 549, 554.
Duprat, Anne, receveur des aides et tailles d'Auvergne, 94n, 432.
Dupré, François, commissaire aux emprunts sur le clergé, 120-121, 186, 379n, 444.
Du Pro, Pierre, prêtre, 312.
Dupuy, Jean, huissier du parlement de Paris, 468, 473, 475.
Durant, Pierre, marchand marseillais, 40.
Durant, René, clerc des guerres, 22.
Du Solier, Charles, seigneur de Morette, gentilhomme de la chambre, 225n, 460, 478.
Du Solier, Pierre, marchand, 40.
Duthier (ou du Thier), Jean, clerc de J. Breton, 211, 262n.
Du Tillet, Jean, greffier du parlement de Paris, 366,
Du Tillet, Séraphin, greffier de la Tour Carrée, 307n, 312n, 313, 466, 475.
531
E
Ebner, Christophe, marchand à Nuremberg, 141.
Ehrenberg, Richard, 143, 167, 168, 246.
Elbene, Albisse d', voir Delbene.
Éléonore de Habsbourg, reine de France, 6, 60, 63.
Empson, Richard, 403n.
Enghien, François de Bourbon, comte d', 227.
Épernon, Jean Louis de Nogaret de la Valette, duc d', 228.
Errault, François, garde des sceaux, 168, 271, 299-300, 306, 365, 381.
Essarts, Pierre des, prévôt de Paris, 341.
Estaing, François d', évêque de Rodez, 89, 91.
Este, Alphonse d', duc de Ferrare, 59, 198, 236.
Este, Anne d', 236.
Este, Hyppolite d', cardinal de Fer-rare, 174n, 416.
Estissac, Geoffroy d', évêque de Maillezais, 187n,
Estouteville, Jean d', lieutenant général en Normandie, 279.
Étampes, madame d', voir Pisseleu, Anne de.
F
Fabri, commissaire aux emprunts sur le clergé, 185.
Fabri, Nicolas, conseiller au parlement de Provence, 181.
Famé, Martin, commis à la trésorerie de Louise de Savoie, 288.
Fauconnier, Claude, marchand de Bourges, 473.
Faure, François, commis à la recette générale de Guyenne, 322n.
Faure, Pierre, receveur général de Picardie, 269n, 272.
Favier, Jacques, marchand parisien, 40, 238.
Ferdinand de Habsbourg, frère de Charles Quint, 50n, 58.
Ferrare, André de, augustin, 507-508.
Ferrier, Alexandre, fermier général à Milan, 81, 197n.
Ferrier, Aymeric, gentilhomme de la chambre du roi, 233.
Ferrier, Barthélémy, fermier général de Milan, 197n.
Ferrier, Geoffroy, général de Milan, 154, 155, 197 et n, 202n, 208, 243, 415.
532
G
Gadaigne, compagnie, 79, 142, 158n, 164.
Gadaigne, Thomas, marchand-banquier à Lyon, 154, 155, 158, 173, 206, 242, 539, 547.
Gadaigne, Thomas II, seigneur de Beauregard, 241-242.
Gaillard, Gabriel-Henri, 345.
Galant, Philibert, clerc des guerres, 22.
Gallois, Jean, licencié en lois, 302.
533
Gramont, Gabriel de, évêque de Tarbes, archevêque de Bordeaux, 187, 224n, 225n, 364,
412.
Gramont, Scipion de, écrivain, secrétaire de Louis XIII, 420.
Grana, Loys, marchand munitionnaire, 40.
Gravelle, Jean, receveur des aides et tailles à Provins, 160 et n.
Graville, Louis Malet de, amiral, 353, 442, 443.
Grenasie, Jean, maître des comptes à Blois, 474.
Grimaldi, Octavien, général de Milan, 146n, 158, 198n.
Grolier, Étienne, trésorier de Milan, 280.
Grolier, Georges, trésorier de Crémone, 107n, 197.
Grolier, Jean, trésorier des Guerres, trésorier de France en Outre-Seine, 15, 18n, 19n, 24n,
25, 113, 160n, 180, 198n, 280, 283, 300, 315, 318, 322n, 388, 417, 440, 450, 464, 467, 469, 511,
523.
Gros, Berton, marchand à Turin, valet de chambre du roi, 147.
Grossier, Jean, receveur de décimes, 94n.
Gualterroti, les, marchands-banquiers à Anvers, 141, 153, 328, 430.
Gueldre, Charles d'Egmont, duc de, 58.
Guennelon, Jean, bourgeois d'Abbeville, 190n.
Guéraud, Jean, chroniqueur lyonnais, 216, 538.
Guéret, Jean, serviteur de Semblançay, 293, 346, 347.
Guernot, Isaac, fermier des aides à Pont-de-L'Arche, 78.
Guéry, Alain, 67, 413, 441.
Guesselin, Maude, huissier de la cour des aides de Paris, 473.
Guichardin, François, 130, 131, 158.
Guignel, Mathieu, serviteur de Semblançay, 145.
Guillart, Charles, président au parlement de Paris, 183n, 214, 222, 305, 307, 308, 330, 351,
495, 508n, 519 et n, 533.
Guillart, Louis, évêque de Chartres, 187n.
Guillaume, Jean, laboureur à Bisseaux, 452.
Guise, famille de, 403, 460.
Guise, Claude, comte puis duc de, gouverneur de Champagne, 71n, 189n, 199n, 226, 365,
388, 478.
Guise, Jean de, cardinal de Lorraine, 79, 185n, 187, 367, 401.
Guyot, Claude, secrétaire du roi, 189n.
Guyot, Raoul, secrétaire du roi, 88n.
H
Hacqueville, Claude de, maître des comptes à Paris, 201.
Halloppe, Guillaume, sd notaire à Blois, 474.
Hangest, Jean de, évêque de Noyon, 91.
535
I
Imhoff, Andreas et Simon, marchands-banquiers à Nuremberg, 141.
536
J
Jack, Sybil, 510.
Jacob, Michel, trésorier des salpêtres de Languedoc, 288.
Jacques V, roi d'Écosse, 8, 57.
Jacqueton, Gilbert, 24, 97, 257, 374, 429.
Jamyn, Jean, clerc de R. Thizart, 318.
Jean II, roi de France, 59, 144.
Jean XXII, pape, 420.
Jobert, Panthaléon, conseiller au parlement de Toulouse, 18ln.
Jubert, Claude, conseiller au parlement de Rouen, 182.
Juge, Anthoine, commis à la recette générale d'Outre-Seine, 159n, 212, 269, 310, 444,
465-466, 471, 475.
Julhard, Marie, veuve de Jean Tixendier, 524n.
K
Kant, Emmanuel, 508.
Karuel, Guy, commissaire des guerres, 28.
Kauch, P., 260.
Kerquefinen, Hervé de, receveur des amendes du parlement de Paris, 234.
Kléberg, Hans, voir Cléberger, Jean.
Knecht, Robert, 250, 338n.
Körner, Martin, 53, 54n, 55.
L
La Barre, Antoine de, archevêque de Tours, 187.
La Barre, Jean de, prévôt de Paris, 348, 393, 461.
Labé, Louise, 150.
La Chassagne, Geoffroy de, conseiller au parlement de Bordeaux, 271, 438.
La Châtre, Joachim de, capitaine des gardes du roi, 478.
La Chesnaye, Jean de, secrétaire des commandements, 501n.
La Colombière, Aymar de, trésorier de Dauphiné, 297n, 465n.
La Court, Antoine de, vice-bailli de Viennois, 181n.
La Croix, Geoffroy de, trésorier des guerres, 284, 308, 539n.
La Croix, Louis de, président des aides en Languedoc, 284n.
Ladey, Louis de, marchand lyonnais, 395n.
La Force, Jacques Nompar de Caumont, duc de, 228.
La Forge, Anne de, fille de Jean de la Forge le jeune, receveur général de Picardie, 284.
537
La Forge, l'ainé, Jean de, receveur général de Picardie, 302n, 332n, 450 et n, 454, 473.
Laguette, Jean, trésorier des finances extraordinaires et parties casuelles, 182, 184, 213n,
231, 262, 269n, 304, 314, 451, 459, 464, 467, 468, 478.
Lalemant, Nicolas, voir Alamant.
Lallemant, famille, 282-283, 300.
Lallemant, Jean le jeune, receveur général de Languedoc, 145, 23ln, 319n, 322, 326n, 327,
450, 455, 458, 462, 464, 467, 468 et n, 469, 473, 527, 533.
La Maladière, Guy de, trésorier des guerres, 212, 279.
La Marthonie, Robert de, maître d'hôtel du roi, 310n.
La Masure, Robert de, conseiller au parlement de Rouen, 182.
Lamet, Anthoine de, général d'Outre-Seine, ambassadeur en Suisse, 3, 20, 49n, 101, 127,
128, 195-196, 221, 223-225, 243, 316, 317, 342, 376, 388, 445 et n, 477, 533.
La Mothe, Charles de, conseiller au parlement de Paris, 301, 307, 315n, 322, 353, 537.
Langeac, Jean de, évêque de Limoges, 185n, 205.
Langey, voir Du Bellay, Guillaume.
La Palice, Jacques de Chabannes, seigneur de, maréchal de France, 138, 396.
La Parque, Pierre de, commis à la recette de biens saisis, 473-474.
Lapeyre, Henri, 26.
Lapite, Étienne, receveur des amendes du parlement de Paris, 183n, 234.
La Pommeraye, Gilles de, ambassadeur en Flandre, 162.
L'Archevêque, Jean, seigneur de Soubise, 210n.
La Roche, Jean de, gouverneur d'Angoumois, 523-524.
La Rue, Marc de, argentier du roi, 264n, 265n.
Lasneau (ou Lagneau), Jacques, marchand de Lyon, 308, 395n.
La Tour d'Auvergne, Madeleine de, 153.
La Trémoille, famille, 210, 349.
La Trémoille, Louis de, gouverneur de Bourgogne, 39, 130, 210, 212, 228, 254.
Laurens, Etienne, contrôleur des guerres, envoyé en Suisse, 316.
Laurent, Jean, maître de la blanque, 116.
Lautrec, Odet de Foix, comte de, maréchal de France, 11, 22, 28-30, 59, 83, 130, 131, 147,
155n, 161, 197, 198, 207, 225, 283, 361, 368, 372, 378, 379n, 385-386, 396, 415, 509, 535.
Laval, Gui XVI, comte de, 377n.
Laval, Jean de, seigneur de Châteaubriant, gouverneur de Bretagne, 200-201, 370, 485, 487.
La Vallée, Robert de, seigneur des Foussez, 461.
Laydet, Pierre, conseiller au parlement de Paris, 353 et n, 549 et n.
Le Bègue, Antoine, abbé de Beaupré, 214n.
Le Berruyer, Nicole, conseiller au parlement de Paris, 183, 234. Lebeuf, maître Panthaléon,
493. Le Blanc, Etienne, contrôleur de l'Épargne, 262, 306, 307.
Le Blanc, Jean, contrôleur des guerres, 318.
Le Blanc, Laurent, commis à une levée sur les officiers en Guyenne, 184.
Le Bossu, Jean, bourgeois de Paris, 304.
538
M
Machault, Simon de, auditeur des comptes à Paris, 310n.
Machiavel, Nicolas, 421.
Madeleine de France, fille de François Ier, reine d'Écosse, 8, 57, 114, 401.
540
N
Nazy, Guillaume et Robert, marchands-banquiers à Lyon, 150, 154, 155, 158n, 161n, 173,
240.
Necker, Jacques, 514.
Nemours, duchesse de, voir Philiberte de Savoie. Nemours, Jacques d'Armagnac, duc de,
352n.
Nepyeu, Jean, trésorier de l'Épargne de la reine Anne, 259.
Nepveu, Pothon, fermier du domaine à Châtellerault, 77.
Neufville, Nicolas de, secrétaire des finances, trésorier de France en Outre-Seine, 85, 180,
212, 215, 217, 310, 355, 360, 369, 417, 419, 512.
Nevers, famille, voir Clèves-Nevers.
Nicolai, Aymar, président des comptes à Paris, 107n.
Nicolai, Jean, président des comptes à Paris, 88n, 199.
Nigrono, Melchior, banquier génois, 152.
Nivollare, Annibal de Gonzague, comte de, 227n.
Noble, Guillaume de, maître des ports à Lyon, 538.
Noble, Nicolas de, marchand-banquier et bourgeois de Paris, 161, 163n, 204, 235, 238, 538.
Noblet, Etienne, commis à la recette générale de Bourgogne, 269n.
Nouate, Maure de, porte-guidon de compagnie, 19n, 227n.
Nouville, de, écuyer, 460.
Nyelle, Jean, 290.
O
Odin, Girard, brodeur du roi, 205, 240.
Olivares, Gaspar de Guzman, comte-duc d', 514n, 546n.
Olivier, François, chancelier, 381.
Orange, Philibert de Chalon, prince d', 237n.
Orléans, Jean d', archevêque de Toulouse, cardinal de Longueville, 187.
P
Paget, William, ambassadeur anglais, 167.
Panchati, Barthélémy, marchand-banquier florentin, 233.
Papillon, Jean, conseiller au parlement de Paris, 297, 306.
543
Poncher, Jean de, trésorier des guerres, général de Languedoc, 145, 179, 206n, 300, 322,
326, 327, 337, 353, 389-390, 450-452, 455, 457, 462, 464, 467-469, 473, 475, 477, 481, 509,
528-529, 536, 537, 539, 540.
Poncher, Louis de, trésorier de France en Languedoïl, 113, 389-391, 539.
Pontac, Louis de, receveur des aides et tailles d'Armagnac, 276n.
Pontresme (Pontremoli), Francisque de Noceto, comte de, 226.
Poyet, Guillaume, chancelier, 84-85, 116, 124, 244n, 247, 289n, 299-300, 303, 309, 316n, 331,
350, 351, 366n, 379n, 380-381, 403, 439n, 478, 537, 551.
Preudhomme, Guillaume, général de Normandie, trésorier de l'Épargne, 15n, 138, 140,
145n, 180, 204, 231n, 233-234, 253, 254, 325, 357, 366n, 372, 374, 375, 398, 416, 431n, 432,
436-438, 440, 444.
Preudhomme, Louis, général de Normandie, 179.
Prévost, Jean, conseiller au parlement de Paris, 88n, 524.
Prévost, Jean, général de Guyenne, commis à l'Extraordinaire des Guerres, 18, 28, 44-45,
55, 94n, 209, 284n, 286, 293n, 301, 310, 316, 317, 319, 322n, 324-325, 327, 346-349, 373n, 395,
450 et n, 459, 472, 474, 529, 533, 544.
Procacci, Giuliano, 66-67, 74.
Prunier, Artus, commis puis trésorier de Dauphiné, 272.
Prunier, Jean, receveur de Forez, 138n, 157.
Prunier, Jean, receveur général de Languedoïl, 120, 329.
Puiguyon, René de, trésorier des menus plaisirs, 286.
Putain, Jean, commis aux biens de Semblançay, 310, 453, 455, 458-460, 464, 466, 471, 472.
Pyra, Michel de, licencié en lois, demeurant à Toulouse, 115.
Q
Quatrehommes, Martin, marchand et bourgeois de Paris, 160, 161, 501n.
Quélain, Nicole, conseiller au parlement de Paris, 524.
Quilliet, Bernard, 308.
R
Rabodanges, Louis de, valet tranchant ordinaire du roi, 270n, 478, 479.
Rabot, François, conseiller au grand conseil, 18ln.
Raffin, Poton, sénéchal d'Agenais, 479.
Ragueneau, Jacques, receveur général des amortissements, 88.
Ragueneau, René, maître des requêtes, 494.
Raince, Nicolas, solliciteur du roi en cour de Rome, 173.
Raisse, François de, gouverneur de Crèvecœur, 270.
Rappouel, Thomas, secrétaire du roi, 291, 292n, 310n.
Ravier, Jean, conseiller au parlement de Dijon, 301, 306-308, 313n, 315 et n, 317, 353, 361,
471, 537.
545
S
Sabran, Guillaume de, receveur général à Montpellier, 357.
Saffray, Guillaume de, receveur de l'Écurie du roi, 160 et n, 264n.
Saimbault, Nicolas de, receveur des exploits et amendes du parlement de Paris, 183n, 234,
269n, 279.
Saint-André, François de, président au parlement de Paris, 241, 297, 299-300, 307, 315.
Saint-André, Jean d'Albon de, lieutenant général en Lyonnais, 18, 387.
Saint-Aubin, Catherine de, demoiselle de la dauphine, 224.
Saint-Barthélemy, Bonaventure de, voir Thomassin.
Saint-Blancard, Bertrand d'Ornesan, baron de, 49, 224.
Saint-Bonnet, sieur de, ambassadeur à Ferrare, 225n.
Saint-Donyno, Vincent de, 538.
Saint-Marsault, François Green, seigneur de, chambellan du roi, 360, 368-369 et n.
Saint-Mesmin, sd François de, 199.
Saint-Pol, François de Bourbon, comte de, 25, 30, 34, 38, 165, 224, 226, 368, 375n, 378, 478.
Saint-Pol, Louis de Luxembourg, comte de, 352n.
Saint-Vallier, Jean de Poitiers, seigneur de, chambellan du roi, 312n, 352, 546.
Saluées, Gabriel de, évêque d'Aire, 452-453.
Saluées, Michel-Antoine, marquis de, 130, 144n.
Salvagio (ou Sauvaige), François, marchand-banquier à Londres, 141.
Salviati, les, marchands-banquiers à Lyon, 144.
Salviati, Bernard, marchand banquier florentin, 149, 321, 348.
Salviati, Jacques, marchand-banquier florentin, 155.
Sanegon, Jean, fermier des aides à Laigle, 78.
Sanguin, Antoine, évêque d'Orléans, cardinal de Meudon, 311.
Sanson, Pierre, commis à l'Extraordinaire des guerres, 281, 287.
Sapin, Jean, receveur général de Languedoïl, 60, 179, 205, 207, 219, 254, 267-268, 311, 322n,
327, 450, 456, 459, 461, 467, 468, 473, 480, 533.
Sarta, Durant de, conseiller au parlement de Toulouse, 306n.
Sartin, Antoine, clerc de Jacques Minut, 313n.
Saulsoye, Louis, bourgeois de Paris, 501n.
Saveuze, Imbert de, maître des requêtes, 185, 271.
Savoie, voir à Charles III, Louise de Savoie, Philiberte de Savoie, René, bâtard de Savoie.
Sayve, Pierre, maître des comptes à Dijon, 362.
Schick, Léon, 502
Schnapper, Bernard, 191, 219n.
547
T
Tabur, René, commis à la recette des exploits et amendes du parlement de Paris, 234.
Taillebourg, madame de, 198, 210, 237.
Talon, Pierre, receveur et payeur des comptes à Paris, 192.
Tappereau, famille, 201 et n.
Tardif, François, commis en Suisse de G. Spifame, 195.
Tarteret, Pierre, commis à la recette générale de Languedoïl, 269.
Tavel, Geoffroy, ambassadeur dans les Grisons, 225n.
Tertereau, Guillaume, auditeur des comptes, 264-265, 291, 330.
Testu, Jean, trésorier de Languedoc, 7, 145n, 158, 179, 231n, 332n.
Thaix, Jean de, gentilhomme de la chambre, 227n.
Thebaldi, Léonard, marchand-banquier à Lyon, 16ln.
Thénon, Jean, receveur des exploits et amendes du parlement de Paris, 234.
Théocrène, Benoit, précepteur des enfants de France, 477, 479.
Thiboust, Robert, conseiller au parlement de Paris, 199n.
Thiersault, Pierre, examinateur au Châtelet, 220.
Thizart, René, trésorier des guerres, 297, 300, 306, 315n, 317-318, 322, 523.
Thomas, Gilles, trésorier de l'Épargne en Bretagne, 259.
Thomassin, Bonaventure, président au parlement de Grenoble, 307, 308, 313.
Thou, sd Augustin de, 241.
Thou, Jacques-Auguste de, 425.
Thouart, Jacques, commis de Lambert Meigret, 154.
Tibère, 420.
Tissart, Philibert, général de Bretagne, 296 et n, 297, 322, 325, 450, 454, 458, 461, 466-468,
477.
Tizard, Louis, receveur de Dourdan, 288.
Tornoir, Jean de, conseiller au parlement de Toulouse, 182n.
Tournon, famille, 461.
Tournon, François de, cardinal, 19, 20, 27-30, 32-34, 40, 49, 54, 79, 82, 91, 108, 115, 118, 122,
125, 137-139, 146, 147, 149, 150n, 164-170, 172-174, 177, 185 et n, 187, 189n, 202, 203, 216,
234, 240-242, 245, 302, 355n, 365, 366n, 367, 368, 370, 372, 375, 377, 380-384, 386, 394, 397,
400, 409, 410, 412, 415-416, 418, 428, 438, 558.
Tours, Bertrand de, trésorier de l'Épargne en Bretagne, 259, 278, 477.
Tours, Guy de, trésorier des guerres en Bretagne, 278.
Trivulce (ou Trivulzio), Théodore, maréchal de France, 19n, 177n, 197, 198n.
Tronson, Jean, prévôt des marchands de Paris, 192n.
Trotereau, Etienne, commis à la recette générale de Languedoïl, 275, 286.
549
Troyes, Martin de, commis à l'Extraordinaire des guerres, commis à la recette générale de
Languedoc puis receveur général à Lyon, 41, 165, 168, 185, 220, 245, 280-281, 440.
Troyes, Nicolas de, argentier du roi, 231, 265n, 275n, 279, 288.
Tucher, les, marchands-banquiers de Nuremberg, 143, 163.
Turquam, Thomas, marchand et bourgeois de Paris, 159, 160 et n, 327, 524.
U
Uzès, duchesse d', 548.
V
Vachot, Antoine, auditeur des comptes à Paris, 289.
Valton (ou Valleton), Audebert, receveur des fouages à Nantes, 116n.
Van Doren, Llewayn Scott, 489n.
Varlet, Louis, marchand picard, 41.
Vas (ou Bas), Jacques, marchand à Lyon, 141n.
Vasseur, Pierre, marchand, 524.
Vaudétar, Guillaume de, conseiller au parlement de Paris, 200n.
Veau, Jacques, commis à l'Extraordinaire des guerres, 281, 288.
Velliet, Humbert, solliciteur du roi à la Tour Carrée, 309n, 474.
Vendôme, duc de, voir Bourbon, Charles de.
Vercle, Georges de, contrôleur général des finances de Louise de Savoie, 309n, 463n.
Véron de Forbonnais, François, 71.
Verrazano, Giovanni, navigateur, 142, 145, 150n, 158n.
Versoris, Nicolas, avocat au parlement de Paris, chroniqueur, 85, 192, 199, 201, 362, 371,
492-493 et n, 494, 496n, 502, 520, 533, 534, 539-541, 546, 548.
Vesc, Étienne de, sénéchal de Beaucaire, 137.
Vial, Eugène, 143.
Viart, Jacques, receveur du comté de Blois, 252.
Viart, Jean, marchand à Orléans, 142, 160n.
Vienne, Girard de, chambellan du roi, 211.
Villars, Anne Lascaris, comtesse de, femme de René, bâtard de Savoie, 387.
Villars, Claude de, comte de Tende, 237.
Villequier, Baptiste de, gentilhomme de la chambre, 460.
Villiers de L’Isle-Adam, Charles de, évêque de Beauvais, 187n.
Vinolz, Antoine de, élu de Lyonnais, 138n.
Viole, Pierre, conseiller au parlement de Paris, 205.
Vivaldi, Antoine, marchand-banquier à Londres, 144n.
Vivien, famille, 304.
Vymont, Jean de, trésorier de la marine de Ponant, 287.
550
W
Warham, William, chancelier d'Angleterre, 403n.
Weikmann (ou Vichman), Georges, marchand-banquier à Ulm, 141.
Welzer, Berton et Jean, marchands-banquiers à Augsbourg, 141, 153n, 155, 162.
Wolf, comte, capitaine de lansquenets, 227.
Wolfe, Martin, 11, 77, 261, 368, 373, 502.
Wolsey, Thomas, cardinal, 57, 343, 344n, 400, 402n, 403n, 546n.
Wurtemberg, Ulrich, duc de, 58.
Y
Yon, Claude, marchand et bourgeois de Paris, 116.
Z
Zamet, Sébastien, financier, 539n.
Zangmeister, firme, marchands-banquiers à Augsbourg, 141, 150.
Zapolya, Jean, voïvode de Transylvanie, 50n, 58.
551
A
acquit, 152, 153, 155, 169n, 211, 252, 263, 272, 338, 349, 439n, 472.
affermage, voir fermes.
« aide aux quatre cas », 114.
aides (cour des), 14, 199, 285n, 300, 326n, 327, 330, 332, 348, 433, 453, 461, 476.
aides et équivalents, 11, 73, 78, 79, 216.
aliénation, 79, 85, 110-114, 161, 186, 194, 245, 433, 509. Voir aussi domaine, grenier.
Allemagne, voir Empire.
alliance, alliés, 34, 35, 46, 52-59, 62, 162, 163 et n, 197-198, 422.
– alliance turque, 33-34, 39, 48.
ambassade, ambassadeur, 3-4, 48-50, 51-52, 144, 224-225, 364, 506.
amende honorable, 526-528, 530.
Amicable Grant, 260.
amortissement, 85, 88-89, 92, 96, 114-115, 535, 540.
anoblissement (lettre d’), 115.
appel judiciaire, 291-292, 294, 298, 323, 345-346, 349, 392, 458, 459, 523, 549.
« argent de Naples », 59, 342n, 426, 430n, 511.
argenterie, argentier (du roi), 7, 201-202, 231, 264-265, 288, 421-423.
arrestation, voir emprisonnement.
artillerie, 23, 42, 46, 47, 64, 99, 125, 148, 319.
assemblée de la Salle Verte, 353, 494.
assemblée de notables, 365, 487.
552
assignation, 21, 32-33, 95, 120, 192, 210, 229-234, 238-241, 252n, 253, 268, 273, 345-346, 373,
379, 396, 415, 417, 424, 428, 434-442, 465, 471, 478. Voir aussi décharge et rescription.
attache des généraux, 252, 330, 434.
avis (donneur d’), 84 et n, 85.
B
ban et arrière-ban, 115.
banque, 85, 91, 146, 149-150, 162, 163n, 167 et n, 172, 173, 207, 210, 377, 427 et n, 428 et n,
538 et n. Voir aussi marchands-banquiers.
banqueroute, 47, 127, 470, 558.
batailles, 47, 48, 129.
– Cérisoles, 17n, 27, 29, 35n, 47, 131n, 227, 401-402.
– La Bicoque, 46, 131, 158, 343, 378, 535.
– Marignan, 21, 45.
– Pavie, 21, 46, 48, 59, 132 et n, 158, 344, 349, 351n, 531, 535.
bénéfices (fiscalité sur les), 86-96, 103.
blanque, 116, 380, 523.
boutehors, 70, 80.
Bretagne (politique royale en), 6, 23 et n, 266-267, 292-293, 302-303, 322n, 358, 443n, 515.
C
caisse de réserve, 7, 257, 420-428, 431-432, 464, 531. Voir aussi trésor du Louvre.
caution et garantie (financière), 7n, 41, 79, 137-139, 143, 155-159, 161, 167, 168, 177, 189 et
n, 196 et n, 203 et n, 204, 206, 210, 214 et n, 215n, 219, 221, 226-227, 242, 243, 256-257, 268
et n, 290, 341, 387, 398, 468, 478, 495, 510, 515n.
chambre aux deniers, 31, 50, 57n, 123, 264-265.
chambre d’Anjou, 303-304.
chambre de justice, 296, 333, 525, 530, 534, 556. Voir aussi Tour Carrée.
Chambre des comptes, 14, 183, 256, 284-287, 305-306, 362, 364, 456-457, 509-510.
– de Paris, 88n, 112, 190n, 199, 221, 291, 297-298 et n, 300, 311, 314, 315, 450 et n, 464, 470,
471, 527, 540.
– dont relations avec commissions judiciaires, 295, 312-313, 325, 329-332, 361, 412, 472.
– de Bretagne, 266, 331.
– de Dijon, 303.
– de Grenoble, 285 et n.
– de Montpellier, 106, 285, 329.
– de Rouen, 106, 488.
chancelier, 374, 376-381, 411, 415, 554. Voir Du Bourg, Duprat, Olivier, Poyet.
change du Trésor, 71n, 123, 160, 213n, 253, 258, 268, 276-277, 330, 464.
château, 8, 12n, 50, 120n, 122, 356.
chevau-léger, 18 et n, 19.
553
D
décharge, 229, 232, 253, 258-259, 266, 435-436, 439, 443.
décime, 87, 89-96, 235, 245, 288, 290, 292, 311, 314, 330-331, 422-423, 491, 552.
dégrèvement fiscal, 15, 127-128, 244n, 486.
délits financiers (malversations, extorsions de fonds, corruption)
– des agents royaux, 73, 295, 296, 298, 301, 302, 304, 329, 397n, 398, 404, 471-472, 474-476,
492, 493, 538.
– des officiers de finance en particulier, 207, 268, 269, 279, 287, 293, 295 et n, 296, 316, 317,
320-322, 331, 347, 350-351, 360, 362-363, 415, 428, 443-444, 446, 449, 456, 457, 469, 525 et n,
528, 531-532, 534-538, 540.
« deniers payés par ordonnance », 37 et n,
détournement d’affectation, 7, 12, 15n, 17, 23-24, 31-32, 54, 56 et n, 60, 122, 124, 233, 236,
385n, 413, 422.
dette publique (notion de), 135, 139, 194-195, 229, 232, 495.
disgrâce politique, 237, 274, 343, 350-352, 380, 387, 398, 400, 403, 423, 546n.
document comptable, 19n, 42, 44-45, 71n, 77, 119n, 233, 252-253, 255, 262n, 263-265, 276,
278, 282, 298, 301, 315-316, 318-321, 324, 329, 341-342, 408, 411, 412. Voir aussi État général,
papier financier, reddition de comptes.
domaine royal, 11, 65 et n, 71, 76-79, 107, 120n, 211, 235-236, 245, 421, 433, 436, 460, 499.
– aliénation, 76, 107n, 110-115, 149, 161n, 223, 225, 236, 242, 424.
don des États provinciaux aux agents royaux, 72-73, 397, 486.
dons et pensions, 9-12, 49-52, 56-57, 64, 71, 81, 86, 114, 122, 226, 228, 239, 259n, 396-397,
399, 443, 446, 465, 476-480, 485-486.
E
économie et société, remarques générales, 67, 74, 78n, 96, 99, 101, 104, 114, 116, 131-132,
133n, 151, 169, 409, 496-498, 557, 558.
– État et économie (mercantilisme), 15-16, 171-172, 247, 414, 419, 518, 526, 557n.
écurie du roi, 5, 264-265.
élus, élections, 39, 105, 106 et n, 184n, 194n, 231, 274.
Empire,
– élection de 1519, 51-52, 61, 105, 124, 153, 173, 371, 373, 401, 497, 502, 506 et n, 513.
– politique française dans l’, 54 et n, 58, 62, 141-142, 174.
emprisonnement, 100, 145, 156, 206, 293, 296n, 301, 320, 324, 347, 348, 380, 392, 396, 452,
476, 493, 495, 537.
555
emprunts,
– des villes, 97n, 102, 104, 188n, 205.
– des particuliers, 3, 91, 202-206, 226-228.
enfants de France, 6, 534.
– trésorerie, 124, 265.
entrevues royales, 49-50, 201-202, 444.
– camp du Drap d’Or, 49, 145, 148, 153-154, 233, 239-240, 254, 296n, 343.
épidémies, 74n, 78n, 132, 414, 499, 528.
Espagne (fiscalité), 96, 487, 552, 557n.
État au vrai, 253, 363, 410, 413, 414.
État général des finances, 63-64, 122, 124, 169, 252, 253, 255n, 289, 290, 338, 339, 363, 408,
413, 441.
– de 1518, 13, 16n, 62, 63, 152, 257, 419, 421.
– de 1523, 10, 13-14, 16n, 63, 111, 230, 260.
États généraux, 3, 246, 365, 429, 487, 498, 513, 514, 518, 526, 554.
États provinciaux et pays d’État, 485-490, 502n, 514, 515n, 522.
– Auvergne et Marche, 399.
– Auxonne (comté d’), 67-68, 515.
– Bourgogne, 67-68, 71-72, 488-489, 515.
– Bretagne, 67, 487, 515.
– Comminges, 106n, 488, 489.
– Dauphiné, 71-72, 128, 235, 365, 486, 489 et n, 517.
– Guyenne, 63.
– Languedoc, 71-72, 88n, 99, 106n, 115, 485-487, 489.
– Normandie, 67, 106, 461, 495.
– Provence, 67, 486n.
état trimestriel, 363.
exécution capitale, 294, 301, 318, 322, 351-353, 509, 528-529, 544-546, 548.
expédients financiers, 65, 79, 85, 88, 97, 105, 114-117, 120, 133, 244, 362, 400, 424, 443, 445,
448-449, 469, 481, 518, 533, 540, 554.
F
farce, 405, 491.
faux saunage, 492.
favori, 295, 402, 410, 494, 533.
ferme,
– de ressources fiscales, 77-81, 83, 107, 114, 116, 117, 130n, 144, 145, 161n, 221-223, 235,
364.
– de biens privés, 79.
– de biens saisis par le roi, 92, 451-455, 474, 475. Voir aussi saisies.
fermiers, 77-79, 128, 285, 327, 475-476, 484, 557.
fêtes royales, 8, 12n, 50.
556
foires, 116
– foires de Lyon, 10, 136 et n, 146, 151-152, 155, 164, 165, 168, 171-173.
fortification, 36-38, 47, 48, 64, 68, 72, 97, 98, 105n, 186, 246, 439, 487, 506.
fouage, 67 et n, 73, 487.
frais de gestion des fonds, 18, 42, 45, 53, 120, 356, 435.
frais de perception des fonds, 73, 80, 96n, 443.
frais de transport des fonds, 119, 120, 435, 436.
franc salé, 69.
franc-archer, 25, 97.
franc-fief et nouveaux acquêts, 114-115, 396.
fraude fiscale, 492.
funérailles, 8, 265.
fuorusciti, 57, 141, 142
G
gabelle des épiceries, 80.
gabelle et fiscalité du sel, 68-70, 73, 79-81, 108, 121, 161n, 239, 257, 487, 488, 523. Voir aussi
grenier.
– contestation, 491-492, 499-500.
– visiteur général, 336-337.
– réforme, 70, 303-304, 499-500.
gendarmes, voir compagnie d’ordonnance.
généralité, 272, 274-275, 554.
général des finances, 231, 252-253, 266-267, 270, 276, 277, 285, 311, 363, 373n, 388 et n, 421.
– généraux (collège des), 137-139, 152, 155 et n, 157-159, 178-179, 219, 236, 254 et n, 255,
257, 258, 289, 330, 337-339, 344, 354-356, 430. Voir ordonnateur.
gouverneur et lieutenant général, 72, 226, 228, 254, 256, 382, 389, 397, 399, 499, 500.
Grand Conseil, 14, 158, 181, 184, 353n, 364, 524, 530.
Grand Parti de Lyon, 150, 166-170, 210, 428, 510, 524-525, 558.
greffe et tabellionage, 106-107, 113, 116, 221, 241, 253, 379n.
grenier et chambre à sel, 11, 68-70, 71n, 73, 80-81, 97, 439.
– aliénation, 69, 110, 216, 453.
– fournissement, 69n, 160, 223, 235, 303-304.
guerre de Cent Ans, 65, 129, 132, 133, 356.
guerres de Religion, 117, 188, 359, 556, 558.
guerres (commissaires des), 18, 19n, 28-29, 476.
guerres (contrôleurs des), 18, 19, 445.
guerres (Extraordinaire des), 17-18, 20, 22, 25-32, 35, 36, 41, 43-47, 51, 55, 59n, 63, 64,
83-84, 109, 115, 122, 123, 130-131, 186, 195, 196, 201n, 202, 213n, 220-221, 223, 245, 253,
280-282, 319, 341, 413, 418, 421, 423, 435-436, 438, 443, 458, 511, 513, 531. Voir mercenaires.
557
guerres (Ordinaire des), 17, 18, 20, 22-25, 31-32, 42-43, 45n, 46, 64, 122-123, 256, 277-279,
417, 436, 523, 531. Voir compagnie d’ordonnance.
H
hérétiques (poursuites royales contre les), 115-116, 328.
I
information, 30, 156-157, 384, 398, 504-508, 515-517.
– information financière (circulation de l’), 203 et n, 255, 258, 339-340, 355, 360, 371, 372,
379, 382, 397, 410-414, 416, 509-514.
insinuation, 116, 380, 552n.
intérêt des emprunts, 10, 143, 147-149, 150-151, 153, 157, 163, 165, 168-170, 174, 195,
206-207, 209, 215-217, 218n, 232-233, 298, 382, 524-525, 532. Voir aussi usure.
« inventions », voir expédients.
Italie (fiscalité française en),
– Gênes, 522.
– Milanais, 81, 129-130.
– Naples, 130.
– Piémont, 81, 83, 130-131.
J
jeu, 29n, 224, 298, 522-523. Voir aussi Manque.
L
« laquais-financier », 537, 542 et n, 556.
légion, 25, 28, 261n.
lettre de change, 171, 173, 201.
libéralité royale, 11-12, 49, 110, 397, 425-426, 446, 476, 480, 519.
licenciement de troupes, 21, 25, 30 et n, 31.
ligue de Cognac, 45n, 57, 59, 90, 144 et n, 203, 371, 377, 512.
loterie, voir blanque.
M
maison du roi, 4-5, 122 et n.
marchands et marchands-banquiers, 40-41, 78, 79, 136, 137, 139n, 140-143, 145, 146,
149-175, 179, 193, 197 et n, 198, 203 et n, 204-210, 213, 218, 227, 230, 232-234, 237, 239-243,
273n, 296, 303-304, 316, 337, 349, 356, 361, 382, 395, 412, 416, 423, 430, 439, 469, 506, 524,
535, 538, 539, 541-542, 546-547, 555, 557, 558.
558
marine royale, 35-36, 39, 47, 57, 64, 66, 72, 142, 224, 237, 282, 364.
mercenaires, 17n, 18-22, 25-31, 35, 54-56, 131, 227, 280, 364. Voir aussi Suisse.
« Messieurs des finances », voir ordonnateur financier.
monarchie patrimoniale, 178n, 255, 273n, 433, 447, 556.
monnaie (cour ou chambre des), 81, 183, 199, 288.
monnaies et problèmes monétaires, 22, 61-62, 81-84, 104, 114, 125, 142, 170-171, 185,
198-199, 200 et n, 216, 235, 371, 419-420, 513, 531-532.
montre, 18-20, 28, 445.
morte-paye, 23, 42, 97n, 436.
municipalité, 38, 100, 103-104, 167, 191, 192 et n, 193-195, 234, 244n, 286, 302, 428n, 486,
494, 498, 511, 533, 538.
munitionnaire, 40-41, 144, 145n, 231.
mutinerie, 27, 29, 33. Voir pillage.
N
naturalité (lettre de), 115.
non-valeur, 73-74.
O
offices (prélèvement sur les), 104-110, 253, 258, 424-425, 443, 462-463, 552, 553.
officiers de finance,
– défiance et critiques envers eux, 84, 131, 268, 296, 321, 328, 337, 339-340, 344, 353,
362-363, 365, 427-428, 430-431, 521, 525, 526, 530, 531, 534, 538, 551, 555-556.
– résidence, 276, 277, 357.
– rôle financier, 84, 85, 138, 140, 157, 178, 202, 205-211, 213, 227, 231, 234, 252-253, 256,
317, 319-320, 337-340, 343-345, 375, 410, 415-417, 427-430, 434, 443-444, 556.
officiers domestiques, 5, 264-265 et n, 270.
officiers royaux,
– cohésion sociale, 308, 330, 337, 351, 353, 443-444.
– densification (dont création d’offices), 14, 85, 96, 104-107, 116, 181, 252, 277, 376-377,
396, 445, 447, 517n, 554.
– gages, 13-14, 18, 108-109, 122, 184, 223n, 436.
– nombre excessif, 105, 444-447, 492, 555.
– prêts au roi, 181-184, 199, 212-213, 217, 239, 392-394, 462, 557.
– rôle, 94, 105, 189, 389, 511, 558.
ordonnancement des fonds, 252-253, 255.
ordonnateur financier, 253, 255, 258, 266, 270, 277, 336-340, 342, 343, 353-356, 360, 366 et
n, 387, 374, 413-414, 429-430, 434, 440-443, 445-447, 553, 554. Voir aussi général des finances
et trésorier de France.
559
P
pape, papauté, 90, 91, 93, 104, 156-157.
papier financier, 21-22, 120, 211, 253, 312, 325-326, 379, 411, 434, 436, 474-475. Voir aussi
document comptable, État général.
parcelle extraordinaire, 71-72.
Parlement, 14, 181, 182, 270-271, 305-306, 308, 323.
– Paris, 32, 104-105, 125, 131, 181, 186n, 190n, 199, 216 et n, 219, 221, 234, 292, 294, 295,
300, 313, 351, 353, 403, 430-431, 445, 491, 493-496, 534, 549.
– Aix, 181.
– Bordeaux, 499.
– Bretagne, 302 et n.
– Grenoble, 486, 490.
– Rouen, 103-104, 112, 181-182.
– Toulouse, 184.
péage, 80.
pension, voir dons et pensions.
pillages et ravages des soldats, 24, 25, 27, 29, 30, 74, 127-128. Voir mutinerie.
prévision financière, 413-414, 418-419, 422, 427, 441-442. Voir aussi État général.
prévôté des maréchaux, 14.
privilège, 96 et n, 161, 357, 440n, 484, 495, 501.
– privilège fiscal (dont exemption), 15, 69, 97, 103-104, 109, 185-186, 217-218, 489.
propagande financière, 52, 143, 172, 506-507.
Q
quart-bouillon, 488, 499-500.
R
rachat de villes et de places, 53, 56, 153-154.
rançon, 21.
rançon de François Ier, 59-61, 63, 8 ln, 87-88, 100, 102, 103, 144, 162, 170, 17ln, 197, 199,
203-204, 208, 216, 217, 239, 262, 267, 268, 272, 365, 382, 386-387, 392n, 393, 395, 419, 420n,
432n, 448, 487, 494, 512, 518, 522, 532, 555, 557.
recette générale, receveur général, 82n, 94, 117-119, 138, 140, 237n, 253, 258, 262, 267-272,
274-276, 357, 436-438, 440 et n, 441, 445.
recette locale, receveur local, 83, 117, 118 et n, 119, 183, 184n, 231n, 253, 258, 267, 268, 271,
272, 291n, 439, 440, 445.
reddition de comptes, 100, 231, 252. Voir aussi comptabilité, document comptable.
– des officiers de finance, 90n, 264 et n, 268 et n, 269, 279, 282-289, 298, 319-320, 326,
456-457, 466-467, 470.
– des commissaires aux biens saisis, 310, 474.
560
S
saisie, 116n, 171, 211.
– de métaux précieux, 81n, 103.
– du patrimoine des officiers, 160n, 201, 310, 313, 320-322, 362, 450-457, 459, 460, 472-476,
479.
– de successions, 200-201 et n, 421.
– du temporel de l’Église, 91-93, 121, 185, 311.
– des trésors des églises, 186-187, 198, 217, 496.
secrétaire des finances, 13 et n, 355, 369, 411, 416-417.
solde, 18, 19, 21-31, 40, 225.
somptuaire (législation), 171, 525-526.
souffrance comptable, 284-285, 288, 320, 457, 465.
Suisse (relations financières avec la), 48-49, 52-56, 61, 64, 129, 175, 196, 316-317, 511, 532.
– emprunts, 3, 56, 195-196, 217, 227.
– pensions, 53, 54, 196.
– solde des troupes, 20, 26-29, 54-55, 131, 196, 227, 509.
– trésorerie des Ligues, 32, 53, 54n, 55, 262, 280n.
surintendance (notion de), 256, 336, 341, 365, 374, 378, 380, 495.
suspension d’officiers, 109, 211, 264 et n, 268 et n, 269, 271-272, 276, 279, 285, 287n, 298,
392.
T
taille, 66-67, 73, 75, 98, 102, 117-118, 121, 127-128, 356, 429n, 502n, 511.
– crue, 66, 75, 122, 338, 412, 518.
– anticipation, 121, 129.
thésaurisation, 7, 198-202, 206, 216, 247, 426, 537. Voir aussi caisse de réserve.
tirage du sel, 69, 78, 161n, 242-243, 285n.
torture, 317-318.
561
Tour Carrée (commission de la), 295-301, 303, 306-307, 309, 312-318, 321-323, 325-328,
330-332, 394, 396, 450-451, 454, 458, 463-464, 466, 467, 470-472, 475, 476, 527.
traitant, 84, 244, 430, 557.
traite et imposition foraine, 11, 78-80, 105, 222, 288, 353n, 475, 488, 499.
transport de fonds, 120, 125. Voir aussi frais de transport.
trésor et trésorier de l’Épargne, 81n, 118, 119n, 180, 201, 229, 257-263, 273, 357, 360, 363,
378, 410-412, 421, 427-429, 431-433, 436-438, 440, 441, 443, 448, 464, 513, 553-554. Voir aussi
Babou (Philibert), Preudhomme (Guillaume), Duval (Jean II).
trésor du Louvre, 272-274, 307, 363, 422, 423, 432, 435-438.
trésorerie de l’Hôtel, 263-266.
trésorerie des finances extraordinaires et parties casuelles, 31, 104, 258, 262-263, 273, 277,
360, 411, 428, 437, 440, 443, 464, 530. Voir aussi Apesteguy (Pierre d’), Laguette (Jean).
trésorerie des guerres, voir à guerres.
trésorier de France, 15, 178n, 180, 252-253, 257, 258, 270, 276, 277, 330, 338.
tutelle, 210.
U
usure (répression de l’), 160, 204n, 523-525, 528, 538n.
V
vicomte (en Normandie), 107, 114n, 236, 237.
– vicomte de l’eau de Rouen, 78, 80n, 222.
villes,
– finances urbaines, 13n, 15, 36, 40n, 96-97, 99, 100, 102-104, 182, 235, 505. Voir
municipalités.
– prélèvement sur les, 36, 39 et n, 72, 96-106, 128, 490, 500-501.