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Produit vectoriel

En mathématiques, et plus précisément en géométrie, le produit vectoriel est une


opération vectorielle effectuée dans les espaces euclidiens orientés de dimension 31,2.
Le formalisme utilisé actuellement est apparu en 1881 dans un manuel d'analyse
vectorielle écrit par Josiah Willard Gibbs pour ses étudiants en physique. Les travaux
de Hermann Günther Grassmann et William Rowan Hamilton sont à l'origine du
produit vectoriel défini par Gibbs3,4.

Sommaire
 1 Histoire
o 1.1 Résumé
o 1.2 Anecdote
 2 Notation
 3 Définition
o 3.1 Définition par le produit mixte
o 3.2 Calcul en composantes
 4 Propriétés
o 4.1 Propriétés algébriques
o 4.2 Invariance par isométries
 5 Définitions alternatives
o 5.1 Comme produit de Lie
o 5.2 Comme produit de quaternions imaginaires
o 5.3 Par le produit tensoriel
 6 Applications
o 6.1 Mécanique
o 6.2 Équation de plan dans l'espace
o 6.3 Géométrie plane
 7 Références
o 7.1 Ouvrages
o 7.2 Notes et références
 8 Voir aussi

Histoire
Résumé

En 1843, Hamilton inventa les quaternions qui permettent de définir le produit


vectoriel. Indépendamment et à la même période (1844) Grassmann définissait dans
Die lineale Ausdehnungslehre ein neuer Zweig der Mathematik un « produit
géométrique » à partir de considérations géométriques ; mais il ne parvient pas à
définir clairement un produit vectoriel. Puis Grassmann lit Hamilton et s'inspire de ses
travaux pour publier en 1862 une deuxième version de son traité qui est nettement
plus claire5. De même, Hamilton a lu les travaux de Grassmann et les a commentés et
appréciés6. Plus tard Maxwell commença à utiliser la théorie des quaternions pour
l'appliquer à la physique. Après Maxwell, Clifford modifia profondément le
formalisme de ce qui devenait l'analyse vectorielle. Il s'intéressa aux travaux de
Grassmann et Hamilton avec une nette préférence pour le premier4. En 1881, Gibbs
publia Elements of Vector Analysis Arranged for the Use of Students of Physics
s'inspirant des travaux déjà réalisés notamment ceux de Clifford et Maxwell. Si les
physiciens se sont empressés d'utiliser le formalisme de Gibbs, celui-ci ne fut accepté
en mathématiques que bien plus tard, et après plusieurs modifications.

Anecdote

Peter Guthrie Tait, dans la préface de la troisième édition de son traité sur les
quaternions, qualifia le nouveau formalisme créé par Gibbs de « monstre
hermaphrodite, composé des notations de Hamilton et Grassmann »7.

Notation
Plusieurs notations sont en concurrence pour le produit vectoriel :

 En France, le produit vectoriel de u et de v est noté u∧v, où le symbole ∧ se lit


vectoriel (wedge en anglais). Cette notation a été initiée par Cesare Burali-
Forti et Roberto Marcolongo en 19088. Son inconvénient est de rentrer en
conflit avec la notation du produit extérieur ;
 Dans la littérature anglophone (et au Canada francophone, ainsi qu'en Suisse),
le produit vectoriel est noté u×v. Cette notation est due à Josiah Willard
Gibbs7. Son inconvénient est d'induire une confusion éventuelle avec le
produit des réels et le produit cartésien, mais ces produits ne portent pas sur
des objets de même nature ;
 Une troisième notation, privilégiée par exemple par Arnold, est l'utilisation
des crochets de Lie : [u,v]9.

Dans cet article, nous utiliserons la première convention (avec ou sans flèches sur les
vecteurs).

Définition
Soit E un espace vectoriel euclidien orienté de dimension 3. Par le choix d'une base
orthonormée, E peut être identifié avec l'espace R3, mais cette identification n'est pas
obligatoire pour définir le produit vectoriel.

D'un point de vue géométrique, le produit vectoriel de deux vecteurs et de E non


colinéaires se définit comme l'unique vecteur tel que :

 le vecteur est orthogonal aux deux vecteurs donnés ;


 la base est de sens direct ;

 ,

et le produit vectoriel de deux vecteurs colinéaires est nul par définition. En


particulier :

 deux vecteurs sont colinéaires si (et seulement si) leur produit vectoriel est
nul ;
 deux vecteurs sont orthogonaux si et seulement si la norme de leur produit
vectoriel est égale au produit de leurs normes.

La notion d'orientation peut ici être comprise de manière élémentaire en utilisant la


règle de la main droite : le pouce, l'index et le majeur écartés en un trièdre indiquent
respectivement le sens de , de et de . Cette définition, utilisée dans
l'enseignement secondaire, n'est pas totalement satisfaisante, mais reste une bonne
approche.

Définition par le produit mixte

Une seconde définition utilise la théorie des déterminants et la notion de produit mixte
comme point de départ. Le produit mixte de trois vecteurs u, v, w, noté [u, v, w], est le
déterminant de ces trois vecteurs dans une base orthonormale directe quelconque. La
formule de changement de base montre que ce déterminant est indépendant du choix
de la base ; géométriquement il est égal au volume orienté du parallélépipède appuyé
sur les vecteurs u, v, w. Le produit vectoriel de deux vecteurs u et v est l'unique
vecteur u∧v tel que, pour tout w, on a : [u, v, w] = (u∧v)∙w. Le produit vectoriel
s'interprète comme les variations du volume orienté d'un parallélépipède en fonction
du troisième côté.

Avec une telle définition, il est possible de définir, dans un espace vectoriel orienté de
dimension n + 1, le produit vectoriel de n vecteurs.

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Équivalence des deux premières définitions

Calcul en composantes
Une méthode pour calculer le produit vectoriel grâce aux composantes

Le choix arbitraire d'une base orthonormée directe donne une identification de E et de


R3. Notons les coordonnées u = (u1, u2, u3) et v = (v1, v2, v3). Leur produit vectoriel est
donné par :

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Équivalence des deuxième et troisième définitions

Cette troisième définition, puisqu'elle est équivalente aux deux précédentes, est
indépendante, malgré les apparences, du choix de la base orthonormée directe dans
laquelle on calcule les coordonnées.

Propriétés
Propriétés algébriques

 Le produit vectoriel est un produit distributif, anticommutatif :


o Distributivité par rapport à l'addition :

o Compatibilité avec la multiplication par un scalaire :

o Antisymétrie :

Ces propriétés découlent immédiatement de la définition du produit vectoriel par le


produit mixte et des propriétés algébriques du déterminant.

 Il n'est pas associatif – c'est-à-dire qu'en général (u∧v)∧w n'est pas égal à
u∧(v∧w) – et plus précisément, il vérifie les égalités du double produit
vectoriel :
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Démonstrations des égalités du double produit vectoriel

 Il vérifie par conséquent l'identité de Jacobi, ce qui en fait un crochet de Lie :

 En partant de l'identité de Lagrange

on peut démontrer facilement l'égalité


que l'on peut aussi écrire sous la forme :

ce qui équivaut à l'identité


trigonométrique et qui n'est rien d'autre
qu'une des façons d'écrire le théorème de Pythagore.
 Les premières propriétés algébriques ci-dessus (bilinéarité et formule du
double produit vectoriel) fournissent une solution au problème de la division
vectorielle u∧x = v, où l'inconnue est le vecteur x et les données sont les deux
vecteurs u et v, en supposant u non nul et orthogonal à v (sans quoi la
résolution est instantanée). En effet, de u∧(v∧u) = ║u║2v on déduit que x0 =
(v∧u)/║u║2 est une solution. Or le noyau de l'application linéaire x ↦ u∧x est
la droite vectorielle Ru, donc l'ensemble des solutions de cette équation
linéaire est x0 + Ru.

Invariance par isométries

Le produit vectoriel est invariant par l'action des isométries vectorielles directes. Plus
exactement, pour tous vecteurs u et v de E et pour toute rotation f de E, on a :

Cette identité peut être prouvée différemment suivant l'approche adoptée :

Définition géométrique : L'identité est immédiate avec la première définition, car f


préserve l'orthogonalité, l'orientation et les longueurs.

Produit mixte : L'isomorphisme linéaire f laisse invariant le produit mixte de trois


vecteurs. En effet, le produit mixte de f(u), f(v), f(w) peut être calculé dans l'image par
f de la base orthonormée directe dans laquelle le produit mixte de u, v et w est calculé.
De fait, l'identité précédente s'obtient immédiatement :

où f(w) parcourt tout l'espace vectoriel quand w le parcourt puisque f est une bijection,
d'où l'égalité souhaitée.
Définitions alternatives
Comme produit de Lie

Toute isométrie directe de R3 est une rotation vectorielle. L'ensemble des isométries
directes forme un groupe de Lie classique noté SO(3) (autrement dit, un sous-groupe
fermé de GL3(R)). Son algèbre de Lie, notée so(3) est la sous-algèbre de Lie de gl3(R)
définie comme l'espace tangent de SO(3) en l'identité. Un calcul direct montre qu'il
est l'espace des matrices antisymétriques de taille 3. Cet espace est a fortiori stable par
le crochet de Lie.

Toute matrice antisymétrique M de taille 3 s'écrit de manière unique :

En identifiant M et le vecteur (a, b, c), on définit un


isomorphisme linéaire entre so(3) et R3. Le crochet de Lie se transporte via cet
isomorphisme, et R3 hérite d'une structure d'algèbre de Lie. Le crochet [u, v] de deux
vecteurs est précisément le produit vectoriel de u et de v.

En effet, si u1 = (a1, b1, c1), et u2 = (a2, b2, c2), leur crochet se calcule en introduisant
les matrices antisymétriques correspondantes M1 et M2 :

Le vecteur correspondant, à savoir [u1, u2], a donc pour coordonnées (b1c2 – b2c1, a2c1
– a1c2, a1b2 – a2b1). Cette approche redéfinit donc le produit vectoriel.

Si on suit cette approche, il est possible de prouver directement l'invariance du produit


vectoriel par isométries En tant qu'algèbres de Lie,
so(3) a été identifié à R3. L'action (linéaire) de SO3(R) sur R3 s'identifie à l'action par
conjugaison sur so(3). SO3(R) opère donc par automorphisme d'algèbres de Lie.
Autrement dit, l'identité ci-dessus est vérifiée.

Comme produit de quaternions imaginaires

Il est possible de retrouver produit vectoriel et produit scalaire à partir du produit de


deux quaternions purs. Pour rappel, le corps (non commutatif) des quaternions H est
l'unique extension de R de dimension 4. Sa base canonique est (1, i, j, k) où le sous-
espace engendré par i, j, k forme l'espace des quaternions purs, canoniquement
identifié avec R3. Ces éléments vérifient :
Si q1 = a1i + b1j + c1k
et q2 = a2i + b2j + c2k, le produit q1q2 se calcule immédiatement :
La partie réelle est au signe près le produit scalaire de q1 et de q2, la partie imaginaire
est un quaternion pur qui correspond au produit vectoriel, après identification avec R3.

Cette coïncidence trouve ses explications dans le paramétrage du groupe SO(3) par les
quaternions unitaires.

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Éléments d'explication

Il est de nouveau possible de justifier l'invariance par isométrie. Toute isométrie de


l'espace des quaternions imaginaires s'écrit comme la conjugaison par un quaternion
unitaire. Si q est un quaternion unitaire, et q1, q2 sont des quaternions imaginaires, il
suffit de constater :

pour en déduire l'invariance par isométrie du produit vectoriel.

Par le produit tensoriel

Article connexe : produit tensoriel.

Soient deux vecteurs à trois composantes et . On peut définir le tenseur

qui, en notation tensorielle, s'écrit simplement :

Ce tenseur peut se décomposer en la demi-somme de deux tenseurs, l'un


complètement symétrique :

qui a 6 composantes indépendantes, et l'autre complètement anti-symétrique :

qui a 3 composantes indépendantes. On peut alors « transformer » ce tenseur anti-


symétrique en un vecteur à trois composantes en utilisant le symbole de Levi-Civita
(ce dernier est un pseudo-tenseur dont la définition fait intervenir la métrique et
l'orientation) :
(selon la convention de sommation d'Einstein, on somme sur i et sur j dans la formule
ci-dessus). Le vecteur est le produit vectoriel de et .

Exemple pour des vecteurs à 3 composantes (i, j et k variant de 1 à 3):

On voit que si l'on échange les indices i et j, le signe change, ce qui illustre
l'antisymétrie du produit vectoriel. En outre le résultat est un « pseudovecteur »
puisqu'il est renversé si on change l'orientation de l'espace.

Applications
Mécanique

On définit l'opérateur rotationnel comme suit :

En mécanique du solide, c'est une opération


très employée notamment dans la relation de Varignon qui lie les deux champs
vectoriels d'un torseur. D'autre part, les équations de Maxwell sur l'électromagnétisme
s'expriment à travers l'opérateur rotationnel, ainsi que les équations de la mécanique
des fluides, notamment celles de Navier-Stokes.

Le moment d'une force est défini comme le produit vectoriel de cette force par le
vecteur reliant son point d'application au pivot considéré :

C'est une notion primordiale en mécanique du


solide.

Équation de plan dans l'espace

Article détaillé : Le plan dans l'espace euclidien.

Soient A, B et C, trois points non alignés de l'espace, grâce auxquels on peut former le
plan (ABC).

M(x,y,z) appartient à (ABC) si et seulement si les coordonnées de M vérifient


l'équation de (ABC).

L'équation cartésienne de (ABC) est de la forme ax + by + cz + d = 0, où a, b, c et d


sont des réels et est un vecteur normal à (ABC), c'est-à-dire que son produit scalaire
avec le vecteur ou avec ou encore avec le vecteur est nul, donc si est
un vecteur orthogonal à deux vecteurs non colinéaires de (ABC).
Les réels a, b et c sont donc les composantes respectives en x, y et z du vecteur ,
produit vectoriel de deux vecteurs non colinéaires du plan (ABC), par exemple et
.

Géométrie plane

Soit ABCD un parallélogramme, c'est-à-dire qu'on a la relation

Comme indiqué plus haut dans la définition, l'aire de ce parallélogramme est égale à
la norme du produit vectoriel des deux vecteurs sur lesquels il s'appuie :

Références
Ouvrages

 Marcel Berger, Géométrie [détail des éditions]


 (en) Florian Cajori, A History of Mathematical Notations [détail des éditions],
1993
 (en) Michael J. Crowe, A History of Vector Analysis (en) : The Evolution of
the Idea of a Vectorial System, Dover, 1994, 2e éd. (1re éd. 1985) (ISBN 0-486-
67910-1)

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