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Les explorations vasculaires par ultrasons ne cessent d’évoluer grâce à l’amélioration des capteurs et
des traitements de signaux qui leur sont associés. Ces examens permettent d’évaluer en pathologie
vasculaire de nombreux paramètres morphologiques et hémodynamiques. L’existence d’anomalies de
paroi, de plaques, la quantification des sténoses carotides et le diagnostic d’occlusion artérielle sont de
mieux en mieux codifiés. Dans le vaste champ de la pathologie vasculaire cérébrale, ces examens peuvent
être utilisés tant en prévention primaire pour la détection de sujets à haut risque, qu’à la phase aiguë de
l’accident vasculaire où ils permettent, de façon rapide et non traumatique, une orientation étiologique
précoce. Leur pratique doit comporter l’association des informations hémodynamiques, en particulier pour
les lésions modérées et sévères et morphologiques. L’échodoppler énergie et l’utilisation des harmoniques
sont des modalités qui augmentent la précision des mesures et doivent être également mis à profit. Le
Doppler continu reste un outil simple de dépistage des lésions sévères qui, associé à l’imagerie, augmente la
fiabilité diagnostique. Le Doppler transcrânien fait partie du bilan systématique de l’exploration vasculaire
des vaisseaux du cou, et peut être complété par l’échographie transcrânienne dont la qualité a progressé
ces dernières années. La complémentarité de l’angiographie par résonance magnétique et des ultrasons
s’est révélée d’une importance majeure pour permettre aux patients de bénéficier d’une exploration
non traumatique des vaisseaux intra- et extracrâniens en réservant l’angiographie conventionnelle à un
nombre restreint de patients. Enfin, la résolution obtenue avec des sondes de fréquence supérieure à 7 MHz
permet maintenant de mesurer l’épaisseur de la paroi artérielle avec une précision inférieure au centième
de millimètre. Ces avancées ne sont pas sans importance à l’heure où la prévention cardiovasculaire
représente un enjeu majeur, tant au niveau individuel que collectif.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Neurologie 1
Volume 14 > n◦ 4 > octobre 2017
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(17)62798-2
17-031-G-15 Exploration ultrasonore en neurologie vasculaire
Introduction
Les méthodes ultrasonores se sont fortement développées et
affinées en 25 ans, améliorant sans cesse la qualité et la quan-
tification de l’information qu’elles procurent sur les vaisseaux
cervicaux et cérébraux. Le Doppler continu, le Doppler pulsé,
l’analyse spectrale et les modalités récentes utilisant le codage V2
couleur et l’énergie des signaux obtenus sont les techniques de
référence pour l’évaluation hémodynamique des axes carotides et
vertébraux, tant extra- qu’intracrâniens. L’information morpholo-
gique sur la paroi et ses lésions est fournie par l’échotomographie
haute résolution associée au Doppler couleur. Le Doppler et
l’échographie transcrâniens sont indispensables à l’étude de la cir-
culation intracrânienne [1] . En pratique clinique, ces méthodes
non traumatiques, dont l’association constitue l’exploration
ultrasonore cervicale et transcrânienne, participent à l’enquête
étiologique de tout accident ischémique cérébral (AIC), au suivi
des spasmes des vaisseaux intracrâniens, au diagnostic des embo-
lies issues des troncs supra-aortiques, aux temps pré-, per- et
postopératoires de la chirurgie carotide. Enfin, la sonothrombo-
lyse contribue parfois au traitement de l’infarctus cérébral à la
phase aiguë. Ces éléments rendent compte de la diffusion de ces
méthodes et de leur développement dans la prévention, le diag-
nostic et le pronostic des accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Rappel anatomique
Les axes carotides s’étendent de l’aorte au polygone de Willis et
comprennent les artères carotides communes internes et externes.
Carotide
La carotide commune naît à droite du tronc artériel brachio-
céphalique et à gauche de la portion horizontale de la crosse
aortique. Elle se divise en carotide interne, le plus souvent postéro-
externe et carotide externe antéro-interne au bord supérieur du
cartilage thyroïde en avant, et de l’apophyse transverse de la ver-
tèbre C4 en arrière. Le bulbe carotide est une dilatation fusiforme
portant sur la bifurcation et/ou l’origine de la carotide interne,
exceptionnellement de la carotide externe. La carotide interne
assure la vascularisation de l’hémisphère cérébral et de l’œil
homolatéral. Elle est successivement située à la partie supérieure Figure 1. Vertébrale normale à l’ostium (V0), au niveau prétransversaire
de la gouttière carotide dans l’espace sous-parotidien postérieur, (VP) et intertransversaire (V2). OV : ostium vertébral ; SC : subclavière.
dans le canal carotide et dans le sinus caverneux.
Dans le crâne, elle se termine en artère cérébrale moyenne ou
sylvienne et donne l’artère cérébrale antérieure, la communicante est exceptionnelle (Fig. 2). Son calibre moyen est de 2 mm. Les
postérieure, et la choroïdienne antérieure. artères cérébrales antérieures (parfois atrésiques dans leur segment
Le trajet des carotides internes peut être de trois types chez précommunicant), leur calibre est de 2,5 mm et leur longueur
l’adulte (G. Lazorthes) : pratiquement rectiligne dans 30 % des moyenne de 15 mm. Le segment carotide interne de chaque côté
cas, en « S » italique dans 48 % des cas, sinueux dans 22 % des cas. mesure 5 mm de longueur. Les artères communicantes posté-
rieures, rarement absentes, sont en revanche atrésiques dans 40 %
des cas. Leur calibre est de 1 à 2 mm. Enfin, les artères cérébrales
Artères vertébrales postérieures issues du tronc basilaire entrent également dans la
Elles naissent des artères subclavières dont elles sont la première composition du polygone de Willis par leur segment précommu-
collatérale. On distingue quatre segments de ce vaisseau, de son nicant. Leur calibre est de 2,5 mm en moyenne.
origine V0 à sa terminaison en V4, où elle s’unit à son homo-
logue controlatéral pour former le tronc basilaire (Fig. 1). Après sa
naissance, l’artère se dirige en haut en arrière formant le segment Physiologie des écoulements
prétransversaire V1, puis ayant précroisé l’apophyse transverse de
la vertèbre C7, elle s’engage dans le canal transversaire formant sanguins
le segment V2 intratransversaire jusqu’à sa sortie au niveau de la
vertèbre C2. À ce niveau, le segment courbe, nucal, correspond Nature de l’écoulement
à V3, classiquement enregistré au Doppler continu en position Les déplacements du sang obéissent aux lois de la mécanique
rétromastoïdienne. Le dernier segment V4 intracrânien en posi- des fluides. En termes mathématiques, ces lois s’expriment par
tion sous-arachnoïdienne traverse la dure-mère et rejoint le plus des équations différentielles liant la pression et la composante
souvent la vertébrale controlatérale pour former avec elle le tronc du vecteur vitesse. Toutefois, la modélisation mathématique est
basilaire. rendue très difficile par la complexité de la géométrie vasculaire
et la non-linéarité du comportement élastique des parois. Grâce
Polygone de Willis à des simplifications, on peut néanmoins retrouver, par le cal-
cul, l’évolution des courbes de vitesse le long des axes vasculaires
C’est un nonagone (neuf côtés) constitué par l’artère commu- du membre inférieur. Quelques grandeurs moyennes concernant
nicante antérieure qui unit les deux piliers carotides. Son absence la carotide commune peuvent utilement être prises en compte
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Vi
CI
Vs
Vd
t
CI
CE
Vi
CE
Vs
Vd
CP t
Vi
Vs CP
Vd
Vi
V3
Figure 4. Examen normal des axes carotides : Doppler continu. C2
Vi V3 t
Signes locaux V2
Les signes locaux sont les perturbations vélocimétriques enre-
gistrées en regard de la lésion. Ce sont des signes directs.
V0 t Vi
Signes d’aval
C6
Ce sont les modifications vélocimétriques à distance de la
lésion, lorsqu’ils existent ce sont des signes d’amortissement.
V1
SC t
Par rapport à l’axe artériel controlatéral
V0 SC
Les anomalies vélocimétriques sont, pour le territoire carotide,
systématiquement comparées à celles de l’axe carotide controla-
téral.
Sémiologie analytique Figure 6. Schéma des profils de vitesse des artères vertébrales (ostium
[V0], prétransversaire [V1], intra- et intertransversaire [V2], sous-occipital
Les modifications vélocimétriques pathologiques peuvent se [V3]), et subclavière (SC). C2 : niveau de sortie de l’artère vertébrale du
décomposer en trois groupes de signes. canal transversaire ; C6 : niveau d’entrée de l’ artère vertébrale du canal
transversaire.
Signes d’amont
Ces signes sont la diminution ou l’élévation de la vitesse diasto- Signes directs
lique (Vd) et/ou systolique (Vs), quantifiable au moyen de l’index Ce sont l’accélération, les turbulences ou l’absence de signal.
de résistance. L’index de résistance qui se mesure au niveau de la L’accélération est une augmentation localisée de la Vs (supérieure
carotide commune est le rapport (Vmax – Vmin)/Vmax (Vmax et à 1,20 m/s) et/ou de la Vd. Les turbulences se traduisent par
Vmin sont respectivement les Vs maximales, ou pic systolique, et l’apparition de basses fréquences sur le spectre et une tonalité
télédiastolique). Il est normalement compris entre 0,55 et 0,75. grave sur le plan acoustique.
Sa réduction traduit une baisse des résistances d’aval (fistule arté-
rioveineuse, vasodilatation quelle qu’en soit la cause, etc.), son Signes d’aval
augmentation traduit leur élévation (sténoses serrées, occlusions, Ce sont l’amortissement des courbes et l’inversion du sens circu-
résistances intracrâniennes élevées, etc.). latoire de certains segments artériels qui ne sont plus perfusés dans
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Pathologie
Sténoses et occlusions athéromateuses
Axes carotides
Modifications vélocimétriques. Elles ne surviennent que
pour des sténoses de l’artère carotide interne (ACI) supérieures
à 60 % en diamètre et/ou surface. L’accélération localisée de la
vitesse circulatoire est le seul signe lorsque la sténose est comprise
entre 65 et 75 %. Son interprétation doit tenir compte du diamètre
artériel et des vitesses circulatoires controlatérales. D’autres causes
d’élévation de la vitesse circulatoire sans sténose athéroscléreuse
doivent être distinguées telles que la dysplasie fibromusculaire,
les boucles artérielles, les petites carotides internes congénitales,
l’hyperthermie, l’occlusion de la carotide controlatérale. Elles
constituent un diagnostic différentiel. Les sténoses carotides supé-
rieures à 75 à 80 % associent aux signes directs (accélération
et turbulences) des signes d’aval et parfois d’amont. Ainsi, les
sténoses serrées comportent habituellement une accélération et
des turbulences en regard de la sténose, et une modification de
l’amplitude ou du sens de l’artère ophtalmique. Lorsque la sté-
nose est très serrée (> 80 %) ou pseudo-occlusive (> 95 %), l’index
de résistance (IR) ([IR] = (Vmax – Vd télédiastolique)/Vmax) est
augmenté sur l’axe carotide homolatéral à la sténose. La recon-
naissance d’une sténose pseudo-occlusive est particulièrement
délicate au Doppler continu car elle repose sur la détection d’un
pertuis souvent filiforme qu’il faut rechercher minutieusement,
d’autant plus que, dans certaines incidences, le faisceau ultra-
sonore est arrêté par le matériel athéromateux calcifié. Ainsi, on
peut retenir qu’une sténose reconnue au Doppler continu est tou-
jours supérieure à 65 %, et que l’association de signes directs à des
signes indirects signifie qu’elle est supérieure à 75 %. Une analyse
synthétique des travaux de corrélation de la mesure du degré de
sténose mesuré par angiographie à celle obtenue par les vitesses
recueillies au Doppler pulsé a permis de démontrer que l’approche Figure 7. Occlusion de l’artère carotide interne. Ophtalmique nulle.
hémodynamique n’était fiable que pour des sténoses supérieures Sylviennes symétriques. On dit que le retentissement hémodynamique
à 70 % lorsque le degré de sténose est mesuré en angiographie intracrânien est nul.
par la méthode North American Symptomatic Carotid Endarte-
rectomy Trial (NASCET) (rapport diamètre résiduel sur diamètre
de la carotide interne sus-bulbaire) [2] . Cette étude illustre bien les
limites décrites précédemment et souligne l’intérêt d’un complé-
ment morphologique pour l’évaluation du degré de sténose.
Diagnostic d’occlusion de l’ACI. Il repose sur l’absence de
perception de son signal alors qu’existent des signes indirects
d’obstacle hémodynamique sévères sur la voie carotide. La fia-
bilité de cet examen n’est que de 98 % entre les meilleures mains,
ce qui justifie la nécessité d’une échotomographie Doppler pour Figure 8. Encoche protosystolique de la vertébrale en V3 : hémodé-
confirmer ce diagnostic (Fig. 7). tournement potentiel.
Sténose de la carotide commune. Beaucoup plus rare, elle est
reconnue par l’existence d’une accélération localisée à son niveau.
Lorsqu’elle est serrée, les vitesses circulatoires des carotides interne Sténose de l’ASC prévertébrale. Elle modifie, selon son degré,
et externe homolatérales diminuent. la circulation vertébrale homo- et controlatérale. Comprise entre
Occlusion de l’artère carotide commune. Exceptionnelle, 40 et 60 %, elle est reconnue par l’existence d’une accéléra-
elle est facilement reconnue si l’examinateur ne la confond pas tion localisée et n’entraîne pas de modification hémodynamique
avec l’artère vertébrale dont le signal est habituellement aug- d’aval. Lorsque son degré augmente, le retentissement sur la circu-
menté. lation d’aval peut aller de l’hémodétournement potentiel, simple
Sténose de l’artère carotide externe. Elle est reconnue crochetage protosystolique sur la courbe de vitesse de la vertébrale
par l’accélération localisée à son origine et l’augmentation en V3 (Fig. 8), à l’hémodétournement permanent (Fig. 9A, B), où
d’amplitude de l’artère ophtalmique. l’artère vertébrale homolatérale a un flux inversé. Il correspond
alors à une sténose très serrée (Fig. 10, 11) ou à une occlusion
Artères vertébrales et subclavières de l’ASC prévertébrale. L’hémodétournement intermittent est un
Le territoire vertébrobasilaire est d’exploration plus difficile car stade intermédiaire où le flux est positif en systole et négatif en
les artères subclavières (ASC) et vertébrales sont plus profondes, diastole [3] (Fig. 12).
et en partie recouvertes par des structures osseuses qui absorbent Sténose ostiale de l’artère vertébrale. Elle associe, à une
le faisceau ultrasonore. La reconnaissance de l’artère vertébrale à accélération de la vitesse circulatoire en regard de l’ostium, une
l’ostium et dans son segment V3 rétromastoïdien nécessite un bon encoche protosystolique en V3. Le diagnostic différentiel avec
entraînement. une sténose de l’ASC prévertébrale est parfois difficile. L’occlusion
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Figure 9.
A. Amortissement de la subcla-
vière en aval d’une occlusion.
B. Vertébrale inversée en V3,
augmentant à la manœuvre
d’hyperhémie : hémodétourne-
ment permanent.
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Artères vertébrales
L’artère vertébrale droite est souvent visualisée à son origine
(Fig. 15, 16). Deux procédés peuvent être utilisés. On peut visuali- Figure 16. Artère vertébrale à l’origine et en V1. SC : subclavière ; V0 :
ser son origine directement à partir de l’artère subclavière, à l’aide ostium.
d’une incidence très antérieure. Lorsque cela est difficile, il faut la
rechercher dans son segment intertransversaire (vertèbres C6-C5 Les artères vertébrales peuvent être explorées dans leur trajet
ou C5-C4) puis remonter vers le segment V1 pour atteindre son cervical en coupe longitudinale. L’ostium vertébral à droite est
origine. souvent visualisé mais le gauche, plus profond, est plus difficile
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Figure 17. Visualisation en échotomographie haute résolution de Figure 19. Délimitation de l’interface sang-intima par visualisation du
l’épaisseur de la paroi artérielle de la carotide commune. Fin liseré sur sang circulant. p : intima + média.
la paroi profonde (flèche).
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Sémiologie
Les seules différences que l’on note par rapport à
Doppler et échographie
l’échotomographie standard concernent l’interprétation du transcrâniens
flux couleur pour les inversions du sens circulatoire et les phé-
nomènes d’aliasing (perturbations du codage couleur provoquées Le Doppler transcrânien est une méthode récente d’exploration
par l’élévation de la vitesse circulatoire du sang au niveau des des vaisseaux intracrâniens. Initialement appliquée à l’étude
lésions) [15] (Fig. 29). du vasospasme au cours de l’hémorragie sous-arachnoïdienne,
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Figure 32.
A. Vertébrale prétransversaire normale.
B. Vertébrale prétransversaire hypoplasique.
Figure 33. Comparaison des données de l’échographie standard à Figure 35. Visualisation des vertébrales intracrâniennes par échodop-
l’échodoppler couleur. Les contours de la sténose sont bien délimités par pler couleur.
la visualisation du sang circulant.
brale postérieure (ACP), respectivement dénommés M1, A1 et P1
cette méthode a vu son champ d’investigation s’élargir puisqu’il ainsi qu’aux artères communicantes antérieure et postérieure.
concerne actuellement les sténoses artérielles intracrâniennes, le Voie sous-occipitale
retentissement hémodynamique des sténoses et occlusions de Elle se situe entre la terminaison de l’écaille de l’os occipital
l’ACI, les malformations artérioveineuses, la surveillance continue et l’apophyse postérieure de la première vertèbre cervicale. Elle
de la circulation intracrânienne, le diagnostic des embolies céré- donne accès aux artères vertébrales intracrâniennes (V4) et au
brales, etc. L’interprétation de cet examen nécessite une bonne tronc basilaire (Fig. 36), plus inconstamment aux ACP.
maîtrise de l’exploration ultrasonographique des axes artériels
extracrâniens. Voie transorbitaire
La voie transorbitaire est transoculaire. Elle s’obtient en posant
sur la paupière fermée la sonde Doppler. Les artères enregistrables
Principe et appareillage [1] sont le siphon carotide (segment intracaverneux et supraclinoï-
Le Doppler transcrânien est un appareil comportant une dien) et l’artère ophtalmique à l’origine. Il est recommandé de
sonde de basse fréquence (2 MHz), une unité de traitement du diminuer la puissance d’émission de la sonde à 10–20 % pour
signal Doppler et un écran de visualisation des spectres de fré- cette incidence.
quence. L’émission de l’onde ultrasonore est pulsée, permettant
à l’examinateur de connaître la profondeur du vaisseau exploré. Repérage
L’unité centrale traite le signal Doppler par transformée rapide Quelle que soit la fenêtre utilisée, l’artère est repérée par sa
de Fourier dont la représentation devient tridimensionnelle : en profondeur par rapport au capteur, par la direction du fais-
abscisse, le temps, en ordonnée la vitesse instantanée du volume ceau ultrasonore et le sens circulatoire. Dans certains cas, les
sanguin échantillonné, la troisième dimension étant la brillance manœuvres de compression sont utiles pour le repérage des diffé-
des différents points composant le spectre de fréquences. Chaque rents vaisseaux intracrâniens.
point correspond à l’ensemble des hématies qui, à un instant
donné, ont la vitesse instantanée (Vi) (Fig. 34).
Interprétation
Technique [18, 19] Les paramètres utiles à l’interprétation de cet examen sont :
• la vitesse systolique ou maximale (Vs) ;
Fenêtres • la vitesse diastolique (Vd) ;
La technique d’examen comporte l’enregistrement des princi- • la vitesse moyenne (Vm).
paux vaisseaux intracrâniens par apposition de la sonde sur les Les valeurs normales sont déterminées par différents index :
zones osseuses de la boîte crânienne appelées « fenêtres ». l’index de résistance (RI), reflet global de l’état de vasodilatation
ou de vasoconstriction du réseau artériel d’aval (RI = Vs – Vd/Vs),
Voie d’abord temporale (Fig. 35) et l’index de pulsatilité (PI) (PI = Vs – Vd/Vm) d’interprétation plus
Située au-dessus de l’arcade zygomatique et en arrière du rebord complexe car sa signification hémodynamique n’est, actuelle-
orbitaire, elle donne accès aux segments proximaux des artères ment, pas clairement établie. Le rapport systolodiastolique traduit
cérébrale moyenne (ACM), cérébrale antérieure (ACA), et céré- l’état des résistances vasculaires distales.
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Reproductibilité
La reproductibilité des mesures des vitesses maximales syl-
viennes est bonne, avec une imprécision de 13 % entre deux
observateurs et de 7 % lorsque l’observateur reste le même, mais
les variations interindividuelles sont importantes. Une asymétrie
de 20 % de la Vmax de l’ACM d’un côté par rapport à l’autre est
actuellement retenue comme significative.
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le calibre n’étant plus adapté au flux qui traverse le vaisseau. Dans Indications de l’exploration
ce cas, les parois artérielles vibrent en systole, modifiant les basses ultrasonore dans les accidents
fréquences du spectre Doppler.
Les modifications quantitatives sont la diminution de la vitesse ischémiques cérébraux
maximale et de l’index de pulsatilité de l’ACM comparativement
au côté sain. Le rapport des index de pulsatilité PTI = PI/PI ref (PI L’exploration ultrasonore carotide et vertébrale fait partie du
ref étant l’index de pulsatilité correspondant d’un vaisseau nor- bilan systématique devant un AIC. Elle permet de détecter
malement perfusé), inférieur à 0,92, serait un bon indicateur de les éventuelles lésions extra- ou intracrâniennes des vaisseaux
sténose carotide serrée (> 75 %) [21] . cervicaux et cérébraux, et d’évaluer leur retentissement sur la cir-
culation cérébrale. Elle permet en outre de mesurer l’épaisseur de
Axe vertébrobasilaire la paroi artérielle de la carotide commune dont l’augmentation
Dans ce territoire, le Doppler transcrânien a fait l’objet d’un est corrélée aux facteurs de risque d’athérosclérose [8, 9, 11, 28] .
nombre d’études plus réduit. En cas d’hémodétournement
vertébro-subclavier, le Doppler transcrânien apporte de nom-
breuses informations hémodynamiques grâce à l’enregistrement Patients présentant une sténose
in vivo des vitesses circulatoires, tant au repos qu’au asymptomatique de l’artère carotide interne
cours des manœuvres d’hyperhémie du membre supérieur.
L’enregistrement des artères vertébrales et du tronc basilaire est L’exploration ultrasonore caractérise la lésion et son degré, elle
possible dans 80 à 90 % des cas. Les variations observées des évalue le retentissement hémodynamique intracrânien et ophtal-
vitesses circulatoires lors d’hémodétournements intermittents ou mique et sert de référence pour l’appréciation de son évolutivité.
permanents peuvent aller de la simple diminution à l’inversion Les modifications du flux ophtalmique et de l’ACM homolatérale
transitoire du flux dans le tronc basilaire. sont, avec la vitesse maximale de l’ACI, les meilleurs indicateurs
Toutefois, quelle que soit leur importance, ces variations sont de l’aggravation du degré de sténose. Cette exploration est utile en
exceptionnellement contemporaines de manifestations cliniques chirurgie cardiaque pour évaluer le risque de survenue d’un AIC,
dans ce territoire. Dans une étude portant sur 91 patients présen- particulièrement chez des patients porteurs de lésions hémodyna-
tant un hémodétournement vertébro-subclavier, les auteurs [22] miques multiples.
ont montré qu’il n’existait pas de modifications significatives des
vitesses circulatoires du tronc basilaire tant que les lésions subcla-
vières n’étaient pas bilatérales ou associées à de sévères atteintes
Patient symptomatique présentant
carotides. un accident ischémique transitoire carotide
L’exploration ultrasonore cervicale et cérébrale est urgente et
Doppler transcrânien peut montrer :
C’est la seule méthode non sanglante permettant la surveillance • une occlusion de l’ACI dont le diagnostic est important
continue ou monitoring de la circulation intracrânienne. puisqu’il permet d’éviter le risque angiographique chez un
Au cours de l’endartériectomie carotide, il est ainsi possible patient dont le traitement est exclusivement médical ;
d’évaluer la tolérance du clampage carotide et de décider de la pose • une sténose supérieure à 70 % sans atteinte intracrânienne asso-
éventuelle d’un shunt lorsque le polygone de Willis ne permet ciée qui conduit le plus souvent à l’angiographie en vue d’une
pas une bonne conservation de la perfusion du territoire sylvien endartériectomie ;
homolatéral [23] . • une dissection carotide guidant l’étude angiographique et l’IRM
La surveillance du flux sylvien est un paramètre précieux au qui précèdent le plus souvent la mise au traitement par anti-
cours de l’intervention pour le réanimateur. Un flux résiduel de coagulant. Dans ce cas, l’échotomographie Doppler couleur est
30 cm/s serait suffisant pour éviter la survenue d’une ischémie l’examen le plus contributif au diagnostic, un examen normal
cérébrale par baisse de débit [22, 24] . Les modifications de la perfu- ou des lésions athéromateuses discrètes devant faire rechercher
sion cérébrale dues aux variations tensionnelles ou à des embolies une cause non athéromateuse à cet accident ischémique tran-
« silencieuses » peuvent être ainsi détectées. sitoire (AIT).
L’embolie véhiculée par le flux sylvien se manifeste par un bruit L’évaluation par Doppler transcrânien de l’hémodynamique
bref et aigu caractéristique s’inscrivant sur le spectre de fréquences intracrânienne est parfois utile à la compréhension du mécanisme
sous la forme d’une zone bien limitée, de haute brillance et située de l’AIT ; elle est indispensable au chirurgien vasculaire lorsqu’une
à l’intérieur de ce spectre (Fig. 38). Sa nature (microbulles, agrégats intervention est envisagée. Il procure, par l’enregistrement de
plaquettaires, microthrombus ou cholestérol) ne peut cependant l’artère sylvienne et du tronc de l’artère ophtalmique, des ren-
être affirmée [25] . seignements précieux sur le retentissement hémodynamique en
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aval de l’obstacle hémodynamique et sur les voies de suppléance tionnelle, bien que précieuse, ne permet pas de surveiller de façon
mises en jeu : communicante antérieure et/ou communicante continue la réponse « vasculaire » au traitement thrombolytique,
postérieure. contrairement au Doppler transcrânien. Cette technique permet
de surveiller au lit du patient, et en temps réel, la recanalisation
Territoire vertébrobasilaire de l’artère occluse. De plus, plusieurs travaux expérimentaux ont
démontré un effet thrombolytique des ultrasons. Cet effet peut
Une douleur cervicale ou une céphalée d’installation progres- être direct ou potentialiser celui du t-PA.
sive et durable doivent, si elles sont associées à un signe de Claude
Grade « thrombolysis in brain infarction »
Bernard-Horner ou à un acouphène pulsatile, faire rechercher une
dissection carotide ou vertébrale. La comparaison des résultats obtenus en Doppler transcrânien
Des manifestations ischémiques vertébrobasilaires doivent faire après une thrombolyse intraveineuse avec ceux d’une angiogra-
rechercher une pathologie des ostiums vertébraux ou un hémo- phie réalisée dans les suites immédiates a permis de définir les
détournement permanent, tout en sachant la difficulté qu’il peut paramètres de recanalisation de l’ACM [33] .
y avoir à lier les symptômes à la pathologie présentée. Par analogie avec les grades thrombolysis in myocardial infarc-
tion (TIMI) développés dans la pathologie coronaire, les auteurs
ont développé trois stades de recanalisation artérielle en Dop-
Suivi des dissections carotides et vertébrales pler transcrânien thrombolysis in brain infarction (TIBI) : occlusion,
La levée de l’obstacle hémodynamique que provoquent les dis- recanalisation partielle et recanalisation, comparés aux grades
sections nécessite quelques semaines à plusieurs mois de suivi. angiographiques correspondants.
Leur surveillance bimensuelle permet de suivre le processus de Intérêt pronostique
guérison et de définir ainsi le moment idéal du contrôle du retour
L’utilisation d’un casque spécifique a permis de surveiller en
à la normale par IRM ou par angiographie, qui précède l’arrêt du
continu la recanalisation de l’artère au cours d’une thrombolyse.
traitement anticoagulant. Les paramètres de surveillance sont :
En cas d’occlusion démontrée de l’ACM, une recanalisation par-
• le calibre artériel, qui revient progressivement à la normale ;
tielle ou complète a été observée dans 70 % des cas [34, 35] . Cette
• la vitesse circulatoire au niveau de la dissection, qui diminue
recanalisation survient dans 75 % des cas durant la première heure
progressivement ;
suivant le début de l’administration du traitement par t-PA [36] .
• la vitesse diastolique en amont, constatée lors de l’enregis-
Le mode de recanalisation a aussi son importance. Ainsi, en cas
trement de l’artère sylvienne ou de la vertébrale en V4 selon
de recanalisation précoce et rapide, 80 % des patients ne présen-
le type de dissection. Ce signe est le plus précoce.
taient plus qu’un déficit neurologique mineur contre 13 % en cas
de recanalisation plus lente (> 30 min) [37] .
Phase aiguë de l’infarctus cérébral Toutefois le suivi par Doppler transcrânien a révélé dans un tiers
des cas la possibilité d’une nouvelle occlusion précoce survenant
L’exploration ultrasonore fournit les mêmes informations
dans les deux heures [35] . Cette nouvelle occlusion s’accompagne
essentielles pour le diagnostic étiologique et l’attitude théra-
d’une aggravation du déficit neurologique dans 50 % des cas.
peutique, recherchant principalement une sténose serrée, une
Le traitement de cette nouvelle occlusion est probablement une
occlusion carotide ou vertébrale, une dissection carotide ou ver-
des cibles majeures pour les prochains essais thérapeutiques à
tébrale, ou encore une occlusion artérielle intracrânienne. Le
venir tendant à améliorer le bénéfice de la thrombolyse. En
Doppler transcrânien fait maintenant partie des examens systé-
conclusion, le Doppler transcrânien permet de surveiller la reca-
matiques à la phase aiguë de l’AIC. L’avènement du traitement
nalisation de l’artère et de décider de l’indication de traitements
thrombolytique de l’infarctus cérébral a ouvert de nouvelles
complémentaires.
perspectives diagnostiques et thérapeutiques pour le Doppler
transcrânien. Intérêt thérapeutique
Plusieurs travaux ont démontré que les ultrasons utilisés pour le
Doppler transcrânien et thrombolyse diagnostic accéléraient la thrombolyse induite par les activateurs
Thrombolyse du plasminogène comme le t-PA [38, 39] . En 2004, l’essai rando-
Depuis 1995, la thrombolyse intraveineuse par l’activateur tis- misé combined lysis of thrombus in brain ischemia using transcranial
sulaire du plasminogène (t-PA) proposée dans les trois heures ultrasound and systemic t-PA (CLOTBUST) a évalué l’effet d’une
suivant l’installation des symptômes est devenue le traitement exposition continue aux ultrasons par DTC à la fréquence de
de référence de l’infarctus cérébral [16] . L’efficacité du traitement 2 MHz sur l’efficacité et la tolérance du traitement thromboly-
repose sur une recanalisation précoce et définitive de l’artère res- tique par rt-PA d’un infarctus cérébral compliquant l’occlusion
ponsable [29] . Cette recanalisation est obtenue dans 40 % des cas de l’ACM. Cet essai a démontré qu’une exposition continue aux
sur des séries angiographiques [29] . Contrairement au bénéfice ultrasons pendant la durée du traitement thrombolytique amélio-
observé dans l’infarctus du myocarde avec une normalisation de rait significativement le taux de recanalisation complète de l’ACM
l’électrocardiogramme (ECG) et une disparition des douleurs, le et la récupération clinique, sans augmentation significative du
bénéfice du traitement thrombolytique intraveineuse n’a pu être risque hémorragique [40] . D’autres travaux suggèrent une poten-
démontré qu’à trois mois et non à 24 heures. Dans ces conditions, tialisation de cet effet par l’injection conjointe de microbulles
l’échec du traitement thrombolytique peut être lié à différents stabilisées [41] . Un essai randomisé va tenter de confirmer cet effet.
phénomènes :
• absence de recanalisation de l’artère responsable ;
• nouvelle occlusion précoce ; Conclusion
• absence de reperfusion du territoire ischémié (no reflow) ;
• absence de pénombre ischémique ; Les méthodes ultrasonores permettent actuellement de por-
• transformation hémorragique. ter de façon rapide et non traumatique le diagnostic de sténose,
Dans les deux premiers cas, des traitements complémentaires d’occlusion ou de dissection des artères à destinée cérébrale. Leur
bien que non validés sont parfois proposés en urgence pour tenter utilisation est, de ce fait, devenue systématique dans la stratégie
de pallier l’inefficacité du traitement thrombolytique [30] . Inverse- diagnostique des AIC dont elles constituent le premier maillon.
ment, le bénéfice du traitement thrombolytique doit être pondéré Le couplage de l’information hémodynamique à l’information
par le risque de transformation hémorragique symptomatique morphologique procure une synergie diagnostique essentielle
(environ 6 %) chez un patient déficitaire dont l’artère responsable (Fig. 35). Elles permettent une approche non seulement diagnos-
s’est déjà recanalisée. Ainsi, la perméabilité de l’artère responsable tique mais aussi épidémiologique et prospective, voire peut-être
est un des paramètres majeurs dans la surveillance du patient bientôt thérapeutique. En effet, la mesure de l’épaisseur de la
thrombolysé [31, 32] . paroi artérielle est un marqueur du risque vasculaire probablement
L’information fournie au clinicien par l’angiographie par aussi sensible que les classiques facteurs de risque d’athérosclérose.
résonance magnétique nucléaire ou par l’angiographie conven- L’amélioration de la quantification et de la reproductibilité des
EMC - Neurologie 15
17-031-G-15 Exploration ultrasonore en neurologie vasculaire
méthodes utilisées doit être une préoccupation majeure dans le [18] Hennerici M, Rautenberg W, Sitzer G, Schwartz A. Transcranial
but de diminuer la subjectivité de l’interprétation des données et Doppler ultrasound for the assessment of intracranial arterial flow
de mieux utiliser ces explorations qui possèdent une résolution velocity–Part 1. Examination technique and normal values. Surg Neu-
spatiale et temporelle actuellement inégalée pour l’évaluation de rol 1987;27:439–48.
la pathologie carotide et vertébrale. L’épaisseur intima-média est [19] Sloan MA, Alexandrov AV, Tegeler CH, Spencer MP, Caplan LR,
une mesure qui devrait être systématique lors de l’examen des Feldmann E, et al. Assessment: transcranial Doppler ultrasonography:
troncs supra-aortiques car elle permet non seulement d’évaluer report of the Therapeutics and Technology Assessment Subcommittee
le risque cardiovasculaire individuel mais aussi l’impact des fac- of the American Academy of Neurology. Neurology 2004;62:1468–81.
teurs de risque chez un sujet asymptomatique. Ces méthodes font [20] Schneider PA, Rossman ME, Bernstein EF, Torem S, Ringelstein EB,
progresser l’évaluation des traitements agissant sur la paroi et la Otis SM. Effect of internal carotid artery occlusion on intracranial
plaque artérielle, en particulier les hypolipémiants et les antihy- hemodynamics. Transcranial Doppler evaluation and clinical correla-
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Touboul PJ, Marino JP. Exploration ultrasonore en neurologie vasculaire. EMC - Neurologie 2017;14(4):1-
17 [Article 17-031-G-15].
EMC - Neurologie 17