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UNE FORME DE LITTÉRATURE POPULAIRE MAROCAINE

Les éphémérides

Abdelaziz Boulifa, Jean-Pierre Poitou, Khalil Reggoug

S.A.C. | « Revue d'anthropologie des connaissances »

2017/4 Vol. 11, N°4 | pages 591 à 619


DOI 10.3917/rac.037.0591
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Varia

Une forme de littérature


populaire marocaine

Les éphémérides

Abdelaziz BOULIFA
Jean-Pierre POITOU
Khalil REGGOUG

RÉSUMÉ
Les éphémérides en vente au Maroc auprès d’un public assidu,
comportent trois calendriers : à côté du calendrier lunaire
musulman, deux calendriers solaires, le calendrier grégorien
officiel et le calendrier julien. Ce dernier est présenté avec ses
subdivisions en 28 mansions (manâzil), tel qu’il est attesté dans
le monde arabo-musulman, du Yémen jusqu’au Maghreb, comme
calendrier agricole. Chaque feuillet quotidien est porteur d’un
bref texte d’almanach. Le contenu des textes de deux éditions
successives, pour les années 2001 et 2002, a été analysé. Il ressort
de cette analyse que les deux principaux thèmes de cette littérature
sont la religion et les soins de santé. Ils constituent à eux deux
environ 25 % du contenu total. L’analyse du second thème permet
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de dégager certains traits d’une pharmacopée populaire relative © S.A.C. | Téléchargé le 16/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.251.199.112)
à une cinquantaine de substances, principalement des plantes
médicinales. C’est le seul aspect du contenu de ces éphémérides
qui renvoie au monde rural et aux savoirs agricoles, qui constituent
l’objet de la présente étude. On tire en effet de cette analyse
quelques conclusions assez pessimistes sur l’évolution actuelle du
système marocain de connaissances rurales.

Mots clés : agriculture marocaine traditionnelle, almanach,


anthropologie des connaissances, calendrier, éphéméride,
littérature populaire, manâzel, pharmacopée, savoirs agricoles,
connaissances tradtionnelles.

Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  591


592  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

INTRODUCTION
Du point de vue de l’anthropologie des connaissances techniques, l’organisation
de son travail impose au paysan une maîtrise cognitive élevée, pour laquelle
le temps 1 constitue une variable centrale, d’une haute complexité. Les cycles
astronomiques, les cycles météorologiques et les cycles biologiques constituent
des temps imbriqués, ou plutôt engrenés, mais néanmoins distincts, à quoi le
paysan doit attacher ses actes techniques et lier ses décisions.
Dans une vaste partie du monde musulman, deux calendriers sont
en usage chez les ruraux : le calendrier lunaire 2 et un calendrier solaire, le
calendrier julien. En outre, au Maroc, comme dans le reste du Maghreb, le
calendrier solaire grégorien 3 rythme le temps politique et administratif, ainsi
que les échanges internationaux. En effet, depuis le début du 20e siècle, avec
l’instauration des tutelles française et espagnole sur l’administration marocaine,
le calendrier solaire grégorien s’est imposé comme norme administrative dans
la vie pratique quotidienne, tandis que le calendrier musulman demeure la
référence dans les actes politiques solennels, outre les actes religieux. Enfin, le

1 Une version préliminaire de l’article avait été publiée dans la revue de  Faculté des Lettres
de Tétouan /Maroc, n° 16, 2011, pp. 25-57. Nous sommes reconnaissants à Jacques Vignet-Zunz
de nous avoir indiqué, voici une dizaine d’années, l’intérêt du calendrier agricole marocain, pour
l’étude des connaissances techniques des paysans du Maghreb, et des Provinces du Nord du Maroc
en particulier. Nous lui sommes aussi redevables de précieuses indications bibliographiques. Notre
gratitude va également à nos collègues, M. Bouchelkha et M. Ben Abdeljallil, pour leurs précieuses
communications personnelles.
2 Purement lunaire, le calendrier musulman contient 12 mois qui ont alternativement 30 et
29 jours, sauf le dernier mois, qui peut comporter 29 ou 30 jours. L’année peut donc contenir
354 ou 355 jours : 33 années grégoriennes correspondent à 34 années musulmanes, puisque
l’année contient 12 lunaisons plus 10 875 jours. Ces années varient dans un cycle de 30 ans
musulmans qui comporte 10 631 jours : 19 années de 354 jours (années communes) et 11 années
de 355 jours (années abondantes), soit une durée moyenne de l’année de 354 jours 8 h 48 min. La
durée moyenne du mois est de 29 jours 12 h 44 min. Les années sont comptées depuis le 16 juillet
622 (1er Mouharram), jour de l’hégire, ou « émigration » de Mahomet de La Mecque pour Médine
(Encyclopædia Universalis). Ce calendrier musulman qui a un caractère mobile par rapport aux
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cycles saisonniers est malcommode pour l’agriculture (Joly, 1905, p. 103).
3 Jusqu’en 1582, on utilisait, dans le monde chrétien, le calendrier julien, institué par Jules César,
qui suppose que la durée de l’année tropique (laps de temps qui sépare deux passages du Soleil
au point vernal) est exactement de 365,25 jours. Mais sa durée réelle est de 365,24219 jours, si
bien que les événements récurrents que sont les équinoxes et les solstices avançaient d’un jour
tous les 128 ans : vers 1500, l’équinoxe de printemps tombait ainsi dix jours plus tôt que dans
l’Antiquité, le 11 mars au lieu du 21 mars. De plus, le calcul de la date de Pâques, qui fait intervenir
la Lune, était devenu complètement faux. Le concile de Trente chargea donc le pape Grégoire XIII
de rétablir la situation. Aidé notamment par les savants Christopher Clavius et Aloisius Lilius, il
supprime dix jours dans un premier temps, si bien que le lendemain du jeudi 4 octobre 1582 sera
le vendredi 15 octobre. Puis il décide de supprimer trois années bissextiles en quatre siècles :
seules les années séculaires dont le millésime est divisible par 400 resteront bissextiles ; ainsi, 1700,
1800 et 1900 ne furent pas bissextiles, tandis que 2000 le fut. Cette solution est satisfaisante, et le
calendrier grégorien, qui ne sera pas immédiatement adopté par tous les pays, est aujourd’hui utilisé
universellement, bien que certaines religions conservent un calendrier propre pour des raisons
rituelles (Encyclopædia Universalis).
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travail du paysan est organisé et rythmé par un calendrier solaire particulier, à


quoi nous intéressons ici.
En effet, pour d’évidentes raisons biologiques, un calendrier solaire est mieux
adapté à l’agriculture qu’un calendrier lunaire. Toutefois, il n’y a pas, dans la
culture du paysan marocain, de séparation absolue entre les activités techniques
et les préoccupations et pratiques religieuses. L’efficace de la décision et du
geste technique dépend étroitement et doit-on dire, même fondamentalement,
de dispositions et d’actes religieux. Ainsi, sur une aire géographique très vaste,
du Yémen (Gast, 1987) au Maghreb (Bouchelkha, 1988) s’est perpétué l’usage
d’un calendrier agricole solaire, fondé sur le calendrier julien, utilisé à des fins
techniques conjointement avec le calendrier musulman lunaire. Ce calendrier
a pour caractéristique, outre le décalage qu’il entretient avec le calendrier
grégorien 4, de manifester son origine latine par les noms des douze mois de
l’année, comme on le constatera en comparant les première et troisième
colonnes de l’annexe 2.
Ce qui le spécifie comme calendrier agricole est d’associer aux mois de l’année
vingt-huit mansions (manâzil, singulier : manzila), à raison de sept par saisons,
de 13 jours chacune, sauf pour la mansion : Al Jabha, qui compte 14 jours, du
18 à la fin de juillet. L’axe de la détermination de cette périodisation de l’année
est constitué par les mouvements de la constellation des Pléiades (Gast, 1987).
On trouvera le détail de ce découpage de l’année dans l’annexe 2 5.
Les éphémérides, toujours vendues au Maroc, attestent cette multiple
détermination des saisons et des jours, qu’elles présentent en synchronie
quotidienne. Chaque année, l’édition de l’éphéméride publiée par l’Imprimerie
moderne Hassan Tber à Casablanca, est épuisée en quelques semaines 6.
Au sujet de la popularité de cette forme de littérature, on peut poser les
questions suivantes :
-- Que révèle l’analyse du contenu des textes qui sont offerts à la
lecture pour chaque jour de l’année quant au public utilisateur de
ces almanachs ?
-- En particulier la présence du calendrier agricole atteste-t-elle
l’existence d’un lectorat rural et une utilisation technique agricole
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de ce décompte du temps ?
-- Que peut-on tirer de cette analyse quant à l’évolution de la culture
rurale marocaine ?

4 La différence entre le mois du calendrier grégorien (dit aussi calendrier Ajami : des peuples non
arabes ou tout simplement calendrier de Nçara : les chrétiens) et le mois du calendrier julien (dit
Felahi : agricole) est de 13 jours.
5 Voir aussi chez Bouchelkha (1988 et 2003), Bourilly (1932), Gast (1987) et Joly (1905).
6 Plusieurs éphémérides de ce type et de même format existaient au Maroc ; à titre d’exemple on
citera : l’éphéméride des Astres, l’éphéméride de la Victoire, l’éphéméride Arabe, l’éphéméride de
l’Atlas, l’éphéméride Marocain, l’éphéméride Hassanien, l’éphéméride des Modernes, l’éphéméride
de l’Aube.
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Pour éclairer ces questions, nous avons procédé à une analyse de contenu 7 de
deux livraisons successives, celle de l’année 2001 et celle de 2002, du calendrier
Hassan Tber, à l’aide du logiciel d’analyse linguistique NOMINO développé par
Pierre Plante (1995 ; Plante & Dumas, 1995) au Centre ATO (Analyse de Textes
par Ordinateur) de l’Université du Québec à Montréal, au Canada. À cette fin,
les libellés des feuilles des éphémérides ont été traduits en français 8. En effet, on
ne dispose pas d’une version de NOMINO pour la langue arabe. Puis nous avons
examiné les fréquences d’occurrences des syntagmes nominaux. Bien entendu,
il s’agit des noms français et de leur fréquence dans notre traduction. Toutefois,
cette fréquence constitue une indication suffisamment valide de l’importance
des divers thèmes pris en considération par les rédacteurs de l’almanach et
reflète les préoccupations de leurs lecteurs, ou du moins la représentation
que les rédacteurs se font des sujets qui intéressent leurs lecteurs. On pourra
comparer cette thématique avec celles d’autres almanachs plus anciens publiés
en français, notamment par Joly voici un siècle (Joly, 1905) pour un almanach
marocain, et plus récemment par Gast (1987) pour un almanach yéménite.

LE DÉCOMPTE DU TEMPS
On trouve chez Gast (1987) une recension étendue des principaux écrits
anciens et contemporains sur le décompte du temps dans le monde musulman
proche-oriental et méditerranéen.
Dans les pratiques rurales, on trouve des techniques de mesure où l’espace et
le temps servent mutuellement de mesure ou d’index l’un à l’autre. Ainsi, d’une
part, le temps peut être employé comme support de la mesure de l’espace :
la surface d’un champ est appréciée par le temps de travail avec, pour unité, la
journée, déterminant des surfaces variables selon la difficulté du labour ; tandis
que, d’autre part, l’espace est employé comme index de la mesure du temps :
on détermine l’heure par la longueur de l’ombre (Boughali, 1974). Le calendrier
publié par Joly en 1905 donne pour chacun des douze mois, les longueurs d’un
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« style » comptées en pieds (il s’agit non pas d’une mesure abstraite mais de la
longueur du pied de chaque mesureur) pour la prière du dohr (mi-journée) et
celle d’al’asr (fin d’après-midi) (Joly, 1905).
Pour le temps long et cyclique, on recourt à des méthodes moins empiriques
et plus rigoureuses. Dans les mosquées des grandes villes, voire dans chaque
mosquée, il y a un mouwakit, spécialiste du calcul du temps, versé dans la théologie
qui collabore avec le Habous 9, pour calculer et indiquer de manière rigoureuse
l’horaire de la prière, jour et nuit, en fonction des mouvements du soleil et de

7 L’essentiel de cette exploitation informatique a été accompli par Khalil Reggoug.


8 La traduction a été assurée par Khalil Reggoug et revue par Abdelaziz Boulifa.
9 Administration qui gère les affaires islamiques dont les biens concédés à des fondations
religieuses.
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la lune. Il s’agit de déterminer les heures de levers de la lune et du soleil, les


mois, les saisons et leurs subdivisions (manâzil). Pour respecter l’impératif de la
prière à l’heure juste, ont été développés des calculs à base de trigonométrie
à l’aide de l’astrolabe, pour définir l’heure du lever (al-chourouk), du coucher
(el-r’oroub) et du crépuscule (chafak ou rassak). La signalisation se faisait par
drapeaux blancs ou l’émission de fumée blanche de paille brûlée (Ben Abdeljalil,
1999). À l’heure actuelle, une feuille officielle du calendrier hebdomadaire est
distribuée spécialement dans les mosquées par les délégations (nidarat) du
ministère des Habous et des Affaires islamiques. Dans les villages, le calcul est
décentralisé à partir du principal centre urbain le plus proche.
Plus couramment, aux 19e et 20e siècles, selon Lévi-Provençal, le lettré du
village, fqih 10 ou taleb, utilisait une éphéméride, imprimée à Fès, appelée le hissah
(Lévi-Provençal, 1918 ; Bourrilly, 1932) 11. En outre, selon Joly, on employait
aussi un calendrier er- Ra’adiyah, les pronostics du tonnerre (Joly, 1905).
Ces éphémérides, dont nous n’avons pas encore pu examiner d’exemple,
présentaient aussi le calendrier julien pour les travaux agricoles.

CALENDRIER LUNAIRE ET CALENDRIER


SOLAIRE
L’emploi d’un calendrier solaire aux fins de l’agriculture est signalé de longue
date. Les avis des auteurs sont très partagés à la fois sur l’origine de ces
mansions et sur leur système de référence. Pour Motylinski (1899), elles sont
solaires à l’origine ; pour Rodinson (1962), elles seraient lunaires, puis auraient
été adaptées au système solaire. Elles pourraient bien n’être ni « lunaires » ni
« solaires » puisque ce système se suffit à lui-même. Car, chez les Yéménites,
l’observation est essentiellement basée sur la position des Pléiades et leurs
rapports avec les autres étoiles. Ceci n’a rien à voir avec un quelconque culte
de la Lune, cette dernière n’entrant pas du tout en compte dans ce système.
L’almanach de Yahya al’Ansi en est une bonne démonstration. Cependant, celui-
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ci utilise bien l’expression manâzil as-samsya (les mansions solaires) qui définit © S.A.C. | Téléchargé le 16/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.251.199.112)
bien l’option qu’il a prise (Gast, 1987).
L’utilisation des éphémérides et la connaissance complète des mansions
étaient, semble-t-il, réservées au lettré du village. Coon (1931) dit :
« n’avoir pu trouver personne qui connaisse assez bien les noms
des manâzel pour qu’il puisse les transcrire, et en outre qui veuille
bien les divulguer. [Cette connaissance] est réservée au fqih et à ses
étudiants. »

10 Fqih (pluriel fokaha), dans ce contexte classiquement lettré religieux, parfois appelé aussi taleb.
11 Hissah (ou tout simplement hissa), littéralement : portion, part. Le mot est utilisé comme
synonyme de l’éphéméride.
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Toutefois, comme les tâches dictées par le fqih sont récurrentes, Coon
suppose que les paysans finissent par savoir le calendrier agricole. C’est aussi
l’opinion de Bouchelkha (1988) :
« Les connaissances et les savoirs des paysans viennent enrichir le savoir
“classique” et écrit transmis par le fqih et ce par le moyen de dictons
et de proverbes appropriés à chaque mansion, et par les enseignements
pratiques résultats d’une longue expérience et des observations répétées
qui ont fait leur preuve. »

Comme le remarque M. Benabdeljellil (1999), les savoirs pratiques du


paysan lui fournissent de nombreux éléments empiriques pour la détermination
du moment. Outre des connaissances astronomiques (rappelons l’importance
signalée par Gast (1987) des mouvements des Pléiades dans la détermination
des mansions), connaissances sans doute tombées aujourd’hui en désuétude,
les observations météorologiques, zoologiques et botaniques servaient de
base à une détermination efficace du temps. Toutefois, comme le confirme
Bouchelkha (1988) :
« le fqih... est souvent la seule personne à laquelle se réfèrent les paysans
pour se renseigner sur l’entrée exacte de telle ou telle mansion. Il est
d’ailleurs la seule personne qui connaît toutes les mansions de l’année
agricole... à travers certains documents à caractère religieux. Il avait
également le devoir d’informer la communauté villageoise des débuts de
ces périodes » (1988).

Ce que confirme également M. Benabdeljellil (1999) : le fqih au sermon du


vendredi révèle les tâches agricoles de la semaine.
Il faut en outre considérer l’importance de la connaissance d’une littérature
orale paysanne qui venait compléter le savoir écrit détenu par les lettrés de
village.

LES DICTONS ASSOCIÉS


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AUX MANÂZEL : UN « SYSTÈME
À BASE DE CONNAISSANCES »
L’expression « système à base de connaissances » provient des techniques
informatiques et désigne une classe d’applications de l’Intelligence Artificielle
(IA), telles que les systèmes experts (Hatchuel & Weil 1992 ; Fouet 1997).
On peut la transposer en anthropologie des connaissances pour décrire la
manière dont les savoirs sont organisés et articulés au sein d’une civilisation, en
l’occurrence la culture rurale marocaine.
Un système expert est une machine informatique destinée à répondre à
des questions sur la conduite à tenir, aux actions à entreprendre dans des
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circonstances complexes faisant appel à des savoirs techniques. Un tel système


se compose de trois éléments principaux : une base de connaissances ; une
base de faits ; et un moteur d’inférence.
Le premier élément contient, comme son nom l’indique, des énoncés relatifs
à la technique, à l’ensemble de ce que les praticiens savent du domaine considéré.
Dans le cas qui nous intéresse, il s’agirait d’astronomie, de météorologie, de
zoologie, de botanique et d’agronomie.
Le deuxième contient les données factuelles disponibles sur un problème
particulier que l’on se propose de traiter. Il doit contenir les conditions de mise
en œuvre des opérations techniques, telles que les conditions temporelles, ou
météorologiques, ainsi que les moyens et outillages disponibles.
Enfin, le troisième est un élément dynamique, comme l’indique son nom de
« moteur ». À partir des conditions actuelles, il sélectionne la ou les règles qu’il
convient d’appliquer et indique l’action ou les actions qu’on doit entreprendre
en conséquence.

UNE LITTÉRATURE ORALE TECHNIQUE


Westermarck (1930) souligne, dans son introduction, le caractère de « genre
littéraire » des proverbes : tropes, figures, etc. Dans la section II de cette
introduction, il précise les procédés proprement oraux de cette littérature :
répétition antithèse, homophonies, rimes, assonances, allitération, rythme.
Il souligne que cette littérature n’est pas la pure « voix du peuple » : « Les
proverbes peuvent comporter des expressions qui ne se trouvent pas dans
le parler indigène... ou, comme souvent dans les proverbes arabes qui ont été
empruntés à la langue littéraire qui, à de nombreux égards, diffère des vernaculaires
modernes. ». Ces échanges entre langue écrite et dictons montrent bien que
l’on a affaire dans l’un et l’autre cas à des activités littéraires, chacune exploitant
en fonction de ses contraintes propres les procédés stylistiques propres à les
satisfaire. Plus récemment, El Attar (1999) recense et analyse les procédés
stylistiques des proverbes marocains : répétition, assonance, rime, allitération.
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On a raison de considérer ces tours stylistiques comme des moyens © S.A.C. | Téléchargé le 16/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.251.199.112)
mnémotechniques 12. Mais, comme l’a parfaitement montré Rubin (1995),
ces procédés ne sont pas seulement un moyen de conserver un énoncé en
mémoire, en l’absence de support matériel ; ils sont aussi un moyen de produire
de nouveaux énoncés construits selon un même paradigme, ou des paradigmes
analogues. D’où les variantes qui ne sont pas des altérations d’un même texte,
comparables aux diverses leçons d’un même manuscrit, mais des créations

12 Le proverbe se distingue aussi bien par son contenu que par sa forme, qui facilitent sa
mémorisation ; en plus de sa fonction esthétique et littéraire agrémentée par les procédés
stylistiques de manière brève et concise, il a une fonction de rappel des rites, des coutumes, des
devoirs religieux et même des interdits. Parfois, ce sont des versets coraniques ou des dires du
prophète qui sont cités (Iraqui Sinaceur Zakia, 1993).
598  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

différentes autour d’un même thème. Elles relèvent donc de la variation, en


tant que genre littéraire, et attestent non d’une tradition figée mais d’une
production continue à travers une reproduction variée. On se reportera par
exemple aux proverbes 941 à 951 et 952 à 956, cités par El Attar, pages 189 et
190 (El Attar, 1999).
Ce qui nous intéresse particulièrement ici, c’est que cette forme littéraire
sert de dépôt à des connaissances techniques qui définissent des conditions
relatives à la production agricole et les actions correspondantes à entreprendre.
Pour caractériser la répartition des fonctions parmi les acteurs de la
production et de la reproduction des savoirs ruraux, on peut dire que la littérature
orale (proverbes, dictons, adages) ainsi que les connaissances pratiques des
paysans constituent le patrimoine de connaissances des paysans, tandis que le
fqih est simplement l’ordonnateur de la mise en œuvre de ces savoirs. Grâce
à sa connaissance livresque du calendrier, il assure la détermination non de
l’action à entreprendre mais du moment d’agir.
Les almanachs, tels que celui décrit par Gast, donnaient pour leur part
un aperçu écrit des connaissances paysannes : « Ces almanachs sont souvent
accompagnés de dictons, excellents moyens pédagogiques pour fixer ce
savoir populaire » (Gast, 1987). Il serait du plus haut intérêt de retrouver des
exemplaires des almanachs anciens, tels que le Hissah imprimé à Fès (Lévi-
Provençal, 1918 ; Bourrilly, 1932), ou er- Ra’adiyah, les pronostics du tonnerre
(Joly, 1905). On pourrait aussi comparer les recommandations techniques
fournies par les almanachs avec les traités agronomiques pour étudier les
échanges entre deux séries de textes technologiques.
Nous n’entrerons pas dans le détail d’une telle étude. Toutefois, voici
quelques exemples, empruntés à Westermarck, afin de caractériser les dictons
relatifs au calendrier agricole du point de vue de leurs fonctions cognitive et
technologique.
Considérons les trois dictons qu’il rapporte sous les numéros 1949, 1950
et 1951 (Westermarck, 1930). Ils exemplifient les trois principales fonctions du
dicton, du point de vue technologique :
-- l’énoncé d’un savoir : le dernier des trois dictons (1951) établit
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simplement une relation entre deux faits : « Le vent d’Est durant
chaoula 13 fait naître des vers dans le haricot » ;
-- le deuxième (1950) donne une valeur prédictive à une relation
causale : « Si la pluie tombe durant chaoula, ne te soucie pas des
provisions » ;
-- le n°1949 transforme cette relation causale en prescription de
conduite : « Qui aime faire provisions de haricots doit les semer
durant chaoula ».
On peut considérer un recueil de dictons de ce genre, de même que le
patrimoine proverbial d’un individu ou d’une collectivité, comme un système

13 Chaoula manzila (mansion) du 13 au 25 novembre du calendrier agricole (voir annexe 2).


Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  599

à base de connaissances au sens où l’entendent les spécialistes de l’Intelligence


Artificielle : « Les bases de connaissances se composent en général d’énoncés
du type “si A alors B” ou “tous les A sont des B” ; elles peuvent aussi contenir
la description d’objets caractérisés par des attributs ou par des relations avec
d’autres objets » (Hatchuel & Weil, 1992).
À travers les dictons, notamment ceux consacrés à l’agriculture tels que
Westermarck (1930, pp. 305-322) et El Attar (1999) les recensent, on saisit les
énoncés formalisés par lesquels les connaissances techniques sont enregistrées
et reproduites. En fait, il y aurait lieu d’étudier ces recueils de dictons agricoles,
non comme une simple collection d’aphorismes techniques mais comme
les énoncés élémentaires d’un texte dont on s’efforcerait de reconstituer
l’ordonnance et la concaténation afin de retrouver le discours technologique
qui les sous-tend.
À travers les rituels, tels que Westermarck (1926) les restitue, on peut
reconstituer l’ordonnancement des opérations et leurs conditions d’efficacité,
particulièrement en reliant une à une les diverses actions propitiatoires
destinées à assurer la Baraka (l’abondance du Dieu, bénédiction, grâce divine)
dans chaque opération et sa circulation dans l’ensemble de la chaîne opératoire,
où elle constitue un lien assurant et vérifiant l’efficace des pratiques techniques.
En associant enfin la base de connaissances inscrite dans la littérature
proverbiale et l’ordonnancement des opérations concaténées par la circulation
de la Baraka, on restituerait le discours technique, autrement dit la technologie
agricole des ruraux marocains.
Pour l’heure présente, le contenu de l’éphéméride publiée à Casablanca,
par l’imprimerie moderne Hassan Tber 14, diffusée largement dans le Maroc,
comporte toujours pour chaque jour la date du jour dans le calendrier julien,
avec la mention des manâzel, à côté des dates dans les calendriers musulmans
lunaire et solaire, grégorien. Est-ce à l’intention d’un public rural, de paysans
actifs qu’est édité ce calendrier agricole ? Chaque feuillet quotidien comporte
un court texte. L’étude du contenu de cet almanach nous dira s’il est encore
support de connaissances agronomiques et instrument de l’organisation du
travail paysan. En fait, comme on le verra, il n’en est plus rien, ce qui indique
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que le lectorat visé n’est plus rural.

14 Cette éphéméride a été imaginée et créée à Fès, dans les années 1920-1930, par Driss Bouayad,
un imprimeur passionné par la culture et les sciences. Hassan Tber a repris l’imprimerie : « J’ai
apprécié, depuis mon jeune âge, le caractère particulier de ce calendrier. C’est pour cela que je me
suis lancé dans ce projet en croyant, dur comme fer, que les Marocains seraient toujours intéressés
par sa valeur culturelle. En 1958, j’ai racheté l’imprimerie de Driss Bouayad, qui souffrait d’une crise
financière. Et j’ai tenu tout de même à garder le nom de l’initiateur de ce projet. » D’après un court
article paru sur le site Aujourd’hui le Maroc, l’imprimeur, après avoir déménagé à Casablanca a poursuivi
la production de l’éphéméride sous le nom de « Éphéméride Bouayad ». Le propriétaire actuel de
l’imprimerie signale : « L’aspect mercantile passe au second plan pour ce calendrier. Le prix de vente
est fixé depuis des années à 10 dirhams seulement. Actuellement [en 2007], le nombre d’exemplaires
atteint les 200 000, au lieu des 50 000 auparavant » (source : Atika Haimoud, Aux origines de la
saga de l’éphéméride Bouayad, 27 juillet 2007, Aujourd’hui Le Maroc, http://aujourdhui.ma/archives/
reportage-aux-origines-de-la-saga-de-lephemeride-bouayad-88075). (Note de la Rédaction.)
600  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

LE CALENDRIER AGRICOLE AUJOURD’HUI


Nous avons étudié le contenu de deux éditions successives (2001 et 2002)
du calendrier de l’imprimerie Hassan Tber. Ces éphémérides se présentent
sur une feuille de carton, de 21 sur 30,5 cm, imprimée en polychromie, ornée
d’une photographie du roi Mohammed V sur l’édition de 2001 et du pèlerinage
à La Mecque pour l’édition de 2002, avec l’intitulé « L’éphéméride moderne :
El Hadj 15 Idriss Bouayad » (figure 1) 16.
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Figure 1. Un exemple de l’éphéméride du Haj Idriss Bouayad, marque déposée


par l’Imprimerie moderne Hassan Tber (Casablanca) 17

15 El Hadj, personne qui a fait le pèlerinage à La Mecque.


16 Jean-Pierre Poitou avait imaginé l’insertion de deux photos de l’éphéméride Bouayad, édition
2001 et 2002. Il n’a jamais inséré ces deux photos – et ces calendriers n’existent plus. Mais, à
titre d’illustration, nous publions une image de l’édition de 2014 qui permet de visualiser cette
publication dont la forme est restée immuable. (Note de la Rédaction.)
17 Source : http://conacentomarroqui.blogspot.com/2016/11/blog-post_67.html.
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  601

Les calendriers sont composés de feuillets détachables, un par jour de


l’année, de 6 cm sur 9 cm. Le recto (figure 2) porte :
-- les trois dates du jour selon chaque calendrier grégorien, lunaire
et julien ;
-- les heures des moments remarquables de la journée qui marquent
les prières (les heures sont en chiffres européens mais se lisent de
droite à gauche) ;
-- les corrections d’horaire à apporter selon les lieux, indiqués par
certaines villes principales des différentes régions marocaines.

Figure 2. Recto d’une feuille quotidienne du calendrier Tber 2002


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La cardamome a été décrite dans la médecine ancienne


comme facilitateur de la digestion, comme produit utile
pour désintégrer les cailloux dans les reins, comme calmant du mal
de tête et des douleurs du foie. Il est souhaitable de le prendre
dans la soupe ou dans un potage.
Figure 3. Verso d’une feuille quotidienne du calendrier Tber 2002
et traduction du texte arabe
602  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

La date du calendrier grégorien est en français, avec en outre le nom du


mois traduit en arabe. La date du calendrier musulman est en arabe, avec le
nom du mois transcrit en caractères latins, les chiffres sont européens. La date
du calendrier julien est en arabe, avec aussi des chiffres européens. La mention
agricole est signalée à côté du nom du mois, par exemple : janvier agricole.
Outre les dénominations de jour dans chacun des trois calendriers, figurent,
dans le bas du recto de chaque feuillet, d’autres renseignements : les noms des
manâzel des périodes particulières (liyalli, smaiem, les saisons…), des signes
zodiacaux (Al Borouj sing. borj), ou encore de brèves pensées… Le verso porte
un texte : recette, dicton ou aphorisme (figure 3).
L’annexe 2 présente la traduction de toutes les marques temporelles que
comporte le calendrier Tber pour l’année 2002 :
-- date du jour dans les trois calendriers grégorien, musulman et julien
(dit « agricole »),
-- noms des mansions,
-- signes du zodiaque,
-- autres périodisations : saisons, périodes de labour et phases
particulières :
• liaïli, « les nuits », période de 40 jours, caractérisée par le froid
intense, qui paralyse toute activité agricole, du 12 dujanbir
(décembre) au 20 yanaïr (janvier) ;
• al houssoum, du 25 fibraïr (février) au 4 mars, période de huit
jours et sept nuits, néfastes ;
• nissane, du 27 abril au 3 mâyo (mai), période faste, dont les pluies
sont bienfaisantes non seulement aux végétaux mais aussi aux
animaux et aux humains (Westermarck, 1926), d’où la mention
de l’éphéméride : « sa pluie est bénie » ;
• al ansra, le 24 younyou (juin), où l’on fêtait le milieu de l’été
(Westermarck, 1926) ;
• smaim, période de 40 jours du 12 youlyouz (juillet) au 20 ghoucht
(août), de chaleur intense, comme le rappelle l’éphéméride :
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« les 40 jours les plus chauds de l’année ». © S.A.C. | Téléchargé le 16/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.251.199.112)
En comparant ce découpage annuel avec celui que donnait Westermarck
voici trois quarts de siècle (Westermarck, 1926) et avec le calendrier yéménite
publié par Gast (1987), on constate une grande stabilité dans les séquences
temporelles et dans les dénominations, à travers le temps, pour la première
comparaison et l’espace pour la seconde. L’éphéméride marocaine de 2002 est
quasi complète. Elle omet deux manâzel : al dabeh, du 22 dujanbir (décembre)
au 3 yanaïr (janvier) et cirfa’, du 14 au 26 ghoucht (août). Manque aussi un signe
du zodiaque : la balance (al mizan). Pour le reste, entre ce que Westermarck
publiait et notre éphéméride, il s’avère que, par l’écrit imprimé tout au moins,
la connaissance du calendrier agricole est conservée. Nous verrons plus loin si,
pour autant, elle est encore vivante.
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  603

ANALYSE DE CONTENU DES TEXTES


À l’aide du logiciel d’analyse du discours NOMINO (Plante, 1995), nous
avons traité le corpus du vocabulaire des deux traductions françaises des
éphémérides 2001 et 2002 du point de vue des fréquences d’occurrence des
catégories lexicales des noms, des verbes, des adjectifs et des unités nominales
complexes (syntagmes nominaux). Nous ne présenterons ici que les résultats
relatifs aux noms, qui suffisent pour la présente étude. En effet, les autres
catégories lexicales ne sont pas des indicateurs très fiables, compte tenu de
l’hétérogénéité linguistique entre l’arabe, langue source, et le français qui n’est
ici qu’un truchement entre la langue source et le programme d’analyse.
Comme le montre le tableau 1, la traduction en français de l’ensemble des
textes de l’éphéméride de 2001 et celle des textes de 2002 comportent environ
le même nombre de mots, toutes catégories confondues, soit respectivement
8349 et 7746. On s’assurera de même que les différentes catégories lexicales
sont aussi fréquentes dans un corpus que dans l’autre et qu’elles représentent
sensiblement autant de formes différentes, le nombre de répétitions d’une
même forme est en moyenne aussi grand dans un corpus que dans l’autre.
Ainsi il y a 65 adverbes différents dans le corpus 2001 et 67 dans celui de 2002,
tandis que le nombre d’utilisations d’une forme adverbiale est de 536 dans le
premier et de 488 dans l’autre. Ce qui signifie qu’en moyenne un adverbe est
utilisé 8,25 fois (soit 536/65) dans le corpus 2001 et 7,3 fois dans celui de 2002.
Les deux corpus sont donc sensiblement comparables l’un à l’autre.

2001 2002
Catégories lexicales Unités Formes Unités Formes
verbes 1613 484 1334 448
adjectifs 1140 310 1079 300
adverbes 536 65 488 67
noms 5060 1476 4845 1369
Total 8349 2335 7746 2184
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Tableau 1. Fréquences d’occurrence des diverses catégories lexicales dans le corpus
textuel de l’éphéméride de 2001 et dans celui de 2002

Toutefois, si d’un point de vue lexicométrique, les deux corpus sont


analogues, peu de textes se retrouvent de l’un à l’autre. On doit donc supposer
que les éditeurs disposent d’un vaste ensemble de textes qu’ils ventilent d’une
manière sinon franchement aléatoire, du moins nullement systématique, sur les
jours de l’année.
Nous avons ensuite réparti les syntagmes nominaux de chaque corpus
en catégories sémantiques. Ces catégories et la répartition ont été faites de
manière assez intuitive, en se fondant sur le contexte dans lequel chaque mot
apparaît. Il s’agit là d’un tri relativement grossier mais, comme nous allons le
604  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

montrer avec les tableaux 2 et 3, il caractérise de façon satisfaisante le contenu


des corpus. Une catégorisation plus fine aurait sans doute nuancé l’analyse mais
elle n’en aurait pas changé les aspects principaux, très vigoureusement affirmés.

Formes nominales
2001 Total
Religion Corps Alimentation Santé Agriculture
Nombre 29 28 35 25 3 118
de formes
Nombre 638 143 136 112 6 1015
d’occurrences
% sur 5060 15% 3,5% 3,3% 2,7% 0,15% 24,6%
occurrences
Nombre 22,9 5,11 3,9 4,5 2 8,6
moyen
d’occurrences
par forme

Tableau 2. Répartition des noms du corpus 2001


dans les cinq catégories sémantiques principales

Quatre catégories ont été retenues dans ces tableaux 2 et 3 : la religion, le
corps, l’alimentation, la santé et l’agriculture.
Nous avons retenu la dernière catégorie, l’agriculture, pour répondre à une
de nos préoccupations : les lecteurs visés par les rédacteurs et les éditeurs de
ces éphémérides sont-ils des agriculteurs, ou au moins des ruraux ? Les quatre
autres catégories s’imposent d’elles-mêmes comme les plus nombreuses,
puisqu’elles représentent plus de 20 % des occurrences nominales. On pourrait
d’ailleurs les ramener à deux, puisqu’en fait corps, alimentation et santé sont
réunis dans une préoccupation unique d’ordre médical et hygiénique. Dans
la catégorie alimentation, on trouve de nombreux noms de plantes que nous
n’avons pas rangés dans la catégorie agriculture, car ces plantes ne sont citées
que pour leurs vertus médicinales ou alimentaires. Nous reviendrons sur ce
point dans la discussion finale. Ainsi, en 2001, on dénombre dans la catégorie
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religion 29 mots différents qui à eux tous apparaissent 638 fois. Sachant © S.A.C. | Téléchargé le 16/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.251.199.112)
qu’en 2001, il y a dans le corpus 5060 occurrences de formes nominales, on
peut calculer que les mots qui renvoient au champ sémantique de la religion
représentent à eux seuls 15 % de ce total des occurrences nominales dans ce
corpus. De la même façon, on peut calculer qu’ils représentent 12,2 % des
occurrences nominales dans le corpus 2002. Si l’on rapporte le nombre de
formes nominales relevant du religieux, au nombre total de leurs occurrences
dans le corpus, on peut calculer qu’en moyenne, dans le cas du corpus 2001, un
mot de cette catégorie est répété 22,9 fois et 15,2 fois en 2002. Ce qui indique
une forte récurrence des termes de cette catégorie et, à cet égard, une forte
redondance du discours. Ce même rapport est bien inférieur dans les autres
catégories – de l’ordre de quatre à cinq fois moins.
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  605

Catégories de formes nominales


2002 Total
Religion Corps Alimentation Santé Agriculture
Nombre 39 26 47 56 14 182
de formes
Nombre 592 165 161 189 41 1148
d’occurrences
% sur 4845 12,2% 3,4% 3,3% 3,9% 0,85% 23,7
occurrences
Nombre 15,2 6,3 3,4 3,4 2,9 6,3
moyen
d’occurrences
par forme

Tableau 3. Répartition des noms du corpus 2002


dans les cinq catégories sémantiques principales

Si l’on regroupe les catégories du corps, de la santé et de l’alimentation, on


constate qu’elles totalisent en 2001, 9,5 % et en 2002, 10,6 % des occurrences.
Cette analyse sommaire du contenu des textes des deux éphémérides
indique de façon suffisante que le principal discours y est d’ordre religieux,
fait de préceptes moraux adressés au croyant, suivi par un discours médical
et sanitaire, fait essentiellement de recettes de médecine par les simples
recommandations d’hygiène alimentaire. Il n’y a pratiquement rien de l’ordre
des techniques agricoles et de la vie rurale, hormis l’indication du début et de
la fin des labours. Encore moins sur ce qui concerne le politique au sens large,
c’est-à-dire les institutions nationales et leur fonctionnement. Le lecteur visé
par ces textes ne s’y présente donc pas comme un citadin, ni comme un paysan
vivant sur et de la terre, mais plutôt comme un acquéreur d’origine rurale
résidant dans un centre urbain, attaché aux pratiques religieuses, d’une part,
et aux usages et techniques médicales fondées sur l’hygiène alimentaire et les
traitements par les plantes, d’autre part.
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PLACE DES MANÂZEL DANS LA CULTURE


RURALE D’AUJOURD’HUI
Au cours de nos entretiens au Maroc (Boulifa, 2005) avec une dizaine de ruraux
et de ruraux urbanisés, nous avons pu constater, parmi nos interlocuteurs, âgés
de trente à quarante ans, les points suivants :
-- ils avaient connaissance de l’existence d’un calendrier agricole,
différent des calendriers musulmans et grégorien ;
-- ils connaissaient approximativement l’organisation en mansion de
13 jours, ainsi que les périodes de quarante jours (liyalli et smaiem),
606  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

mais tous ne connaissaient pas la base solaire du calendrier


agricole ;
-- la similitude étymologique des noms de mois entre le calendrier
grégorien officiel et le calendrier agricole ne leur apparaissait
généralement pas, même si on la leur faisait observer et, en
conséquence, ils ne soupçonnaient pas l’origine latine de ces noms
de mois ;
-- si certains d’entre eux savaient nommer les mois du calendrier
julien, aucun n’était capable de réciter la liste complète et bien
ordonnée, des mansions du calendrier agricole ;
-- seul l’un d’eux, chauffeur de taxi, agriculteur fils d’agriculteur, fut
capable de citer une série incomplète mais dans le bon ordre d’une
douzaine de manâzel ;
-- ils considéraient que ces connaissances étaient à peu près
complètement en désuétude, qu’elles étaient encore possédées par
une ou deux personnes 18 très âgées dans leur village d’origine.
Quatre interlocuteurs plus âgés 19, sexagénaires et réputés être cheikh
fellaha 20, se montrent capables de réciter assez complètement et exactement
une suite d’une quinzaine de mansions et de citer des proverbes 21, mais sans
connexion précise avec les mansions. Ils affirment que les paysans, du moins
les plus expérimentés, connaissaient leur calendrier agricole, aussi bien sinon
mieux que les foqaha, du point de vue des opérations à accomplir durant chaque
manzila, mais qu’ils recourraient au fqih pour déterminer exactement le début
et la fin de chaque mansion. Ceci corrobore les observations anciennes de
Coon (1931).
Ceci confirme aussi notre analyse du contenu des éphémérides. Dans cette
littérature populaire et très simple, l’absence de références et de matière
proprement agricoles, associées au calendrier agricole, correspond à la quasi-
ignorance de ce dernier chez les ruraux d’aujourd’hui, du moins chez ceux que
nous avons pu interroger sur ce sujet. Il reste cependant, dans la littérature des
éphémérides, une part importante accordée à la médecine traditionnelle par les
plantes. Nous allons dans la section suivante en analyser plus particulièrement
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le contenu. © S.A.C. | Téléchargé le 16/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.251.199.112)

Notons auparavant quelques points relatifs à la distribution et à la diffusion de


ces éphémérides. En effet, dans quelques entretiens complémentaires menés à
Tétouan (par Abdelaziz Boulifa), il apparaît que la distribution des éphémérides
ne suit pas le circuit ordinaire des livres et des journaux. Les libraires et les

18 Généralement des vieillards, une seule vieille femme, un peu possédée, est citée parmi ces
experts en matière de calendrier agricole.
19 Entretiens réalisés avec la précieuse assistance de M. Bejjaj.
20 Cheikh fellaha : suivant la tradition un sage arbitre agricole (expert et évaluateur souvent
bénévole, pas nécessairement lettré, pluriel : chioukh fellaha).Voir Boulifa et Poitou (2005).
21 « Celui qui laboure le plus tôt, est le plus fructueux », « le père répartit les tâches entre ses
enfants comme au sein du foyer », « un sage ne doit pas garder sa sagesse au moment de mourir ».
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  607

revendeurs de Tétouan s’approvisionnent localement en éphémérides chez les


grossistes de produits divers, d’alimentation et de quincaillerie (produits en
plastique, ustensiles de cuisine, etc.). Un vendeur de livres et de journaux nous
a confirmé que la majorité de ses clients semi-détaillants et lettrés dans ce
domaine sont d’origine montagnarde (zone de Chefchaouen, en particulier).
En plus des éphémérides modernes, il commercialise – mais à un degré
moindre – des éphémérides de l’Aube. Un autre informateur a ajouté que
les éphémérides se vendent aussi dans les souks ruraux. Les paysans peuvent
aussi obtenir des exemplaires de la ville, sur demande, par l’intermédiaire
des amis urbanisés qui fréquentent souvent les souks ou les douars. Parmi
les personnes qui s’attachent à acquérir annuellement un exemplaire des
éphémérides, les foqaha, en particulier ceux des zones enclavées. Outre les
calendriers, les textes qui les accompagnent dans les éphémérides constituent
l’un des mobiles d’achat.
Il apparaît ainsi, au moins dans le cas tétouanais, que la diffusion se fait
dans une large mesure en milieu rural et que la distribution est assurée en
dehors des circuits de la librairie et de la presse, dans le circuit des biens
de consommation domestiques et jusque dans les marchés ruraux. Comment
rendre compte de cette importante diffusion rurale d’une forme de littérature
qui n’a plus de contenu relatif à l’agriculture ? En dehors de l’aspect purement
pratique de la chronologie annuelle, est-ce le contenu moral et religieux des
textes ou est-ce plutôt leur composante médicinale qui constitue leur attrait ?
Examinons d’abord le contenu de cette dernière.

LA FLORE MÉDICINALE VUE À TRAVERS


LES TEXTES DE L’ÉPHÉMÉRIDE
On voit dans le tableau 4 que cinquante et un remèdes sont cités dans les deux
éphémérides, dont 17 ne sont cités qu’en 2001 et 14 seulement en 2002. Parmi
les 51 remèdes cités dans les deux éphémérides, neuf seulement sont indiqués
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pour les mêmes maladies ou affections. Le tableau 5 précise ces indications qui © S.A.C. | Téléchargé le 16/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.251.199.112)
ne concernent que 13 maladies.
Il y a donc une grande diversité de la pharmacopée, une grande hétérogénéité
des indications, une faible redondance entre les deux éphémérides et une très
faible cohérence entre eux. On n’observe en outre nulle relation systématique
entre les dates du calendrier et les textes. Il semble que les textes soient puisés
dans une collection très vaste et distribués au hasard à travers les jours de
l’année. On peut penser que ce corpus de réserve comprend, ou comprenait,
des dictons ou recettes d’ordre agronomique, tombés en désuétude mais
conservés par les éditeurs. Nous y reviendrons.
608  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

51 remèdes cités
en 2001 en 2002 en 2001 et 2002
abricot basilic ail
aloès cardamome amande
cannelle concombre camomille
charbon harmale céleri
citron laitue chou
coing lin datte
cumin oignon œuf
iris orge eucalyptus
navet persil fenouil
oreille de souris poire goudron
piment rouge pomme lait
pin riz légume
romarin safran mélochie
roseau thym menthe
saumon miel
trigonelle muscade
vinaigre orange
osier
pois chiche
radis
Total 17 14 20

Tableau 4. Répartition des 51 noms de remèdes dans les deux éphémérides

Remèdes Maladies
eucalyptus malaria, poumons, toux, gorge
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ail dents, poumons © S.A.C. | Téléchargé le 16/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.251.199.112)
camomille digestion, foie
goudron estomac
mélochie dermatoses
menthe haleine
miel toux, gorge
muscade estomac
osier foie

Tableau 5. Remèdes cités dans les deux éphémérides


avec les mêmes prescriptions
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  609

Le tableau 6 indique, pour chaque catégorie de maladie ou d’affection, le


nombre de remèdes qui sont proposés par les deux éphémérides. On observe
que les remèdes proposés sont peu spécifiques, puisque de nombreux remèdes
sont proposés pour une même affection. Toutefois, on peut considérer
d’une autre manière le nombre de remèdes proposés pour chaque catégorie
d’affection. Plus ce nombre est élevé, plus la maladie à laquelle ils répondent est
importante ou jugée importante pour le public lecteur des éphémérides. On
constaterait alors que les maux de dents, les affections des yeux, les maladies
du foie, de la peau, les maux de reins, les calculs rénaux ou vésiculaires, les
maux d’estomac et de tête sont les plus pénibles ou les plus préoccupants pour
les utilisateurs des éphémérides.

Maladies Nombre Maladies Nombre


ou organes de remèdes ou organes de remèdes
dentition 11 os 3
œil, conjonctivite 9 vomissement 3
foie 7 vue 3
dermatoses (peau) 6 bouche, stomatite 2
reins gonflés, froids 6 enflure 2
calculs rénaux, vésiculaires 5 hémorroïdes 2
estomac 5 maladies pulmonaires 2
migraine 5 rétention urinaire 2
digestion 4 rhumatismes 2
glande thyroïde 4 antidote général 1
insomnie 4 artériosclérose 1
troubles neurologiques 4 constipation 1
toux, gorge 4 fatigue 1
vitamines 4 fortifiant 1
cœur 3 maladies intestinales 1
gerçures 3 malaria 1
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haleine 3 mémoire 1 © S.A.C. | Téléchargé le 16/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.251.199.112)

hypertension 3

Tableau 6. Nombre de remèdes prescrits dans les deux éphémérides


pour chaque catégorie d’affection

Le tableau 7 présente le spectre thérapeutique de chaque remède, c’est-


à-dire le nombre de maladies ou d’affections qui peuvent être traitées avec
son aide. On constate que ce spectre est relativement étendu, puisque 60 %
des remèdes sont invoqués pour plus d‘une maladie. Ce qui confirme la faible
spécificité de ces indications. L’annexe 1 montre les relations entre les remèdes
et les 35 maladies contre lesquelles ils peuvent être utilisés.
610  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

Remèdes Nombre de Remèdes Nombre de


prescriptions prescriptions
miel 9 saumon 2
camomille 8 thym 2
ail 7 vinaigre 2
menthe 5 abricot 1
radis 5 aloès 1
cardamome 4 cannelle 1
céleri 4 charbon 1
chou 4 citron 1
eucalyptus 4 coing 1
lait 4 datte 1
cumin 3 harmale 1
laitue 3 légume 1
orange 3 lin 1
amande 2 mélochie 1
basilic 2 muscade 1
concombre 2 navet 1
œuf 2 oignon 1
fenouil 2 orge 1
goudron 2 oreille de souris 1
iris 2 osier 1
persil 2 piment rouge 1
poire 2 pin 1
pois chiche 2 romarin 1
pomme 2 roseau 1
riz 2 trigonelle 1
safran 2
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Tableau 7. Spectre thérapeutique, ou nombre d’affections
dans les deux éphémérides susceptibles d’être traitées par chaque remède
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  611

CONCLUSION : LE SYSTÈME À BASE


DE CONNAISSANCES DANS LA CULTURE
RURALE
Nous avons proposé en introduction une métaphore informatique pour décrire
l’organisation sociale des connaissances et des pratiques techniques. On peut à
présent reprendre cette image, pour situer les éphémérides et les manâzel dans
l’organisation sociale des savoirs ruraux au Maroc.
La culture paysanne articulait la mise en œuvre des connaissances au sein
d’une division du travail au village. D’une part, la technologie agricole constituait
une base de connaissances, répartie inégalement entre les paysans, depuis les
plus savants, tels les chioukh fellaha, jusqu’aux adolescents qui débutaient dans le
métier, dès qu’ils étaient assez robustes. Ces connaissances étaient conservées
et transmises dans une grande mesure sous des formes pratiques et empiriques,
d’une part, et d’autre part aussi sous la forme de la littérature orale constituée
par les dictons. D’autre part, les observations relatives au temps saisonnier, à la
situation météorologique, à l’état des sols, à l’avancement de la maturation des
plantations, etc., étaient caractérisées, cataloguées et interprétées dans une large
mesure aussi grâce aux dictons, pour constituer une base de faits pour guider
l’action. Enfin, l’inférence du cours d’action à partir des conditions actuelles
et des règles de mise en œuvre des connaissances techniques, dépendait du
calcul du temps et incombait au fqih, lettré ayant accès au savoir inscrit dans les
almanachs, qui lui permettait de définir précisément les conditions temporelles.
Présentement, ce système à base de connaissances, cette construction
sociale que nous venons de décrire, est dans une extrêmement grande mesure
dissocié (Boulifa, 2005). Le calendrier agricole, fondé sur le calendrier julien et
les mansions, est certes toujours attesté dans les éphémérides mais c’est un
élément du passé qui lutte pour sa persistance. Il est désuet, comme le montrent
l’analyse de contenu que nous avons présentée et les entretiens que nous avons
menés auprès de ruraux. Il est manifeste que les éphémérides actuelles ne sont
pas rédigées à l’intention d’agriculteurs en activité mais tout au plus à l’intention
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de ruraux plus ou moins urbanisés. Il résulte de nos entretiens que si les savoirs
constitutifs de la base de connaissances ne sont pas tous dissipés, en revanche
le moteur d’inférence, tel qu’il se réalisait à travers la connaissance des manâzel
et des dictons agricoles, est dissocié. Enfin, les foqaha ne semblent plus en
mesure de participer à son fonctionnement ni d’en assurer la transmission.
Pour expliquer cette évolution, on peut invoquer plusieurs raisons.
Sur un plan très général, l’exode rural et, a fortiori, l’exil à l’étranger, même
temporaire, coupent les jeunes hommes de leurs aînés et de leurs racines
rurales, d’où la désuétude et la déshérence des connaissances constitutives de
patrimoine culturel technique rural.
Sur un plan plus technique, il y a un changement dans les pratiques agricoles
dues aux mutations successives et brutales que connaissent les différentes
612  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

phases du cycle agricole : réceptivité des ruraux aux techniques nouvelles


telles que les semences sélectionnées, régénérées ou prématurées, utilisation
des produits phytosanitaires et divers engrais, recours à la traction mécanique,
au salariat et à l’assistance des techniciens. La relative indépendance de ces
techniques à l’égard des contraintes temporelles et saisonnières enlève de la
pertinence à la science du calendrier agricole. Un de nos interlocuteurs notait
que beaucoup de cultures précoces et d’arrière-saison ne sont plus pratiquées,
d’où, selon lui, l’oubli progressif des manâzel qui les concernent. L’abandon
de certaines pratiques techniques entraîne la désuétude de connaissances
correspondantes, recours à des ressources extra-agricoles et le cas échéant
à l’émigration vers des villes ou à l’étranger, d’autant plus radicalement que
les générations actuelles, par l’effet de l’exil ou de l’exode, sont coupées des
générations qui auraient pu leur transmettre ces dernières. D’autre part, selon
un autre de nos interlocuteurs, la formation des foqaha s’est progressivement
restreinte aux seules connaissances nécessaires à l’enseignement religieux
élémentaire, d’où la perte progressive de connaissances techniques agricoles,
notamment celles dans lesquelles le calcul du temps intervient. Enfin, certains
ruraux ne s’efforcent plus d’assurer le transfert du savoir-faire oral et pratique
aux jeunes.
Il semble qu’il en aille de même pour les connaissances paysannes en matière
de pharmacopée naturelle. Le Pr. Jamal Bellakhdar nous précisait :
« Il est certain, en tout cas, qu’on peut observer aujourd’hui dans les
campagnes marocaines un phénomène grandissant de désapprentissage
par rapport aux savoirs naturalistes anciens et à une importante perte de
substance des connaissances issues de la tradition, notamment du fait de
l’exode rural et des avancées de l’école publique, de la modernité et de la
culture occidentale. Je l’ai observé souvent dans le champ de l’ethnobotanique
et j’en parle abondamment dans mes ouvrages (Bellakhdar, 2003). Cela
entraîne, outre l’appauvrissement des savoirs traditionnels, leur pollution
par des infiltrations de connaissances de type moderne, ou, plus grave
encore, par des croyances irrationnelles d’inspiration occidentale. Si on
prend, par exemple, le cas de la phytothérapie, on trouve aujourd’hui chez
les herboristes traditionnels, des plantes et des usages qui n’ont aucune
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origine traditionnelle et qui sont issus de livres étrangers, du type de celui
de Rika Zaraï, beaucoup plus que de livres étrangers bien documentés, car
évidemment ce sont les livres les moins sérieux qui terminent leur vie dans
les grandes braderies. De plus, les herboristes sont souvent aujourd’hui
des jeunes gens qui savent lire et écrire le français et qui, de ce fait, sont
très perméables à tout ce que peuvent leur dire des clients marocains
occidentalisés, des touristes, etc.
Un cas typique est celui de l’eucalyptus que vous avez rencontré dans
des éphémérides populaires mais dont l’usage en médecine n’a rien de
traditionnel au Maroc car cette espèce, d’origine australienne, n’y a été
introduite que vers 1920. Un autre exemple est celui du fard traditionnel :
tous les herboristes, notamment à Marrakech et à Agadir, vous diront
qu’il est tiré du coquelicot (ce qui est faux car il était autrefois fabriqué à
partir de la fleur de carthame) parce que les touristes ont véhiculé cette
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  613

croyance ; vérification faite, on retrouve cette affirmation dans tous les


guides et manuels pour touristes… Les herboristes marocains ne savent
donc eux-mêmes plus d’où ce fard était tiré autrefois, parce que le produit
qu’ils vendent aujourd’hui est un colorant synthétique qu’ils achètent à des
grossistes. » (Bellakhdar, 2005)

Il s’avère donc que, dépourvus de toute valeur prescriptive en matière


d’activité technique agricole, les éphémérides que nous avons étudiées offrent
encore des indications en matière de pharmacopée naturelle, qui expliqueraient
une part de la faveur dont elles jouissent auprès d’un public rural qui s’est à
présent défait, ou est en voie de se défaire de ses pratiques et connaissances
agricoles anciennes, ainsi que de ses connaissances naturalistes anciennes. Pour
le reste, soit la majeure partie – les trois quarts – de leur contenu, ce seraient
les considérations morales et religieuses qui en feraient l’attrait auprès des
lecteurs et utilisateurs ruraux. En d’autres termes, ces almanachs auraient quasi
totalement perdu leur caractère technique agronomique et seraient devenus
une forme de littérature populaire.
Si donc, comme il y a lieu de le craindre, l’essentiel du savoir rural, dans
ses formes pratiques et orales, a disparu avec l’avant-dernière génération de
paysans, en revanche, on peut encore espérer qu’il se trouve préservé dans ses
formes écrites, consignées dans les almanachs et les éphémérides.
Nous n’avons pas perdu l’espoir d’obtenir des imprimeurs des éphémérides
contemporains l’accès à leurs archives et ainsi la possibilité d’étendre le corpus du
contenu des almanachs. Nous avons noté plus haut (section 3), l’hétérogénéité
des textes paramédicaux de nos deux éphémérides. Nous avons inféré de cette
diversité que les textes sont extraits – un peu au hasard – d’un corpus très
vaste où l’on puise chaque année de quoi rédiger les notules quotidiennes de
chaque éphéméride. S’il en est bien ainsi, il n’est peut-être pas vain d’espérer
retrouver des textes désuets, à contenu agronomique, qui auraient été utilisés
jadis, lorsque le calendrier agricole était en usage technique actif. Peut-on aussi
espérer retrouver chez des imprimeurs fassi des exemplaires, ou encore les
pierres lithographiques des almanachs tels que le Hissah (Lévi-Provençal, 1918 ;
Bourrilly, 1932) ou encore er- Ra’adiyah (Joly, 1905) ? Rien n’est moins sûr,
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bien entendu. Mais la chose vaut d’être tentée pour éventuellement compléter
notre connaissance d’une littérature populaire porteuse de connaissances
dont la pertinence, en termes de développement durable, n’est peut-être pas à
négliger totalement.

Remerciements
Nous remercions très chaleureusement la famille de Jean-Pierre Poitou
pour nous avoir autorisés et même encouragés à publier
cet article laissé longtemps incomplet. Le comité de rédaction tient à souligner la
qualité de la relecture et l’appui de MM. Boulifa et Reggoug qui
ont permis de finaliser cet article avec soin.
614  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

RÉFÉRENCES
Bellakhdar, J. (2003). Le Maghreb à travers ses plantes. Plantes, productions végétales et
traditions au Maghreb. Casablanca : Le Fennec.
Bellakhdar, J. (2005). Pharmacopée et connaissances naturalistes marocaines (courrier
électronique à J.-P. Poitou).
Benabdeljelil, M. (1999). J.-P. Poitou. Rabat, Maroc: entretien.
Bouchelkha, M. (1988). Savoirs paysans et activités agro-pastorales au Maroc. Colloque du
Groupe Pluridisciplinaire d’Etude sur les Jbala, Chefchaouen: Maroc.
Bouchelkha, M. (2003). Savoirs paysans et activités agro-pastorales au Maroc. In A. Ortega
Santos, J. Vignet-Zunz (eds). Las montañas del Mediterraneo. Granada, España, Centro de
Investigaciones Etnológicas Angel Ganivet, 171-177.
Bouchelkha, M. (1988). Représentations, usages et gestion de l’eau dans un espace des bas-
plateaux atlantiques marocains. Aix-en-Provence, Aix-Marseille II. Doctorat de troisième
cycle.
Boughali, M. (1974). La représentation de l’espace chez le marocain illettré. Casablanca :
Afrique Orient.
Boulifa, A., Poitou, J.-P. (2005). Figures des exodes ruraux en milieu urbain dans le Rif
occidental : le fabricant de balai, le Hadj, le camionneur, le gérant de ferme, le tailleur.
In Mutations des milieux ruraux dans les montagnes rifaines, Publications du Groupe de
Recherches Géographiques sur le Rif, Série : Études spatiales, n°2, Université Abdelmalek
Essaâdi, Tétouan, Maroc,
Bourrilly, J. (1932). Éléments d’ethnographie marocaine. Paris : Librairie coloniale et
orientaliste Larose.
Coon, C. (1931). The tribes of the Rif. Harvard: Harvard University Press.
El Attar, B. (1999). Les proverbes marocains. Traduction annotée, suivie d’une étude
linguistique. Casablanca.
Fouet, J.-M. (Ed.) (1997). Connaissances et savoir-faire en entreprise. Intégration et capitalisation.
Paris : Hermès.
Gast, M. (1987). L’almanach agricole yéménite de Yahia Ibn Yahya al-’Ansi. De la voûte céleste
au terroir, du jardin au foyer. Paris : Éditions de l’E.H.E.S.S, 41-52.
Hatchuel, A., Weil, B. (1992). L’expert et le système. Suivi de quatre histoires de systèmes-
experts. Paris : Economica.
Joly, A. (1905). Un calendrier marocain. Archives marocaines, 3, 301-319.
Lévi-Provençal, E. (1918). Pratiques agricoles et fêtes saisonnières des tribus Djeballah de
la vallée moyenne de l’Ouarghah. Les Archives berbères 3(1), 83-108.
Motylinski, A. d. C. (1899). Les mansions lunaires des Arabes. Traduction du texte en vers de
Mohammed el-Moqri. Alger : Fontana.
Plante, P. (1995). NOMINO. Montréal, Centre d’Analyse de Texte par ordinateur ATO,
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Université du Québec à Montréal.
Plante, P., Dumas, L. (1995). Nomino-signet - un assistant à la construction de bases de
connaissances sur les textes. (Tech. Rep.). Montreal, Centre d’Analyse de Texte par
ordinateur ATO, Université du Québec à Montréal.
Rodinson, M. (1962). La lune chez les Arabes et dans l’Islam. La Lune, mythes et rites. Paris :
Seuil, 153-214.
Rubin, D. C. (1995). Memory in oral traditions. The cognitive psychology of epic, ballads, and
counting-out rhymes. Oxford: Oxford University Press.
Westermarck, E. (1926). Ritual and belief in Morocco. Londres: MacMillan.
Westermarck, E. (1930). Wit and Wisdom in Morocco. A study of native proverbs. Londres:
George Routledge & Sons.
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  615

Abdelaziz BOUFILA est enseignant-chercheur au Département de


Géographie, Faculté des Lettres & des Sciences Humaines de Tétouan
(Maroc). Ses intérêts d’enseignements et de recherches portent entre
autres sur la valorisation du patrimoine, les mutations des espaces
périurbains, des milieux ruraux, les relations villes-campagnes et
les questions de l’environnement. Membre de l’Équipe d’Études et
Recherches sur le Géo-Développement, Université Abdelmalek Essaâdi,
Tétouan. A récemment dirigé (en collaboration) l’ouvrage collectif Le
patrimoine dans le Rif : état et perspectives (2013, Publ. Institut Royal de la
Culture Amazighe, Rabat).

Adresse Université Abdelmalek Essaâdi


Département de Géographie, Faculté des Lettres &
des Sciences Humaines
B.P. 313, Poste Principale
93000-Tétouan (Maroc)
Courriel boulifa@yahoo.fr

Jean-Pierre POITOU avait signé cet article en signalant « Anthropologue,


ci-devant Directeur de Recherches, CNRS, Aix-en-Provence, France ».
Jean-Pierre a été l’inspirateur et membre fondateur de la Revue
d’anthropologie des connaissances, décédé le 22 février 2017. Cet article fait
partie d’un ensemble de travaux qu’il avait effectué à la fin de sa carrière
pour construire une anthropologie des connaissances basée sur les gestes
techniques, la connaissance technique détenue par les acteurs au travail et
les outils d’analyse des savoirs pratiques.

Khalil REGGOUG est docteur en psychologie cognitive, coordonnateur


de projets à l’Agence des Villes et Territoires méditerranéens durables
(AVITEM). Il est chargé de l’organisation de séminaires de haut niveau
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sur le développement territorial et urbain en Méditerranée, destinés
aux cadres du développement territorial, aux décideurs et aménageurs
dans différents pays méditerranéens. Il a également une formation en
sciences de la vie et en évaluation des politiques publiques. Il a contribué
au déploiement et au développement du projet de la Villa Méditerranée,
centre international pour le dialogue et les échanges en Méditerranée.

Adresse Agence des Villes et territoires méditerranéens


durables (AVITEM)
43 rue de l’Évêché
F-13002 Marseille (France)
Courriel k.reggoug@avitem.org
616  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

Abstract: A form of popular literature in Morocco:


the ephemerids
Ephemerids, or tear-off almanacs, are printed in Morocco for a
very assiduous public. On each page, three calendars can be read:
the lunar Muslim calendar, the official Gregorian calendar, and
the Julian calendar. This third calendar is an agricultural calendar,
which is subdivided in 28 thirteen-day periods called manâzil, used
in the Arabic Muslim word for organizing farm work, from Yemen
to Maghrib. Every sheet of the tear-off almanac is printed with a
short text. The content of these texts, in two successive editions
(2001 and 2002) has been analyzed. As a result, it appears that the
two main themes of this literature are religion and health care.
Together they make up to 25% of the overall content. Analyzing the
second theme outlines a popular pharmacopoeia concerned with
some fifty drugs, mostly medicinal plants. This is the only content
of these almanacs which has some relevance to the rural world,
and to the agricultural knowledge. This raises rather pessimistic
issues about the present Moroccan system of rural knowledge.
Keywords: traditional agriculture morocco, almanach,
anthropology of knowledge, calendars, ephemerids, popular
litterature, manâzel, pharmacopea, indigenous knoweldge,
agriultural knowledge.

Resumen: Una forma de literatura popular en Maruecos:


las ephemerides
En Marruecos se imprimen calendarios de taco o efemérides, para
un público muy asiduo, en los cuales se pueden leer tres calendarios:
además del calendario lunar musulmán, y del gregoriano y official,
se ve también un calendario juliano. Este calendario está dividido
en 28 mansiones o manâzil y se usa como calendario agrícola tal
como existe en todo el mundo árabe musulmán, desde el Yemen
hasta el Maghreb. Cada hoja diaria comprende un breve texto
de almanaque. Se analiza el contenido de estes textos en dos
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ediciónes sucesivas, las de los años 2001 y 2002. Resulta de este
análisis que los dos temas mayores de esta literatura son la religión
y la salud. Estes dos temas juntos constituyen 25% del contenido
total. En el secundo tema se trata de la farmacopea popular sobre
unas cincuenta sustancias, principalmente plantas medicinales.
Este aspecto es el único en el contenido de los dos almanaques
que corresponde al mundo rural y a los conocimientos agrícolas –
tema del presente estudio. Las conclusiones de nuestro análisis
son bastante pesimistas en lo relativo a la evolución actual del
sistema marroquí de conocimientos rurales.
Palabras clave: agricultura tradicional maruecos, calendarios,
antropolgia del conocimiento, literatura popular, manâzel,
farmacopea, conocimientos tradicionale.
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  617

ANNEXE 1. REMÈDES ET MALADIES

concombre
cardamone

eucalyptus
camomille

goudron
charbon
cannelle
amande
abricot

fenouil
citron

cumin
basilic

céleri

coing

datte
aloès

chou

œuf
aïl
antidote général
artériosclérose
bouche stomatite 1 1
calculs rénaux, 2 2
vésiculaires
cœur 1
constipation
dentition 1 1 1 1
dermatoses (peau) 2
digestion 3 2
enflure
estomac 1 1 2 3
fatigue
foie 3 2 2
fortifiant
gerçures 2 1
glande thyroïde 1 1
haleine
hémorroïdes 1
hypertension 2
maladies 1
insomnie 2
malaria 3
mémoire
migraine 1 2 2
maladies 3 3
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pulmonaires
troubles 1
neurologiques
œil, conjonctivite 2 1 2
os
reins gonflés, froids 2 2 2
rétention urinaire 1
rhumatismes 2 1
toux, gorge 2 3
vitamines 1
vomissement 1 1
vue 2
spectre 1 7 1 2 2 8 1 4 4 1 4 1 1 2 3 1 2 4 2 2
thérapeutique
618  Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4

ANNEXE 2. PÉRIODISATION DU CALENDRIER


HASSAN TBER, ÉDITION 2002
Calendrier Calendrier Calendrier Manâzel: Borouj : Signes Périodes
Grégorien Musulman Agricole Mansions zodiacaux
2002 1422/1423 (julien)
1 janvier 6 Choual 19 dujanbir
14 janvier 19 choual 1 yanaïr Début de l’année
solaire agricole.
17 janvier 22 choual 4 yanaïr sa’d bla’e
21 janvier 26 Choual 8 yanaïr dlou (Verseau)
30 janvier 5 Dou Al Kaada 17 yanaïr sa’d s’oud
2 février 8 Dou Al Kaada 20 yanaïr Fin des liaïli (40 jours)
9 février 15 Dou Al Kaada 27 yanaïr La fin du labour
12 février 18 Dou Al Kaada 30 yanaïr sa’d lakhbia
19 février 25 Dou Al Kaada 6 fibraïr al hout (Poisson)
25 février 1 Dou Al Hijja 12 fibraïr far ‘e moqadam
28 février 4 Dou Al Hijja 15 fibraïr Début du printemps
(91 jours).
4 mars 8 Dou Al Hijja 19 fibraïr Le jour de l’arrosage
(ou de l’abreuvage).
10 mars 14 Dou Al Hijja 25 fibraïr far’e mo ‘akhar al houssoum
(7 nuits et 8 jours).
15 mars 1 Moharram 2 mars Début de l’année
lunaire
17 mars 21 Dou Al Hijja 4 mars Fin des jours al
houssoum
21 mars 7 Moharram 8 mars al ahmal (bélier)
(clémence
printanière)
23 mars 9 Moharram 10 mars batn al hout
5 avril 11 Moharram 23 mars al-nath
18 avril 24 Moharram 5 abril al-batin
20 avril 26 Moharram 7 abril tâour (Taureau).
1 mai 7 Safar 18 abril al toria-
10 mai 16 Safar 27 abril Début de nissane
(7 jours), sa pluie est
bénie
14 mai 20 Safar 1 mâyo al-dabarane
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16 mai 22 Safar 3 mâyo Fin du nissane
20 mai 7 Râbiâ I al jouzae (Gémeaux)
27 mai 3 Rabiâ I 14 mâyo al haqha
30 mai 6 Rabiâ I 17 mâyo Début de l’été
(92 jours).
9 juin 16 Rabiâ I 27 mâyo al han’a
19 juin 26 Rabiâ I 6 younyou a-saratane (Cancer).
22 juin 29 Rabiâ I 9 younyou al dira’e
5 juillet 13 Rabiâ II 22 younyou al natira
7 juillet 15 Rabiâ II 24 younyou al ansra
18 juillet 26 Rabiâ II 5 youlyouz al-tarfa
23 Juillet 12 Joumada I 10 youlyouz al assad (Lion)
25 juillet 3 Joumada I 12 youlyouz Début des smaïm (les
40 jours les plus chauds
de l’année).
31 juillet 9 Joumada I 18 youlyouz al jabha
Revue d’anthropologie des connaissances – 2017/4  619

14 août 23 Joumada I 1 ghoucht al khirtan


23 août 3 Joumada II 10 ghoucht a-sunboula (Vierge)
30 août 10 Joumada II 17 ghoucht Début de l’automne
(91 jours)
4 septembre 26 Joumada II 22 ghoucht Fin de smaïm
9 septembre 20 Joumada II 27 ghoucht al-’awa’e
22 septembre 4 Rajab 9 choutannbir al-cimake
5 octobre 17 Rajab 22 Septembre al ghafr
18 octobre 1 Chaâbane 5 ouktoubir azbnane
24 octobre 7 Chaâbane 11 ouktoubir al acrab (Scorpion).
30 octobre 13 Chaâbane 17 ouktoubir Début du labour
31 octobre 14 Chaâbane 18 ouktoubir al iklil
13 novembre 27 Chaâbane 31 ouktoubir al kalba (le
cœur)
23 novembre 7 Ramadan 10 nouwanbir al quaouss (Sagittaire)
26 novembre 21 Ramadan 13 nouwanbir a-chaola
29 novembre 13 Ramadan 16 nouwanbir Début de l’hiver
(91 jours).
9 décembre 23 Ramadan 26 nouwanbir al na’im
21 décembre 6 Choual 8 dujanbir al jadi (Capricorne)
renversement hivernal
22 décembre 7 Choual 9 dujanbir sa’d al balda
25 décembre 10 Choual 12 dujanbir Début des liaïli
(40 jours)
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