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Bulletin de l'Association

Guillaume Budé

Voyage dans le Péloponèse, septembre 1937

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Voyage dans le Péloponèse, septembre 1937. In: Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°57, octobre 1937. pp. 38-42;

https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1937_num_57_1_6146

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VOYAGE DANS LE PÉLOPONËSE

Septembre 1937.

En adoptant pour ses voyages en Grèce la voie m

l'Association Guillaume Budé a eu conscience de resp

des caractères de ce pays où, dès l'antiquité, les co

cations se faisaient surtout par mer. De plus en plus

dant, et cela a été particulièrement sensible à sa

croisière, l'Association a multiplié les longues excurs

restres qui font sentir la structure d'un pays et com

la raison de bien des phases de son histoire. C'est a

cette année, elle a parcouru presque dans son e

grande route qui va de l'extrême sud du Péloponèse

de la Thessalie, mettant à son programme la visite de

la grande excursion de Nauplie, Argos, Mycènes, C

Mégare, Eleusis et Athènes, puis, en une seule j

Athènes, Thèbes, Chalcis et la traversée de l'Eubée

lendemain, Volo et le Pélion.

Cependant, l'Association désirait trouver égalem


— % —

du contact direct avec le pays, il résultait un gain pour 1'


prit, un accroissement de culture véritable.
Reprendre la tradition paraissait donc souhaitable. Gela
pouvait-il ?
La Grèce de 1987 qui se modernise rapidement présen
encore des régions primitives où il n'existe pour circuler q
des pistes, des lits de torrents ou des sentiers de montagn
où les agglomérations sont distantes, les hôtels rares et i
confortables. La Péloponèse offre encore quelques-unes

cesL'Association
régions et non
Guillaume
des moinsBudé
intéressantes.
a voulu tenter un ess

Elle a organisé en septembre pour un petit nombre de


membres — douze en tout — un voyage dans le Péloponè
une partie de l'itinéraire a été effectuée à pied ou à dos
mulet, l'autre en automobile ; le voyage s'est terminé par
séjour de près d'une semaine à Athènes.
Rappelons l'itinéraire : Patras, Olympie, Andritsen
Bassae, Karytena, Megalopolis, la plaine de Messénie, Ka
mata, la traverséedu Taygète, Sparte et Mistra, Tégée, T
polis, une excursion dans l'Arcadie du Nord, Nauplie, E
daure, Tyrinthe, Argos, Mycènes, Corinthe, la corniche
Mégare, Eleusis et Athènes.
On va en Grèce parce qu'on aime déjà la Grèce, et le pe
groupe de fervents qui fit ce voyage en est une preuve. Ce
tains revenaient dans cé pays pour la troisième et quatrièm
fois, les autres savaient ce qu'ils y venaient chercher —
chacun apportait avec ses connaissances particulières des vu
originales dont il faisait bénéficier ses compagnons : l'ing
nieur, l'architecte, l'amateur éclairé savant comme un arché
logue, le professeur qui se défend de l'être. Nulle plaint
même pendant les étapes les plus rudes — il en fut une
quatorze heures — mais la camaraderie la plus franche,
plus cordiale, la plus sportive.
Nous ne dirons rien d'Olympie, si souvent visité par
croisières Budé, sinon qu'il fut agréable de s'attarder lo
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nion à deux couchers de soleil et de voir, au moment


départ, le jour poindre au-dessus de l'Alphée. Cette sim
réflexion pourtant : on a souvent regretté que dans cet ar
champ de fouilles qu'était Olympie on ait planté des p
Or, ces pins clairs sont l'arbre de toute l'Elide. Nous devi
les retrouver pendant une longue journée sur ces petites m
tagnes qui bordent la large et sinueuse vallée de l'Alphé
retrouver avec eux la même impression pénétrante de d
ceur et d'harmonie qu'à Olympie.
Les dures étapes commencèrent à Olympie. Elles con
tuèrent ce qu'on pourrait appeler la partie héroïque
voyage : Olympie-Andritsena a dos de mulet, à trav
des chemins de montagne au sud de l'Alphée, chemin
peine tracés où i'agoyate se reconnaît non sans peine. And
sena-Bassae : un trajet de trois heures dans un pays
sauvage pour trouver dans la solitude désolée d'un col à l
tersection de plusieurs vallées, un petit temple de pie
grise, sobre et pur de lignes, construit par l'architecte
Parthénon. Retour précipité, car l'orage menaçait.
La journée du lendemain fut une surprise. Nous devi
retrouver l'Alphée, non plus comme une rivière de plai
mais comme un torrent de montagne, rapide, encaissé en
de hautes parois rocheuses. C'est au sommet de la brèche
il s'engouffre que nous apparut Karytena. Rappel soudain
combien éloquent du passage des Francs il y a six siècl
Le château-fort se dresse sur un éperon, puissant, digne
grandioses montagnes qui l'entourent. Le charmant vill
construit à ses pieds, avec ses petites églises byzantines,
cyprès, ses jardins fait comprendre ce que devait être M
tra. Megalopolis offre peu d'intérêt. Nouveau changement
paysage pour entrer en Messénie : une région de causses, n
sans poésie, de montagnes sévères, un délilé et la ri
plaine messénienne dominée par le mont lthôme.
Nous ne dirons rien de Kalamata, sinon qu'il hébergea
notre arrivée 260 congressistes d'on ne sait quel congrès et q
— h\ —

Là commença la traversée du Taygète, la longue montée


jusqu'à Tsimiova par une route dallée, taillée en-escaliers,
véritable calvaire pour les mulets. Arrêt à Iannitsa où se
trouvent les restes d'une acropole cyclopéenne. C'était là,
pense-t-on, une ville appartenant à Ménélas, c'est par là que
Télémaque est passé, venant de Pylos etse rendant à Sparte.
Nous allions suivre l'antique route, la seule, celle de tou¬
jours. Ces contreforts du vigoureux Taygète ne le cèdent en
rien aux plus belles montagnes. Ces croupes rocheuses plan¬
tées de sapins, cette montée régulière et qui dure des heures
possèdent une vertu d'exaltation. C'est un des plus beaux
souvenirs du voyage. Les sommets dénudés qui sont le véri¬
table Taygète apparaissent enfin. Nous les apercevrons seu¬
lement ; nous cheminerons dans des forêts de pins, puis
dans cette langada de Tryppi, défilé entre de hautes falaises

où iléboulis
des nous faudra
et sauter
abandonner
comme des
leschèvres
muletsde
pour
rocher
marcher
en rocher.
dans

Nous ne dirons rien du reste de l'itinéraire qui est trop


connu. Un mot, pourtant, de cette excursion dans l'Arcadie
du Nord, région montagneuse, couverte de sapins, d'un
caractère original, qui fait comprendre la place particulière
occupée par l'Arcadie dans la littérature grecque.
Le séjour prolongé à Athènes n'était pas un effet du ha¬
sard ; il devait permettre non seulement de voir et d'étudier
à loisir le Parthénon et les musées, de flâner dans la vieille

ville, de faire quelques excursions en Attique, mais de goû¬


ter à la vie athénienne, d'apprendre à se reposer au milieu
du jour pour laisser passer la chaleur, de dînera dix heures
du soir, de s'attarder à Képhissia, à Glyphada, au vieux

et
Phalère
de la longtemps
douceur des
après
nuits.
minuit pour profiter de la fraîcheur

Nous nous en voudrions de ne pas mentionner pour termi¬


ner ce qui tut un des grands charmes du voyage, à savoir ce
contact journalier avec tout ce petit peuple si sympathique
des campagnes, agoyates, hôteliers, villageois, gens simples,
- 42 —

Et nous tenons ici à rendre hommage au brave et

Petro qui dirigeait notre petit groupe avec tact et au

imposant
berté. sa volonté et donnant à chacun l'illusion de

Nous ajouterons que le pittoresque disparaît rapid

de Grèce ; on trouve encore ici et là quelques vieux por

fustanelle et la veste brodée, mais nos muletiers avaie

faux-cols et des canotiers. Les routes s'améliorent ;

construit de nouvelles. Les amateurs de pittoresque d

donc se hâter ou l'aller chercher dans des régions plus

lées : l'Ëpire, la Thessalie, la Macédoine.

Ce voyage dans le Péloponèse a pleinement réussi. I

pas impossible que l'Association Guillaume Budé reno

l'expérience, soit en Grèce, soit ailleurs, en modifiant l

mule, en la précisant. Si elle s'attaque à des régions

tourisme n'existe pas, faute de routes, par manque d

confortables ou par absence d'hôtels, pourquoi n'aura

pas recours tout simplement au voyage à pied ou à d

mulet et au camping pendant toute la durée du voyage

plus pendant quatre jours héroïques? En dehors de la r

che de l'inédit, qui est un facteur secondaire, elle ver

un mode de voyager possédant une vertu éducatricc e

turelle, qu'elle se doit d'encourager.

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