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DE PEDAGOGIE MEDICALE
2004-2005
Dr Frank BELLIVIER
Département Universitaire de Psychiatrie Adulte
Groupe Hospitalier A. Chenevier-H. Mondor
Créteil
bellivier@im3.inserm.fr
INTRODUCTION
LA RELATION MEDECIN-MALADE
1- La relation médecin-malade est dysymétrique ……………………………..… 4
2- L’investissement par le patient du discours du médecin …………………….. 4
3- Relation médecin-malade ou la confrontation du savoir médical
et du savoir du patient ………………………………………………………….. 4
4- La subjectivité du patient comme entrave à la relation médecin-malade …….6
5- Conclusions sur la relation médecin-malade ………………………………...…7
CONCLUSION …………………………………….………………………………..20
INTRODUCTION
Les connaissances médicales (sémiologie, physiologie, physiopathologie, thérapeutique…) et
un « savoir faire » relationnel, sont indissociables pour l’exercice de la médecine. Ainsi, la
mise en œuvre de connaissances médicales et techniques pour la prise en charge d’un patient
s’appuie sur la mise en relation de deux personnes, avec leur sensibilité et leur subjectivité : le
médecin et le malade. La pratique médicale ne peut donc se résumer à l’application d’actes
techniques et procédures valides et la non prise en compte de cette dimension relationnelle de
l’acte médical peut avoir des conséquences dramatiques.
La formation des futurs médecin à cette dimension relationnelle et aux influences de
l’intersubjectivité dans la relation médecin-malade ne peut que partiellement reposer sur les
outils pédagogiques classiques (enseignements magistral, enseignement dirigés, vidéo…).
Elle exige des outils qui permettent à l’étudiant de faire l’expérience de cette dimension
subjective de la relation. Cette inter-subjectivité pourrait se définir comme l’influence de la
personnalité et des représentations du patient sur celles du médecin et vice versa. Pour cela, le
travail en petits groupes d’étudiants (type ED) est indispensable car il permet, pour une
situation donnée, de confronter des points de vue subjectifs, d’envisager l’influence des
représentations de l’étudiant sur la manière dont il va entrer en relation avec le patient et
d’aborder des situations de blocages possibles. Cependant , cela est insuffisant car la
dimension proprement inter-subjective de la relation médecin malade n’est pas expérimentée.
L’objectif de ce mémoire est de présenter les jeux de rôle comme outil pédagogique
indispensable, en complément des autres types d’enseignement sur la relation médecin-
malade, dans la mesure où cet ils permettent d’aborder cette dimension intersubjective. Dans
une première partie, nous rappellerons les caractéristiques particulières de la relation
médecin-malade, puis nous présenterons les différentes modalités d’apprentissage des aspect
relationnels de la pratique médicale. Dans une troisième partie, nous présenterons les jeux de
rôle comme outil pédagogique pour cet apprentissage, les précautions de mise en œuvre, en
particulier en ce qui concerne le choix des situations proposées aux étudiants et la formation
des enseignants. Enfin, nous présenterons le programme de jeux de rôle utilisé à la faculté de
médecine de Créteil avec les étudiants de DCEM1.
LA RELATION MEDECIN-MALADE
L’expérience de ces ED montre qu’ils sont très riches d’échanges et qu’ils permettent de
mettre à jour certaines compétences que les étudiants ont pour réfléchir à des questions très
complexes. Le retour qu’il font de ce type d’enseignement est globalement très bon. Ils font
l’expérience qu’il est possible d’aborder ces questions complexes et de confronter des
argumentaires contradictoires en fonction de la personnalité et de la sensibilité de chacun.
Dans cette situation relativement artificielle et théorique, ils font une première expérience de
la nécessité de tenir compte de sa propre personnalité pour entrer en relation avec un patient et
répondre à la demande qu’il adresse. La mise en situation par les jeux de rôle constitue une
étape suivante dans laquelle il vont expérimenter cette confrontation de positions subjectives :
celle du patient et celle du médecin.
3-2- Objectifs
Les jeux de rôle ont pour objectif de permettre à l’étudiant:
- de s’imaginer dans sa future fonction de médecin
- d’apprendre à écouter
- de révéler un fonctionnement relationnel et les distorsions dans la relation
- de découvrir la capacité à concevoir différentes hypothèses afin d’adapter ses réponses
Les étudiants découvrent qu’il n’y a pas une réponse univoque qui serait la bonne, que la
relation modifie les opinions. L’expérience des jeux de rôle montre par exemple que telle
opinion arrêtée exprimée par un étudiant s’avèrera insoutenable lorsqu’il la jouera.
5- Grille d’observation
Des grilles d’observation cadrent l’analyse des observateurs sur les points importants :
- L’écoute : repérage de la demande latente, plus authentique que celle qui est exprimée
- Révélation d’un comportement rationnel : meilleure perception d’autrui dégagée de ses
projections et prise de conscience de ses propres affects devant un patient et de ce qu’ils
induisent.
- Initiation à la résolution de conflits ultérieurs par la résolution de conflits fictifs
2- Le déroulement du jeu
Sa durée recouvre en général celle d’une consultation : entre dix et vingt minutes.
Le jeu terminé, il peut être immédiatement poursuivi en intervertissant les rôles ou laissé à
l’appréciation du groupe avant d’être repris. Quoiqu’il en soit, les animateurs interrogent en
premier lieu, le « médecin » et le « malade » sur ce qu’ils ont ressenti durant leur jeu
respectif. Ensuite, ils procèdent à un tour de table, chacun dans le groupe prend la parole pour
livrer ce qu’il a observé du « médecin » et du « malade ».
En principe les enseignants laisse le jeu se dérouler jusqu’à son terme. Cependant, il leur
arrive d’intervenir pour le suspendre ou pour l’empêcher de déraper dans une voie sans issue :
- la situation s’enlise ou le joueur sollicite une aide.
Le jeu est interrompu. Derechef, l’un des animateurs demande au joueur désemparé – le plus
souvent celui qui joue le médecin – de verbaliser ce qu’il ressent et ce qu’il pense.
- soit, il trouve sa solution en envisageant une autre attitude et le jeu reprend ;
- soit il ne trouve pas de solution et le groupe intervient pour en suggérer. Le joueur en choisit
une et reprend le champ.
En général, peu avant que le cours se termine, les enseignants font une synthèse des
différentes attitudes qu’ils commentent en fonction de leur expérience.
EXEMPLES DE JEUX DE ROLE
LA SITUATION
Mise en place à l’avance des conditions de garde d’une vieille dame de 88 ans qui est
impotente et obèse (séquelles d’hémiplégie droite, HTA ).
Elle est prise en charge par son fils et sa belle-fille depuis 5 ans.
La famille habite dans un pavillon de plain-pied dans un village, à 50 km d’une grande ville
Le mari, 57 ans, est chef d’équipe chez Renault. Son épouse, 55 ans, ne travaille pas. Elle
s’occupe de sa belle-mère. Le kiné passe deux fois par semaine. Une infirmière habite le
village. Le couple a 3 enfants : 30, 25 et 18 ans. Seul le dernier vit encore sous le toit de ses
parents et doit partir à l’étranger pour ses vacances.
Depuis 5 ans le couple n’a pas pris de vacances. Elle voudrait en prendre. Lui est très
culpabilisé de partir en vacances en laissant sa mère. Celle-ci, soumise et passive, fera ce que
dira son fils. Par ailleurs, la vieille dame est très attachée à son chat.
Le médecin soigne la famille depuis 8 ans. Il est appelé en consultation à domicile pour
monsieur qui s’est fait une entorse. Sa femme profite de l’occasion pour envisager, avec le
médecin, la garde de sa belle-mère durant les vacances cet été. Il reste cinq mois, pour en
décider.
OBJECTIFS
- Entendre la demande ;
- Ecouter, permettre à chacun de s’exprimer ;
- Poser des questions : donner la parole à tous les acteurs ;
- Prendre en compte le point de vue de chacun ;
- Lister les enjeux, peser le pour et le contre de la situation ;
- Utilisation de la reformulation ;
- Recentrer le débat, pour que chacun puisse envisager une solution ;
- Eventuellement en proposer quelques-unes sans les imposer ;
- Observer la congruence du discours du médecin / famille.
2- UNE ERREUR MEDICALE
LA SITUATION
Une femme de 43 ans, soignée depuis 25 ans par son généraliste vient le consulter pour une
douleur au côte. Il prescrit du magnésium.
La patiente visiblement mécontente revient deux semaines après : « Vous ne le savez peut-
être pas, Docteur, mais le lendemain de ma dernière consultation chez nous, c’est votre
remplaçant qui est venu à mon domicile. Il m’a hospitalisée d’urgence car je faisais une
embolie pulmonaire. J’ai bien failli en mourir ! ».
La patiente a un comportement agressif et revendicateur. Elle cherche à culpabiliser le
médecin.
LA MALADE
Elle sort de l’hôpital. Elle est très en colère et pleine de reproches. Son médecin, à qui elle
fait confiance depuis 25 ans, ne l’a pas prise au sérieux. Il ne l’a ni écoutée, ni examinée,
alors que son remplaçant l’a fait. Bien qu’elle soit déçue, elle aime bien son médecin.
LE MEDECIN
Dans un premier temps il est surpris par l’agressivité de cette patiente. Il a effectivement fait
une erreur de diagnostic.
Quelle sera sa réaction ?
OBJECTIFS
- Pour le moins, écouter les récriminations de la patiente.
- Reconnaître les faits et l’erreur de diagnostic.
-Adopter un comportement en adéquation avec l’intention profonde :
- soit en maintenant la relation et en rétablissant la confiance ;
- soit en mettant un terme à toute relation future.
3- UNE DAME OBESE ET DIABETIQUE : Le médecin confronté à l’impuissance…
LA SITUATION
Une dame de 43 ans, mariée avec un chauffeur routier. Un enfant de 19 ans qui vit à la
maison et travaille. Elle est hypertendue, diabétique et obèse. Elle a des varices et mal aux
jambes. Cette patiente assure qu’elle respecte les traitements et le régime alimentaire prescrit
par le médecin alors qu’il constate une constante prise de poids. Elle vient voir le médecin
régulièrement tous les mois. Et, chaque mois il constate son échec.
LA MALADE
Vous êtes femme au foyer, mariée à un chauffeur routier, souvent absent de la maison,
comme votre fils unique de 19 ans qui travaille mais vit chez vous.
Vous avez un diabète et une hypertension artérielle. Vous avez du mal à vous déplacer, vos
jambes vous font souffrir. Vous prenez régulièrement vos médicaments et suivez – dites vous
– régime alimentaire prescrit. Chaque mois allez voir votre médecin, vous constatez avec lui
que vous avez encore pris du poids. Vous ne comprenez pas pourquoi…
LE MEDECIN
Vous êtes le médecin de la famille. Depuis des années vous suivez cette patients,
hypertendue, diabétique et obèse. Elle vient tous les mois et vous constatez chaque fois
qu’elle a encore pris du poids.
OBJECTIFS
- Constater l’échec quant à la perte de poids.
- Faire reconnaître cet échec par le patient.
- Questionner la patiente sur la signification qu’elle attribue à cet échec.
- Proposer d’en comprendre avec elle la raison qui pourrait être affective : l’ennui ?
- Etablir le lien entre le psychique et le somatique.
- Ne pas rejeter la patiente.
- Etre tolérant, maîtriser sa propre agressivité.
4- DEMANDE D’UNE PRESCRIPTION POUR UN TIERS
LA SITUATTION
Une patiente, 46 ans, que le médecin connaît de longue date, vient consulter pour des troubles
circulatoires. En sortant de sa consultation, elle vous demande d’ajouter à son ordonnance un
somnifère ou un calmant pour son fils.
Son fils, 17 ans, vous l’avez suivi durant son enfance pour des affections bénignes. Sa mère
vous dit que depuis plus d’un mois il n’arrive pas à se coucher et dort trop peu. Le soir, il
tourne dans l’appartement et s’agite jusqu’à 4 heures. Le matin, il n’arrive pas à se lever pour
aller au lycée. Il semble fatigué et toujours de mauvaise humeur.
La mère dit en substance : son fils manque de sommeil, il ne dort pas assez, c’est pour cette
raison qu’il est fatigué. Elle lui a dit d’aller voir le médecin, mais il ne veut rien entendre.
D’ailleurs quand on veut lui parler, il quitte la pièce en claquant la porte et va s’enfermer
dans sa chambre. Il refuse tout dialogue…Elle ne sais plus quoi faire.
Elle ajoute : « Si vous pouviez ajouter à mon ordonnance un calmant ou un somnifère pour
mon fils ».
OBJECTIFS
- Refuser toute prescription sans poser un diagnostic qu’implique une consultation ou un
examen.
- S’informer de la difficulté actuelle de cet adolescent en faisant réfléchir la mère.
- Proposez quelques hypothèses qui permettraient de comprendre son comportement et ses
troubles du sommeil.
- trouver une solution pour essayer d’avoir un entretien avec lui.
5- LA RELATION MERE – ENFANT
LA SITUATION
Une dame, 34 ans, vient pour la première fois consulter le médecin pour Paul, son petit
garçon de 5 ans. Il dort mal, vomit souvent les repas et se plaint d’avoir mal au ventre.
Vous venez d’emménager en proche banlieue parisienne, après une séparation houleuse
d’avec votre mari. Vous viviez depuis l’âge de 21 ans avec votre futur mari qui avait entrepris
de longues études. Pendant ce temps, votre salaire assurait le quotidien. Depuis votre mari à
une belle situation. Il y a cinq ans vous vous êtes mariés quand vous attendiez un enfant et
vous avez cessé de travailler. Vous habitiez à Paris dans un grand appartement très
confortable, que vous aviez aménagé et décoré avec goût. Peu après la naissance de Paul, vos
relations de couple se sont détériorées. C’est lorsque vous avez appris qu’il vous trompait
avec une jeune femme de 25 ans, que vous avez décidé de le quitter.
En attendant que le divorce soit prononcé, vous vivez depuis trois mois, dans un appartement
de trois pièces. Vous avez retrouvé un emploi et inscrit Paul dans une nouvelle école. Il reste
à la cantine et à la garderie jusqu’à votre retour du travail. Depuis son comportement a
changé, il n’est plus vif et enjoué comme avant. Le soir, il refuse d’aller au lit. La nuit, il se
réveille et vient dans votre lit, vous vous sentez obligé de le garder près de vous pour le
rassurer.
L’ENFANT
Vous avez 5 ans et vous avez « mal au ventre ». Vous êtes venu chez le médecin avec votre
ours. Vous sucez votre pouce, renfrogné vous baissez la tête et vous vous accrochez à votre
mère. Vous avez déménagé et changé d’école, votre institutrice ne vous plait pas. Vous voyez
votre père tous les 15 jours.
LE MEDECIN
Vous voyez cette dame et son enfant pour la première fois. Elle vient vous consulter pour
Paul. Il se réveille la nuit en pleurant, il a perdu l’appétit, vomit ses repas, il a mal au ventre.
Vous l’avez minutieusement ausculté, vous n’avez rien trouvé d’inquiétant. Paul sagement
s’est laissé faire, mais il fuit votre regard.
OBJECTIFS
- Repérer l’état dépressif de l’enfant.
- Comprendre le symptôme de l’enfant dans son contexte relationnel.
Explorer la situation de la mère et de l’enfant pour comprendre pourquoi Paul
présente depuis peu de temps des troubles dont il ne souffrait pas avant.
Faire parler la mère et trouver un moyen pour que Paul s’exprime aussi.
- Interroger la mère sur ses conditions actuelles de vie.
- Reconnaître avec elle que les circonstances de sa séparation sont douloureuses.
- Faire intervenir l’enfant.
- Trouver un moyen pour lui permettre de s’exprimer personnellement.
- Faire taire sa mère, avec sollicitude, pour laisser la parole à l’enfant.
- Aider la mère à penser que son enfant ressent confusément à travers elle ses peines et ses
difficultés actuelles, qu’ensemble ils vivent une situation pénible.
- Rapporter les troubles digestifs de l’enfant, comme ses troubles du sommeil, à sa
problématique affective et à son état dépressif.
- Amener la mère à adopter ce point de vue.
6- LE CANCER DU SEIN : Découverte d’un nodule mammaire
LA SITUATION
Cette patiente de 35 ans vient consulter pour des migraines. En consultant sa fiche, le
médecin s’aperçoit qu’il n’a pas examiné les seins depuis deux ans. Il découvre un nodule
dans le sein gauche. Elle est au onzième menstruel et porte un stérilet.
LE MALADE
Vous êtes enseignante et mère de deux jeunes enfants. Vous avez un tempérament anxieux et
consultez assez souvent votre médecin pour des troubles fonctionnels, comme aujourd’hui.
Vous avez des difficultés dans votre couple et vous êtes en deuil de votre père.
Vous êtes surprise d’apprendre la présence d’un nodule dans votre sein, immédiatement vous
pensez au cancer. Par ailleurs, vous n’avez aucun antécédent particulier, personnel ou
familial.
LE MEDECIN
Vous avez 40 ans, « préventionniste » convaincu.
Vous suivez cette patiente ainsi que ses enfants depuis que vous êtes installé. Vous la savez
anxieuse et devez lui annoncer que vous avez palpé un nodule dans son sein gauche. Vous
avez récemment découvert un cancer du sein chez une jeune femme.
OBJECTIFS
- Obtenir que la malade fasse sans attendre une mammographie.
- Prévenir d’une possible ponction du nodule, pour examen anatomo-pathologique.
- Dire qu’il y a suspicion de malignité en se montrant rassurant.
- Adapter le propos au comportement et à l’entendement de la patiente.
CONCLUSION SUR LES JEUX DE RÔLE COMME OUTIL PEDAGOGIQUE DANS
LA FORMATION DES ETUDIANTS EN MEDECINE A LA RELATION MEDECIN-
MALADE