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L’art de questionner – Lionel BELLENGER 1
L’art de questionner
Mieux se comprendre pour pouvoir convaincre
Lionel BELLENGER

INTRODUCTION
En entretien de face à face, en groupe ou en réunion, le
questionnement se situe au cœur de l’échange. Par le type
de questions choisies et par la façon de les administrer et de
les enchaîner, il explique largement l’efficacité, la producti-
vité, l’aisance et le confort de l’échange.

Telle une passerelle jetée vers l’autre, le questionnement per-


met de partager de l’information entre des interlocuteurs
pour une bonne compréhension de chacun. Il met en valeur
les propos de l’autre. L’art de questionner est un véritable sa-
voir-faire de la communication.

Le questionnement apparaît sous deux aspects. Le volet ins-


trumental d'abord se réfère au maniement des techniques
de questionnement. Six catégories de questions de nature
variée génèrent un effet différent, selon la façon de les utiliser
et de les doser. Le volet psychologique quant à lui renvoie à
notre rapport à l’autre, considérant de multiples attitudes
possibles (empathie, vigilance, méfiance, attitude construc-
tive…). Ce questionnement vise à créer une relation de con-
fiance avec l’interlocuteur, à valoriser l’échange et à faciliter
la communication de l’autre.
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Le questionnement est aussi au cœur du développement
personnel. Il permet à chacun de progresser et d’évoluer.
Ainsi, une bonne compréhension passe souvent par la qualité
du questionnement.

Découvrons-en d'abord les techniques du point de vue ins-


trumental…

I. LES QUESTIONS FERMÉES


Au premier rang du volet instrumental, les questions fermées
n’ont pas pour fonction de créer le dialogue. Elles permet-
tent de valider, vérifier et collecter des informations.

La question fermée classique commence par les tournures


« est-ce que, êtes-vous, avez-vous… ? ». Elle appelle donc
une réponse claire et simple : « oui » ou « non ». Toutefois, ne
sous-estimons pas son importance, car elle amène ainsi l’in-
terlocuteur à s’engager ! Posée au tout début d’un entretien,
la question fermée peut donner l’impression d’une certaine
brutalité. Compte tenu de ses conséquences, il convient de
savoir la manier avec prudence.

Les questions précises, informatives ou factuelles commen-


çant par « qui, quand, où, combien, lequel… ? » sont égale-
ment des questions fermées. Moins engageantes que les pré-
cédentes, elles collectent de l’information et des éléments
factuels. Elles permettent aussi de renseigner et de préciser
les choses. Elles appellent normalement une réponse unique
et précise.

Attention ! Dans la pratique quotidienne, par un défaut ou


par un biais d’écoute, l’interlocuteur donne parfois une ré-
ponse surprenante ou inadaptée. Il convient alors de reposer
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la question telle quelle, pour obtenir l’information recher-
chée. La qualité d’écoute associée à la manière de ques-
tionner est donc absolument essentielle à une bonne com-
munication !

Une succession de questions informatives risque de créer un


effet d’interrogatoire qui peut se révéler désagréable. Il est
donc préférable de ne pas les enchaîner, car le questionne-
ment suppose un certain niveau de confiance de la part de
l’interlocuteur qui se dévoile.

Dernière catégorie des questions fermées, les questions à


choix multiple sont très utilisées par les commerciaux dans
leurs techniques de vente. En soumettant un panel de possi-
bilités à l’interlocuteur, elles visent généralement à recueillir
une réponse favorable, ce qui serait moins évident avec une
question fermée classique commençant par « est-ce
que… ? » Elles exercent une sorte d’influence sur l’interlocu-
teur en le guidant doucement vers une solution qu’il ne choi-
sirait peut-être pas spontanément. Ainsi, elles permettent
d’obtenir son accord rapide sur une suggestion qui lui est pro-
posée.

Les questions fermées doivent être utilisées à bon escient et


selon un certain dosage. Elles sont cependant nécessaires
pour assurer une collecte d’informations précises. Elles contri-
buent également à s’entendre avec l’interlocuteur sur la po-
sition claire et l’engagement de chacun.

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II. LES QUESTIONS OUVERTES
À l’inverse des questions fermées, les questions ouvertes cher-
chent à créer le dialogue avec l’interlocuteur et l’autorisent
à développer ses idées. Elles se distinguent en trois versions.

Premièrement, la question ouverte commençant par « Que,


quel, qu’est-ce que… ? » n’est pas très précise. Une fois qu’il
a la parole, il se peut que l’interlocuteur enchaîne ses propos
sans suivre un réel fil conducteur. Il convient donc de structu-
rer sa réponse en deux parties pour éviter toute dérive ou as-
sociation d’idées.

Deuxièmement, les questions ouvertes débutant par « Com-


ment… ? » sont efficaces et exigeantes. Elles appellent l’in-
terlocuteur à décrire quelque chose. Elles révèlent aussi son
degré de compétence, de connaissance ou d’expertise sur
un sujet. À ce titre, elles sont fréquentes dans les entretiens de
bilan, d’appréciation ou de recrutement. Pour varier les ex-
pressions, mais dans le même esprit d’efficacité, elles peu-
vent également commencer par « de quelle manière... »,
« de quelle façon... » ou « par quel moyen... ».

Troisièmement, la question ouverte débutant par « pourquoi »


appelle une justification de la part de l’interlocuteur. Souvent
associée à une tournure négative, elle déclenche une ré-
ponse de type défensif, car l’interlocuteur ressent un senti-
ment de reproche et une mise en cause. Pour atténuer cet
effet, il est donc préférable de remplacer « pourquoi… » par
« qu’est-ce qui explique que… » ou éventuellement « pour
quelles raisons… ». Veillez toutefois à l’utiliser avec précaution
pour éviter de générer des tensions au cours d’un échange !

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Les questions ouvertes complètent parfaitement les questions
fermées. En groupe ou en face à face, un bon dosage des
deux catégories détermine un certain rapport à l’autre et
permet de mieux le comprendre.

III. LES QUESTIONS SUGGESTIVES


Les questions suggestives, également appelées inductives,
directives ou dirigées, cherchent à influencer l’interlocuteur.
Parfois même, elles contiennent la réponse ! Il faut donc être
conscient de leur fonction d’influence, qui comporte à la fois
des avantages et des risques. Voyons les trois formes sous les-
quelles apparaissent les questions suggestives.

Sous la tournure interro négative, elles sont fréquentes dans


l’univers journalistique : « Ne pensez-vous pas que… ? » « Ne
serait-il pas nécessaire de… ? » Telle une main de fer dans un
gant de velours, elles sont utilisées pour orienter doucement
l’interlocuteur. Celui-ci ressent une certaine pression, car il ne
peut guère s’opposer à ce qui est « demandé ». La question
suggestive est en fait une fausse question. Elle est clairement
un exercice camouflé de l’autorité.

« Pourquoi es-tu en retard ? Il y avait des embouteillages ? »


Comme dans cet exemple, la question suggestive contient
parfois la réponse, ce que l’on appelle communément « faire
les questions et les réponses ». Dans ce cas, on introduit un
biais dans l’échange et on brouille la communication en for-
çant la réponse de l’autre, qui se voit obligé d’acquiescer.
Ce type de questionnement offre toutes les conditions du
malentendu : celui qui interroge obtient certes le résultat qu’il

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attendait, mais qui ne correspond pas à la réalité de son in-
terlocuteur. Il fait des attributions à ce dernier, au risque de le
dévier de sa propre réalité.

Au travers de la question suggestive, au lieu de respecter


l’autonomie et la singularité de l’autre, on lui soumet un avis
qu’il peut valider ou non. Très pratiquée dans la vie courante,
elle biaise les réponses. On peut d’ailleurs s’interroger sur la
fiabilité de celles-ci.

Enfin, affirmer quelque chose sur un ton interrogatif est aussi


une question suggestive. Par exemple, les expressions « Pas
d’apéritif ? », « Pas de questions ? » … incitent peu à com-
mander un apéritif ou à poser des questions… Ainsi, la ques-
tion prescrit directement la réponse. C’est terriblement ma-
ladroit, comme si l’on pensait à la place de l’autre. Dans ce
cas, il n’est pas possible de véritablement écouter et de com-
prendre la réalité de l’autre.

En résumé, les questions suggestives ont une faible valeur in-


formative et de dialogue. Elles démontrent une certaine in-
fluence et l’exercice d’une pression insidieuse sur l’interlocu-
teur. Néanmoins, elles peuvent servir à faire valider ou confir-
mer par ce dernier des propos qu’il a tenus ou sous-entendus
précédemment. Par une reformulation ou restitution des pa-
roles de l’autre, on s’assure de bien le comprendre.

Pour ne pas polluer la communication en étant trop impré-


gné de ses propres croyances ou réponses, il convient de
préférer les questions ouvertes aux suggestives. Ces dernières
sont même à déconseiller fortement dans tous les entretiens
de type évaluation, audit ou recherche de diagnostic, où la

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priorité doit être donnée à la réalité de l’autre et à l’objecti-
vité. En effet, la manière de questionner conditionne vérita-
blement les répliques obtenues.

Pour progresser en questionnement, il faut donc être cons-


cient que la nature de la question posée influence largement
celle de la réponse. Les questions suggestives doivent être
utilisées à bon escient et avec parcimonie pour éviter toute
projective dans l’échange. Le fait de faire les demandes et
les réponses conduit à des dialogues illusoires et à des simu-
lacres de communication.

IV. LES QUESTIONS RELAIS ET LES QUESTIONS


MIROIR

1. Les questions relais


La question relais sert à approfondir les propos de l’interlocu-
teur. Elle s’appuie sur les mots qu’il vient d’énoncer. Elle
montre à la fois une belle qualité d’écoute et une volonté de
comprendre l’autre, tout en gardant une certaine distance.

Elle s’exprime par les mots relais suivants :

 C’est-à-dire  Sur quel plan


 Par exemple  Dans quel cas
 En quoi  Dans quel domaine
 En quel sens  Sur quel critère
 Par rapport à quoi

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Les questions relais incitent l’interlocuteur à poursuivre son rai-
sonnement. Contrairement à la question suggestive ou pro-
jective, elles obligent à se centrer sur l’autre pour qu’il s’ex-
plique et se dévoile davantage.

2. Les questions miroir


Après avoir entendu sa présentation, un couple indique au
vendeur : « Votre offre est très intéressante, mais ce n’est pas
ce que nous recherchons.
 Que recherchez-vous ? », demande le vendeur.

La question miroir reprend tel quel et sur un ton interrogatif


tout ou partie de ce que vient de dire l’interlocuteur. Elle per-
met de prolonger et d’amplifier le dialogue. Avec la question
miroir, on montre de l’empathie pour l’autre. On veut parta-
ger et se rapprocher de lui pour réellement comprendre ses
propos, selon sa propre logique. Elle facilite l’échange et per-
met à l’interlocuteur de s’exprimer.

Bien dosées et maîtrisées, les questions relais et miroir appor-


tent de la profondeur et de la richesse à la communication.
En s’entraînant à cet exercice, il est possible de les utiliser peu
à peu par réflexe. Elles complètent parfaitement les ques-
tions ouvertes et fermées et se démarquent des suggestives.
En face à face ou en groupe, les questions relais et miroir
constituent un double outil de questionnement centré sur l’in-
terlocuteur et facilitateur de l’échange.

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V. LES QUESTIONS PIÈGES
La question piège cherche délibérément à mettre l’interlo-
cuteur à l’épreuve ou en difficulté, voire à lui faire du mal. Elle
vise aussi à dévoiler une ignorance ou une incompétence
dans un contexte de rapport de force. Elle peut prendre des
formes variées. Il s’agit par exemple de :

 Prêcher le faux pour savoir le vrai


 Poser une question en présumant que l’interlocuteur
ne connaît pas la réponse
 Provoquer, pousser quelqu'un à la faute ou dans ses
retranchements pour l’amener soit à se rebeller, soit
à se soumettre
 Poser des questions dérangeantes ou taboues
 Exhumer des contentieux qui mettent l’interlocuteur
en position de dépendance ou de soumission

Au lieu de favoriser le dialogue, les questions pièges génèrent


de l’antagonisme. Elles représentent une manière difficile et
dangereuse de questionner. Relativement fréquentes dans
la communication humaine, la vie de l’entreprise, la relation
journalistique ou l’univers politique, elles provoquent des dé-
gâts sur les personnes.

Pour ne pas être victime des questions pièges, il est important


de savoir les identifier et s’en dégager. Par exemple, ré-
pondre à une question piège par une autre question permet
de la déjouer et de renvoyer l’interlocuteur à lui-même. Elles
présentent néanmoins un intérêt face à un interlocuteur de
mauvaise foi et peuvent justement servir à le démasquer.

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Concluons maintenant sur les questions de type instrumen-
tal... Elles se regroupent en deux grandes catégories. D’une
part, les questions ouvertes, relais et miroir constituent de vé-
ritables outils du dialogue. Elles marquent l’empathie, la vo-
lonté de coopération entre les acteurs et un échange ouvert.
D’autre part, les questions fermées, suggestives et questions
pièges correspondent à un univers d’influence, de contrainte
et de pression.

En entretien de face à face, en groupe ou en réunion, le


questionnement – d’un point de vue instrumental – favorise
donc largement la productivité des échanges et de la com-
munication. Pour le maîtriser, il convient de prendre cons-
cience de la nature spécifique des questions, de leurs effets
positifs et secondaires et de leur éventuelle dimension pro-
jective, susceptible d’influencer les réponses de l’autre.

La communication est une interaction ; le questionnement


en est l’outillage et il a une influence sur la qualité du dia-
logue. Pour créer les conditions optimales d’une bonne com-
préhension, il faut donc savoir :

 Quelles questions utiliser


 Comment les utiliser
 À quelle fin les utiliser

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VI. LE QUESTIONNEMENT D’UN POINT DE VUE
PSYCHOLOGIQUE
« Questionner, c’est jeter une passerelle vers l’autre. » Le
questionnement marque aussi notre conception du rapport
à l’autre, car la façon de questionner influence la qualité de
l’échange et de la compréhension mutuelle.

D’un point de vue psychologique, trois éléments sont liés à


l’art de questionner.

D'abord, l’empathie tient une place importante dans le


questionnement. Elle vise à se rapprocher de l’interlocuteur,
à le comprendre et à saisir sa réalité. Elle permet d’améliorer
la qualité de la compréhension.

Ensuite, le questionnement implique de savoir se remettre soi-


même en cause. La capacité à s’autoquestionner oblige et
aide à progresser. Bien qu’ingrat, difficile et exigeant, cet
exercice peut notamment être pratiqué – éventuellement
par écrit – pour préparer un entretien.

Enfin, le questionnement est un élément de notre dévelop-


pement personnel. Pour évoluer, il est important de pouvoir
questionner à la fois les autres et soi-même.

Il est tout à fait possible de s’entraîner au questionnement.


Posez-vous quelques questions chaque jour, écrivez-les, en-
registrez-les ou écoutez des interviews à la radio ou à la télé-
vision !

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CONCLUSION
Chercher à comprendre l’interlocuteur versus vouloir l’in-
fluencer ?

Veillez toujours à maintenir l’équilibre entre ces deux atti-


tudes. En toutes circonstances, la clé du dialogue se situe
d'abord dans une bonne compréhension, avant l’exercice
d’une quelconque influence.

Il convient donc de questionner…

 En utilisant au mieux les outils disponibles


 En ayant conscience de la nature des questions
 En n’oubliant jamais que les réponses reçues dépen-
dent de la nature des questions posées

… À VOS QUESTIONS !

Ce livret ne peut être vendu séparément du coffret


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