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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

Ministère de l’Enseignement
Supérieur ‫وزارة اﻟﺘﻌﻠﲓ اﻟﻌﺎﱄ و اﻟﺒﺤﺚ اﻟﻌﻠﻤﻲ‬
et de la Recherche Scientifique ‫ﺎﻣﻌﺔ اﶊﺪ ﺑﻮﻗﺮة‬
Université M’hamed BOUGARA
‫ﺑﻮﻣﺮداس‬
Boumerdès

Faculté des langues étrangères.


Département de français.
Année universitaire 2021/2022.
Module : Linguistique L2.
Enseignant : M.MORSLI.
I- Concepts fondamentaux de la théorie saussurienne et approches méthodologiques.
1- Les concepts fondamentaux :
1- 1- Le signe linguistique:

Pour définir le signe linguistique, Saussure commence par écarter la chose (le référent, l’objet
extralinguistique) : «Le signe linguistique unit non une chose et un nom mais un concept et une image
acoustique» (Saussure, cité par M. Arrivé, 2007: 43). Pour Saussure donc, le signe est l’association d’un
concept et d’une image acoustique. Par la suite, il remplace concept et image acoustique par les termes signifié
et signifiant. Le signe linguistique est de nature psychique (de nature mentale) étant donné que les deux parties
qui le constituent, le signifié et le signifiant « sont également psychiques » (CLG : 21). Constantin, un auditeur
des cours de Saussure note: «le signe linguistique repose sur une association faite par l’esprit entre deux
choses très différentes, mais qui sont toutes deux psychiques (…) : une image acoustique est associée à un
concept» (Cité par Arrivé 2007: 43).

1-1- 1- Les caractéristiques fondamentales du signe linguistique selon Saussure : Le signe linguistique est
arbitraire, le signifiant est linéaire.
a- L’arbitraire du signe linguistique:

Dans une première formulation, il est posé dans le CLG que le rapport entre les deux faces du signe, le
signifiant et le signifié est arbitraire. Par la suite, il est dit le signe linguistique est arbitraire (Saussure, cité par
Arrivé: 46).

Dans le CLG, on trouve cet exemple « (…), l’idée de « sœur » n’est liée par aucun rapport intérieur avec la
suite de son s-ö-r qui lui sert de signifiant; il pourrait être représenté par n’importe quelle autre » (Saussure,
cité par Arrivé: 49).

- Démonstration de l’arbitraire du signe linguistique par Saussure:

Le CLG donne la preuve de cet arbitraire en recourant à la comparaison entre les langues: «le signifié
« bœuf » a pour signifiant b-ö-f d’un côté de la frontière et o-k-s de l’autre » (CLG)1.

1- Cette démonstration de Saussure a été critiquée par Benveniste et par d’autres linguistes. Saussure a commencé par écarté le
référent en définissant le signe puis il le réintroduit pour démontrer l’arbitraire du signe. Dans la démonstration de l’arbitraire du
signe, le raisonnement de Saussure porte sur le rapport signe référent et non pas sur le rapport signifié/signifiant. Pour
b- La linéarité du signifiant :

Le signifiant est de nature linéaire : les éléments qui compose le signifiant se présente sous la forme d’une
chaine linéaire : « Le signifiant, étant de nature auditive, se déroule dans le temps seul et a les caractères qu’il
emprunte au temps: a) il représente une étendue, et b) cette étendue est mesurable dans une seule dimension:
c’est une ligne » (Saussure cité par Arrivé 2007 : 57).

Exemple : Les sons qui composent le signifiant auditif [tabl] se déroulent dans le temps et se succèdent en
formant une ligne [t] [a] [b] [l].

Mais, étant donné que le signifiant est, pour Saussure, de nature mentale et psychique, comment peut-il
avoir une étendue dans le temps? Cette contradiction apparente se résout si on comprend que le signifiant dont
il s’agit est le signifiant de la parole et non pas celui de la langue : « la chaîne de la parole, forcément, se
présente à nous comme une ligne » (Saussure cité et souligné par M. Arrivé: 58). Saussure «marque
explicitement que c’est la «chaîne de la parole» qui est affectée par la linéarité, et il indique clairement que cet
assujettissement au temps lui vient du caractère matériel des éléments phoniques qui la constituent » (Arrivé:
59). Le signifiant concerné par la linéarité est le signifiant matériel est concret de la parole. Saussure ne dit rien
sur la linéarité du signifiant psychique et incorporel (c'est-à-dire immatériel) de la langue (Arrivé 2007 :60).

1- 2- Mutabilité et immutabilité du signe :

Selon Saussure, le signe est à la fois mutable et immutable. Les signes linguistiques sont immutables, c'est-
à-dire stables, car ils se transmettent de génération en génération et l’individu en hérite dans leur stabilité
(CLG). Mais il arrive que se produise « un déplacement du rapport entre le signifié et le signifiant », Saussure
parle alors de la mutabilité du signe linguistique. Il s’agit d’une évolution interne du signe. Un déplacement du
rapport entre le signifié et le signifiant. Exemple necare (tuer) en latin donne en français ‘’noyer.’’ (CLG 2005 :
83).

1-3- Le système de signes et la notion de valeur :

Pour F. De Saussure, la langue n’est pas une nomenclature2, c’est un système de signes. A l’intérieur du
système, les éléments se définissent de façon négative est différentielle par des relations d’oppositions. C’est
par ces relations d’opposition et de différence que les éléments du système acquièrent une valeur :
« considérée à n’importe quel point de vue, la langue ne consiste pas en un ensemble de valeurs positives et
absolues mais dans un ensemble de valeurs négatives ou de valeurs relatives n’ayant d’existence que par le fait
de leur opposition » (Saussure ELG, cité par Sarfati, Paveau 2003 : 77). « Dans la langue, il n’y a que des
différences. (Saussure cité par Arrivé 2007 : 72). La valeur d’un élément linguistique, à quelque niveau que ce
soit (mots, phonèmes, syntagme, etc.,) se comprend dans les relations qui l’opposent aux autres éléments du
système de même niveau.

Benveniste «quand il [Saussure] [parle] de la différence entre b-ö-f et o-k-s, il se réfère malgré lui au fait que ces deux termes
s’appliquent à la même réalité. Voilà donc la chose, expressément exclue d’abord de la définition du signe, qui s’y introduit par un
détour et qui installe en permanence la contradiction » (Benveniste 1939 : 24). Selon Benveniste, ce rapport (signifié/signifiant)
est nécessaire car « ensemble les deux ont été imprimés dans mon esprit » (idem : 25). Pour M. Arrivé (2007), l’arbitraire du
signe est indémontrable, il faut l’admettre comme un postulat.
2- C'est-à-dire une liste de mots qu’on applique à des objets du monde. Lire G. Sioufi, Raemdonck. D.V 2009 : 86.
Exemple (01) : Prenons le sous-système morphologique du nombre dans l’arabe et dans le français.

Le nombre dans l’arabe Le nombre dans le français.

Ainsi, pour le français la valeur du pluriel se définit négativement et se délimite par opposition au singulier
(le pluriel n’est pas le singulier), mais dans la langue arabe elle se définit et se délimite en l’opposant au
singulier et au duel ( ‫ )ا‬: pour la langue arabe, le pluriel n’est pas le singulier et n’est pas le duel.

Exemple : (02) :

- Le sous-système lexical

(CLG 2005 : 124) « (... ) les synonymes craindre, redouter n'existent que l'un à côté de l'autre, craindre
s'enrichira de tout le contenu de redouter tant que redouter n'existera pas.».

La valeur de ces mots est définie par les relations de différences (définition négative) qui les opposent dans
le (sous-) système lexical du français. La valeur de l’un se définit par opposition (et par négation) à celle de
l’autre : Redouter = (est différent de, n’est pas) craindre. Un locuteur qui parle français, comprendra redouter
en l’opposant à craindre, et à d’autres termes qui existent dans le sous-système lexical français. Si le mot
‘’redouter’’ disparait, sa zone sémantique sera investie par le mot ‘’craindre’’. La valeur des deux termes se
délimite donc par leur opposition à l’intérieur du système.

Il en est de même pour le sous-système phonologique : les phonèmes se définissent par opposition les uns
aux autres (référez-vous à votre cours de phonologie).

1-3-1- Valeur et signification :

Saussure distingue entre valeur et signification (Moeschler et Auchlin 2009 : 33) : « Si, par exemple, on
cherche à déterminer le contenu conceptuel associé au signe rivière, on ne peut se contenter de renvoyer au
signifié RIVIÈRE associé au signifiant /RivjƐR/, qui n’en constitue que la signification. Une part essentielle du
contenu conceptuel de « rivière » vient en effet de ce qu’il n’est ni « ruisseau », ni « fleuve » ; en d’autres
termes, ce contenu est déterminé négativement et oppositivement. Ce fait apparaît encore plus clairement si
l’on compare le français rivière à l’anglais river, qui ne s’oppose qu’à creek, et a, de ce fait, une valeur très
différente de celle de rivière bien que leur signification soit semblable. » (idem). La signification dépend de
l’association arbitraire entre le signifié et le signifiant (Moeschler et Auchlin idem), la valeur vient des rapports
d’opposition entre le signe et les autres signes à l’intérieur du système. Le contenu conceptuel d’une unité
dépend de sa signification et de sa valeur.
1-4- Rapports syntagmatiques et rapports paradigmatiques :

La notion de système linguistique implique que les éléments qui le constituent entrent dans des rapports. Ces
rapports sont de deux types.

a- Rapports syntagmatiques :

Ce sont les rapports qui s’établissent entre les unités consécutives du discours (les unités qui se succèdent
en se combinant dans la chaîne parlée). Ces rapports sont dits in praesentia (en présence). Ainsi, se constituent,
sur l’axe syntagmatique, des combinaisons d’unités, qui prennent le nom de syntagmes. Ex : Les enfants, une
belle journée sont des syntagmes. Les possibilités combinatoires des unités sont définies par des règles
spécifiques.

b- Rapports associatifs paradigmatiques :

Les rapports associatifs paradigmatiques: « hors de la chaîne du discours, se créent des associations entre
signes, qui forment des groupes sur la base de relations de types très divers. Par exemple, enseignement évoque
enseigner, apprentissage, armement, etc. » (Moeschler, Auchlin, 2009 : 33). Cette association peut se faire sur
la base du signifié et du signifiant (enseigner, enseignement, enseignant), sur la base du signifié seul
(enseignement, apprentissage, éducation), etc. (idem). Les rapports paradigmatiques sont des rapports in
absentia.
Ex : Les enfants jouent. Du fait des rapports d’oppositions qui définissent les unités du système (voir la
notion de système ci-dessus), l’unité « les » est en rapport paradigmatique avec les unités ‘’des’’ ‘’certains’’,
qui auraient pu figurer à la même place dans la chaine parlée (des enfants, certains enfants). De même, l’unité
‘’enfants’’ est en rapport paradigmatique avec, par exemple, les unités ‘’enseignants’’, ‘’ouvrier’’, ‘’élèves’’.
C’est en opposant l’unité enfant à l’unité enseignant, sur l’axe paradigmatique que le locuteur arrive à la
comprendre, à saisir sa valeur : enfant n’est pas enseignant, n’est pas ouvrier (voir l’idée de la définition
négatives des unités): les oppositions à l’intérieur du système, qui donnent leurs valeurs aux unités se font sur
l’axe paradigmatique. Les unités qui entrent dans des rapports paradigmatiques constituent des paradigmes.

2- Approche méthodologique de la langue :


2-1- L’étude synchronique et l’étude diachronique :

La notion de système requiert selon Saussure deux façons différentes de l’étudier: une étude synchronique
et une étude diachronique « est synchronique tout ce qui se rapporte à l’aspect statique de notre science,
diachronique tout ce qui a trait aux évolutions. De même, synchronie et diachronie désigneront respectivement
un état de langue et une phase d’évolution » CLG.

L’étude synchronique s’intéresse à un état de langue à un moment donné de l’histoire ; l’étude diachronique
envisage l’évolution (…)comme la grammaire et la phonétique historique » (Sioufi 2012 : 190). C’est la parole
qui fait évoluer la langue : « Tout ce qui est diachronique dans la langue l’est par la parole, ne l’est que par la
parole » (Saussure, cité par Arrivé 2007 : 78). Saussure considère que l’étude synchronique est prioritaire : la
linguistique saussurienne est synchronique, c'est-à-dire non-historique.
2-2- Linguistique interne vs linguistique externe :

Saussure distingue deux manières différentes d’étudier les phénomènes linguistiques. Il sépare ainsi entre
l’approche interne et l’approche externe. Cette dernière consiste à étudier les faits linguistiques en rapport avec
des faits historiques, politiques, sociaux, géographiques etc., pour comprendre par exemple les rapports qui
peuvent exister entre l’histoire d’une langue et celle d’une civilisation, ou bien entre une langue et un ensemble
d’institutions école, église, ou d’autres institutions sociales. La sociolinguistique, la géolinguistique, la
psycholinguistique, etc., sont des branches qui relèvent de la linguistique externe.

La linguistique interne, elle, se préoccupe seulement du système linguistique des rapports internes relient les
éléments du système. La morphologie, la syntaxe, la phonologie sont des branches qui relèvent de la
linguistique interne. Selon Saussure, la définition de la langue comme système suppose d’écarter ce qui n’est
pas interne au système, c'est-à-dire tout ce qui relève de la linguistique externe3 (CLG 2005 : 27). La
linguistique saussurienne est une linguistique systématique (elle étudie le système) et interne (elle écarte les
faits externe à la langue).

Exemple :

Bibliographie.

- Arrivé Michel, 2007, A la recherche de Ferdinand de Saussure, PUF, Paris.


- Benveniste Emile 1939: Nature du signe linguistique, Acta Linguistica, 1:1, 23-29.
- Bronckart, Jean-Paul, 2019, Théories du langage. Nouvelle introduction critique, Mardaga, Bruxelles.
- De Saussure Ferdinand, 2005, Cours de linguistique générale, L’arbre d’or, Genève.
- Depecker, Loïc, Les manuscrits de Saussure, une révolution philologique, in Langages, 2012/1 n°186
pp 3-6 Armand colin.
- Moeschler. J et Auchlin. A 2009, Introduction à la linguistique contemporaine, Armand Colin.
- Paveau A. M et Sarfati G.E, Les grandes théories de la linguistique. De la grammaire comparée à
la pragmatique. Armand Colin, Paris.
- Siouffi.G, Raemdonck. D.V 2009, 100 fiches pour comprendre la linguistique 1ercycle universitaire,
Edition Bréal

3- Saussure considère que ces faits sont importants, mais ils ne relèvent pas d’une étude proprement linguistique comme il
l’envisage (lire le chapitre V du CLG 2005 : pp 27-29.)

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