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La double articulation est un concept linguistique.

Le langage humain se singularise


par le phénomène de la double articulation : toutes les langues humaines sont des
systèmes de communication doublement articulés.

Sommaire

 1 Théorie
 2 Réfutation lacanienne
 3 Notes et références

Théorie
Lorsque nous rendons compte de toute expérience par le biais du langage,
nous utilisons :
 d'une part, des unités significatives (unités de première
articulation)
 d'autre part des unités distinctives (unités de deuxième
articulation).
La première articulation est celle qui fait que l'expérience rendue par le
langage s'articule en unités successives et significatives,
les monèmes (appelés couramment "morphème").
Les monèmes ont donc une forme et un sens (un signifiant et un signifié, si
l'on veut faire le parallèle avec le signe linguistique de Saussure). Ils se
combinent entre eux pour permettre de créer un énoncé ayant une
signification. Concrètement, si nous prenons l'exemple de l'énoncé :
Le chat dort
Celui-ci est composé de trois monèmes : le monème "défini" <le>, le
monème <chat> et le monème <dort>.
Le monème est donc la plus petite unité signifiante existante, raison
pour laquelle les temps, le pluriel, etc. sont des monèmes (à l'inverse, un
mot composé comme chaise longue ne sera pas analysé en deux monèmes
car chaise longue commute avec table, par exemple, il sera appelé synthème,
car composé de 2 monèmes qui n'ont pas, dans ce cas, leur autonomie (on
ne peut pas dire la chaise très longue sous peine de ne plus désigner la
même réalité, on dira la chaise longue très longue).
La forme des monèmes s'articule en unités plus petites, appelées unités
distinctives, les phonèmes. Ces unités n'ont pas de sens mais ont pour
fonction de distinguer les monèmes entre eux. Par exemple :
[ʃa] ~ [ʁa]
la substitution du phonème /ʃ/ et /R/ entraîne une modification du
monème :
[maʁ] ~ [mar]
L’opposition [R] et [r] (roulé) n'est pas pertinente en français, ce ne sont
donc pas des phonèmes différents mais des réalisations différentes d'un
même phonème (donc, 2 sons différents mais un seul phonème). Les deux
prononciations peuvent coexister sans que cela ne change le sens du
monème.
En revanche, dans d'autres langues, cette opposition est pertinente et on est
bien en présence de 2 phonèmes distincts. Autre exemple, en japonais,
l'opposition [l] et [r] n'est pas pertinente, ceux-ci pourront coexister sans
changer le sens du monème, comme pour [ʁ] et [r] en français.
C'est le linguiste André Martinet qui a le premier relevé la double
articulation du langage, qui singularise le langage humain (par opposition
aux langages formels) :
On peut schématiser de la façon suivante :
Nomenclature
Structure
Liste de mots
Ex: dictionnaire agencement de combinaisons
On peut faire une comparaison avec un jeu d'échecs. Chaque pièce se
déplace différemment sur l'échiquier, mais la combinaison de ces pièces
donne à chacune sa valeur par rapport au reste du jeu.

Réfutation lacanienne
Toutefois, le psychanalyste Jacques Lacan, critique cette thèse. Dans la leçon
III de son Séminaire : "Contre les linguistes", Lacan prend l'exemple du
chinois avec le phonème WEI.
« Wei fonctionne à la fois dans la formule wu wei, qui veut dire non-agir,
donc wei veut dire agir, mais pour un rien vous le voyez employé au titre
de comme. Cela veut dire comme, c'est-à-dire que ça sert
de conjonction pour faire métaphore, ou bien encore ça veut dire en tant
que ça se réfère à telle chose, qui est encore plus dans la métaphore. (...)
C'est pas mal, une langue comme ça, une langue où les verbes et les plus-
verbes - agir, qu'y a-t-il de plus verbe, de plus-verbe agir? -, se transforment
couramment en menues conjonctions. Ça m'a tout de même beaucoup aidé
à généraliser la fonction du signifiant, même si ça fait mal aux entournures à
quelques linguistes qui ne savent pas le chinois. (...)
En chinois, voyez-vous, c'est la première articulation qui est toute seule, et
qui se trouve comme ça produire un sens. Comme tous les mots
sont monosyllabiques, on ne va pas dire qu'il y a le phonème qui ne veut
rien dire, et puis les mots qui veulent dire quelque chose, deux articulations,
deux niveaux. Eh bien oui, en chinois, même au niveau du phonème ça
veut dire quelque chose. Ca n'empêche pas que, quand vous mettez
ensemble plusieurs phonèmes qui veulent déjà dire quelque chose, ça
fait un grand mot de plusieurs syllabes, tout à fait comme chez nous,
un mot qui a un sens, lequel n'a aucun rapport avec ce que veut dire
chacun des phonèmes. Alors, la double articulation, elle est marrante là.
C'est drôle qu'on ne se souvienne pas qu'il y a une langue comme ça, quand
on énonce la fonction de la double articulation comme caractéristique du
langage. » 1

En 1995, soit 25 ans plus tard, dans la revue La linguistique, Vol. 31, Fasc. 2,
le linguiste François Sébastianoff publie un article intitulé "La double
articulation graphique dans l'écriture du chinois", dans laquelle il se
propose "de montrer que l'écriture du chinois présente la même structure
doublement articulée que les écritures alphabétiques."2

Notes et références [↑ LACAN, J., Le Séminaire, Livre XVIII - D'un


discours qui ne serait pas du semblant, texte établi par Jacques-Alain Miller, Le
SeuilChamp freudien, Paris, 2006, page 47.

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