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Le mariage, félicité idéale ou chaîne aux pieds ?

Groupement de textes préparatoire à la Princesse de Clèves

Table des matières


Extrait 1. Code civil. Code civil. Livre Ier : Des personnes (Articles 7 à 515-13). ............................................................. 1
Extrait 2. Olympe de GOUGES. Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) ...................................... 1
Extrait 3. JJ ROUSSEAU, Julie ou la nouvelle Héloïse (1751). Extrait de la Seconde partie, lettre II, de Milord à Claire. 2
Extrait 4. FLAUBERT, Madame Bovary, première partie, chapitre 7 (1857).................................................................... 3
Extrait 5. Annie ERNAUX, La femme gelée, Gallimard, 1987. .......................................................................................... 4
Document 6. RAPHAEL, Le Mariage de la vierge, ............................................................................................................ 5
Document 7. Edward HOPPER, Room in NY (1932) ......................................................................................................... 5

Extrait 1. Code civil. Code civil. Livre Ier : Des personnes (Articles 7 à 515-13).
Titre V : Du mariage (Articles 143 à 227)
Article 146. Création Loi 1803-03-17 promulguée le 27 mars 1803

Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement.

Extrait 2. Olympe de GOUGES. Déclaration des droits de la femme et de la


citoyenne (1791)
LES DROITS DE LA FEMME. Postambule
Je reprends mon texte quant aux mœurs. Le mariage est le tombeau de la confiance & de l’amour. La femme
mariée peut impunément donner des bâtards à son mari, et la fortune qui ne leur appartient pas. Celle qui
ne l’est pas, n’a qu’un faible droit : les lois anciennes et inhumaines lui refusaient ce droit sur le nom & sur
le bien de leur père, pour ses enfants, et l’on n’a pas fait de nouvelles lois sur cette matière. Si tenter de
donner à mon sexe une consistance honorable et juste, est considéré dans ce moment comme un paradoxe
de ma part, et comme tenter l’impossible, je laisse aux hommes à venir la gloire de traiter cette matière ;
mais, en attendant, on peut la préparer par l’éducation nationale, par la restauration des mœurs et par les
conventions conjugales.
Forme du Contrat social de l’Homme et de la Femme.
Nous N et N, mus par notre propre volonté, nous unissons pour le terme de notre vie, et pour la durée de
nos penchants mutuels, aux conditions suivantes : Nous entendons & voulons mettre nos fortunes en
communauté, en nous réservant cependant le droit de les séparer en faveur de nos enfants, et de ceux que
nous pourrions avoir d’une inclination particulière, reconnaissant mutuellement que notre bien appartient
directement à nos enfants, de quelque lit qu’ils sortent, et que tous indistinctement ont le droit de porter
le nom des pères et mères qui les ont avoués, et nous imposons de souscrire à la loi qui punit l’abnégation
de son propre sang. Nous nous obligeons également, au cas de séparation, de faire le partage de notre
fortune, et de prélever la portion de nos enfants indiquée par la loi ; et, au cas d’union parfaite, celui qui
viendrait à mourir, se désisterait de la moitié de ses propriétés en faveur de ses enfants ; et si l’un mourait
sans enfants, le survivant hériterait de droit, à moins que le mourant n’ait disposé de la moitié du bien
commun en faveur de qui il jugerait à propos.
Voilà à-peu-près la formule de l’acte conjugal dont je propose l’exécution. À la lecture de ce bizarre écrit, je
vois s’élever contre moi les tartuffes, les bégueules, le clergé et toute la séquelle infernale. Mais combien il
offrira aux sages de moyens moraux pour arriver à la perfectibilité d’un gouvernement heureux ! j’en vais
donner en peu de mots la preuve physique. Le riche Épicurien sans enfants, trouve fort bon d’aller chez son
voisin pauvre augmenter sa famille. Lorsqu’il y aura une loi qui autorisera la femme du pauvre à faire
adopter au riche ses enfants, les liens de la société seront plus resserrés, et les mœurs plus épurées. Cette
loi conservera peut-être le bien de la communauté, et retiendra le désordre qui conduit tant de victimes
dans les hospices de l’opprobre, de la bassesse et de la dégénération des principes humains, où, depuis
long-tems, gémit la nature. Que les détracteurs de la saine philosophie cessent donc de se récrier contre
les mœurs primitives, ou qu’ils aillent se perdre dans la source de leurs citations.
Je voudrais encore une loi qui avantageât les veuves et les demoiselles trompées par les fausses promesses
d’un homme à qui elles se seraient attachées ; je voudrais, dis-je, que cette loi forçât un inconstant à tenir
ses engagements, ou à une indemnité proportionnelle à sa fortune. Je voudrais encore que cette loi fût
rigoureuse contre les femmes, du moins pour celles qui auraient le front de recourir à une loi qu’elles
auraient elles-mêmes enfreinte par leur inconduite, si la preuve en était faite. Je voudrais, en même temps,
comme je l’ai exposée dans le bonheur primitif de l’homme, en 1788, que les filles publiques fussent placées
dans des quartiers désignés. Ce ne sont pas les femmes publiques qui contribuent le plus à la dépravation
des mœurs, ce sont les femmes de la société. En restaurant les dernières, on modifie les premières. Cette
chaîne d’union fraternelle offrira d’abord le désordre, mais par les suites, elle produira à la fin un ensemble
parfait.

Extrait 3. JJ ROUSSEAU, Julie ou la nouvelle Héloïse (1751). Extrait de la Seconde


partie, lettre II, de Milord à Claire.
Soyez-en sûre, aimable Claire, je ne m'intéresse pas moins que vous au sort de ce couple infortuné, non par
un sentiment de commisération qui peut n'être qu'une faiblesse, mais par la considération de la justice et
de l'ordre, qui veulent que chacun soit placé de la manière la plus avantageuse à lui-même et à la société.
Ces deux belles âmes sortirent l'une pour l'autre des mains de la nature ; c'est dans une douce union, c'est
dans le sein du bonheur, que, libres de déployer leurs forces et d'exercer leurs vertus, elles eussent éclairé
la terre de leurs exemples.
Pourquoi faut-il qu'un insensé préjugé vienne change les directions éternelles et bouleverser l'harmonie
des êtres pensants ? Pourquoi la vanité d'un père barbare cache-t-elle ainsi la lumière sous le boisseau, et
fait-elle gémir dans les larmes des cœurs tendres et bienfaisants, nés pour essuyer celles d’autrui ? Le lien
conjugal n'est-il pas le plus libre ainsi que le plus sacré des engagements ? Oui, toutes les lois qui le gênent
sont injustes, tous les pères qui l'osent former ou rompre sont des tyrans. Ce chaste nœud de la nature
n'est soumis ni au pouvoir souverain ni à l'autorité paternelle, mais à la seule autorité du Père commun qui
sait commander aux cœurs, et qui, leur ordonnant de s'unir, les peut contraindre à s'aimer.
Que signifie ce sacrifice des convenances de la nature aux convenances de l’opinion ? La diversité de fortune
et d'état s'éclipse et se confond dans le mariage, elle ne fait rien au bonheur ; mais celle d'humeur et de
caractère demeure, et c'est par elle qu'on est heureux ou malheureux.
L'enfant qui n'a de règle que l'amour choisit mal, le père qui n'a de règle que l'opinion choisit plus mal
encore. Qu'une fille manque de raison, d'expérience pour juger de la sagesse et des mœurs, un bon père y
doit suppléer sans doute; son droit, son devoir même est de dire: Ma fille, c'est un honnête homme, ou,
c'est un fripon; c'est un homme de sens, ou, c'est un fou. Voilà les convenances dont il doit connaître ; le
jugement de toutes les autres appartient à la fille. En criant qu'on troublerait ainsi l'ordre de la société, ces
tyrans le troublent eux-mêmes. Que le rang se règle par le mérite, et l'union des cœurs par leur choix, voilà
le véritable ordre social ; ceux qui le règlent par la naissance ou par les richesses sont les vrais perturbateurs
de cet ordre ; ce sont ceux-là qu'il faut décrier ou punir.
Il est donc de la justice universelle que ces abus soient redressés ; il est du devoir de l'homme de s'opposer
à la violence, de concourir à l’ordre ; et, s'il m'était possible d'unir ces deux amants en dépit d'un vieillard
sans raison, ne doutez pas que je n'achevasse en cela l'ouvrage du ciel, sans m'embarrasser de l'approbation
des hommes.
Vous êtes plus heureuse, aimable Claire ; vous avez un père qui ne prétend point savoir mieux que vous en
quoi consiste votre bonheur. Ce n'est peut-être ni par de grandes vues de sagesse, ni par une tendresse
excessive, qu'il vous rend ainsi maîtresse de votre sort ; mais qu'importe la cause si l'effet est le même et
si, dans la liberté qu'il vous laisse, l'indolence lui tient lieu de raison ? Loin d'abuser de cette liberté, le choix
que vous avez fait à vingt ans aurait l'approbation du plus sage père. Votre cœur, absorbé par une amitié
qui n'eut jamais d'égale, a gardé peu de place aux feux de l’amour ; vous leur substituez tout ce qui peut y
suppléer dans le mariage : moins amante qu'amie, si vous n'êtes la plus tendre épouse vous serez la plus
vertueuse, et cette union qu'a formée la sagesse doit croître avec l'âge et durer autant qu'elle. L'impulsion
du cœur est plus aveugle, mais elle est plus invincible : c'est le moyen de se perdre que de se mettre dans
la nécessité de lui résister. Heureux ceux que l'amour assortit comme aurait fait la raison, et qui n'ont point
d'obstacle à vaincre et de préjugés à combattre. Tels seraient nos deux amants sans l'injuste résistance d'un
père entêté. Tels malgré lui pourraient-ils être encore, si l'un des deux était bien conseillé.
L'exemple de Julie et le vôtre montrent également que c'est aux époux seuls à juger s'ils se conviennent. Si
l'amour ne règne pas, la raison choisira seule ; c'est le cas où vous êtes : si l'amour règne, la nature a déjà
choisi ; c'est celui de Julie. Telle est la loi sacrée de la nature, qu'il n'est pas permis à l'homme d'enfreindre,
qu'il n'enfreint jamais impunément, et que la considération des états et des rangs ne peut abroger qu'il n'en
coûte des malheurs et des crimes.

Extrait 4. FLAUBERT, Madame Bovary, première partie, chapitre 7 (1857)


Elle songeait quelquefois que c'étaient là pourtant les plus beaux jours de sa vie, la lune de miel, comme on
disait. Pour en goûter la douceur, il eût fallu, sans doute, s'en aller vers ces pays à noms sonores où les
lendemains de mariage ont de plus suaves paresses ! Dans des chaises de poste, sous des stores de soie
bleue, on monte au pas des routes escarpées, écoutant la chanson du postillon, qui se répète dans la
montagne avec les clochettes des chèvres et le bruit sourd de la cascade. Quand le soleil se couche, on
respire au bord des golfes le parfum des citronniers ; puis, le soir, sur la terrasse des villas, seuls et les doigts
confondus, on regarde les étoiles en faisant des projets. Il lui semblait que certains lieux sur la terre devaient
produire du bonheur, comme une plante particulière au sol et qui pousse mal tout autre part. Que ne
pouvait-elle s'accouder sur le balcon des chalets suisses ou enfermer sa tristesse dans un cottage écossais,
avec un mari vêtu d'un habit de velours noir à longues basques, et qui porte des bottes molles, un chapeau
pointu et des manchettes !
Peut-être aurait-elle souhaité faire à quelqu'un la confidence de toutes ces choses. Mais comment dire
un insaisissable malaise, qui change d'aspect comme les nuées, qui tourbillonne comme le vent ? Les mots
lui manquaient donc, l'occasion, la hardiesse.
Si Charles l'avait voulu cependant, s'il s'en fût douté, si son regard, une seule fois, fût venu à la rencontre
de sa pensée, il lui semblait qu'une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la
récolte d'un espalier quand on y porte la main. Mais, à mesure que se serrait davantage l'intimité de leur
vie, un détachement intérieur se faisait qui la déliait de lui.
La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient
dans leur costume ordinaire, sans exciter d'émotion, de rire ou de rêverie. Il n'avait jamais été curieux,
disait-il, pendant qu'il habitait Rouen, d'aller voir au théâtre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire
des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d'équitation qu'elle avait rencontré
dans un roman.
Extrait 5. Annie ERNAUX, La femme gelée, Gallimard, 1987.
Un mois, trois mois que nous sommes mariés, nous retournons à la fac, je donne des cours de latin. Le soir
descend plus tôt, on travaille ensemble dans la grande salle. Comme nous sommes sérieux et fragiles,
l’image attendrissante du jeune couple moderno-intellectuel. Qui pourrait encore m’attendrir si je me
laissais faire, si je ne voulais pas chercher comment on s’enlise, doucettement. En y consentant lâchement.
D’accord je travaille La Bruyère ou Verlaine dans la même pièce que lui, à deux mètres l’un de l’autre. La
cocotte-minute, cadeau de mariage si utile vous verrez, chantonne sur le gaz. Unis, pareils. Sonnerie
stridente du compte-minutes, autre cadeau. Finie la ressemblance. L’un des deux se lève, arrête la flamme
sous la cocotte, attend que la toupie folle ralentisse, ouvre la cocotte, passe le potage et revient à ses
bouquins en se demandant où il en était resté. Moi. Elle avait démarré, la différence. Par la dînette. Le
restau universitaire fermait l’été. Midi et soir je suis seule devant les casseroles. Je ne savais pas plus que
lui préparer un repas, juste les escalopes panées, la mousse au chocolat, de l’extra, pas du courant. Aucun
passé d’aide-culinaire dans les jupes de maman ni l’un ni l’autre. Pourquoi de nous deux suis-je la seule à
me plonger dans un livre de cuisine, à éplucher des carottes, laver la vaisselle en récompense du dîner,
pendant qu’il bossera son droit constitutionnel. Au nom de quelle supériorité. Je revoyais mon père dans la
cuisine. Il se marre, « non mais tu m’imagines avec un tablier peut-être ! Le genre de ton père, pas le mien
! ». Je suis humiliée. Mes parents, l’aberration, le couple bouffon. Non je n’en ai pas vu beaucoup d’hommes
peler des patates. Mon modèle à moi n’est pas le bon, il me le fait sentir. Le sien commence à monter à
l’horizon, monsieur père laisse son épouse s’occuper de tout dans la maison, lui si disert, cultivé, en train
de balayer, ça serait cocasse, délirant, un point c’est tout. À toi d’apprendre ma vieille. Des moments
d’angoisse et de découragement devant le buffet jaune canari du meublé, des œufs, des pâtes, des endives,
toute la bouffe est là, qu’il faut manipuler, cuire. Fini la nourriture-décor de mon enfance, les boîtes de
conserve en quinconce, les bocaux multi- colores, la nourriture surprise des petits restaurants chinois bon
marché du temps d’avant. Maintenant, c’est la nourriture corvée.
Je n’ai pas regimbé, hurlé ou annoncé froidement, aujourd’hui c’est ton tour, je travaille La Bruyère.
Seulement des allusions, des remarques acides, l’écume d’un ressentiment mal éclairci. Et plus rien, je ne
veux pas être une emmerdeuse, est-ce que c’est vraiment important, tout faire capoter, le rire, l’entente,
pour des histoires de patates à éplucher, ces bagatelles relèvent-elles du problème de la liberté, je me suis
mise à en douter. Pire, j’ai pensé que j’étais plus malhabile qu’une autre, une flemmarde en plus, qui
regrettait le temps où elle se fourrait les pieds sous la table, une intellectuelle paumée incapable de casser
un œuf proprement. Il fallait changer. À la fac, en octobre, j’essaie de savoir comment elles font les filles
mariées, celles qui, même, ont un enfant. Quelle pudeur, quel mystère, « pas commode » elles disent
seulement, mais avec un air de fierté, comme si c’était glorieux d’être submergée d’occupations. La
plénitude des femmes mariées. Plus le temps de s’interroger, couper stupidement les cheveux en quatre,
le réel c’est ça, un homme, et qui bouffe, pas deux yaourts et un thé, il ne s’agit pas d’être une braque.
Alors, jour après jour, de petits pois cramés en quiche trop salée, sans joie, je me suis efforcée d’être la
nourricière, sans me plaindre. « Tu sais, je préfère manger à la maison plutôt qu’au restau U, c’est bien
meilleur ! » Sincère, et il croyait me faire un plaisir fou. Moi je me sentais couler.
Version anglaise, purée, philosophie de l’histoire, vite le supermarché va fermer, les études par petits bouts
c’est distrayant mais ça tourne peu à peu aux arts d’agrément. J’ai terminé avec peine et sans goût un
mémoire sur le surréalisme que j’avais choisi l’année d’avant avec enthousiasme. Pas eu le temps de rendre
un seul devoir au premier trimestre, je n’aurai certainement pas le capes, trop difficile. Mes buts d’avant se
perdent dans un flou étrange. Moins de volonté. Pour la première fois, j’envisage un échec avec
indifférence, je table sur sa réussite à lui, qui, au contraire, s’accroche plus qu’avant, tient à finir sa licence
et sciences po en juin, bout de projets. Il se ramasse sur lui-même et moi je me dilue, je m’engourdis.
Quelque part dans l’armoire dorment des nouvelles, il les a lues, pas mal, tu devrais continuer. Mais oui, il
m’encourage, il souhaite que je réussisse au concours de prof, que je me « réalise » comme lui. Dans la
conversation, c’est toujours le discours de l’égalité. Quand nous nous sommes rencontrés dans les Alpes,
on a parlé ensemble de Dostoïevski et de la révolution algérienne. Il n’a pas la naïveté de croire que le
lavage de ses chaussettes me comble de bonheur, il me dit et me répète qu’il a horreur des femmes
popotes. Intellectuellement, il est pour ma liberté, il établit des plans d’organisation pour les courses,
l’aspirateur, comment me plaindrais-je.

Document 6. RAPHAEL, Le Mariage de la vierge,


170 x 117 cm. Pinacoteca di Brera, Milan (1504)

Document 7. Edward HOPPER, Room in NY (1932)

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