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A propos
de « Cogito et histoire de la folie » *
2. La folie, thème ou index (p. 482, 1. 12) : Ce qui est significatif, c'est
que Descartes, au fond, ne parle jamais de la folie elle-même dans ce
texte. Elle n'est pas son thème. Il la traite comme un index pour une
question de droit et de valeur épistémologique. C'est peut-être là, dira-
♦ Cf. dans le numéro précédent, J. Derrida, Cogito et histoire de la folie (p. 460).
Nous publions ici des notes ou additions que l'auteur nous a fait parvenir après
l'impression.
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t-on, le signe d'une exclusion profonde. Mais ce silence sur la folie elle-
même signifie simultanément le contraire de l'exclusion, puisqu'iZ ne
s'agit pas de la folie dans ce texte, qu'il n'en est pas question, fût-ce pour
l'exclure. Ce n'est pas dans les Méditations que Descartes parle de la
folie elle-même.
3. Folie et erreur (p. 483, 1. 25) : II faudrait préciser, pour souligner cette
vulnérabilité et toucher à la plus grande difficulté, que les expressions
« faute des sens et du corps » ou « erreur du corps » n'auraient aucune
signification pour Descartes. Il n'y a pas d'erreur du corps, en parti-
culier dans la maladie : la jaunisse ou la mélancolie ne sont que les occa-
sions d'une erreur qui naîtra seulement avec le consentement ou l'affir-
mation de la volonté dans le jugement, quand « nous jugeons que tout
est jaune » ou quand « nous regardons comme des réalités les fantômes de
notre imagination malade » (Règle XII. Descartes y insiste beaucoup :
l'expérience sensible ou imaginative la plus anormale, considérée en elle-
même, à son niveau et en son moment propre, ne nous trompe jamais ;
ne trompe jamais l'entendement, « s'il se borne à avoir l'intuition nette
de ce qui se présente à lui tel qu'il l'a, soit en lui-même, soit dans l'ima-
gination, et si de plus il ne juge pas que l'imagination représente fidèle-
ment les objets des sens, ni que les sens prennent les vraies figures des
choses, ni enfin que la réalité extérieure est toujours telle qu'elle appa-
raît »).
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sitien, ni par Hegel ni par la plupart de ceux qui, tel Husserl, ont voulu
penser et nommer la temporalité ou l'historicité essentielles de la vérité
et du sens. Pour Descartes, la crise dont nous parlons aurait finalement
son origine intrinsèque (c'est-à-dire ici intellectuelle) dans le temps lui-
même comme absence de liaison nécessaire entre les parties, comme
contingence et discontinuité du passage entre les instants ; ce qui sup-
pose que nous suivions ici toutes les interprétations qui s'opposent à
celle de Laporte au sujet du rôle de l'instant dans la philosophie de
Descartes. Seule la création continuée, unissant la conservation et la
création qui « ne diffèrent qu'au regard de notre façon de penser », récon-
cilie en dernière instance la temporalité et la vérité. C'est Dieu qui exclut
la folie et la crise, c'est-à-dire les « comprend ». Ce qui revient à dire que
la crise, l'anomalie, la négativité, etc., sont irréductibles dans l'expé-
rience de la finitude ou d'un moment fini, d'une détermination de la rai-
son absolue, ou de la raison en général. Vouloir le nier et prétendre assu-
rer la positivité (du vrai, du sens, de la norme, etc.) hors de l'horizon de
cette Raison infinie (de la raison en général et au delà de ses détermina-
tions), c'est vouloir effacer la négativité, oublier la finitude au moment
même où l'on prétendrait dénoncer comme une mystification le théolo-
gisme des grands rationalismes classiques.
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Jacques Derrida.
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