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Levinas et la phénoménologie

Author(s): Jan De Greef


Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 76e Année, No. 4 (Octobre-Décembre 1971), pp.
448-465
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40901325
Accessed: 22-08-2014 18:37 UTC

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Levinas et la phénoménologie

Quel'instauration de l'identitésurle modede l'universalité, que média-


tionetnégativité puissent êtreéléments de violence,celan'estcompréhen-
sible que lorsqu'onassigneau langagede se rapporter à l'altéritécomme
telle, à Vautreen tantqu'autre,à l'altéritéabsolue (de toute média-
tion).
Franchirla distancetouten la maintenant - et, paradoxalement, la
dialectiquehégélienne -
se trouverarefusée c'est franchir la distance
ou êtreauprèsdeschoses,sansque néanmoins l'autreou la chosene soient
altérés.Se rapporter à l'autresans qu'il ne soit concerné(maisrien ne
permetde direque cela se faitdans le rapportoù tout en l'autreme
concerne), mais où cependantil est atteintcommeautredans son ori-
ginalitéirréductible, c'est se rapporterà un autreréfractaire à toute
assomptiondans par et un discours universalisant.
Se rapporter à l'altéritésanspasserpar l'élémentde la violenceou de
l'universalité,atteindrele singulier- l'étrange(r)ou l'individu(el)-
horsde l'universel, c'estpeut-être cela aussi,retourner « aux choseselles-
mêmes».
Un tel rapportpeut semblerêtreY'intuition, qui ne comportepas la
violencedu discoursmédiatisant. « Tout immédiatest compriscomme
immédiatpar un discoursqui constitueune médiationentre la
conscience (théorique autantque pratique)et ce qui se livre(et se refuse)
à cetteconscience: parlerde l'immédiat, c'estle médiatiser.Sans doute
il existeune sortie,sortiede désespoirphilosophique : le recoursà la
saisievécue,à YErlebnis,grâceà laquelleon éliminele discours.Un tel
recoursest possible; toutefois, il comportel'exigencede la findu dis-
cours (...). Ce seraitla très vieille,l'éternellesortievers la violence,
silencieuse ou bruyante, infligéeou acceptée» '

1. E. Weil, Philosophiemorale,p. 161. Il est évidentqu'il ne s'agitpas ici de l'intui-


tiontellequ'elle apparaîtrachez Husserl.

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Levinas et la phénoménologie

Le rapportavec l'altéritécommetelle ne peut donc êtrel'intuition


maisdoitêtrelangage.Le langagecommece qui va « versle concret».
L'intuition,dans son contact, non seulementn'est pas langage ; elle
comporte en outre la violence de l'irrationnel et du non-communicable.
Unitéqui ne se prétendpas unification, coïncidence malsaineavec une
fausseorigineou un fauxelemental, elle est, commela « souille» dans
Vendredi ou les limbesdu Pacifique*,cettedéshumanisation qui consiste
à ne plus parler.Or, il fauttoujoursparler,« tenirparole» 2, car ce
qu'il fautmaintenir à tout prix,plus que l'exigenced'un rapportavec
c'est
l'altérité, que ce soit le langagequi effectue le rapport.
Nousvoulonsmontrer en quoi le langagede la phénoménologie dontse
sertLevinaspeut semblerrépondre le mieuxaux conditions d'unetelle
sortieversl'autre- une telleexcédence- mêmesi, dansla penséede
Levinas,ce langagephénoménologique se trouveralui-mêmeexcédé et
transgressé pour virer en langageéthique.Les pages qui suiventne se
veulentdonc pas une introduction à la phénoménologie, ni mêmeun
exposé des commentaires de Levinas sur la pensée de Husserl.Elles
mettent en lumièrela manièrepropredontLevinasse sertde la phéno-
ménologie pourintroduire et décrire - fût-ceen termesde ruptureou de
-
transgression le lieu où « l'intentionnel s'est faitéthique» 3.

***

I. L'adéquat et l'originaire
La possibilité,pour la phénoménologie, de se rapporterà l'altérité
commetelle,résideen ce que l'on conçoitpositivement l'inadéquation
du modeoriginaire d'apparaîtred'un donné« réal », et, d'autrepart,
mais en mêmetemps,en l'exigenceou en l'idéal d'une intentionnalité
adéquatement « remplie». Dans un articleconsacréà Levinas4, Boehm
voitdansla recherche de l'être-donné-adéquatement ce qui, selonLevi-
la
nas, empêche phénoménologie d'accomplirl'intentionexpriméedans
l'exigenced'un retourau donnéoriginaire. Il nous semblerait pourtant
que ces deux moments inséparablestraduisent tous deux le désirde se
rapporterà l'altéritécommetelle.Il faudradireen quoila penséephéno-
ménologiquede l'être-donné-originairement et de l'être-donné-adé-

1. Cf. M. Tournier, Vendredi,ou les limbes du Pacifique (roman), Paris, Gallimard,


1967.
¿. Lij. M. JÜLANCHOT,« Tenir parole », m Nouvelle Revue française, n° 110, 1962,'
p. 290-298.
ä. ü. .levinas, « Langage et proximité », p. 225, in En découvrantl'existenceavec
Husserl et Heidegger,Paris, Vrin, 1967, 2e édition, augmentée.
4. ti. boehm, « De Kntiek van Levinas op Heidegger », in Tijdschriftvoor Filosofìe,
septembre 1963, p. 585-604.

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Revue de Méta. - N° 4, 1971. 20

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quatementdiffère d'une penséeintuitivequi se comprendrait comme


contactmuet, alors que par ailleurs- et Levinas le sait particu-
lièrement bien - le rôle de l'intuitionest important en phénoméno-
logie.
En quel sensl'idéal d'un retouraux choseselles-mêmes, ou à l'autre
commeautre,se traduit-il à la foisdans l'idée d'un retourou un accès
au donné-adéquatement et au donné-originairement ? Nous dirions
que nous sommes en face de deux formulations d'une mêmeexigence,
celledu retour zu denSachenSelbstcommeretourà l'altéritécommeSache
de la philosophie - comme« affaire » de la philosophie. L'altéritécomme
Sacheselbstest donc à pensersur le modede l'originalité et de Padé-
quation, et c'estpour cela que l'expérience de la conscience transcendan-
tale peut apparaîtrecommeprivilégiée. Voulantfairede la philosophie
une « sciencerigoureuse », Husserlest amenéà rechercher une évidence
absolue,s'enfermant ainsidansunepenséede typeégologique, cardepuis
Descartes,la conscienceest restéela seule donnéeabsolue adéquate
danssonmodede donation.Ainsise faitjourl'idéed'unealtéritéconsis-
tantdansl'irréductibilité d'unedonnéeoriginaire autreque la conscience,
à la présenceadéquatede cettedonnéeà la conscience.D'autrepart,la
mêmevolontéde sciencerigoureuse nousinviteà opérerla réduction du
donnéoriginaire au donnéadéquat.
Concrètement, cela signifie peut-êtreque cettephilosophie de la fidélité
au réeldemeurefondamentalement - c'est-à-dire, quant à son fonde-
ment- une philosophie intellectualiste.Nonparceque l'intentionnalité
de la conscienceimpliqueque l'objet ne peut apparaîtreque comme
donnéepour une consciencequi le vise, mais parce qu'elle conçoitle
modeprivilégiéde donationcommeconsciencetranscendantale, et le
modede donationdu réelsur celuide cetteconscience. sortequ'on De
si «le concepthusserlien d'être-donné " ""
peutse demander originairement
"
n'est pas le seul conceptlégitime,égalementpour l'être-donné adé-
quatement ". L'exigenced'uneréduction à la conscience ne repose-t-ella
pas sur une applicationillégitime d'un idéal d'adéquationà la réalité,
qui n'est originairement valable que pour la conscience elle-même ? » 1.
En ce sens,le réelne peutapparaîtreoriginairement à la conscienceque
commeinadéquation, susceptible certesd'êtrecomplétée pardes approche»
successives, mais d'une « »
completion toujoursincomplèteet impar-
faite,parceque jamaisachevée,et donctoujoursinadéquate.
Certes,on peutdireque « ce qui semblaitde primeabordun échec-
l'inachèvement d'uneséried'aspectsde la chose- est un moded'achè-

1. « Is niet Husserlsbegripvan het " originair" gegeven-zijn hct enig legitieme


begrip,ook voorhet « adequaat » gegeven-zijn? Berustnietde eis van een reductietot
het bewustzijnop een onwetmatige toepassingop de realiteitvan een ideaal van ade-
quaat-gegeven-zijn slechtsgeldigis voorhetbewustzijnzelf? » (R. Boehm,
dat originair
ibid.,p. 592).

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vementde la chose» l. En ce sens,le modede donationpourl'être« réal»


commetel est l'être-donné-madéquatement à la conscience 2. Néan-
il fautdire ce « retournement en u " et en " struc-
moins, que positività
" de ce
tureessentielle qui restaitun échec» 3 demeurelui-même en fin
de comptequelquechosede négatif4, précisément la
parce que pensée
phénoménologique privilégiela consciencethéorétiquereconstituant le
donné.Or, ce dontil s'agit finalement, pourLevinas, c'est de trouver
unevoiepourpenserl'autrecommece qui n'estpas sécrétéou constitué
par une conscience intentionnelle. Et la référenceà l'originephénoméno-
logique,le chemin à la
emprunté phénoménologie, toutautantreven-
sont
diquéspar Levinas que la nécessitéde quitterle chemin.
Boehma esquisséce que seraitunetellesortieou un tel renversement
de la penséephénoménologique, lorsqu'ilse demandes'il ne faut pas
revoirla notiond'adéquationet posercelle d'originarité commeseul
modede donationque l'on peutenvisager valablement5. Que le réal soit
à pensersurle modede l'adéquation,cela indiquerait que dansle zu den
Sachenselbst,la Sachen'estpas le real,maisla conscience transcendan-
tale. Aussi,dire que penserle réal c'est penserl'altérité,n'est-cepas
encoreposer comme« affaire» de la philosophie la conscience, l'être
n'étantréalque par opposition à l'intériorité
de la conscience? De sorte
que si la sortiehorsde la penséeintentionnelle s'avéraitpossible,elle
pourraitbienêtresortieversquelquechosequi nonseulement ne serait
plus de l'ordredu théorétique, mais qui ne relèverait plus de la pensée.

II. La visée identifiante

de l'ordrede l'intuition,
Cette sortierelève-t-elle qui seraitune pen-
sée qui ne se ditpas, penséeen ce sensnonthéorétique, où le vécu et le
sentine se dédisentpas en se disant? On sait l'importance que revêt
l'intuitiondans la penséephénoménologique, où elle n'est pas contact
muetet aveugle,ni penséerefusant de se penserou de se dire.
De l'intuition,
nous dironsd'embléequ'elle répondà l'empirisme et
au platonismequi constituent l'arrière-fond de toute questionphiloso-
phiquelorsquecelle-civeut portersurl'autre.On peut se demandersi
l'étrangerapprochement entreempirisme et platonismeest tellement
1. E. Levinas, « Réflexionssur la « technique» phénoménologique», in Cahiersde
RouaumonL 3 : Husserl,Paris,Éd. de Minuit,1959,p. 114.
2. « De originairewijze van gegevenheidis voorhet reale zijn als dusdanighet
inadeauaat-gegeven-ziin ». Boehm. ibid.. p. 591 (soulignéDar l'auteurì.
3. Levinas, ibid.. p. 114.
4. « Het feitprincipieelnooit adequaat gegevente kunnenzijn betekentvoor de
realiteit
een positief(originair)kenmerk, maar toch als iets negatiefs» (Le faitde ne
pouvoiren principejamais être donné de manièreadéquate signifiepourla réalité
une caractéristique positive(originaire),mais malgrétout commequelque chose de
négatif),Boehm,ibid.,p. 593 (soulignépar l'auteur).
5. cy. jboEHM,tùia.,p. buz.

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étrange,s'il est vraique tousdeux sontdes formes de philosophie por-


tant sur l'altéritéet sur l'extériorité commetelles.Le réalismeplato-
nicien- cet idéalismequi posel'existenceréelledes idéesen-soi,semble
certesfortéloignédu caractèrede finitude « pour-soi » qui affecte l'expé-
riencesensible.Mais si Hegelavait tout de mêmeraison? Si l'en-soi
et le pour-soin'étaientque des voiesdifférentes qui répondraient toutes
deux à la mêmeexigenced'approcher l'extériorité ? Le désirà la fois
le plus désavouéet le plus vivifiantde la penséeoccidentale,n'est-il
pas précisément de les déclarerfinalement identiques? La philosophie
post-hégélienne, et notamment la problématique husserlienne du mode
de donation,est-ellepossiblehors de cette permanente confrontation
avec Hegel? La pleinemanifestation de l'objetcorrespondant à la pré-
sencetotaleà l'hommedansle savoir,le réalismeplatonicien et le subjec-
tivismeempiriste, l'en-soiet le pour-soi,tous deux fidélitéau réel,ne
seraient-ce pas là les éternellesperspectives auxquellesrenvoiel'exi-
gence de données adéquates et originaires ?
On comprend dèslorspourquoiLevinaspeutqualifier de « platonisme »
la conception husserlienne de l'intuition, et pourquoicettemêmepensée
husserlienne, qui penseles essences,peut également se prétendre fidèle
« aux choseselles-mêmes ». « L'intuition categoriale - notionparlaquelle
il (Husserl)romptavec l'empirisme sensualiste,prolonge,en réalité,
l'intuitivisme de la signification. Les relationset les essencessont,à leur
tour,données.L'intuitiondemeurela sourcede toute intelligibilité » x.
« Le platonisme(...) se retrouvechez Husserl,dans l'opiniâtreté avec
laquelleil postulela réduction phénoménologique et la constitution (au
moinsen droit)du mondecultureldansla conscience transcendantale et
intuitive» 2.
Mais l'intuition husserlienne n'est pas refusdu logos.Elle est plutôt
la recherchedu leibhaftiges Gegebene, et d'un remplissement adéquat
de l'intentionnalité par une donnéeoriginaire. Que signifie alorsl'impos-
sibilité,pourle réal horsde la conscience, d'êtredonnéadéquatement
danssonoriginante ? Elle signifie non seulement l'échecd'uneintuition
comprise commecontactim-médiat et muet ; il faut direégalement qu'elle
manifestele théorétisme et l'intellectualisme de la conceptionphéno-
ménologique de la conscience commeconscience transcendantale, réduc-
triceou reconstituante. « Le recours à la pensée intuitive - à YErfüllung
-
opposéeà la penséesignitive ne met pas finà ces équivoquesqui
menacenttoutevision braquéesur Vobjet» 8.
« Le retouraux actesoù se dévoilela présenceintuitivedes chosesest le

1 E. Levinas, « La significationet le sens », in Revue de Métaphysiqueet de Morale,


n° 2, 1964, p. 125-156.
2. lbid..X). 150. . .
3. « Réflexionssur la ♦technique » phénoménologique », p. no ^soulignepar i auteur;.

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vrai retouraux choses.(...) L'accès à Vobjetfaitpartiede Vëtrede Vobjet» 1.


Ainsi,que la visée intuitiveveuilleou prétendedépasserla pensée
signitive et verbale,elle n'estpourtantpas l'opposéde la penséeverbale
commesilenceou non-langage. On pourraitdireque, ne se situantpas
d'embléeauprèsde l'objet, elle est plus accès que contact.En outre,
nous voyonsque l'intuitionest décritepar Levinas commeétantdéjà
essentiellement une réponseau théorétisme et commela tentativede
sortirde celui-ci; maiselle révèleégalementl'échecet mêmel'impossi-
bilité,pourla phénoménologie, sortiedu théorétisme
de sortirdu ôsojpeiv,
qui était pourtant visée dans la mesure où la phénoménologie met en
lumièrel'inadéquationdu modede donationoriginaire.
Et en effet, « est-ilun thèmeplusrigoureusement et surtoutpluslitté-
ralementhusserlienque celui de l'inadéquation? (...) Qui plus que
Husserls'est obstinément attachéà montrerque la visionétait origi-
nellementet essentiellement inadéquationde l'intériorité à l'extério-
rité? Que la perception de la chosetranscendante et étendueétait par
essenceet à jamais inachevée? » 2. Or, c'est à cet inachèvement de la
donationdes chosesdans l'inadéquationde l'êtreoriginairement donné
que YErfüllung et l'intuitionrépondentpar la possibilité« en creux»
de toujourspouvoircontinuer l'approcheperspectiviste de la chose.De
nouveau,cettepossibilité, pourl'objet originairement inadéquat,d'être
approchésuccessivement et complété- en ce sens,de « remplir » - est
toutaussi positiveque l'inadéquationoriginaire. C'est peut-être elle qui
permetà la phénoménologie de poserla possibilitéde saisirdes essences;
c'estelle certainement qui lui permetde poserl'objetcommesaisi intui-
tivement, l'intuition étantici un dépassement de ce qui est donné,et non
une correspondance immédiateau donné.
L'intuitionn'estpas hostileà l'idée de médiation, mêmesi la média-
tionne prétendqu'à l'immédiat.Elle n'estpas hostilenon plus au lan-
gage et au dire.Le platonismede la phénoménologie commesaisie des
essencesn'est pas un dépassement de la prudentephénoménologie des-
criptives'en tenant aux choses elles-mêmes; les deux peuventse
rejoindredans l'idée d'intuition.Celle-ciest à la foisdépassement du
strictement donné,et volonté- affirmation même- de ne s'en tenir
qu'au donné.Nous voyonsalors que le langagelui est essentiel.C'est
ce que Levinastraduiten qualifiantla démarchephénoménologique de
ou de proclamatoire.
kérygmatique
Ainsi,dans« La signification
et le sens», nousvoyonsque « l'intuition
demeurela sourcede touteintelligibilité » 3. Or, l'intuitionne consiste
pas à « s'abandonner
à la durée,pour atteindre » 4. Le mode
la singularité

1. Ibid.t p. 115 (soulignépar l'auteur).


2. « La signification
et le sens », art. cité,p. 126.
3. « La significationet le sens », p. 126.
4. « tangage et proximité», p. 222.

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originaired'apparitiondu réal étantl'inadéquation, « la notiond'intui-


tion est exposée commele fait pour les objets d'être entendus-
" "
gemeint - en tantqueprésents en original,en chairet en os » 1.C'est
le « entendre
comme, en tant «
que leibhaft est
», qui important ici,plusque
le leibhaft
en lui-même. En effet, se
l'objet promettant toujourspossible-
mentautresous d'autresperspectives ne peut êtresaisicommeleibhaft
ou originairementprésentqu'à titrede pureprétention. La viséene peut
les deuxtermessignifiant
êtreque prétention, ici d'ailleursMeinen.
Concrètement, cela signifieque l'affirmation prétendante ne repose
pas sur ce qu'elle pose, ou qu'elle pose plus que ce sur quoi elle repose.
Prétention à l'unitéou à l'identitéde l'objet « entrevu(e)», la pensée
intuitionnante est pro-clamatoire, kérygmatique, pro-nonçante, an-non-
ciatrice ou angélique, car elleannonceet nomme commeprésentplus que
ce qui est donnéinadéquatement. Elle posele donnédans son unité,elle
Yentendcommeidentiqueà lui-même. La pensée est entendement, elle
tientpour,sans que ce « tenirpour» soitégarement.
C'estde toutefaçonau langagequ'il appartient encorede se rapporter
à l'autredans l'intuition. « Tout phénomène est discoursou fragment
d'un discours.(...) C'est en tant que structure mêmede renonciation,
du pro-férer, que le jugementse tientau cœurde la pensée.C'estparce
que le direestprédication que la penséeestjugement: ce n'estpas parce
que le langages'adapteraitmiraculeusement au jugementqui seraitla
penséeoriginelle, maisparceque le jugementdéveloppele sensdu lan-
gage. (...) L'intentionqui prétendest la prétention qui nomme»*.Pré-
tendrel'objetidentique,se rapporter à « ceci en tantque ceci », cela en
tantque cela,mêmesi ni ceci ni cela ne sontdonnésadéquatement ; les
posercommeadéquatsdans leuroriginante et les tenircomme tels,c'est
cela, s'en teniraux choseselles-mêmes, se rapporter à l'autreen tant
qu'autre.
Il fautd'ailleursremarquer que le discoursidentifiant Vobjetn'estpas
ici le discourstotalisant, qui dans Totalitéet Infinipouvaientsembler
identiques.Il est discoursnon violentet respectueux de l'autre,car le
dépassement -
qu'il opère la prétention à nommer et à identifier l'objet
- consisteà le poserdanssonirréductibilité originaire à le distinguer
et
des autres.Mais que signifie, pourla pensée,poserl'identitédes choses
ou nommer présent le donné ? Plus précisément, on peutse demander « ce
la
que signifie pensée de l'autre comme et
autre, si, dans ce cas unique,
la lumièredu " commetel " n'est pas la dissimulation même» 3. S'il
s'avéraitque le langagephénoménologique, prétendant se rapporter aux
choses, ne les atteindrait pas dans leur originante, et si néanmoins on
1. Ibid., p. 218 et 229 (soulignépar l'auteur).
2. Ibid., p. 221. _ . . ....
3. J. Derrida, « Violenceet métaphysique, Essai surla penseede Levinas »,p. 440,
in Revuede Métaphysique etde Morale,n»« 3-4, 1964,p. 322-354,et 425-473.Repris
dans L'Écritureetla Différence, p. 117-228(soulignépar l'auteur).

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maintientl'exigencede se rapporterà l'autrecommetel,il faudratenter


de transgresseret de quitterce langagephénoménologique qui pourtant
conduitversl'altérité.

III. Idéalité

Dans l'affirmation proclamatole, le caractèrekérygmatique ou préten-


dant atteint-il l'altéritécommetelle? La questionpeut se poser,car
il est manifestement possibled'interpréter l'intuitionautrementque
commeprétention à l'identitéfondéesurla possibilité d'unremplissement
de perspectives qui toutes se recouperaient ou se compléteraient, ou
encorese « complémentariseraient ». Ne peut-onpas direque le caractère
de dépassement du donnéet de l'évidencepropreau kérygme, loin de
rejoindrel'objet dans son originante, est la ou
négation l'éloignement
de l'objet ? Nouspouvonsexprimer trèsclairement la questionen disant
que le « ceci en tant que ceci» ne se peutque comme « ceci en tantque
cela », le « en tant que » opérantune médiation.

1. L'intuition, inséparabledu diredu phénomène - direqui ne s'en


tientpas au phénomène mais qui proclamel'identitéde l'objet - est
certesfidélitéà l'expérience de l'objetet à l'objet de l'expérience. Mais
l'intuition transgressante et dépassantene se trouve-t-elle pas dépassée
elle-même ? Certes,elle estla présenceà la conscience, « le faitque ceci
qui se dessinedans l'expérience soitdéjà prétenduou entenduou iden-
tifié,doncpensécomme ceciou comme cela et comme présent » *.Mais que
signifie le « comme» ? Par ailleurs,comment concilierce qui vientd'être
dit avec cet autreaspectde la phénoménologie, selonlequel « le donné
se présente d'embléeentantquececiou cela,c'est-à-dire entantque signi-
fication. L'expérience estunelecture, la compréhension du sens,uneexé-
gèse,une herméneutique et nonpas une intuition » 2. N'est-cepas dire
que la saisie d'une donnéesur le mode de l'inadéquationest à la fois
intuitiveet ne l'est pas ? Elle ne l'est pas si, de nouveau,on entendpar
intuitionune saisie immédiate,aveugle et muette.Or l'intuitionest
déjà toutentièrelangageproclamatolequi nommel'identitéde l'objet
en prétendant uniquela multiplicité des perspectives. Ne peut-onpas
dire,dès lors,que la compréhension - l'entendement, le faitd'entendre
comme- est une herméneutique, est littéralement une lecture,et que
cetteherméneutique ou cetteexégèsecorrespond en faitau momentde
« prétention » ou de proclamation de l'intuition? L'oppositionn'est

1. « Langageet proximité», p. 218 (soulignépar l'auteur).


¿. i L.SLsignification
et le sens », p. Izo (Le < non pas une intention» est souligné
par nous).

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ainsiqu'apparente, l'intuition étantelle-même exégèsed'unedonnéeina-


déquatement donnée.
Il semblecependantqu'il failleencoredire la violenceinhérenteà
l'intuitiondans son momentproclamatoire ou herméneutique, si Ton
veut comprendre pourquoi Levinas désire le
quitter langagephénomé-
nologique.Le momentproclamatoire de l'intuition faitque l'on ne peut
se rapporter à l'objet qu'en se rapportant au sensou à la signification
de l'objet.Signification qui « précèdeles donnéeset les éclaire» *. « Être
prispour..., être entendu ou prétenducommececi ou commecela,c'est,
ce
pour qui apparaît, avoir une signification. Mais ce qui apparaît,ne
peutapparaître en dehors de la signification.apparoirdu phénomène,
'1
ne se séparepas de son signifier, lequelrenvoieà l'intention proclama-
toire,kérygmatique de la pensée» 2. L'identitéprétendue constitueen
faitundépassement, ou un« raccourci » (perspektiv istischeVerkürzung) 3.
Or, « l'identitédu terme consiste en son idéalité même » 4. L'objet est
posé dans son identiténon donnée,c'est-à-dire, en son idéalité,et l'on
sait que Levinasvoitdansce faitde conférer un sensidéalà l'être,le pla-
tonismede Husserl6.
La violenceinhérente au langagephénoménologique résiderait alorsen
ce que, voulantrejoindre le donnécomme tel,ce langagene peut,comme
toutautrelangage,l'atteindre que danssonidéalité.Le langagede l'indi-
vidueldevientpossibilité de généralisation, il visele particulier à partir
de l'universelet ouvreainsi la voie aux perspectives totalisantes ; la
phénoménologie serait tout de même victime des critiques formulées
dans Totalitéet Infinià l'encontrede la traditiontotalitaire. La «saisie
de l'objet est saisie de sa signification, qui est essentiellement referen-
tielle, non seulement parcequ'elle serait appel à un remplissement pers-
pectiviste, mais encore parceque la signification serait renvoi à d'autres
significations; totalitééclairantede la multiplicité de perspectives d'un
mêmeobjet,maiségalement totalitéqui « consisteà faireluire,par delà
le donné,l'êtredans son ensemble, le donnéprendrait une signification
à partirde cettetotalité» 6. La signification idéaleimpliquedonc une
doubleréférence à la totalité: totalitéde l'objet saisi dans son unité,
et totalitéde l'êtrequi rendpossiblela saisiede l'objetidentifié parceque
identiqueà soi. TotalitéetInfiniinsistesurtoutsurle secondaspectde
cettetotalité,maisqui n'estpossibleque par le premier.
2. Nous avons dit que la violencedu langagephénoménologique -
cependantprivilégié -
entretous peut égalements'exprimer en inter-
1. Ibid., p. 128.
2. « Langageet proximité», p. 221 (soulignépar l'auteur}.
3. Levinas, « Intentionnalité ae riu-
et sensation», p. îou, m nevueimernaiwnaie
losophie,n°» 71-72, 1965.
4. « tangage ei proximité », p. ¿i».__ . „ . _ ..
5. Cf.Levinas, « L'œuvred'EdmondHusserl»,p. 2y,in ¿n découvrant ruxisience...;
i La signification et le sens»,p. 150.
6. « La signification et le sens », p. 129.

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Levinas et la phénoménologie

prêtantle « en tantque » - l'idéalisation - commemédiation. Le « ceci


en tantque ceci» ne se peutque commeun « cecien tantque cela ». Ne
faut-ilpas direque ceci et cela sontidentiques,puisqueprécisément le
momentd'identification de l'objetest en mêmetempsceluide sa signi-
fication et de son idéalité? Jeposele donnécommeidentiqueà un « x »
qui n'est pas donnémaisdontje prétendsavoirdes perspectives dansle
donné, et c'est l'objet ainsi idéalement posé qui confère la signification
au donné.Est-ceà dire que le donnécommetel,commedonné,serait
insignifiant ? Il faudraitplutôtdire que rienne peut être donnéà la
consciencequi ne soit déjà « entendu», ou qui n'entredéjà dansl'élé-
mentd'un discours.C'est-à-dire qui ne soit déjà identifié. C'est parce
que la saisiede l'objet est d'ores et déjà affaire d'entendement que l'objet
peutse dire,maisce qui peutse diren'estpas l'objetcommetel ; c'est
sonsens.« L'entendement de cecien tantquecela 1,n'entendpas1l'objet,
maisson sens» 2. Le langageest « signifiant parcequ'il estla proclama-
tionkérygmatique identifiant cecien tantque cela. L'objetindividuel est
donc,lui aussi,en tant qu'identifié, idéal » 3. « Ceci en tantcela,- la
signification » 4,est le discours.« Dans le cecien tantque cela,ni le ceci,
ni le cela ne se donnentd'emblée,en dehorsdu discours» 5. Or,ne pas
se donnerd'emblée,c'est,pourle donné,pourceci,ne pas êtrecompris
en tantque ceci,maisêtreréféré à un objetposéidéalement. Dans cette
position, dansce raccourci, apparaîtle langagecommemédiation et comme
discours,rapportant non seulement cecià cela,mais ne pouvantfinale-
mentidentifier ceci que commecela,c'est-à-dire commeautrechoseque
le donné überhaupt.L'intuitionn'est plus l'identification d'un ceci
commetel, mais médiationd'un cela.
Nousvoyonsque dansla conception de l'expérience de l'autrecomme
langageou direde Vautre, l'autrecertesest prétenduatteintcommetel,
donccommeautre,mais il ne l'est qu'en étantrapportéà autrechose
que lui-même.L'identification de l'objet,qui semblaitrespectueuse de
Faltérité,non seulement l'identifie à autrechosecommeà sa réalitéet
à sa compréhensibilité idéales; il fautdireen outreque Yidentification
estuniversalisation. «L'identification de cecien tantque cela,(...) c'est la
spontanéitéstructuréecommeénonciation,prédication,langage pré-
tendantles momentsidéaux, - ainsi précisément communicables ou
universels - penséspar cetteparolequi nomme,dans cetteparolequi
nomme,danscetteparolepensante- . Dès lors,la penséenepeutatteindre
l'individuel que par le détourde l'universel. Pourla philosophie en tant
que discours,l'universelprécèdel'individuel, est, dans tous les sensdu
1. Et non plus « ceci en tant que ceci,commetel » (soulignépar nous. La noteest
de nous).
2. « Langage et proximité», p. 216.
à. ibia., p. 221.
4. «La significationet le sens », p. 128-129(soulignépar l'auteur).
o. loia., p. '¿y (soulignepar l'auteur).

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terme,a priori(...). Le langageappartientdoncà l'œuvremêmede la


véritéen tant que thématisation et identification où l'êtreest comme
sertiet apparaît.Dès lors,aucun réel,fût-ilrigoureusement individué,
ne sauraitapparaîtrehorsde l'idéalitéet l'universalité » 1.
On pourraitse demandersi la médiationde l'idéal dans la proclama-
tionde l'identitéde l'objet est en mêmetempsproclamation de l'iden-
titédes objets,entendusnonseulement commeidentiquesà eux-mêmes
mais commeidentiquesentreeux, c'est-à-direcommele Même. On
rejoindrait ainsi les critiquesfaitesnon plus au langagephénoménolo-
gique, mais au discoursphilosophiqueoccidental.Certes,parce que
idéalisant, langage qui identifiel'individuelest la possibilitéd'un
le
discoursuniversel qui identifieraitles objetsentreeux à un termecom-
munet neutre; et en ce cas, « l'essencedu langage(...) consisteà faire
luire,par delà le donné,l'êtredans son ensemble» 2. Mais il n'en est
peut-être que la possibilité ou la condition, sans que le passagedu lan-
au
gage kérygmatique langage totalisant ne se fassenécessairement. Il
noussembleen effetque dansles deuxcas, la notioncentraled'identifi-
cations'appliquedifféremment. D'une part,identification de l'objet à
lui-même, et, d'autrepart,identification des objetsentreeux. Le pas-
sage restepossibleprécisément par la médiationde l'idéal, universel
communicable et dit : tant dans le langagekérygmatique visantl'indi-
viduelque dansle langagetotalisant, (le donnéou l'étant)
le particulier
est saisià partirde l'universel (l'idéalou l'être).Le langagephénoméno-
logiquevisantl'altéritécommetelleseraitdonc soumisà la mêmecri-
tique que touteautretraditionphilosophique, et la violencelui serait
tout aussi inhérente.
Finalement, ce qui resurgità l'arrière-plan de tout ceci, est l'idée
d'unlangagequi ne seraitpas médiation ou négativité, qui ne seraitpas
instaurateur d'universalité, mais rendraitseulementpossiblel'instau-
rationde l'universel qui relèvedu discours.En deçà du discours,qui ne
peutêtrequ'uncertainlangageencore,maisqui doitêtrecompris comme
contactimmédiat, atteignant la singularité autrement que parl'intuition
idéalisante, et avantle détourde l'universalité. Langage-contact qui est
l'instauration de la proximité avant l'universalité et la distance.Il fau-
dra doncse demandercomment la sortiede la phénoménologie peut se
faireà partirde la phénoménologie, versla proximité de ce qui reste
singulier.Pource faire,noussongeons en particulierà la différence rendue
possiblepar la phénoménologie entre et
objectivité transcendance, et,
d'autrepart,à l'idée d'horizon,qui permetde pensercelle de rupture
d'horizon.

1. « Langage et proximité », p. 222-223-224.


2. « La significationet le sens », p. '¿'3.

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hennas et la phénoménologie

IV. Objectivité et Transcendance


On sait que la différence entreobjectivitéet transcendance est un
des filsconducteurs qui permettent toute la lecturede Totalité et Infini,
voiremêmedes autresécritsde Levinas1. En fait,posercette diffé-
rencerevientà affirmer que l'autre ne peut être constituépar la
conscience, ou ne peutêtreun noèmesurlequelse porterait l'intention-
nalité.L'autrecommetel trancherait surles structures de la conscience
théorétique, intuitiveet instauratrice de significations.
Cetteexigenced'empirisme radical2 ne peut êtreformulée que néga-
tivement8 par la phénoménologie (mêmela formule de l'autrecomme
pureexpression à partirde soi, commesignification xotf'«otó,est néga-
tive,car elle consisteà direque l'autren'entredans aucuncontexteou
horizon qui pourraientlui prêtersens).De plus,cetautrexaô' auxó nonseu-
lementn'est pas posé par la conscience,mais bouleversela structure
théorétiquede celle-ci.
Dire que l'autrecommetel ne peut êtreconstituépar la conscience
ou qu'il ne peuten êtrela sécrétion ou le résultat,c'est direque l'autre
en tant qu'autrene peut être (mais encore,pour la conscience),que
l'autreen tantqu'autrede ce qu'il est (in)-adéquatement. Saisirl'autre
commetel, c'est le saisircommeautre,mais l'identification idéale ne
peutle saisirque commeautreque lui-même. Nousnousdemandonsdès
lors s'il ne vaut pas mieux,ici, entendrele dépassementprétendant
l'identiténonpluscommeidéalisation, avec ce que cela impliquecomme
positionde la partde la conscience, maiscommeidéekantienne, ce que
Husserlsuggèred'ailleursdansles IdeenI : « II est des objets- et tous
les objetstranscendants, toutesles " réalitésnaturelles " inclusessousle
titrede natureou de mondese rattachent -
à ce groupe qui ne peuvent
êtredonnés,avecunedétermination intégrale et uneintuitivité également
intégrale,dans aucuneconscienceclose,finie.
Pourtant la donnéeparfaite de la choseestprésente entantque " Idée "
(au senskantien); cetteidée désigneun système, absolument déterminé
en son typeeidétique,qui règlele développement indéfinid'un appa-
raîtrecontinu» 4.
1. « La différence entre objectivitéet transcendanceva servird'indication à toutesles
analyses de ce travail », Totalitéet Infini, p. 20 (souligné par l'auteur).
2. Cf. notre article « Ethique et empirisme chez Levinas », in Arcnwes ae rnuoso-
phie, n° 2, 1970, p. 223-241.
3. Négation qui se marque dans la formule « l'objectivité n'est pas la vraie trans-
cendance ».
4. « Es gibt Gegenstände - und alle transzendentenGegenstande, alle « ueautaten »,
die der Titel Natur oder Welt umspannt, gehören hierher- die in keinem abgeschlos-
senen Bewusstsein in VollständigerBestimmtheitund in ebenso vollständigerAnschau-
lichkeit gegeben sein können. Aber als « Idee » (im Kantischen Sinn) ist gleichwohldie
vollkommeneGegebenheit vorgezeichnet- als ein in seinem Wesenstypus absolut
bestimmtes System endloser Prozesse kontinuierlichenErscheinens », E. Husserl,
Ideen zu einerreinenPhänomenologieund phänomenologischenPhilosophie, I, p. 350-351,
(297, 1-10), (souligné par l'auteur). (Trad. -française de P. Ricœur, in E. Husserl
Idées directricespour une Phénoménologie,Paris, Gallimard, 4e éd., 1950, p. 480.)

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Certes,on peutparler,à proposde l'idéalisation présentedansla pré-


tentiondu Meinen,d'un certainplatonisme ; mais à côté de la réalité
*déalevisée,il sembleque Husserlait égalementsongéà concevoirle
caractèrenon adéquatementdonnéde l'autre originaire dans la ligne
d'uneidée kantienne. Et la différence entrel'idée platonicienne et l'idée
kantienne résideen ce que l'idéekantienne ne peutjamaisêtreposéeou
atteinte,fût-ceà traversune multiplicité complémentaire de données.
Il n'y correspond pas d'objet ou de terme,alors que jl'idéeplatonicienne
est atteintedans une rectitude absolue,par « raccourci» ; elle est,pour
Husserl,posée,prétendue, gemeint.
Objectera-t-on que Husserlpensecommeidée kantienneles « réalités
naturelleset mondaines», et non l'autrecommetel ? Mais les réalités
mondaineset naturellessignifient précisément ce qui est en dehorsde
la conscience,l'extérioritéde ce qui,pourla conscience, estl'autre.Nous
devonsnéanmoinsadmettreque ce dont il s'agit pour Husserl,c'est
plutôtl'altéritéconçuecommeoriginante non-donnée du donné,l'accent
étantmis surl'inadéquation, et non pas tantsurl'altéritécommetelle,
dans son originanteirréductible et irréprésentable.
La référence à Kant n'en demeurepas moinssurprenante chez Hus-
serl,parceque l'on pose précisément un objet prétenduidentiqueà soi,
alors que, par ailleurs,l'idée kantienneimpliquel'impossibilité de la
positiond'un terme.La référence à Kant ne vaut ainsique pourl'indé-
termination du processus,et non pour la prétention à poserl'objet.
Remarquons cependantque dansla perspective de Levinas,on pourrait
concevoirl'analyse d'une approche phénoménologique de l'altérité
s'orientantversla perspective des idéeskantiennes, plus que versl'affir-
mationde l'identitéde l'objetidéalisé.Car,pourLevinas,l'autre,affaire
de la philosophie, est certesà penseret à ne pas oublier,mais ne peut
être objet de connaissance.Il est d'ailleursremarquablede constater
que c'estchez Kant,et nonchez Husserl,que Levinasvoit« Vidéed'une
qui riestpas objective» 1. « Que YAutrede l'activitétranscen-
extériorité
dantalesurgissepar l'effetd'uneliaisonou d'un systèmeau lieu de se
polarisercommeobjetde vision,importe considérablementpourentrevoir
la finde l'universelle domination de la représentation et de l'objet.Ici
Kant est plus hardi que Husserl» 2.
Si l'on tentaitd'interpréter l'originaritéde l'altérité- l'autrede la
conscience - commeidée kantienne, il seraitévidentqu'il ne pourrait
correspondre à cette idée aucune réalitéconstituéepar la conscience
théorique. L'affirmation d'une différence entreobjectivitéet transcen-
dance s'orientera d'ailleursrésolument dans le sensd'une non-constitu-
tionde l'altéritéet d'unedescription de la consciencecommeconscience
1. Levinas, t Intentionnalité
et métaphysique», p. 138 (soulignépar l'auteur),m
Revue philosophiquede France et de l'Etranger,n° 4, 1959.
2. ibid., p. I3y (soulignépar l'auteur).

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morale,plus fondamentale que la consciencethéoriqueet partiellement


réfractaire à celle-ci.De nouveau,l'héritagekantienest plus manifeste
que celui de Husserl.On peut mêmedireque cet héritagekantienne
portepas tantsurl'idéalitéde l'autreque surla distinction entreraison
et
pure théorique pratique.
Mais comment penserà partirde la phénoménologie une altéritéque
ne constituerait ou n'instaurerait la
pas conscience, fût-ellepratique,la
phénoménologie ayantprécisément montré la naïveté d'une conception
de l'objetconstituésimplement par la conscienceet inversement ? Com-
ment dès lors pensercette inversionde la consciencethéoriqueen
conscience éthique,renversement qui sembleêtreundesrepères centraux
de la penséede Levinas,et qui est décrità partirde la phénoménologie ?
Commentdécrire, phénoménologiquement, l'abandon ou la transgression
de la phénoménologie, qui s'en tientessentiellement au régimede la
visibilitéet de la lumière?

Y. L'idée de rupture d'horizon

II sembleque le recoursau conceptd'horizon- notionphénoménolo-


gique par excellence- permetd'avancerdans notreréflexion. Levinas
y faiten effetsouventappel pourjustifier le passagedu langagephéno-
ménologique à un langageéthique.Ou bien- pourreprendre la formu-
lationque nousavonsdonnée,et qui évitede faireintervenir explicite-
mentla dimension éthiqueprésentechez Levinas - nous dirionsque
Levinasrecourtà l'idée d'horizonpourdécrirele passaged'un langage
qui vise l'autrecommeautre(de ce qu'il est, c'est-à-dire commeposé
idéalement, identiqueà soi) à un langageoù l'autre n'entreraitplus
dans aucun rapport,fût-cele rapportde son inadéquationà son ori-
ginarité.
« Mettrefinà la coextension de la penséeet de la relationsujet-objet,
-c'estlaisserentrevoirunerelationavec l'autrequi ne serani une limita-
tionintolérable du pensant,ni une simpleabsorption de cet autre dans
un moi,sous formede contenu.Là où touteSinngebung était l'œuvre
d'un moi souverain,l'autre,en effet,ne pouvaitque s'absorberdans
une représentation. Mais dans une phénoménologie où l'activitéde la
représentation totalisante et totalitaire
est déjà dépasséedans sa propre
intention, où la représentation se trouve déjà placée dans des horizons
en
que, quelquefaçon, ellen'avait pas voulue,maisdontelle ne se passe
pas - devientpossibleune Sinngebung éthique,c'est-à-dire essentiel-
lementrespectueuse de l'Autre» 1.

1. Levinas, «La ruine de la représentation», p. 135, in En découvrantl'Existence...


(souligna par l'auteur).

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Nousremarquons dansce débordement versdes horizons insoupçonnés


une passivitéde la conscience, qui se manifestera sous différentes formes
lorsque Levinas décrira le rapportéthique avec autrui *. Mais que signifie
une Sinngebung « respectueuse » de l'autre? Plus précisément, pourquoi
une Sinngebung respectueuse de l'autre serait-elleéthique? Nous ne
demandonspas quel peut êtrele sens de la juxtaposition de ces deux
termes.(Cettequestiondevraitcependantse poser,car si Levinasdécrit
l'autrecommece qui a unesignification xv' ajró,et commece quisedérobe
à touteSinngebung ; s'il décritl'éthiquecommene se jouant plus en
termesd'intentionnalité ou de « prêtde sens», que signifie une Sinnge-
bungéthique ?). Nous nous demandons seulement si le terme de « res-
pect », introduit ici, peut être entendu comme une attitude éthique,
et il noussembleque la réponsedoiveêtrenégative.
En effet, lorsqu'ondit que le dépassement de la structure sujet-objet,
que le conceptd'horizon,ou encore,que l'intuitiontelle qu'elle est
apparue sont respectueuxde l'autre,on vise le souci de fidélitéau
réelet la tentativehusserlienne de s'en teniraux chosesmêmes,avec la
doubleexigenced'une saisie adéquate et originaire. Mais le caractère
respectueux de la démarche phénoménologique est alorsune questionde
méthode, sans qu'intervienne aucunenuanceéthique.Le respectpeut-il
d'ailleursêtre éthiquesans qu'il ne portesur l'autrecommeautrui?
Les réticences de Levinasfaceà Buberpermettent d'en douter,lorsque
ce dernieraffirme que le Jepeutse rapporter à unCela commeà unTu 2.
On objecteraque la perspective d'autruin'estpas absentede la pensée
husserlienne, et que c'est finalement parcequ'il y a autruique Ton peut
parlerd'uneSinngebung éthique,respectueuse de l'autre.« ChezHusserl
lui-même, dans la constitution de l'intersubjectivité, entreprise à partir
d'actesobjectivants, s'éveillentbrusquement des relations sociales,irré-
ductibles à la constitution objectivante qui prétendait les bercer dans son
» «
rythme 3. Non seulement la phénoménologie peut suivre le retour-
nementde la thématisation en éthique ; » 4 « cette mutation de l'inten-
tionnelen éthique» 5, ou du moinsla possibilitéde cette mutation,
seraitdéjà présentechez Husserlou auraitété entrevuepar lui.
Certes,autruiintervient dans la constitution du mondehumain.Et
admettons que ce soit parcequ'il y a autrui qu'il peuty avoirune saisie
de
respectueuse l'autre, il faudra néanmoins remarquer que cetteSinn-
gebungrespectueuse porte sur les choses ou sur le monde, et non sur
autruiqui, lui, demandeune saisieinterprétante ou analogisante contre

1. Cf. notrearticledéjà cité, « Éthique et empirismechez Levinas ». Obsession,


proximité,investiture,sujet, anarchie,sont des termesexprimant cette passivité
d'une consciencequi n'est pas origine,qui n'est pas sujet de,mais sujet à.
2. M. Buber, « Je et Tu », in La Vie en dialogue,p. ¿M,rans, Auoier,jyoy.
3. « La ruinede la représentation»,p. ido.
4. « Langageet proximité», p. ¿à*.
5. Ibid., p. 225.

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Levinas et la phénoménologie

laquelle préciséments'élève Levinas dans sa « défensede la subjectivité».


Il nous semble donc qu'il faut absolument dissocierl'idée méthodolo-
gique de respectattribuéeà l'approche phénoménologique,et le contexte
proprementéthique de ce terme.
Le recoursà l'idée d'horizonpermetnéanmoinsde comprendrele lien
établi entrephénoménologieet éthique - lien qui par conséquentn'est
pas saut ou rupture,toujours arbitraireset non cogents. Le terme« res-
pect » n'est alors considéréque comme un caractèrede méthodepropre
à un comportementthéorétique. (On peut d'ailleurs interpréterde
manièresemblablela Sein lassen comme contemplation« respectueuse»
où l'Etre se dévoileraitplutôt qu'il ne serait dévoilé ou découvert,et la
pensée mêmede Levinas, lorsqu'il parle de la « théoriecommerespectde
l'extériorité» 1.) Il faut en effetmaintenirque l'idée phénoménologique
d'horizon permet de comprendre- au moins négativement,mais en
termesphénoménologiqueset non éthiques - le passage de la phéno-
ménologieà l'éthique. Nous disons « négativement», car c'est à partir
de Vidéed'une « rupture», ou d'une « absence » d'horizon,que Levinas
décriral'altérité.
C'est en quelque sorte la phénoménologieelle-mêmequi, en posant
l'horizoncomme conditionde la phénoménalité,a permis de penser -
mais non de saisir, ou de connaître- l'au-delà de ses limites et des
conditionsde visibilitécomme ruptureet absence d'horizon,et surtout,
de pensercette ruptured'horizoncomme déterminationproprede Yalté-
rité.Ce n'est pourtantpas dans la ligned'un inenglobableet indéfini■que
doit êtrepenséel'altéritéque la phénoménologien'atteindraitque comme
idéalité. En effet,cette altérité indéfiniese rapprocheraitprécisément
plus de l'idée d'horizonque de celle de ruptured'horizon.
Par l'idée d'horizon,la phénoménologiedéterminela signification essen-
tiellementcomme référentialité. L'objet signifiepar le contexteet par le
lien qui le réfèreà ce qu'il n'est pas. Ainsi peut se fairejour - mais tou-
jours, négativement- l'idée d'une significationqui serait signifiantede
soi, à partir de soi, comme déterminationpropre de l'altérité absolue.
L'autre ne seraitpas l'indéfinipar manque ou absence de contexte,mais
signification xaO'aúró,autoréférentialité pure, expressionde soi - à la foi»
génitifet ablatif.
Mais commentune telle significationse produisant comme rupture
d'horizonpeut-elleêtre expressionet langage ? L'expression ne se fait
pas en l'absence de tout contexte; elle ne peut se faire que dans un
contexte,à partir d'un horizon; mais elle se fait malgrél'horizon, à
VencorUre du contexte.Elle apparaît par conséquent comme rupture et
mise en question du contexte,et non comme mise en question par le
1. Totalitéet Infini,p. 13.
2. Nousemployons à desseinle terme«indenni» par oppositionà ce qui chezLevinas
s'avéreraêtreY t infini».

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contexte. Poserunealtéritéirréductible à sonidéalisation, c'estadmettre


sansdouteque l'autreest abordablelatéralement, à partirde différentes
perspectives et différents contextes, apparaissantsur un horizon.C'est
admettre également ne
qu'il peut se réduire à son apparaître(kérygma-
tique). C'est en outre,pourLevinas, affirmer que sa signification comme
autren'est pas reçueou posée commedépassement de données,mais
que de soi,xaO'aíno,la distancede l'autreest signifiante.
S'exprimer consiste, pourl'autre,nonà recevoirunesignification, mais
à signifierlui-même sa propredistanceou différence. L'altéritéqui n'est
pas poséeidéalement parunsujets'exprime commerefusde toutcontexte
et horizon, par le refus et la dénégation toutesignification
de « prêtée»
ou « reçue». Dansla Sinn-Gebung de l'autre,la Gebung vientde l'autreà
moi,et n'estpas un mouvement de donationde la conscience qui prête
sens.La forme la plusradicaled'empirisme consistepeut-être à interpré-
terla Sinngebung commesignification reçuepar un sujet opérantune
lectureou une herméneutique latéraleou « horizontale » de l'objet,et à
concevoir que l'objet impose, ou donne, un sens qu'il détient « en soi ».
CetteSinngebung comprise commeopération, ou comme« effectivité » de
l'objet,serait,pourla conscience, accueilde senset nouveautéradicale.
Nous rejoignons ainsi une conception beaucoupplus platonicienne que
ne l'était celle de Husserl,et à laquelle d'ailleursla phénoménologie,
peut-être parce qu'elle se trouveen effetdépasséeou transgressée, ne
peutplussouscrire. Car quel peutêtrele sens,pourla phénoménologie,
d'une signification autoréférentielle, sinon celui de la non-signifiance
totaleet absolue? On pourraitd'ailleursopérertoute une lecturede
l'altéritéchez Levinas commenon-signifiance, commel'autre de la
conscience,et en même temps commenon-mondanité. Remarquons
seulement que l'autreestici l'autre-en-soi, noumèneque Levinasprétend
approcherà partirde la phénoménologie, et que le moded'apparaître
de l'altéritéabsolueestirréductible à toutecondition normalede phéno-
ménalitéet de visibilité. Aussidevons-nous direque la phénoménologie
si
permetde concevoir négativement l'idée d'une signification *a6'ocjtoet
d'une expression commesignification autoréférentielle, peut certes
elle
les attribuer à cet autrepar excellence qu'estpourellel'autrepar « excé-
dence», maisil fautlui dénierla possibilité de s'y rapporter elle-même,
de décrire cetteseulealtéritévéritable.Mêmela description du rapport
à cettealtéritélui est interdite.
Il faudraitdire alors,et contreLevinas,que de la phénoménologie
à l'éthiquele passagene se peuttoutde mêmeque comme« saut ». La
phénoménologie peutà la rigueurallerjusqu'à direY¿^-adéquation posi-
tive,mais la de
description l'inadéquation lui est interdite. Plus concrète-
ment,elle peutdireque l'expression de l'autrecommeexpression de soi
autoréférentielle tranchesurles significations latéralesqu'ellepeutdécou-
vrir,maiselle ne peutdéchiffrer cetteexpression elle-même. Certes,elle
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Levinas et la phénoménologie

a alorspourellela sagessede toutethéologie négative.MaisLevinasveut


et pas seulement
allerplus loin; il veut décrireValtérité, la direautre!
il veut faire« unephénoménologie du noumène » ' mêmesi à un point
précis,il fautabandonnerla lumièrepour continuer en
la description
termeséthiques,c'est-à-dire nonphénoménologiques.
Tentativepeut-être etcontradictoire,
impossible s'ilestvraiqu'un« nou-
veau langage (la philosophied'EmmanuelLevinas nous en apporte
l'exempleet l'essence)2 (doit),pour échapperau langagegénéralde la
philosophie en général,consentir à la rupturede ses catégories, fussent-
elles,comme elles le des de
sont, catégories rupture » 3.

Jan De Greef,
Nationaledu Zaire,Kinshasa.
Université

1. Levinas, « Libertéet commandement », in Revuede Métaphysique et de Morale,


n° 3, 1953, p. 270 (soulignépar nous).
2. La parenthèseest de l'auteur.
ô. J. delhomme,« Le troisièmelangage»,in i Arc,negei,n° 00, p. r¿ (soulignepar
nous).

465
Revue de Méta. - N° 4, 1971. 30

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