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LANGAGE ET PAROLE
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Pascal Auzou, Dominique Cardebat, Jany Lambert, Bernard Lechevalier, Jean-Luc
Nespoulous, François Rigalleau, Anne Rohr, Fausto Viader
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Langage et parole
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Mots clés
• aphasie
• agraphie
• alexie
• système lexical
• dysarthrie
• classification
• évaluation
• rééducation
1. Nous verrons plus loin le caractère souvent insatisfaisant de telles appellations, du fait, en particulier,
de la grande diversité des profils symptomatologiques présentés par les patients, une diversité qui a
conduit à la réhabilitation des études de cas en neuropsychologie au cours des dernières décennies.
Langage et parole 441
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Jean-Luc Nespoulous
sont les plus manifestes et ils peuvent, au moins dans un premier temps, être décrits
en des termes empruntés au vocabulaire de la « grammaire traditionnelle » : troubles
articulatoires, manque du mot, troubles de la syntaxe. Il est donc normal que ces per-
turbations aient été les premières à attirer l’attention des neurologues, et ce même
avant Broca, la contribution de ce dernier ayant résidé essentiellement dans l’identi-
fication anatomo-pathologique de la partie du cerveau présumément responsable du
comportement verbal ante mortem du patient connu dans la littérature sous le nom de
« M. Tan ». Une première méthode d’investigation trouve là ses lettres de noblesse.
Son objet : la mise en corrélation de telle ou telle partie du cortex cérébral et de tel ou
tel symptôme verbal. Une telle démarche anatomo-clinique peut être qualifiée, selon
nous, de doublement descriptive : elle identifie les zones anatomiques affectées par
une lésion cérébrale ; elle décrit les manifestations de surface engendrées au plan lin-
guistique par de telles lésions. En revanche, elle ne fait aucune inférence claire quant
aux mécanismes/processus cognitifs sous-jacents perturbés (cf. infra). Pendant des
décennies, elle a constitué la méthode souveraine en neuropsychologie et, dans une
très large mesure, elle est toujours d’actualité. Elle a cependant été considérablement
raffinée, au niveau de la description des symptômes langagiers, par l’avènement de la
linguistique générale dans le premier quart du XXe siècle et l’entrée de cette dernière
à l’hôpital à la fin du deuxième quart (Alajouanine et al., 1939), et au niveau de la
localisation des lésions cérébrales, par la mise au point de plusieurs générations suc-
cessives de scanners, de plus en plus puissants et précis, au cours des trente dernières
années.
Toutefois, si, grâce à la méthode anatomo-clinique, la neuropsychologie par-
vient à décrire de mieux en mieux ce qui se manifeste « en surface » dans le compor-
tement des patients (le « Quoi ? ») ; si, grâce aux nouvelles méthodes d’imagerie
cérébrale, il est possible d’identifier d’une manière de plus en plus précise les sites
cérébraux lésés (le « Où ? »), le bât blesse au niveau de l’interprétation des symptô-
mes et de la caractérisation des processus cognitifs sous-jacents perturbés (le
« Comment ? »).
C’est précisément du fait d’une telle carence explicative que s’est développée
– dans le droit fil des interventions des chercheurs ayant présidé à la naissance des
sciences cognitives lors du Symposium Hixon (1948) mais, comme toujours, avec un
certain décalage dans le temps – la Neuropsychologie cognitive. L’objectif de ce nou-
veau courant, faisant souvent fi des fondements biologiques de la parole et du langage
(Lecours et Joanette, 1985), est de tenter de dépasser le refus d’entrer dans la « boîte
noire » – tel qu’il avait prévalu pendant toute la période béhavioriste – afin de tenter
442 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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de rendre compte des différents niveaux représentationnels et des différentes étapes
du traitement de l’information (ici) linguistique ; il s’agit ainsi de dépasser la simple
description des manifestations de surface (cf. supra) pour tenter d’en appréhender le
déterminisme sous-jacent (Nespoulous, 1994).
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l’absence de toute lésion cérébrale ou de toute autre pathologie, est, au quo-
tidien, sujet à des errements ou dérapages langagiers, d’où l’importance –
dans la boîte à outils de la compétence linguistique – d’un ensemble de stra-
tégies palliatives (Nespoulous, 1996) qui seront mobilisées, volontairement
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ou non, par le sujet parlant, sujet sain ou patient, dès lors que le besoin s’en
fera sentir et avec plus ou moins de succès selon les cas (Nespoulous et
Virbel, 2004 ; Nespoulous et Virbel, 2007).
Dans le chapitre suivant, nous traiterons successivement de la symptomato-
logie des troubles du langage oral, des approches anatomo-cliniques de l’aphasie, de
l’interprétation cognitive des symptômes aphasiques du langage oral, d’autres chapi-
tres étant consacrés aux pathologies du langage écrit.
24.2.1 Introduction
Dans le présent chapitre, nous reprendrons les principaux traits symptomatologiques
caractéristiques de la production et de la compréhension orale des aphasiques. À plu-
sieurs reprises, nous élargirons notre propos à l’examen de certaines perturbations
verbales observées chez les cérébro-lésés droits et chez les déments de type Alzhei-
mer. À chaque fois, nous procèderons d’abord à une description des symptômes et de
leur contexte clinique d’apparition, puis, suivant en cela l’évolution de notre disci-
pline (cf. supra), nous procèderons à une (ou plusieurs) tentative(s) de caractérisation
interprétative des phénomènes pathologiques observés. Nous présenterons les divers
phénomènes retenus dans un ordre qui recoupe assez souvent celui qui prévaut lors
de l’examen linguistique des patients. Seront ainsi successivement présentées les per-
turbations qui affectent divers types d’unités linguistiques, du niveau phonétique et
phonémique au niveau discursif, en passant par le niveau du mot et de la phrase, uni-
tés intermédiaires. Si une telle mise en ordre linéaire de la séméiologie est certaine-
2. Ceci vaut non seulement du comportement verbal des sujets normaux mais également de celui des
patients, lesquels voient fréquemment leurs performances varier, d’une tâche à une autre, d’un moment à
un autre… (Nespoulous, 1997 ; Nespoulous, 2000).
444 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
ment inévitable pour les besoins du présent exposé, elle ne doit pas occulter le fait
que, bien souvent, divers types de phénomènes coexistent chez un même patient,
qu’ils soient véritablement solidaires et qu’ils interagissent même dans le contexte
d’un syndrome unitaire ou qu’ils soient simplement co-occurrents du fait de la nature
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du tissu cérébral lésé. C’est d’ailleurs là un des problèmes majeurs du neuropsycho-
logue que de déterminer si divers symptômes présents chez un même patient consti-
tuent différentes facettes d’un seul et même déficit ou s’ils apparaissent en même
temps du seul fait de la seule proximité des structures cérébrales qui les engendrent.
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Perturbations phonétiques
Les perturbations phonétiques dans l’aphasie ont constitué un des tout premiers
domaines de recherche de la neurolinguistique naissante, particulièrement en France.
On s’accorde, en effet, à reconnaître comme premier ouvrage de la neurolinguistique
contemporaine le « Syndrome de désintégration phonétique dans l’aphasie », écrit
par Théophile Alajouanine, neurologue, André Ombredane, psychologue, et Margue-
rite Durand, linguiste-phonéticienne (1939). Ces auteurs considèrent trois formes de
troubles moteurs de la parole selon qu’ils sont de nature préférentiellement parétique,
dystonique et dyspraxique. La parésie conduit le patient à un relâchement
(= hypotonie) dans l’articulation des sons de la parole. Elle se traduit souvent par la
sonorisation des consonnes sourdes (ex. : /p/ ➞ /b/, /s/ ➞ /z/...), par la production de
pseudo-diphtongues au niveau des voyelles (dans une langue comme le français qui,
à l’exception du québécois, ne comporte pas de diphtongues), par la production
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phénomènes a tendance à apparaître après une première phase, de type parétique.
C’est celui qui a fait l’objet du plus grand nombre d’études. Quant aux manifestations
dyspraxiques, elles peuvent apparaître en l’absence de perturbations parétiques et
dystoniques 5. Elles sont particulièrement évidentes en situation d’activité volontaire
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Perturbations phonémiques
Tel que déjà indiqué, les perturbations phonémiques apparaissent en l’absence de
troubles phonétiques du type de ceux que nous venons de rapporter. Elles apparais-
sent, de plus, chez des patients différents (aphasiques de conduction et aphasiques de
Wernicke) de ceux qui viennent d’être évoqués et dont les lésions sont différentes
(rétro-rolandiques). Selon bon nombre de travaux, particulièrement en langue fran-
çaise, ils présentent, entre autres caractéristiques, deux traits majeurs : les déplace-
5. Elles peuvent alors être parfois difficiles à différencier, à la seule écoute, des paraphasies phonémi-
ques d’autres types cliniques de patients.
6. Les sons de la parole – ici surtout les consonnes – sont ordinairement décrits au moyen de quatre
traits : le mode d’articulation (occlusif vs constrictif), le point d’articulation (bilabial, alvéodental, prépa-
latal, vélaire, uvulaire), le voisement (sonore vs sourd), l’oralité (oral vs nasal). On voit bien ici que seul
le point d’articulation nécessite une subdivision non binaire des consonnes (ici) du français.
446 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
ments de phonèmes sont fréquents (ex. : /lavabo/ ➞ /balavo/), comme il est souvent
observé aussi dans les erreurs de performance (contrepèteries) produites ici ou là par
des sujets normaux (Fromkin, 1971, 1973 ; Garrett, 1980) ; on n’observe pas de ten-
dance préférentielle dans les substitutions de phonèmes : par opposition aux phéno-
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mènes rapportés à propos des aphasiques de Broca, ces patients-ci remplacent aussi
bien des consonnes sonores par des consonnes sourdes que l’inverse (Nespoulous et
al., 1987). Ces deux caractéristiques montrent bien que le déficit, dans ce cas, n’est
plus « moteur » mais « pré-moteur » (MacNeilage, 1982), intervenant donc à un
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niveau de planification plus profond, plus abstrait et plus en amont que le déficit pré-
cédent (Valdois et Nespoulous, 1994).
B. Perturbations morphologiques
On entend par paraphasies morphologiques l’omission, la substitution ou l’addition 7
de morphèmes (unités minimales de sens) à l’intérieur d’une unité lexicale, d’un mot.
Si, pendant un certain temps (Goodglass et Mayer, 1958 ; Lecours et Lher-
mitte, 1972 ; Tissot et al., 1973), les troubles morphologiques ont essentiellement été
envisagés dans le cadre des perturbations grammaticales survenant lors d’une aphasie
de Broca, des études menées au cours des deux ou trois dernières décennies tendent
à considérer les perturbations morphologiques comme étant, du moins pour certaines
d’entre elles, indépendantes du traitement syntaxique (Panzeri et al., 1990 ; Bas-
tiaanse, 1995 ; Badecker, 1997).
Ainsi, deux types de perturbations morphologiques peuvent être envisagés :
• des perturbations affectant la morphologie flexionnelle. Il s’agit là d’un trou-
ble se manifestant par des erreurs d’accords de genre, de nombre, de per-
sonne, de temps, de mode et de cas – toutes transformations dépendant du
contexte phrastique ;
• des perturbations concernant la morphologie dérivationnelle. Dans ce cas, la
perturbation morphologique, indépendante du contexte phrastique, relève du
traitement lexical et les erreurs de performance portent sur les bases (racines),
les affixes dérivationnels et/ou les mots composés.
Ce qui rend souvent difficile l’interprétation d’un trouble en termes de déficit
morphologique, proprement dit, c’est la fréquente association des paraphasies mor-
phologiques à d’autres types d’erreurs. On ne trouve en effet aucun cas d’aphasie
dans la littérature présentant uniquement des paraphasies morphologiques (Badecker
et Caramazza, 1991). Ces dernières sont généralement accompagnées d’erreurs com-
portant un lien sémantique et/ou formel avec la cible. Si, par exemple, chez le même
patient, des erreurs telles que « doctrinal » > « endoctriner », « voudrai » >
« pouvoir » ou « régate » > « frégate » sont observées, il est tout à fait possible que
l’origine du premier type d’erreur et celle des deux autres (analysables comme mor-
phologique, sémantique et sémantique et/ou formel) soit la même, puisque dans les
paraphasies morphologiques, il existe toujours un lien sémantique avec la cible.
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second.
Cependant, certaines études relèvent des patterns de performances dont le(s)
trouble(s) sous-jacent(s) est (sont) sans doute lié(s) à un traitement morphologique
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8. Pour cette raison, nous ne traiterons pas de cette question dans la partie suivante du présent article,
qui porte sur les troubles de la compréhension orale.
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phologique « pur » ne peut être observé chez les patients aphasiques, comment peut-
on conclure à la réalité psycholinguistique du traitement morphologique ? Des tra-
vaux menés en compréhension écrite de mots morphologiquement complexes (voir
Babin, 1998, pour une revue détaillée) semblent clairement indiquer qu’un traitement
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tains des traits sémantiques du vocable spécifique recherché, ex. : « animal »,
« bête » produits à la place de « loup » dans la narration du Petit Chaperon
Rouge ;
– par un hyponyme erroné, dans ce cas, le patient semble parvenir au niveau du
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lexique spécifique sans pour autant réussir à trouver le mot cible, ex. :
« renard », « chacal » pour « loup », toujours dans le Petit Chaperon Rouge,
c’est dans ce dernier cas que l’on parlera habituellement de paraphasie
sémantique ;
– par un antonyme ;
– par un mot qui ne semble pas entretenir de relations sémantiques avec le mot
cible (cf. les « paraphasies extravagantes » relevées parfois à la suite de
lésions sous-corticales ; Démonet, 1987).
Il est à relever que, dans plusieurs des phénomènes ci-dessus, on retrouve des
comportements fréquemment observables chez le sujet normal. C’est donc clairement
leur surabondance, chez l’aphasique ou le dément qui leur octroie un statut pathologique.
À tous ces phénomènes – qui sont autant de substitutions lexicales –, il
convient d’ajouter encore des tentatives de périphrases, authentiques stratégies pal-
liatives auxquelles les sujets normaux ont également recours quand un mot leur fait
défaut mais qui malheureusement n’aboutissent pas toujours in fine à la production
du mot juste, le patient étant repris par le manque du mot dans sa périphrase ! Enfin,
il convient de prendre en considération le contexte ou la tâche dans lequel/laquelle le
manque du mot est évalué : certains patients sont ainsi meilleurs dans la production
de mots isolés alors que leurs performances dans la production lexicale en contexte
discursif sont fortement perturbées (cf. les patients porteurs de lésions frontales,
Luria, 1966), d’autres patients présentant la dissociation inverse, le contexte pouvant
alors avoir un effet facilitateur sur la lexicalisation.
En face d’une telle diversité de manifestations, une première question se pose
au clinicien et au chercheur : ces manifestations différentes traduisent-elles des défi-
cits sous-jacents différents ou constituent-elles les manifestations différentes d’un
seul et même déficit (avec parfois, en plus, leurs stratégies palliatives) ? C’est là quit-
ter le domaine de la description pour aborder celui de l’interprétation.
Benson (1977) propose la sous-catégorisation suivante de l’anomie s’appuyant
sur les éléments symptomatologiques ci-dessus mais prenant aussi en compte le tableau
clinique global du patient ainsi que la localisation de sa lésion :
• L’anomie de production (« Word production anomia »). Dans ce premier
type d’anomie, le patient ne peut produire spontanément le mot-cible mais le
déficit causal semble être soit moteur (problèmes d’articulation chez les
patients porteurs de lésions frontales), soit paraphasique (problème de pro-
duction de la séquence phonémique attendue en l’absence de tout déficit
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• L’anomie de sélection (« Word selection – word dictionnary – anomia »).
Dans ce deuxième type d’anomie, le patient présente un manque du mot isolé,
souvent compensé par de nombreuses périphrases et par des gestes qui indi-
quent clairement que l’objet (le « référent ») lui-même a bien été reconnu
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conceptuel. Cette réserve vaut également pour les quelques études en image-
rie fonctionnelle cérébrale (Damasio et Tranel, 1993) qui ont essayé d’abor-
der la dichotomie noms/verbes et des études complémentaires – mieux
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contrôlées au plan linguistique – sont à l’évidence nécessaires avant que l’on
puisse affirmer que les noms et les verbes sont traités par des réseaux neuro-
naux différents !
le patient éprouve des difficultés à nommer un objet qui lui est présenté par
une modalité sensorielle spécifique mais il parvient à effectuer correctement
la dénomination dès lors que l’objet lui est présenté par une autre modalité
(Rubens et al., 1971 ; Lhermitte et al., 1973 ; Gardner, 1973).
• Parmi les autres variétés d’anomie, Benson mentionne le manque du mot du
patient atteint de la démence de type Alzheimer en soulignant le fait que, en
phase initiale, ce type de patient ne présente pas de perturbations en dénomi-
nation, le seul déficit résidant alors dans le fait que ces patients – dans le con-
texte d’un « test de fluence verbale » qui consiste en l’énumération aussi
rapide possible d’un maximum d’items lexicaux appartenant à une même
catégorie (noms de fruits, d’animaux...) (Cardebat et al., 1991) – ne parvien-
nent pas à produire autant de vocables que les sujets normaux. Dans cette
variété clinique de patients, les véritables problèmes de dénomination (sur
images, par exemple) ne surviendraient que plus tardivement dans l’évolu-
tion de la maladie, une opinion qui tranche quelque peu par rapport à celle qui
est ordinairement mentionnée dans la littérature traitant des démences et
selon laquelle l’anomie constituerait un des tout premiers symptômes de la
maladie (Seglas, 1892 ; Critchley, 1964 ; Stengel, 1964 ; Irigaray, 1973 ;
Albert, 1980 ; Obler et al., 1981).
9. Pour une synthèse des travaux portant sur les troubles de la dénomination, se reporter à Kremin
(1994).
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ques simplifiées, émaillé d’omissions de morphèmes grammaticaux et à la morpho-
logie réduite (= verbes à l’infinitif en français, au gérondif en anglais...).
Ex. :« Ah, aujourd’hui, bonne soirée, parler littérature. »
« Salle à manger avec papa manquant ; maman apporter bouillon avec fille ;
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fils mettre table ; la table, chat ; enfin sept heures, travail fini » (Alajouanine, 1968).
Par « paragrammatisme » (ou « dyssyntaxie »), on entend classiquement la
production, par certains aphasiques de Wernicke, de séquences de mots qui, parado-
xalement au regard de la dénomination du trouble, sont généralement bien formées
du point de vue syntaxique mais comportent de nombreuses substitutions de morphè-
mes grammaticaux.
Ex. :« Elle portait une galette sur sa grand-mère. »
« J’étais dans la couturière » (Lecours et Lhermitte, 1979).
En relation avec l’opposition omission et substitution des morphèmes gram-
maticaux, centrale chez Alajouanine parce que permettant de fonder un diagnostic
différentiel entre deux variétés de patients aux symptômes et aux lésions différentes,
on notera toutefois la position plus nuancée de Lecours et Lhermitte (1979), lesquels
définissent l’agrammatisme par les traits suivants :
« Ralentissement du débit, réduction générale du vocabulaire disponible,
réduction du nombre et simplification des structures syntaxiques disponibles,
brièveté des phrases et tendance à la juxtaposition, élisions et substitutions por-
tant spécifiquement sur les monèmes grammaticaux. »
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dépend crucialement des propriétés structurales de la langue du patient : là où le locu-
teur francophone peut omettre un morphème grammatical, un aphasique parlant
l’hébreu ne le peut 10 (Grodzinsky, 1982 ; Baharav, 1990). En effet, l’omission des
infixes vocaliques (à valeur morphématique) dans cette langue condamnerait le
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patient au mutisme absolu puisqu’il ne pourrait produire les matrices lexicales tri-
consonantiques en l’absence de voyelles 11 ! De plus, l’existence chez les agramma-
tiques francophones (mais aussi italianophones) non seulement d’omissions mais
aussi de substitutions de morphèmes grammaticaux semble indiquer que le distinguo
clinique classique : agrammatisme = omissions vs paragrammatisme = substitutions
mérite d’être sérieusement reconsidéré (Heeschen, 1985 ; Nespoulous, 1997) 12.
Cette partie a pour objectif de mettre en perspective certaines données issues de la lit-
térature concernant l’analyse du discours pathologique.
Ces données concernent surtout l’analyse de discours narratifs (raconter une
histoire) et de discours procéduraux (décrire une procédure telle que changer une
roue, par exemple).
Ces deux types de discours qui représentent, avec le discours spontané,
l’essentiel de l’activité discursive, permettent en effet, en raison de leurs différences,
une caractérisation fine des déficits discursifs pouvant être observés en pathologie du
langage. Ces différences existent tant au niveau de la fonction de communication
(distraire pour le discours narratif et instruire pour le discours procédural) qu’au
niveau du contenu de l’information (personnages et évènements pour le discours nar-
ratif, actions décrites de façon claire et explicite pour le discours procédural). Elles se
reflètent aussi à la surface du discours : la syntaxe du récit est plus complexe que celle
du discours procédural et les liens cohésifs du récit englobent des fragments de texte
plus larges (pouvant aller jusqu’au paragraphe) que les liens cohésifs observés dans
le discours procédural (liens entre énoncés adjacents, la plupart du temps).
Le recensement des travaux dans ce domaine ne sera pas exhaustif, seuls
seront présentés ici certains résultats concernant l’analyse discursive de patients
aphasiques, de patients cérébro-lésés droits et de patients déments de type Alzheimer.
10. Cf. Menn et Obler, 1990 : « Agrammatic aphasia » où des agrammatiques parlant quatorze langues
différentes ont été comparés.
11. En hébreu, une matrice tri-consonantique comme k.t.b renvoie à la notion générale d’écriture ; elle
correspond à un léxème dans une langue comme le français. Selon les infixes vocaliques utilisés, le léxè-
me change d’acception : « katab » veut dire « écrivit », « hiktib » = « il dicta », « miktab » = « lettre »...
12. Pour une synthèse plus complète, cf. Pillon et Nespoulous (1994).
454 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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la compréhension de discours narratifs sur la base d’images proposées aux patients.
C’est donc l’analyse du discours narratif qui sera l’essentiel de cette section ; cepen-
dant, les capacités des patients à générer des scripts ainsi qu’à produire des discours
procéduraux seront aussi évoqués.
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Si l’on considère les travaux orientés vers l’analyse des troubles du récit chez
l’aphasique, il apparaît clairement que les analyses portent, de façon prépondérante,
sur les déviations syntaxiques et lexicales présentes à la surface du discours, dévia-
tions venant altérer la cohésion du discours.
● Déviations grammaticales et syntaxiques
L’analyse descriptive de la forme des récits produits par des patients aphasiques a
permis de décrire certaines de ses caractéristiques concernant les unités de nature
grammaticale ou syntaxique. On note, entre autres :
• des contrastes verbes/noms entre les différents syndromes aphasiques, les
aphasiques de Wernicke produisant, par exemple, plus de verbes que de noms
dans leurs récits et les aphasiques de Broca plus de noms que de verbes
(Berko-Gleason et al., 1980) ;
• un appauvrissement syntaxique, analyse effectuée, par exemple, à partir
d’une classification des propositions syntaxiques en termes de longueur, de
nombre de propositions enchâssées et d’adéquation grammaticale (Ula-
towska et al., 1981) ;
• une stratégie plus descriptive que narrative, les marques déictiques (pronoms et
adverbes démonstratifs) étant plus nombreuses dans des récits d’aphasiques de
Wernicke que dans des récits d’aphasiques de Broca (Dressler et Pléh, 1988) ;
• une perturbation du système référentiel, système essentiel à la cohésion d’un
récit, avec notamment une difficulté de manipulation des pronoms
anaphoriques ; ce type de perturbations est décrit dans de nombreux travaux
(Berko-Gleason et al., 1980 ; Ulatowska et al., 1981), la majorité des pro-
noms anaphoriques présents dans les récits des aphasiques étant dépourvus
de référent, caractéristique pratiquement absente des récits de sujets contrô-
les. Les anomalies du système de référence chez les aphasiques ont d’ailleurs
fait l’objet d’un travail spécifique de Chapman et al. (1989). Ces auteurs ont
testé, chez des patients aphasiques modérément déficitaires, les capacités à
indiquer les référents de pronoms anaphoriques dans des phrases précédées
de courts textes. La désambiguïsation des référents pouvait s’effectuer sur la
base d’indices linguistiques présents dans les textes ou sur la base de la
connaissance du monde que possèdent les sujets, ces deux types d’indices
pouvant être en contradiction. Les résultats ont montré que les aphasiques se
fondent préférentiellement sur leur connaissance du monde, même si elle est
contradictoire avec les informations textuelles dont ils disposent, pour tenter
de comprendre les relations unissant les référents aux pronoms anaphoriques.
Langage et parole 455
● Déviations lexicales
Si l’on considère maintenant l’analyse des unités lexicales apparaissant à la surface
des récits produits par les patients aphasiques, il est parfois difficile de respecter la
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dichotomie théorique entre surface du discours et contenu sémantique discursif. En
effet, les travaux prenant en compte ce niveau d’analyse ont pour but l’identification
formelle des marqueurs de cohérence textuelle, cohérence faisant directement réfé-
rence au contenu sémantique discursif. Ainsi Berko-Gleason et al. (1980) ont pu met-
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tre en évidence dans des récits d’aphasiques une réduction du nombre des cibles
lexicales nécessaires à l’actualisation en surface des éléments de la macro-structure
et de la micro-structure narrative ; cette réduction respectait une hiérarchie narrative
puisque les aphasiques tendaient à privilégier lexicalement l’épisode le plus saillant
de l’histoire au détriment des autres.
Enfin, l’analyse de la surface lexicale d’un discours ne peut être effectuée
sans l’appréciation, en premier lieu, de l’implication du locuteur. Cette implication,
omniprésente évidemment dans le langage spontané, apparaît aussi dans les récits des
patients aphasiques sous la forme de modalisations exprimant la plupart du temps le
doute du locuteur quant à l’adéquation de sa propre production (Nespoulous, 1980 ;
Nespoulous et al., 1998). Or, si l’analyse lexicale concerne essentiellement les élé-
ments référentiels d’un récit, la prise en compte des fragments modalisateurs présents
n’est pas cependant sans intérêt puisque ceux-ci peuvent porter avec prédilection sur
les éléments essentiels du récit (paraphasies verbales, par exemple, portant exclusi-
vement sur les acteurs principaux de l’histoire et immédiatement suivies d’énoncés
du type « je ne suis pas sûr, c’est peut-être pas ça »). Ces fragments modalisateurs
apportent donc, a contrario, la preuve d’une certaine préservation de la structure nar-
rative (Cardebat, 1987).
effectivement prouver que les patients aphasiques recourent, pour comprendre des
récits, à des processus macro-structurels « non linguistiques », processus pouvant
cependant être altérés.
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Ces conclusions vont dans le sens de celles exposées par Ulatowska et al.
(1983) dans leur travail concernant la production de discours narratifs dans des grou-
pes d’aphasiques plus ou moins sévèrement atteints. En effet, ces auteurs ont tenté
d’identifier à la surface du discours des patients les éléments de la macro-structure
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des récits, macro-structure comprise au sens « classique » de Kintsch et van Dijk (épi-
sodes correspondant à l’exposition, la complication, et la résolution). Les résultats ont
montré que la macro-structure était pour l’essentiel préservée lorsque l’aphasie est
légère ou modérée alors même que la surface du discours de ces patients est défici-
taire. Il est cependant difficile, d’après les auteurs, d’affirmer que les aphasiques
n’ont pas de déficits narratifs macro-structurels dans la mesure où les histoires-cibles
avaient une structure simple et conventionnelle, les patients pouvant donc s’appuyer
sur leur connaissance du monde extra-linguistique pour édifier la macro-structure de
l’histoire à raconter.
Script et aphasie
Certains auteurs se sont intéressés à la connaissance des scripts manifestée par les
patients aphasiques soit en analysant la production de discours procéduraux (Ula-
towska et al., 1983), soit dans des tâches de discrimination de scripts écrits ou de
sélection des événements essentiels dans des scripts proposés (Armus et al., 1989).
Bien que ces travaux portent sur des supports différents, les conclusions des auteurs
sont concordantes, la connaissance des scripts paraissant préservée chez les patients
aphasiques dans les cas d’aphasie légère et modérée.
En résumé, l’analyse des troubles discursifs dans l’aphasie met en évidence
des déficits affectant de façon prépondérante la surface du discours alors que le
contenu sémantique paraît relativement préservé, tout au moins dans les cas d’aphasie
légère ou modérée. Cette constatation permet donc de postuler une certaine indépen-
dance entre processus lexicaux et syntaxiques permettant de traiter les mots isolés et
les phrases et processus discursifs qui permettent de traiter la structure sémantique
d’un discours.
sives de la communication verbale car cette dernière semble être atteinte de façon pri-
vilégiée par rapport aux autres composantes du langage telles les composantes
phonologique ou syntaxique, puis, contrairement aux malades avec démence,
l’atteinte discursive peut être étudiée en l’absence d’une atteinte majeure du fonction-
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nement cognitif en général et, enfin, le trouble discursif peut ou non être accompagné
de modifications dans les capacités du malade à traiter les dimensions émotionnelles,
permettant ainsi de mieux comprendre les interactions avec les composantes cogniti-
ves non émotionnelles du discours.
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de celles des sujets témoins quant à leur cohérence et leur cohésion, telles qu’appré-
ciées au travers des règles de Charolles (1986). Finalement, les narrations des cérébro-
lésés droits se comparent à celles des sujets témoins sur un certain nombre de mesures
formelles (par exemple, rapport noms/verbes) (Joanette et Goulet, 1991).
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En somme, les cérébro-lésés droits offrent des aptitudes discursives altérées,
mais essentiellement quant au contenu véhiculé et non quant à la forme de ce dis-
cours. Il reste cependant à savoir si cette altération est primitive, témoignant d’une
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Un certain nombre d’hypothèses ont été émises pour rendre compte des altérations
discursives chez les cérébro-lésés droits. Ainsi, des explications allant d’un trouble
de la perception visuelle de l’information, dans le cas de discours induits par image,
à un déficit de la planification macro-structurale ont été suggérées dans la littérature
(Joanette, Goulet et Hannequin, 1990). Celle que l’on retiendra ici à titre d’exemple
est la présence supposée d’un déficit du processus inférentiel (par exemple, Brownell,
Potter, Bihrle et Gardner, 1986), l’un des processus cognitifs fondamentaux pour le
niveau descriptif selon Fredericksen et al. (1990). Cette explication a maintes fois été
mise en avant pour rendre compte de performances diminuées chez des cérébro-lésés
droits soumis à des tâches de nature discursive. Cependant, les études qui se sont pen-
chées sur les aptitudes inférentielles pragmatiques (par exemple, reposant entre autres
sur la connaissance du monde) et logiques (par exemple, ne reposant que sur des pré-
misses non connues du sujet, tels les syllogismes) offrent des résultats contradictoi-
res. Pour Joanette, Goulet et Hannequin (1990), l’ensemble de ces faits ne conduit pas
à penser que les altérations discursives des cérébro-lésés droits soient imputables à la
présence de troubles inférentiels.
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de maladie d’Alzheimer quand leurs productions sont comparées soit à celles de
sujets témoins très âgés, soit à celles de patients présentant une aphasie de type
sémantique.
Plus précisément, la première étude a pour but de vérifier si les déficits nar-
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ratifs des patients déments sont qualitativement différents de ceux observés dans les
récits de sujets normaux très âgés. En effet, si les résultats ne mettent en évidence
qu’une différence quantitative entre productions pathologiques et productions norma-
les, il est possible de faire l’hypothèse que, en ce qui concerne au moins les processus
impliqués dans une activité de narration, les déficits observés dans la pathologie
démentielle ne sont que l’exacerbation de la dégradation psycholinguistique provo-
quée par l’âge. La seconde étude a pour objectif d’analyser les éventuelles différences
entre déficits narratifs de patients déments et déficits narratifs de patients aphasiques
dont la production orale est caractérisée par des perturbations d’origine exclusive-
ment sémantique.
La première étude inclut trois groupes de sujets : un groupe de 25 sujets nor-
maux âgés (de 60 à 74 ans), un groupe de 15 sujets normaux très âgés (de 75 à 89 ans)
et un groupe de 19 patients (de 75 à 89 ans) dont la démence peut être qualifiée de
modérée. Dans la seconde étude, les productions de 5 patients déments (de 56 à
94 ans) ont été comparées à celles de 10 patients aphasiques (de 31 à 72 ans).
La procédure expérimentale, identique pour les deux études, consiste en la
présentation de sept images séquentielles disposées dans l’ordre devant les sujets
durant toute l’épreuve. Ces images extraites des séries d’histoires sur images de
Lebœuf racontent l’histoire d’un chien abandonné recueilli par un petit garçon. L’his-
toire du « chien » peut être résumée selon les constituants de base de sa structure nar-
rative (Van Dijk, 1977). Dans l’« exposition », le petit garçon, ému par le chien
abandonné, l’attire chez lui et, craignant la réaction de ses parents, le cache dans une
penderie. La « complication » met en scène la maman qui découvre le chien et
demande des explications à l’enfant. Enfin, la « résolution » laisse entrevoir une fin
heureuse puisque la maman accepte de garder le chien et entreprend de lui construire
une niche.
Les productions des sujets sont enregistrées et retranscrites et les éléments
principaux de l’histoire sont dénommés soit par l’examinateur soit par le sujet lui-
même avant l’épreuve, afin d’éliminer les déficits majeurs de type gnosique (mau-
vaise identification des éléments iconographiques).
Avant d’exposer la méthodologie d’analyse des productions narratives, il
convient de préciser que les productions des patients déments parfois s’écartent à un
tel point de la norme qu’il a fallu intégrer dans la recherche d’indices d’incohérence
narrative des marqueurs n’appartenant pas directement au champ de la linguistique
ou de la sémantique.
460 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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compte des caractéristiques narratives appartenant à l’aspect pragmatique de la situa-
tion de communication particulière qu’est le récit, telles que la stratégie narrative ou
descriptive adoptée par le sujet ou l’évaluation du sujet face à sa propre production.
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La stratégie employée par le sujet en face des images a été analysée par le
dénombrement des marques déictiques qui reflètent une stratégie descriptive s’éloi-
gnant d’une stratégie narrative. Ces marques déictiques apparaissent sous la forme
d’articles définis en début d’histoire, de pronoms et d’adjectifs démonstratifs,
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d’adverbes topographiques et de verbes de description.
L’évaluation du locuteur sur sa production est révélée par les modalisations
énonciatives (Nespoulous, 1980). En effet, le cadre narratif est extrêmement rigide et
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sujets normaux ou de patients aphasiques, représenterait donc le marqueur spécifique
de l’incohérence narrative démentielle.
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1973 ; Miceli et al., 1980 ; Blumstein et al., 1977 ; Jauhiainen et Nuutila,
1977) et il existe même des patients qui, en dépit d’un trouble sévère de dis-
crimination phonémique, ont des performances normales ou quasi normales
dans diverses tâches de compréhension, d’autres patients présentant le profil
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inverse.
• Compte tenu du fait que divers patients présentant une surdité verbale ont été
antérieurement catalogués comme aphasiques de Wernicke (parce qu’ils pré-
sentaient, en début d’évolution, une symptomatologie plus large et diversi-
fiée), y a-t-il une relation étroite entre surdité verbale et aphasie de Wernicke
sur le plan de la compréhension... une question qui rejoint quelque peu la
précédente ? Là encore, plusieurs études montrent que les perturbations pho-
nologiques sur le versant de la perception sont loin de n’affecter que les apha-
siques de Wernicke (Blumstein et al., 1977 ; Gainotti et al., 1976), même si
ces derniers sont souvent plus perturbés que d’autres types de patients à ce
niveau (Baker et al., 1981 ; Gardner et al., 1975). Allant plus loin, certains
auteurs ont tenté de montrer que les perturbations relevées dans le contexte
de la surdité verbale étaient différentes de celles qui sont habituellement
mises en évidence dans l’aphasie de Wernicke (Ziegler, 1952 ; Goldstein,
1974). Saffran et al. (1976) rapportent le cas d’un patient présentant un défi-
cit sélectif de la discrimination phonémique en l’absence de tout problème
d’ordre sémantique, alors que les deux perturbations sont ordinairement asso-
ciées dans l’aphasie de Wernicke.
• Y a-t-il une corrélation entre les problèmes de discrimination phonémique
dont il est ici question et les perturbations phonémiques que l’on peut rencon-
trer chez certains patients sur le versant de la production ? Quelques études
ont, de fait, réussi à mettre en évidence une telle corrélation chez des aphasi-
ques de Broca (Shewan, 1980) chez des patients appartenant aux deux gran-
des catégories cliniques classiques – « fluents » et « non fluents » (Miceli et
al., 1980). Toutefois, dans chacune des deux études, se trouvent des patients
chez lesquels il n’y a aucune relation entre capacités de discrimination, d’une
part, et erreurs phonologiques en production, d’autre part.
Il ressort de ce qui précède que s’il existe bien, et parfois (quoique rarement)
à l’état isolé chez certains patients, une perturbation de la discrimination phonémique,
il ne semble pas possible de rendre celle-ci responsable chez ces mêmes patients tant
de la présence de perturbations de la compréhension orale que de la présence de per-
turbations phonologiques en production orale. Une telle constatation souligne la
grande diversité des profils pathologiques observés dans les types cliniques classi-
ques d’aphasie, lesquels perdent, ici comme dans bon nombre d’autres cas, beaucoup
de leur utilité ! Se trouve ici également soulignée l’existence de nombreuses dissocia-
464 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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(= syntactico-sémantiques) sont certainement à même de venir compenser parfois
une perturbation de plus bas niveau comme celle dont il a été ici question.
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• la catégorie grammaticale. À quelques exceptions près (ex. : Goodglass et
al., 1970 ; Luria, 1966), la plupart des opérations de recherche portant sur la
compréhension lexicale ont longtemps limité leur champ d’investigation à
l’étude des noms, une tendance que l’on retrouve identique dans l’étude de la
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blèmes syntaxiques spécifiques des aphasiques de Broca, problèmes qui les
différencieraient des aphasiques de Wernicke, lesquels présenteraient donc des trou-
bles de la compréhension d’une autre nature. Leurs travaux et ceux d’autres cher-
cheurs connaissent des fortunes diverses sur ce point :
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14. Cf. Schwartz et al. (1980), Caplan (1983) et Grodzinsky (1986) pour une étude critique de l’article
de Caramazza et Zurif ainsi que pour un approfondissement de l’étude des perturbations syntaxiques chez
ces patients.
Langage et parole 467
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entre autres choses (pp. 143-144) :
• que, exception faite des patients ne présentant que des problèmes de produc-
tion de bas niveau, des perturbations de la compréhension syntaxique se
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15. Voir toutefois le distinguo qu’introduisent ces auteurs entre la mémoire de travail à la Baddeley et la
notion de « work space » qu’ils développent dans cet ouvrage.
16. Critiqué par Caplan et Waters, 1995.
468 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
Friederici, 1991 ; Hagoort, 1990). D’un point de vue neuropsychologique, l’enjeu est
de taille : il s’agit de savoir si une lésion cérébrale peut entraîner une perte de représen-
tations, un déficit des processus qui construisent ces représentations, ou une limitation
des ressources cognitives nécessaires à l’exécution de ces processus. Le domaine de la
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compréhension syntaxique est un lieu d’élection pour ce débat car, d’une part, les
travaux de Chomsky (1981) ont permis de définir de manière très précise les représen-
tations syntaxiques, et, d’autre part, certains modèles des processus de compréhension
de phrases font appel à la notion de « ressources cognitives » (Just et Carpenter, 1992).
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– comprendre les métaphores (Winner et Gardner, 1977 ; Van Lancker et Kem-
pler, 1987 ; Brownell et al., 1990 ; Pakzad, 1997) ;
– effectuer des inférences et gérer les aspects « implicites » du discours
(Brownell et al., 1986 ; McDonald et al., 1986 ; Molloy et al., 1990 ; Bee-
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17. Selon un tel modèle représentationnel, tout texte comprend deux niveaux d’organisation structurale :
au premier niveau d’organisation (dite « locale ») se situe la « microstructure » ou ensemble de proposi-
tions cohérentes, reliées et hiérarchisées (= avec des propositions de rang supérieur, contenant les événe-
ments cruciaux, et des propositions de rang inférieur, contenant des « détails ») ; au deuxième niveau
d’organisation (dite « globale ») se situe la « macrostructure » ou ensemble de macropropositions cohé-
rentes, reliées et hiérarchisées issues de la microstructure mais transformées par des règles de réduction
de l’information. Pour plus de détails, voir Denhière (1984) ; Denhière et Baudet (1992).
470 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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plement) phrastique. Compte tenu des perturbations en mémoire de travail relevées
fréquemment chez ce type de patients, ces derniers ne parviendraient pas à édifier – a for-
tiori en temps réel – les divers types de représentations requis par une structure textuelle
donnée ; toutefois, ils devraient être sensibles – dans leur compréhension/mémorisation
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d’un discours continu – à certains de ses contrastes hiérarchiques et, de ce fait, mieux
traiter et mémoriser certains constituants (plus centraux) que d’autres (plus marginaux).
Avec M.-C. Gély-Nargeot, Cl. Cadilhac, J. Virbel, nous avons mis au point
plusieurs outils successifs d’évaluation de la mémoire de textes (Gély-Nargeot et al.,
1997) dans lesquels l’architecture textuelle – particulièrement dans le dernier d’entre
eux (Cadilhac, 1997 ; Cadilhac et al., 1997) – est aussi strictement contrôlée que pos-
sible 18 et nous l’avons soumis à des patients DTA. Les principaux résultats peuvent
être résumés de la manière suivante :
• Les déments de type Alzheimer ont des performances systématiquement plus
mauvaises que les sujets âgés témoins, et ce même si ces derniers ne restituent
grosso modo que la moitié des informations contenues dans les textes propo-
sés. Toutefois, le déterminisme sous-jacent des performances réduites obser-
vées dans les deux types de population pourrait bien être de nature différente.
Selon certains auteurs (Cohen et Faulkner, 1984 ; Light et Anderson, 1985),
chez les sujets âgés, « c’est la faculté d’entreprendre concurremment plusieurs
opérations mentales qui serait déficitaire » (Gély-Nargeot et al., 1997). Chez
les sujets déments, en revanche, le « trouble se situerait au niveau des proces-
sus de sélection des contenus. Les informations seraient traitées de façon anar-
chique dans la mémoire de travail sans que ne soit prise en compte leur
importance thématique. » (Gély-Nargeot et al., 1997 ; Spilich, 1983).
• Les performances des patients et des sujets témoins sont globalement
meilleures dans le rappel de la macrostructure que lors de celui de la micro-
structure (Cadilhac, 1997).
• Tant les déments de type Alzheimer que les sujets âgés témoins présentent
des performances plus déficitaires dans la restitution du discours descriptif
que dans celle du discours narratif. Une telle dissociation – que ne pouvaient
mettre en évidence les travaux antérieurs qui ne contrôlaient point l’architec-
ture structurale des textes soumis à compréhension/mémorisation (cf. supra)
– montre bien que le fait que le récit ait une macrostructure narrative et une
cohérence sémantique intrinsèque forte aide à sa compréhension/mémorisa-
tion. Le discours descriptif, plus éclaté, se trouvant dépourvu d’une telle
macrostructure serait donc plus vulnérable lors d’atteintes mnésiques. Il res-
18. Auparavant, la seule variable prise en compte dans la plupart des travaux sur la mémoire discursive
chez les déments était la longueur, évaluée en nombre de mots et/ou de propositions, du texte de surface.
Langage et parole 471
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tâches (discours descriptif et discours narratif) s’avère une bonne voie métho-
dologique en vue du diagnostic précoce d’une démence présumée.
• En termes généraux, l’ajout de « détails » sémantiques au discours nuit à la com-
préhension/mémorisation de celui-ci. Toutefois, un tel résultat mérite d’être
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nuancé, surtout si on tente d’évaluer le rôle, positif ou négatif, des détails dans
le rappel des structures propositionnelles de chaque type de texte. Chez les sujets
témoins, l’ajout de détails réduit la performance dans le rappel des propositions
du discours descriptif mais pas dans celui des propositions du discours narratif,
un résultat tout à fait en accord avec ceux rapportés au paragraphe précédent : le
discours narratif structure hiérarchiquement les éléments d’information conte-
nus dans un texte, y compris les détails, alors que ces derniers viennent saturer
les capacités mnésiques du sujet lorsqu’il s’agit d’un discours descriptif, lequel
se caractérise par un empilement d’éléments d’informations peu reliés entre eux
au plan sémantique. Chez les sujets pathologiques, toutefois, la présence de
détails (même non apparemment pertinents) dans la narration « aident au rappel
des propositions principales chez les malades et non chez les témoins » (Gély-
Nargeot et al., 1997). Ainsi, la présence de détails dans le discours narratif sem-
blerait aider les patients à édifier la macrostructure des récits. En quelque sorte,
le traitement de ces détails – par la mobilisation d’un engagement attentionnel
plus important (Gély-Nargeot, 1997) – aiderait les patients à mieux hiérarchiser
les divers éléments d’information contenus dans le texte.
Cette première volée de résultats a été partiellement rédupliquée par les tra-
vaux de Cadilhac et al., 1997). De nombreuses nuances toutefois ressortent de ce der-
nier travail, particulièrement en ce qui concerne le traitement des informations
subsidiaires (= les détails). Le présent chapitre ne permet pas de les présenter de
manière complète (cf. Cadilhac, 1997).
24.2.4 Conclusion
Au terme d’un si long, et pourtant encore incomplet, chapitre, nous souhaiterions atti-
rer l’attention du lecteur sur quelques points cruciaux qui nous semblent au centre des
débats actuels en neuropsychologie. Sans nul doute, ils constitueront les assises sur
lesquelles pourra être édifiée la neuropsychologie du troisième millénaire.
A. Déficits et stratégies
En premier lieu, les manifestations verbales observées chez les patients ne doivent
pas être considérées comme la conséquence unique et directe du ou des déficit(s)
sous-jacent(s). Ainsi, bon nombre de phénomènes linguistiques observés « en
surface » peuvent relever aussi de l’entrée en jeu de stratégies de compensation mobi-
472 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
lisées (parfois) par le patient pour tenter de pallier les carences de son fonctionnement
verbal (Nespoulous, 1994). Quelle que soit l’efficacité – parfois très limitée – de tel-
les stratégies, celles-ci viennent se fondre, au niveau des manifestations de surface,
aux symptômes directement issus du déficit causal. Elles rendent alors souvent diffi-
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cile le travail du neuropsychologue qui doit tenter de les différencier clairement des
effets directs du dommage cérébral. Elles montrent aussi clairement que – comme
Luria le soulignait naguère – les comportements observés chez les sujets cérébro-
lésés traduisent ce que parvient encore à faire le cerveau en dépit des atteintes dont il
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est l’objet tout autant (plus ?) que ce que la lésion elle-même perturbe directement.
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moins restrictive du langage de l’homme. Dans un premier temps, les neurologues
(aphasiologies pour l’essentiel) se sont appuyés sur une caractérisation très superficielle
de la structure des langues naturelles. Comme à l’école primaire ou comme le contexte
de l’apprentissage de langues étrangères, ils ont différencié trois domaines essentiels –
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Charité à Paris, alors âgé de 27 ans, et à Marc Dax, médecin à Sommières (Gard), qui
établit un lien entre la perte des signes de la pensée et des lésions traumatiques de la
moitié gauche de l’encéphale ; sa découverte ne fut publiée qu’en 1865, par son fils,
dix ans après qu’il l’eut signalée.
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A. La découverte de Paul Broca (1861)
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pas l’aphasie de Broca qu’il appelle corticale motrice mais dont la lésion causale
déborde largement l’aire de Broca. Il y ajoute un second type : l’aphasie corticale sen-
sorielle (qui allait porter son nom) qui s’oppose point par point à la corticale motrice
et qu’il attribue à une lésion de la première circonvolution temporale gauche. Disciple
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de Meynert, le champion des images mentales, il pense que la première altère le cen-
tre des images motrices des mots et la seconde le centre des images sensorielles de
mots. Il ajoute trois autres types d’aphasie par interruption de voies nerveuses repré-
sentant des afférences ou des efférences de ces centres. Il les nomme aphasies de
« conductibilité ». Pour lui, l’aphasie de conductibilité motrice, c’est la dysarthrie,
celle qu’il appelle de conductibilité auditive : c’est la surdi-mutité de l’enfant. Il
appelle aphasie commissurale celle qui est due à l’interruption des voies associatives
entre les centres corticaux moteurs et sensorielles, interruption qu’il localise dans le
lobe de l’insula. Il n’en a pas observé de cas mais il a l’intuition de son existence et
l’avenir lui a donné raison : c’est l’aphasie de conduction. À l’appui de sa théorie,
Wernicke rapporte ici dix observations cliniques détaillées dont trois seulement ont
fait l’objet d’un examen du cerveau, d’après lesquels il propose un schéma de l’apha-
sie. Malgré le petit effectif de patients rapportés (ce qui a été reproché au jeune neu-
rologue allemand), le travail de Wernicke témoigne d’une capacité d’analyse aussi
bien que de synthèse remarquable, il est navrant qu’un texte d’un tel intérêt n’ait
jamais été traduit en français. C’est dire le mérite de Gombault qui l’a résumé et fait
connaître.
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D. Dejerine et l’alexie
Les auteurs précédents niaient l’existence d’un centre cérébral du langage écrit, ils
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pensaient que cette fonction était dévolue aux centres corticaux moteurs et sensoriels.
Dejerine (1892) sépare, d’une part, l’alexie pure sans agraphie ni autre trouble du lan-
gage due à un infarctus du splenium du corps calleux et du lobe occipital gauche réa-
lisant un syndrome de déconnexion interhémisphérique entre le champ visuel gauche
(seul perçu) et les centres du langage situés dans l’hémisphère gauche, et, d’autre
part, l’alexie-agraphie due à une lésion du gyrus angulaire (aire 39). Benson a décrit
un troisième type d’alexie d’origine frontale qui accompagne l’aphasie de Broca, plus
marquée pour les lettres que pour les mots. Quant au centre de l’agraphie pure situé
dans le cortex de F2 pour Exner, il demeure conjectural.
Les aphasies corticales sont dues à des lésions du cortex irrigué par l’artère
sylvienne et ses branches. Elles comprennent l’aphasie corticale motrice, ou aphasie
de Broca, due à une lésion de la troisième circonvolution frontale gauche, supposée
être le centre de l’image motrice des mots et l’aphasie corticale sensorielle dite de
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Wernicke, due à une lésion située dans le centre des images auditives des mots qui
occupe les lobes temporal (aire 22) et pariétal inférieur (gyrus angulaire ou aire 39,
gyrus supra marginalis ou aire 40), ces deux aires étant concernées par le langage
écrit. L’interruption des voies unissant les aires de Broca et de Wernicke produit un
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Description clinique
Son diagnostic exige deux signes : la réduction de l’expression orale, c’est une apha-
sie non fluente, et des troubles de l’articulation. L’élocution est lente et difficile, sou-
vent syllabique, dysprosodique. Les transformations phonétiques masquent des
paraphasies phonémiques apparaissant plus nettement lors de la récupération. La
réduction de l’expression orale peut aller jusqu’au mutisme ou bien se limiter à des
stéréotypies de mots ou de phrases (comme chez le malade Leborgne appelé pour
cette raison « Monsieur Tan-tan »). Une dissociation automatico-volontaire est fré-
quente qui se fait jour dans la conservation de formules automatiques, l’énumération
des mois ou des jours, dans les épreuves de compléments de proverbes, ou lors du
chant avec paroles. La répétition est difficile mais meilleure que l’expression orale
spontanée, la dénomination est améliorée par l’ébauche orale. Le manque du mot est
constant. La compréhension n’est jamais parfaite. Lecture à haute voix et compréhen-
sion écrite sont déficientes, davantage pour les phrases que pour les mots isolés. La
difficulté de l’écriture est plus nette dans l’écriture spontanée ou dictée qu’en copie.
Elle consiste en une réduction de la production, des troubles du graphisme, des para-
graphies et un agrammatisme. Cet agrammatisme fait de phrases courtes de style
« télégraphique » avec disparition des petits mots s’observe bien dans la période de
récupération.
L’aphasie de Broca est presque toujours associée à une hémiplégie ou une
hémiparésie brachio-faciale droite, et à une apraxie (voir ce mot) idéomotrice de la
478 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
main gauche et dans 90 % des cas une apraxie bucco-faciale. La conscience du trou-
ble est entière suscitant parfois des réactions violentes du patient.
L’anarthrie pure (synonymes : aphasie motrice pure de Dejerine ; désintégra-
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tion phonétique d’Alajouanine) peut constituer l’étape ultime d’une aphasie de
Broca, elle survient exceptionnellement d’emblée. Elle se limite à un trouble articu-
latoire isolé fait de transformations phonétiques observables dans la répétition ou la
conversation mais absentes dans le langage automatique.
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Étiologies
Les infarctus sylviens superficiels et profonds en sont les étiologies habituelles, en
revanche, les tumeurs cérébrales ne constituent pas une cause de l’aphasie de Broca.
Application
L’aire de Broca occupe les aires 44 et 45 de Brodmann situées dans le pied (ou pars
triangularis) de la troisième circonvolution frontale gauche (voir Neurobiologie des
aphasies).
Description clinique
L’opposition à l’aphasie de Broca est bien réelle puisque la fluence verbale est nor-
male ou même exagérée et que manquent les troubles articulatoires ; quant à la com-
préhension orale elle est très défectueuse voire nulle. La production orale est
incompréhensible quoique souvent abondante, elle peut aller jusqu’à un jargon dans
lequel on reconnaît des paraphasies surtout verbales et sémantiques mais aussi pho-
némiques et des néologismes. Le patient ne peut exprimer ni sa pensée ni ses senti-
ments. Bien qu’il soit incapable de se faire comprendre, il n’a qu’une conscience
partielle de son trouble. Répétition, désignation et dénomination sont mauvaises. La
lecture est constamment perturbée avec en général un parallélisme avec le niveau de
compréhension du langage parlé. La production écrite est parallèle à la production
orale, on peut observer des paragraphies verbales et littérales et des néologismes.
Langage et parole 479
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les patients sont anosognosiques de leur trouble du langage.
Étiologies
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Nombreuses sont les causes de ce type d’aphasie. Les formes progressives doivent
évoquer un processus occupant de l’espace : tumeurs cérébrales primitives ou secon-
daires, hématome intracérébral ; les formes à développement lent et progressif peu-
vent être dues à une atrophie dégénérative, en revanche les lésions vasculaires –
infarctus temporal postérieur et inférieur gauche, certains hématomes spontanés,
lésions post-traumatiques – donnent des aphasies de constitution rapide.
D. Aphasie de conduction
Synonymes : aphasie commissurale de Wernicke (1874) ; aphasie centrale (Golds-
tein, 1948) ; aphasie de conduction afférente et efférente (Luria, 1978).
Wernicke, bien qu’il n’en ait pas observé personnellement, fit l’hypothèse
que l’interruption dans l’insula de la voie d’association reliant le centre auditif des
mots (aire de Wernicke) au centre des images motrices des mots (aire de Broca)
devait entraîner un type particulier d’aphasie (qu’il appela initialement aphasie com-
missurale) dominée par l’impossibilité de répéter. Cette conception fut battue en brè-
che par E. Warrington qui fit de l’aphasie de conduction un trouble de la mémoire à
court terme. En revanche, Geshwind, partisan de Wernicke, interpréta ce type d’apha-
sie comme un syndrome de dysconnexion et situa la lésion responsable dans le fais-
ceau arqué qui relie les aires de Wernicke et de Broca, et qui n’est autre qu’une partie
du faisceau d’association du faisceau longitudinal supérieur.
Aujourd’hui, on admet que la lésion responsable peut interrompre le faisceau
arqué (support de la boucle audi-phonatoire) à son origine (partie postérieure du cor-
tex auditif ou aire 22) ou dans la profondeur du gyrus supra marginalis (aire 40) où
chemine ce faisceau.
480 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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bonne, l’agraphie est constante du fait de paragraphies.
Ce type d’aphasie peut survenir d’emblée ou succéder à une aphasie de Wer-
nicke. Les symptômes neurologiques associés sont variables, plus souvent modestes
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patient ne peut pas lire ; même si une ébauche de lecture est possible, le patient ne
comprend pas ce qu’il lit.
Les signes neurologiques associés sont fréquents : hémianopsie, déficit sensitif.
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L’aphasie transcorticale mixte
Synonyme : syndrome d’isolement des aires du langage.
Elle est due soit à une lésion siégeant dans les aires périsylviennes en cou-
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ronne, comme dans les ischémies des territoires de jonction (sylvien-cérébral anté-
rieur ou sylvien-cérébrale postérieur), soit à une lésion profonde de la substance
blanche ou du thalamus. L’infarctus de jonction uni- ou bilatéral (par hypoxie, hypo-
tension, arrêt cardiaque) en est la principale cause.
L’écholalie résume l’ensemble de la production linguistique, en effet la répé-
tition est remarquablement conservée même pour les non-mots sans que le patient
comprenne ce qu’il répète. Les déficits neurologiques associés sont souvent sévères.
G. Autres dénominations
Quelques dénominations ne figurent pas dans la classification de Wernicke-
Lichtheim :
• L’aphasie globale succède généralement à une période de mutisme initial,
c’est une altération de toutes les fonctions du langage. Elle est en rapport avec
des lésions hémisphériques très étendues et des signes neurologiques
sévères ; quand ce n’est pas le cas, il est bon de rechercher s’il ne s’agit pas
d’une lésion limitée aux territoires de jonction, en avant de l’aire de Broca ou
en arrière de l’aire de Wernicke.
• L’aphasie amnésique (ou aphasie anomique) n’a qu’un symptôme : le man-
que isolé du mot entraînant des définitions par l’usage compensatrices malgré
lesquelles la dénomination est défectueuse. L’ébauche orale est sans effet.
Parfois, ce manque du mot ne survient que dans une seule catégorie sémanti-
que, les épreuves de mémoire verbales sont altérées. La répétition est nor-
male. L’aphasie amnésique constitue fréquemment le stade initial d’un état
démentiel.
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Aphasie et lésions des noyaux gris centraux
Les aphasies par lésion du thalamus sont celles qui ont donné lieu au concept actuel
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Cambier et al. ont rapporté en 1979 un cas d’hématome strictement localisé à la tête
du noyau caudé gauche, ayant généré une aphasie marquée par une incohérence ver-
bale et graphique et des persévérations. Viader et al. (1987) ont observé un patient
atteint d’un infarctus affectant le putamen, le noyau caudé et le bras antérieur de la
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symptômes aphasiques de base, jugés plus pertinents par ces auteurs pour cette dis-
cussion que les syndromes empruntés à la taxonomie traditionnelle des aphasies :
– la substance blanche périventriculaire, comprenant un secteur antérolatéral situé
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autour des cornes frontales (qui inclut notamment le faisceau sous-calleux) et un
secteur supérieur divisé en trois parties (tiers antérieur, moyen et postérieur) ;
– la substance blanche immédiatement sous-jacente au cortex ;
– les isthmes frontal et temporal situés respectivement entre les extrémités
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au thalamus un rôle central. Les noyaux thalamiques appelés à jouer un rôle dans le
langage seraient le ventral antérieur, le noyau réticulaire, le centre médian et le pul-
vinar. L’hypophonie et la dysarthrie s’expliqueraient par une atteinte du noyau ven-
trolatéral, celle du noyau antérieur et des faisceaux mamillo-thalamique et amygdalo-
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dorso-médian expliquant les troubles de la mémoire verbale. Pour rendre compte des
particularités sémiologiques des aphasies sous-corticales, Crosson fait l’hypothèse
d’un « engagement sélectif » de l’attention en vue de la sélection lexicale, engage-
ment dans lequel le thalamus jouerait un rôle essentiel. En effet, en langage spontané
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moteur inférieur et leurs efférences (substance blanche périventriculaire supé-
rieure, antérieure et moyenne), ainsi que l’aire de Wernicke et ses connexions
vers l’opercule frontal qui cheminent dans la substance blanche sous-corticale ;
– un système de compréhension auditive comprenant le cortex auditif, l’aire de
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Conclusion
Le mérite des observations d’« aphasie sous-corticale » est d’avoir permis d’établir,
qu’au-delà du cortex, de multiples formations anatomiques sous-corticales sont
impliquées dans le langage. Cependant, le modèle physiopathologique est loin d’en
être achevé. À l’imagerie morphologique et fonctionnelle s’ajoutent aujourd’hui des
techniques prometteuses. Nous avons vu quelques exemples de ce que peut apporter
la stimulation cérébrale profonde per-opératoire. Les techniques d’IRM en tenseur de
diffusion, réalisant in vivo une véritable dissection des faisceaux de substance blan-
che, devraient permettre de mieux connaître l’anatomie de la substance blanche et
donc de mieux identifier les déconnexions et donc les régions dont le dysfonctionne-
ment est à l’origine des troubles observés. Catani et al. (2005) ont ainsi décrit une
voie temporo-pariétale apparemment inconnue jusque-là, parallèle au faisceau arqué,
et reliant comme lui l’aire de Wernicke à l’aire de Broca mais de façon indirecte, en
faisant un relais dans le cortex pariétal inférieur. Le repérage en tenseur de diffusion
des voies de substance blanche afférentes ou efférentes à des aires corticales préala-
blement stimulées (Henry et al., 2004) ajoutera des éléments utiles à la compréhen-
sion des réseaux cortico-sous-corticaux sur lesquels repose le langage.
24.4.1 Introduction
Depuis les années 1980, le rapprochement de la neuropsychologie et de la psycholo-
gie cognitive (ou de la psycholinguistique) a donné une orientation scientifique qui a
considérablement modifié la pratique clinique et thérapeutique en aphasiologie. Rap-
pelons que l’objectif de la psycholinguistique est d’élaborer une modélisation du lan-
Langage et parole 487
gage rendant compte des opérations mentales mises en jeu lors d’activités
linguistiques et des variables influant leur déroulement. Ses travaux s’appuient prin-
cipalement sur la chronométrie (enregistrement des temps de latence entre un stimu-
lus et une réponse mettant en évidence des effets d’amorçage, des effets de familiarité
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et de fréquence lexicale ou encore de variables propres à la structure des mots…) et
sur l’analyse des difficultés et erreurs relevées chez des sujets sains (mot sur le bout
de la langue, lapsus, substitutions, interférences entre mots…).
Comme l’a souligné J.-L. Nespoulous, si la neuropsychologie « classique »
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jeu au cours de tâches verbales telles que répétition, dénomination, évocation lexi-
cale, compréhension que ce soit orale ou écrite, lecture à haute voix, copie, etc. La
description des composants principaux prendra appui de façon prioritaire sur le
modèle de l’équipe de Caramazza (Caramazza, Hillis, Rapp et Romani, 1990 ; Rapp
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et Caramazza, 1991 ; Hillis et Caramazza, 1994 ; Hillis et Caramazza, 1995 ; Cara-
mazza et Shelton, 1998) considéré comme un modèle en cascade.
On peut décrire ainsi le système lexical :
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Conversion Conversion
acoustico- Système sémantique graphème-
phonologique phonème
Lexique Lexique
phonologique orthographique
de sortie de sortie
Figure 24.1
Modèle simplifié du système lexical d’après Caramazza et Hillis (1990) et Hillis et Caramazza
(1995). Les voies lexicales sont en traits pleins et les voies phonologiques en pointillés.
Langage et parole 489
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baux. Un certain nombre de postulats concernant la mémoire sémantique sont
actuellement admis (Samson, 2003 ; Cordier et Gaonac’h, 2006).
• Un concept (mot, objet, événement, action, personnage, qualités…) est une
représentation symbolique décomposable en traits, chacun renvoyant à une
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19. Selon certains auteurs, les propriétés visuelles ne seraient représentées qu’au niveau du système de
représentations perceptives structurales et non pas en mémoire sémantique (voir Samson, 2003).
490 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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ralement sur la première conception (soutenue par Caramazza et al. par
exemple) : système sémantique amodal avec un seul niveau de représentation
pour les connaissances lexico-sémantiques et conceptuelles commun aux dif-
férentes modalités d’entrée et de sortie (compréhension d’un mot entendu ou
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versée (Valdois et de Partz 2000 ; Tainturier, 1996 ; pour revue). Il est pos-
tulé que chaque unité lexicale a un niveau d’activation de base (déterminant
l’accessibilité) fonction d’un certain nombre de variables psycholinguisti-
ques telles que la fréquence lexicale, la familiarité, l’âge d’acquisition, l’ima-
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geabilité, ou encore la classe des mots. Un mot rare, de basse fréquence
lexicale, est moins rapidement récupéré qu’un mot fréquent. Ce niveau de
base peut se trouver modifié temporairement par les expositions répétées –
temps de latence diminué pour dénommer un stimulus déjà présenté. La
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Modélisation
Six étapes peuvent être distinguées au cours de la dénomination d’images ou d’objets :
– analyse visuelle incluant une analyse perceptive élémentaire : forme, groupe-
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sémantiques par activation d’un mot partageant une partie des traits de l’item
cible (poire-pomme). La récupération partielle des propriétés sémantiques est
insuffisante à activer une représentation lexicale qu’elle soit phonologique ou
orthographique. Le manque du mot ne cède pas en général à une aide par la clef
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autres modalités. Le patient décrit par Hillis et Caramazza (1995) est un
exemple de déficit d’accès sémantique spécifique à la modalité visuelle. Il
commettait de fréquentes erreurs sémantiques en dénomination d’images
alors que ses performances en dénomination à partir d’une description orale
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être interprétée en termes de co-occurrence de deux déficits : trouble d’accès
au lexique phonologique de sortie + trouble d’accès au lexique orthographi-
que de sortie (Miceli et al., 1991). Une solution est suggérée par Raymer et
al. (1997), il pourrait s’agir de la perturbation d’un seul mécanisme relatif au
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fication, la dénomination devrait être plus perturbée que les autres tâches dans le cas
d’un déficit lexical. Un effet de longueur est classiquement et souvent évoqué pour
un déficit post-lexical. Dans la mesure où la mémoire tampon phonologique est très
liée au mécanisme de planification, plus un item cible est long, plus la demande en
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maintien à court terme va être importante et plus le risque d’erreurs s’accroît. Ceci est
particulièrement manifeste pour les non-mots. Les mots peuvent être moins touchés
car ils offrent la possibilité de procédures de rafraîchissement par le biais des repré-
sentations phonologiques (intactes dans ce cas de déficit post-lexical). Toutefois les
propositions de distinction suivant des effets de fréquence (présents dans un déficit
lexical) et de longueur (présents dans un déficit post-lexical) semblent insuffisam-
ment justifiées selon Nickels (1997) ou Kohn et Smith (1994). D’autres prédictions
ont également été formulées par Butterworth (1992) et Kohn et Smith (1994). Les
liens entre mémoire phonologique à court terme et processus linguistiques ont été
plus particulièrement abordés par Romani (1992), Shallice et al. (2000).
B. Répétition
Modélisation
La répétition unit à la fois des mécanismes de perception auditive et de production
orale. À partir d’une première étape d’analyse auditive des stimuli verbaux dans leurs
composants acoustiques et phonétiques (cf. compréhension), trois voies sont envisa-
gées pour rendre compte des diverses possibilités de répétition.
● Voies lexicales
La répétition suivant un traitement lexical suppose l’activation de représentations
lexicales stockées. Deux possibilités sont envisagées :
• Voie lexicale sémantique : l’information issue de l’analyse auditive
active une représentation phonologique cible au niveau du lexique phonolo-
gique d’entrée, la représentation sémantique correspondante dans le système
sémantique, la représentation phonologique dans le lexique phonologique de
Langage et parole 497
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est connecté directement au lexique phonologique de sortie, sans médiation
sémantique.
La première voie, phonologique, permettrait donc de répéter des mots non
inscrits dans le lexique comme des mots étrangers ou encore des non-mots. À
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l’opposé, les deux autres voies, lexicales, ne seraient impliquées que dans le traite-
ment des mots pour lesquels nous possédons une représentation phonologique.
Pathologie
La répercussion du dysfonctionnement des différents composants sur les performan-
ces de répétition a déjà été partiellement évoquée ci-dessus lors de l’interprétation
cognitive des troubles de la dénomination.
La perturbation de la voie phonologique au niveau de la conversion acous-
tico-phonologique entraîne un effet de lexicalité important (mots > non-mots) dans la
mesure où la répétition des mots peut être partiellement effectuée par l’utilisation des
voies lexicales.
La perturbation des voies lexicales au niveau du lexique phonologique
d’entrée ou au niveau sémantique peut être compensée par l’utilisation de la voie pho-
nologique pour la répétition des mots et des non-mots.
L’atteinte de l’analyse auditive affecte la capacité à répéter des mots et des
non-mots et est toujours associée à des troubles de la compréhension orale (cf. surdité
au son des mots). En revanche si le déficit est situé au niveau de la planification pho-
nologique, la compréhension reste préservée mais les perturbations notées en répéti-
tion sont aussi observées dans d’autres tâches de production orale (lecture à haute
voix, expression spontanée, dénomination orale…).
Deux syndromes ont été particulièrement étudiés :
• L’aphasie de conduction est caractérisée, selon Wernicke, par un trouble de
répétition avec paraphasies phonémiques. Ce syndrome a été révisé par
Shallice et Warrington (1977) qui distinguent deux tableaux. L’aphasie de
conduction de type « répétition » concerne des patients qui présentent des
difficultés de répétition, sans production d’erreurs phonémiques, lors de lis-
tes de mots mais pas lors de mots isolés. Ce tableau est attribué à un déficit
de mémoire à court terme. L’aphasie de conduction de type « reproduction »,
considérée comme la « vraie » aphasie de conduction regroupe des patients
qui ont du mal à répéter des mots isolés. Cette difficulté se traduit par des
erreurs phonologiques et est aggravée pour les mots longs. Elle est observée
non seulement en répétition, mais également en expression orale spontanée,
en dénomination orale ou en lecture à haute voix. Cette forme peut cependant
être associée à un trouble de mémoire à court terme. Les patients gardent sou-
vent des informations sur le mot cible : première lettre, nombre de syllabes.
498 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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tion des unités phonologiques en vue de leur implémentation articulatoire et
de la mémoire tampon phonologique.
• La dysphasie profonde est un tableau clinique qui a également donné lieu à
une interprétation cognitive. La principale caractéristique en est un trouble de
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Lichtheim en 1885. L’approche cognitive, faisant référence au modèle à 3 étapes
exposé ci-dessus, a montré que l’atteinte de la compréhension n’était pas unitaire et
pouvait occasionner trois syndromes cognitifs distincts (Ellis et al., 1994 ; Ellis et
Young, 1996).
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Les propositions de l’équipe d’Ellis répondent à une organisation séquen-
tielle unidirectionnelle (de bas en haut) très hiérarchisée qui suppose que l’accès à un
niveau supérieur nécessite l’intégrité du niveau immédiatement inférieur. Ainsi, une
perturbation d’un stade précoce de traitement aura des répercussions sur les stades
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ultérieurs et une perturbation d’un stade tardif de traitement n’aurait pas d’influence
sur les stades antérieurs. Dans une version ultérieure (Ellis et Young, 1996), les
auteurs incluent l’existence de relations bidirectionnelles entre lexique phonologique
et système sémantique.
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façon plus faible des voisins phonologiquement proches. L’activation des
segments phonologiques initialement sollicités décroît progressivement.
• L’information s’étend au niveau sémantique. Pendant ce temps, une activa-
tion de type feed-back, issue du niveau lexical est renvoyée vers le niveau
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24.4.5 Conclusion
La démarche de la neuropsychologie contemporaine consiste à interpréter un com-
portement linguistique pathologique en recherchant quel mécanisme est devenu fonc-
tionnellement déficitaire suite à une atteinte cérébrale. Nous avons voulu l’illustrer
en exposant dans ce chapitre l’architecture générale des processus mentaux requis
502 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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celle de la neuropsychologie dite « classique » qui était principalement descriptive.
Alors que le clinicien faisait l’inventaire des signes déficitaires et tentait, le plus sou-
vent avec difficulté, de relier cet ensemble à un des syndromes de la taxinomie apha-
siologique, le nouvel orthophoniste mène l’enquête des déficits cognitifs à l’aide
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d’outils plus spécifiques élaborés à partir des hypothèses théoriques (Mazaux et al.,
2007). La tâche se trouve quelquefois peu aisée en raison de la pluralité des déficits
fonctionnels qui peuvent être associés chez un même patient ou simplement en raison
de l’instabilité des troubles.
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24.5.1 Introduction
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Le français écrit, comme la plupart des langues occidentales, peut être défini comme
un système alphabétique, phonographique qui dans l’absolu repose sur la mise en cor-
respondance d’un symbole graphique, le graphème, avec un phonème de la langue
orale. Cette relation étroite n’est que relative puisqu’un même son peut être traduit
par des graphèmes différents (/o/ ➞ o, os, ot, au, eau... ; /f/ ➞ f, ff, ph) ou qu’un même
graphème 20 peut correspondre à différents phonèmes suivant le contexte (en ➞ /ã/
dans entendre, mais / ∼ ε / dans examen). Le français écrit comporte en fait moins de
mots réguliers que de mots ambigus. La régularité est calculée sur la base de la fré-
quence des associations phonème-graphème (Catach, 1980). Il est classique en neu-
ropsychologie (Beauvois et Derouesné, 1981 ; Croisile et al., 1995) de distinguer les
mots réguliers dont chaque phonème peut être traduit sans ambiguïté par un seul gra-
phème ou qui correspondent à la transcription la plus fréquente (/tu/➞ tour, /moto/
➞ moto), des mots ambigus ou à orthographe inconsistante qui comportent un (ou
plusieurs) phonème(s) pouvant avoir plusieurs transcriptions possibles (/m ∼ ε /➞
main, /səiz/ ➞ cerise) ou encore des mots irréguliers qui correspondent à des trans-
criptions exceptionnelles (/fam/➞ femme, /ut/ ➞ août, /otɔn/ ➞ automne). Le lec-
teur peut consulter l’ouvrage de Roch Lecours (1996) pour une classification quelque
peu différente. Il faut rappeler que la notion d’ambiguïté ou d’irrégularité n’est pas
identique dans la situation d’écriture et dans celle de lecture. Ainsi, les mots
« chapeau », « mégot », ou « sirop » seront considérés comme ambigus en écriture
mais non en lecture dans la mesure ou les graphèmes « eau », « ot », et « op » ne peu-
vent donner lieu qu’à la seule correspondance graphophonémique /o/.
Après avoir présenté les traits symptomatiques des agraphies et des alexies,
nous ne ferons qu’évoquer quelques données historiques de la neuropsychologie du
langage écrit afin de mieux comprendre l’état de nos connaissances actuelles et ren-
voyons le lecteur aux ouvrages de Morin, Viader, Eustache et Lambert (1990), ou
Roch-Lecours (1996). Nous décrirons ensuite la modélisation de la production et de
la reconnaissance orthographique puis leur application à l’interprétation des troubles.
20. La lettre désigne les 26 unités graphiques utilisées dans la langue écrite alors que le graphème fait
référence à la correspondance écrite du phonème. Le graphème peut donc être constitué d’une ou plu-
sieurs lettres : p, au, ch, an…
504 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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résulter de différents niveaux de perturbation (voir infra l’exemple des erreurs non
phonologiquement plausibles). Le terme de paragraphie est un nom générique qui
désigne les erreurs relevées lors de la production écrite d’un mot et celui de paralexie
celles observées lors de la lecture à haute voix. Les erreurs de lettres ou erreurs non
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tion du graphème cible dans un répertoire différent de celui qui est approprié
ou demandé (F ➞ f, h ➞ H). Les allographes constituent les différentes for-
mes possibles d’une lettre et varient suivant le type d’écriture utilisé ou sui-
vant des variations individuelles. On distingue classiquement quatre grands
répertoires de caractères : majuscules et minuscules en cursive ou script.
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• Les erreurs visuelles désignent en lecture les substitutions qui sont liées au
mot cible par une importante proximité visuelle et qui résultent par la substi-
tution, l’ajout ou l’omission d’une ou plusieurs lettres ou même de la partie
initiale ou finale d’un mot (tâche ➞ bâche, cousin ➞ coussin, verrue ➞ rue,
verre ➞ ver).
sité (Morin et al., 1990). Elles se calquent sur les classifications des aphasies et s’arti-
culent autour de données lésionnelles et/ou de critères sémiologiques qui mettent
principalement en exergue la présence ou non de troubles associés de nature aphasi-
que, alexique, apraxique. À titre d’exemple, Marcie et Hécaen (1979) proposent cinq
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sous-groupes d’agraphies : agraphies associées aux aphasies, agraphie pure, agraphie
apraxique, agraphie avec alexie et agraphie liée à des troubles spatiaux lors de lésion
de l’hémisphère mineur. Cette classification n’est pas sans critique dans la mesure où
elle comporte plusieurs recouvrements, l’agraphie apraxique pouvant par exemple
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être observée dans les formes d’agraphies associées aux aphasies de Broca. Elle est
par ailleurs insuffisamment précise dans sa description sémiologique pour pouvoir
rendre compte de la spécificité du trouble graphique. Peu à peu l’agraphie se dote
d’une terminologie sémiologique qui lui est propre. C’est l’ère de la neurolinguisti-
que (Lecours et Lhermitte, 1979) qui s’inspire largement des méthodologies descrip-
tives de la linguistique fonctionnelle. Il faudra attendre la décennie 1980-1990 pour
que l’étude du langage écrit fasse l’objet d’une analyse plus « autocentrée » dépassant
la dichotomie apraxique/linguistique. Cet abord a été réalisé dans le cadre des travaux
de neuropsycholinguistique cognitive (initialement appliqués aux troubles de la lec-
ture, Marshall et Newcombe, 1973) qui ont conduit à la description d’une diversité
syndromique plus large.
B. Approche cognitive
Modélisation
L’ensemble des mécanismes mis en jeu par l’acte de production orthographique s’ins-
crit dans le cadre plus général du système lexical dont l’ambition est de représenter
toutes les opérations mentales concourant à une activité linguistique orale ou écrite.
Le modèle d’Ellis (1982) a été un des premiers modèles de référence en neuropsycho-
logie. Il a été suivi par d’autres propositions très proches sur lesquelles nous nous
appuierons (Margolin 1984 ; Patterson, 1986 ; Caramazza et Miceli 1989 ; Margolin
et Goodman-Schulman, 1992 ; voir aussi pour revues de question, Lambert, 1993 ;
Lambert, 1996 ; Shallice, 1988 ; Tainturier, 1996 ; Valdois et de Partz, 2000 ; Zesi-
ger, 1995). Tous les modèles distinguent des processus centraux et des processus
périphériques. Il s’agit de modèles cognitifs de type sériel. Le développement de
modélisations connexionnistes est très restreint en écriture (voir par exemple le
modèle NETspell d’Oison et Caramazza, 1994), contrairement à la lecture où de
nombreuses propositions ont déjà été effectuées.
● Processus centraux
Les processus centraux (figure 24.2, p. 507) correspondent aux processus orthogra-
phiques (spelling) mis en jeu dans toute production orthographique quelle que soit la
modalité d’écriture utilisée : l’écriture manuscrite, dactylographiée ou l’épellation
orale. Ils s’articulent autour d’un système à double voie (phonologique et lexicale) et
comportent également une mémoire temporaire spécialisée dans le maintien d’unités
graphémiques (mémoire tampon graphémique).
Langage et parole 507
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Lexique phonologique d’entrée
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Écriture manuscrite
Eppellation
orale
LA VOIE LEXICALE
La voie lexicale rend compte de la capacité à écrire des mots connus (réguliers, ambi-
gus ou irréguliers). Son fonctionnement postule l’existence de représentations ortho-
graphiques stockées à long terme et dont l’ensemble constitue le lexique
orthographique de sortie. Il s’agit des connaissances orthographiques spécifiques de
chaque mot qui ont été mémorisées au cours de l’acquisition du langage écrit et de sa
pratique. Ce postulat est nécessaire dans des langues comme le français pour lesquel-
les l’orthographe d’un mot ne peut que rarement être déduite de sa phonologie.
L’activation des représentations orthographiques dans le lexique orthographique est
fonction de leur fréquence dans la langue : l’orthographe d’un mot fréquent va être
plus rapidement et plus sûrement restituée que celle d’un mot rare. Elle est également
liée à la classe des mots. Il a en effet été montré qu’un morphème lexical (nom, adjec-
tif, verbe) était mieux restitué qu’un morphème grammatical (libre ou lié) lors d’une
perturbation de la voie phonologique, c’est-à-dire lors du fonctionnement hypothéti-
que de la seule voie lexicale. Plus que le mot, l’unité de base du lexique orthographi-
que semble bien être le morphème. Cette notion est confortée par Badecker, Hillis et
Caramazza (1990) qui suggèrent qu’un mot bimorphémique peut être représenté en
deux unités correspondant à chacun des morphèmes. Enfin, une question posée est de
savoir dans le cas d’homographes homophones (ex : le page ; la page), c’est-à-dire
des mots ne différant que du point de vue du sens, s’ils correspondent à une seule ou
plusieurs représentations orthographiques (de Partz, Gracefa, Seron, Pillon, 1999).
L’hypothèse de deux lexiques orthographiques distincts en écriture et en lecture (lexi-
que orthographique de sortie et lexique orthographique d’entrée) prédomine dans la
508 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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et pas en lecture – pourraient être observées dans l’hypothèse d’un déficit modéré
d’un lexique unique (conception alternative soutenue déjà par Allport et Funnel,
1981 ; Behrmann et Bub, 1992). Une perturbation aurait en effet plus de répercussion
en production orthographique qui nécessite le rappel exhaustif de toutes les propriétés
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La voie phonologique est utilisable pour les mots n’ayant pas de représentation ortho-
graphique stockée, c’est-à-dire pour des mots nouveaux, des syllabes, des non-mots
sans signification ou encore des mots réguliers. Cette procédure repose sur les deux
opérations principales suivantes : segmentation phonologique et correspondance
phonème-graphème. Le stimulus sonore est segmenté en ses constituants phonémi-
ques (éventuellement syllabiques : la taille des unités sur lesquelles opèrent les cor-
respondances est encore mal connue ou trop souvent restreinte au phonème,
Tainturier, 1996). Chaque unité phonémique est convertie en unité graphémique. La
séquence des unités graphémiques correspondant au stimulus entendu est ensuite
maintenue dans le tampon graphémique. L’écriture suivant la voie phonologique
nécessiterait à la fois un maintien de la séquence phonologique au niveau du tampon
phonologique durant les opérations de correspondance phonème-graphème (Cara-
mazza, Miceli et Villa, 1986) et un maintien de la séquence graphémique au niveau
du tampon graphémique.
Langage et parole 509
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correspondance phonème-graphème. L’écriture de non-mots par des sujets sains mon-
tre en effet que le choix « orthographique » de non-mots est influencé par l’orthogra-
phe d’un mot dicté auparavant (ex. : /tein/ est écrit plutôt « tane » s’il est précédé du
mot « lane » et plutôt « tain » s’il est précédé du mot « brain » (voir Shallice, 1988
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La mémoire tampon graphémique est une structure relais entre les processus centraux
et les processus phonologiques ou lexicaux. Elle est assimilée à une mémoire de tra-
vail spécifique du langage écrit qui stocke temporairement (ou maintient active) la
suite de graphèmes issue d’une procédure lexicale ou phonologique, durant le temps
nécessité par les opérations périphériques conduisant à la réalisation graphique.
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d’ambiguïté orthographique en écriture et en épellation, ce qui suggère une participa-
tion plus importante du tampon phonologique en épellation. Peu de travaux ont été
effectués chez des sujets normaux et ils montrent des résultats non concordants. Croi-
sile et al. (1996) n’ont pas relevé de différence entre les deux modalités de sortie
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● Processus périphériques
Les processus périphériques (figure 24.3) participent à la transformation des unités
graphémiques abstraites en productions concrètes : écriture de lettres pour l’écriture
manuscrite, nom de lettre en épellation orale ou choix des touches en dactylographie.
Trois types de processus sont décrits pour l’écriture manuscrite : le système allogra-
phique, le système des programmes moteurs graphiques et le code graphique (Ellis,
1982, 1988 ; Margolin et Goodman-Schulman, 1992 ; Goodman et Caramazza,
1986 ; voir aussi pour revues de question Lambert 1996 ; Eustache et al., 2004 ; Zesi-
Mot entendu
Buffer graphémique
MAJUSCULE MAJUSCULE
casse
Figure 24.3
Programmes moteurs graphiques
Représentation
schématique des processus
périphériques de l’écriture Code graphique
d’après Margolin
et Goodman-Schulman
Écriture
(1992).
Langage et parole 511
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Le système allographique est la première étape des mécanismes périphériques. Il a
pour fonction la sélection de l’allographe, c’est-à-dire le choix de la forme générale de
la lettre en fonction du type de répertoire requis. Quatre possibilités sont offertes sui-
vant le style (cursive vs script) et la casse (minuscule vs majuscule). Selon Ellis (1982),
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ces représentations allographiques, stockées à long terme sont assimilées à une des-
cription spatiale qui spécifie la forme générale de la lettre mais non sa taille absolue
dans la mesure où des réalisations différentes peuvent encore être effectuées. Pour
Margolin (1984), cette étape interviendrait non seulement dans l’écriture manuscrite
mais dans toute forme de production orthographique ayant un support visuel, telle que
la dactylographie ou l’écriture avec des lettres mobiles. Cette notion est toutefois
controversée par certains auteurs (Black et al., 1989 ; Ellis, 1988 ; Rapcsak, 1997) qui
proposent que les mécanismes périphériques de la dactylographie ou de l’écriture avec
des anagrammes divergent de ceux de l’écriture manuscrite avant le système allogra-
phique. Ainsi le système allographique ne serait pas impliqué dans des tâches de
reconnaissance de lettres qui mettent plutôt en jeu des mécanismes d’analyse ortho-
graphique propres au système de lecture (Rapp et Caramazza, 1997). Les répertoires
étudiés se limitent le plus fréquemment à l’opposition majuscule scripte vs minuscule
cursive qui représentent les modes d’écriture les plus familiers. L’observation en neu-
ropsychologie d’une double dissociation suggère l’existence de représentations indé-
pendantes entre majuscules et minuscules. Enfin, l’accès aux représentations
allographiques pourrait être influencé par la similarité spatiale ou visuelle (Goodman
et Caramazza, 1986 ; Zesiger, Martory et Mayer, 1997).
LE SYSTÈME DES PROGRAMMES MOTEURS GRAPHIQUES
Les programmes moteurs graphiques représentent des informations spatio-temporel-
les qui spécifient la séquence, la direction et la taille relative des traits constitutifs
d’un allographe mais pas la taille absolue ni la durée de réalisation de la lettre. Ils per-
mettent la réalisation rapide et automatique du scripteur entraîné. Le programme
moteur est encore de nature abstraite (Van Galen, 1980) dans la mesure où il est indé-
pendant des effecteurs utilisés (muscles distaux ou proximaux suivant le support
utilisé : feuille ou tableau par exemple). Les études en psychologie expérimentale
attestent effectivement de constantes temporelles et spatiales entre productions effec-
tuées avec différents effecteurs (Zesiger, 1995, pour revue). L’étude des agraphies
suggère là aussi l’existence de répertoires distincts pour les majuscules et les minus-
cules. La fréquence, la similarité spatiale et/ou grapho-motrice sont des variables
pouvant influencer l’accès aux programmes moteurs et conditionner les erreurs.
CODE GRAPHIQUE
Le code graphique fait référence à la traduction des programmes moteurs en informa-
tions neuro-musculaires commandant les muscles du système effecteur mis en jeu.
512 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
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tion des programmes moteurs graphiques – a été remise en question (Shallice, 1988 ;
Van Galen 1991). Van Galen propose une étape de sélection allographique qui se dif-
férencie de la définition proposée plus haut par Ellis (1982) ou Margolin (1984). Il
envisage la sélection de l’allographe comme l’activation de programmes moteurs
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répondant, d’une part, au mode d’écriture exigé par le contexte (minuscules, majus-
cules, cursives, script) et, d’autre part, à la représentation graphémique activée (main-
tenue au niveau du buffer graphémique). Lors de l’analyse d’erreurs de substitutions
de lettres, Rapp et Caramazza (1997) ont récemment donné des arguments ne soute-
nant pas l’hypothèse d’une représentation de la forme des lettres dont la nature serait
uniquement visuo-spatiale. Ils postulent l’existence d’une représentation de la forme
des lettres de nature abstraite, indépendante des effecteurs utilisés, qui reposerait sur
les caractéristiques des traits constitutifs d’une lettre. Le choix du répertoire d’écri-
ture, c’est-à-dire de la casse, pourrait s’effectuer indépendamment de la forme de la
lettre.
LES MÉCANISMES DE LA COPIE
Margolin (1984) distingue deux stratégies possibles pour la copie. La première, de
type « lexical », emprunte les mécanismes d’écriture manuscrite décrits ci-dessus.
Dans la seconde, de type pictural, le mot est traité comme un dessin ou une forme sans
signification et fait alors appel non plus aux programmes moteurs graphiques mais à
des capacités visuo-constructives. La stratégie picturale serait ineffective lors de dif-
ficultés constructives associées (Cipolotti et Denes, 1989). Confortant cette notion de
stratégie picturale, Zesiger, Martory et Mayer (1997) ont montré que lors d’une per-
turbation des programmes moteurs, la production de lettres spatialement correctes,
bien que lentement formées, était possible. Cette réalisation serait assurée par un sys-
tème générant des trajectoires en deux dimensions et guidée par le système allogra-
phique dans l’exemple de lettres ou par une composante de mémoire visuelle dans le
cas de dessins ou de symboles graphiques non fréquents.
Pathologie
souvent utilisées par les patients. Un effet de fréquence des mots fait également partie
du tableau. Ces difficultés suggèrent que les patients ne connaissent plus ou n’ont
plus accès à la représentation orthographique des mots. Quelquefois, un accès partiel
à cette représentation orthographique peut conduire à des erreurs non phonologique-
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ment plausibles (printemps ➞ prinpemt). Un tableau d’agraphie lexicale peut égale-
ment résulter d’une perturbation au niveau du système sémantique (Tainturier, 1996),
mais dans ce cas l’écriture sous dictée serait préservée (vs dénomination écrite et écri-
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AGRAPHIE PHONOLOGIQUE
L’agraphie phonologique a été décrite pour la première fois par Shallice (1981). Ce
syndrome résulte d’une perturbation de la voie phonologique qui affecte toujours les
capacités de correspondance phonème-graphème et, de façon moins constante, les
capacités de segmentation d’un mot en ses constituants phonologiques. Il se mani-
feste par une difficulté à écrire des non-mots qui suscite soit des absences de réponse,
soit des erreurs non phonologiquement plausibles, soit des erreurs de lexicalisation
(production d’un mot de la langue ayant le plus souvent une similarité phonologique
avec le stimulus : drito ➞ râteau). Les mots sont mieux préservés mais révèlent un
effet de classe : les noms sont mieux écrits que les adjectifs, les verbes et les mots
grammaticaux. Des absences de réponse, des substitutions intra classe et parfois des
erreurs dérivationnelles (ex : chanteur ➞ chanson) sont notées. Un effet d’imageabi-
lité est souvent rapporté. Il montre de meilleures performances pour les noms d’une
valence d’imagerie élevée (ex. : eau) que pour les noms abstraits non imageables
(ex. : morale). Il est important de s’assurer que les difficultés notées lors de la dictée
ne résultent pas d’un déficit de compréhension ou d’analyse auditive. L’écriture de
phrases révèle un aspect « agrammatique » avec la préservation des mots lexicaux et
de fréquentes omissions ou erreurs touchant les mots grammaticaux (garçon… esca-
beau… attraper les gâteaux).
AGRAPHIE PROFONDE
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vation illustrant ce syndrome est celle de L.B. (Caramazza et al., 1987). La caracté-
ristique principale de ce syndrome est l’occurrence d’erreurs non phonologiquement
plausibles (substitutions, omissions ou transpositions de lettres) avec un effet de lon-
gueur du mot, c’est-à-dire une probabilité d’erreurs plus grande pour les mots longs
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(nombre de lettres élevé) que pour les mots courts. Elles affectent aussi bien les mots
que les non-mots et sont observées quelle que soit la tâche d’écriture (dénomination,
dictée). Leur distribution montre une courbe en U renversé avec une prédominance
des erreurs en milieu de mot. Cette distribution peut être modifiée lorsque le patient
présente des troubles hémi-attentionnels associés. Ainsi le patient M.L., qui souffrait
d’un déficit attentionnel gauche produisait plus d’erreurs en début de mot, alors que
DH qui présentait une négligence droite commettait plus d’erreurs vers la fin des mots
(Hillis et Caramazza, 1989). De plus, Badecker, Hillis et Caramazza (1990) ont mon-
tré qu’à nombre de lettres égal, les mots comportant plusieurs morphèmes (para/
pluie) suscitaient moins d’erreurs que les mots monomorphémiques (moustache).
● Déficit des processus périphériques
Alors que les syndromes « centraux » décrits ci-dessus montrent un profil de pertur-
bation équivalent en écriture et en épellation orale, l’atteinte des mécanismes périphé-
riques affecte principalement l’écriture manuscrite sans retentir sur l’épellation orale.
PERTURBATION DU SYSTÈME ALLOGRAPHIQUE
Une perturbation du système allographique est supposée retentir sur le choix de la
forme générale de la lettre et du répertoire utilisé. Le nombre restreint d’observations
publiées et la disparité des sémiologies attachées à cette même étiquette oblige à une
certaine prudence dans la définition de ce syndrome.
Plusieurs types d’erreurs ont été relevés :
– mélange à l’intérieur d’un même mot de lettres appartenant à différents réper-
toires (SiMBOlA, StAtO, Bol VA, De Bastiani et Barry, 1989) ;
– difficulté à produire une lettre dans un répertoire donné (prédominant pour
les minuscules, Patterson et Wing, 1989 et pour les majuscules, observation
de Barry 1985, rapportée par Patterson et Wing, 1989) ;
– substitutions de lettres montrant des similarités spatiales ou visuelles (Good-
man et Caramazza, 1986).
Le trouble peut également se manifester par un temps de préparation à l’écri-
ture anormalement long en présence d’un temps d’exécution normal (Patterson et
Wing, 1989), cet allongement suggérant un processus de recherche de la forme de la
lettre. Les erreurs surviennent lors de l’écriture de mots ou de lettres isolées (dictée
ou épreuve de transcodage demandant la production d’une lettre dans un autre réper-
toire, A ➞ a ou a ➞ A). Bien que la perturbation de l’imagerie interne relative à la
connaissance de la forme des lettres constitue un argument en faveur d’une atteinte
allographique, elle n’a été que rarement recherchée.
Langage et parole 515
Cette atteinte allographique a été également rapportée chez des patients souf-
frant d’une démence de type Alzheimer (Eustache et al., 2004, pour revue ; Hughes,
Graham, Patterson et Hodges, 1997 ; Lambert et al., 2007) ou d’une dysgraphie pro-
gressive (Graham, Patterson et Hodges, 1997).
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PERTURBATION DES PROGRAMMES MOTEURS GRAPHIQUES
Deux tableaux ont été distingués.
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tes parce que souvent apprises les premières (Hughes et al., 1997).
PERTURBATION DU CODE GRAPHIQUE
Cette perturbation, appelée encore trouble d’exécution motrice (Ellis, 1988) est la
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Wernicke. Il est fréquent d’observer d’autres signes d’atteinte pariétale, tels que
apraxie constructive et idéomotrice, syndrome de Gerstmann.
Un troisième type d’alexie (« troisième alexie » ou alexie frontale) a été
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décrit par Benson (1977). Il résulte de lésions antérieures et se trouve souvent associé
à une aphasie de Broca. La lecture des lettres est très déficitaire alors qu’un certain
nombre de mots, notamment concrets, sont lus globalement. La lecture et la compré-
hension sont meilleures pour les mots que pour les phrases. Ce syndrome aurait en
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fait été décrit auparavant en 1892 par Freud (Morin et al., 1990).
B. Approche cognitive
Modélisation
Les modèles cognitifs sériels à deux voies représentent le support théorique le plus
répandu en neuropsychologie en vue de l’évaluation et de l’interprétation des trou-
bles. Les modélisations connexionnistes sont plus présentes que pour l’expression
écrite et nous en donnerons un exemple.
La modélisation des mécanismes de lecture à haute voix s’articule autour
d’un module d’analyse visuelle et de deux procédures de lecture : lexicale et phono-
logique (Coltheart, Patterson et Marshall, 1980, 1987 ; Ellis et Young, 1996 ; voir
aussi Carbonnel, 1996 ; Valdois et de Partz, 2000, pour revues de question) qui
convergent vers la mémoire tampon phonologique et la mise en jeu des programmes
moteurs articulatoires (figure 24.4). Cette distinction repose sur l’hypothèse que les
mots et les non-mots ne font pas appel aux mêmes mécanismes. Cette conception
non-mots
mots
Analyse visuelle
Figure 24.4
Mécanismes articulatoires Représen-tation schématique des
Production orale
processus impliqués en lecture.
518 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
s’oppose à d’autres propositions qui suggèrent que les non-mots peuvent être traités
comme des parties de mots par analogie lexicale (voir infra et plus particulièrement
l’ouvrage de Shallice, 1988).
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● Processus périphériques
L’analyse visuelle regroupe différentes opérations, qui assurent l’identification des
lettres et leur position dans un mot. Il s’agit du traitement des propriétés visuelles
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suite à une analyse rétino-centrée en traits et de l’identification des lettres suite à une
analyse de regroupement des traits, centrée sur le stimulus. Ces processus visuels pré-
coces conduisent à une représentation graphémique (Caramazza et Hillis, 1990),
maintenue en mémoire – mémoire tampon graphémique suivant une dimension abs-
traite indépendamment des propriétés physiques visuelles initiales du stimulus perçu.
Selon Caramazza, Capasso et Miceli (1996), ce processus serait commun à la lecture
et à l’écriture. Par ailleurs, ces différentes opérations seraient sous l’étroite dépen-
dance de processus attentionnels : positionnement d’une fenêtre de traitement et fil-
trage de l’information non pertinente (Siéroff, 1996, 1998).
● Processus centraux
La voie phonologique (ou procédure d’assemblage phonologique) repose sur la
notion que la lecture peut s’effectuer à partir de procédures de conversion des graphè-
mes en phonèmes. Ainsi, à partir du module d’analyse visuelle, les informations écri-
tes (graphème, c’est-à-dire lettre ou groupe de lettres correspondant à un phonème)
seraient converties en phonèmes, lesquels seraient assemblés en vue de la prononcia-
tion. Il est possible, suivant cette procédure, de lire efficacement des mots réguliers
et des non-mots mais pas des mots irréguliers. Selon Alegria et Morais (1996), si ce
déchiffrage laborieux, graphème par graphème, correspond au comportement du lec-
teur débutant, il semble que le lecteur habile opère sur des unités sous-lexicales plus
larges : ensemble de lettres et séquences phonologiques correspondantes qui permet
de tenir compte du contexte (c ➞ devant e, i mais c ➞ k devant a, o, ou). De plus,
chez le lecteur habile, l’utilisation d’une procédure par assemblage phonologique
serait totalement automatisée.
La voie lexicale (ou procédure d’adressage), à partir du module d’analyse
visuelle, suppose l’activation d’une représentation orthographique dans le lexique
orthographique d’entrée et celle de la représentation sémantique correspondante dans
le système sémantique qui, à ce stade seulement, va permettre d’extraire la significa-
tion du stimulus. Ces étapes de traitement sont suffisantes pour une lecture de type
silencieuse. La lecture à haute voix nécessite l’implication de mécanismes communs
à la production orale en général. Il s’agit de l’activation de la forme phonologique
correspondante dans le lexique phonologique de sortie et de l’implication de la
mémoire tampon phonologique, relais obligé de toute expression orale et des méca-
nismes articulatoires.
Cette voie lexicale dite « lexico-sémantique » a été décrite initialement par
Marshall et Newcombe (1973). Les modèles suggèrent, depuis, l’adjonction d’une
Langage et parole 519
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(Schwartz, Saffran, Marin, 1980).
Les voies lexicales (lexico-sémantique et directe) seraient impliquées dans la
lecture des mots, réguliers ou irréguliers pour lesquels le lecteur a construit des repré-
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surface sans dyslexie de surface ou une dysgraphie profonde sans dyslexie profonde.
Ces dissociations peuvent cependant être compatibles avec l’hypothèse d’un seul
lexique orthographique si les perturbations sont interprétées en termes de déficits
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d’accès spécifiques à chaque tâche (reconnaissance en lecture et production en écri-
ture) plutôt qu’en termes de dégradation des représentations orthographiques elles-
mêmes (Tainturier, 1996).
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Pathologie
● Alexies périphériques
Plusieurs tableaux sont attribués à un déficit de l’analyse visuelle.
« L’alexie lettre à lettre » se traduit par une incapacité à lire des séquences de
lettres constituant des mots ou des non-mots. Certains patients présentent des difficultés
importantes à lire des lettres isolées. Un retard dans l’identification des lettres, des subs-
titutions entre lettres physiquement proches est observé ainsi qu’une augmentation des
difficultés lors de la présentation de mots longs. La nature perceptive des troubles est
particulièrement manifeste chez des patients qui indiquent une impression de chevau-
chement des lettres et qui sont améliorés par un espacement plus grand entre les lettres.
Dans certains cas, les patients parviennent à lire les lettres et ne réussissent que labo-
rieusement à lire les mots suite à un déchiffrage lettre après lettre, très coûteux en temps
et qui est révélé par un effet de longueur des mots. L’alexie lettre à lettre pourrait ainsi
résulter d’une perturbation soit de la composante d’identification des lettres, soit du
groupement des lettres, c’est-à-dire du traitement en parallèle des différentes lettres
constitutives d’un mot conduisant à une impossibilité à activer le lexique orthographi-
que d’entrée. Cette perturbation retentit sur la copie mais laisse intacte la capacité à épe-
ler, ou à reconnaître des items présentés dans d’autres modalités perceptives (lecture
auditive, reconnaissance par le toucher de lettres en relief).
● Alexies centrales
ALEXIE PHONOLOGIQUE
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Sa principale caractéristique est une impossibilité à lire les non-mots (absences de
réponse, lexicalisations avec substitutions par des mots visuellement proches ou pro-
ductions de non-mots incorrects) et les mots non familiers alors que la lecture des mots
qu’ils soient d’orthographe régulière ou irrégulière est relativement bien préservée.
Beauvois et Derouesné (1979) l’ont attribué à une atteinte isolée de la procédure
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associées mais il existe des exceptions, notamment un cas d’agraphie phonologique
sans alexie et un autre où l’alexie est de type lexical. L’association habituelle de
l’atteinte des deux modalités s’explique par la probable proximité de leurs supports
anatomiques (Roeltgen, 1985). L’agraphie lexicale est, elle aussi, habituellement
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associée à une alexie mais celle-ci est de type variable : lexicale, phonologique ou
sans spécificité. Les associations entre les deux grands types d’alexie ou d’agraphie et
les autres troubles des fonctions supérieures sont assez bien tranchées. Les troubles
phonologiques sont presque toujours associés à une aphasie, de type variable avec une
prédominance des aphasies de Broca. Les troubles lexicaux sont moins souvent en
liaison avec une aphasie mais davantage avec des symptômes évocateurs d’une lésion
pariétale : apraxie idéomotrice ou constructive, syndrome de Gerstmann. Un siège
plus pariétal des lésions, aux alentours du gyrus angulaire, peut être ainsi supposé.
● Approche connexionniste
Le principe général des modèles connexionnistes est fondé sur la notion que le traite-
ment de l’information relève d’une multitude d’unités élémentaires interconnectées.
Les principes de fonctionnement en sont les suivants (Content, 1996) :
– chaque unité est caractérisée par un niveau d’activation dont l’intensité
résulte de l’amplitude des signaux provenant des autres unités ;
– toutes les unités sont activées en parallèle ;
– les connexions sont de nature excitatrice ou inhibitrice ;
– la réponse à une stimulation dépend de la nature des connexions.
Une des premières modélisations connexionnistes des mécanismes de lecture
à haute voix a été conçue par Seidenberg et McClelland (1989). La structure générale
en est la suivante : trois couches d’unités connectées entre elles, codant chacune pour
des informations spécifiques (visuo-orthographique, phonologique ou sémantique).
Dans ce modèle, la prononciation d’un mot écrit peut s’effectuer soit par un réseau qui
connecte directement l’orthographe à la phonologie, soit par un réseau qui fait inter-
venir la couche sémantique. Seule la mise en application sur ordinateur d’un appren-
tissage résultant de connexions entre orthographe et phonologie avait été réalisée. Plus
récemment, un modèle connexionniste alternatif a été proposé par Ans, Carbonnel, et
Valdois (1998). Il repose sur une base d’apprentissage qui comporte à la fois des mots
entiers et les segments syllabiques de ces mots et permet d’obtenir des performances
de lecture tout à fait comparables à celles de sujets normaux en montrant notamment
les mêmes effets de fréquence et de régularité. De plus, deux lésions distinctes du sys-
tème aboutissent à des profils de lecture tout à fait proches des tableaux d’alexie de
surface et d’alexie phonologique rencontrés chez des patients. Ces résultats sont d’un
grand intérêt car ils confortent la double dissociation (relative à l’atteinte phonologi-
que vs lexicale de la lecture) mise en évidence en pathologie neuropsychologique qui
a parfois été remise en question (Carbonnel, 1996).
Langage et parole 523
24.5.5 Conclusion
L’approche cognitive de l’écriture et de la lecture montre au moins pour les processus
centraux une architecture générale très similaire basée sur des traitements, soit de
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type phonologique, soit de type lexical. L’indépendance des processus reste
discutée : est-il nécessaire de dissocier des lexiques d’entrée et de sortie ? Le buffer
graphémique intervient-il pour les deux types de tâches ?
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Note :
Aphasie chez les Japonais
B. Lechevalier et I. Miyazawa
Le langage des Japonais utilise trois sortes de symboles graphiques : les idéogram-
mes ou kanji (ji signifie langage), d’origine chinoise pour la plupart, dont le nombre
dépasse 2000, basés sur une représentation iconique, chacun a sa prononciation pro-
pre, différente dans la langue chinoise et dans la langue japonaise ; des symboles syl-
labaires ou kana dont il existe plusieurs types, qui permettent de représenter 51
syllabes, théoriquement on pourrait tout écrire en kana mais l’abondance des homo-
nymies fait qu’on ne peut se passer du kanji ; l’alphabet européen ou romanji qui
compte 26 lettres.
L’hémisphère cérébral droit intervient sans doute pour un part dans le kanji qui est
d’ailleurs mieux préservé que les kana au cours des lésions de l’hémisphère gauche
néanmoins, il n’existe pas d’observation connue d’aphasie spécialisée pour le kanji
en rapport avec une lésion de l’hémisphère droit tout au plus une certaine difficulté
d’ordre apraxique dans la réalisation des idéogrammes. A part cette discrète particu-
larité, au Japon, les mêmes types d’aphasies qu’en Europe sont décrits (Broca & Wer-
nicke) avec les mêmes localisations lésionnelles. Soulignons que l’apprentissage de
l’écriture est longue et difficile et se poursuit pendant les trois années de collège qui
suivent le primaire.
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24.6.1 Définition
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sclérose latérale amyotrophique…).
La classification la plus répandue actuellement est dite physiopathologique.
Elle provient des travaux de Darley et al. (1969 ; 1975). À partir d’une analyse per-
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ceptive, elle propose une description des anomalies selon les différents niveaux phy-
siologiques perturbés (respiration, phonation, résonance, articulation, prosodie).
Tableau 24.1
Groupe de patients étudiés (à gauche) et terminologie de la dysarthrie selon Darley et al. (1975).
Bulbaire Flasque
Pseudobulbaire Spastique
Parkinsonisme Hypokinétique
Dystonie Hyperkinétique
Choréo-athétose Hyperkinétique
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• la dysarthrie hyperkinétique résultant d’un dysfonctionnement des noyaux
gris centraux avec la prédominance de mouvements anormaux comme dans
les dystonies ou la maladie de Huntington ;
• enfin, les dysarthries mixtes comprenant les troubles de la parole par atteinte
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Tableau 24.2
Principaux paramètres perturbés dans la dysarthrie hypokinétique. Les notes moyennes sont indi-
quée à droite (0 : normale ; 7 : perturbation maximale). Seuls les paramètres dont le score moyen
est supérieur à 1.5 sont rapportés.
Dysarthrie hypokinétique
Monotonie 4.64
Diminution accentuation 4.46
Mono-intensité 4.26
Imprécision consonnes 3.59
Silences inappropriés 2.40
Accélérations paroxystiques 2.22
Voix rauque 2.08
Voix soufflée (continue) 2.04
Hauteur 1.76
Débit variable 1.74
Langage et parole 527
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(imprécision des consonnes). De nombreux critères déviants sont communs aux dif-
férents groupes.
L’approche physiopathologique
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Une des originalités du travail de Darley et al. (1969) est d’avoir étudié les relations
entre les critères les plus déviants pour dégager des hypothèses physiopathologiques.
Au sein de chacun des groupes les auteurs ont repris les critères les plus déviants. Ils
ont étudié les corrélations deux à deux entre chacun de ces critères. Lorsque les scores
de deux critères étaient significativement corrélés et que cette liaison paraissait
physiologiquement pertinente, les auteurs regroupaient ces critères dans un même
ensemble, nommé « cluster ». Ainsi, chaque groupe pathologique se définissait non
seulement par un ensemble de critères, mais par un nombre plus restreint de clusters.
Au total 8 clusters différents ont pu être identifiés pour l’ensemble des groupes
(figure 24.5, voir cahier couleur). L’exemple du regroupement des critères en cluster
pour la dysarthrie hypokinétique est décrit dans la figure 24.6 (voir cahier couleur).
A. La dysarthrie spastique
La dysarthrie spastique est due à une atteinte bilatérale des voies du premier moto-
neurone destinées aux noyaux du tronc cérébral. Les perturbations résultent des effets
combinés de la faiblesse et de la spasticité. Cette atteinte diffuse explique la sévérité
potentielle du trouble et la réduction fréquente de l’intelligibilité. Ceci conduit à des
mouvements lents avec une réduction de leur force et de leur amplitude.
La dysarthrie spastique est fréquemment d’origine vasculaire. Selon Duffy
(2005), « bien que la dysarthrie spastique ne puisse être associée à une étiologie uni-
que, l’origine vasculaire est plus fréquemment associée à la dysarthrie spastique qu’à
tout autre type de dysarthrie ». Elle fait alors volontiers partie du syndrome pseudo-
bulbaire qui associe des troubles de la déglutition et une libération de la mimique.
528 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
Dans les travaux de Darley et al. (1969), les principales anomalies percepti-
ves concernant les patients avec un syndrome pseudo-bulbaire étaient l’imprécision
des consonnes, la distorsion de voyelles, la monotonie, la diminution de l’accentua-
tion (dans les langues accentuées), la voix rauque, forcée ou étranglée, soufflée, la
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mono-intensité, l’aggravation de la hauteur, la lenteur du débit, le trouble de la réso-
nance nasale, les phrases courtes, les ruptures de phonation. Ces caractéristiques ont
été confirmées chez des patients avec un AVC associé ou non à un syndrome pseudo-
bulbaire. Les tâches de mouvements alternatifs rapides (répétitions de syllabes ou
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diadococinésies) ont été étudiées par des méthodes perceptives ou acoustiques chez
des patients avec une dysarthrie spastique. Ces mouvements sont ralentis par rapport
à ceux des sujets contrôles.
C. La dysarthrie flasque
La dysarthrie flasque correspond à une atteinte du nerf périphérique, de la jonction
neuromusculaire ou des muscles impliqués dans la production de la parole. La prin-
Langage et parole 529
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Ces lésions peuvent être uniques comme, par exemple, dans les atteintes iso-
lées du nerf facial ou du nerf hypoglosse. Ainsi, une paralysie faciale unilatérale pro-
voque une distorsion des consonnes s’articulant principalement au niveau des lèvres
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(comme le /p/ ou le /b/). Lors d’une diplégie faciale, la difficulté à arrondir ou étirer
les lèvres aboutit également à une distorsion des voyelles. Les lésions peuvent tou-
cher plusieurs nerfs crâniens (V, VII, IX, X, XI et XII) ou rachidiens. La sévérité est
donc variable. On rattache également à ce type de dysarthrie les atteintes de la jonc-
tion neuromusculaire (comme dans la myasthénie) ou les atteintes des muscles effec-
teurs (par exemple dans la myopathie oculo-pharyngée).
L’atteinte multiple des nerfs crâniens, de la jonction neuromusculaire ou des
muscles effecteurs porte parfois le nom, anatomiquement impropre, de paralysie bul-
baire. Ce terme est plus utilisé pour décrire la gravité clinique que pour désigner le
niveau de dysfonctionnement. Dans ces cas, le larynx, la langue, les lèvres, la
mâchoire et le voile du palais peuvent être déficitaires. La dysarthrie est massive avec
une hypernasalité, un souffle nasal, une voix soufflée, rauque et hypophone. Les ins-
pirations peuvent devenir audibles. La parole est monotone et peu modulée en inten-
sité. La déperdition d’air se manifeste également par la brièveté des phrases. La
réalisation phonétique est altérée et concerne les consonnes et les voyelles. L’altéra-
tion primitive responsable de ces troubles phonétiques peut porter sur chacun des
effecteurs en cause (lèvres, langue, voile du palais, mandibule, pharyngo-larynx).
blement vocal à environ 3 Hz peut être observé. Il est causé par le tremblement des
muscles laryngés et respiratoires (Ackerman et Ziegler, 1991).
Un trouble de la résonance nasale peut également être observé. Il peut s’agir
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d’une hypo- ou d’une hypernasalité intermittente. Elle reflète probablement un défaut
de coordination du voile du palais au sein du geste articulatoire pour les consonnes
nasales.
Le mutisme d’origine cérébelleuse est une complication principalement
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décrite après chirurgie de la fosse postérieure. Il est le plus souvent observé chez les
enfants après résection d’une masse cérébelleuse. Cependant, des cas ont aussi été rap-
portés chez l’adulte ou après des lésions de nature vasculaire (Nishikawa et al., 1998).
E. La dysarthrie hypokinétique
La dysarthrie hypokinétique est la dysarthrie observée dans la maladie de Parkinson.
C’est le type de dysarthrie qui a été le plus étudié. Dans deux études portant sur
200 patients parkinsoniens chacune, un trouble de la parole a été observé respective-
ment dans 74 % (Ho et al., 1998) et 89 % des cas (Logemann et al., 1978). Les trou-
bles prédominaient au niveau laryngé. La fréquence des troubles articulatoires était
de moins de 45 % (Logemann et al., 1978). Au stade précoce de la maladie, les ano-
malies concernent essentiellement la qualité vocale et la prosodie, affectant le carac-
tère naturel de la parole mais avec préservation de l’intelligibilité. La progression de
la maladie s’exprime ensuite davantage par des troubles de l’articulation et du débit,
lesquels perturbent l’intelligibilité de façon plus nette.
Dans les travaux de Darley et al. (1969), les 10 caractéristiques les plus
déviantes étaient par ordre décroissant de sévérité : la monotonie, la réduction de
l’accentuation, la réduction de variation de l’intensité, l’imprécision des consonnes,
les pauses inappropriées, la présence d’accélérations paroxystiques du débit, la rau-
cité de la voix, la voix soufflée, une hauteur anormalement basse et un débit variable
avec une tendance à l’accélération.
La dysprosodie est souvent le premier signe de la dysarthrie parkinsonienne
et semble résister aux traitements médicamenteux. Les modulations de l’intensité et
la hauteur sont réduites. Il existe également des troubles du déroulement temporel de
la parole. Le débit peut être normal voire ralenti (Metter et Hanson, 1986). Il est rap-
porté comme typiquement « variable » (Darley et al., 1969 ; Metter et Hanson, 1986).
Sur une série de 67 patients, Dordain et al. (1978) rapportaient 35 % de débit accéléré,
3 % de débit très accéléré, et 62 % de débit normal ou diminué. Certains parkinso-
niens parlent plus vite que des sujets témoins (Metter et Hanson, 1986). Cette tachy-
phémie est rare mais caractéristique. Elle oppose en effet ces locuteurs à tous les
autres types de dysarthries dans lesquels le trouble du débit s’exprime sous la forme
d’un ralentissement.
La voix peut être altérée dans ses caractéristiques physiques primaires (hau-
teur, intensité) et dans sa qualité (timbre). La voix parkinsonienne est rapportée
comme plus aiguë ou plus grave selon les auteurs. L’hypophonie peut être perma-
Langage et parole 531
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Les problèmes articulatoires sont parfois au premier plan de la symptomato-
logie (Darley et al., 1975 ; Logemann et al., 1978 ; Logemann et Fisher, 1981). Il
s’agit essentiellement d’une imprécision lors de la production des consonnes.
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F. La dysarthrie hyperkinétique
Les dysarthries hyperkinétiques résultent d’un dysfonctionnement des noyaux gris
centraux. Elles sont caractérisées par la présence de mouvements anormaux divers
(chorée, dystonie, dyskinésie, tremblement) qui interrompent l’exécution normale de
la parole. Ce groupe rassemble un ensemble hétérogène tant sur le plan étiologique
que sémiologique.
Un exemple classiquement décrit de dysarthrie hyperkinétique est celui de la
dysarthrie observée dans la maladie de Huntington où il existe des mouvements cho-
réiques. Tous les étages de la parole sont affectés. Les mouvements choréiques sont
présents au repos et lors de la parole. La particularité essentielle de la dysarthrie cho-
réique est sa variabilité dans le temps, liée à l’imprévisibilité du siège et du moment
de survenue des mouvements anormaux. En effet, lorsque l’on demande au patient de
répéter la même phrase à plusieurs reprises, les anomalies observées ne sont pas les
mêmes. Les critères déviants les plus spécifiques sont des inspirations ou expirations
soudaines, des variations excessives d’intensité, des arrêts vocaux brutaux et une voix
soufflée de façon intermittente. Les autres anomalies fréquentes sont une voix étran-
glée et forcée, des silences inappropriés ainsi qu’une accentuation excessive ou insuf-
fisante. Les troubles prosodiques sont majeurs et constituent l’anomalie perceptive la
plus fréquente. Le débit est variable, parfois lent, luttant contre les mouvements anor-
maux, parfois accéléré comme si le patient essayait de parler le plus vite possible
avant la survenue du prochain mouvement choréique.
unes des situations cliniques où le processus pathologique est diffus et conduit donc
à une dysarthrie mixte.
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Les troubles de la parole sont quasi constants au cours de l’évolution de la sclérose
latérale amyotrophique (SLA). Ils sont la conséquence d’une atteinte pseudo-bulbaire
et d’une atteinte bulbaire. Le syndrome pseudo-bulbaire correspond à la lésion du
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La sclérose en plaques
La dysarthrie est fréquente au cours de la sclérose en plaques (SEP), présente chez 40
à 45 % des patients. Pour 4 % d’entre eux, la dysarthrie est tellement sévère qu’ils
deviennent inintelligibles pour les personnes non familières (Beukelman et al., 1985).
Bien qu’elle fasse partie des dysarthries mixtes, la dysarthrie de la SEP comporte sou-
vent une composante ataxique fréquemment prédominante.
Les principales caractéristiques perceptives sont un trouble du contrôle de
l’intensité, une voix rauque, des troubles articulatoires, un déficit de la modulation et
du contrôle de la hauteur, et une hypernasalité.
Lorsqu’elle est présente, une dysarthrie paroxystique est très évocatrice de
SEP et survient dans 2 à 4 % des cas. Elle est caractérisée par des accès fréquents
(toutes les demi-heures ou davantage) de durée brève (vingt secondes ou moins).
hétérogènes d’un patient à l’autre, allant du plus modéré des troubles articulatoires
jusqu’à une totale inintelligibilité de la parole. Ces signes reflètent des atteintes mul-
tiples et la majorité des études décrivent des formes mixtes présentées comme une
combinaison de composantes ataxique et spastique ou spastique, ataxique et flasque.
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Sur une série de 20 patients avec un traumatisme crânien sévère, tous présen-
taient des éléments dysprosodiques (Theodoros et al., 1994) : 70 % d’entre eux avaient
un débit trop lent. La voix présentait peu de variations d’intensité et de hauteur ;
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l’accentuation était trop faible ou exagérée avec des phrases de courte durée et des pau-
ses trop allongées. Des troubles phonétiques étaient décrits avec une hypernasalité
pour 95 % des patients. Dans la même proportion on retrouvait une articulation impré-
cise, des voyelles déformées ou trop allongées. Chez 85 % des dysarthriques, le mau-
vais contrôle respiratoire provoquait des mouvements thoraciques amplifiés et bruités,
des troubles phonatoires donnant une voix rauque ou soufflée.
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– Quelle est la sévérité de la dysarthrie ?
– Quelles sont les principales anomalies perceptives qui permettent de la
décrire (et donc de communiquer entre les différents thérapeutes) ?
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A. L’analyse perceptive
L’évaluation perceptive représente la méthode de référence (« Gold Standard ») de
l’analyse de la dysarthrie (Duffy, 2005), c’est-à-dire l’élément prépondérant du dia-
gnostic. Un patient est dysarthrique parce qu’il est perceptivement reconnu comme
tel. L’évaluation perceptive peut être effectuée de façon globale ou analytique.
L’analyse globale permet de recueillir des informations perceptives dès le
premier contact avec le patient. Certaines caractéristiques de la parole paraissent pré-
dominantes. Nous pouvons par exemple être frappés par la raucité d’une voix, la len-
teur d’un débit, ou encore un nasonnement important. Ces impressions, analysées par
rapport à une consultation antérieure, peuvent ainsi donner la sensation que la parole
du patient s’est améliorée ou détériorée. L’approche perceptive globale constitue
donc une première démarche dans l’analyse clinique de la dysarthrie et permet d’iso-
ler de façon rapide les caractéristiques essentielles de la parole.
L’évaluation perceptive peut aussi reposer sur des études plus systématiques,
grâce à des grilles d’évaluation standardisées. Ces grilles comportent un nombre
défini de critères et quantifient le degré de perturbation. La plupart de ces grilles
reprennent l’ensemble des caractéristiques de la parole : hauteur, intensité, respira-
tion, articulation, résonance et prosodie. Elles sont généralement inspirées des tra-
vaux de Darley et al. (1969 ; 1975) qui ont mis au point une grille d’évaluation
perceptive comprenant 38 critères regroupés en 7 catégories : les caractéristiques de
la hauteur, d’intensité, la qualité de la voix (incluant le fonctionnement laryngé et la
résonance), la respiration, la prosodie, l’articulation et une catégorie regroupant
l’intelligibilité et le « caractère naturel » de la parole. Chaque critère était coté selon
une échelle à intervalles en 7 points : le score 1 était donné quand il n’y avait pas
d’altération ; le score 7 était donné pour une altération sévère. Cette grille de Darley
et al. (1969) a été à l’origine de la classification physiopathologique des dysarthries
(Darley et al., 1975). On voit donc que si l’analyse perceptive permet de décrire les
Langage et parole 535
anomalies par un choix de termes précis, elle permet également de quantifier la sévé-
rité de la déviance.
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peut s’agir de phonation soutenue, de répétition rapide de syllabes, d’épreuves
conversationnelles, de discours narratif. Beaucoup d’études utilisent de préférence la
lecture ou la parole spontanée. Les échelles de cotations sont également variables
selon les outils. Elles comportent le plus souvent des échelles en 4, 5 ou 7 points.
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B. La sévérité de la dysarthrie
L’intelligibilité et la compréhensibilité
L’intelligibilité est définie comme « le degré de précision avec lequel le message est
compris par l’auditeur ». Elle se définit en comptant le nombre d’unités de parole
reconnu par l’auditeur.
Pour rendre compte de ces difficultés de mesure, Yorkston et al. (1999) pro-
posent de distinguer les notions d’intelligibilité et de compréhensibilité. L’estimation
de l’intelligibilité reflète à la fois la réalisation acoustique produite par un système
altéré et les stratégies utilisées par le locuteur pour améliorer sa production de parole.
La compréhensibilité désigne le degré avec lequel un auditeur comprend la parole à
partir du signal acoustique (intelligibilité) et des autres informations qui contribuent
à la compréhension de ce qui vient d’être produit. Elle intègre donc des données sup-
plémentaires par rapport au signal acoustique telles que des connaissances sur le sujet
traité, le contexte sémantique ou syntaxique, les gestes et d’autres indices. En situa-
tion de communication, c’est donc le plus souvent la compréhensibilité qui est appré-
ciée. Le terme le plus utilisé reste cependant celui d’intelligibilité.
536 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
L’efficacité
L’efficacité désigne la quantité de message intelligible ou compréhensible transmise
par unité de temps. Elle peut donc être dégradée, par exemple, par une altération de
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l’intelligibilité ou du débit.
La sévérité perceptive
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C. L’analyse phonétique
L’analyse phonétique étudie les conséquences de la dysarthrie sur la production des
phonèmes. Elle s’intéresse donc aux troubles portant sur les voyelles (résonance) et
sur les consonnes (articulation). Les perturbations phonétiques sont fréquentes dans
tous les types de dysarthries et interviennent pour une part importante dans la réduc-
tion de l’intelligibilité.
Habituellement, les troubles articulatoires se distinguent en deux types : des
distorsions, dans lesquelles le phonème cible est reconnaissable mais déformé ; des
substitutions dans lesquelles un phonème est remplacé par un autre. Chez les patients
dysarthriques, les anomalies sont essentiellement des distorsions. Dans certains cas,
le phonème produit peut être identifié. Dans d’autres, la distorsion peut conduire à
une confusion avec un autre phonème.
La transcription peut être phonémique ou phonétique. Dans le cas d’une
transcription phonémique, seuls les symboles de l’alphabet phonétique international
(API) sont utilisés. Cette transcription est alors qualifiée de « large » (« broad
transcription »). Son but est d’identifier les phonèmes produits, qu’ils soient distor-
dus ou non. Cette forme de transcription entraîne une perte de l’information phonéti-
que (Zeplin et Kent, 1996).
La transcription phonétique utilise non seulement l’API mais aussi son exten-
sion. Elle donne lieu à une transcription dite « étroite » (« narrow transcription ») qui
représente « la transformation d’un message acoustique en unités discrètes de parole
que sont les caractères phonétiques » (Cucchiarini, 1996). Beaucoup plus précise que
Langage et parole 537
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distorsions, la transcription phonémique est insuffisante ; il faudrait donc lui préférer
une transcription phonétique. Cependant, son apprentissage ainsi que son utilisation
nécessitent un investissement en temps considérable. Comme il n’est pas possible de
saisir « en direct » toutes les perturbations, la notation doit se faire à partir d’enregis-
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trements. Elle est, par ailleurs, très subjective et sa fiabilité peut ainsi être contestée
(Kent, 1996). La familiarité avec le patient (Yorkston et al., 1988) ou l’anticipation
de la perception (Kent, 1996) peuvent fausser la transcription du corpus.
La transcription phonétique reste une méthode riche en informations. Une
analyse phonétique partielle des erreurs des patients peut se faire à partir de tests en
choix multiple de mots (Kent et al., 1989 ; Auzou et Rolland-Monnoury, 2006).
sont simples mais néanmoins sensibles aux changements, ce qui permet leur usage
lors d’un suivi évolutif. Enfin, elles pourraient mettre en évidence des profils particu-
liers permettant de différencier les types de dysarthrie entre eux (Auzou et al., 2000).
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Les données neurophysiologiques actuelles plaident pour une distinction
entre la motricité oro-faciale selon qu’elle implique le domaine verbal (geste dans son
contexte fonctionnel) et un autre type de motricité (geste analytique hors fonction de
parole) (Ziegler, 2002). Ce point probablement déterminant pour le choix des exerci-
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E. L’auto-évaluation
L’auto-évaluation consiste à recueillir le ressenti du patient par rapport à son trouble
de la communication. Complémentaire des évaluations précédentes, elle vise donc à
évaluer au plus près le handicap et le retentissement sur la qualité de vie. Pour des
troubles de sévérité égale, selon les paramètres de mesure de l’auditeur, le handicap
ressenti ne sera pas le même chez une personne ayant une activité professionnelle au
contact des autres (enseignant, guide, vendeur) que chez une personne retraitée ayant
peu d’activités sociales.
Elle se fait le plus souvent de façon informelle pour juger le degré de handicap
ressenti par le sujet avant de débuter une prise en charge ou pour quantifier l’améliora-
tion obtenue au terme de cette dernière. Elle peut se concevoir comme un outil de prise
en charge afin de permettre, par le biais des questions posées, la prise de conscience par
le patient de ses difficultés et amorcer la relation thérapeutique entre l’orthophoniste et
son patient. La longueur de l’échelle variera en fonction de l’objectif recherché.
L’efficacité d’une prise en charge évaluée par l’amélioration d’un paramètre
objectif ne prend toute sa valeur que si cette efficacité est également ressentie par le
patient. L’auto-évaluation est donc complémentaire des bilans combinant les élé-
ments cliniques et instrumentaux.
L’auto-évaluation de la dysarthrie est un domaine négligé. Les seules don-
nées de la littérature concernent la dysarthrie parkinsonienne (Hartelius et Svensson,
1994 ; Fox et Ramig, 1997 ; Jimenez-Jimenez et al., 1997). Elle confirme la cons-
cience du trouble par le patient.
F. L’analyse acoustique
Le transfert de l’information entre le locuteur et l’auditeur passant par le milieu
aérien, l’enregistrement de l’onde transmise fournit un outil privilégié d’étude de la
parole. L’analyse acoustique de la parole normale ou pathologique a bénéficié de
l’apport de la micro-informatique qui la rend techniquement disponible en pratique
clinique. Les paramètres recueillis peuvent concerner la voix (fréquence fondamen-
tale, stabilité), le timbre (formants), les données temporelles (durée de phonèmes, de
segments de parole) ou la prosodie (contour mélodique). Les paramètres disponibles
Langage et parole 539
sont donc nombreux. Kent et al. (1989) proposent des relations entre anomalies pho-
nétiques et acoustiques qui doivent encore être validées paramètre par paramètre.
Leur validité en pratique clinique est probable mais rarement établie de façon
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définitive.
La prise en charge rééducative des dysarthries a longtemps été négligée car considé-
rée comme inefficace (Auzou et Rolland-Monnoury, 2004). Après les études qui ont
permis de décrire et de comprendre les dysarthries, un certain nombre de travaux
récents ont montré une amélioration de la parole après rééducations. Depuis une
dizaine d’années, des stratégies de prise en charge émergent et il existe un consensus
actuellement pour dire que les troubles moteurs de la parole peuvent bénéficier d’une
rééducation (Duffy, 2005).
Selon la pathologie concernée, le degré de sévérité de la dysarthrie, le type
d’atteintes, les besoins de communication, les axes thérapeutiques seront à détermi-
ner pour chaque cas. L’objectif essentiel sera l’amélioration de l’efficacité de la com-
munication (Yorkston, 1999). Le domaine d’intervention s’étendra donc des
rééducations orientées vers l’amélioration des composantes de la parole par un travail
analytique, à la prise en charge de la communication au sens large par une approche
globale du patient et de son entourage.
Les prises en charge rééducatives s’articulent autour de principes essentiels
issus de l’expérience (« Evidence-based practice ») :
– précocité de la rééducation dans la plupart des cas,
– nécessité d’une évaluation précise,
– prise en charge intensive et limitée dans le temps,
– prise en charge basée sur la physiopathologique,
– production volontaire de la parole et autocontrôle,
– importance de l’entraînement avec une pratique des exercices systématique,
progressive et répétée,
– utilisation de feed-back.
Les données disponibles sur l’efficacité concernent essentiellement la
dysarthrie au cours de la maladie de Parkinson.
Selon Deane et al. (2001), trois études (Robertson et Thomson, 1984 ; John-
son et Pring, 1990 ; Ramig et al., 2001) évaluant l’effet de la rééducation orthopho-
nique versus placebo chez les patients parkinsoniens remplissent les critères
méthodologiques de la Cochrane Review. La rééducation par la méthode Lee Silver-
man (Lee Silverman Voice Treatment ou LSVT) est actuellement la méthode la mieux
évaluée et celle ayant objectivé une amélioration chez le plus grand nombre de
patients parkinsoniens.
540 Grandes fonctions psychologiques et leurs perturbations
La méthode Lee Silverman Voice Treatment a été mise au point aux États-
Unis à la fin des années 80 pour la prise en charge de la dysarthrie parkinsonienne et
diffusée en France depuis 2000.
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Elle est centrée sur les troubles de la phonation et repose sur cinq principes
essentiels : se focaliser sur l’intensité de la voix (avec une consigne unique : « parler
fort »), fournir un effort intense, suivre un programme intensif, améliorer la percep-
tion sensorielle de l’effort (calibrer l’énergie à mettre en place pour atteindre l’objec-
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tif), quantifier les performances (pour développer et maintenir la motivation par des
données précises). Le but de la LSVT est d’améliorer la communication fonctionnelle
des patients dans leur vie quotidienne et d’inscrire les progrès dans le temps.
Les sessions de LSVT s’étalent sur quatre semaines, avec quatre séances
d’une heure par semaine et des exercices réalisés par le patient à domicile pour que
la rééducation soit abordée deux fois par jour. La méthode comporte un programme
établi qui permet d’assurer une progression et qui n’exclut pas une personnalisation
selon chaque patient. Cette méthode, qui permet des progrès rapides et qui est cogni-
tivement aisée, remporte l’adhésion des patients.
Dans les autres pathologies neurologiques, il n’existe pas actuellement
d’étude démontrant l’efficacité de la prise en charge.
Langage et parole 541
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