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LES MÉCANISMES PARANOÏAQUES DANS LES ÉPREUVES PROJECTIVES :

REVUE DES PRINCIPAUX AUTEURS

Catherine Azoulay

Érès | « Psychologie clinique et projective »

2007/1 n° 13 | pages 35 à 56
ISSN 1265-5449
DOI 10.3917/pcp.013.0035
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-psychologie-clinique-et-projective-2007-1-page-35.htm
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Les mécanismes paranoïaques
dans les épreuves projectives :
revue des principaux auteurs

Catherine Azoulay1

Résumé – Après un détour nécessaire par l’éclairage historique psychiatrique et


psychanalytique du concept de paranoïa, l’article propose un point succinct sur les
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principaux auteurs qui ont contribué à mettre en évidence les manifestations
paranoïaques dans les épreuves projectives du Rorschach et du TAT. Même s’il est
davantage question du Rorschach, la description des mécanismes s’adresse aussi
bien à l’une qu’à l’autre des deux épreuves. Des exemples illustrent ensuite les
différentes traductions de l’angoisse paranoïaque et des défenses qui luttent contre.

Mots clés : Rorschach –TAT – Paranoïa – Approche psychanalytique.

Abstract in English at the end of the text


Resumen en español al final del texto

1. Psychologue clinicienne, Maître de conférences à l’Institut de Psychologie, Université Paris Descartes.


Laboratoire de psychologie clinique et de psychopathologie (LPCP EA-4056).

Psychologie clinique et projective, volume 13 – 2007, pp. 35-56 – 1265-5449/02/08


Catherine Azoulay

Si le terme même de paranoïa est entré dans le vocabulaire courant,


l’intérêt des psychiatres, mais aussi de nombre de psychanalystes, s’est
détourné, depuis un certain nombre d’années, de l’étude de ses aspects
pathologiques au profit d’une centration sur les schizophrénies et des
troubles dépressifs.
Cet article propose de faire un point succinct sur les manifestations
paranoïaques dans les épreuves projectives du Rorschach et du TAT après un
détour nécessaire par l’éclairage historique psychiatrique et psychanalytique
du concept. Même si il sera davantage question du Rorschach ici, la
description des mécanismes s’adresse aussi bien à l’une qu’à l’autre des
deux épreuves.
Dans le champ de la clinique du sujet tout-venant, on peut considérer que
chacun de nous possède son germe de paranoïa dans les relations sociales,
professionnelles, familiales, par une référence au regard de l’autre sur soi qui
renvoie, par retour du projeté, ce qu’on ne veut penser sur soi-même. En ce
sens, la projection est au fondement même de toute attribution inconsciente
de contenus psychiques à l’extérieur. Par exemple, la jalousie, comme l’a
indiqué Freud en 1921, relève d’un mécanisme projectif normal dont les
affects sont en continuité avec ceux issus du complexe d’Œdipe. F. Marty
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parle de la paranoïa ordinaire de l’adolescent (1997) dans la reviviscence des
fantasmes incestueux et parricides œdipiens. Pour cet auteur, la position
paranoïaque de l’adolescent est structurellement liée à la position œdipienne.
(p. 105-106). C’est aussi ce que nous dit A. Birraux (2000) lorsqu’elle
évoque les susceptibilités sensitives des adolescents qui projettent au dehors
l’excitation qu’il ne peuvent encore traiter au-dedans en tentant par là même
d’assurer des frontières psychiques rendues diffuses.
P.C. Racamier précise dans un article de 1990 que “ tout un chacun, dans
une situation critique, est à même de traverser un moment de paranoïa et
qu’un brin de paranoïa est certes nécessaire à ce même tout un chacun, dans
l’exercice de la vie sociale : sans ce brin, il serait vite écrasé comme un
fétu… ” (p. 11)
Le mouvement projectif dans cette paranoïa du tout-venant contient une
double fonction : l’une défensive, consistant à lutter contre ce qui procure du

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déplaisir par son expulsion hors de la psyché sur un objet externe ; l’autre
élaborative, qui permet de négocier les distances relationnelles, en
consolidant la différenciation et les limites entre dedans et dehors. De
l’équilibre entre les aménagements de ces deux fonctions, dépend la nature
pathologique ou non des mouvements projectifs engagés sur le terrain de la
rencontre avec l’objet.

APPROCHE HISTORIQUE
Du côté de la psychiatrie
Au XIXe siècle, dans les débuts de la psychiatrie, le terme de paranoïa ne
possédait pas le même sens selon les pays : en Allemagne, où la nosographie
dominante se référait au Traité de Krafft-Ebing, ce terme correspondait à
toute forme d’expression délirante quelle qu’elle soit. Puis, en 1899,
Kraepelin distingue les délires qui se maintiennent avec une fermeté de
pensée et sans détérioration (paranoïa) de ceux qui se désagrègent dans des
processus démentiels (démence précoce). Il définit alors la paranoïa comme
“ le développement insidieux d’un système délirant permanent et solide,
s’accompagnant d’une parfaite conservation de la pensée qui reste claire et
ordonnée, de même que les actions et la volonté. ” (citation issue de
J.D. Guelfi et coll., 1987, p. 231). Dans le prolongement des travaux de
Kraepelin, Kretschmer décrit en 1918 le délire de relation des sensitifs
(paranoïa sensitive) qui concerne des personnalités sensibles, vulnérables et
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timides.
En France, Sérieux et Capgras, en 1909, mettent en évidence les délires
chroniques d’interprétation, appelés encore folies raisonnantes ou délires de
significations. L’interprétation délirante est le mécanisme central du système
de pensée du paranoïaque et correspond à un raisonnement faux à partir d’un
fait exact. G. de Clérambault (1942) isole ensuite parmi ces délires
d’interprétation, les délires passionnels tels que l’érotomanie (illusion
délirante d’être aimé), le délire de jalousie et le délire de revendication
(quérulents processifs, inventeurs méconnus, idéalistes passionnés).
Les auteurs s’accordent pour dire que toutes les formes de délire
paranoïaque débutent tardivement, entre 30 et 50 ans voire davantage et qu’il
se caractérise par trois éléments fondamentaux :
– la mise en avant des mécanismes interprétatifs (hallucinations rares ou
absentes) ;

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Catherine Azoulay

– la cohérence et la mise en système du délire ;


– l’inaccessibilité au doute aboutissant au sentiment de conviction
inébranlable.
J.D. Guélfi et coll. (op. cité) définissent le délire d’interprétation du
paranoïaque comme une “ construction progressive d’un système cohérent
par un jeu d’interprétations (raisonnements faux à partir de perceptions
exactes) qui tendent à tout expliquer en fonction de l’idée prévalente qui sert
de thème central au délire. Ce délire s’étend en réseau à l’ensemble de
l’univers du sujet. Le thème central est très généralement une persécution ou
un préjudice. La conviction et la cohérence sont parfois telles qu’elles
peuvent entraîner l’adhésion de l’entourage (délire à deux). Globalement, les
autres fonctions mentales et l’adaptation sont relativement bien conservées,
au prix d’un retrait social et affectif important. L’évolution est très durable
assez souvent ponctuée de moments dépressifs.” (p. 243-244).
Du côté de la psychanalyse
Dès 1895, dans le Manuscrit H, Freud introduit l’idée que la projection
pathologique d’une représentation insupportable, correspondant à un auto-
reproche, est à l’origine du délire paranoïaque : “ La paranoïa a donc pour
visée de défendre le moi contre une représentation inconciliable en projetant
son contenu factuel dans le monde extérieur. ” (p. 143). Dans leur étude
approfondie sur les théories et l’histoire des idées psychanalytiques des
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psychoses, J. Chambrier et V. Souffir (1999) soulignent que cette première
élaboration demeurera au cœur de la conception freudienne de la projection.
Le mécanisme de projection, que Freud repère dans toutes formes de
fonctionnement psychique, est un processus de traitement de l’angoisse. La
projection relève de la pathologie sous l’effet de l’aspect quantitatif, faisant
prévaloir le point de vue économique. “ En ce qui concerne la formation des
symptômes dans la paranoïa, le trait le plus frappant est le processus qu’il
convient de qualifier de projection. Une perception interne est réprimée et,
en son lieu et place, son contenu, après avoir subi une certaine déformation,
parvient au conscient sous forme de perception venant de l’extérieur. Dans
le délire de persécution, la déformation consiste en une transformation de
l’affect ; ce qui devrait être ressenti intérieurement comme de l’amour est
perçu extérieurement comme de la haine. ” (Freud, 1911, p. 311).
Ainsi que le met en exergue M. Sami-Ali dans son étude sur la projection
(1970), il s’agit de traiter ce mécanisme dans son rapport avec le phénomène

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de croyance : “ Car, toute projection ne consiste pas seulement en la


transformation d’une perception interne en quelque chose d’externe, elle est
aussi croyance qu’il s’agit d’une réalité objective. Le sujet […] adhère
parfaitement aux perceptions qui s’imposent de l’extérieur. Il y ajoute foi
sans se rendre compte qu’il est pris au piège d’une objectivité illusoire. ”
(p. 145).
Jusqu’en 1911, Freud utilise le terme “ paranoïa ” selon le sens ancien d’un
fonctionnement pathologique accompagné d’idées délirantes. La conception
qu’il élabore de la paranoïa en 1911, dans son texte fondateur sur le
Président Schreber, trouve son explication dans un désir homosexuel
intolérable refoulé et projeté hors du psychisme. Le contenu inacceptable du
projeté, après avoir subi une certaine déformation, parvient à la conscience
sous forme de perception persécutrice en provenance de l’objet. La célèbre
formule est la suivante : “ Moi (un homme) je l’aime (lui, un homme) ”.
Cette proposition insupportable est retournée dans son contraire et devient :
“ Je ne l’aime pas, je le hais ” et, sous l’effet de la projection, la proposition
aboutit à : “ Il me hait ”. Cette construction psychique est à l’origine du
délire de persécution paranoïaque et dénonce, comme persécuteur haï, une
personne qui était autrefois aimée. Dans la mesure où le choix d’objet est
narcissique, le persécuteur est nécessairement du même sexe que le
persécuté.
Freud conçoit l’émergence du délire comme une poussée vers le
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réinvestissement libidinal de la réalité. Le travail du délire est alors compris
comme un processus de guérison : “ Et le paranoïaque rebâtit l’univers, non
pas à la vérité plus splendide, mais du moins tel qu’il puisse de nouveau y
vivre. Il le rebâtit au moyen de son travail délirant. Ce que nous prenons pour
une production morbide, la formation du délire, est en réalité une tentative
de guérison, une reconstruction. ” (p. 315).
Dans le récent ouvrage qu’elle consacre à la paranoïa, S. de Mijolla-Mellor
(2007) rend compte de l’évolution de la conception freudienne de l’étiologie
homosexuelle de cette pathologie. Elle souligne que Ferenczi et Abraham
ont mis en évidence la relation entre paranoïa et fixation à l’érotisme anal,
par incorporation anale d’un objet soumis à une grande ambivalence. De ce
fait, l’objet introjecté, exerçant une menace constante d’envahissement,
devient persécuteur. Par ailleurs, elle précise la position de P. Aulagnier
(1975) qui situe l’origine de la paranoïa dans le ressenti chez l’enfant de la
haine ayant existé dans la relation entre ses parents et à l’expression de

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Catherine Azoulay

laquelle il lui a été donné d’assister “ comme un spectateur bienvenu auquel


il va être demandé de jouer un rôle, prenant parti pour l’un des belligérants. ”
(p. 48). L’enfant va ainsi se construire une théorie sur sa naissance avec des
représentations imagoïques et des notions sur le couple qui portent déjà les
marques de la paranoïa : conflit et désir, couple et haine, deviennent
synonymes. Dans le même temps, “ le sujet se vivra lui-même comme un
espace déchiré entre deux désirs contradictoires et ne concevra l’existence
que maintenue par le fait d’avoir quelque chose à haïr et d’être haï par
quelqu’un. ” (p. 92)
Conception actuelle
Actuellement, la psychiatrie française s’attache à distinguer un groupe de
délires paranoïaques qui comprend :
– les délires d’interprétation systématisés (paranoïa de Kraepelin) ;
– les délires de relation des sensitifs (Kretschmer) ;
– les délires passionnels : de revendication, de jalousie, l’érotomanie (de
Clérambault).
La disparition, dans le DSM américain, de la distinction entre paranoïde et
paranoïaque contribue sans doute à rendre la pathologie paranoïaque moins
présente dans les études actuelles.
V. Kapsambelis et N. Gougoulis (1994), dans un texte richement
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documenté, ont mis l’accent sur le contraste entre les conceptions anglo-
saxonnes et françaises, ces dernières maintenant la distinction entre paranoïa
et schizophrénie, au point d’isoler une pathologie du caractère paranoïaque,
qui se passe de délire et constitue même l’essentiel de la paranoïa.
Ainsi, la tendance actuelle dans les pays francophones, à l’instar d’auteurs
tels que P.C. Racamier (1966) et J. Bergeret (1974), est de considérer la
paranoïa comme un caractère susceptible ou non de développer un délire de
persécution. Entre délire et caractère, nous dit P.C. Racamier, il n’y a qu’une
différence de versant, mais on peut constater que “ le délire est plus
manifeste alors que le caractère est plus insidieux ”, “ le délirant va en justice
tandis que le caractère manœuvre dans l’ombre ” et “ il y a plus de
masochisme chez le délirant et plus de haine chez le caractère. ”
Pour J. Bergeret, le caractère paranoïaque comporte les éléments de
personnalité suivants :

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Les mécanismes paranoïaques dans les épreuves projectives...

– Une sorte d’exaltation quasi constante liée à un comportement


revendicatif et rancunier. Un défaut de réalisme, voire un idéalisme qui peut
évoquer un certain fanatisme au plan idéologique, dès lors qu’il s’agit
d’ordre en général et d’ordre social en particulier ;
– L’orgueil par surestimation du Moi, la méfiance alliée à la susceptibilité,
la frigidité affective dans le manque de sociabilité de ces sujets entraînant un
isolement social, constituent des traits de personnalité qui caractérisent la
relation aux autres du caractère paranoïaque et préparent les idées de
persécution à venir ;
– La pensée qui se veut avant tout rationnelle et logique est spécifique au
caractère paranoïaque en raison des erreurs de jugement et de l’absence
d’autocritique.
M. Wolf (2001) souligne que “ le paranoïaque ne se trompe pas forcément
quant à ses perceptions sur l’autre mais il s’agit de perceptions de
l’inconscient de l’autre ; la perception se ferait donc d’inconscient à
inconscient. Compte tenu de l’impact d’angoisse que suscite l’idée de l’autre
dans la psychose, la paranoïa instaure, à travers la projection, une protection
contre les hostilités latentes envers lui. ” (p. 55). Elle précise aussi “ qu’il
faudrait chercher chez le phobique la mère derrière l’objet (ou la situation),
et chez le paranoïaque, le parent du même sexe. ”

PSYCHOLOGIE PROJECTIVE ET PARANOÏA


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Premiers travaux
Au cours des années 1950/1960, R. Schafer, et deux auteurs français,
J. Dublineau (1955) et E. Bauer (1963), ont mis en lumière des éléments de
compréhension du fonctionnement psychique du paranoïaque au Rorschach.

R. Schafer (1954)
R. Schafer, en 1954, publie un ouvrage qui accorde une grande part aux
mécanismes de défense impliqués dans les réponses Rorschach. Cet auteur a
mis en évidence des aspects spécifiques au Rorschach ressortissant de la
projection pathologique chez le paranoïaque.

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Catherine Azoulay

Réactions au test et données de la verbalisation


Le caractère non structuré du test et l’effet de surprise place le sujet
paranoïaque dans une situation où il craint fortement d’être découvert et par
conséquent incompris par le psychologue. Il peut croire que ce dernier va
tirer des conséquences de ses réponses qui agiront contre lui dans un acte
délibérément hostile. Plus ce phénomène va s’accroître et plus le sujet, dans
un état de méfiance extrême, va se refermer sur lui-même afin de se cacher.
L’importance du contrôle de ses réponses peut l’amener à rejeter certaines
réponses évidentes, le temps de réaction peut être long, le nombre de
réponses faible peut être assorti d’une tendance à la banalisation.
Dans les efforts déployés pour rendre manifestes des significations
cachées ou obscures et pour éviter d’être pris par surprise, les sujets
paranoïaques s’évertuent à relier les choses les unes aux autres ou à eux-
mêmes. Pour cette raison, ils expriment des rapports confabulatoires au
Rorschach entre différents détails ou entre une planche et une autre.
Schafer expose les différentes formes que peut prendre la méfiance du
sujet paranoïaque :
– Très grand intérêt pour ce que l’examinateur prend en note
– Inquiétude sur la prise de note non textuelle : oublis, exclamations,
soupirs…
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– Réponses évasives ou agressives et défensives à l’enquête
– Demandes continuelles d’explication concernant le déroulement du test
– Accent porté sur les ressemblances et les différences entre les planches
et notamment sur l’absence de symétrie parfaite entre côtés opposés d’une
même planche
– Critique de chaque détail avec une argumentation légaliste
– Préoccupation sur ce que l’examinateur recherche réellement : le sujet
peut s’interroger sur la raison pour laquelle les planches sont symétriques,
ou noires et blanches ou séparées par le milieu, avec l’idée sous-jacente qu’il
lui faut veiller à ne pas tomber dans un piège.
Pour autant, les traits mégalomaniaques compensent les effets de la
méfiance : en niant la vulnérabilité, ils réduisant l’importance des attaques
par les autres. Le sujet peut alors adopter une attitude supérieure ou un air

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Les mécanismes paranoïaques dans les épreuves projectives...

détaché combinant un sourire glacé et des yeux vides ou même une attitude
suprêmement assurée, empreinte de dédain et de dégoût. Dans la mesure où
la méfiance et les idées de grandeur coexistent dans les fonctionnements
paranoïaques, les réactions du sujet seront à la fois teintées par le contrôle et
l’expansivité.
À propos des modes d’appréhension
Un G% élevé correspond aux tendances mégalomaniaques, la globalité
étant fréquemment organisée de façon arbitraire en F-.
Un Dd% élevé qui met en avant une hypersensibilité aux détails mineurs
accompagnée par des descriptions minutieuses et compliquées, souvent de
mauvaise qualité formelle, renvoie aux tendances à la suspicion et à la
méfiance. Le caractère méfiant implique aussi une tendance à négliger
l’évidence et même à la nier (les D sont par conséquent moins perçus) pour
privilégier des rapports et des significations cachées. Schafer fait ainsi
référence aux personnes méfiantes qui se montrent particulièrement
inquiètes face aux marques de bonté et d’affection.
Un Dbl% plus important que la norme oriente aussi vers une tendance à
renverser l’évidence perceptive, cette attitude évoquant également la
défiance du sujet face au test.
Concernant les déterminants
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L’élévation du F%, au détriment des réponses Couleur et Estompage très
limitées, relève du défaut de spontanéité et de l’extrême retenue émotionnelle,
correspondant pour Schafer à l’image du “ maintien d’un état policier en état
d’alerte permanent à l’intérieur du moi ”. Cette rigidité et ce contrôle sont
nécessaires pour empêcher la prise de conscience de sentiments et de pulsions
qui feraient mentir les projections paranoïaques. Souvent, chez les sujets
restrictifs, le F+% est fort, témoin de la recherche d’invulnérabilité sociale et
de l’auto-justification par la conformité à la réalité.
Seules les K humaines échappent à ce contrôle lorsqu’elles intègrent la
couleur. Pour Schafer, cela provient en partie du fait qu’une réponse K se
justifie toujours par sa forme et ne contient aucune menace directe pour la
maîtrise de soi.
Les réponses Couleur et Estompage, évitant toute forme d’excitation et
d’impulsivité, montrent une adaptabilité et une complaisance sans risque

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Catherine Azoulay

pour le sujet. Il s’agit de couleurs passives primaires (“ eau ”, “ herbe ”,


“ jaune d’œuf ”…) qui n’engagent pas le sujet affectivement
Pour l’auteur, plus le processus de repli et de rétractation psychique est
grave et plus les réponses F- prévalent sur les F+ ; par ailleurs, plus les
tendances mégalomaniaques sont développées et plus elles favorisent
l’expansivité alliée à l’idée de grandeur et, par conséquent, des réponses
riches et variées marquées par l’arbitraire de la déformation du sens de la
réalité. Les déterminants peuvent alors être analysés pour comprendre la
nature, l’intensité et l’efficacité des projections paranoïaques.
Du côté des contenus
Le contrôle exercé par le sujet peut augmenter le A% tandis que l’attention
aux détails peut élever le nombre de Ad et de Hd.
Les contenus renvoient préférentiellement à des thèmes indiquant les
menaces extérieures (sexuelles, agressives, accusatrices…) et les moyens de
protection mis en œuvre (fuite, dissimulation, affirmation de puissance…).
Dès lors, les contenus les plus fréquents en référence à la menace sont les
“ yeux ”, “ les regards méchants ”, “ les doigts pointés ”, les “ taches de
sang ”, les “ empreintes de doigts ” ou “ les traces de pieds ” mais aussi
toutes les associations renvoyant au piège : “ toiles d’araignée ”, “ trappes ”,
“ puit ”, “ poison ”, “ ondes radio ”…. Les contenus se référant à la
protection contre la menace relèvent de tout ce qui spécifie le renforcement
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de l’enveloppe narcissique : “ animaux à carapace ” mais aussi “ bouclier ”,
“ armure ”, “ masque ”, ou encore de ce qui assure un effet de surpuissance
dans la mégalomanie, comme “ des armoiries ”, “ des emblèmes ”, “ des
monuments ”, “ Dieu ”, “ prophète ”, “ couronne ”, “ trône ”, “ rois et reines ”
mais aussi des personnes célèbres pour leur réussite, leur sagesse, leur
pouvoir ou leur attributs surnaturels : “ le Christ ”, “ Socrate ”, “ Bouddha ”,
“ Shakespeare ”, “ Napoléon ”.
Des contenus abstraits tels que des formes géométriques, des lettres de
l’alphabet ou encore des signes de ponctuation peuvent rendre compte de la
sensibilité de tels sujets aux signes magiques ou aux présages provenant du
délire de persécution et d’omniscience.
Pour conclure, Schafer souligne l’importance de la convergence des
différents indices pour rendre compte d’un état paranoïaque puisque aucun
indice à lui seul ne possède de valeur diagnostique.

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Les mécanismes paranoïaques dans les épreuves projectives...

J. Dublineau et coll. (1955)


J. Dublineau et coll., en 1955, font la distinction entre les signes d’un
caractère paranoïaque et les éléments spécifiquement paranoïaques au
Rorschach : concernant ces derniers, les auteurs soulignent “ le conflit qui se
développe chez le sujet entre, d’une part, la conscience qu’il a de moyens
intellectuels suffisants et, d’autre part, la mise en évidence flagrante d’une
insuffisance dans une épreuve qui l’infériorise face à lui-même et aux
autres. ” (p. 24). De là, le sujet n’a de cesse d’exprimer le malaise qu’il
ressent par toute une série de commentaires dont l’abondance contraste avec
la faiblesse du nombre d’interprétations.
Ex : Planche IV : “ Vous êtes un homme raisonnable… je n’ai aucune
idée… Non ! On ne peut même pas dire que ça ressemble à une peau qui
serait étalée… je crois qu’il faudrait qu’un type se suggestionne bien pour
voir quelque chose là-dedans !... Ah ! je suis un peu plus connaisseur au
point de vue ferraille que pour des machins comme ça. Je m’excuse,
Monsieur le Professeur, c’est pas que je ne vois pas, mais je ne vois pas à
quoi ça peut rimer, (en remettant les planches) Non ! n’y perdons pas la
tête. ”
Ces commentaires, pour les auteurs, relèvent de plusieurs explications :
attitudes de prestige, absence d’humour, recherche d’une logique à la
planche, au test et à la finalité de l’épreuve. Les thèmes abordés dans les
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réponses ou les commentaires sont fréquemment hypocondriaques et les
préoccupations sexuelles sont mises en avant ainsi que la peur de passer pour
fou.
E. Bauer (1963)
E. Bauer, en 1963, dégage un certain nombre de signes
psychopathologiques à partir de l’étude de 50 protocoles de Rorschach de
sujets à caractère paranoïaque. Sept signes spécifiques peuvent être relevés
du texte :
– La suspicion : Le sujet dénonce une intentionnalité malveillante sur la
planche et en cherche la signification (L’auteur évoque “ le vertige de
significations ” chez le paranoïaque) ;
– La critique du matériel : Le sujet émet une appréciation ou une réserve à
l’égard d’une réponse (Ex : “ C’est mal fait ”, “ ça ne correspond pas ”,
“ c’est pas bien formé ”). La critique a pour but de constater une

45
Catherine Azoulay

inadéquation du matériel à la réalité ou de pointer des disproportions dans


les taches ;
– Les remarques descriptives sur la forme ou sur la couleur : il s’agit pour
le sujet de découvrir une explication aux formes par le procédé de fabrication
des taches ou de trouver les termes les plus précis possible pour décrire la
couleur ;
– La fréquence de la réponse “ tache ” en tant que refus de se prêter à la
consigne, comme si le sujet cherchait à déjouer les mauvaises intentions
qu’il prête à l’examinateur ;
– Les formulations répétitives : ce sont des répétitions de synonymes avec
l’idée de rectification ou d’un meilleur ajustement. Dans ce cas, la répétition
a une fonction de persuasion ;
– La pédanterie de la formulation avec l’emploi de mots scientifiques et de
tournures de phrases pompeuses et peu usitées ;
– Les protestations d’incompétences servent d’excuse au défaut
d’interprétation (“ On ne peut pas me reprocher de ne pas savoir ça puisque
ce n’est pas de ma compétence. ”)
Travaux contemporains
D. Anzieu et C. Chabert (1961/1983)
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Analysant la signification des catégories de réponses, D. Anzieu et
C. Chabert (1961/1983) mettent l’accent sur les K interprétatives qui signent la
perte de la conscience d’interpréter en raison de la confusion entre l’objectif et
le subjectif : “ C’est ainsi que les mécanismes paranoïaques et l’identification
projective passent à travers les K, sous-tendues alors par des engrammes
formels de mauvaise qualité. ” (p. 80). Par ailleurs, la valeur interprétative (au
sens paranoïaque) des kp est mise en évidence dès lors qu’elles sont
accompagnées de Dd et de formes de qualité médiocre ou mauvaise.
Comparant le mécanisme de projection pathologique dans la schizophrénie
et dans la paranoïa, C. Chabert (1983/1997) souligne la nécessité d’appui sur
la distinction entre le dedans et le dehors : dans la schizophrénie “ l’absence
de distinction entre interne et externe, entre dedans et dehors, apparaît dans la
projection directe d’un vécu corporel morcelé, fragmentaire. ” (p. 240). En
revanche, dans la paranoïa la différenciation dedans/dehors est
vigoureusement défendue : “ La projection consiste à mettre dehors les

46
Les mécanismes paranoïaques dans les épreuves projectives...

pulsions agressives destructrices dont l’appartenance au sujet est déniée : c’est


l’extérieur qui devient mauvais, persécuteur, menaçant pour le sujet. ” (p. 241).
Le parallèle entre situation projective et création d’un espace transitionnel
au sens winnicottien, amène C. Chabert (1987/1998) à considérer que les
patients psychotiques ne rendent pas compte de potentialités de
fonctionnement transitionnel. Ce constat, surtout réalisé face à des contextes
schizophréniques, s’applique également au fonctionnement paranoïaque,
notamment au Rorschach par l’élévation considérable du F%. Ces sujets “ se
saisissent de la dimension perceptive du stimulus en la surinvestissant au
point que l’on peut évoquer à cet égard la notion d’hyperréalisme. ” (p. 223).
I. Rousselle, O. Husain et A. Dreyfus (1990)
Ces dernières années, c’est sans conteste le Groupe de Lausanne qui a le
plus et le mieux contribué à la mise en évidence des caractéristiques de
l’organisation paranoïaque au Rorschach et au TAT.
Dans un texte de 1990 I. Rousselle, O. Husain et A. Dreyfus rendent
compte de la paranoïa au Rorschach en différenciant les “ prudents ” et les
“ méfiants ” par le biais de l’analyse de la place que tient l’autre dans le
discours du sujet. L’objet est assujetti chez les “ prudents ” et persécuteur
chez les “ méfiants ”.
Chez les “ prudents ”, correspondant plus volontiers au caractère
paranoïaque, les auteurs décrivent un sujet qui “ interpelle constamment
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l’examinateur, le sommant d’adhérer à sa vision des choses, avec un ton docte
et professoral qui n’admet aucune réplique. ” Les auteurs indiquent que “ les
idées sont imposées de manière péremptoire comme si l’examinateur était un
terrain vierge dont le sujet allait assujettir la pensée en lui inculquant savoir et
vérité. ” De là découlent les réponses et commentaires qui se veulent
scientifiques et qui sont avancés comme irréfutables, permettant d’assurer un
contrôle tant sur le matériel que sur le clinicien.
En référence à P.C. Racamier, nos collègues font l’hypothèse qu’un déni
d’altérité psychique s’exprime dans le manque de place laissée à
l’examinateur. Ce déni d’altérité psychique a pour conséquence d’assujettir
la pensée de l’autre à la sienne propre en rendant l’examinateur inoffensif et,
de ce fait, le discours ne traduit pas de manifestations franches de méfiance.
Par ailleurs, chez ces sujets, on repère une courtoisie et une politesse
exagérées, des formulations pédantes et protocolaires, qui témoignent des

47
Catherine Azoulay

efforts considérables déployés contre toute expression de l’agressivité. Ces


défenses, d’allure obsessionnelle, sont mises en place pour se “ préserver
comme objet tout bon, comme sujet parfait ” et renvoient à la mégalomanie
et à l’orgueil démesuré du caractère paranoïaque.
Chez les “ méfiants ”, même s’il existe des tentatives d’englober l’autre
dans son système de pensée, l’angoisse d’intrusion est telle que les défenses
s’érigent par le biais d’une méfiance rigide qui véhicule un vécu persécutoire
franc. La production est alors extrêmement restreinte et le sujet peut même
refuser de poursuivre l’examen en verbalisant sa crainte d’être piégé, coincé,
jugé. L’examinateur est placé dans une position qui tient le sujet à sa merci
et le fantasme du piège (décrit par J. Chasseguet-Smirgel en 1966) est
omniprésent. Le sujet attribue à l’auteur des tests, voire à l’examinateur lui-
même, des intentions douteuses : les planches sont truquées et il faut déjouer
le piège pour reprendre le dessus sur l’autre :
“ J’ai compris le test qu’à la quatrième, cinquième tache. L’astuce, c’est de
prendre la moitié. Ne pas se fier à l’autre… toute l’astuce de la chose c’est
qu’il faut se méfier de l’autre partie, tout le test est là je crois. ”
Chez les “ méfiants ”, l’agressivité s’exprime clairement dans des thèmes
d’affrontement sous-tendus par la menace persécutoire, signant l’échec des
défenses rigides. Dans le même temps, se font jour des réponses renvoyant
au morcellement, directement projeté sur l’image du corps.
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O. Husain et F. Rossel (1998)
Dans un mouvement de réaction appropriée contre l’amalgame
schizophrénie/paranoïa qui prévaut outre-atlantique, nos collègues de
l’Ecole suisse de Lausanne du Rorschach, O. Husain et F. Rossel (1998), ont
écrit un article intitulé “ Paranoïaques, défendez-vous ! Le magma paranoïde
vous guette ”. Ce texte défend pied à pied la nécessité de maintenir ces deux
entités différenciées en rendant compte de leur spécificité par l’étude de la
relation d’objet, de l’angoisse, des mécanismes de défense et des
particularités de la pensée. À l’appui de cette démonstration, l’utilisation des
techniques projectives est particulièrement probante.
O. Husain, O. Revaz (2005)
Un ouvrage récent consacré aux phénomènes particuliers au Rorschach
permet au Groupe de Lausanne d’approfondir les particularités du
fonctionnement paranoïaque au Rorschach. Je retiendrai la question de la

48
Les mécanismes paranoïaques dans les épreuves projectives...

symétrie développée par O. Husain (2005) et celle de la critique de soi et de


l’objet analysé par O. Revaz (2005).
O. Husain remarque l’importance que les paranoïaques accordent à la
symétrie au Rorschach, que ce soit pour souligner la parfaite exactitude ou
bien les minuscules imperfections de la symétrie, comme si la symétrie
constituait un questionnement en soi, un mystère impossible à élaborer.
L’hypothèse de cette auteure est que le sujet est en quête d’une prévisibilité
absolue. Au même titre que les références aux sciences exactes et les
raisonnements d’apparence logique, ce besoin de prévisibilité, qui prend
appui sur la symétrie des taches, représente un moyen de lutter contre
l’imprévu. L’imprévu chez le paranoïaque étant ce qui le soustrait au
contrôle et favorise l’émergence du fantasme d’être piégé.
Pour O. Revaz, la critique de soi et de l’objet du paranoïaque est très
spécifique. L’autocritique est avancée comme une protestation
d’incompétence et d’honnêteté. Le sujet ne se remet pas en question lui-
même, mais dénonce une situation qui le désavantage. Par ailleurs, la
critique de soi peut relever de l’anticipation du jugement d’autrui comme si
le sujet “ voulait se prémunir contre son persécuteur en lui signalant qu’il sait
d’avance ce que celui-ci est susceptible de penser et qu’aucun jugement
négatif à son égard ne peut lui être caché ou le surprendre. ” (p. 101).

LA DÉFENSE DU PARANOÏAQUE CONTRE L’ANGOISSE :


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EXEMPLES AU RORSCHACH ET AU TAT
Pour Freud (1911), le paranoïaque se défend contre une angoisse de
persécution qui provient de la projection des pulsions destructrices haineuses sur
un objet externe qui font retour de l’extérieur vers le sujet, avec, pour origine,
une homosexualité inconsciente. Avant tout, comme le rappelle J. Sipos (2001),
le fonctionnement spécifique de la paranoïa, décrit par Freud, vise à préserver
l’individuation du moi par la projection et à renforcer le moi par la mégalomanie.
Ainsi, nous proposons ces exemples de réponses au Rorschach renvoyant
à la lutte contre la division ou l’éclatement du moi par appui sur la symétrie :
Planche I : Ça pourrait être aussi une chauve-souris… je dis bien “ une ”, la symétrie
fait un tout.
Planche III : Si je le retourne … on peut faire un chef d’orchestre mais la tête me
gêne, la partie centrale, c’est pas très logique. Ils ne peuvent pas être deux parce
qu’il peut pas y avoir deux moitiés de chef d’orchestre.

49
Catherine Azoulay

Planche VII : Cela évoque une carte de géographie, un petit peu les îles britanniques,
oui, déchiquetées, un peu comme une île. Ou une vertèbre qui aurait été fracturée.
Le fait qu’elle soit séparée fait penser qu’elle a été fracturée (Gbl).
Epreuve des choix (même sujet que pour l’exemple de la planche VII) : Choix + :
Planches I, IV, VIII : Parce que c’est son côté bien construit, symétrique, bien
ordonné, une impression de solidité ; Choix - : Planche VII : peut-être à cause de
l’éparpillement, un peu comme s’ils se produisait une désorganisation, comme si les
branches allaient s’écarter davantage, de plus en plus, ou les différentes portions se
séparaient aussi.
Au TAT2, nous observons plus volontiers le mouvement de clivage qui
permet au sujet, en projetant le mauvais sur l’objet externe (l’objet-dépotoire
selon Racamier), de se concevoir comme objet-parfait et, ce faisant, de
s’ériger en entité séparée de cet objet dont il craint l’engloutissement dans la
rencontre affective. Le seul moyen de s’en préserver est de le rejeter
massivement et violemment.
Planche 5 : C’est très très laid, tout est hideux, c’est sans doute voulu. Les petits
bouquins pressés entre deux socles, cette table, tout ça c’est affreux. Un manque
d’air qui est gênant. Cela donne une impression de gêne, de misère, d’extrême
pauvreté. La femme aussi donne l’impression de fatigue, de déception. Les bouquins
sont sans doute des romans policiers et les trois petits là-bas qui ne sont
probablement jamais lus qui sont stupidement là pour faire bien. Un éclairage
stupide, la femme qui a l’air de montrer une cuisse à la Marlène. C’est stupide cet
air de mère de famille fatiguée. On peut supposer qu’elle ouvre la porte et qu’elle
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dit : il n’est pas rentré. Le “ il ” étant pour son fils qu’on peut supposer un garnement
d’une vingtaine d’années faiblement élevé et traînant partout.
Pour J. Bergeret (1974), le paranoïaque lutte contre une angoisse de
morcellement par peur de la pénétration anale d’une imago maternelle
dangereuse. Il s’agit de se protéger de l’intrusion “ par derrière ”, de protéger
cet orifice du corps qui échappe au contrôle et au regard propres, pour éviter
l’éclatement du Moi. À cet égard, L. Sagnes et C. de Tychey en 1989 ont
confirmé l’hypothèse de J. Bergeret à l’aide de l’analyse d’un Rorschach de
paranoïaque.
Les exemples suivants pourraient aussi en témoigner :

2. Selon la méthode d’analyse de V. Shentoub, la feuille de dépouillement du TAT comprend, depuis 2003
(Brelet-Foulard F., Chabert C.), une série de procédés du discours référés aux émergences des processus
primaires, intitulée : “ Massivité de la projection ”, dans laquelle s’inscrit les procédés de type
paranoïaque : “ Evocation du mauvais objet, thème de persécution, recherche arbitraire de
l’intentionnalité de l’image et/ou des physionomies ou attitudes - idéalisation de type mégalomaniaque ”.

50
Les mécanismes paranoïaques dans les épreuves projectives...

Au Rorschach
Planche III : Y’a une espèce de menace qui est en train de planer derrière leur tête.
On va extrapoler… c’est la menace de l’homme guerrier qui signifie que si la femme
ne fait pas bien son travail…
Planche V : Je vois un lapin debout recouvert d’une grosse feuille, aussi un gars à
l’affût derrière une partie de terrain.
Planche V : Un papillon, enfin c’est un terme qui recouvre beaucoup de choses…
peut-être pourrait-on enlever la partie gris clair que je verrais maintenant (>) comme
le train arrière d’un animal qui se précipite dans quelque chose.
Planche IX : Et ces espèces de petits yeux sur le milieu, ouverts sur le derrière. C’est
une espèce d’invitation à voir derrière.
Planche IX : Ceci me fait penser à deux yeux, deux lucarnes… alors je me demande
si ce n’est pas quelque chose qui guette.
Au TAT
Planche 16 : C’est difficile mais je suis encore hanté par les cauchemars de cette
nuit. Deux hommes en train d’essayer de m’étrangler sur mon lit. Un barbu avec un
lorgnon affreux à qui j’ai flanqué mon poing dans la bouche. Il m’a mordu et j’ai eu
une douleur atroce au bras. Puis, une écuelle de soupe, ils vont m’empoisonner avec
des pommes de terre pourries, poussières qui sentaient. Un os, un grand tibia que les
gens ramassent et me montrent en disant qu’ils allaient m’empaler avec ça ce soir.
Il se casse en 10 000 petites esquilles.
Pour P.C. Racamier (1990), le paranoïaque engage un combat à la fois
contre l’angoisse paranoïde d’engloutissement par l’objet primaire et contre
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l’angoisse dépressive de deuil et de perte d’objet : “ Il est probable que toute
paranoïa s’oriente selon deux versants quelque peu différenciés : plus rigide
et plus froid lorsque l’angoisse combattue est surtout paranoïde ; plus fluide
et plus vibrante lorsque l’angoisse combattue est surtout dépressive. ” (p. 9).
Au Rorschach
Planche VII (angoisse plus paranoïde) : Dépouille d’un agneau mangé par un loup
parce que je vois les pattes là. Ou alors pourquoi pas, un fragment de cuirasse
assyrienne, 720 avant JC, dans ce cas rehaussé d’or.
Planche VII (angoisse plus dépressive) : (v Λ (rit) Ça fait penser aux briques d’une
maison qui sont en quinconce, (v) ça peut être la voûte d’une cave en mauvais état,
c’est pas loin de tomber, ça peut être des petites filles qui se regardent, elles ont la
queue de cheval en l’air… en bas c’est curieux la façon dont elles se rejoignent, on
ne sait pas ce qu’elles font comme si elles avaient leurs pieds l’un contre l’autre, les
pieds en arrière, elles doivent tenir en équilibre. ”

51
Catherine Azoulay

Au TAT
Planche 3 BM (angoisse plus paranoïde) : On se demande d’abord si c’est un homme
ou une femme. C’est une pipe qui est en bas ? A priori c’est une pipe ce qui
indiquerait… Non, c’est une femme de toute façon. Si c’est une pipe ce serait gênant.
(rit) Une femme garçon qui fumerait la pipe. L’impression qu’on a. L’auteur a voulu
indiquer l’apaisement total, l’écroulement des chairs, complètement avachie. En allant
plus loin, une lesbienne lâchée par son amie. Tout au moins le tableau a l’air de vouloir
dire ça. Avec une espèce d’austérité voulue dans ce divan lit presque militaire.
Planche 3 BM (angoisse plus dépressive) : C’est toujours la même chose. Trois de
suite qui se ressemblent. Un gamin ou une gamine, sexe indéterminé, mauvaise
posture, le ou la pauvre. Ce n’est pas la posture de repos normale, tout à fait la
posture de quelqu’un de rejeté. Je trouve ça horriblement triste. Vous ne me montrez
que des choses tristes dont on ne peut rien dire de positif, c’est noir et blanc, plus
noir que blanc.
Pour V. Kapsambelis et N. Gougoulis (op.cité), l’angoisse du paranoïaque,
le contraignant à fortifier sa pensée, est d’être pénétré par les idées d’un
autre, en d’autres termes d’être fécondé par une pensée étrangère qui
pourrait faire germer en lui des idées qu’il ne peut prendre en lui que dans le
but de les réfuter. Ainsi, les défenses du paranoïaque luttent contre un
fantasme de maternité. Ce type d’angoisse évoque le “ fantasme du piège ”
de Chasseguet-Smirgel (1966) renvoyant à l’intentionnalité du matériel dans
la situation projective : “ C’est voulu ! ”
Au Rorschach
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Planche VIII : Un arbre et deux souris ou rats qui grimpent, les proportions … étant
discordantes entre l’arbre et les souris, et je pense que cette discordance est voulue.
Planche II : Et puis on remet ça, ça va faire une fixation, ça me fait penser à un
organe féminin (G), c’est fait exprès je parie pour voir si le sujet à une idée fixe.
Planche III : Ça fait penser à deux noirs qui seraient en train de se battre devant un
chaudron pour faire la cuisine… on a même laissé entendre qu’il y a un sexe visible.
Planche VII : De toutes façons, sur tous ces dessins là, y a quelque chose qui
rappelle le sexe à chaque fois, c’est sûrement voulu. … je dois pas être le seul dans
ce cas là, dans toutes c’est voulu. Faut être franc quoi ! Faut pas mentir !
Au TAT
Planche 6BM : Autant les planches sont assez floues, autant là on ne peut pas
s’empêcher de penser que celui qui a fait ça avait une idée derrière la tête. Ah, vous
notez ce que je dis, bon, enfin, tout de même, on ne fait pas ces dessins là sans
penser à quelque chose de précis.

52
Les mécanismes paranoïaques dans les épreuves projectives...

Planche 12BG : Alors y’a un cours d’eau. Tiens c’est bizarre, c’est la première fois
que vous me montrez une image où il n’y a personne dessus. Alors un cours d’eau
avec une barque, un arbre. Tout est tranquille apparemment… apparemment, ça a
l’air d’être l’été ou le printemps…oui, non, j’allais dire une bêtise et j’ai peur que
vous l’écriviez. Ecrire tout ce que je dis, c’est exactement comme s’il y avait un
magnétophone dans la pièce, c’est très désagréable… Un cours d’eau tranquille en
pleine campagne.

EN CONCLUSION
Nul ne devrait avoir besoin de défendre le paranoïaque contre la
dissolution de son identité, car il semble le faire si bien lui-même dans ce
coltinage incessant avec l’autre qui constitue l’assurance même de son
existence. Et pourtant, n’oublions pas, comme le rappelle nos collègues
suisses, que la spécificité de son fonctionnement se confond avec celle du
schizophrène dans certaines classifications psychiatriques. Espérons que la
psychologie projective, aux côtés d’autres collègues psychiatres et
psychanalystes, continuera d’aider le paranoïaque à trouver ses repères dans
le combat qu’il mène avec acharnement contre la confusion.
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Catherine Azoulay

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Catherine Azoulay

Catherine Azoulay
LPCP (EA-4056)
Institut de Psychologie
71 avenue Edouard Vaillant
92774 Boulogne-Billancourt cedex
catherineazoulay@noos.fr

Abstract – Paranoiac mechanisms in projective tests : a review of the principal


authors After presenting a necessary historical recapitulation of the psychiatric and
psychoanalytic definitions of paranoia, the article proposes a succinct review of the
authors who have contributed to the explicitation of paranoiac manifestations in the
TAT and Rorschach projective tests. Although more emphasis is given to the
Rorschach, the description of these mechanisms applies to both tests. Some
examples then illustrate the different translations of paranoiac anxiety and the
defenses used to fight against it.

Key words : Rorschach – TAT – Paranoia – Psychoanalytic approach.

Resumen – Los mecanismos paranoides en las pruebas proyectivas : revisión de


los principales autores. Después de un desvío necesario por una contextualización
histórica psiquiátrica y psicoanalítica del concepto de paranoia, este articulo
propone una puntuación sucinta sobre los principales autores que han contribuido a
la puesta en evidencia de las manifestaciones paranoides en las pruebas proyectivas
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de Rorschach y el TAT. A pesar de tratarse fundamentalmente del Rorschach, la
descripción de mecanismos se refiere a ambas pruebas de manera semejante. Dos
ejemplos ilustran a continuación las diferentes traducciones de la angustia paranoide
y de las defensas que luchan contra ella.

Palabras clave : Rorschach – TAT – Paranoia – Aproximación psicoanalítica.

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