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Fanny Colonomos
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Rares sont les auteurs d’articles sur la conduite de la cure ou sur sa fin, qu’il
s’agisse d’analyses dites « didactiques » ou non, qui ne mentionnent pas l’écrit de
Freud « L’analyse avec fin et l’analyse sans fin », et, à partir de là, celui, antérieur,
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Cette question de la féminité dans son lien éventuel avec la fin de l’analyse
nous rappelle encore une fois ce que la féminité peut avoir d’énigmatique et de
difficile à assumer. Ferenczi pose, dans cet article, des questions qui nous
semblent essentielles et encore actuelles, car le problème de la fin de l’analyse
n’a pas cessé d’interroger les psychanalystes depuis.
Ferenczi, dont le souci clinique apparaît à travers ses articles (réunis en quatre
volumes et son Journal clinique), mérite une place particulière dans l’histoire de
la psychanalyse par la valeur novatrice qui se dégage de son enseignement.
Enseignement toujours au plus près de son expérience de clinicien confronté très
souvent aux patients les plus difficiles que l’on lui adressait de toutes parts et qui
lui ont demandé de faire preuve d’une technique novatrice et d’une créativité
dont l’audace n’était pas toujours exempte de danger. Nous disons bien
« mérite » car, si Freud a inventé la psychanalyse, Ferenczi l’a incarnée jusqu’à sa
mort prématurée. « Nous consommons beaucoup d’hommes », écrivait Freud à
Jung qui lui annonçait le suicide d’un élève. Tausk aussi a mis fin à ses jours. La
mort prématurée d’Abraham en est un autre exemple. Dans le cas de Ferenczi,
on a même parlé de psychose.
Jones avait estimé son état mental des plus préoccupants car il a écrit : « Le
traitement médical avait réussi à mater l’anémie elle-même, mais en mars [1933]
le mal, comme c’est quelquefois le cas, atteignit la moelle épinière et le
cerveau… ce qui, sans aucun doute, exacerba ses tendances psychotiques
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7. E. Jones, La vie et l’œuvre de Sigmund Freud, vol. III, Paris, PUF, 1969, p. 202.
8. Ibid., p. 203.
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comme dira Lacan, n’a pas cessé de déranger ses pairs, voire de les scandaliser.
Son influence a pourtant continué de s’exercer dans le monde anglo-saxon, soit
par son enseignement américain, soit à travers le travail de M. Balint. D’ailleurs,
Jones lui-même n’avait-il pas été de ses analysants ? Il est vrai que l’analyse de
Jones ne dura que les deux mois qu’il put séjourner à Budapest, selon une lettre
de Freud à Abraham.
Dans la correspondance entre Freud et Ferenczi, il est question de l’intention
de Ferenczi de se déplacer lui-même à Londres en 1914. « Pour accepter son
hospitalité j’ai mis comme condition la poursuite de l’analyse. J’espère que l’ana-
lyse mettra au jour les motifs latents de ses intentions » (lettre du 20 juillet
1914) 9.
Jones, d’ailleurs, avait écrit à Freud qu’il « percevait encore en lui-même
quelques points obscurs qu’il ne parviendrait pas à analyser tout seul 10 ». Ce
voyage ne put être réalisé en raison de l’affectation de Ferenczi à l’armée terri-
toriale. La Première Guerre mondiale allait éclater le 10 août de cette même
année. L’analyse ne pouvant se poursuivre, Jones dut rester avec ses « points
obscurs », ayant peut-être, comme son analyste Ferenczi, à assumer un transfert
négatif non élucidé.
En France, la diffusion de l’œuvre de Ferenczi sera tardive et il faudra
attendre 1985 pour que tous ses écrits soient traduits et publiés. Toutefois, avant
cette date, en 1978, Ilse Barande lui consacre une monographie. Dans cet écrit,
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fantasmes, ce qui les aurait rendus vite caducs comme dans le cas du « trauma-
tisme de la naissance ».
D’ailleurs, dans ce même article sur la fin de l’analyse que Lacan considère
comme le « testament » de Freud, testament « difficile à assimiler 14 », Freud
écrit : « Sans spéculer ni sans théoriser, pour un peu j’allais dire sans fantasmer
métapsychologiquement, on n’avance pas ici d’un pas. » Fantasmer métapsycho-
logiquement, « délirer », dira Lacan qui, à la suite de Freud, comparait les
constructions analytiques aux délires paranoïaques. C’est ainsi que, lorsque
S. Faladé lui pose la question de la fin de l’analyse d’un paranoïaque, au cas où
celui-ci s’identifie à son symptôme, Lacan répondra qu’en effet, il en va ainsi pour
le paranoïaque, mais qu’il en va de même pour l’analyste car « psychanalyser est
une pratique délirante et l’analyste ne peut pas se concevoir autrement que
comme un symptôme 15 ».
Que le psychanalyste est un symptôme, Lacan l’a affirmé à d’autres reprises :
« Je pense qu’effectivement le psychanalyste ne peut pas se concevoir autrement
que comme un symptôme 16. »
Dans le cadre de son séminaire Le sinthome le 16 novembre 1976, Lacan dit,
entre autres choses : « La fin de l’analyse consiste à s’identifier à son
symptôme…/… savoir faire avec le symptôme. » En 1978, il reprendra cette
question dans son séminaire « Le moment de conclure » s’exprimant en termes
assez généraux sur la fin de l’analyse pour dire : « L’analyse ne consiste pas à ce
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Che vuoi ? pense l’analysant – et le désir de l’analyste est aussi la question que
l’analysant se pose. Qu’est-ce qui fait que l’analyste désire prendre cette place et
assumer pour quelqu’un d’autre la charge d’être la cause de son désir ?
Lors de l’avant-dernière leçon du séminaire « Le Sinthome », Lacan répond à
une question se référant à la genèse et à la création pour l’homme d’une aide
contre lui, la femme, par rapport au « psychanalyste comme aide contre ». Il
affirme encore que le psychanalyste est un sinthome et qu’il « est en fin de
compte une aide dont, aux termes de la Genèse, on peut dire que c’est un retour-
nement… ».
La question du désir de l’analyste nous semble liée à la question du savoir,
« retrouver ce dont on est prisonnier », dira Lacan comme nous l’avons déjà
remarqué. « Il suffit qu’on voie ce dont on est captif, de sorte », ajoute-t-il, « que
l’analyse est liée au savoir 32 ». Le désir de l’analyste serait-il alors un désir de
savoir ? Et il juge « très suspect » ce lien de l’analyse au savoir, car « le langage
est un mauvais outil » et c’est pour cela que nous n’avons aucune idée du Réel.
À cela on pourrait répondre que nous n’avons pas d’autre outil à notre dispo-
sition. Lacan semble pourtant évoquer le désir de savoir si suspect dans une note
adressée en 1973 au groupe italien publiée bien longtemps après. Lacan consi-
dère que c’est bien de ce « désir inédit là » que « l’analyste doit la marque
porter 33 ». Rien ne nous semble plus juste. Nous ne pouvons que nous étonner
qu’une telle intuition n’ait pas trouvé chez les lacaniens mêmes, Colette Soler
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cohérence interne d’une aventure intellectuelle sans précédent pour une associa-
tion analytique, aventure dans laquelle Lacan s’est jeté entraînant toute son
École. Là aussi nous pouvons constater que « nous consommons beaucoup
d’hommes ».
Le rêve de Ferenczi d’un analyste parfait qui aurait dépassé toutes ses diffi-
cultés personnelles, au caractère sans défauts, est resté un rêve vain et c’est
Freud, en cela plus réaliste, qui avait raison. Le rêve de Lacan aussi est resté tel.
Rêve d’arriver à cerner cette vérité de l’analyste qui est la vérité de l’inconscient
lui-même, de « n’y pas être », apparition fugace, ombre de la nuit qui vite
replonge dans l’obscurité d’où elle est sortie l’espace d’un instant.
N’est-ce pas à cela que l’analyse nous confronte et qui mobilise nos énergies
dans la tentative de faire émerger par l’acte analytique ce qui est enfoui et de
ces profondeurs nous agit ? Aventure audacieuse qui a été la nôtre. C’est bien ce
désir-là d’en savoir plus qui nous mobilise à chaque fois que nous accompagnons
ceux qui nous le demandent et qui désirent acquérir ce savoir, et c’est en cela que
toute analyse est didactique, savoir sur leurs fantasmes inconscients qui ont
partie liée avec les symptômes, ce qui leur permettra de sortir de la souffrance
névrotique.
« Quand l’analysant pense qu’il est heureux de vivre, c’est assez », dira aussi
Lacan 39. Nous partageons son avis en ce qui concerne ceux qui ont recours à nous
pour sortir des entraves dans lesquelles ils sont empêtrés. Au regard des futurs
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