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Polémique autour du projet de destruction d’une synagogue parisienne - ... https://www.lepoint.fr/culture/polemique-autour-du-projet-de-destruction...

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Polémique autour du projet de


destruction d’une synagogue
parisienne
Le dossier entourant l’agrandissement de la synagogue Copernic, à
Paris, divise la communauté juive. Il suppose en effet de raser l’édifice
existant.
Par Baudouin Eschapasse

Publié le 21/06/2022 à 20h00   

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Polémique autour du projet de destruction d’une synagogue parisienne - ... https://www.lepoint.fr/culture/polemique-autour-du-projet-de-destruction...

L' affaire fait grand bruit au sein de la communauté juive parisienne. Le projet de
destruction-reconstruction de la synagogue Copernic divise, depuis plusieurs mois,
les fidèles de ce lieu de culte. Elle agite aussi les voisins directs de cet édifice, dans le 16e
arrondissement de la capitale. En cause ? Le projet architectural qui doit remplacer l'édi-
fice existant. Le 21 octobre 2021, le conseil d'administration de l'Union libérale israélite
de France (Ulif, propriétaire du site), qui rassemble un millier de familles, a déposé une
demande de permis de démolition de l'immeuble qui l'abrite. Plusieurs recours juridiques
ont été déposés pour en obtenir l'annulation.
Si l'affaire prend une certaine résonance, c'est que cette synagogue est chargée d'histoire.
Inaugurée le 1er décembre 1907, elle a été la cible de plusieurs attentats en 1941 et en
1980. Le principal suspect de cette dernière attaque, extradé du Canada où il avait fui,
doit d'ailleurs être déféré prochainement devant une cour d'assises. Ce n'est cependant
pas en raison de cet événement tragique que les opposants au projet tentent de bloquer la
démolition de la synagogue, mais pour des raisons strictement patrimoniales. La décora-
tion de cette shoul (comme on désigne en yiddish un lieu de culte juif) est, en effet,
l'œuvre de l'architecte Marcel Lemarié. Remanié en 1923, l'oratoire arbore une décoration
typique de l'Art déco avec ses vitraux et ses moulures.

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Retour sur l'attentat de la rue Copernic, trente ans après

Agrandi à deux reprises en 1961 puis en 1968, l'édifice religieux n'est cependant pas clas-
sé. La commission régionale du patrimoine et de l'architecture d'Île-de-France a, de fait,
refusé l'inscription au titre des monuments historiques, le 27 septembre 2018, au motif
que le site « ne revêt pas d'intérêt architectural particulier » et que « ses décors sont très
courants ». Cette décision a beaucoup étonné Eva Hein-Kunze qui fréquente les lieux de-
puis plus de trente ans. « C'est en effet la seule synagogue de France à avoir un tel décor
Art déco », explique-t-elle.
« Le seul héritage de la communauté juive libérale de Paris et de France »
Dès qu'elle a eu connaissance des menaces qui pesaient sur l'édifice, en 2017, elle a
créé une association pour la protection du patrimoine Copernic (APPC). « Mon seul objec-
tif est d'empêcher la réalisation du projet de démolition de la synagogue historique qui
constitue le seul héritage de la communauté juive libérale de Paris et de France, aussi bien
architectural que mémoriel », justifie-t-elle.

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Espérant calmer ses détracteurs, le


conseil d'administration de l'Ulif s'est
engagé à reconstruire « à l'identique »
l'oratoire au premier étage, là où il est
aujourd'hui installé au rez-de-chaussée.
Mais l'idée de voir détruire l'immeuble
continue de « consterner » les membres
de l'APPC. C'est le projet de façade ultra-
moderne, conçu par le cabinet Valode et
i Pistre, qui concentre toute leur hostilité.
Un mur de pierre aveugle, tout juste per-
cé d'un motif stylisé évoquant une meno-
rah (le chandelier à sept branches de la tradition) et un hall vitré doivent ainsi se substi-
tuer à l'actuelle façade haussmannienne. Le design retenu est loin de faire l'unanimité.

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C'est son esthétique que critiquent les défenseurs du patrimoine. Ceux-ci estiment son ar-
chitecture « inadaptée à l'environnement ». Des riverains leur ont emboîté le pas. « Les
fondateurs de la synagogue Copernic souhaitaient se fondre dans le paysage. Le côté os-
tentatoire du nouvel édifice va à l'encontre de leur philosophie », émet Eva Hein-Kunze.
Ce à quoi Lionel Errera, administrateur de la synagogue, lui rétorque que « la communau-
té juive n'a pas à se cacher ».
Jean-François Bensahel, président de
l'Ulif, insiste sur le fait que « le bâtiment
n'est pas aux normes et est aujourd'hui
trop exigu, tant pour les offices que pour
les cours de Talmud Torah. Nous n'avons
pas d'autre choix que de l'agrandir ». Il
affirme que le projet architectural retenu
inscrit cette communauté dans
le XXIe siècle. Une manière selon lui de
défendre justement l'esprit des fonda-
teurs de ce mouvement qui pré-
tend concilier modernité et tradi-
tion. L'Institut international d'études hé-
braïques, installé sur place après la
i guerre, a été le premier centre de forma-
tion de rabbins libéraux en France. C'est
là qu'a été notamment formé le rabbin
Daniel Farhi (1941-2021) qui a fondé le mouvement juif libéral de France (MJLF) au-
jourd'hui animé par Delphine Horvilleur.

Mais ces arguments n'ont pas l'heur de convaincre ses opposants, qui ont lancé une péti‐
tion. Laquelle a réuni à ce jour plus de 11 000 signatures. Eva Hein-Kunze et son mari dé-
fendent un projet alternatif. Ils en ont présenté les grandes lignes lors d'une conférence
de presse le 21 juin en partenariat avec l'association « Regard naïf » de Roland Larivière.
Ce contre-projet conserve des plans initiaux l'idée de détruire un petit atelier, racheté par
l'Ulif et qui jouxte le bâtiment, pour construire, sur son emprise, un immeuble de six
étages. La façade mettrait en avant, de manière discrète, des éléments rappelant la voca-
tion des lieux : une corniche serait ornée par une représentation des tables de la loi et un
alignement, à chaque étage, de sept fenêtres rappellerait les sept bougies de la menorah.
Là où le projet de l'Ulif prévoit de passer de 1 093 m2 à 1 930 m2, celui de l'APPC attein-
drait les 1 260 m2. Dans le contre-projet de cette association, une terrasse végétalisée do-

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minerait le bassin de Passy, dont la


proximité fait dire à Eva Hein-Kunze
qu'« il est imprudent de percer quatre
sous-sols à quelques mètres d'un tel ré-
servoir d'eau ». Le projet de l'Ulif prévoit
d'installer, en souterrain, une vaste salle
polyvalente mais aussi un mikve : un
bain rituel.
Au cours des échanges qui ont suivi la
i présentation de la contre-proposition de
l'APPC, deux dirigeants de l'Ulif ont dé-
fendu leur projet. Face aux reproches de
bâtiment énergivore (l'absence de fenêtre obligeant à recourir à un éclairage électrique
permanent mais aussi à de l'air conditionné), émises notamment par Christine Nedelec,
présidente de l'antenne parisienne de l'association France Nature Environnement,
Bernard Daltroff, administrateur en charge du bâtiment Copernic, a mis en avant la possi-
bilité de recourir à la géothermie.
Pour justifier l'absence de fenêtre de la façade, un autre administrateur de la synagogue,
Lionel Errera, a, pour sa part, avancé des arguments de sécurité. Quant à Quan Vu, archi-
tecte chez Valdode et Pistre, il a défendu un geste architectural qui ne serait pas un « pas-
tiche » de façade haussmannienne. Par-delà le coût de ce chantier (estimé à 20 millions
d'euros par l'Ulif, contre 6 millions pour le projet porté par l'APPC) et les goûts architectu-
raux des deux parties, c'est une différence irréductible de vision qui semble ici en jeu. Les
deux clans qui s'affrontent semblent peu près de s'entendre. Eva Hein-Kunze a été exclue,
avec son mari, de l'association Ulif. En attendant, l'APPC continue de contester devant les
tribunaux le permis de démolir. Déboutée en première instance, l'association s'est pour-
vue en appel. La décision de justice doit intervenir début juillet.

4 Commentaires  Commenter

Par guy bernard le 22/06/2022 à 07:36


Une entrée de cinéma.
Avec une grande affiche, ce serait une entrée de cinéma.
Par ailleurs, les façades de synagogues sont percées de 5 fenêtres évoquant le pentateuque,
et non des 7 bougies de la menora.

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Enfin, à Paris, on fait du Paris en s'inspirant de Percier et Fontaine ou des prospects de


l'architecture haussmannienne.

Par MC33 le 22/06/2022 à 06:58


Geste architectural...
Le "geste architectural" consiste en un grand mur aveugle en béton. Des "gestes
architecturaux" comme celui-là ne me semblent pas nécessiter un diplôme d'architecte... Mais il
parait que c'est moderne. Et l'écologie, dans tout ça ?

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