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Face à la crise financière et ses conséquences désastreuses sur la stabilité nationale du pays, la
priorité absolue est de réduire drastiquement la facture des importations. C’est le discours dominant
en Algérie depuis l’aggravation de la crise financière qui s’est emparée de l’Algérie dans le sillage
de la pandémie de la COVID-19. Or, il s’avère que ce discours dominant est un leurre. L’Algérie ne
pourra pas s’en sortir en réduisant uniquement ses importations. Elle avait déjà tenté ce levier entre
2014 et 2016, mais en vain. Explications.

Entre novembre 2014 et janvier 2016, les prix du pétrole qui s’établissaient à une moyenne de 100 $
le baril recule de plus de 60%, atteignant en janvier 2016, leur plus bas niveau depuis de
nombreuses années, 27 $. Entre-temps, un accord sur le nucléaire iranien est signé entre l’Iran et les
pays occidentaux, ce qui mécontente les dirigeants saoudiens qui encouragent un regain de
production. La production russe côtoie toujours les sommets et l’Iran fait son retour sur le marché,
menaçant d’optimiser sa capacité de production. Seul élément de modération, la production
américaine chute à 9,2 millions de barils par jour grâce à un essoufflement du marché du schiste.

En Afrique, tous les pays producteurs d’or noir souffrent de cette situation désastreuse. La plupart
de ces pays dépendent à plus de 80% des revenus pétroliers pour financer leurs budgets. L’Algérie
figure à la tête de la liste des pays qui ont payé un lourd tribut à ce choc pétrolier.

En 2016, la position extérieure de l’Algérie s’est dégradée considérablement. Le pays a affiché un


important déficit des paiements courants (15,6 % du PIB). La balance commerciale a connu son
deuxième déficit à deux chiffres consécutif. La valeur des importations algériennes a diminué de 5,9
%, ce qui n’a pas permis de compenser le rapide déclin des importations qui se sont contractées de
16,8 %. Au cours du premier semestre 2016, les pouvoirs publics ont intensifié leur utilisation des
licences d’importation pour infléchir et réduire le déficit de la balance des paiements courants par
l’action administrative. Les réserves brutes officielles ont chuté, après un pic de 177 milliards USD
(environ 83 % du PIB) en 2014 pour s’établir à 112 milliards USD (69 % du PIB) en 2016. À un
niveau correspondant à 21 mois d’importations, elles excèdent de très loin les seuils internationaux
d’adéquation mais sont en train de fondre rapidement. Comme en 2021, en 2015-2016, le pouvoir
algérien pensait que la réduction des importations suffira pour bien réduire le choc de l’impact de la
crise financière sur le pays.

Il avait fausse piste. Et à l’époque, ce qui avait sauvé l’Algérie était la dette extérieure reste faible, à
moins de 2,4 % du PIB en raison de la politique appliquée par l’État au cours de la décennie
écoulée, consistant à ne pas emprunter à l’étranger, alors que l’encours total de la dette est de 20,6
%.

Les apports en capitaux étaient faibles et en déclin malgré la nécessité d’investissements


considérables dans le pays. Les investissements directs étrangers (IDE) ont décliné et sont passés de
3,1 milliards USD en 2012 (1,5 % du PIB) à environ 1,5 milliard USD en 2016 (0,9 % du PIB).
Diverses restrictions introduites en 2009 en matière d’IDE, et notamment un plafond de
participation étrangère de 49 % pour tout nouveau projet d’IDE, n’ont pas contribué à contenir la
tendance baissière des apports nets d’IDE. En fait, la réglementation des changes mise en place par
l’Algérie compte parmi les plus rigoureuses des pays arabes. Les investisseurs étrangers potentiels
indiquent que ces restrictions constituent un obstacle majeur à leurs activités en Algérie.

En se concentrant uniquement sur la bataille des importations, les autorités algériennes ont fini par
perdre le contrôle sur d’autres leviers importants comme la stabilité monétaire du pays et le dinar
algérien s’est déprécié dangereusement par rapport au dollar américain.
Depuis le milieu de l’année 2014, le dinar s’est considérablement affaibli par rapport au dollar
américain et à l’euro, étant donné la baisse des prix du pétrole plaçant le dinar sous pression, et la
Banque d’Algérie ayant permis à la devise de se déprécier afin de décourager la demande
d’importations et préserver les réserves de change du pays. En fait, le dinar est passé de 107,3 DZD
pour un dollar américain en moyenne en 2015, jusqu’à 87,9 DZD pour un dollar américain en 2014
et 78,2 DZD pour un dollar américain en 2013. Sur le marché parallèle néanmoins, les principales
devises s’échangeaient à l’époque avec une prime d’environ 60 % qui atteste de l’importance des
contrôles des changes et de la faiblesse de la demande de devise locale.

L’angoisse intense que suscitait la dépendance vis-à-vis des importations a obscurci la lucidité du
régime algérien au point où il a reculé dans de nombreux dossiers stratégiques concernant
l’intégration du pays aux mécanismes des marchés et échanges internationaux.

L’intérêt manifesté pour l’intégration internationale s’était estompé. Le 2 juin 2016, les autorités
algériennes avaient remplacé le gouverneur de la banque centrale. Même si aucune réorientation de
la politique monétaire n’avait encore été annoncée, à l’époque ce changement avait constitué un
tournant vers un contrôle accru du dinar. Cette éventualité devait aboutir à conduire aucun
ajustement fiscal plus rigoureux qui s’était traduit à court terme par une nouvelle dégradation des
indicateurs économiques et de bien-être.

Tellement obsédés uniquement par la réduction des importations, les dirigeants algériens ont raté la
maîtrise de stabilité monétaire et le renforcement de la production nationale. Pour ne pas beaucoup
importer depuis l’étranger, il faut produire localement. Cette équation a été totalement occultée par
le pouvoir algérien. Ce dernier pense qu’il est possible de réduire les importations en réduisant
uniquement la consommation nationale. Mais avec une croissance démographique de plus d’un
million de bébés par an, l’Algérie ne pouvait pas réduire sa consommation interne en se privant de
nombreux produits de base comme les produits alimentaires. Oui, l’Algérie a pu réduire les
importations des voitures ou autres produits manufacturiers, en se privant de leur consommation,
mais elle n’a jamais pu réduire sérieusement la facture des produits alimentaires ou certains
équipements industriels incontournables pour le fonctionnement du pays. Et avec une monnaie de
plus en plus faible, le coût de l’importation sera de plus en plus élevé.

Si les volumes sont réduits, la valeur des importations ne pourra pas baisser significativement à
moins que l’Algérie sombre dans le fléau des pénuries comme c’est le cas en ce moment depuis le
début de 2021 avec les crises de l’huile de table, du lait ou certains médicaments importés de
l’étranger. La solution est donc ailleurs. Le rééquilibre de la balance commerciale passe seulement
par une véritable production nationale et de nouvelles exportations hors hydrocarbures. L’Algérie
devait tirer la leçon depuis son échec en 2016. Mais le régime algérien est un mauvais élève.

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