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Ariane Martinez

Katrin Wolf

Publication du Cnac
en collaboration
avec la chaire ICiMa
et la Maison européenne
des sciences de l'homme
et de la société,
Lille – Nord de France.
Ce carnet fait suite à la table ronde « Je plie, enseignant-e-s, mais également par la publication de
et ne romps pas », du 21 mars 2019 au Prato, partitions ou d’autres systèmes de notations inventés
à Lille, qui réunissait les trois contorsionnistes par les artistes circassien-ne-s pour le développement
Angela Laurier, Lise Pauton et Adalberto Fernandez de leurs disciplines.
Torres, ainsi que le médecin réadaptateur Michel
Ritz. Ce premier temps en public fut consacré à la Pour cette publication singulière, nous avons choisi
question de l’entrainement à la contorsion, et aux d’inverser le système : la notation devient un outil de
enjeux artistiques de cette discipline de cirque, qui création qui est transmis à un interprète lui-même
depuis les années 1990 a beaucoup évolué, pour capable d’appréhender l’écriture pour retravailler tel ou
s’ouvrir à des enjeux dramaturgiques multiples tel mouvement d’un numéro écrit et joué pour l’occasion.
(variations rythmiques, intégration de la voix, Une captation vidéo fut réalisée, elle est disponible à
pensée du geste). cette adresse : https://youtu.be/-cA1_WUSggQ

Le Centre national des arts du cirque a fait de la En 2018-2019, Ariane Martinez a mené une enquête
notation des arts du cirque un des axes importants auprès de quinze artistes, dans la perspective d’un
de sa recherche. Depuis plusieurs années, le futur ouvrage sur l’histoire de la contorsion. Nous avons
Centre de ressources documentaires — grâce choisi de publier ici huit de ces entretiens avec les
à l’acquisition spécifique d’ouvrages sur toutes contorsionnistes Élodie Chan, Pierre-Antoine Dussouillez,
les formes de notation — puis, à sa suite, le Adalberto Fernandez Torres, Élodie Guézou, Claire
pôle Recherche du Cnac, ont permis d’initier Joubert, Angela Laurier, Ericka Maury-Lascoux, Lise
une réflexion auprès des étudiant-e-s et des Pauton. Avant de laisser la parole aux praticien-ne-s,
enseignant-e-s sur la notation. il faut mesurer la place de leurs témoignages - plutôt
rares pour certains - qui deviennent une
Avec Katrin Wolf, choréologue, le Cnac développe source et un matériau scientifiques très précieux.
de nouveaux signes pour venir enrichir la notation La pluralité des paroles qui suivent permet de revenir
Benesh et l’adapter pour les arts du cirque. sur des points abordés dans les articles ou les ouvrages
La mise en place de la chaire ICiMa (Innovation traitant de la contorsion. De plus, elles offrent un
Cirque et Marionnette), portée conjointement par regard particulier sur deux générations d’artistes tout
le Centre national des arts du cirque de Châlons- en constituant une première trace d’une histoire de la
en-Champagne et par l’Institut International de la pédagogie, de la transmission de cette discipline. Nous
Marionnette de Charleville-Mézières, permet de tenions à remercier très chaleureusement tou-te-s
positionner ce travail dans un chantier de recherche les artistes qui ont contribué à la réussite de ce carnet.
plus vaste sur les dispositifs de notation et de
partition dans les arts vivants. Cette sensibilisation ———
aux systèmes de notation se traduit par des
conférences et par des cours d’introduction aux
systèmes de notation pour les étudiant-e-s et les

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Katrin Wolf et Adalberto Fernandez Torres
Echange et écriture de Dawn, avril 2019 au Cnac
© Raoul Bender
Angela LAURIER
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Franco-québécoise, Angela Laurier est installée en SE FORMER PAR SOI-MÊME


France depuis 1997. Dès son enfance, elle fait du
théâtre, de la comédie musicale, de la gymnastique Depuis le début, j’ai compris qu’avec la contorsion,
et du cirque. Elle crée son premier numéro de il faudrait que je fasse tout toute seule. Je me suis
contorsion à l’âge de 18 ans. En 1984, elle fait partie formée vraiment par moi-même.
de la première création du Cirque du Soleil avec À 18 ans, je faisais déjà du cirque, du main-à-main,
laquelle elle tourne plusieurs années au Canada et et je jouais dans une troupe de rue. J’avais déjà fait
à l’étranger. Elle y joue trois numéros, l’un de corde du théâtre, joué dans une comédie musicale, fait
lisse, un main-à-main avec Serge Kielbasinski, et son quatre ans de gymnastique de compétition, six ans
numéro de contorsion. En 1988, elle quitte le Cirque de danse classique. Quand j’étais gymnaste, c’était
du Soleil après avoir exprimé dans la presse son évident que j’étais souple. Arrivée à 18 ans, j’ai cessé
désaccord avec la façon dont les conditions de travail la danse classique et me cherchais. Quand j’ai vu
et de production y ont évolué. Elle rejoint le Cirque du la contorsionniste du Cirque de Canton au Théâtre
Tonnerre et se produit au Tiger Palast de Düsserldorf. Saint-Denis à Montréal, je me suis mise à pleurer
Elle est engagée par Robert Lepage à jouer dans la et me suis dit « c’est ça que je veux faire ». Ce qui
langue de Shakespeare, au Royal National Theatre, m’a frappée, c’était son visage, comme un masque
le rôle de Puck dans Le Songe d’une nuit d’été, qui lui grâcieux, sa façon extrême de se plier sans sourciller,
vaudra le prix de la meilleure performance décerné sans aucun effort. C’était vers là qu’il fallait que j’aille.
par la revue Plays and Players en 1992. Puis, en Je voulais faire ce que personne d’autre ne faisait.
1995, elle reprend la pièce dans une version en Je faisais de la corde, j’aurais pu faire du trapèze, je
langue québécoise au Théâtre du Trident à Québec. faisais du main-à-main aussi, mais dans le cirque,
En France, elle joue avec le Cirque Gosh et Les c’est la contorsion qui me singularisait. Il n’y avait pas
Colporteurs ; elle crée avec David Noir « L’art est de contorsionniste au Québec dans ces années-là.
nié, file ! », poème-contorsion en 2000. En 2006, Maintenant, les contorsionnistes, c’est l’une des
elle fonde avec Manuel Pasdelou sa compagnie, disciplines incontournables au Cirque du Soleil. Ils sont
dans laquelle ils initient plusieurs spectacles connus pour ça.
autofictionnels qui évoquent son passé familial : J’ai commencé à m’entrainer seule, tous les matins,
Déversoir (2008), sur son rapport à la contorsion dans le gymnase de l’école Saint-Denis. Je ne savais
en lien avec l’internement de son frère ; J’aimerais pas pourquoi je faisais ça, mais je le faisais. J’étais
pouvoir rire avec son frère Dominique (2010) et allée voir quelques entrainements des Chinois du
L’Angela Bête, sur son expérience de la comédie Cirque de Canton, et surtout je m’inspirais de photos
musicale et du cirque (2012). En parallèle, elle de contorsionnistes Chinois. J’essayais de faire pareil,
joue dans quatre spectacles de François Verret : avec mon bagage de gymnaste. Je pleurais tous les
Contrecoup (2004), Sans retour (2006), Cabaret jours. À la même époque, mon frère subissait ses
(2009) et Do you remember, no I don’t (2011). Elle premiers internements en psychiatrie. J’allais lui
est intervenante en contorsion au Centre national rendre visite à l’hôpital. D’ailleurs, il m’a poussée à
des arts du cirque, et participe à de nombreuses faire ma première représentation de contorsion dans
actions culturelles en Basse-Normandie, où elle la grande salle de l’hôpital psychiatrique. La contorsion
est implantée. En 2013, elle a obtenu le prix des m’a permis de tenir, de traverser cette période.
arts du cirque décerné par la SACD.

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Angela Laurier, Déversoir, 2007
© Christophe Raynaud de Lage
UN EXUTOIRE, UNE CARAPACE à me faire craquer ou à me débloquer. Depuis que j’ai
arrêté l’entrainement quotidien, j’arrive à faire craquer
La contorsion c’est à la fois un exutoire et une les toutes dernières vertèbres du dos ; j’ai moins de
carapace. Si je n’avais pas fait de la contorsion, muscles ; et ça me fait du bien, depuis c’est délié.
j’aurais sans doute fait de la prison ou de la
psychiatrie, qui sait ? C’est un piège aussi, parce DE LA MACHINE À L’IMPROVISATION
que tu as ta carapace de muscles. Quand tu es une
jeune acrobate, tu adores ça. C’est une armure, tu te Au Cirque du Soleil, quand on faisait douze spectacles
sens invincible. Aujourd’hui j’ai peur de la douleur, par semaine, il m’est arrivé une fois de me réveiller
alors qu’avant, la douleur, ça passait, avec l’armure. pendant mon numéro, en spectacle. Tout en
J’étais de roc. continuant ma routine, je me suis demandé comment
J’avais une endurance qui m’étonne aujourd’hui j’étais parvenue jusque-là. J’étais devenue une
quand je revois les vidéos de mes entrainements à machine. Et puis j’ai trouvé des façons de m’ancrer
la corde lisse. Je n’en reviens pas de la résistance dans le présent, en exécutant mon numéro pour
que j’avais : je restais des heures d’affilée dans la un spectateur, celui qui arrêtait mon regard. J’en
corde. J’étais capable d’enchaîner cinq ou six fois choisissais un par soir.
ma routine. À l’école de gymnastique, on faisait Je ne supporte pas les gens qui te disent quoi faire,
des concours de qui resterait le plus longtemps les metteurs en scène qui ne laissent pas la place
à la barre : j’étais toujours celle qui lâchait en à l’imprévu, à l’interprétation, qui te disent « tourne
dernier. Il y en avait un qui venait me chatouiller à la tête par-ci ». Au cirque, on t’apprend à caler
la fin pour que ça se termine. J’étais très bonne à ton numéro sur la musique. Pour moi, chaque soir
l’entrainement, mais j’échouais en compétition. Je c’est différent, et ça doit l’être, pour rester vivant.
détestais ça, la tension des juges ; les points, ça J’improvise tout le temps. Moi j’ai commencé la scène
me rendait malade... Je suis allée vers le spectacle à onze ans. Je sais comment faire. J’ai appris à aller
vivant parce que j’aimais le rapport au public. Je chercher l’énergie dans le public. L’improvisation m’a
faisais des flips aussi, j’étais bonne en tumbling, y toujours donné une force, une énergie incroyable.
compris sur les sols durs. J’ai fait beaucoup de rue. À un moment j’ai voulu aussi assumer mon corps tel
Ces entrainements intensifs, c’est étrange, tu les qu’il était, ma pilosité, tout : ça a commencé avec le
fais, jusqu’à t’exploser, et puis tu oublies juste après. poème-cirque de David Noir « L’Art est nié, file ! ». Je
Tu es comme une machine, dans un état second. viens d’une famille très catholique, où on cachait les
En contorsion, je pouvais m’entrainer jusqu’à six publicités de soutien-gorge à la télé. Quand j’ai fait du
heures par jour quand j’avais la vingtaine. Pour aller théâtre, aussi, aller du côté de la nudité, c’était très
bien, il fallait que je m’entraîne ; je ne me sentais violent pour moi. J’avais la rage. Puis, j’ai commencé
pas bien tant que je ne m’étais pas entrainée. à explorer mes souvenirs de famille, les raisons pour
Les échauffements, l’attente, c’est des heures de lesquelles je m’étais consacrée à la contorsion, au
préparation mentale. Faut tout faire, passer en revue spectacle vivant.
toutes les zones, ne rien oublier. La contorsion c’est
aussi une disposition mentale, autant que physique. DONNER VOIX AU MOUVEMENT
Plier c’est mental aussi. Moi je ne forcerais jamais
quelqu’un à faire ça. Mais on peut tous acquérir de la La chose qui me fait du bien pendant l’échauffement,
souplesse, au fil du temps. c’est la voix. Ça fait partie de la respiration. Respirer,
Une vie de contorsions, tu finis par le payer. Les donner de la voix. Le silence devient dur parfois pour
articulations te rappellent. Ce n’est pas le dos moi. L’énergie de la voix me sert, ça me tient. Je n’ai
tellement qui me fait mal. Pourtant on l’a bcp sollicité jamais pris de cours pour ça. Mais j’avais fait de la
ce dos. On n’a pas de problème de dos parce qu’on diction et du chant dès mon adolescence. Quand je
est toujours centré sur notre corps. La moindre m’entraine, je pars avec la voix, dans le chant. C’est la
douleur, je la sens et je la chasse. Je n’ai pas totale liberté dans la respiration.
souvent vu de médecins. Par moi-même, j’arrivais
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SOUPLESSE AVANT, SOUPLESSE ARRIÈRE pointe tes pieds ! ». J’ai dit « Non, tu n’as pas besoin
de ça ! ». Moi, du moment que le mouvement est
fait, qu’il est juste, je n’impose pas ce genre de
Je faisais de la souplesse avant et de la souplesse codes. Il s’agit juste de révéler des choses. Adalberto
arrière. Je faisais les deux. Dans l’échauffement, je [Fernandez Torres] par exemple a développé son
commence toujours par les flexions avant, puis les propre échauffement, ses propres exercices ; je l’ai
écarts, puis les flexions arrière. accompagné, je n’ai rien imposé.
Au Cirque du Soleil, je me suis entrainée avec une
Chinoise dans les années 1980 pendant deux mois.
Ils l’avaient fait venir exprès pour moi et une autre LE PUBLIC, L’ADRÉNALINE,
contorsionniste anglaise. Elle m’a cassée, cette ET LA RENCONTRE
formatrice chinoise. Parce qu’ils ne s’adaptent pas
à ton corps ; c’est à toi de t’adapter. L’Anglaise avec On travaille aussi avec plein de micro-déchirures ;
moi, au bout de deux jours, elle était cassée. Moi j’ai moi j’en ai plein. On performe beaucoup avec nos
tenu les deux mois. Je suivais son entrainement à blessures. Mais la magie de l’adrénaline, c’est que
la lettre, je faisais tout ce qu’elle me disait. Elle me dès que tu es sur le plateau, tu n’as plus mal. Il y a
faisait attraper une rose, sous une table, en flexion eu des moments dans ma vie où j’avais tout le temps
arrière. Un numéro classique. J’ai eu un problème mal, sauf sur scène. La technique te lâche avec le
de genou. Elle m’empêchait d’y mettre de la glace. temps ; moi je me suis retrouvée en parlant de mon
Après la tournée j’ai dû me faire enlever le ménisque histoire familiale.
parce qu’il n’arrêtait pas d’enfler. L’adrénaline c’est incroyable. Il y a des choses que je
Elle avait 32 ans, elle avait fait toute une carrière, ne fais plus en échauffement, parce que je n’y arrive
très jeune, et elle avait arrêté à 30 ans. Elle plus. Et sur scène, ça revient. Parce qu’on me regarde.
m’interdisait les souplesses avant. Elle me disait : C’est dangereux aussi. Le lendemain tu le paies.
« tout ce que tu fais vers l’avant, tu vas le perdre Je suis centrée sur moi, il faut l’être pour la
vers l’arrière ». Mais lorsqu’elle est partie, j’ai contorsion. Ce qui m’a sauvée, c’est de m’écouter.
repris mes flexions avant pour rééquilibrer mon L’observation des animaux aussi, ça m’a beaucoup
corps. D’ailleurs, si tu regardes bien les grandes nourrie. J’étais l’ange et la bête. J’étais fascinée par
contorsionnistes chinoises au moment des saluts, les enfants sauvages. Quand j’ai joué Puck dans Le
tu vois à quel point elles ont du mal à retrouver la Songe d’une nuit d’été, je me suis vraiment pensée
verticale. comme un enfant sauvage, ces enfants qu’on avait
retrouvés dans la nature au XVIIIe siècle. J’étais
fascinée par eux. Déjà, toute enfant, je voulais être
TRANSMETTRE remarquée : je ne peux pas aller vers les gens, je
n’ai jamais su me vendre. Mais en contorsion, je me
Moi, quand j’ai enseigné ensuite, je n’ai jamais faisais remarquer. Les gens viennent aussi voir la
voulu imposer des mouvements. Chacun a sa façon bête de foire, quand ils vont voir une contorsionniste.
de faire. En gymnastique, on t’apprend à pointer les D’ailleurs j’ai fait un « Numéro Neuf » sur la femme
pieds. Si tu ne pointes pas les pieds, tu perds des à barbe.
points. Adolescente, j’avais fait une compétition de On est à l’écoute de nos sensations, et on est
gymnastique avec des Indiens qui vivaient dans exhibitionnistes. La contorsion, c’est un art de
une réserve au Canada : ils perdaient des points, l’exhibition, sous toutes nos petites coutures. L’art
juste à cause de ça, parce qu’ils ne pointaient aussi, c’est faire connaissance, non ? Révéler des
pas les pieds. Pourtant ils avaient une gestuelle choses de soi, oser parler de soi.
incroyable, des sauts étonnants, ils faisaient tout
sur l’énergie. Propos recueillis le 21 mars 2019 à Lille (Table ronde et tapis au
Quand j’ai fait de l’action culturelle et donné des Prato, organisée par Ariane Martinez et Cyril Thomas) et le 4 juillet
cours de cirque, j’ai entendu une prof, issue de la 2019 à Tollevast.
gymnastique, dire à un élève « Serre les fesses,
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Pierre-Antoine DUSSOUILLEZ
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Pierre-Antoine Dussouillez intègre la deuxième D’UNE ÉCOLE DE CIRQUE À UNE AUTRE


promotion du CNAC à l’âge de 16 ans : il y fait de
la contorsion, de la voltige équestre et du main- Quand j’étais adolescent, je voulais que mon futur
à-main en souplesse avec Estelle Bourgeois. À sa métier soit lié aux chevaux. Tout-le-monde m’en a
sortie de l’école, en 1990, il crée des numéros de dissuadé : on m’a dit qu’il n’y avait pas de débouchés.
contorsion en solo ou duo, ainsi que des numéros On voulait m’envoyer dans le Jura pour être monteur
aériens (anneaux, tissu, trapèze), qu’il tourne dans de lunettes. J’étais dyslexique et gaucher contrarié.
des cirques (Reverdy Circus, Cirque Poursuite de On m’a toujours fait comprendre que j’étais différent
Luc Richard), sur des bateaux de croisière (Costa par ce biais-là. J’étais un peu exclu, j’allais peu vers
Enrico, Costa Marina), et à l’étranger (Etats-Unis, les gens. Le seul moyen que j’avais pour m’exprimer,
Taïwan, Espagne, Portugal, Hollande, Egypte, c’était mon corps – mais je ne l’ai compris qu’après.
Slovénie). Petit, j’étais tout le temps au sol, j’essayais d’imiter
En 1993, il est engagé aux Folies-Bergère dans Michaël Jackson, je faisais des ponts.
la revue mise en scène par Alfredo Arias, Fou des Et puis un jour, une émission sur la première
Folies, nominée aux Molières l’année suivante. promotion du CNAC est passée à la télévision. J’avais
Désormais soliste de cancan, il évolue dans le quinze ans. Quand j’ai vu une des élèves faire de la
monde du cabaret et du music-hall : il joue entre voltige équestre, j’ai pensé : « c’est de l’acrobatie, de la
autres dans Le Bal de la rose mis en scène par danse, du cheval : c’est ça que je veux faire ! » Mais je
Alfredo Arias à Monaco (1996), dans French ne connaissais pas le cirque. Je n’en avais jamais fait.
Cancan, aux Folies Bergère mis en scène par Mon père était ingénieur, ma mère institutrice. Rien à
Jacques Duparc et Kamel Ouali (2000), et dans voir avec le milieu artistique. Le cirque, pour moi c’était
La vie parisienne mis en scène par Jérôme Savary, le clown, les animaux. Le soir, j’ai dit à mes parents
à l’Opéra-Comique (2002). Il incarne Valentin-le- « Je veux faire l’école du cirque ». J’avais fait beaucoup
désossé dans le film de Roger Planchon Lautrec d’équitation, du handball, de la danse. J’ai passé les
(1998). En 1997, il est engagé dans Crescend’O, auditions. Durant la semaine de stage, j’ai découvert
spectacle aquatique mis en scène par Muriel les disciplines variées du cirque. Aujourd’hui, je
Hermine au Cirque d’hiver. Il participe à plusieurs ne correspondrais sans doute pas aux critères de
émissions télévisées (« Les Guignols de l’Info » sélection pour entrer au CNAC. Mais à l’époque, c’était
chez Canal + en 1993 ; « Les 10 ans d’ARTE » possible. Je suis entré dans la deuxième promotion. Et
présenté par Edouard Baer et l’actrice All Sissi ça a été un épanouissement total, ça m’a transformé.
Perlinger). Mes parents ne m’ont pas reconnu ; ils ont compris que
En 2002, il s’installe à Sainte-Maxime, où il ouvre c’était un chemin de vie pour moi. Les deux premières
son école, le Cirque PAD / pirouettes ludiques. Il années, j’ai multiplié les ateliers et les activités,
y enseigne à des publics enfants et adultes les parce que tout me plaisait. J’étais très polyvalent.
aériens, l’acrobatie, la jonglerie, l’équilibre, et le Puis on m’a poussé à me spécialiser pour me
yoga circus aérien. Il participe, avec « l’Elevage professionnaliser. On m’a dit que ma taille allait être
Massa », à différents spectacles pour le meilleur un handicap pour les équilibres. J’avais des facilités
élevage de chevaux de Dressage de France. en jonglerie notamment, mais ça ne me donnait pas de
satisfaction personnelle. En souplesse, ce que j’aimais,
c’était sentir le dépassement de soi, le fait de travailler
toutes les zones du corps. La contorsion va des doigts
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Pierre-Antoine Dussouilliez, 1996
© Franck Papadopoulos

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