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MARKETING ET ISLAM

Des principes forts et un environnement complexe

Bernard Pras, Catherine Vaudour-Lagrâce

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2007/2 no 171 | pages 195 à 223


ISSN 0338-4551
ISBN 9782746217713
DOI 10.3166/rfg.171.195-223
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DOSSIER
PAR BERNARD PRAS
CATHERINE VAUDOUR-LAGRÂCE

Marketing et islam
Des principes forts et un
environnement complexe

L
’islam est la deuxième religion dans le monde
Cet article examine les
après le christianisme, avec environ 1,5 milliards
relations entre islam et
marketing en s’appuyant
de fidèles et c’est la religion majoritaire dans
sur les valeurs islamiques, plus de 50 pays (Al-Buraey, 2004).
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montrant l’importance des Dans les pays où les populations musulmanes sont majo-
principes forts que donne ritaires, la tendance est à un plus grand conservatisme
l’islam mais aussi du travail et à un engagement religieux plus fort (Rice et
d’adaptation et de réflexion
Al-Mossawi, 2002), qui prend la forme de l’application
des autorités religieuses,
en fonction du contexte. Il
des principes islamiques dans toutes les facettes de la vie
s’ensuit une grande (Saeed et al., 2001).
diversité de comportements Mais d’autres courants existent et le marché musulman
en matière de gestion évolue. Une bonne compréhension de ces phénomènes,
marketing et de
des valeurs musulmanes au sens large et des codes de
consommation, allant de la
tradition à la modernité, et
conduites islamiques en particulier apparaît nécessaire
des stratégies compétitives (Saeed et al., 2001), principalement pour la mise en
variées pour répondre à cet œuvre de politiques adaptées par les entreprises (Sood et
environnement complexe. Nasu, 1995).
Nous nous proposons donc d’examiner :
1) la spécificité de la religion musulmane par rapport à
d’autres religions sur un certain nombre de valeurs pou-
vant être associées à la consommation ou au commerce,
2) les principes applicables au marketing dans l’islam en
fonction de ces valeurs,
3) les principales tendances qui marquent l’évolution de la
consommation et du marketing pour le marché musulman.
196 Revue française de gestion – N° 171/2007

I. – RELIGIONS, VALEURS deront l’ensemble des réflexions sur les


ET COMPORTEMENT valeurs et les actions humaines.
DU CONSOMMATEUR Dans l’approche proposée par Forsyth, les
philosophies morales reposent sur deux
La religion, qui constitue l’un des élé-
dimensions distinctes : l’idéalisme et le
ments de la culture (Usunier et Lee, 2005),
relativisme (Al-Khatib et al., 1997 ;
est considérée comme jouant un rôle
Cornwell et al., 2005). L’idéalisme reflète
important dans la formation des attitudes
le degré auquel les individus croient qu’un
et comportements de l’individu, mais son
comportement moralement « bon » conduit
rôle a été relativement peu étudié en mar-
toujours à des conséquences positives. Les
keting. L’analyse de ses effets est difficile
idéalistes valorisent des relations chaleu-
sur un plan méthodologique car il faut
reuses avec les autres, aiment être respec-
pouvoir distinguer les effets de la religion
tés, ont un sens de l’appartenance et des
(majoritaire ou minoritaire) de ceux
croyances éthiques fortes. Le relativisme
d’autres facteurs culturels mais aussi de la
reflète une certaine réticence à adhérer à des
religiosité (Sood et Nasu, 1995). Les rares
principes moraux universels et se traduit
études menées tendent à montrer un effet
par une prise en compte des variables situa-
de l’affiliation religieuse et de la religio-
tionnelles et des cultures locales lors de
sité sur les schémas de consommation,
jugements éthiques. Les approches occi-
l’usage des médias, la perception des mes-
dentales reconnaissent que le jugement
sages publicitaires, la prise de décision
d’un comportement éthique est subjectif et
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familiale, l’aversion au risque dans les
peut dépendre de la culture (Darmon,
achats, le choix de magasins (Mokhlis,
2005), dont la religion constitue l’un des
2006), la religiosité reflétant le degré de
éléments. On peut penser, dans le cas de
croyance d’un individu aux valeurs et
l’islam, qu’on se situe dans une perspective
idéaux d’une religion spécifique et leur
éthique fortement idéaliste car les sphères
mise en pratique (Delener, 1990). La per-
spirituelles, sociales, politiques et écono-
sonne très religieuse se comportera davan-
miques forment une unité indivisible qui
tage selon les normes et principes de la
doit suivre les valeurs islamiques (Fam
religion à laquelle elle adhère (Mokhlis,
et al., 2002). L’islam prétend à une morale
2006). C’est dans ce contexte qu’il faut
universelle et à un système de valeurs
resituer l’islam, qu’il s’agisse de l’éthique
éthiques strict qui s’appliquent à chaque
ou des valeurs qui y sont associés, par rap-
aspect de la vie quotidienne et au cadre des
port aux autres religions. Ces principes
affaires (Saeed et al., 2001), ce qui n’est pas
éthiques et ces valeurs ayant des consé-
le cas de façon aussi manifeste dans les
quences en matière de marketing.
autres religions (Rice et Al-Mossawi,
1. L’éthique et les religions 2002). Mais qu’en est-il du relativisme et
L’éthique est l’application de principes de l’islam ? Peut-on prendre en compte les
moraux globaux à des problèmes concrets. variables situationnelles ? Deux études
La perspective éthique dans laquelle on se comparatives montrent que c’est le cas.
place donne les principes généraux qui gui- Elles font apparaître d’une part, que les
Marketing et islam 197

égyptiens sont à la fois plus idéalistes et dérée sous l’angle des rapports au travail, à
plus relativistes que les américains l’argent et à la consommation.
(Al-Khatib et al., 1997), et d’autre part, que
les musulmans sont plus idéalistes que les 2. Le rapport aux autres
chrétiens catholiques et plus relativistes que La relation aux autres, une des cinq dimen-
les chrétiens catholiques et les méthodistes sions universelles de Kluckhohn et
mais moins que les bouddhistes (Cornwell Strodtbeck (1961) recouvre plusieurs
et al., 2005). Cela est en fait logique sur dimensions de Hofstede (1980) : distance
l’idéalisme et cohérent sur le relativisme si hiérarchique, individualisme/collectivisme,
l’on regarde à la fois : 1) les principes forts masculinité/féminité ; du groupe The Chi-
de l’islam et sa présence dans de très nom- nese Culture Connection (1987) : intégra-
breuses cultures dans le monde ; 2) le rôle tion c’est-à-dire tolérance, chaleur
des autorités religieuses qui guident et humaine ; ou de Javidan et House (2004)
interprètent les textes en fonction des situa- dans leur projet Globe : orientation
tions que rencontre le croyant1. humaine c’est-à-dire altruisme, générosité,
Ce contexte étant posé, examinons les différenciation entre les genres c’est-à-dire
valeurs associées aux diverses religions et à entre les hommes et les femmes. Elle reflète
l’islam en particulier. Les cinq dimensions la façon dont les relations entre les individus
universelles qui ont servi de base à de nom- d’une société sont organisées. Sont elles éga-
breux travaux sur les valeurs sont celles de litaires ou hiérarchisées ; individualistes ou
Kluckhohn et Strodtbeck (1961) : les rela- collectivistes ; à dominante masculine ou
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tions avec les autres, la nature humaine, le féminine ; tolérantes ; à forte chaleur
rapport au monde et à la nature, l’orienta- humaine et tournées vers les autres ?
tion temporelle, les activités. Dans le cadre Dans la culture chrétienne, la distance hié-
de l’analyse de l’islam et du marketing, il rarchique est plus faible chez les protestants
est utile de décliner certaines de ces dimen- que chez les catholiques. Elle est par
sions en sous-dimensions pertinentes pour ailleurs marquée par l’individualisme plus
le propos. C’est ainsi que la dimension que par le collectivisme, bien qu’il y ait là
« nature humaine » sera dans cet article aussi des différences entre pays catholiques
appréhendée sous l’angle du rigorisme et protestants. L’islam comme le boud-
moral et de la pudeur, et étendue aux s dhisme (ou l’hindouisme) sont plus collec-
1954) comme le besoin de sécurité. De tivistes (House et al., 2004). Dans l’islam,
même, la dimension « activités » sera consi- l’activité commerciale doit reposer sur la

1. Le relativisme s’appuie alors sur une certitude universelle, et porte sur les modes d’applications, c’est-à-dire sur
un savoir second. Rappelons que dans l’islam l’idéalisme ou universalisme repose sur le Coran qui représente une
parole d’absolu et donne des principes directeurs dans toutes les sphères de l’activité humaine. La Sunna (compo-
sée de Hâdiths, ou propos, actes, situations approuvés par le prophète ou ses compagnons), quant à elle, éclaire les
croyants sur les manières de pratiquer la religion, sur des problèmes de droits, de commerce, sur des détails concer-
nant la vie publique ou privée des individus. Elle diffère partiellement entre les sunnites et les chiites et les Hâdiths
sont plus ou moins « reconnus » selon leur provenance. Le Coran et la Sunna constituent la chari’a. Le relativisme
concerne le Fiqh (jurisprudence), c’est-à-dire le travail d’adaptation mené par les juristes ou savants par le biais de
l’Ijtihâd (ou activité de réflexion). Les savants doivent répondre aux questions qui leur sont posées en tenant compte
des réalités sociales, économiques, politiques de leur lieu de vie et de leur époque.
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bonne intégration de l’intérêt de l’individu Le degré de masculinité/féminité et la diffé-


et de celui de la communauté (Al-Buraey, renciation entre les genres permettent éga-
2004). L’islam privilégierait une approche lement de caractériser le mode de relation
sociétale en raison de l’importance accor- aux autres et plus spécifiquement la réparti-
dée à la réalisation d’un bien-être optimum tion des rôles entre l’homme et la femme.
de l’être humain et de la société dans son Sur ce point, plus les rôles sont différenciés,
ensemble (Saeed et al., 2001). L’islam met plus la société est de type « masculin ».
ainsi l’emphase sur les valeurs de fraternité, Dans les sociétés masculines, les valeurs de
d’équité, de justice, d’honnêteté, ou encore réussite et de possession, ainsi que la réus-
de sincérité (Rice et Al-Mossawi, 2002 ; site de l’homme priment ; la femme, elle,
Zainul, 2004) que l’on retrouve dans les doit s’occuper prioritairement de l’éduca-
pays musulmans avec la valeur d’intégra- tion des enfants. La masculinité est égale-
tion, mise en évidence initialement en ment liée à la religiosité car elle tend à être
Chine avec The Chinese Culture Connec- positivement corrélée à la pratique reli-
tion (1987) et Bond (1988). gieuse (Verweij et al., 1997). Dans les pays
La religion semble affecter le mode de chrétiens, les rôles de l’homme et de la
confiance entre consommateur et vendeur. femme sont différenciés à des degrés
Les cultures collectivistes comme la culture divers, le poids de la culture locale étant
musulmane se caractérisent par une grande prégnant, même si les rôles sont plus diffé-
interdépendance des individus au sein du renciés dans les pays catholiques que dans
groupe avec un impact fort des normes du les pays protestants. Dans les pays musul-
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groupe sur les comportements (Siala et al., mans les rôles de l’homme et de la femme
2004, House et al., 2004). Une plus grande sont souvent très différenciés (House et al.,
confiance est accordée aux membres appar- 2004). Rice et Al-Mossawi (2002) souli-
tenant au même groupe. Siala et al., (2004) gnent cependant que dans les pays moins
analysent l’effet de l’affiliation religieuse conservateurs, de plus en plus de femmes
(chrétiens, musulmans, non-croyants) sur la travaillent et sont impliquées dans les déci-
confiance et l’attitude vis-à-vis de sites sions d’achats importants, ce qui peut être
Internet marchands musulmans, chrétiens mis en avant dans les communications
ou neutres. Les résultats montrent que la publicitaires. Et globalement, le rôle de
confiance des consommateurs musulmans la femme évolue au sein de l’islam
est plus forte à l’égard du site musulman (Boubekeur, 2006) avec une forte montée
que du site chrétien. Leur attitude est égale- du féminisme islamique2.
ment plus positive vis-à-vis de ce site que
des deux autres sites. Aucune différence 3. La pudeur et la rigueur morale
significative n’apparaît en revanche pour La pudeur, qui constitue une sous-dimen-
les chrétiens. sion de la nature humaine, est un élément
très important dans un certain nombre de

2. De nombreux travaux font état de ce phénomène apparu dans les années 1990, et qui prend de l’ampleur inter-
nationalement. Le premier congrès international sur le féminisme musulman s’est tenu à Barcelone en 2005 sous
l’égide de l’Unesco.
Marketing et islam 199

religions et en particulier dans l’islam. La de la publicité sur des produits controversés


prise en considération des valeurs reli- sont perçues comme moins négatives en
gieuses est particulièrement importante Nouvelle Zélande et au Royaume-Uni
dans la création publicitaire, car la religion qu’en Malaisie et en Turquie. Les raisons
peut être un médiateur puissant dans le qui ont amené à trouver les publicités offen-
décodage du message publicitaire. santes sont : images sexistes, nudité, lan-
Mais dans quelle mesure la religion affecte- gage indécent, sujet trop personnel, com-
t-elle les attitudes des consommateurs vis- portement anti-social, images occidentales.
à-vis de la publicité ? Un cas intéressant est Les publicités sont perçues comme plus
celui des produits controversés. Dans la négatives en Turquie qu’en Malaisie, pays
chrétienté les protestants sont plus multiculturel et plus libéral, et cela sur
rigoristes sur les valeurs morales que les toutes les dimensions à l’exception de la
catholiques (Mendel, 1991). Mais qu’en nudité et des images sexistes.
est-il entre les protestants et les musul-
mans ? 4. Le besoin de sécurité et de normes
Fam et al. (2004) ont mené une étude sur Le contrôle de l’incertitude (Hofstede,
les réactions des consommateurs chrétiens 1980 ; Bond, 1988 ; Javidan et House,
(protestants) et musulmans ainsi que 2004), caractéristique de la nature humaine,
d’autres religions dans six pays (Malaisie, traduit le niveau d’anxiété, d’inquiétude qui
Turquie, Taiwan, Chine, Grande Bretagne, existe face à des situations inconnues ou
Nouvelle Zélande), face à des publicités incertaines. Ce sentiment s’exprime, entre
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concernant des produits controversés. Les autres, par le stress et le besoin de sécurité
résultats montrent que, pour les consomma- et de prévisibilité : un besoin de règles,
teurs chrétiens et bouddhistes (et les non- écrites ou non. Le contrôle de l’incertitude
religieux), les publicités pour les produits est en partie lié à l’affiliation religieuse.
liés au sexe (sous-vêtements, préservatifs, Ainsi les pays ou populations de religions
produits d’hygiène féminine, contracep- orthodoxe et catholique tendent à avoir un
tifs), les produits « sociaux » (armes, ser- indice élevé d’évitement de l’incertitude,
vices funéraires, partis politiques extré- les pays ou populations de religion juive ou
mistes, etc.), les produits liés à la santé musulmane des indices moyens, les pays ou
(programmes pour perdre du poids, préven- populations protestantes, bouddhistes et
tion de maladies sexuellement transmis- l’hindouistes un indice faible (Hofstede,
sibles), et ceux créant une accoutumance, 1994). On peut établir un parallèle entre
sont significativement moins offensantes l’évitement de l’incertitude et la recherche
que pour les musulmans. En outre, parmi de produits fiables, de qualité, sans risque
les musulmans, une forte religiosité aug- pour la santé dont l’acquisition s’inscrit
mente le degré d’offense perçu. dans une logique de réduction de risque.
Waller et al. (2005) ont étudié non seule- Les affiliations religieuses à indice d’évite-
ment l’attitude face à la publicité pour des ment de l’incertitude élevé devraient
produits controversés mais aussi les raisons correspondre à une plus forte recherche de
pour lesquelles ces publicités sont perçues produits fiables. C’est ce que montrent plu-
comme offensantes. Les attitudes vis-à-vis sieurs recherches. Une étude menée sur
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l’Île Maurice (Essoo et Dibb, 2004) montre 5. Le rapport au monde


que les catholiques sont plus sensibles à la La relation homme/nature est l’une des 5
qualité produit que les musulmans, eux- orientations universelles identifiées par
mêmes plus sensibles à cette dernière que Kluckhohn et Strodtbeck (1961) et sur les-
les hindous. quelles repose la culture. Cette orientation
Par ailleurs, la religiosité affecterait aussi reflète l’attitude à l’égard de l’homme et de
l’évitement de l’incertitude et le risque son environnement : l’humain est-il consi-
perçu ; les personnes plus religieuses per- déré comme ayant la maîtrise sur la nature,
çoivent davantage les conséquences néga- comme étant en harmonie avec
tives potentielles de leurs achats (Delener, elle ou comme lui étant soumis ? La rela-
1990). Une étude menée en Malaisie tion homme/nature enregistre de fortes
(Mokhlis, 2006) où coexistent de multiples variances selon les pays de culture chré-
religions (islam, bouddhisme, hindouisme, tienne, le christianisme ne régissant pas ce
chrétiens) montre que la religiosité affecte type de relation. Même si la tendance va
positivement la sensibilité à la qualité du vers une plus forte sensibilité à l’environne-
produit et négativement l’impulsivité. Les ment, la sensibilité à la nature et aux préoc-
personnes plus religieuses seraient moins cupations environnementales est moins
tolérantes au risque et par voie de consé- forte en France qu’en Allemagne (Mendel,
quence rechercheraient davantage la qualité 1991).
du produit. Chez les musulmans, le rapport au monde
Enfin, l’évitement de l’incertitude est relié à s’inscrit davantage que chez les chrétiens
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l’innovativité, c’est-à-dire à la tendance à dans une relation de soumission (les résul-
innover. D’après les résultats de Steenkamp tats de leurs actions dépendent de Dieu), ce
et al. (1999), l’innovativité est plus forte qui induit un certain fatalisme (Usunier et
dans les sociétés à faible évitement de l’in- Lee, 2005). Dans la perspective islamique,
certitude. Il est donc logique que l’innova- les hommes sont responsables de leur envi-
tivité soit corrélée négativement à la reli- ronnement. Tout ce qu’une personne pos-
giosité, qui traduit un comportement plus sède appartient à Dieu (y compris son
conservateur et traditionnel, et que par corps) et les individus doivent donc prendre
ailleurs les musulmans soient plus innova- soin d’eux-mêmes, de ce qu’ils possèdent et
teurs que les catholiques (Essoo et Dibb, de leur environnement au sens large (Rice
2004). Mais d’autres études conduisent à et Al-Mossawi, 2002). Le gaspillage est
examiner cette question avec prudence. également condamné par le Coran. La santé
Certaines mettent en évidence un effet et la protection de l’environnement appa-
négatif du fatalisme sur l’innovativité (par raissent ainsi comme des valeurs impor-
exemple, Slowikowski et Jarratt, 1997) ou tantes dans la perspective islamique, même
observent également des effets d’autres si cela n’est pas toujours facile économi-
dimensions culturelles (comme l’individua- quement à mettre en œuvre.
lisme) sur l’innovativité (Steenkamp et al.,
1999).
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6. L’orientation temporelle 7. Le rapport au travail, à l’argent


L’orientation temporelle est une autre des et à la consommation
dimensions proposée par Kluckhohn et La relation aux activités constitue la cin-
Strodtbeck (1961) dans leur analyse des quième dimension universelle de Kluckhohn
orientations de valeurs selon les cultures. et Strodtbeck (1961). La religion affecte le
La culture est-elle orientée vers le passé, le matérialisme et le rapport à la consomma-
présent ou l’avenir ? Hofstede et Bond tion, le rapport au travail, à l’argent et au
(1988) ont également intégré l’orientation profit (Mendel, 1991). Dans la religion
relative au temps, le dynamisme confucéen, catholique, l’argent et le profit sont mal per-
comme cinquième dimension caractérisant çus mais pas la consommation ; chez les
la culture. Ils opposent l’orientation long protestants la situation est inverse, les
terme à l’orientation court terme. dépenses sont considérées comme un signe
Les cultures orientées vers le passé ont un de faible moralité mais pas l’accumulation
attachement fort aux traditions et aux réa- de richesse acquise par le travail et la pro-
lisations passées. Les cultures orientées ductivité ; le comportement est plus éco-
vers le présent acceptent celui-ci tel qu’il nome et porté vers l’épargne (Weber, 1905).
est. Les cultures orientées vers le futur En ce qui concerne l’islam, Zainul et al.,
sont au contraire tournées vers des projets, (2004) soulignent que le Coran encourage
et planifient sur le long terme, l’avenir le travail, qui est même considéré comme
étant inévitablement meilleur (Usunier et un devoir. L’homme doit travailler pour son
Lee, 2005) ; ils communiquent sur leurs succès et son confort sur terre mais aussi
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dernières réalisations et leurs projets pour sa vie future. Le profit en lui-même
futurs. On citera parmi les cultures orien- n’est pas condamné mais il ne doit être
tées vers l’avenir la culture nord-améri- qu’un objectif secondaire qui passe après
caine. Les cultures occidentales nord-amé- Dieu. De plus l’islam rejette l’obtention
ricaines et d’Europe de l’Ouest, croient facile de quelque chose, sans labeur, ou
par ailleurs contrôler leur temps (Usunier l’obtention d’un profit non justifié par un
et Lee, 2005). travail effectif.
Dans l’islam, Dieu déciderait du futur et Selon Rice et Al-Mossawi (2002), l’islam
les musulmans arabes auraient une vision n’est pas une religion ascétique mais prône
du temps à relativement court terme néanmoins une consommation équilibrée.
(Usunier et Lee, 2005), bien que moder- Si le matérialisme instrumental (dans lequel
nité et tradition ne soient pas nécessaire- les objets sont valorisés pour leur capacité à
ment antinomiques. Selon Rice et Al- aider à accomplir des tâches) est accepté, ce
Mossawi (2002), l’orientation temporelle n’est pas le cas du matérialisme terminal
chez les musulmans arabes se reflète au (dans lequel les objets sont valorisés pour
travers d’un attachement marqué à l’égard eux-mêmes). La simplicité, le partage des
des traditions et une fierté vis-à-vis de richesses sont préférés à une consommation
leurs accomplissements scientifiques et ostentatoire. Les musulmans seraient égale-
intellectuels passés. ment relativement sensibles à l’épargne et
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aux économies. En ce sens, les musulmans II. – LE MIX MARKETING ET LES


sont plus proches des protestants que des TRANSACTIONS COMMERCIALES
catholiques dans leur rapport au travail et à DANS LE CADRE DE L’ISLAM
l’argent. Les musulmans sont sensibles aux
Comme indiqué préalablement, l’islam ne
promotions prix « réelles », qui profitent au
reconnaît pas de séparation entre les dimen-
consommateur. Ainsi, Essoo et Dibb (2004)
sions temporelles et spirituelles, et les acti-
montrent que les musulmans mauriciens
vités commerciales se situent donc au
sont plus sensibles aux promotions et aux
même niveau que toute forme du travail de
possibilités de crédit offertes par les maga-
Dieu (Ibadah). Le commerce est considéré
sins que les catholiques, eux-mêmes plus
comme une activité sociale utile, bénéfique
sensibles à ces promotions que les hindous.
à l’individu et à la société ; il est perçu
Examinons comment ces valeurs se décli-
comme une source majeure de richesse et
nent en termes de pratiques commerciales
contribue au bien-être des musulmans
dans l’islam.

Tableau 1
DIMENSIONS CULTURELLES ET SPÉCIFICITÉS DE L’ISLAM
Dimensions culturelles
Spécificités de la perspective islamique
universelles*
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– pas de séparation entre les dimensions temporelles (y
compris commerciales) et spirituelles,
Base éthique – principes idéalistes (universels) forts et relativistes
(interprétation par les autorités religieuses selon les situations).

– recherche d’équité, justice, honnêteté,


– intégration du bien-être humain et de la société,
Rapport aux autres
– collectivisme (au niveau du groupe, de la famille),
– rôles de l’homme et de la femme différenciés.

Pudeur – forte rigueur morale pour les produits « controversés ».

Besoin de sécurité et de normes – contrôle de l’incertitude moyen.

Rapport au monde (relation – responsabilité de son environnement.


homme/nature)

Orientation temporelle – orientation vers le futur moyenne/faible.

Rapport au travail, à l’argent, et – gain devant être la conséquence d’un travail effectif.
à la consommation

* Les 5 dimensions universelles de Kluckhohn et Strodtbeck (1961) sont : rapport aux autres, nature humaine (à
laquelle on rattache ici pudeur, sécurité), rapport au monde, orientation temporelle, activités (rapport au travail, à
l’argent et à la consommation) ; la base éthique donne les principes généraux qui guideront l’ensemble des
réflexions sur les valeurs.
Marketing et islam 203

(Zainul et al., 2004). L’islam a établi des peuvent explorer et utiliser à des fins
règles relatives à la conduite des affaires, à « bonnes ». Lorsque le statut de nouvelles
la liberté de l’économie de marché et à la technologies et/ou de nouvelles pratiques
résolution de problèmes dans les échanges n’est pas clair, il convient de se référer aux
de marchandises, qui doivent reposer sur quatre sources des enseignements fonda-
l’intérêt de l’individu et de la communauté, mentaux : le Coran, la Sunna, la sagesse et
l’accent étant mis sur la maximisation de la le consensus des autorités religieuses. Le
valeur pour l’individu et la communauté et Coran abonde de références aux activités
non sur le profit (Al-Buray, 2004). Des commerciales ; une des quatre sections
règles émanant du Coran et de la Sunna légales majeures traite des transactions
régissent les quatre éléments du mix. dans les affaires (Fiqh al-Mu’amalat). La
L’individu doit assumer quatre types de res- Sunna met l’accent sur un certain nombre
ponsabilité responsabilité devant Dieu, res- de qualités dans le domaine du commerce,
ponsabilité devant la société (préservation qui sont présentes dans le e-commerce : fia-
des droits du consommateur), responsabi- bilité, flexibilité, rapidité, commodité, stan-
lité concernant le propre bien-être du com- dardisation des contrats, efficacité des
merçant ou producteur, responsabilité vis- coûts.
à-vis de l’environnement (Saeed et al.,
2001). Les activités commerciales doivent 1. Communication
répondre au principe de justice qui Les rapports aux autres régissent la com-
implique la fiabilité, l’honnêteté, l’absence munication et l’information délivrée. L’is-
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de tricherie ou de mensonge. Parmi les lam met l’accent sur la liberté et l’indépen-
principes sur lesquels se fonde l’économie dance des jugements, ce qui se traduit par
islamique, on trouve le principe de l’orien- l’interdiction de « manipuler » le consom-
tation administrative de l’activité écono- mateur et par le devoir pour le vendeur de
mique qui repose sur la théorie de l’équi- fournir aux acheteurs toutes les informa-
libre social que l’islam adopte à la fois tions relatives aux produits (Saeed et al.,
comme méthode et comme objectif pour 2001). L’accès à l’information est un droit
concrétiser la justice sociale. qui reflète le statut que l’on doit accorder à
Il est important d’analyser la légalité des l’autre, le consommateur. Il faut donc
pratiques commerciales courantes, mais rendre disponibles au consommateur toutes
aussi de pratiques émergentes ou en crois- les informations utiles sur le produit ou le
sance rapide comme celles du e-commerce, service. L’argent durement gagné par le
des innovations, des nouveaux moyens de consommateur ne doit pas être gaspillé. En
paiement dans une perspective islamique. cela, l’islam se différencie de l’approche
Le Coran fournit des principes et guides qui marketing classique selon laquelle le pro-
peuvent s’appliquer en fonctionnant par ducteur communique de façon sélective les
analogie (Zainul et al., 2004). En effet, le informations utiles au consommateur, par
Coran met l’accent sur l’acquisition de l’intermédiaire de la publicité, de la promo-
savoir et les nouvelles technologies de tion et des vendeurs, afin de l’amener
façon générale et les NTIC en particulier aux préférences et à l’intention d’achat,
représentent un savoir que les musulmans et d’établir si possible des relations de long
204 Revue française de gestion – N° 171/2007

terme. La communication doit consister en accomplissements scientifiques et intellec-


une information complète, précise et vraie, tuels passés, permet de s’appuyer sur de tels
permettant une prise de décision fondée sur éléments (et notamment sur ceux ayant trait
la nature réelle du produit. Dans le domaine à l’éducation et aux sciences) dans le
du e-commerce, la clarté de la communica- domaine de la communication publicitaire.
tion et de la définition des produits (photos De façon plus précise, les règles gouvernant
du produit, spécifications détaillées, prix, les publicités sont les suivantes (Hamzah,
mode de livraison et de paiement) est tout 1998) : 1) le message doit être vrai, ne doit
particulièrement importante, étant donné le pas contenir d’information trompeuse, ne
recours à l’ordinateur et aux réseaux. doit pas donner une date de livraison qui ne
Les techniques consistant à surévaluer le peut être honorée, ne doit pas faire croire à
produit, à donner de fausses impressions des remises ou cadeaux qui n’existent pas,
(sur le produit ou le prix) sont condamnées. ne doit pas mettre en avant des célébrités
L’exagération doit être évitée en publicité qui en réalité n’utilisent pas le produit, ne
car elle est assimilée au mensonge, qu’il doit pas promettre de fausses offres ; 2) la
s’agisse d’une exagération par métaphore voix doit être adaptée à l’objectif et ne pas
ou par embellissement de la réalité (Rice et conduire à la décadence, doit éviter les
Al-Mossawi, 2002). Une étude de Kavoossi pleurs, les lamentations ; 3) les images ne
et Franck (1990) montre d’ailleurs que les doivent pas montrer des produits interdits,
publicités dans le Golfe Persique utilisent les parties privées du corps. Les images dis-
moins l’exagération que dans les pays occi- solues sont inacceptables. Il est également
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dentaux (Rice et Al-Mossawi, 2002). Il interdit d’utiliser des images stéréotypées
convient de dévoiler toutes les informations de la femme, un langage suggestif, la
concernant les défauts du produit, qui ne femme comme objet sexuel.
peuvent être vus en apparence. La commu-
nication promotionnelle n’est pas interdite, 2. Produit/service
sous réserve que les informations commu- Le concept de produit doit être vu d’une
niquées soient vraies, et que les dépenses manière large. Le processus de fabrication
associées ne grèvent pas le prix au détri- doit être guidé par le critère de valeur et par
ment du consommateur. l’impact du produit sur la société. L’objec-
La pudeur constitue un élément important tif premier du processus de production est
dans l’islam. Le Coran fournit des guides de fournir des produits qui élèvent et satis-
sur la façon dont hommes et femmes doi- fassent les besoins humains. Une approche
vent s’habiller et se comporter, mais les sociétale, et non une approche reposant sur
mentions du Coran à cet égard donnent lieu la maximisation du profit, est privilégiée.
à des interprétations plus ou moins strictes Les produits et services doivent donc
(Rice et Al-Mossawi, 2002). Les publicités prendre en considération la protection de
offensantes (produits prohibés, images dis- l’environnement et la sécurité pour l’être
solues) ne sont toutefois pas admissibles. humain.
Enfin, l’orientation temporelle, marquée Le produit doit être fabriqué de manière
par les traditions et une fierté historique des acceptable et ne doit pas avoir de consé-
Marketing et islam 205

CAS DE CAMPAGNES PROMOTIONNELLES CONTESTABLES

Campagne promotionnelle avec des disques en plastique insérés dans l’emballage


Dans les années 1990, NBCC (National Biscuit & Confectionery Company) en Arabie
Saoudite a lancé une campagne promotionnelle pour les chips Champion, avec un embal-
lage contenant un disque en plastique avec des succès musicaux. La campagne promo-
tionnelle fut un succès commercial, mais elle peut être remise en question dans une pers-
pective islamique : de nombreux parents se sont plaints, leurs enfants ayant demandé
d’acheter le produit sans consommer les chips (que les parents ont dû jeter) à la seule fin
de collectionner les disques ; la seconde critique a porté sur le libre choix des consomma-
teurs qui sont biaisés dans leur sélection du produit, le choix n’ayant pas été basé sur les
qualités propres du produit ; certains disques sont illustrés de photos ou d’images où l’on
peut voir certaines représentations du corps, qui sont interdites ; la promotion comporte
de la musique interdite par l’islam ; les enfants lancent parfois les disques et les utilisent
comme jouets et cela est dangereux ; certains enfants utilisent ces disques comme mon-
naie d’échange pour parier entre eux, ce qui est formellement interdit.
Source : Al-Buraey (2004).

Promotion consistant en un tirage au sort permettant de gagner une voiture


Cela n’est pas permis car l’entreprise « réalise des profits pour elle-même en même
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temps qu’elle porte préjudice à d’autres ». Le tirage au sort « pousse les clients à se pré-
cipiter vers (le magasin concerné). Il se peut que dix mille ou vingt mille clients achè-
tent le produit. Mais un seul gagne et les autres échouent. Ceux qui organisent ces jeux-
concours nuisent aux autres commerçants puisque tout le monde se précipite vers eux et
délaissent les autres magasins, ce qui porte préjudice aux autres. »
Source : Islam Q&A, site de réponses des autorités religieuses à des questions de musul-
mans (Question 10315). http://www.islamqa.com

quences néfastes sur le monde. En ce sens, se traduit par une préoccupation impor-
les principes de l’islam ne sont pas éloignés tante, soulignée dans le Coran, concernant
de ceux du développement durable. la qualité du produit qu’il s’agisse de la
Le produit ne doit pas être nuisible (sur le qualité intrinsèque mais aussi d’éléments
plan mental ou physique) à l’individu et à touchant à la santé, à l’hygiène physique ou
la communauté comme cela pourrait être le morale. Le produit ne doit pas conduire à
cas pour les cigarettes, l’alcool, les jeux de une nuisance publique ou à l’immoralité.
hasard, les armes, les jeux dangereux pour L’emballage doit permettre au consomma-
les enfants, les livres dissolus. De façon teur de connaître les spécifications et infor-
générale, il doit être pur et propre à la mations nécessaires à une prise de décision
consommation. L’innocuité des produits fondée sur la nature réelle du produit et être
doit s’accompagner aussi de fiabilité. Cela approprié au produit (sécurité, etc.).
206 Revue française de gestion – N° 171/2007

Les interdictions concernant les produits avant de produits naturels, respectueux de


sont valables aussi pour les services asso- l’environnement, mais aussi éthiques sem-
ciés ou les produits dérivés. En ce qui blerait ainsi être pertinente auprès des
concerne les services, le fait que le gain consommateurs musulmans.
résulte d’un dur travail conduit à prohiber la
pratique de l’intérêt et un certain nombre 3. Distribution, vente, négociation,
seulement de modes de rémunération de gestion des contrats
produits/services bancaires sont autorisés Distribution
comme par exemple la rémunération forfai-
L’islam interdit de vendre des produits qui
taire pour la gestion de portefeuille ou la
ne sont pas totalement possédés par le ven-
rémunération associée aux frais de gestion
deur.
bancaire, mais indépendamment du mon-
Le produit doit par ailleurs pouvoir être
tant et de la durée du prêt.
livré et la distribution ne doit pas pénaliser
Pour ce qui concerne les consommateurs et
le consommateur en termes de coût et de
le rapport au monde, le gaspillage est
délais.
condamné par le Coran. Selon Rice et
De plus, le transport ne doit pas avoir d’ef-
Al-Mossawi (2002), même si les pays
fet négatif sur la sécurité des individus et de
musulmans, en raison de leur moindre
l’environnement.
niveau de développement économique, ont
Les règles à observer sont les suivantes :
adopté des règlementations en faveur de
– interdiction de transporter et stocker des pro-
l’environnement moins rapidement que les
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duits non autorisés (volés, dangereux, etc.) ;
pays développés, les musulmans sont sen-
– interdiction de stockage visant au mono-
sibles aux arguments en faveur de la pro-
pole.
tection de l’environnement. La mise en

INVESTISSEMENT DOUTEUX
Cas d’un croyant qui souhaite investir dans un réseau des services internet et a des
doutes sur des activités dérivées. Il exprime ainsi ses doutes : « Nous savons qu’il appar-
tient à l’utilisateur de ce réseau de décider s’il veut voir des images pornographiques ou
recevoir des informations utiles. Mais je sais que 60 % des usagers d’internet aux USA
se servent du réseau pour explorer de mauvais sites. » Réponse du sheikh : « Du fait que
vous êtes en butte à des doutes et affirmez que ce type d’investissement contribue à
accroître les possibilités de l’utilisateur de découvrir des pages utiles et des pages nui-
sibles et que plus de la moitié des usagers l’utilisent pour exploiter des pages nuisibles,
appliquez alors les propos du prophète (bénédiction et salut soient sur lui) : « Abandonne
ce qui t’inspire des soupçons pour ce qui ne les inspire pas (rapporté par at -Tarmidhi,
2442, il dit que le hadith est « beau » et authentique). Laissez ce domaine et allez cher-
cher un autre pour effectuer des investissements licites. »
Source : Islam Q&A, site de réponses des autorités religieuses à des questions de musul-
mans (Question 2467). http://www.islamqa.com
Marketing et islam 207

VENTE AVEC MENSUALITÉS


Cas de la vente par tranche mensuelle d’un objet non encore acquis avec paiement à la
banque de dommages et intérêts s’il renonce à l’achat : « Après examen de leur objet, la
commission permanente de la Consultance pense que l’opération n’est pas permise car
il s’agit en fait d’un prêt assorti d’un intérêt à payer au moment du règlement. Les formes
indiquées constituent une voie détournée qui aboutit à l’usure interdite par le livre, la
Sunna et le consensus de la Umma. »
Source : Fatwa de la Commission permanente pour les Recherches scientifiques et la
Consultance publiés dans la revue ad-Daawa n° 1756, p. 43.

Vente l’achat-vente avec partage de risque (mura-


La coercition qui consiste à faire faire bada), la vente à terme (bay’as-salam).
quelque chose à quelqu’un sans son
Négociation et gestion des contrats
consentement est prohibée : le recours à
certaines techniques promotionnelles s’ap- Le principe de maximisation de la valeur, qui
parente à des techniques coercitives. Sont repose sur le concept de justice, se décline
aussi bannis certains artifices de vente dans le domaine du marketing et de la négo-
visant à manipuler le consommateur en lui ciation en Fairplay ou Fair Deal (donner et
prendre au mieux des intérêts des parties
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faisant croire indûment que le produit est
une « bonne affaire ». concernées) (Saed et al., 2001). On est plus
L’islam interdit par ailleurs toutes les tech- dans une logique de négociation « représen-
niques de corruption (cadeaux, commis- tative » c’est-à-dire où chacune des parties
sions, ristournes) pour gagner des contrats, attribue autant d’importance aux intérêts du
protéger des intérêts, sécuriser des profits partenaire qu’à ses intérêts propres que dans
car cela peut compromettre la qualité des une logique « distributive » où l’on privilé-
produits et services. Le principe de justice gie son intérêt au détriment de celui de
est particulièrement important. Il implique l’autre.
dans la vente et les transactions la fiabilité, La gestion des contrats doit répondre à des
l’honnêteté, l’absence de tricherie ou de critères de légitimité des contrats. Les quatre
mensonge. piliers permettant de considérer qu’un
Les vendeurs doivent être sincères, hon- contrat est légitime sont les suivants : l’offre
nêtes, tolérants. Ils ne doivent pas mentir ou et l’acceptation doivent être claires, confir-
cacher les défauts des produits/services mées par les deux parties ; les deux parties,
qu’ils vendent. c’est-à-dire les cocontractants doivent avoir
Le règlement par le consommateur doit être la capacité (âge, santé mentale) pour s’enga-
effectif. Si l’islam prohibe l’usure et l’inté- ger ; l’objet de la vente doit être autorisé, en
rêt, il autorise par contre la location-bail possession du vendeur, livrable ; le mode
(ijarah), le crédit-bail (bay’mu’ajjal), d’expression doit être clair pour les deux
parties.
208 Revue française de gestion – N° 171/2007

Il existe plusieurs types de contrats en ce férents crédits. L’islam interdit l’usure et les
qui concerne le paiement (Zainul et al., pratiques restreignant le commerce.
2004) : Plusieurs principes doivent être pris en
– ordered sale : paiement effectué en tota- compte en ce qui concerne le prix (Niazi,
lité avant la livraison. Conditions à respec- 1991) :
ter : le produit doit être clairement spécifié, – Maisir : on ne peut pas obtenir trop facile-
disponible sur le marché, et la date de ment quelque chose, sans un dur labeur. On
livraison précisée ; ne doit pas recevoir un profit non justifié
– manufacturing sale : fabrication faite sur par un travail ;
commande et payée ensuite. Conditions à – Tatfif : on ne peut modifier la qualité ou la
respecter : le produit doit être clairement quantité d’un produit sans en modifier le
spécifié, non disponible sur le marché, prix ;
et la livraison non spécifiée ; – Riba : on ne peut pas pratiquer la discri-
– deffered sale : accord des deux parties sur mination par les prix ;
une vente avec paiement différé. Condi- – Ihtikar : on doit éviter le stockage visant à
tions à respecter : le produit doit exister, être créer artificiellement la rareté du produit et
en possession du vendeur, la vente est ins- à augmenter son prix.
tantanée, le prix est déterminé. Le prix ne doit être préjudiciable ni au ven-
Les ventes par e-commerce par exemple deur ni à l’acheteur. Les conditions essen-
peuvent s’inscrire dans chacun de ces trois tielles d’ajustement des prix par auto-régu-
contrats, après vérification préalable de lation sont l’interdiction des monopoles et
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l’existence réelle du vendeur, de sa qualité des ententes sur les prix, qui affectent l’in-
de propriétaire du produit, de l’existence dividu et la société et entravent la libre
effective de ce dernier. concurrence. Il en est de même des pra-
Quant à la régulation des échanges, bien tiques de fixation de prix bas visant à l’éli-
que l’auto-régulation soit l’option préférée mination de la concurrence et du dumping,
par l’islam, l’établissement d’institutions de ou encore de stratégies du type « corner the
régulation est cependant recommandé. Les market » c’est-à-dire de tentatives d’acheter
charges incluent l’inspection et la standar- le maximum de stocks disponibles pour
disation des poids et mesures, la prévention manipuler le prix.
de l’exploitation des employés, de la L’islam est souple en matière de contrôle
cruauté envers les animaux… des marchés mais le contrôle des prix et des
pratiques anticoncurrentielles ainsi que des
4. Prix, moyens de paiement concentrations peut être opéré si nécessaire.
En islam, l’argent ne possède que deux Les officiels islamiques peuvent même
fonctions : un moyen d’échange, une unité favoriser des ententes entre producteurs
de mesure. C’est à partir de la compréhen- sous réserve que cela se traduise par des
sion de cette notion d’argent en islam que prix justes pour le consommateur et des
l’on comprend mieux l’interdiction des dif- profits raisonnables pour les producteurs.
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Tableau 2
CULTURE, ISLAM ET PRATIQUES MARKETING
Dimensions culturelles Distribution, vente, Prix, moyens
associées à l’islam Communication Produit/service négociation de paiement

Base éthique
– Pas de séparation entre – Nécessité de respecter dans – Produit/ service devant – Accent mis sur la – Condamnation de
les dimensions la communication les être autorisé et conforme maximisation de la valeur l’obtention facile de
temporelles (y compris enseignements de l’islam (c’est aux enseignements de pour le bien- être quelque chose sans un dur
commerciales) et un devoir « universel » pour l’islam. individuel et collectif (et labeur et donc de la
spirituelles. un croyant). – Actions guidées par le non maximisation du pratique de l’usure.
– Principes fortement critère de valeur et profit). – Bannissement de toute
idéalistes (universels) l’impact physique ou technique de prix basée
mais aussi relativistes. moral du produit sur la exclusivement sur le profit et
société. non sur l’intérêt réciproque.

Rapport – Accent mis sur la liberté et – Produits de qualité – Coercition prohibée. – Prix ne devant être
aux autres l’indépendance des jugements destinés à élever et – Interdiction de toutes les préjudiciables ni à
et l’accès à l’information. satisfaire les besoins techniques de corruption. l’acheteur ni au vendeur.
Recherche d’équité, – Ne pas surévaluer les individuels et collectifs. – Nécessaire fiabilité, – Interdiction de manipuler
justice, honnêteté. produits, éviter l’exagération – Produit ne devant pas honnêteté dans les le consommateur : les
(car assimilée au mensonge). conduire à une nuisance transactions. promotions prix doivent
– Être transparent sur les publique ou à – Principe de maximisation être « réelles ».
défauts et mettre à la l’immoralité. réciproque de la valeur en – Interdiction de la
disposition du consommateur – Éviter toute tromperie négociation (cf. « fair- discrimination par les prix.
toutes les informations sur le produit. play », « just dealing ») – Recomman-dation
disponibles. – Respecter et favoriser la d’ajustement des prix par
– Reconnaissance possible de liberté du consommateur et l’auto-régulation et
la contribution de la femme au du producteur. la concurrence.
sein de la famille ou dans le – Ententes entre
monde du travail (cf. rôle de producteurs autorisées
l’homme et de la femme). (sous réserve de prix justes
Marketing et islam

– Utilisation possible de et de profits raisonnables).


terminologies islamiques
renforçant la confiance.
209

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210
Dimensions culturelles Distribution, vente, Prix, moyens
associées à l’islam Communication Produit/service négociation de paiement

Interdits, pudeur, – Interdiction de – Prohibition de certains – Existence d’institutions – Interdiction des


régulation communications ou produits reliés aux armes, de régulations courantes monopoles, des
techniques promotionnelles pornographie, alcool, (inspection et manipulations injustifiées
faisant appel au sexe, à tabac, animaux impurs. standardisation des poids des prix, des pratiques de
l’émotion, à la peur, à des – Prohibition de certains et mesures, etc.) bas prix visant l’élimination
faux témoignages. services en particulier de la concurrence.
– Interdiction d’utiliser des spéculatifs ou avec un – Possibilité de contrôle des
images stéréotypées de la taux d’intérêt. prix, de changements de
femme, un langage suggestif, – Prohibition de produits prix pour répondre aux
la femme comme objet sexuel. ou services dérivés besoins du marché.
interdits (comme le jeu)
associés à des produits ou
services autorisés).
– Produit
Revue française de gestion – N° 171/2007

devant être en possession


du vendeur, devant être
livrable.

. Besoin de sécurité – Obligation d’une – Recherche et obligation – Sécurité des emballages – Pas de stockage ou de
et de normes information complète, précise de fiabilité, innocuité des obligatoire et en restriction à la vente (visant
et vraie. produits. adéquation avec le à créer de la rareté
– Emballage devant produit. artificiellement et à
fournir des informations augmenter le prix).
précises, complètes et
utiles à la prise de
décision.

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Dimensions culturelles Distribution, vente, Prix, moyens


associées à l’islam Communication Produit/service négociation de paiement

Rapport – Réceptivité aux messages – Gaspillage condamné – Transport ne devant pas


au monde (relation sur la protection de par le Coran. avoir d’effet négatif sur la
homme/nature) l’environne-ment et la santé. – Santé et protection de sécurité des individus et
l’environnement, valeurs de l’environnement.
importantes dans la
perspective islamique.
– Pertinence des produits
naturels, respectueux de
l’environnement, éthiques.

Orientation temporelle – S’appuyer sur des éléments


liés aux traditions et aux
sciences dans le domaine de la
communication publicitaire.

Rapport au travail, à – Certains services – Profit non condamné, – Condamnation des


l’argent, à la bancaires interdits comme mais objectif secondaire changements de prix qui ne
consommation le prêt à intérêt. qui passe après Dieu. reflètent pas un changement
– Possibilité de – Fraternité et égalité au de quantité ou de qualité.
Tout gain doit être la rémunération forfaitaire cœur de la vision – Utilisation de cartes
conséquence d’un pour la gestion de islamique (et non un bancaires autorisées que s’il
travail effectif. portefeuille par exemple. amour excessif de n’y a pas d’intérêt (mais un
l’argent). simple paiement différé).
– Pas de transactions – Rémunération des frais
financées par un prêt à bancaires indépendante du
intérêt (Riba). montant et de la durée du
– Possibilité de location- prêt.
bail, de crédit-bail,
d’achat-vente avec partage
Marketing et islam

de risque, de vente à
terme.
211

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212 Revue française de gestion – N° 171/2007

III. – DES TENDANCES FORTES


Enfin, si les promotions prix doivent être DANS L’ISLAM : DE LA TRADITION
conçues avec prudence, elles peuvent néan- À LA MODERNITÉ
moins être autorisées si elles ont de réelles
Les principes et enseignements applicables
retombées positives pour le consommateur,
au marketing ne doivent pas masquer la
et l’islam n’interdit pas les manipulations
complexité du marché musulman marqué
de prix pour répondre aux besoins du
par l’importance de l’interprétation et de
marché.
l’autorisation des produits et techniques, le
Mais ces principes qui influencent en pro-
poids plus ou moins dominant de l’islam
fondeur les pratiques marketing des musul-
dans les pays concernés, les degrés divers de
mans ne doivent pas masquer les change-
religiosité, la confrontation aux phénomènes
ments profonds avec le passage de la
d’intensification de la concurrence, celle-ci
tradition à la modernité qui affectent les
étant attisée par l’importance du marché, la
principaux acteurs du système marketing :
mondialisation, et cela qu’il s’agisse des
consommateurs islamiques, concurrence et
entreprises musulmanes ou occidentales.
acteurs sur le marché.

PRIX ET MOYENS DE PAIEMENT


Cas de promotion prix
Les promotions doivent réellement correspondre à des baisses de prix. Ainsi, Rice et Al-
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Mossawi (2002) citent l’exemple d’une campagne de Coca-Cola en Iran ayant eu des
conséquences inverses à celles escomptées, la promotion ayant soulevé la question des
gains réalisés par l’entreprise en période non promotionnelle.
Cas des cartes de crédit
Globalement, la carte de crédit est licite quand elle correspond à un paiement cash
comme dans le cas des cartes de crédit du réseau saoudien, quand elle devient un ins-
trument de paiement incontournable est utilisée sous la contrainte de nécessité (en par-
ticulier dans certains pays industrialisés). Ce sera par exemple le cas lorsqu’il faudra
l’utiliser comme caution pour louer un véhicule. Dans une telle situation, l’utilisation est
tolérée car sa non-utilisation entraîne une gêne certaine et le risque de retard de paie-
ment et de prélèvement d’intérêt à ce titre est très faible (Islam Q&A, ibid., question
3402). La carte de crédit constitue désormais une pratique courante en Turquie ; elle est
autorisée depuis 2003 au Bahreïn. Il est donc important de regarder le contexte, les adap-
tations, et les enseignements dans chaque situation.
En ce qui concerne le e-commerce, le mode de règlement habituel est la carte de crédit
Celles-ci sont théoriquement interdites car elles impliquent des intérêts en cas de non
paiement intégral. Une alternative possible est le paiement à travers la banque ou une
institution financière avec des systèmes type Paypal. À réception du produit l’acheteur
doit valider et confirmer la conformité du produit.
Marketing et islam 213

On voit ainsi coexister des formes tradition- sation de l’islam par l’éthique ; dans les
nelles de l’islam et des pratiques marketing deux cas, il s’agit de la recherche d’un cer-
associées à des formes plus modernes, tain désenclavement de l’islam par rapport
incarnées par les aspirations de nouvelles à la tradition.
bourgeoisies dans les pays musulmans ou
d’une jeunesse islamique européenne, qui Les nouvelles bourgeoisies des pays
ont de nouveaux systèmes de valeurs. musulmans : l’interaction entre le marché
et la religion
1. Religiosité, tradition et modernité : Les nouvelles bourgeoisies des pays musul-
des tendances sociologiques fortes mans que ce soit au Moyen Orient ou en
La religiosité est souvent synonyme de tra- Asie, renvoient dos à dos bureaucraties
dition. Les croyants les plus traditionnels postcoloniales et organisations discipli-
appliqueront les enseignements à la lettre naires islamistes. Haenni (2005) parle de
de la façon la plus scrupuleuse possible. l’émergence de l’« Islam de marché » c’est-
Cela n’est néanmoins pas incompatible à-dire d’un nouveau système de valeurs qui
avec l’efficacité managériale. C’est le cas se met en place autour de trois éléments :
par exemple en Turquie dans la ville de l’ouverture à la culture de marché (qui
Kayseri, ville pilote des islamistes turcs et appelle à la réalisation de soi et distille une
fleuron économique de la Turquie qui éthique de battant dans les consciences reli-
contribue pour un milliard de dollars aux gieuses), la rigueur morale et, enfin la
exportations du pays et dont les patrons des méfiance, voire l’hostilité, à l’égard de
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entreprises appliquent à la lettre les pré- l’État-providence. Il ne s’agit pas d’un cou-
ceptes de l’islam. Au titre de la zakat – un rant constitué mais plutôt d’une synthèse
des cinq préceptes du Coran, ils reversent idéologique en cours de formation dans
un quarantième de leur fortune pour l’islam contemporain. On passe d’une ins-
construire des écoles religieuses, financer trumentalisation politique de l’islam à une
des universités et aider les plus nécessiteux interaction entre le religieux et le champ
(L’Expansion, 2004). économique.
Mais les valeurs associant tradition et L’islam de marché représente l’entrée de la
modernité voient émerger de nouveaux consommation dans l’islam, d’une offre
modèles comme c’est le cas pour les nou- religieuse conforme aux canons du marke-
velles bourgeoisies des pays musulmans ou ting moderne. Cela touche, comme le rap-
pour les jeunesses islamiques européennes, pelle Haenni (2005) en particulier les pro-
au sein desquelles on voit apparaître l’inté- duits culturels et éducatifs, le software,
gration de valeurs, reliées à l’islam et à l’édition (livres, musique, cassettes de
l’Occident. Il s’agit d’intégration au sens de prêche, etc.), le prêt-à-porter, le street-
Berry (1980) et non d’assimilation ou de wear. L’islam même devient une griffe à
séparation. L’éthique et les rapports aux destination de consommateurs. C’est ainsi
autres, les rapports à la consommation et à qu’en Turquie comme en Égypte, le foulard
l’argent évoluent. On voit apparaître d’une devient un produit de consommation, alors
part l’intégration du religieux et de l’écono- qu’il n’était auparavant qu’un signal de sta-
mique, et d’autre part une certaine séculari- tut religieux ou militant ; des groupes musi-
214 Revue française de gestion – N° 171/2007

caux, anciennement djihadistes, sont ailleurs avec leurs parents tout en leur per-
gagnés par les sonorités du rap et du new mettant de dépasser les frontières du groupe
age. Les marques du street-wear islamique islamique. On peut parler globalement
utilisent des chiffres symboliques (« 610 », « d’un comportement éthi-islamique qui
date de la révélation coranique), ou des permet un engagement consensuel en
abréviations sans les décliner (« MBN » termes de bien commun (celui d’aller vers
pour Muslim by Nature). Avec le marché, le meilleur monde possible). »
l’islam se repositionne dans le monde, et les Par ailleurs, ces nouvelles élites intègrent
produits islamiques élargissent leur clien- les valeurs de compétitivité, elles perçoi-
tèle en touchant les non-musulmans. vent les valeurs anciennes d’abnégation et
de bénévolat comme inefficaces. Les jeunes
La nouvelle jeunesse islamique en Europe : musulmans engagés n’hésitent pas à pour-
une sécularisation par l’éthique suivre des études de finance, ont un com-
De même, en Europe, apparaît une nouvelle portement « professionnel », et « packa-
jeunesse islamique. Cette dernière ne se gent » en produits compétitifs (sweat-shirt,
reconnaît plus dans un islam à part, cultu- sodas, multimédias, produits bancaires,
rellement inintégrable. Elle est à la etc.) ce que l’islam peut proposer. Ils utili-
recherche de valeurs qu’elle peut partager sent les nouvelles technologies dans leurs
avec d’autres, d’une nouvelle éthique, tout actions (mobiles, SMS, etc.) et sont sen-
en rejetant les valeurs d’abnégation des sibles aux marques de vêtements dites
anciens. « éthiques » et islamiques, comme Himaya
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Pour Boubekeur (2006) ces nouvelles élites en Belgique qui désigne ses vêtements
islamiques ne se basent plus exclusivement comme « éthiques, pour les musulmans et
sur le religieux dans leur discours et ont autres mouvements amis », ou bien encore
pour objectif de séculariser une présence comme Mecca Cola : « une boisson pas
éthique de l’islam en Europe ; c’est une comme les autres, au service des autres, ne
nouvelle manière d’aborder les problèmes buvez plus idiot, buvez engagé ! ».
des musulmans. Il s’agit, par l’éthique, de
s’appuyer sur des valeurs communes qui 2. Innovation, marques et gammes
dépassent le cadre strict de la religion, ce de produits
qui permet d’atteindre des musulmans non Dans ce contexte, l’innovation et les
réislamisés ou désengagés, voire des non marques acquièrent une importance tou-
musulmans. Ainsi, des causes classiques jours plus grande, et les gammes de pro-
comme le port du voile ou l’occupation de duits s’étendent pour répondre aux besoins
la Palestine peuvent être discutées, parta- religieux comme séculiers.
gées, défendues aux côtés d’altermondia-
listes, ou de tout groupe préoccupé par les L’innovation et les marques
droits des minorités. Dans ce contexte, la Tout ce qui contribue à améliorer le savoir
question postcoloniale est de plus en plus est positif. Quant à l’innovation, c’est-à-
importante dans leur discours. Cette dire à ce qui n’existait pas du temps du
demande de reconnaissance de l’apport des Messager, elle est divisée « en celle qui est
étrangers à l’Europe les réconcilie par obligatoire (wâjiba), interdite (muhar-
Marketing et islam 215

rama), recommandée (mandûba), décon- breuses sont les innovations associées à la


seillée (makrûha) ou indifférente religion, comme celles sur les produits halal :
(mubâha) », à la lumière des règles de la détergents halal en Malaisie pour éviter tout
Loi (qawâ’id al-sharî’a), selon l’Imâm al contact même infime de gélatine avec la
Nawawi (2005). peau, cola halal pour éviter un taux d’alcoo-
Les innovations sont nombreuses dans le lémie éventuel de 0,05 % suite à la fermen-
domaine des produits destinés aux musul- tation. Ainsi, Nestlé en Malaisie est certifié à
mans. Mais le processus de développement 100 % halal. Même les camions qui trans-
de l’innovation, comme par exemple dans portent les produits sont halal. On trouve
le cas des produits bancaires, dure généra- désormais des plats de la culture européenne
lement plus longtemps que le processus sous le label halal (moussaka, hachis
conventionnel car il faut y ajouter le délai Parmentier, lasagnes), des produits frais et
nécessaire à la validation du produit par les surgelés halal, des soupes déshydratées halal.
spécialistes de la chari’a, plus ou moins Au-delà des produits religieux, on mention-
long selon le degré de complexité du pro- nera nombre d’innovations portant sur des
duit en question. produits technologiques ainsi que des pro-
Certaines validations ne posent aucun pro- duits avec des marques et/ou des fabricants
blème comme celle des montres électro- musulmans. On peut parler en particulier en
niques avec un calculateur automatique des Europe d’un « Islamic way of life » (Gole,
horaires de prière et une boussole pour déter- 2002), avec les marques qui revêtent une
miner l’orientation de la Mecque. Nom- grande importance.
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L’ISLAMIC WAY OF LIFE
« Moderne et occidental, l’ “Islamic way of life” va se mettre en scène à travers l’esthé-
tique nouvelle des objets islamiques, mais aussi se dire à travers des slogans inédits. »
On est loin des racines artisanales des anciens objets religieux, « au profit d’une “copie”
des produits dominants mondialement : le design et les couleurs rouges et blanches de
Coca-Cola se noyant dans les sodas, la coupe street-wear inspirant les lignes de vête-
ments et la poupée Razanne étant aussi anorexique que son homologue Barbie. » Il s’agit
d’une « désethnicisation esthétique de l’islam. »
Quant aux slogans, ils « énoncent la modernité islamique en se séparant des anciennes
formules islamistes holistes. On parle désormais d’engagement et d’éthique sur un mode
plus individualisé. Si le nom des objets reste profondément islamique (Muslim up,
Mecca Cola, Moudjahidine ou Razanne dont le nom signifie « Islamic beauty and
modesty » et que les petites filles peuvent choisir entre la peau « blanche (cauca-
sienne) », « noire (africaine) », « hâlée (Asie du sud) » ou « standard »), les slogans ren-
voient à un engagement éthique et solidaire, à une valorisation du sujet et de son action
par une consommation individuelle, plus qu’à une appartenance à l’islam passive ».
Source : extraits De Boubekeur (2005).
216 Revue française de gestion – N° 171/2007

Les gammes de produits La concurrence entre entreprises


On assiste, pour tenir compte de la diversité musulmanes
culturelle de la « communauté des croyants », La concurrence entre entreprises musul-
à un élargissement des gammes de produits, manes s’intensifie et se traduit par la puis-
ceux-ci étant destinés à répondre à tous les sance accrue des entreprises et des
goûts, des plus traditionnels aux plus marques, qui touche tous les secteurs. Les
modernes. Cette extension des gammes de entreprises et marques musulmanes mon-
produits se retrouve à travers l’élargissement tent en puissance dans tous les secteurs. On
des modes de distribution, la distribution de citera ainsi les banques islamiques déjà
produits halal par les commerçants musul- mentionnées, des chaînes de télévision
mans étant privilégiée par les croyants tradi- comme Al-Jazira chaîne d’information en
tionnels, les autres n’hésitant pas à acheter continu lancée par l’émir du Qatar en 1996,
ces produits halal dans la grande distribution avec 35 millions de téléspectateurs au
où ils sont présents pour certains depuis une Moyen-Orient et près d’une quinzaine de
dizaine d’années comme cela est le cas chez millions dans le reste du monde, qui sera
Carrefour par exemple. bientôt cotée en Bourse, des compagnies
aériennes comme Emirates (plus de 10 mil-
3. L’intensification de la concurrence lions de passagers transportés), des conglo-
Depuis une dizaine d’années, le marché de mérats comme Sabanci en Turquie (Tou-
produits s’adressant à une population musul- risme, chimie, textile, ciment.) avec un
mane a vu sa croissance s’accélérer et la chiffre d’affaires de plus de 7 milliards
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concurrence s’intensifier, qu’il s’agisse d’en- d’euros, et beaucoup d’autres entreprises
treprises musulmanes ou européennes. Ainsi, qui opèrent mondialement.
l’on estime que la finance islamique dont le Dans le domaine des produits halal et en par-
marché est environ de 400 milliards de dol- ticulier de l’alimentation, la concurrence est
lars, progresse de quelques 15 pour cent par particulièrement forte. Le marché est estimé
an, ce qui représentera dans cinq ans un à 150 milliards de dollars dans le monde et
volume situé entre 500 et 750 milliards de 15 milliards d’euros en Europe. Le numéro
dollars. Dans le domaine de l’alimentation un de la viande halal est indien, Alianazans,
halal certaines sociétés sont milliardaires en mais le plus grand pays exportateur est le
dollars comme par exemple Américana, dans Brésil qui envoie ses produits vers l’Algérie,
le domaine des volailles, basée en Égypte. le Maroc, le Moyen-Orient. Le Brésil
La concurrence ne cesse de s’intensifier entre compte de grands abattoirs halal qui vont
entreprises musulmanes mais le secteur voit jusqu’à 120 000 bœufs abattus par jour, et
aussi l’apparition de nouveaux entrants occi- une grande agence de certification à San
dentaux. Mais il existe aussi un certain nombre Paolo, Sibal, avec des musulmans maro-
de freins naturels et de barrières à l’entrée. cains3.

3. Sur le marché des produits halal et des stratégies, on pourra se reporter, entre autres, à l’entretien avec Antoine
Bonnel, organisateur du salon halal (Halal : C’est au consommateur d’être arbitre, http://www.saphirnews.
com/Halal-C-est-au-consommateur-musulman-d-etre-arbitre-_a3681.html, 20/6/06) ou à celui avec Florence Bergeaud-
Blacker, sociologue (Consommation halal: un des marchés les plus prometteurs du monde, http://www.saphirnews.
com/Consommation-halal-un-des-marches-les-plus-prometteurs-du-monde-_a3421.html, 01/06/2006).
Marketing et islam 217

Derrière tout cela, la vraie question en marchands lors des conférences religieuses,
termes d’avantage concurrentiel est celle de etc. ; dans les pays islamiques, relativement
la qualité de la certification halal, de la faible présence d’entreprises occidentales
confiance qu’on peut lui accorder. Il y a des pour desservir les besoins de la population.
réputations plus ou moins bonnes. La Ce n’est plus le cas, et l’entrée d’entreprises
Belgique ou la Hollande, par exemple, ont non musulmanes sur le marché islamique
une mauvaise réputation. Il y a des diffé- touche de nombreux secteurs.
rences d’interprétations sur le mode d’abat- Dans le domaine bancaire, on peut prendre
tage comme l’électronarcose. C’est un parmi bien d’autres exemples, celui du Cré-
débat complexe. Les musulmans tradition- dit Suisse4 dont la stratégie est de pour-
nels sont très sensibles à la question de la suivre son expansion auprès d’une clientèle
qualité et fiabilité de la certification. musulmane. Le Credit Suisse a mis sur pied
La concurrence se déplace aussi vers la une équipe exclusivement dédiée à ce sec-
clientèle non musulmane. C’est le cas des teur. Il respecte l’esprit et la lettre du Coran
banques islamiques dont une partie crois- avec son propre conseil de la charia où siè-
sante de la clientèle est non musulmane, gent trois éminents savants. De son côté, la
attirée par leurs produits innovants et par grande distribution avec Carrefour, Auchan,
leur fiabilité. C’est aussi le cas d’autres Cora, Leclerc, Casino en France, a investi
sociétés de services dans les domaines télé- le marché des produits islamiques. Ce phé-
visuels, du transport aérien, du tourisme, ou nomène a pris de l’ampleur. Ainsi, le recueil
d’entreprises dans le domaine vestimen- des Quarante hadiths de An Nawawi s’est
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taire, l’islam devenant une « marque ». placé parmi les meilleures ventes de livres
C’est, enfin, le cas, ce qui est nouveau, de en France et l’éditeur Al Bouraq a vendu en
l’alimentation halal. Une entreprise de grande distribution, principalement chez
vente de poulets, dont tous les produits sont Carrefour 200 000 livres pendant le Rama-
halal en vend la majeure partie à une clien- dan. C’est encore la société Sectal, produc-
tèle non musulmane sans mentionner le trice de pâtisserie orientale qui en a com-
label halal, ces derniers ne recherchant pas mercialisé 40 tonnes pour le seul mois du
des produits halal mais une certaine qualité. Ramadan (au lieu de 10 sur le reste de l’an-
Une viande halal se conserverait 3 à 4 jours née) par l’intermédiaire de Carrefour avec
de plus qu’une viande non halal. qui elle travaille depuis 10 ans. Globale-
ment, on trouve tous les produits alimen-
De nouveaux entrants non musulmans taires musulmans dans les grandes surfaces.
Les entreprises musulmanes ont longtemps Ce qui entrait au départ dans le marketing
bénéficié de leurs caractéristiques commu- ethnique est devenu un vaste marché
nautaires : clientèle fidèle et d’une certaine (Bahri, 2006).
façon captive car n’allant pas ou peu vers Trois bémols doivent être apportés à ce
les entreprises occidentales ; magasins spé- phénomène : une certaine frilosité commer-
cialisés, sites Internet islamiques, stands ciale des grandes surfaces, la question de la

4. Source : Crédit Suisse emagazine, voir http://emagazine.credit-suisse.com


218 Revue française de gestion – N° 171/2007

certification, et le caractère non musulman pays multiculturel et multiconfessionnel,


des grandes surfaces. La grande distribution est intéressant car on y voit comment peut
occidentale préfère souvent encore jouer se mettre en place une stratégie de barrière
sur l’image ethnique des produits et n’as- à l’entrée. En Malaisie, tous les produits,
sume pas toujours commercialement la même les plus anodins seront halal (denti-
dimension religieuse, c’est-à-dire halal des frice, hôtels, camions halal). Certains s’in-
produits. On lance des opérations Saveurs terrogent sur la part de la religion et de la
d’Orient à prix gourmands chez Carrefour, stratégie. Où s’arrête l’organisation du culte
on parle de Délices du Maghreb. Les et où commencent les affaires ?
grandes surfaces hésitent à communiquer Pour certains, il s’agit d’une manière pour
massivement auprès du marché musulman, les malaisiens de protéger leur marché. La
de crainte de perdre une partie de leur clien- Malaisie a mesuré l’ampleur du marché
tèle pour en gagner une autre. Une certaine musulman, à savoir plus d’un milliard de
peur du communautarisme et des préjugés consommateurs, et a des visées écono-
domine souvent les stratégies et pratiques miques très ambitieuses. La Malaisie sub-
commerciales des grandes surfaces. La ventionne des entreprises, essaie d’exporter
communication se fait largement par le Jakim, leur certification, pour prendre des
bouche à oreille. Le marché alimentaire parts de marché, et est présente dans des
musulman est un marché très sensible, salons comme le salon du halal du World
fébrile, marqué par des controverses. Une Food Market.
des controverses repose sur la fiabilité et la Le débat sur la certification est extrê-
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qualité de la certification halal des produits mement complexe et est devenu très impor-
vendus en grande surface remise en cause tant. Comment arriver à rassembler la
par un certain nombre de « croyants », ce Malaisie, et les instituts de certification
qui pose aussi le problème de la traçabilité, d’Australie, de Thaïlande, d’Angleterre, du
de la confiance et de l’authentification, si Brésil, d’Espagne, et parvenir à des consen-
importante en islam. Une autre controverse sus ? Le marché du halal est un sujet très
porte sur le fait d’acheter des produits halal sensible et la question de la certification
chez des distributeurs non musulmans et comparable aux batailles sur les normes
qui ne participent pas à l’aumône des dans d’autres domaines. Arriver à imposer
croyants ; il s’agit de la proximité culturelle ou à faire reconnaître universellement un
et religieuse avec le distributeur, de son rap- standard représenterait un avantage com-
port à l’autre. pétitif considérable dans le cadre d’une
De fait, ce sera l’exigence du consomma- concurrence mondiale.
teur qui primera in fine.
4. La mondialisation
Les barrières à l’entrée (Malaisie) L’islam et les valeurs qui y sont associées
et la bataille de la certification sont clairement influencés par la mondiali-
Ces éléments mentionnés en grande distri- sation, par la recherche pour certaines
bution constituent des barrières à l’entrée jeunes générations d’une identité propre,
qui portent sur la confiance et la multiplicité d’un modèle intégrant des valeurs propres à
des produits certifiés. Le cas de la Malaisie, leur religion et une certaine modernité, et
Marketing et islam 219

aussi d’un modèle de développement tue un des droits les plus sacrés de
propre. l’homme. » (p. 98).
Mais une bonne compréhension des fac- De fait, ces discours correspondent aux ana-
teurs de succès en marketing passe par la lyses de Berry (1980, 2001) sur l’accultura-
prise de conscience de la sensibilité de tion, la confrontation de valeurs et leurs
nombre de pays islamiques au phénomène implications en marketing (Boutin et
de mondialisation et aux valeurs des entre- Gaston-Breton, 2006), les stratégies d’inté-
prises. gration des valeurs s’avérant plus pertinentes
que les stratégies d’assimilation propres à la
Le rejet d’une certaine mondialisation mondialisation. C’est la même analyse qui
Ce rejet de la mondialisation est bien illus- est menée par certains chercheurs américains
tré par les propos de Mahatir Mohammed (Ganz, 1997) critiquant la politique des trois
(1996), Premier ministre malaisien de « A » (acculturation, assimilation, américani-
1981 à 2004, et penseur islamique, lors sation) ainsi que des chercheurs en marketing
d’une conférence délivrée le 24 juillet comme C. Dussart (2006) qui soulignent l’ur-
1996 : « Le monde soumis aux diktats de la gence de passer à trois nouveaux « A » :
mondialisation, n’en sera pas plus équi- adaptation, acceptation, action.
table et plus juste. Il sera mis sous la coupe
des puissances hégémonistes. Si la fin de Certaines qualités nécessaires aux
la guerre froide a causé la décimation de entreprises occidentales en pays
populations entières, la mondialisation musulmans
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pourrait avoir les mêmes retombées ou Nombreuses sont les entreprises occiden-
donner lieu à une situation encore plus tales en pays musulmans ou s’adressant à
dramatique. Dans un monde qui subit les une clientèle musulmane. Dans le domaine
lois de la mondialisation, les pays riches de la production, les cas ou projets sont
domineront les autres nations qui revivront légion : contrats négociés par Total en Irak
un drame similaire à celui de la colonisa- et en Iran, site de production de la Logan en
tion entreprise naguère par les puissances Iran, chantiers de Bouygues en Arabie
dominantes. » Saoudite. Qu’il s’agisse de négociations
Ce point de vue correspond aux éléments dans le cas du B-to-B ou d’implantations
précédemment indiqués sur l’orientation dans le cas de la grande consommation, un
temporelle et la fierté par rapport aux réali- certain nombre de valeurs sont requises
sations intellectuelles et scientifiques pas- comme le montrent les exemples de
sées. Cela est en résonance avec la position Danone et de Veolia, dont les activités repo-
des nouvelles jeunes élites musulmanes et sent sur des métiers de proximité.
leur sensibilité postcoloniale. C’est aussi ce Le groupe Danone réalise plus de 600 mil-
que pensent des intellectuels comme Abdel lions d’euros de chiffre d’affaires et emploie
Ilah Belakziz (1998) qui prônent, au lieu de plus de 5 000 personnes au Maghreb, en
la mondialisation, l’interculturalité, c’est-à- Turquie et en Arabie Saoudite (sans comp-
dire « l’interaction réciproque entre les dif- ter l’implantation en Asie dans des régions
férentes cultures et la reconnaissance musulmanes comme le Pakistan ou partiel-
mutuelle du droit à la différence qui consti- lement musulmanes comme la Malaisie).
220 Revue française de gestion – N° 171/2007

Pour le vice-président chargé de la zone, un islam. Des caractéristiques fortes ressor-


des facteurs de son succès est l’association tent de la spécificité de l’islam, avec un
à un partenaire local qui lui apporte la commerce étroitement intégré à la reli-
connaissance de la culture et des pratiques gion, un accent mis sur la maximisation
des affaires locales (L’Expansion, 2004). de la valeur plus que sur la maximisation
Le groupe se comporte comme un acteur des profits, une grande importance accor-
régional, avec une image de marque fran- dée aux relations aux autres et au respect
çaise et des produits qui se dégustent et se de leur libre arbitre, le tout accompagné
nomment différemment en Turquie, en Ara- d’autorisations et de restrictions et d’in-
bie Saoudite ou au Maroc, mais sont princi- terdits parfois très contraignants. Mais la
palement distribués par des petites épiceries place à l’interprétation et à l’arbitrage par
locales. Ouverture, proximité sont des les autorités religieuses reste grande, en
valeurs de succès importantes. particulier en cas de nécessité pour le
Le cas de Veolia est encore plus parlant. En croyant confronté à des situations et à un
décrochant les marchés pour les services environnement qui ne lui laisse que peu de
d’eau, d’assainissement et d’électricité dans choix.
les villes de Tanger et de Rabat, au Maroc, C’est dans ce cadre qu’il convient d’éviter
Veolia a dû s’engager contractuellement à le simplisme. Les conditions environne-
étendre les réseaux dans les quartiers les mentales étant celles des pays dans lesquels
plus défavorisés. Ces nouveaux clients les musulmans résident, qu’il s’agisse de
paient sur plusieurs années leur accès au pays islamiques ou non. La confrontation à
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réseau et le taux de recouvrement est supé- d’autres cultures et à la réalité de la concur-
rieur à celui de la France. rence internationale fait partie de ces
Les négociations avec les autorités peuvent contraintes.
être très longues pour décrocher un contrat. Il s’ensuit des évolutions importantes de
À Abou Dhabi, elles ont duré cinq ans, et valeurs, en particulier des nouvelles élites,
plusieurs années à Alexandrie en Égypte. des entrepreneurs, et de certains consom-
Patience, persévérance, et surtout respect mateurs musulmans. On entre plus dans une
de la culture locale sont indispensables. Il logique d’interculturalité, que ce soit de la
faut éviter de passer pour le représentant part des musulmans ou de celle des entre-
d’un pays riche qui donne des leçons à un prises qui s’adressent à eux.
pays émergent. De façon globale, il est par ailleurs intéres-
Ces valeurs sont en phase avec les vertus sant de constater que des évolutions pro-
d’humilité, de solidarité, d’entraide de la fondes du marketing dans les pays occiden-
culture islamique, et évitent d’exacerber les taux reposant sur les concepts de
susceptibilités et réticences face à la mon- développement durable, de confiance, de
dialisation. traçabilité, de qualité et de sécurité (Pras,
1999) sont particulièrement en phase, en
CONCLUSION tout cas dans leur essence (peut être plus
que dans leur mode d’application) avec les
Il faut se garder de tout simplisme dans un valeurs de la société musulmane.
examen des relations entre marketing et
Marketing et islam 221

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