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Processus identitaires et scolarisation des Roms dans
le contexte européen
Olivier Meunier*
Introduction
Les questions relatives à la reconnaissance identitaire des communautés roms et à la
scolarisation de cette première minorité européenne sont devenues centrales dans les
rhétoriques du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne, notamment
après la réunification européenne durant les années 19902000. Comment cette
identité qui est elle-même plurielle si l’on considère les contextes socio-historiques
des différentes communautés selon les pays a été prise en compte dans les politiques
éducatives? La reconnaissance de l’éducation traditionnelle dans la forme scolaire et
plus particulièrement la valorisation des savoirs et savoir-faire des communautés
roms dans l’enseignement favorisent-elles une meilleure scolarisation et une
réduction de la déscolarisation?
La première partie éclaire la terminologie employée, renvoie à une présentation
historique, précise quelques éléments de l’organisation socioéconomique rom ainsi
que les attentes de la communauté rom à l’égard de l’institution scolaire. La seconde
partie traite plus explicitement des traits récurrents relatifs à leur scolarisation en
Europe, notamment les pratiques ségrégationnistes dont ils sont l’objet, explicite
leurs rapports à l’institution scolaire, rend compte des approches pédagogiques et des
structures scolaires d’accueil pouvant faciliter leur intégration. La troisième partie
porte plus spécifiquement sur le rapport à l’institution scolaire chez les Roms en
Roumanie en montrant les disparités entre les rhétoriques officielles (Europe, État
*Email: olivier.m.69@hotmail.fr
ISSN 0390-6701 print/ISSN 1469-9273 online
# 2009 University of Rome ‘La Sapienza’
DOI: 10.1080/03906700802613889
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roumain) et les pratiques effectives (établissements), entre les Roms des classes
moyennes urbanisées et les Roms défavorisés des campagnes roumaines.
Pre´sentation historique
Originaires du nord-ouest de l’Inde, les Tsiganes quittent cette région vers le X8
siècle. Leur langue dérive du sanskrit et c’est à partir des emprunts linguistiques lors
de leurs migrations qu’il est possible de retracer leur itinéraire. Les Tsiganes se
subdivisent en plusieurs groupes, ce qui favorise la multiplication des dialectes. À
partir du XIV8 siècle, certaines populations tsiganes s’installent en Roumanie, mais
elles sont astreintes à l’esclavage, tandis que d’autres migrent vers la Serbie et la
Croatie. Certaines arrivent en Europe occidentale vers le début du XV8 siècle après
avoir traversé les territoires de Slovaquie et de Bohême avec des lettres de protection.
Les Manouches s’installent dans les pays germanophones, les Gitans dans la
péninsule ibérique où ils sont l’objet d’une politique d’assimilation à partir de 1499.
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Ces groupes se retrouvent dans l’ensemble de l’Europe vers 1500: ils commencent à
se sédentariser temporairement aux périphéries des villes, mais ils demeurent avant
tout des nomades. En France, le rejet de ces populations commence sous le règne de
François 1er et devient plus fort sous celui de Louis XIV (Reyniers 2003, pp. 23). Il
se généralise dans l’ensemble de l’Europe, ce qui les contraint à s’installer dans les
régions frontalières les moins accessibles. En Europe occidentale, suite aux décisions
politiques visant à les astreindre à la sédentarisation, ils passent d’un nomadisme
économique lié à leurs professions à un nomadisme de fuite. Les Tsiganes d’Europe
centrale vivent d’une économie itinérante, tandis que dans les Balkans, suite à la
disparition de l’empire byzantin, ils sont massivement assimilés et sédentarisés. Au
XIX8 siècle, de nouvelles migrations amènent des groupes originaires de Transylva-
nie et des Balkans en Europe occidentale. À partir de 1960, d’autres Roms provenant
principalement de Yougoslavie les rejoignent. Suite à l’effondrement du bloc
communiste qui donne lieu à de nombreux licenciements et à la déstructuration
du système d’aide sociale ainsi qu’à des mouvements xénophobes et ultranationa-
listes, d’autres groupes sont contraints à la migration en Europe de l’Ouest. Ces
différentes communautés roms rejoignent d’autres nomades, les Voyageurs, qui ont
une origine européenne et dont une grande partie provient du pays rhénan (Reyniers
2002, p.18).
Organisation sociale
La structure de base de la société romanie est la famille et plus exactement la cellule
familiale élémentaire qui est indépendante et la réunion de celle-ci avec les autres
cellules lorsqu’il y a nécessité d’un regroupement, par exemple pour effectuer un
travail commun nécessaire à la survie de tous. La solidarité familiale est le plus
souvent totale: chaque individu en est tributaire et y participe. Cela implique une
certaine subordination de chacun aux besoins de la famille (Rothéa 2003, pp. 2021).
L’enfant est ainsi habitué dès son plus jeune âge à un rythme de vie où il peut
facilement et rapidement satisfaire ses besoins tout en étant sensibilisé à ceux de ses
proches: ainsi, ses aı̂nés vont l’inciter à rendre service ou à partager ses biens par des
gratifications ou des reproches. Cela va l’amener à solliciter autrui sans complexes et
à répondre aux besoins de celui-ci spontanément et positivement. Ce système de
dispositions tend à développer une personnalité qualifiée d’‘optimisme oral’ (Roheim
1967, p. 93) caractérisée par une tendance à vivre au jour le jour, un sens poussé et
non sélectif de l’hospitalité et des dépenses ostentatoires (Formoso 1989, p. 240). Il
apprend cependant à se conformer aux attentes du groupe et aux droits et obligations
qui en résultent. Il sait comment se comporter avec des pairs ou des aı̂nés et en
fonction du genre. Vers 1213 ans, les enfants roms participent plus activement aux
activités économiques et sociales de leurs parents, sans qu’elles soient dissociées,
l’éducation familiale se présentant comme globale. Ce sentiment de sécurité au sein
de sa communauté est basé sur la tradition culturelle et la cohésion sociale. Cette
éducation familiale ne le prédispose pas à devenir un gadjo: en fréquentant des jeunes
gadjé, en faisant l’expérience des forces de l’ordre ou de la délinquance, il peut
comparer les dangers du monde extérieur à sa situation privilégiée au sein de son
groupe familial.
Les rôles socioéconomiques entre les genres sont différents et complémentaires.
La femme tient un rôle économique important consistant à assurer la subsistance
4 O. Meunier
E´conomie
Généralement, dans la plupart des pays d’Europe occidentale, l’économie rom relève
du nomadisme péripatétique, c’est-à-dire d’activités professionnelles (arts, artisanat,
commerce) vécues sur le mode de la déambulation familiale. Les Roms effectuent des
métiers qui répondent généralement à une demande temporaire. Cette mobilité leur
permet de se tenir à disposition de leurs clients ou de les solliciter périodiquement.
Leur économie est définie par les besoins ponctuels d’une clientèle dispersée. Quand
ils se spécialisent dans une activité précise, ils ont tendance alors à se sédentariser. Le
plus souvent, les activités professionnelles sont exercées en famille et les plus
lucratives sont recherchées. Les Roms peuvent être considérés comme des travailleurs
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Les premières années de scolarisation des enfants roms sont difficiles du fait de la
pauvreté, de l’exclusion et de la discrimination dont ils font l’objet, et c’est leur
environnement familial et communautaire qui leur permet de se sentir protégé et de
développer leur personnalité. Encore dans de nombreux pays européens, le système
scolaire ne favorise pas une ouverture sur la diversité culturelle, tandis que les
enseignants ne voient pas la culture rom de manière positive. Ainsi discriminés, les
enfants roms ont des difficultés à développer des sentiments de valorisation de soi
relatifs à leur culture et à leur identité (UNICEF 2007, pp. 4546). Si certaines
familles roms sont réticentes à envoyer leurs enfants à l’école, c’est devant la crainte
de la disparition de leur identité culturelle, notamment quand celle-ci n’est pas
reconnue et que l’institution scolaire vise à assimiler les élèves à la culture dominante
(FSG 2006, pp. 7677).
Les stratégies mises en place par les Roms pour s’adapter aux différents
environnements sociopolitiques apparaissent de moins en moins efficaces, ce qui
rend difficile leur survie comme groupe culturel minoritaire. L’analphabétisme,
comme moyen de protection contre l’hégémonie des autres cultures véhiculée par
l’institution scolaire, devient caduque mais aussi handicapant dans un environne-
ment ou l’écrit et son usage sont devenus une banalité indispensable. Par ailleurs, à
une période où la réduction des coûts des services publics est recherchée, il s’avère
que ceux d’une scolarisation adaptée demeurent moins élevés que ceux de l’assistanat
social. La scolarisation représente un moyen d’être autonome pour les Roms qui,
parfois par fierté, refusent de dépendre des services sociaux. Elle peut également leur
permettre d’acquérir les outils pour s’adapter à un environnement changeant et les
moyens de se défendre contre les pratiques assimilationnistes. La transformation des
conditions d’existence et d’exercice des activités professionnelles des Roms stimule
leur volonté de scolariser leurs enfants, mais dans une école adaptée favorisant
l’intégration de ces derniers et non pas leur assimilation, leur marginalisation ou leur
rejet.
Par ailleurs, une grande partie des Roms souhaite que l’école n’empiète pas sur
les prérogatives éducatives de leur communauté. Contrairement à la plupart des
sociétés environnantes, ils refusent que l’école aille au-delà des apprentissages
scolaires, c’est-à-dire qu’elle prenne en charge les apprentissages sociaux et culturels.
La communauté rom tient à assurer et à assumer l’éducation en tant que telle, mais
accepte les apprentissages relevant de la scolarisation. Elle récuse donc pleinement la
notion de ‘parents d’élèves’ et privilégie celle de ‘parents d’enfants’.
Un Rom sur quatre demeure illettré. Les filles sont davantage touchées: trois sur
quatre ne terminent pas leur scolarisation primaire et une sur trois est illettrée (une
sur vingt dans la population majoritaire). 38% des Roms ne terminent pas
l’enseignement primaire (4% pour le groupe majoritaire), 33% l’enseignement
élémentaire. Ils ne sont que 8% à achever l’enseignement secondaire (64% pour le
groupe majoritaire). Les enfants roms passent deux fois moins de temps à l’école que
les autres (respectivement 4.5 et 10 années) (PNUD 2006, pp. 2930).
Dans une grande partie des pays européens, les élèves roms sont massivement
l’objet de discriminations et de formes d’exclusion dans les écoles, mais ils
commencent depuis quelques années à bénéficier dans certains États de la mise en
place d’approches interculturelles en éducation en faveur des minorités et des
immigrants (EUMC 2006a, pp. 56). Cependant, le niveau éducatif de la population
rom en Europe demeure inférieur à celui de tout autre groupe socioculturel. Les
adultes sont massivement analphabètes, à commencer par les femmes, ce qui pose de
sérieux problèmes concernant l’accès à la formation professionnelle et ultérieurement
à celui de l’emploi. Si leur scolarisation s’est progressivement généralisée et
améliorée, les problèmes d’absentéisme subsistent, ainsi que des difficultés pour
suivre certaines ‘routines’ et pour obtenir des diplômes scolaires. La présence
d’éléments sur l’histoire et la culture roms dans les manuels scolaires, dans les
curricula et les pratiques enseignantes demeure limitée et parfois inexistante. Les
relations entre les familles roms et l’école sont souvent difficiles ou n’ont pas lieu. Il
apparaı̂t que c’est durant la fin de la scolarité obligatoire, vers 1216 ans, que la
plupart des enfants roms encore scolarisés quittent définitivement l’école. Sans
diplômes et devant l’absence d’alternatives éducatives leur permettant de se préparer
à l’accès au marché du travail, ils se trouvent alors dans une situation critique (FSG
2006, pp. 56).
Par ailleurs, la paupérisation et la dégradation des conditions de santé chez les
Roms, principalement dans les anciens pays de l’Est, ont des incidences sur la
scolarisation de leurs enfants. Elles sont liées en partie aux pressions des autorités
administratives et politiques pour les sédentariser, les assimiler et leur faire
abandonner des activités économiques qui leur permettaient de rester dynamiques
et flexibles dans des circonstances fluctuantes. Ainsi, les difficultés qu’ils rencontrent
en matière de stationnement (pour les nomades) ou de logement (pour les
sédentaires) tendent à accroı̂tre les problèmes de santé et ont des effets négatifs
sur la scolarisation des enfants. La contradiction entre l’obligation scolaire et
l’interdiction de stationner en témoigne pleinement. L’école apparaı̂t comme un
élément d’un environnement global perçu de manière coercitive par les Roms, une
obligation de plus, un instrument d’assimilation forcée présentant le danger d’une
déculturation, même si elle peut aussi former. En effet, si l’école permet d’apporter à
chacun les instruments et les moyens de son autonomie au-delà de l’éducation
familiale, la noblesse de ses objectifs tend à masquer le travail sournois de mise en
conformité par assimilation auquel elle contribue (Liégeois 2007, pp. 173174).
Un certain nombre d’États ont commencé à réagir en adoptant des mesures
favorisant l’égalité des chances, comme l’octroi de bourses d’études aux élèves roms
dans le secondaire et à l’université. C’est le cas du Portugal où des médiateurs
culturels roms ont été formés afin d’assurer une présence dans les écoles recevant des
enfants roms et de favoriser les rapports entre les familles et l’école en renforçant le
dialogue interculturel. Des cours de ‘diversification’ ont également été organisés afin
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Pratiques se´gre´gationnistes
Dans le contexte des politiques d’assimilation, l’intégration par le handicap a été et
continue à être dans une moindre mesure dans des proportions variables selon les
pays, une tendance forte de l’institution scolaire à l’égard des Roms, notamment ceux
dont la langue maternelle n’est pas la langue de l’école, dont le comportement est
considéré comme atypique pour une classe ordinaire, dont les âges ne correspondent
pas à ceux des autres enfants. Ces enfants, considérés comme des ‘handicapés
sociaux’ sont orientés comme des ‘retardés mentaux’, s’appuyant sur les résultats de
tests totalement inadaptés à ces élèves. Il arrive que les parents roms acceptent
l’arbitraire de ces décisions en pensant que leurs enfants seront davantage protégés
dans ces structures. Cependant, leurs progrès dans ces classes se trouvent de fait
limités et le niveau ou le diplôme qu’ils peuvent parfois obtenir ne leur permet pas
d’accéder à un apprentissage et encore moins à un emploi. Dans de nombreux États
européens à l’Ouest comme à l’Est les proportions des enfants roms envoyés dans
ces classes sont bien supérieures à celle des autres enfants et atteignent parfois 80%
des enfants roms scolarisés. Contrairement aux classes spécialisées qui sont adaptées
à ces élèves, la scolarisation des élèves roms dans les classes spéciales durant plusieurs
décennies a favorisé l’absence de résultats scolaires, leur stigmatisation, la culpabil-
isation des parents, l’image négative des enseignants, des autres élèves et des parents
de ces derniers vis-à-vis d’eux. L’intégration erronée et abusive de ces enfants dans les
filières banalisées d’un enseignement spécialisé est un effet pervers important des
structures scolaires communes (Liégeois 2007, pp. 180181).
Dans les années 2000, la ségrégation systématique des élèves roms dans les
politiques éducatives des pays de l’Union européenne tend à disparaı̂tre. Des
pratiques ségrégationnistes perdurent néanmoins, le plus souvent de manière
indirecte, résultant des politiques locales des chefs d’établissement, des pratiques
enseignantes et de la ségrégation résidentielle. Les enfants roms peuvent être placés
ensemble dans une partie de la classe ou être amenés à suivre un curriculum allégé
dans une autre salle qui leur est réservée. En percevant des besoins différents chez ces
élèves ou en considérant qu’ils ont des difficultés d’apprentissage ou qu’ils présentent
des problèmes de comportement, les autorités éducatives ou les établissements
peuvent décider de leur ségrégation, allant jusqu’à les placer dans des ‘écoles
spéciales’ pour handicapés mentaux. Certains États comme la Hongrie, la Répub-
lique Tchèque, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie sont concernés. Cependant,
des mesures commencent à être prises pour examiner les procédures de test et de
placement en prenant davantage en considération les normes, les pratiques et les
valeurs culturelles des enfants roms (EUMC 2006, pp. 78). En effet, suite aux
témoignages recueillis par des organisations humanitaires sur ces ‘écoles spéciales’,
l’Union européenne a incité les pays concernés à mettre leur législation en
conformité avec les lois internationales relatives aux droits de l’Homme et de mettre
en place des mesures spécifiques permettant d’aboutir à des résultats mesurables en
matière de déségrégation (ERRC 2007, pp. 89). Cependant, quand des mesures de
déségrégation sont appliquées en cherchant à rendre les classes hétérogènes, elles
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peuvent entraı̂ner des réactions négatives chez les parents non-roms qui vont
chercher à scolariser leurs enfants dans des établissements éloignés des communautés
roms ou présentant des critères d’inscription exigeants ou des frais de scolarité
importants. Ces pratiques ont été constatées dans plusieurs pays: Hongrie, Slovaquie,
République Tchèque, Chypre et Espagne (EUMC 2006, p. 9).
Approches pe´dagogiques
Chez l’enfant rom qui est scolarisé, la superposition des codes et des registres
culturels et scolaires crée des antagonismes ou des différences qui nécessiteraient des
approches pédagogiques fondées sur la reconnaissance, la compréhension, le respect,
ainsi qu’une souplesse de fonctionnement. Quelles que soient leurs origines, les
caractéristiques culturelles des élèves peuvent devenir l’une des composantes de la
dynamique scolaire en servant de fondement à la pédagogie.
Dans la plupart des pays européens, les enfants roms sont bilingues (langue
maternelle et langue officielle du pays) et souvent trilingues ou quadrilingues
(langues des pays voisins). Cependant, cette ouverture et ces compétences
linguistiques sont généralement considérées comme des handicaps dans l’institution
scolaire, tandis que le statut de la langue romani demeure très faible dans la plupart
des pays. Historiquement, le fait de parler le romani a été condamné par de
nombreux États aux XVI8 et XVII8 siècles et suivi par des expulsions ou des tortures,
comme ce fut le cas en Hongrie où la reine Marie-Thérèse les obligea à changer de
nom en Espagne ou en Finlande où leur langue pouvait être coupée lorsqu’ils
étaient pris à parler le romani. Durant le XX8 siècle, dans un certain nombre de pays
sous domination soviétique, comme la Bulgarie, l’emploi de cette langue dans les
endroits publics était interdit. Les noms roms (mais aussi à connotation musulmane)
ont été changés et les stigmatisations y compris à l’intérieur de l’école les ont
conduit à éprouver de la honte d’appartenir à une minorité et d’employer leur langue
maternelle.
Dans les années 1990, les problèmes n’ont pas été résolus et se sont aggravés avec
l’apparition du chômage, favorisant leur paupérisation. Répondant rarement aux
attentes disciplinaires et socioculturelles des enseignants du fait de leur éducation
traditionnelle, les élèves roms sont souvent relégués au fond des classes ou envoyés
dans des écoles spécialisées pour enfants handicapés ou retardés mentalement. Les
familles roms disposant encore moins de ressources économiques qu’avant l’effon-
drement du bloc communiste (où tout le monde disposait d’un travail), leurs enfants
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parfois un mélange des deux qui sont promus actuellement dans le sens de
l’intégration des enfants roms.
La diversité des structures d’accueil pour les élèves roms permet de répondre aux
différents souhaits des parents, mais demeure insuffisante en termes de polyvalence
pour s’adapter à cette variété. C’est davantage par leur complémentarité (passage
d’une structure à l’autre ou utilisation simultanée de plusieurs) et par leur souplesse
d’utilisation qu’elles deviennent avantageuses. Cette complémentarité permet d’éviter
une spécialisation à outrance qui tend à stigmatiser les enfants dans les classes
spécialisées, mais aussi leur ségrégation, à commencer par le rejet, et la normalisation
à travers le refus des différences et la rigidité dans les classes banalisées (Liégeois
2007, pp. 179184).
main-forte à leurs collègues du monde rural afin d’obtenir des financements, mais
surtout les aider, notamment sur le plan de la gestion éducative.
La Constitution roumaine déclare que les minorités nationales disposent du droit
à recevoir un enseignement dans leur langue maternelle et que, selon les besoins
locaux, des groupes, des classes, des sections ou des écoles dispensant un tel
enseignement peuvent être organisés. Depuis 1999, la langue et l’histoire roms ont été
intégrées dans les programmes d’enseignement. En 20052006, 0.18% des enseig-
nants sont Roms (490 sur 280,000). Il apparaı̂t que le niveau de formation des
enseignants roms demeure insuffisant comparé à celui des autres enseignants. Des
lacunes ont été constatées en littérature romani. Une partie des enfants roms suit des
cours dans des classes en langue romani avec un enseignement portant sur l’histoire
des Roms, mais ils n’ont pas encore accès à des supports de lecture en romani
(FNASAT 2007).
Les élèves roms sont au nombre de 220 000 entre le primaire et le lycée.
Seulement 40% fréquentent le préscolaire, notamment parce qu’il n’est que
partiellement subventionné (les parents doivent payer une partie des frais d’inscrip-
tion) et du fait des possibilités d’accueil limitées (la priorité est donnée aux enfants
dont les parents ont un emploi stable). Vingt pour cent d’enfants roms ne sont
toujours pas scolarisés dans le primaire, du fait de la pauvreté de leur famille, de
l’absence d’infrastructures routières ou de transport public (et quand il existe de sa
gratuité), mais aussi du mode de vie rom qui privilégie le travail des enfants pour leur
famille (REF 2007, pp. 3839).
La situation socioéconomique des Roms a un impact direct sur la scolarisation
des enfants. Lors de notre enquête en 2007 (régions de Timisoara et de Sibiu), nous
avons constaté que les conditions de pauvreté d’une grande partie des Roms
représentent une entrave à l’accès à l’école et/ou à une scolarisation égalitaire avec les
autres élèves, mais que cela concerne aussi l’accès aux soins de santé, au logement,
aux services publics et à l’emploi. Ces difficultés semblent toucher davantage les
familles situées en milieu rural, logeant le plus souvent dans des habitations précaires
(sans électricité, gaz ou eau courante), avec un mode de vie au jour le jour.
L’enseignement préscolaire est peu présent en milieu rural et même quant il existe,
ces populations n’y ont pas accès. Après avoir quitté l’école primaire de leur village,
les rares enfants roms qui poursuivent leur scolarité doivent souvent rejoindre un
collège dans un autre village situé à plusieurs kilomètres puisque le village dans
lequel ils vivent dispose rarement d’un collège et encore moins d’un lycée ou d’une
école professionnelle. Ces voyages quotidiens s’avèrent difficiles, voire impossibles
quand il n’y a pas de transport scolaire mis à leur disposition. Comme leurs familles
ont rarement les ressources suffisantes pour les envoyer poursuivre leurs études dans
un autre village ou en ville, leur scolarisation s’arrête généralement au primaire. De
plus, même si ces élèves manifestent un intérêt pour les études, leurs préoccupations
quotidiennes demeurent avant tout celles de leur famille : maladies, dettes, besoins
pour survivre. Il semblerait que ce soit l’obtention de l’allocation scolaire et de l’offre
des repas durant les quatre premières années de la scolarité obligatoire qui incitent en
premier lieu ces familles roms défavorisées du monde rural à scolariser leurs enfants.
Devant l’absence de conditions matérielles stables, la présence des élèves roms en
classe demeure cependant aléatoire, ces derniers étant plus préoccupés par la survie
du groupe familial, ce qui compromet leur réussite scolaire. En effet, ces enfants sont
amenés à travailler en dehors, mais aussi pendant le temps scolaire, notamment les
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premiers mois de l’hiver durant lesquels les parents ne trouvent plus de travail
comme manoeuvres dans les fermes voisines, ce qui entraı̂ne une baisse importante
de leurs ressources financières et implique la recherche d’autres activités pour assurer
la survie du groupe.
Les familles roms que nous avons visitées en milieu urbain présentent un niveau
économique plus élevé, habitent le plus souvent dans des maisons modernes
disposant de l’eau courante, du gaz ou de l’électricité, dont certaines, imposantes
et richement décorées (notamment avec des sculptures extérieures) témoignent de la
réussite socioéconomique des familles (au sens large). Pour elles, la scolarisation va
de soi. Elle apparaı̂t fondamentale, notamment pour les garçons, soutenus
moralement et financièrement pour qu’ils achèvent leurs études secondaires et de
plus en plus afin d’effectuer un cursus universitaire. Pour certains, les études vont
leur permettre d’aider leur père à gérer les affaires de famille et à prendre sa
succession ultérieurement, ce qui nécessite de savoir au moins lire, écrire, compter et
communiquer. Pour d’autres, il s’agit de diversifier les sources de revenu, notamment
quand les activités traditionnelles (comme la chaudronnerie) sont entrain de
péricliter (se former à de nouveaux métiers dans les écoles professionnelles). Certains
commencent à utiliser les récentes opportunités d’ouverture vers l’enseignement
supérieur (bourses pour les Roms notamment) en préparant des diplômes
susceptibles de mener à des carrières plus administratives ou susceptibles de favoriser
la représentation des communautés roms dans la vie publique locale ou nationale,
voire européenne. Ils restent cependant très attachés à l’éducation familiale et
considèrent qu’elle permet de ne pas perdre pied dans le monde qui les entoure.
Même s’ils occupent de nouvelles professions dans les grandes villes, les valeurs
communautaires, notamment la solidarité, continuent à être privilégiées et main-
tenues au-delà des fêtes traditionnelles et des voyages fréquents et réguliers qu’ils
effectuent pour retrouver leur famille.
La scolarisation des filles est bien davantage acceptée dans ces milieux urbains
favorisés que dans les milieux ruraux déshérités, mais se termine encore assez souvent
au collège (pour des raisons familiales, mariages précoces notamment). Elles sont
cependant de plus en plus nombreuses à s’engager dans une profession en dehors de
leur communauté, souvent comme ouvrières ou employées, quelques-unes comme
agent dans la fonction publique (y compris dans la police municipale), alors que la
plupart des mères sont femmes au foyer après avoir suivies une scolarisation jusqu’au
primaire.
Nous avons constaté des différences importantes entre les écoles (en termes de
moyens), les enseignants (en termes de formation) et les élèves (en termes
d’apprentissage) du monde rural et des villes. Les écoles de village fréquentées par
les milieux défavorisés présentent un niveau d’enseignement moins élevé que les
autres: les enseignants sont moins formés, moins motivés, considèrent souvent leurs
élèves comme moins bons que les autres, sont moins exigeants avec eux . . . Les
disparités ville/campagne sont donc importantes et ont des conséquences manifestes
auprès des populations défavorisées et/ou marginalisées comme les Roms. Certains
établissements du primaire, mais aussi du secondaire, continuent à discriminer les
élèves roms en les séparant des autres élèves, considérant qu’ils ne disposent pas des
mêmes potentialités que les autres pour progresser normalement dans leurs études.
Cette représentation qui relève du sens commun se retrouve encore chez de
nombreux enseignants, y compris dans le secondaire.
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Par ailleurs, il existe toujours des écoles spécialisées pour enfants roms qui
tendent à accroı̂tre encore plus leur ségrégation par rapport aux autres élèves.
Généralement, la plupart des familles roms interrogées apprécient de manière
variable ces établissements. Certaines pensent que leurs enfants subissent moins le
racisme, le rejet ou la discrimination des autres élèves et des enseignants que dans les
classes ordinaires, qu’ils acceptent mieux l’école et qu’ils réintègrent plus facilement
le monde familial puisque l’enseignement est plus adapté. D’autres considèrent qu’ils
renforcent une ghettoı̈sation déjà résidentielle et qu’il ne permet pas une réussite au
collège, les enseignants étant moins motivés pour les préparer convenablement à
celle-ci.
Par contre, les avis concernant les écoles spéciales pour enfants retardés ou
inadaptés dans lesquelles une partie des enfants roms continue à être placée sont
moins partagés, d’autant plus qu’il s’agit de familles urbaines et socio-économique-
ment favorisées. Elles ne sont pas appréciées du fait que la plupart des enfants roms
qui les fréquentent ne sont pas retardés ou inadaptées, qu’elles ne permettent pas un
passage dans le secondaire, même si pour certaines familles déshéritées, elles
présentent le seul intérêt de prendre en charge durant quelques années leur
progéniture en la mettant à l’écart des privations alimentaires, sanitaires et
vestimentaires.
Sur le plan de la formation, la plupart des enseignants ne sont pas vraiment
préparés à recevoir des enfants roms dans leur classe, ne disposant pas ou de trop peu
d’éléments sur la culture, l’histoire et la langue roms. Cette situation devient encore
plus difficile lorsqu’ils doivent faire face à des élèves roms issus de groupes différents,
notamment minoritaires (comme les nomades).
En 2005, la Roumanie a initié la décentralisation de son système éducatif avec des
projets pilotes dans trois comtés, ce qui devrait être généralisé d’ici 2010. Afin de
mieux intégrer les enfants roms à l’école, des mesures d’accompagnement commen-
cent à être mises en place, comme les médiateurs roms dans les classes. Il s’agit aussi
de promouvoir l’enseignement du romani dans les classes en formant les enseignants,
en retravaillant les programmes et les manuels en prenant en considération la culture,
l’histoire et la langue roms. Cependant, la décentralisation concerne également celle
du financement du système éducatif, ce qui ne permet pas aux municipalités pauvres
d’offrir des conditions de travail satisfaisantes dans leurs écoles (manque d’en-
seignants et d’équipements, classes surchargées) et tend à défavoriser encore plus les
groupes isolés ou marginalisés.
Afin de favoriser l’accès à une éducation de qualité pour les enfants défavorisés,
dont les Roms, le ministère de l’Éducation et de la recherche (MEC) roumain et les
organisations roms ont été à l’initiative de la mise en place du projet PHARE financé
par l’Union européenne avec une assistance technique d’experts nationaux et
internationaux. Dans le programme PHARE 2000, il a été question d’améliorer
l’égalité des chances à l’école, le respect des droits fondamentaux de l’enfant, la
qualité de l’éducation à l’école maternelle, la prévention de l’abandon scolaire, la
possibilité d’obtenir une deuxième chance pour les élèves qui n’ont pas terminé
l’éducation de base, et de stimuler la participation scolaire des groupes désavantagés.
PHARE 2002 visait à désagréger les Roms à l’école, à favoriser la scolarisation des
enfants handicapés dans les écoles banalisées, et à créer un centre de ressources pour
l’éducation inclusive pour apporter une aide aux écoles en matière d’éducation
interculturelle. PHARE 2004 a repris certaines parties des programmes de 2000 et
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2002 en ciblant ses objectifs sur l’amélioration des conditions d’éducation préscolaire
et de finalisation de l’enseignement obligatoire, la limitation des abandons, la
création d’un comité départemental de soutien pour élaborer et mettre en oeuvre la
stratégie, ainsi qu’un groupe local de soutien afin de réaliser le plan de développe-
ment scolaire.
Ces programmes ont donc permis de travailler sur les questions de déségrégation,
d’interaction entre les communautés et l’école, de seconde chance et plus
généralement de qualité du milieu scolaire. Les résultats ont montré qu’il fallait
favoriser l’hétérogénéité des élèves dans les classes, valoriser les différences scolaires
et extrascolaires et améliorer la qualité dans les écoles accueillant principalement des
enfants roms. Des mesures stratégiques ont été recommandées: favoriser l’inclusion
de tous les enfants quelle que soit leur origine, créer des partenariats et des
collaborations avec les ONG roms, utiliser les médiateurs scolaires pour améliorer les
relations entre les communautés et l’école, mettre en place une formation continue
des enseignants sur l’histoire et la culture roms ainsi que des formations initiales
portant sur la langue romani, la culture et l’histoire roms, afin que l’identité rom soit
perçue par les Roms et les non-Roms de manière positive, tout en sachant que les
changements de mentalité espérés demanderont du temps (Danciu 2007).
En Roumanie, différentes expériences-pilotes ont abouti institutionnellement
comme l’utilisation de médiateurs roms dans les écoles. La Fondation SOROS a
souvent été à la base de ces initiatives dans plusieurs pays d’Europe centrale et
orientale. Ensuite, c’est souvent la Commission européenne qui prend le relais en
réunissant différents experts et organisations pour élaborer sur le plan national des
stratégies puis mettre en oeuvre les projets par le biais des agences de consultants.
Dans des situations similaires, d’autres mesures ont été proposées, comme faire appel
à des assistants roms, ce qui a posé quelques problèmes puisque la fonction
d’assistants du maı̂tre contribue à renforcer les rapports inégalitaires entre Roms et
non-Roms, ce qui serait moins le cas avec les médiateurs qui disposent d’un statut à
part. D’autres solutions ont été préconisées, notamment la constitution de classes
mixtes avec deux enseignants dont l’un est Rom.
La Fondation SOROS a également participé à la rédaction d’un manuel sur
l’histoire et les traditions roms publié par le ministère de l’Éducation nationale et de
la recherche, ainsi que d’autres livres portant sur la langue romani. Au niveau des
régions, il a été recommandé de mettre en évidence dans les manuels scolaires
l’histoire locale en prenant en considération l’ensemble des communautés (afin de
favoriser la déségrégation).
Alors que les autres minorités disposent d’un enseignement dans leur langue et
portant sur leur culture, cette orientation concerne les Roms depuis seulement
quelques années (une centaine d’écoles primaires et une école maternelle). Les
conclusions des différentes recherches préconisent que l’histoire rom soit intégrée à
l’histoire nationale et que la langue romani, à l’instar des langues des minorités, ne
soit plus seulement réservée à la seule minorité rom (Russ et Nestian 2007).
L’Institut interculturel de Timisoara a effectué des recherches dans des écoles
ayant un grand nombre d’enfants roms. Elles préconisent la nécessité de travailler
simultanément l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation intercul-
turelle dans la formation des enseignants, afin que les différences sociales et
culturelles du monde réel (dans la classe et à l’extérieur de l’école) soient prises en
considération. Ces questions qui dépassent l’école peuvent être travaillées au niveau
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