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M.

Buniva (EC) Le non verbal 1

Décryptage de la communication non verbale

On entend par non-verbal « tout facteur entrant dans le phénomène


communicatif qui ne concerne pas directement l’oral et l’écrit » et qui influence
notre communication sans que nous en prenions réellement conscience :
 Les territoires dans lesquels nous nous trouvons ;
 Les codes de reconnaissance de la « tribu » à laquelle nous appartenons ou
pas ;
 La distance qui nous sépare les uns des autres et qui définit les interactions ;
 La posture, globale ou partielle ;
 Les expressions du visage ;
 La gestuelle ;
 Les « artefacts » créés artificiellement par l’homme : parfums, vêtements,
accessoires…

Il est important de connaître l’impact sur la communication de ce non-verbal


afin de savoir comment les autres nous perçoivent (l’image de soi vue par les autres est
ici la seule qui compte) et comment apprivoiser son image1.

Selon Knapp et Hall (2005), dans une conversation ordinaire entre deux
personnes :
- 35% du contenu du message provient du canal verbal
- 65% provient de sources non verbales.

On est souvent inconscient de ce que l'on fait de notre corps, de notre voix ou
de l'espace qui nous entoure lors de nos interactions avec autrui, On agit et l'on
réagit sans réfléchir à la façon dont nos actions et nos réactions renforcent ou
déforment les messages verbaux que l'on émet.

À d'autres moments, il nous arrive d'utiliser consciemment des indices non


verbaux dans un but précis. Par exemple, on sourit à la personne que l'on rencontre

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Rares sont ceux qui aiment leur image : le malaise que l’on éprouve quand on se voit en vidéo vient du fait que cette
image n’est pas celle, inversée et bien connue, du miroir (car la caméra nous remet dans le bon sens !) : on redécouvre alors
son physique, sous des angles inédits, une image qui en plus est en mouvement ( miroir), comme autonome, sans contrôle
alors que l’on est soi-même immobile…
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pour la première fois, ou l'on serre fermement la main de celle qui nous reçoit pour
un entretien d'embauche.

1. Les fonctions de la communication non verbale

a. La réitération
Les comportements non verbaux renforcent (voire accentuent) le message
verbal en répétant le contenu.
Ex : On ouvre les bras en disant en même temps « bienvenue ».

b. La contradiction
Le comportement non verbal peut au contraire contredire ou annuler le
message verbal.
Ex : à la fin d’un cours, le professeur dit « Des questions ? » …mais tout en
rangeant ses affaires et en montrant qu’il veut partir !

c. La substitution
Les indices non verbaux remplacent parfois le message verbal.
Ex : un simple pouce levé pour dire à quelqu'un que l’on va bien.

d. La régulation
Enfin, les messages non verbaux servent parfois à réguler la circulation des
messages verbaux dans une conversation et à déterminer qui prendra ou cédera la
parole. On utilise le contact visuel, la posture, les gestes et la voix pour signaler
qu’on a fini de parler ou pour céder la parole à quelqu'un, ou encore pour montrer
qu’on écoute.
Ex : les hochements de tête qui montrent l’écoute

2. La « proxémique2 » : espaces et zones


d’interaction

a. La territorialité

Nous avons besoin d'avoir un territoire bien défini. La territorialité est une
variable importante de la communication interpersonnelle. Les exemples de
territorialité sont innombrables : votre place dans un train ou sur la plage, votre
chambre à coucher, la place que vous occupez dans une salle de classe, votre
voiture au milieu du trafic, etc…
Ces territoires, qui organisent notre quotidien, sont parfois durables, parfois
seulement ponctuels3 : en tout cas, tout envahissement de cet espace personnel est

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Proxémique : étude de la distance entre 2 personnes qui communiquent, ainsi que de la manière dont on
organise et utilise l’espace autour de nous.
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Ex : dans le métro ou une file d’attente, espaces tribaux ponctuels, on accepte des règles dictées par la nécessité
(promiscuité, contact, impolitesse…).
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vécu comme une agression et génère des comportements de défense ou des rituels,
donc influencent nos relations.

D’ailleurs, à l’instar des animaux, nous marquons notre territoire…sauf que


nos espaces à nous sont définis par des lois, des usages ou des objets qui réservent
notre espace, le délimitent ou le marquent comme étant le nôtre (la serviette et le
parasol à la plage, un vêtement ou un journal pour marquer sa place dans un lieu
public…).

On distingue 3 types de territoires :

1. Le territoire tribal : on fait partie d’un pays (avec son drapeau, son
hymne, son langage…), d’un club ou d’une association (avec sa charte, son
règlement, ses rites initiatiques…) ou… d’une entreprise (d’ailleurs tout visiteur
étranger est immédiatement « badgé » !).

2. Le territoire familial : le foyer est reconnu et validé par la loi, et à


l’intérieur de la maison on distingue encore des zones communes (le
salon…) et des zones personnelles (la chambre…).

3. Le territoire personnel : la place reconnue et acceptée par les


autres ; la distance que les autres nous imposent ou que nous
choisissons de garder est un bon moyen pour évaluer les relations de
travail : elle dépend un peu des habitudes culturelles (proximité plus
grande entre méridionaux qu’entre gens du Nord) mais surtout de la
représentation que chacun se fait de la situation, de la tâche à
effectuer, de la position et de l’attitude de l’autre.

b. La distance

Hall (1966) a défini quatre zones ou distances que l’on respecte dans la vie
quotidienne en fonction du type d’échange et de la relation que l’on
entretient avec l’autre personne :

1. La zone intime (distance de l’avant-bras, de 0 à 60 cm)

- Réservée aux personnes très familières, intimes ;


- Contact physique naturel, sens éveillés et facilement stimulés ;
- Toute intrusion y est perçue comme un geste agressif (volonté de
montrer sa domination), tout contact imposé met mal à l’aise
 cf. la proximité forcée dans le métro, ou le face-à-face de
deux hommes prêts à se battre
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2. La zone personnelle (distance d’un bras tendu, de 60 à


120 cm)
- Distance conviviale entre 2 amis, distance courante
entre des collègues
- On peut choisir de rester « ouvert » (on permet à un 3ème
personnage de se joindre à l’échange) ou « fermé » (=en
face à face, intrusion plus difficile) ;
- À tout moment, le contact est possible (on l’accepte).

3. La zone sociale (2 fois la zone personnelle, soit 120-


300 cm)
- Confidence impossible
- Distance sécuritaire et respectueuse (possibilité
d’aller serrer la main de qqn que l’on ne connaît pas,
néanmoins) ;
- Distance de l’interview, de la négociation, de
l’entretien, du dîner d’affaire (le bureau matérialise
concrètement cette distance sociale).

4. La zone publique (au-delà de la zone sociale)


- Distance réservée aux inconnus avec qui on ne souhaite pas d’interaction
cf. la distance maintenue avec les autres devant un ascenseur ou sur le
quai d’une gare…
- Distance d’un exposé, d’une prise de parole en public : communication plus
difficile (échanges peu personnalisés) plutôt adaptée à un message descendant
(d’un orateur vers un public docile).
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3. La « kinésie » : postures, gestes, expressions


faciales
La kinésie étudie le rapport entre les mouvements du corps, ou le langage
corporel, et la communication. Cela englobe :
 Les expressions faciales (en particulier regard, sourcils, front et bouche)
 La posture (ouverte ou fermée)
 Les gestes des mains et des pieds.

a. Postures et gestes

Tout changement de posture globale a une signification qui permet de lire en


temps réel ce qui se passe chez votre interlocuteur et comment il vit la
communication. Il faut observer en particulier les ruptures de posture : elles
témoignent de la manière dont on réagit à ce qui est dit et à ce qui se passe 4.

On distingue 4 types de postures de base (p/r à une


posture imaginaire neutre : debout, droit, bras le long du corps, pieds joints,
menton horizontal) :

Posture en contraction (=soumission)


 Tête rentrée ou inclinée, épaules basses, buste courbé,
coudes au corps, bras resserrés, jambes croisées,
pieds rentrés, mains repliées… L’espace autour de soi est étriqué…

Interprétation : timidité, introversion, malaise, mensonge…

Posture en rejet (=refus)


 Tête en recul, ou détournée p/r au buste,
bras « barrières », buste profil, appuis arrière,
regard désaxé p/r à la tête (= regarder de travers) …

Interprétation : fuite, défiance, rejet,


menace avant la riposte…

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Encore une fois, nos postures parlent à notre insu. Test facile : croisez les doigts ou les bras, puis… inversez ce croisement.
Que remarquez-vous ? Ce que l’on a fait d’abord naturellement et aisément, devient malaisé et plus laborieux…
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Posture en extension (=domination)

 Tête et menton hauts, épaules ouvertes, thorax développé,


bras ouverts, pieds ouverts, mains en pronation
(= paumes vers le sol) …
L’ensemble donne, volontairement ou non, une image
surdimensionnée de soi.

Interprétation : confiance excessive en soi, ego surdéveloppé,


arrogance, défi, mépris, désinvolture…

Posture en approche (=participation)


 Tête avancée, cou allongé, buste penché en avant,
bras vers l’autre, mains ouvertes, un pied en avant…
Recherche de partage, intérêt montré à l’autre,
volonté de réduire la distance tout en restant
respectueux.

Interprétation : sympathie, écoute, partage,


intérêt pour les propos tenus…

En entretien d’embauche, ces postures sont immédiatement repérées par les


recruteurs, qui peuvent interpréter l’état d’esprit du candidat :

Penché en arrière, Assis au bord de la Accoudé sur la table,


coude posé sur le chaise, tête baissée tête appuyée sur la
dessus du siège : vers la table : trop mal à main : simple
trop désinvolte ! l’aise ! spectateur, trop passif !
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Assis, bras croisés, en Assis au bord de la


chaise, bras croisés,
 Dos presque droit, au
remuant les pieds : sur fond du siège sans
la défensive, trop jambes croisées, tête
baissée : pas assez s’appuyer, mains posées
nerveux ! sur la table sans être
réceptif !
statiques : ouverture,
envie de
communiquer !

 A partir de ces postures de base, on doit porter attention aux propos et


aux postures partielles (= qui concernent telle ou telle partie du corps) pour voir
s’ils sont en accord ou non avec la posture globale.
Ex. Un collaborateur vous dit « je suis prêt à faire cette démarche », mais ses bras restent
croisés, il rentre un peu la tête, détourne le regard : il a encore des réticences ou s’apprête à
prendre une décision contre son gré…A vous de réagir !

Un bon moyen de rassurer son interlocuteur est …de lui ressembler ! Sans le
caricaturer, on peut adopter la même posture que lui, par exemple bouger avec lui.
C’est la technique de synchronisation (ou « miroir »).
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 A surveiller de près : les mains.

Paumes tournées vers le


ciel (« en supination ») :
Elles apportent partage,
bienveillance, ouverture, accueil,
volonté de réduire la distance, de
« porter » le message jusqu’à
l’autre.
Nb : symboliquement, cela signifie
« Regardez, j’ai les mains vides, je suis
sans arme, inoffensif »

Paumes tournées vers le sol


(« en pronation ») :
C’est une sorte de couvercle qui
apaise, mais aussi qui pèse et
domine, contrôle. Geste d’autorité,
de compétence, de maîtrise (de la
situation, des autres), bref de
pouvoir.

Paumes parallèles et
perpendiculaires au sol :
C’est un geste de cadrage, qui fixe
des limites (aux autres, aux
situations). Plus il est tranchant et
raide, plus il manifeste la rigidité, la
fermeté, l’attachement de celui qui
parle à son argument (cf. « c’est
comme ça, et pas autrement ! »).
Geste d’action, de détermination,
qui exprime aussi l’organisation,
l’ordre (de la pensée).

Paumes cachées (poing


fermé) :
Geste à la fois de crispation,
menace, colère, tension, mais aussi
énergique et déterminé (« en
avant ! »)
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Paumes en avant vers l’autre


(levées devant le buste) :
Geste pare-chocs ou barrière : il
marque le refus, le rejet en agissant
comme un repoussoir. Détermination,
refus catégorique, fermeture, blocage,
peur, interdit…

Bras tombant le long du corps,


paumes en avant :
C’est l’impuissance des mains vides, la
marque de l’incapacité, de
l’impossibilité, de l’impuissance, de la
résignation à la fatalité…

b. Visage et regards

Le visage est la partie du corps que nous regardons le plus lorsque nous
parlons à qqn : c’est là que s’expriment les mots et c’est là que les émotions sont les
plus représentatives. Tous nos messages émotionnels et relationnels passent par le
visage : comme on ne peut le mettre de côté, on déploie de grands efforts pour
maîtriser les expressions que l'on montre aux autres.

On utilise alors trois techniques de contrôle des expressions faciales :


 L’intensification : intensifier une émotion, c'est exagérer ses
expressions faciales afin de répondre aux attentes que l'on prête aux
personnes qui nous observent. Ainsi, on peut feindre, avec un grand
sourire, d'apprécier un cadeau qui ne nous plaît pas afin de ne pas décevoir le
donneur.
 La neutralisation : lorsqu'on neutralise une émotion, on atténue nos
expressions faciales afin que notre réaction paraisse plus appropriée.
On peut par ex neutraliser une émotion pour paraître fort : le décès d'un
proche nous attriste, mais on fait bonne figure en retenant nos larmes.
 La dissimulation : la dissimulation consiste à remplacer une émotion
par une autre émotion susceptible de susciter une réaction plus
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acceptable chez notre entourage. Les femmes vont souvent pleurer
lorsqu'elles sont en colère. Les hommes tristes se mettent en colère.

Les 80 muscles du visage permettent de créer plus de 7000 expressions !


Pourtant, la plupart des gens sont assez habiles à déchiffrer avec précision les
indices faciaux, à partir des 7 émotions fondamentales de l’homme répertoriées
par Paul Eckman en 1972 (et déjà par Darwin) qui en avait révélé l’universalité :

Si vous êtes capable d’identifier à coup sûr ces émotions, dites-vous que les
autres les repèrent aussi facilement chez vous…

Le regard est le premier geste de rencontre. Se regarder est la première


chose que font la plupart des gens qui se réunissent. Rencontrer le regard d'une
autre personne donne une rétroaction sur la façon dont elle nous perçoit. Cela peut
indiquer si le canal de communication est ouvert ou non. Il est beaucoup plus facile
d'éviter de parler à quelqu‘un ou de l'écouter si l'on n'a pas établi de contact visuel.
Le contact visuel entre deux personnes donne aussi des indices sur le type de
relation qu'elles entretiennent :
 D'une manière générale, il peut révéler un besoin d'inclusion ou
d'affiliation : on cherche alors le regard des autres. Le sujet « dominé »
(avec son supérieur hiérarchique) regarde plus quand il écoute son
supérieur, que quand il lui parle ; le « supérieur », en revanche, regarde
plus quand il parle que quand il écoute !
 Les personnes qui se plaisent mutuellement ont de fréquents contacts
visuels. Les femmes regardent globalement plus que les hommes, et c’est
dans la relation homme/femme que le temps d’échange de regards est le
plus élevé…
 Dans la zone sociale rapprochée (autour de 1m50), on passe 60% du
temps à regarder l’autre ; mais les regards réciproques (=se regarder en
même temps) ne font que 30% du temps. Conséquence : il est aussi
anormal de ne pas regarder qqn quand on parle, que de le fixer au
contraire exagérément !
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 Dans notre culture, le regard est assimilé à l’attention et l’intérêt qu’on porte, à
la concentration, à la franchise, mais aussi, s’il est trop insistant et directif, à
l’agressivité (en zone intime) ou à l’insolence.
 Quand qqn parle, il regarde moins son interlocuteur (41% du temps), que
lorsqu’il l’écoute (75% du temps).

Le regard se complète souvent du sourire, qui est une sorte de rire


ritualisé, codifié, maîtrisé. Il est une forme de rapprochement spatial, où l’on marque
sa non-agressivité. Le sourire est une marque de reconnaissance de l’autre et incite
à la convivialité, d’autant plus qu’il provoque une action communicative réflexe :
on a tendance à sourire en retour aux personnes qui nous sourient ; au contraire, on
détourne le regard ou on ne s’arrête pour parler à celles qui affichent une moue
boudeuse ou désapprobatrice.
Observez à quoi ressemble votre visage quand vous ne souriez pas, au repos :
certains ont une expression neutre, d’autres affichent un air hargneux, soucieux
ou au contraire détendu et souriant, selon que les commissures des lèvres sont
naturellement orientées vers le bas ou le haut… Corrigez le tir, le cas échéant !

Les hommes comme les femmes tendent à sourire lorsqu'ils recherchent


l'approbation des autres, mais, en général, les femmes sourient plus souvent que les
hommes. En fait, elles ont tendance à sourire même quand elles reçoivent un
message négatif…

c. Apparence physique

Êtes-vous sensible à l'apparence des autres ? Celle-ci influe-t-elle sur la


perception que vous avez d’eux ? Oui, sans doute…
Comme l'apparence véhicule certains messages, elle constitue un aspect
important de la communication non verbale. Nul besoin d’études pour démontrer que
les personnes séduisantes ont davantage de rendez-vous amoureux, obtiennent de
meilleures notes et sont jugées plus persuasives et sympathiques que les autres.
Les accessoires personnels comme les vêtements, les bijoux, le maquillage,
la coiffure, la barbe ainsi que les tatouages et les perçages, véhiculent des indices
non verbaux importants. On tire des conclusions sur l'âge, la position économique et
sociale, le niveau d'éducation, l'appartenance à un groupe, les compétences
athlétiques, la personnalité et les relations interpersonnelles des individus que l'on
côtoie en fonction de ces ornements.
80% du jugement porté sur un individu pendant les 30 premières
secondes reposent sur des éléments visuels (sans négliger l’impact du ton de la voix
ou de l’odeur…) et un recruteur ne pourra
s’empêcher de penser que si vous êtes
négligent avec votre apparence, vous le
serez nécessairement avec ses dossiers,
ses clients, le classement des documents
importants, son matériel, etc… L’excentricité
des vêtements est peut-être pour vous une
marque de personnalité originale, mais elle
peut aussi être vue comme un manque de
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cohérence du comportement face à des situations particulières ou délicates, un refus
d’insertion, une non prise en compte de l’autre.

4. La signification des gestes


Le geste est l’animation de la pensée : non seulement il illustre nos propos,
mais il décrit nos attitudes aux yeux des autres.
Il précède souvent la parole, de façon instinctive : pour arrêter une voiture, par ex.,
on fait le geste avant même de crier « stop » !

Le geste peut s’adresser :


 à soi-même parfois, dans le cas de la communication consommatoire 
Par ex. au téléphone on explique un trajet en… le mimant en même
temps ! Ou encore on lève les bras en criant « hourra ! » ;
 aux autres surtout, évidemment, dans tous les cas de la communication
instrumentale.

Nos gestes sont conditionnés par :


 nos racines, nos origines : mimétisme de l’homme avec son environnement
communicatif (par ex. la gestuelle des gens du Sud) ;
 notre culture, notre fonction : le statut, en particulier, interfère dans nos
comportements (par ex. un chef d’état ne doit pas montrer son embarras ou ses
émotions : ses gestes sont donc définis par un protocole) ;
 mais surtout notre état psychique et l’environnement du moment :
notre « ressenti » face à l’interaction de la communication vient souvent
parasiter les autres facteurs. Le geste spontané risque alors de trahir des
émotions qu’il n’est pas bon de dévoiler.

a. Toucher n’est pas anodin !


Le toucher est un autre canal de la communication non verbale. Notre
propension à toucher et à nous laisser toucher dépend, du moins en partie, de notre
culture. Réfléchissez : comment touchez-vous votre père ? Votre mère ? Votre frère ? Votre
sœur ? Une amie ou un ami du même sexe ? Une amie ou un ami du sexe opposé ?

Tant qu’il n’est pas trop intrusif et agressif, le toucher est assimilé positivement
à l'ouverture, l'aisance relationnelle et la capacité d'exprimer ses sentiments (les
femmes sont d’ailleurs plus enclines à toucher que les hommes).

 En 1977, Chris Kleinke fut le premier chercheur à travailler sur l’influence du toucher et la soumission
à une requête. Plus précisément, les chercheurs étudiaient le taux d’acceptation d’une requête, en
fonction du toucher. Les résultats furent éloquents, en voici le cadre :
Dans un premier temps un expérimentateur plaçait quelques pièces de monnaie sur la tablette d’une
cabine téléphonique. Il attendait ensuite qu’un utilisateur entre dans la cabine, puis en ressorte après
avoir téléphoné et s’être saisi de la monnaie. A ce moment-là, l’expérimentateur abordait le sujet en lui
demandant s’il n’avait pas trouvé de l’argent, qu’il avait oublié quelques minutes auparavant. Lors de
cette demande, dans la moitié des cas, l’expérimentateur s’arrangeait pour toucher l’utilisateur une à
deux secondes sur le bras. Pour l’autre moitié des utilisateurs, l’expérimentateur se contentait d’une
requête purement verbale, sans toucher la personne. Les résultats ont montré que :
 lors de la requête sans toucher, l’utilisateur restituait la monnaie dans 63% des cas
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 lors de la requête avec toucher, l’utilisateur restituait la monnaie dans 93% des cas…

Le toucher peut ensuite refléter le statut d'une personne. Les personnes


jouissant d'un statut élevé touchent les autres plus facilement et envahissent leur
espace plus souvent que les personnes de statut inférieur. La personne qui touche la
première est habituellement celle dont la position est la plus élevée. Elle est aussi
celle qui dirige l'interaction.

Ex1 : passeriez-vous votre bras autour des épaules d’un de


vos profs de l’université ? Pourquoi ? Vous comporteriez-vous
différemment si vous le rencontriez dans une soirée ?
Probablement pas.

Ex2 : Malcolm Gladwell (2005) a remarqué que 30% des PDG


des sociétés figurant dans le classement « Fortune 500 »
mesuraient au moins 1,88 m, alors que seulement 4 % de
tous les hommes atteignent cette taille… On peut en déduire
que le physique a été un des éléments de leur réussite.
Les études de Tiedens et Fragale (2003) établissent, quant à
elles, que les hommes d'affaires jouissant d'un statut élevé
regardent volontiers les autres en face, ont une posture
ouverte, font des gestes vigoureux, parlent très fort d'une voix grave, ne se gênent
pas pour interrompre les autres et envahissent plus facilement l'espace personnel
des autres tout en augmentant le leur : on recommande donc souvent aux personnes
qui souhaitent s'élever dans la hiérarchie de tout faire pour être perçues comme étant
plus grandes et plus bruyantes, voire impolies !…

b. La gestuelle

Quels gestes faut-il donc privilégier au moment où l’on parle ?

i. Geste rond ou geste en rupture, pointu ? 50-50 !

 Le geste rond :
- Généralement lent et porteur de douceur, calme, souplesse ;
- Arrondit les angles, rassure ;
- Geste de négociateur qui recherche
l’accord par la non agressivité.
Attention ! Trop de rondeur dans le geste
peut aussi donner l’impression
d’obséquiosité5 ou de mollesse.

 Le geste pointu, en rupture :


- Généralement vif et rapide ;
- Donne une impression tranchante et directive ;

5
Excès de politesse, de respect par servilité ou flatterie.
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- Marque le dynamisme et la rigueur ;
Attention ! Il peut aussi passer pour agressif et rigide, ridicule même
dans le cas de l’énervement ou de la colère (gestes tétanisés).

ii. Priorité absolu au geste haut !

 Les gestes vers le bas sont presque toujours porteurs de signifiants


négatifs : découragement, défaitisme, impuissance, désintérêt…

 Les gestes hauts ont au contraire une connotation active ou positive :


ils affirment la volonté, la suprématie, l’engagement, la réussite, ou
simplement que tout va bien ;

Rappel : debout, à l’oral, il faut maintenir les mains à hauteur du buste…

iii. Préférez le geste ouvert au geste


autiste !

 Les gestes ouverts s’offrent à la discussion, à


l’échange ; ils garantissent la bienveillance du
locuteur, sa franchise et son bien-être. Tous les
gestes d’accueil sont des gestes d’ouverture. Ce
sont des gestes qui marquent la prise en compte de l’autre, l’intention
de réduire la distance.

 Les gestes autistes vont vers soi et non vers l’autre, ils ne cherchent
pas à convaincre mais à se persuader soi-même ; ils se transforment
souvent en auto-contacts. Les gestes « barrières » vont dans le
même sens : ils font pare-chocs, définissent une frontière derrière
laquelle le locuteur s’abrite, refuse ou se met sur la réserve.
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iv. Des gestes rythmiques, et non parasites…

 Les gestes parasites sont « à côté » du message. Ils marquent un état
psychique, l’émotion, la peur, l’anxiété, la fatigue, l’agressivité, mais ne
correspondent pas au message que l’on veut faire passer. (Cf. infra les gestes de
dérivation).

 Les gestes rythmiques scandent la fluidité verbale, accompagnent le


rythme du locuteur ou du récepteur :
 Lorsqu’ils scandent le message, ils rythment le débit des phrases,
appuient sur les mots de valeur forte ; ils marquent ainsi la volonté de
convaincre, participent à la clarté du message…à condition qu’ils ne
soient ni trop mécaniques/répétitifs, ni trop agressifs.
 Lorsqu’ils régulent la communication, ce sont des gestes d’écoute
active, faits le plus souvent par un mouvement de tête (de haut en bas)
…qui n’est pas toujours un acquiescement mais qui indique tout
simplement que l’on suit les propos, le raisonnement, qu’on invite
l’autre à continuer, que l’on comprend (avant de répondre).
Nb. Les gestes régulateurs servent aussi bien à déstabiliser
l’interlocuteur : il suffit de manifester un changement comportemental
(sourcils qui se lèvent, hochement de tête désapprobateur, petit
sourire en coin…) pour que votre interlocuteur se pose des questions.

v. Typologie des gestes usuels.

Les gestes qui accompagnent la verbalisation


justifient les mots, les précisent ou les soulignent. On
distingue 5 grandes familles de gestes « illustrateurs » (leur fréquence est
variable selon les individus, et naturellement plusieurs gestes peuvent se combiner) :

 Les gestes déictiques (ou digitaux, gestes des doigts) :

 Les pointeurs : le doigt, généralement l’index, montre une direction. Il vise un


point précis ou une personne. Attention, pointé vers qqn, c’est un geste
menaçant.
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 Les compteurs : l’interlocuteur s’appuie sur


eux pour marquer un
certain ordre (chrono-)
logique.

 Les pinces : généralement exécutées avec l’index et le


pouce, les pinces d’air indiquent la précision, la détermination, la fermeté.

 Les gestes quantitatifs : Ils donnent la taille, la dimension,


la mesure de quelque chose. Ils montrent vraiment la valeur
importante des choses. Ces gestes quantifient, mais
peuvent aussi cadrer les choses dans un discours, précisant
ce qui est essentiel (généralement les mains fonctionnent
en symétrie, délimitent un espace, canalisent la pensée en
la limitant).

 Les gestes pictographes : ils dessinent dans


l’air les objets dont ils vous parlent. Généralement, on utilise
plutôt un geste pointeur pour dessiner (l’index surtout). Ces
gestes sont plutôt étriqués et petits.

 Les gestes kinétographes : ce sont les gestes


faits par le corps ou une partie du corps jouant l’action
racontée. Ils sont proches du mime.
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 Les gestes idéographes : Ils sont là pour dessiner une idée, une abstraction, un
concept. Sans la parole, on peut comprendre l’essentiel du message, mais cela
restera toujours un peu confus (les mains volent dans l’air, les doigts s’agitent
souvent dans un flou artistique…)
- Par exemple : si vous devez dire « demain » à une personne qui est loin, sans
pouvoir lui parler, il y a de grandes chances pour que vous dessiniez une arche avec
votre index (marquant donc le saut du jour). Et si on vous demande après-demain,
vous ferez deux arches…

vi. Gare aux gestes qui « dénoncent ».

Certains gestes, faits avec ou sans expression orale, non contrôlés, sont
généralement à côté du message et nous échappent : ils sont capitaux pour le
décodage car ils expriment souvent l’affectif, la pensée profonde que l’on voudrait
parfois cacher. On les appelle des « adaptateurs ».

 Les auto-contacts (self-adaptateurs) : grattages, pincements, caresses, contacts


avec la peau ou les cheveux… Ce sont des gestes de réassurance (on se touche pour
se prouver qu’on existe) qui marquent un état de réflexion intense ou de difficulté
interne. Ces auto-contacts sont à éviter : ils ne rassurent pas les autres ! En effet ils
sont tournés vers nous (gestes autistes), nous ferment aux autres et sont à côté du
message donc le parasitent.

 Les contacts autrui (hétéro-adaptateurs) : manipulations de


l’autre, prises de main, de bras, trituration (des vêtements). C’est
le même besoin de réassurance que ci-dessus, en communiquant cette fois en zone
intime.

 Les activités de dérivation (adaptateurs-objets) : prises d’objets, manipulations


(stylo, lunettes…), déplacements, appuis… Activités souvent inconscientes mais
significatives.

 Les gestes réflexes : ce sont les héritages autonomes de notre comportement


naturel ancestral :
- Poils hérissés sous le coup de la peur, de la colère.
M. Buniva (EC) Le non verbal 18
- Tremblements, qui manifestent la contraction musculaire, l’hypertonicité
(sous le coup du trac par ex.) et affectent aussi la voix : il faut bouger pour
masquer son trac !
- Sudation, effet d’une surchauffe : dans les cas extrêmes on peut prendre
une cuillère de sel une ½ heure avant un rendez-vous ou une entrevue…
- Rougissement : la respiration peut aider à faire redescendre l’afflux
sanguin, il faut désamorcer l’escalade en… prévenant par avance de manière
à en rire et à dédramatiser (« Vous allez me faire rougir ! »).
- Bouche sèche, par tétanisation des glandes salivaires.

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