Vous êtes sur la page 1sur 3

Compte rendu

Le récit«  Retour à Reims » de 2009 écrit par Didier Eribon, a connu un succès inouï dont la
singularité est de mêler à la fois l’autobiographie et la sociologie. Le début de l’ouvrage laisse
légèrement dans l’obscurité l’aspect objectif et sociologique de ses intentions autobiographique.
Puisque l’introspection n’est pas une méthode scientifique. On ne peut étudier quelque chose
scientifiquement qu’à partir du moment où celle-ci possède une extériorité par rapport à l’esprit. Or,
l’idée d’étudier des phénomènes collectifs par le biais de l’auto-socioanalyse rigoureuse effaça mes
doutes sur la scientificité de son récit. Entre-autre, Pierre Bourdieu l’avait déjà appliqué auparavant
dans son livre intitulé :« Esquisse pour une auto-analyse ». Dans lequel, il a livré comme Didier
Eribon son trajectoire personnel. La compréhension de rapport du sujet à ses expériences sociales
par le récit de soi, semble en effet être appliquée notamment dans la sociologie clinique.

Le philosophe, le sociologue, le militant gay, le professeur d’université et le chercheur a fait susciter


par son récit une véritable réflexion sur les déterminismes sociaux qui s’impose à nous du dehors.
L’auteur se livre à un déchiffrage des particularismes socio-historiques qui ont façonné le trajectoire
déchirant de ses parents.
Ébranlé par le décès de son père, il s’apprête à une pérégrination délicate et périlleuse en éclairant
l’histoire de sa famille ouvrière. Tout en essayant de comprendre toutes les particularismes sociales
qui nous tiennent dans un carcan perpétuel.

Les bribes de souvenirs de son passé la hanta sans répit. Il n’en serait pas laisser intact. Son abîme
social dont il est toujours prisonnière, sera le fil conducteur de son récit. Le désarroi provoqué après
la mort de son père, le conduit à mettre en exergue des mécanismes sociaux si forts que nul ne peut
guère s’en échapper. Il essaye de A l’instar de Karl Marx (1818-1883), il démontre que : « c'est
l'existence sociale qui détermine la conscience des hommes »1. L’auteur tend donc de conscientiser
les couches sociales sur la position dont ils occupent. Celle-ci caractérise nos manières d’agir, nos
façons de penser et de se sentir, qui deviennent partie intégrante de notre personnalité. Didier
Eribon a réussi de rompre littéralement avec la classe ouvrière. Pourtant, le refoulement dénié (au
sens freudien du terme) des habitus de son milieu social, ne serait point éternel. Il garde est soumis
à une double contrainte. D’un côté, la volonté de rester fidèle à sa classe d’origine et de l’autre côté,
l’effort ineffable de s’approprier des valeurs et des habitudes de sa nouvelle position sociale.

1
1 Karl Marx, Contribution à la critique de l’économie politique, "Avant propos", in Œuvres, t. 1, Gallimard, "Bibliothèque de la
Pléiade", p. 272-273

Il essaya de mettre à distance tout ce qu’il eut acquis dès l’enfance dans la classe ouvrière. La
méprise de la misère ouvrière, de sa physionomie indélébile et surtout sa inertie, il décida de la
quitter sous prétexte de son placard sexuel. Il entama alors une nouvelle page de la vie à Paris, où il
vécut ostensiblement avec sa orientation sexuelle. L’allégeance à sa classe ouvrière se termina au
profit d’une autre classe, ce qu’on appelle la « transfuge sociale  ». Néanmoins, une question
l’obséda : «  Pourquoi n’ai-je jamais écrit sur la domination sociale ? ». Il se sentit embarrassé de
ces origines sociales. Il plongea dans un milieu des intellectuelles où il lui fut impossible de se
comporter comme un fils d’ouvrier. En dépit des apparences, les propos péjoratifs, dédaigneux et
hâtifs à propos de la classe ouvrière, le touchèrent continûment. Même si, il méprisa sa résignation
devant un destin tout tracé. Cependant, il voya dans sa désespoir et sa inertie une certaine
explication, celle de sa histoire.

Pendant la Seconde guerre mondiale, la France fut occupée par l’Allemagne nazie de 22 juin 1940
jusqu’à la Libération progressive au cours de 1944. L’exode de sa famille empêchant sa mère de
faire des études et conduisant son père à faire des travaux harassants pour subvenir aux besoins de
ses proches. Politiquement, la Parti communiste parvint de s’implanter durablement au sein du
monde ouvrier en nouant un sentiment d’appartenance à la fois sociale et politique. La « classe
ouvrière » exista en tant que groupe en soi et aussi pour soi. Elle en fut consciente, mais elle refusa
les injustices qu’elle subirent. Pourtant, la construction d’une « Partie » en France ne signifia pas de
se lancer à l’assaut du système et de provoquer l’effondrement du capitalisme sous l’égide de
l’URSS. Tout simplement, elle fut épuisée, accablée, exténuée par des conditions de la vie ignobles
et paralysantes. Cela eut pour la conséquence l’aliénation de la classe ouvrière dont son père fut un
exemple par excellence. Le concept de l’aliénation développé par Karl Marx montre le fait que les
individus sont aliéné par la place que ceux-ci prennent au sein du capitalisme. La perte de
l’autonomie, l’exploitation des ouvriers, les tâches répétitifs, la déshumanisation, explique leur
inertie sociale.

Didier Eribon a réussit d’accomplir une tâche difficile en allant creuser des jalons de sa vie. Par le
biais de raisonnement scientifique, il nous offre un récit poignant et révélateur de l’existence des
classes. L’approche holiste lui permet de reconstituer l’ensemble du système par lequel les classes
se reproduisent. Tout en essayant de comprendre l’ordre des choses tel qu’il est et non comme il
devrait être.

2
Est-ce qu’on devrait avoir toujours des doutes sur ce que l’on est lorsqu’on sait de quelle manière se
comporte les autres ?
Angélique Vannel

Vous aimerez peut-être aussi