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Ill premLorrespondance
~~~~~no33, Il septembre 1975~~~~~~~==
de presse internationale


esomma1re argentine
ARGENTINE
Cinq militants du PST assassinés
ESPAGNE
p. 2
5 mililitants. du, PST
Une passe difficile - P. Rops
EUSKADI
p. 3
assassines
Sauvons la vie de Garmendia et Nous venons juste d'apprendre que 5 camara-
Otaegui - Déclaration de la LCR- des du Partido Socialista de los Trabajadores
ETA(6) p. 5 argentin (PST -- Parti socialiste des travail-
PORTUGAL leurs), organisation sympathisante de la Qua-
Les deux camps se radicalisent - trième Internationale ont été assassinés par
A. Udry p. 7 des gangsters fascistes. -Les corps de nos
camarades ont été retrouvés, criblés de bal-
L'accord unitaire p. 14 les, à Berisso, dans la banlieue de Buenos
Déclaration du Secrétariat Unifié de Aires, près de l'usine Propulsora. Les ca-
la IVème Internationale p. 15 marades as sas sinés -- Adriana Galdua, Anna
Maria Lorenzo, Lidia Agostini, Hugo Fri-
BANGLADESH gerio et Roberto Lascertales -- avaient mili-
Le coup d'Etat : ses origines et . té en défense d'une grève à la Propulsora.
ses conséquences - Javad Hussein p. 17 Ces assassinats sont les derniers d'une lon-
ANGOLA gue série qui visent à terroriser la classe
- ---
Vers la guerre civile ? - C. Gabriel p. 20 ouvrière argentine et son avant-garde. La
classe ouvrière argentine, forte de sa récente
EGYPTE grève générale victorieuse, saura certaine-
Arrestation de 20 militants révo- ment riposter auxoattaques désespérées de
lutionnaires p. 27 l'extrême-droit e : en organisant la solidarité
Le rapport de "Al-Akhbar" p. 29 et l'auto-défense la plus'~ large.

Solidarité contre la répression p. 30 SOLIDARITE AVEC LE PAST ET TOUTES


URUGUAY LES VICTIMES DE LA TERREUR FASCISTE
Liberté pour les prisonniers "ET DE LA REPRESSION !
POUR L'AUTO-DEFENSE OUVRIERE CONTRE
politiques ! p. 3 2
LES BANDES ARMEES DU CAPITAL!

INPRECOR 76 rue Antoine Dansaert - Bruxelles 1000/ Belgique


Correspondance de presse internationale --Organe bi-mensuel d'informa-
tion du Secrétariat Unifié de la IVème Internationale --Les articles signés
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UNE PASSE
PACO ROBS _ _ _ _ DIFFICILE___
Il y a un an , tout laissait présager en Espagne cée (voir ci-joint la déclaration de la LCR-ETA(6}
un effondrement imminent du régime fran- concernant la grève générale au Pays Basque},
quiste : l'impact colossal des évènements du c'est dans l'accélération de la crise de la dic-
Portugal, la maladie brutale de Franco, l'of- tature à l'heure où apparaissent des fissures au
fensive politique lancée par le PCE en cons- sein même de l'armée, qu'il fautchercherles
ti tuant la "Junte Démocratique" ,(1} Tout an- raisons du durcissement actuel du régime et
nonçait la fin prochaine de la plus vieille dic- comprendre qu'aussi dangereux qu'il soit, il ne
tature d'Europe. peut être qu'éphémère.

Aujourd'hui, la révolution portugaise piétine Le régime s'installe


et menace de s'enliser malgré les progrès
décisifs qu'elle a accomplis en un temps re-
dans 1' état d'exception
marquablement bref ; Franco a largement Au cours de l'été les arrestations se sont
repris en main les rênes du pouvoir et redonne multipliées contre les militants de l'ETA (V},
vigueur à l'extrême -droite fascisante ; la duFRAP(2), del'UPG(3). Undes principaux
"Junte Démocratique" se heurte sur son ter- dirigeants de l'ETA (V}, "Wilson", est tombé
rain à la concurrence de la "Convergence dé- entre les mains de la police qui le considère
mocratique" mise en place par le PSOE, toutes comme l'organisateur de l'attentat contre
deux cherchant en vain par des combinaisons Carrero Blanco. Nul doute que la peine de
de couloir à précipiter en douceur le passage mort sera prononcée contre lui, de même
à une démocratie bourgeoise libérale. qu'elle a été requise contre 5 militants du
FRAP accusés d'avoir abattu un policier à
Quoique aux portes de l'agonie, la dictature Madrid,
espagnole semble trouver ainsi un second
souffle dans une répression dont la violence De plus, lors d'un récent conseil des mlms-
et la férocité avaient été rarement égalées tres, Franco a fait adopter un décret - loi qui
ces dernières années. en suspendant deux articles de la Constitu-
tion garantis sant 1 1 inviolabilité du domicile
privé et limitant à 72 heures la garde à vue
C'est dans la puissante montée des luttes de sans inculpation, instaure de fait un état
classe dont le Pays Basque est la pointe a van- d'exception pour deux ans dan!'! toute l'Espagne.
Dans l' appare il d'Etat, l'extrême-droite re- classe ouvrière qui a suffisamment fait la
prend vigueur, Ce refuge dans l a terreur ne preuve ces derniers temps de sa force, de sa
saurait pourtant offrir d'issue au régime. combativité et de sa maturité.
Dernier recours de la dictature, l'armée à
son tour est touchée, Même si l'affaire Par ailleurs, la division profonde au sein du
semble aujourd'hui étouffée, l'arrestation de mouvement ouvrier au Portugal rejaillit éga-
9 officiers au début du mois d'aoüt a révélé lement en Espagne. Le PSOE qui avait refusé
l'existence d'un courant structuré en son sein de s'intégrer à la Junte Démocratique vient
qui s'oppose au régime franquiste, l'Union de constituer la "Convergence Démocratique",
militaire démocratique, sur un projet de collaboration de classe tout
à fait semblable, avec l'appui de certains
Cette organisation à laquelle le travail du secteurs de la démocratie-chrétienne, du
PCE ne semble pas étranger regrouperait Parti carliste et de deux organisations mao-
près d'un millier d'officiers. Bien qu'une . l'stes, le MCE et l'ORT. La présence de ces
liste de 300 d'entre eux soit tombée aux mains deux organisations révolutionnaires, parmi
de la police, aucune sanction n'a pu être prise les plus puissantes de l'extr~me-gauche, no-
à leur encontre . Le régime est miné jusque tamment en Euskadi où elles dirigent les com-
dans ses derniers appuis, missions ouvrières , apporte au PSOE une
caution de gauche et une influence dans l'a-
vant-garde ouvrière, assez inespérées.

A l'heure de L'encouragement puissant qu'avait signifié


la révolution portugaise le début de la révolution portugaise perd
beaucoup de sa force face à cette division du
Les évènements du Portugal ont une réper- mouvement ouvrier et à la politique de colla-
cussion directe en Espagne. Puissant accé - boration de classe où l'engagent ses organi-
l érateur de la crise de la dictature franquiste sations dans leur quasi totalité, qu'elles se
dans sa première phase, la révolution portu- trouvent dans la Junte ou dans la Convergence
gaise, par ses conqu~tes comme par ses incer- démocratique.
titudes pèse sur la situation actuelle.
En s'efforçant de maintenir le mouvement de
Les partis réformistes, le PCE en premier masse dans un rôle de pression sur labour-
lieu, croyaient y trouver d'abord une confir- geoisie, en refusant de le mobiliser direc-
mation éclatante de leur politique : il était tement dans un assaut généralisé contre la
possible de passer en douceur d'une dicta- dictature, les directions réformistes du PCE
ture décadente à un régime de démocratie comme du PSOE offrent au régime un sursis
bourgeoise sans déclencher un processus ré- inespéré. Le temps que s'abatte encore com-
volu tionnaire qui mette directement en cause bien de fois la hache du bourreau?
la propriété privée des moyens de production
et l'appareil d'Etat pourgeois. Depuis les le3.9.l975
évènements du ll mars et l'accélération bru-
tale de la révolution portugaise, les candidats NOTES
au rôle de Spinola se font plus rares et plus
discrets les bourgeois libéraux qui acceptent (l) La Junte Démocratique constituée en
d'ores et déjà une a lliance avec les partis aotlt 74 à l'initiative du PCE regroupait no-
ouvriers. tamment des secteurs de la démocratie-chré-
tienne, le parti carliste qui l'a quittée depuis
et deux organisations d'extrême-gauche
La Junte Démocratique const ituée il y a maoi'stes, Bandera Roja et le Parti du tra-
un an est à la recherche d'un deuxième souf- vail (ex-PC I). Bandera Roja a depuis fusionné
fle. Le PCE s'efforce de convaincre labour- avec le PC.
geoisie qu'elle a tout intérêt à p~écipiter la
relève de la dictature sous peine de devoir la (2) FRAP : Front révolutionnaire anti-fasciste
réaliser demain dans des conditions autrement et patriote. Organisation créée par les mao-
difficiles, face à un mouvement de masse l'stes du PCMLE.
beaucoup plus puissant. Mais ce lle-ci fait
montre d'un réflexe de classe élémentaire en (3) UPG : Union du peuple de Galice. Organi-
reculant devant la menace déjà présente d'une sation autonomiste liée à l'ET A (V). •
4
PLUS QUE

JAMAIS SAUVONS
CHAQUE

l\11NUTE
LA VIE
SUIVONS L'EXEMPLE
COMPTE
D'EUZKADI:

TOUS EN GREVE,

DE GARMENDIA TOUS EN LUTTE,

ETÜTAEGUI •
' • Jo~/: .- btouio Garme,u/ia

DECLARATION DU BUREAU POLITIQUE DE LA LCR-ETA (6}


TOUS DANS LA RUE

L'agression de la dictature est brutale et dans divers centres de Bilbao et la police mis
ferme. Elle est déterminée à assassiner à sac la Banque de Biscaye. La grève générale
Garmendia et Otaegui. La farce du procès au avec fermeture des magasins et manifesta-
cours duquel même les témoins n'ont pas re- tions très larges a caractérisé le climat gé-
connu Garmendia -- et, malgré cela, il fut néral dans la majorité des autres villes et
condamné à mort -- ne pourrait être plus villages de la province ; à Lekeito et Baskio,
scandaleuse. Pour la dictature , il s'agit avant la police a dispersé les manifestants en ti-
tout, d'un acte politique à la signification claire rant. A Bilbao également, les manifestations
démontrer au mouvement ouvrier ce que su- se sont succédées : 1 000 personnes à Algorta
biront ceux qui luttent pour la renverser. 400 personnes armées de barres de fer à
Erandio, manifestation à Portugalete et San-
Chaque minute compte. Mercredi prochain, turce, l 000 personnes dans le cent·re de Bil-
l'assassinat des deux militants de ETA (V) . bao.
sera déjà peut-être un fait. Seule la mobili- Le vendredi, l'arrêt fut total dans toutes les
sation la plus lar.ge et la plus déterminée des grandes entreprises et la grève générale se
travailleurs et de tout le peuple sera capable poursuivit dans les villages, les manifesta-
de l'empêcher. tions s'élargissant à d'autres endroits (San
Salvador, etc.).
L'Euskadi s' est lancée ouvertement dans la
1

lutte. Avec encore plus de force et d'organi- Dans tous les coins commencent à apparartre
sation qu'elle ne l'avait fait lors du procès de des organes de coordination et de direction de
Burgos en décembre 1970. L'appel unitaire la lutte : dans les entreprises où plusieurs
à la grève générale lancé par les commissions organes existent, ils se coordonnèrent pour
ouvrières et les organisations politiques (à diriger la grève. Des comités de grève sont
l'exception du Parti nationaliste} a été large- apparùs, comme celui de Sestas (coeur de la
ment appuyé. grande industrie de Biscaye}, formé par les
commissions ouvrières, les organes de quar-
En Biscaye, le jeudi, 5000 ouvriers des tiers et des enseignants et les organisations
grandes entreprises de la Margen firent grève ouvrières. Un comité technique se forma au
et divers ateliers des Hauts-fourneaux, de niveau de toute la grande zone industrielle,
Babcok-Wilcox, de Nava General Electrica, dans lequel se retrouvèrent les commissions
etc. s'arrêtèrent avec eux. A la Margen, rive ouvrières de toute la zone. les commissions
droite, des entreprises importantes s'arrêtèrent de quartiers, les organes des enseignants, les
également : Westinghouse, Mecanica la Pena, organes contre la répression et les organi-
Franco-Espaftola ... ). Dans la région de Ba- sations ouvrières.
sauri également : arrêts à Firest one, Eche-
verria, EDESA, Bandas, Ripolin ... Les tra- Le Guipuzcoa est la province dans laquelle
vailleurs des banques se joignirent à la grève la lutte a atteint les niveaux les plus élevés.
5
EUZKADI

Dès le jeudi il y eut un arrêt général dans A Aleva, le jeudi, il y. eut un arrêt à Aceres
toutes les entreprises de la province et une de Lledo, une des principales usines de la pro-
grève générale dans la grande majorité de vince et des manifestations eurent lieu à Vitoria.
la zone. La banque se joignit à la lutte à Cen- Le samedi, la grève s'étendit à plusieurs en-
tral, Hispano, Cajas de Ahorro , etc., tout treprises et une manifestation de quelques
comme les agences d'assurances. Les tra- 1 000 personnes fut organisée.
vailleurs et les médecins des hôpitaux se joi-
gnirent également à la grève. Certains com- Voilà le chemin qu'il faut suivre. Voilà la lut-
merçcants organisèrent eux-mêmes des pi- te qui peut arracher la vie de Garmendia et
quets d'extension de la grève qui paralysè-' Otaegui des griffes franquistes. L'Euskadi
rent le commerce. Les manifestations se ne peut pas rester_seule en ce moment. La
succédèrent au cours du jeudi et du vendredi mobilisation commence à s'étendre à d'autres
3 000 personnes à Zarauz, où participèrent endroits : arrêts dans la construction de toute
des femmes, des enfants et tout le village et la zone nord de Madrid et assemblées dans di-
où des barricades , furent dressées; 1 000 per- verses entreprises, ainsi que des actions de
sonnes à Renteria ; à Hernani tout le village commandos dans le centre de la ville; arrêts
descendit dans la rue, éleva des barricades de travail dans quelques chantiers navals de
aux sorties du village et répandit du verre Gijon ("El Digue") et agitation intense dans les
sur les routes pour empêcher l'avance des entreprises et dans les mines; manifestation
voitures de la police ; à Lasarte, il y eut des à Barcelone, à Séville et dans d'autres régions
assemblées dans le village ; à Mondragon de l'Etat espagnol. La solidarité internatio-
même les coopératives s'arrêtèrent, la grève nale s'étend également : manifestations et oc-
fut générale et les mères des prisonniers po- cupations d'am bas sad es à Stockholm, Paris,
litiques organisèrent une "retraite" ; à Elgoi- Rome, Bayonne, Hendaye, Toulouse, Amster-
bar il y eut également des barricades : à dam, etc ..
Azpeitia une manifestation de 1 500 personnes 1
Mais il est nécessaire d'agir vite. Il faut ac-
etc. Tout comme en Biscaye , la grève se dé-
tiver la lutte . L'unité dans l'action, le front
veloppa le vendredi et les manifestations conti-
unique de toutes les organisations ouvrières
nuèrent. La gr ève générale est complète.
contre la répression assassine est aujourd'hui
-- comme le montre l'exemple d ' Euskadi --
En plus d'un bureau unita ire au ni ve a u de la le che min l e meilleur pour la lutte. Il n' y a
province, la lutte de chaque village est dirigée pas de place maintenant pour le doute, l'atten-
par des bureaux de coordination composés des te et les hésitations. C'est le moment d'agir.
Commissions ouvrières , des comités d'usine , Et d'agir unitairement. L'Euskadi doit pou -
de s c om i t é s de q ua r tie r e t des comité s e n sei- voi r comp te r s u r tous l es p e uples de l ' E tat
gnants a insi qu e de s organisati ons politiques. espa g:p.ol e t sur toute l a classe ouvrièr e inter-
Aujourd'hui dimanche (31 août-- INPRECOR) nationale, non pas seulement pour un appui
de nombreuses assemblées très larges o n t eu symbolique mais , effectivement, sur 1 'unité
lieu dans presque toute la zone pour préparer de la lutte directe pour sauver la vie de Car -
la pour sui te de la grève. Malgré le fait qu'il mendia et Otaegui.
y a déjà eu quatre blessés par balles, malgré
la brutalité de la police et les arrestations, mal- Et pour cela, rompant le silence de la presse
gré la loi "anti-terroriste", la classe ouvrière officielle, il est nécessaire de populariser
et le peuple de Guipuzcoa se préparent à conti- l'exemple de la lutte des travailleurs et du peu-
nuer le combat. ple d'Euskadi. Et, en plus, il est nécessaire
de populariser l'exemple des prisonniers poli-
En Navarre des assemblées et des arrêts de tiques qui , unitairement, ont commencé une
travail se développèrent dans ne nombreuses grève de la faim dans toutes les prisons fran-
entreprises le jeudi et le vendredi. Ces deux quistes.
jours, il y eut des manifestations de plus de
2 000 personnes, parfaitement encadrées, les Suivons l'exemple d'Euskadi. Tous en grève,
manifestants portant des pancartes et des bar- tous en lutte , tous dans la rue. Comme le dit
res de fer. Le samedi il y eut des assemblées l'appel des prisonniers politiques de Ségovie :
larges des commissions ouvrières dans chaque Transformons cette attaque de la dictature en
entreprise d'abord, puis par secteurs; le soir, sa défaite irréversible et en une victoire ouvriè-
plusieurs piquets des commissions ouvrières re et populaire qui accélère son renversement
arrosèrent Pampelune de tracts. Aujourd'hui définitif.
dimanche, il y a une assemblée générale de
la ville, convoquée par les commissions ou- LIBERTE POUR GARMENDIA ET OTAEGUI
vrières et avec l'appui des militants de tous - LIBER TE POUR TOUS LES PRISONNIERS
les secteurs, pour impulser la grève générale POLITIQUES !
à partir de demain. JUGEMENT DES CRIMINELS FRANQillSTES
- DISSOLUTION DES CORPS REPRESSIFS
Depuis le début du procès, un Comité central ET DES TRIBUNAUX FRANQUISTES
de grève fonctionne, formé par les commis- -A BAS LA DICTATURE ASSASSINE '
sions ouvrières, les comités de quartiers et
d'enseignants et les organisations politiques.
6
31 aoüt 1975

portugal

les deux
camps
se radicalisent
Dur a nt les mois de juillet et d'aoüt, au Portu- te avant-garde ouvrière, traduit aussi la fermen-
gal, se sont mis en place les éléments propres tation profonde dans les rangs de l'armée.
à stimuler de nouvelles ruptures, de nouveaux
désaquilibres, des confrontations entre classes L'accumulation de cette matière explosive indi-
plus aigu~s. que déjà que toute période plus ou moins longue
de "conciliation" est exclue. La "révolution
A l'instar de la période précédant le 28 sep- tranquille" d'avril 1974 est terminée. Les heurts
tembre 1974, les deux classes fondamentales entre classes vont s'aiguiser.
de la société portugaise ne mesurent pas exacte -
ment les rapports de forces. Une vérification
dans la pratique indiquera si les espoirs de l'of- Pour la discipline ...
fensive de la bourgeoisie, ouverte par la démis-
s ion du gouvernement du Parti socialiste (PS)
contre «l'anarco-populisme»
et du Parti populaire démocratique (PPD) cor- La sortie du gouvernement du PS et du PPD, le
respondent effectivement à la réalité des rap- 10 juillet, doit être saisie dans le cadre de la
ports de forces ::;ociaux. La bourgeoisie portu- crise de direction politique bourgeoise de plus
gaise s'est déjà trompée! en plus accentuée. Une partie de la bourgeoi-
sie, après septembre 1974 et mars 1975, comp-
Dans les deux camps un processus de radicali- tait' sur le MF A, ou du moins sur des secteurs
sation se développe, sans qu'il ait trouvé enco- importants de celui-ci, pour tenter de réunifier
re une issue. l' armée et pour procurer un élément de stabili-
té relative permettant la transition de 1' Etat cor-
Dans l a brèche ouverte par les mobilisations du poratiste à un Etat fort. Certes, la bourgeoisie
PS, a ins i que par l' "opération des Neuf", l a portugaise était fortement divisée sur l a voie à
réaction s'est engouffrée. Pour la première suivre. Ceux mêmes qui a lors comptaient, en
fois depuis septembre 1974, elle relève la tête, dernière instance , sur le MFA, ne mettaient pas
s'organise et organise des secteurs de la petite- tous leurs oeufs dans le même panier.
bourgeoisie.
Mais, sous les effets combinés de la montée
Dans le camp de la classe ouvrière, les mani- du mouvement de masse, de l' ac tivit é autono-
fèstations des Commissions de travailleurs (CT), me grandissante des soldats, du débat politi-
des Commissions de moradores (CM) à la fin que dans les casernes -- ébullition stimulée
juillet et le 20 aoüt, ont exprimé la profondeur par l'hétérogénéité idérlogique du MFA --, la
de l a radicalisation de secteurs occupant une pla- crise au sein de l'armée et les divisions dans
ce décisive dans les bastions ouvriers de la région le MFA ne cess è rent de s'accroftre. Le MFA
de Lisbonne et de Porto. Parallèlement, 1' ac ti - s'avère manifestement incapable de stabiliser
vité autonome des soldats, leur jonction avec cet- et de remplir une fonction bonapartiste.
7
l'activité autonome
des soldats,
leur jonction avec
l'avant-garde ouvrière
traduit
la fermentation dans
les rangs de l'armée

Le "document guide" du 20 juin, adopté par Pour le PS, la lutte contre l' "anarco-populis-
l'assemblée générale du MFA, reconnaissait me" passe par la mise en place d'un gouverne-
et avalisait l'émergence d'organes d'auto- ment de Salut national apte à "faire respecter
organisation des masses laborieuses (Comis- la volonté populaire" et présidé par une "pe<-
sions de travailleurs, d'e moradores, assem- sonnalité du MFA". "Dans la situation actuel-
blées populaires). En même temps, il cher- le, le gouvernement de Salut national devra
chait à les intégrer dans le réseau des institu- avoir comme but immédiat de créer dans le
tions de l 1 Etat bourgeois. Cependant, cette po- pays un climat de confiance, de travail, de dis-
sition prise par l'asse1nblée générale du MF A cipline". Il devra aussi "réaffirmer le prin-
app a r a rt immédiatement comme peu suscepti- cipe que les commissions de moradores et les
ble de modifier la dynamique du mouvement de commissions de travailleurs sont les formes
m a sse qui va dans le sens d'un renforcement du pouvoir populaire qu'il faut développer tant
des structures de "pouvoir populaire". Les qu'elles ne prétendent pas devenir un "pouvoir
effets du "document-guide" sont d'ailleurs parallèle" à l'appareil d'Etat". Enfin, le gou-
contradictoires; la tentative d'intégration des vernement de Salut national devra promulguer
Commisions de travailleurs, de moradqres, une législation punissant sévèrement les mili-
des assemblées populaires, se double, de fait, ces armées qui devront être liquidées dans
d'une couverture "officielle" pour leur dévelop- le laps de temps d'un mois, comme d'ailleurs
pement ~ les "commissions de vigilance populaire" ou
toutes autres structures étant en possession
d'armes". Le texte continue en soulignant que
"sur cette question (des milices) il ne peut y
Soarè;; ne manque pas de le souligner. Le avoir de compromis : la constitution de milices
28 juillet, le secrétariat national du PS pro- armées partidaires conduirait à la désagréga-
duit un document intitulé "Vaincre la crise, tior~ à terme du MFA et amènerait inévitable-
sauver la révolution", dans lequel il s'expri- ment le pays à des confrontations tragiques qui
me sans détours sur les décisions de l'assem- constituent le rêve dé la réaction".
blée du MF A. Après avoir réaffirmé son sou-
tien au "Plan d'action politique", accepté par le Voilà pour la première facette de la "défense
Conseil supérieur de la révolution (document de la démocratie" et de la lutte contre l' "anar-
qui "assure "la construction du socialisme par co-populisme" qui se développe sous la houlet-
la voie démocratique"), le PS déclare que le te de la direction du PS. L'offensive lancée
"document-guide" compromet la concrétisa- contre le développement d'organes embryon-
tion de la voie démocratique, violant le pacte, naires de dualité de pouvoir se double évidem-
et ouvre un chemin, soit à l'anarco-populisme, ment d'une réaffirmation .d e la centralité des
soit au totalitarisme bureaucratique ... institutions de l'Etat bourgeois, de l'Assemblée
8
constituante contre le "pouvoir parallèle" ... gaise, de la force du bras militaire". Il ne
des ·commissions de travailleurs, etc •. Ainsi, s'agis sait donc pas pour le PS de rejetter le
le gouvernement de Salut national vis er a -- MF A en tant que tel, mais de faire jouer le
selon le programme du PS -- à "réaffirmer poids de la mobilisation pour tenter de resta-
l'autorité et la fonction publique exercée par biliser le MFA.
l'Assemblée constituante. Il est important de
fixer immédiatement les appointements des dé- L'offensive du PS a permis un regroupement
putés élus par le peuple, et nous (le PS) consi- dans les rangs de la bourgeoisie, Elle a pu lan-
dérons que c'est une atteinte à la dignité de cer pour la première fois des initiatives , sans
l'Assemblée constituante que cela n'est pas devoir subir immédiatement une riposte des tra-
encore fait jusqu'à maintenant" ! v ailleurs, riposte unitairê qui jusque là a ry-
thmé les étapes de la montée révolutionnaire
au Portugal. Cela doit aussi permettre d'é-
clairer la nature de la mobilisation de la social-
Raisons d'une démission démocratie.
Le PS donne alors l'explication de sa sortie
du gouvernement de coalition : l'autorité de
l'Etat ne peut s'affirmer, le gouvernement est
incapable de lutter "contre l' indiscipline du tra- Le document des neuf
vail et la démagogie installée comme règle Parallè lement, au sein du MFA, sous la condui-
dans quasi toutes les entreprises". Ce qui est te de Melo Antunès, est lancée une autre offen-
donc en jeu, ce n'est pas la lutte contre une pr é - sive qui acquiert un car act ère public dès le
tendue "dictature militaire", mais précisément 7 aoüt. Le "groupe des Neuf" est composé du
la démission d'un pouvoir civil qui ne trouve pas capitaine Vasco Lourenço, du major Canto e
les ressources nécessaires, vu la crise de l'ar- Castro, du commandant Vitor Crespo, du ma-
mée , pour faire appliquer ses décisions. "Dans jor Costa Neves, du major Melo Antunès, du
son exe1nplarité est posée la question centrale major Vitor Al v ès, du brigadier Franco Chai-
de l'autorité de l'Etat . Sans autorité révolu- ras, du brigadier Pezarat Coreia, du capitaine
tionnaire(!) il n'y a pas de révolution-- il y Sousa Castro,
a désagrégation sociale progressive qui conduit
à l'anarchie et qui ne peut que favoriser la
Antunès , ce politicien sous l'uniforme, fait
contre-révolution. Qui commande dans ce pays ?
surgir ainsi sur la scène politique une alter-
Le Conseil de la révolution ? L'Assemblée du
native à la crise du pouvoir. Une crise du
MFA ? Le COPCON ? La cinquième division?
pouvoir que son document caractérise ainsi
Les commissions de travailleurs ? La presse
"La question du pouvoir, c'est la question du
manipulée ? Les masses populaires, galvani -
pouvoir dans le MF A. La clarification de ce
sées par des manifestations contradictoires ?
problème est la tâche prioritaire. Sans cela,
Certainement qu'il n'y a pas de gouvernement. il n'est pas possible de s'attaquer à fond au
Et c'est pour cela que le PS sort du gouverne- problème de l'organisation de l 'Etat, en évi -
ment ... Les lois se modifient selon que les tant sa ruine complète".
pressions s'exercent dans un sens ou dans l'au-
tre. La propre autorité du MF A abdique devant Au même titre que le document politique du
l'influence croissante des groupes minoritaires, PS, le manifeste des Neuf met l' a ccent sur
comme ce fut le cas évident dans l'affaire Re- "la progressive décomposition des structures
publica, et à Radio Renascenca, où les déci-_ de l'Etat. Des formes sauvages et anarchi-
sions ne furent pas appliquées, les paroles du santes de l'exercice du pouvoir furent instal-
Président de la République et du Premier minis- lées un peu partout (y compris au sein des
trene furent pas honorées ..• ". Forces armées) ... Il est nécessaire de dé-
noncer vigoureusement l'anarchisme et le popu-
L'ouverture de la crise gouvernementale, suite lisme qui conduisent inévitablement à une dis-
à la démission du PS et du PPD, donne le si- solution catastrophique de l'Etat, dans une pha-
gnal d'une offensive du PS, suivi par un PPD se de développement de l a société où, sans
qui relève la tête avec précaution. L'initia- Etat, tout projet politique est inviable". Il
tive du PS doit exercer de l'extérieur une pres- s'agit, pour Antunès et ses acolytes de "r éu -
sion afin de permettre un réalignement des nir les conditions pour qu'il (le MFA) récupè-
forces dans le MF A, pour en faire un instru- re sa crédibilité et accomplisse sa vocation
ment apte à barrer la route au développement historique d'arbitre respecté et de moteur du
du "processus révolutionnaire", à réaffirmer processus révolutionnaire" (Jornal Novo du
l'autorité de l'Etat, à réin.staurer la discipline 7 aot1t 1975) .
dans les usines et dans l'armée, à briser les
embryons d'organisation de l'auto-défens e, Ce Sur le plan économique, l es Neuf proposent
projet est pleinement confirmé par Soarès qui "le maintien de nos li e ns avec l'Europ e, en
indique dans sa lettre du début septembre à renforçant et approfondissant les rapports
Costa Gomès que "le pouvoir civil, pour im- avec certains espaces économiques (CEE,
poser le respect de l'autorité révolutionnaire, AELE -- Communauté économique europé-
a besoin, plus que jamais dans la phase ac- enne, Association européenne de libre-échan-
tuelle de la désagrégation de la société portu- ge)". Au même titre où le PS affirme que "c e
9 "
PORTUGAL

n'est pas tellement les nationalisations qui ao1lt 1975). Il serait préférable d'affirmer que
sont en cause que les modalités et l'opportu- le véritable manque de définition dénoncé par
nité de leur promulgation" (comprenez : suite le capitalisme international n'est autre que le
aux mobilisations du 11 mars), les Neuf dé- refus d'obéir manifesté par les travailleurs por-
clarent que les "nationalisations se sont suc- tugais.
cédées à un rythme impossible à absorber".

Même s'il est vrai que le document des Neuf L'offensive ouverte
est dans divérses formulations plus "gauchi- de la réaction
sant" que le manifeste du PS, il ne peut faire
Mettant à profit les mobilisations du PS -- o'tl
de doute sur la nature de classe d'une opéra-
les mots d'ordre "contre la dictature commu-
tion conduite par celui qui élabora le plan d'ur-
niste" étaient en bonne place -- la réaction
gence économique publié en février 197 5.
dès le début juillet reprend confiance.
Un plan que le mouvement de masse balaya, à
un rythme insupportable pour ceux qui n'avaient
Son attaque se dév'-'loppe à divers niveaux.
envisagé la nationalisation des banques et des
Les multiples initiatives s'épaulent de fait les
assurances que comme simple possibilité pour
unes les autres sans être obligatoirement
le futur ;
coordonnées.

To·~te la logique de la position des Neuf va, Sur le plan international, l'impérialisme amé-
d'une part, dans le sens d'un renforcement des ricain et ses services parallèles développent
institutions de l'Etat bo:.ugeo).s --face à l"'anar- un chantage financier et des manoeuvres mili-
-;;hle" suscitée par la montée ouvrière et l'af- taires aux Açores, à Madère et en Angola. En
fir~ation plu_s_E-~tte, depuis mars 197 5, des outre, il n'est certainement pas absent-- di-
organes démocratiques à la base des travail- rectement ou indirectetnent -- da;1s la pt>épa -
leurs--, et, d'autre part, d 1 .1n renforcement ration des organisations para-militaires qui
de l'armée comme facteur de stabilité assu- opèrent dans le Nord du Portugal et utilisent
rant la transitio:c1 de l'Etat corporatiste à une l'Espagne comme tête de pont.
démocratie bo:.ngeoise apte à faire respecter
so~"J. autorité. Les références à "la construc- L'impérialisme européen joue à fo!)d la carte
tion d'une société socialiste , c'est-à-dtre de l'étranglement économique. Par la média-
d'une s ociété sans classe, où prenne fin l'ex - tion des gouvernements sociaux-démocrates
ploitation de l'homme par l'homme , se réali- de Schmidt et de Wilson, il trouve, de plus,
sant ..• graduellement , sans convulsions et un relai pour sa politique de pression dans
pacifiquement" ne trompent pas sur la fonction l'orienta:ion d•" la direction social-démocrate
objective du projet des Neuf. Même s;_ l'hétéro- de Soarès.
généité est grande , très grande, parmi ceux
qui se sont prononcés pour ce document -- et Conjointement à ce déploiement de force im-
donc s'il est absurde d'assimiler totalement périaliste, la réaction portugaise ~~~s-~
le porte-parole public de ce courant aux offi- se:'> bandes armées. L'acuité de la lutte de
ciers de la hiérarchie qui lui ont donné le sou- classes, la crainte d'une perte d•' contrôle
tien --, il n 1 en reste pas moins que la façon sur la base de l'armée, l'affaiblissement --
dont a été saisie la dynamique de cette offen- mais non pas la disparition·-- de l'appareil
sive se déroulant à la fois au dehors et~ l'inté- coercitif, stimulent dans des secteurs non né-
rieur du MFA trad.uit la compréhension qui se gligeables de la bourgeoisie ce genre d'ini-
dégagea dans la hiérarchie militaire du rôle de tiative.
possible sauvegarde des structures de l'Etat
bo•.1rgeois que remplissait l'initiative des Neuf. La convergence de ,fait entre les opératio:~s
lancées par Soarès ainsi que par les Neuf et
La dénonciation de l' "anarco-populisme", la le renforcement qualitatif de l'organisation de
proclamatio:1 de la nécessaire resta1.1ration la réaction a suscité une désorientation frei~
d'une "autorité démocratique" (cf. le Program- nant toute riposte décidée des travailleurs.
lne économique du PS), et de la "discipline dans L'incapacité du PCP à développer une réelle
l'entreprise", doivent servir à créer les pré- initiative unitaire vers le PS . lors de l'attaque
conditions pour un approfondissement des liens de ses locaux et de ses membres a évidemment
avec la CEE et l'AELE. Des liens qui.acquièrent accentué l'attentisme de larges couches ouvriè-
la forme concrète d'investissements industriels res.
du capital impérialiste.
Une combinaison fort dangereuse est apparue
Voilà les conditions exigées pour une aide par les durant les mois de juillet et ao1lt.
puissances capitalistes. Voilà l'angle véritable
sous lequel doit être posée la question formulée D'une part, une campagne sérieusement or-
à l'envers par le programme éconmnique d •l PS; chestrée est lancée par Costa Gomès-- cha-
lorsqu'il critique "le manque de définition des leureusement saluée par le PS, par Antunès et
conditions auxquels doivent obéir les investisse- Soarès. Elle se développe sur le thème: une
ments étrangers, quand même né ces saires au pose est nécessaire, la révolution est allée
développement du Portugal" (Jornal Nova, 23 trop loin. Vu la crise économique et sociale
1)
approfondie, ce leit-motiv ne manque pas de la gauche révolutionnaire de mettre l'accent
crédibilité dans certains secteurs de la classe sur la nécessité de l'auto-défen~e. Il est im-
ouvrière, sans parler de la petite-bourgeoisie, pératif de saisir toutes les occasions pour en-
d'autant plus vu la carence totale des divers courager la formation et le développement de
gouvernements à répondre aux besoins effec- milices ouvrières et populaires, ainsi que
tifs des masses laborieuses. leur jonction avec les soldats. Cette auto-
défense ne doit pas se baser sur des struc-
Une offensive s'ouvre donc contre les travail- tures minoritaires, mais elle doit prendre
leurs au nom de la stabilisation du "processus appui sur les organes de "pouvoir populaire",
révolutionnaire", une offensive qui ne suscite les Commissions de travailleurs, de moradores,
pas, vu sa nature pernicieuse, les ripostes à l'échelle du quartier et de la ville. Une cam-
données en septembre ou en mars et qui ont pagne minoritaire de la gauche révolutionnaire
rythmé jusqu'ici la montée de la révolution sur ce thème est de la plus haute importance
au Portugal. Cette offensive s'insère en outre dans la conjoncture politique actuelle.
dans la division de la classe ouvrière, sous-
tendue par le développement inégal de la cons- Ensuite, le mouvement ouvrier doit ~tre sus-
denee anti-capitaliste dans les rangs des ceptible d'offrir une réponse au mécontente-
travailleurs. ment de certaines couches de la petite - bour-
geoisie afin de réduire 1a base sociale sur la-
D'autre part, mettant à profit cette désorien- quelle peut s'appuyer la réaction. Ces solu-
tation et cette expectative dans la classe ou- tions doivent s'inscrire dans le cadre de pro-
vrière, la réaction mobilise ses troupes. positions d'ensemble indiquant que la satis-
Elle possède d·e nornbreux points d'appui. Une faction des besoins essentiels des masses la-
partie importante de la hiérarchie militaire, borieuses exige non pas une halte dans le pro-
qui a dü rentrer la tête dans les épaules du- cessus révolutionnaire, mais, au contraire,
rant de longs mois, est prête à servir ouver- un pas en avant sur le plan des revendications
tement des projets réactionnaires quand :;_'oc- comme sur celui de l'organisation des tra-
casion se présentera et à apporter dès aujour - vailleurs.
d'hui sa collaboration plus ou moins discrète ,
Dans les rangs de la police , multiples sont
les complicités a v ec les noyaux fascistes et
semi - fascistes. Les a .g ents de l'ex - PIDE -
La cnse dans l'armée
DGS fournissent les cadres de l'ELP et sup- En lançant son document, Antunès visait à
portent, depuis l'Espagne , l'infrastructure de resserrer les rangs dans l'armée et tout
ces bandes armées. d'abord au sein du MFA, Son document af-
firme que " la question du pouvoir est la ques -
Une fraction considérable des anciens colons tion du pouvoir dans le MFA", donc tous ses
"réfugiés" d'Angola --qui a t teindront le nom- efforts portèrent sur la stabilisation du MF A ,
bre de 3·)0. 000 en.novembre --peut servir sur une recomposition de son assemblée géné-
de masse de manoeuvre à la réaction et, y rale pour en faire un instrument effectif d'in-
compris à une campagne terroriste. En outre, tervention, un "arbitre respecté". Ceci cons-
une partie des cadres militaires aujourd'hui titue le préalable à toute tentative de rétablir
encore en Angola sont susceptibles de ren- la discipline dans l'armée, une discipline sans
forcer, demain, les rangs de la contre-révo- laquelle l'arbitre n'est qu'un manchot doublé
lution dans l'armée. Enfin, une base de masse d'un cul de jatte.
est fournie au projet réactionna ire. Premiè-
rement le clergé sous la houlette épiscopale Les résultats de l'off~nsive sont contradic-
de l'archevêque de Braga, da Silva, fonction- toires. Il ne fait pas de doute que le "groupe
ne comme fer de lance de la campagne an ti- des non-radicaux" -- comme titrait le "Jornal
communiste. N ovo" du 7 aoüt -- a fonctionné comme point
de ralliement de larges secteurs et aussi de
Il hurle au danger de"dictature'' au moment où la hiérarchie traditionnelle. Dans ce sens, son
les églises ne brülent pas mais où les sièges offensive a connu un succès plus spécifique1nent
du PC sont incendiés par les "croyants"~ si on l'envisage dans le cadre strict de la re-
Deuxièmement, le mécontentement de la petite- composition d'un courant dit "modéré" parmi
bourgeoisie -- spécialement du petit paysannat les officiers.
du nord -- est canalisée contre le mouvement
ouvrier essentiellement, pour l'instant, contre Mais se limiter là reviendrait à évacuer le
le PC et contre les organisations d'extrême- problème de la conjoncture dans laquelle a
gauche. Sur cette toile de fond, Spinola tente pris forme l'opération Antunès. Les travail-
de se profiler à nouveau comme unificateur de leurs en juillet et en aoüt, pour la deuxième
ceux qui proposent une attaque brutale contre fois apr è s la chute du régime salazariste
le mouvement ouvrier dans son ensemble. avaientdroitàdesvacances. Une pose se pro-
duisit donc dans la mobilisation de l'ensemble
Face à la recrudescence des activités réac- de la classe ouvrière. Cette accalmie fournit
tionnaires dans un contexte marqué par la au "groupe des non-radicaux" l'occasion d'o -
convergence objective, malgré les divergences, pérer sans devoir se confronter à une montée
de ces deux offensives, il est essentiel, pour des luttes, sans devoir décider quelles me sures
11
PORTUGAL
pratiques il faut appliquer face à une relance d'amendement apportées par des assemblées
du mouvement revendicatif. générales de soldats, au RALIS, au RIOQ (1 ).
Il a stimulé une fermentation politique jus-
qu'alors inégalée dans l'armée.
Si au milieu ou à la fin du mois de septembre ,
une nouvelle vague de luttes ouvriè res surgit" L'effet boomerang de l'initiative des neuf
elle agira comme révélateur de l'hétérogénéité
est évident. Il situe la recomposition partielle
du regroupement qui s'est formé autour d'An- opérée au niveau du MF A, ou du moins de son
tunès. Elle mettra à l'épreuve les appuis ac- Assemblée Gé.nérale, dans un contexte nouveau
acordés par le PS et les compromis passés qui éclaire mieux les limites de son prolon-
par le PC. Voilà une première faille dans ce gement vers la recherche d'une restauration
qui de façon trop empressée 1 est présenté de la discipline et de l'unité dans la base de
comme une véritable alternative à la crise de. l'armée.
direction politique de la bourgeoisie.
La publication de ce document du COPCON,
Ensuite le document d'Antunès provoqua l'ap- comme l'écho qu'il a recueilli dans les caser-
parition d'autres documents , spécialement nes , traduit le transfert de l'influence au sein
d'un texte alternatif écrit par des officiers ré- de l'armée de la gauche révolutionnaire dont
volutionnaires du COPCON et intitulé "Auto- la capacité de mobilisation s'était exprimée
critique révolutionnaire du COPCON". fin juillet et à nouveau au mois d' aoû.t.

Ce document souligne que "les propositions La réponse des officiers ré v olutionnaires du


' 1'
presentees ( par Antunes
' ) permettront une COPCON a de même déséquilibré le glisse-
récupération par la droite", que "ce ne sera ment de Carvalho v ers Antunès et contribué
certainement pas le maintien d'un gouvernement à affaiblir le mythe d'un brigadier dont l'atta -
de coalition qui permettra d'avancer vers la chement à l' "esprit de corps" explique son
construction du socialisme", que "prétendre insistance à maintenir l'unité du MFA.
construire le socialisme sans mettre en ques-
tion une démocr a tie bour g eoise, plus pr é ci- Si l' on a jout e à cela l a b a t a ille a utour de l a no-
sément capita liste" est tromp eur. (" Jorna l mina ti on de Gonç a l ve s à l a têt e d e l'é tat -ma j o r ,
Novo" , 13 . 8 . 75). a v e c le s di v ision s et l e s d é b a ts qu e cela pro-
vo q ua, il e st patent que l e "regroupement des
Il critique ensuite "l'insistance du MFA à modérés" se fait au s e in d'un MFA d é chir é
chercher à r é s ou dr e les contradi c tions au sur plu s d 'un e c outur e , e t su rt ou t , d ' u n e ar-
tr ave rs d e soluti on s d e c omp rom i s n égociés mée d an s l a quell e l a pol a ris a ti on fa c e a u x di-
a vec des p a rtis bour g eois". Enfin , il situe verses options en présence tend à s e clari-
le pouvoir des travailleurs dans la formation fier politiqu e ment.
et le renforcement de "ces organes (conseils
de fabrique et de quartier . . . ) qui doi v ent ser- Enfin, la crise du systè me hi é rarchiqu e s'ap-
vir d'instruments pour les solutions écono mi- profondit. Elle se m a nife st e aussi bien par
ques, qui doivent être les v éritables organes des revendications d'épuration d'officiers r é ac-
de pouvoir politique , uniques barri è res ca- tionnaires que par d e s actions faites en rup-
pables de s'opposer victorieusement à l'agres- tur e de commandement par des soldats. Ain-
sion fasciste et impérialiste". si, le 30 aoû.t , une compagnie du RALIS · s'est
rendue à Moscavice pour surveiller un dépôt
Les ambiguïtés et les insuffisances de ce de matériel de guerre , au moment où le bruit
texte sont nombreuses . Non seulement la courait d'une sortie des parachutistes d'Ama-
conception des organes de pouvoir démocra- dora, commandés par le réactionnaire Jaime
tique des travailleurs estentachée del'ultima- Neves. De même, lors de manifestations de-
tisme propre au PRP-BR, mais la critique vant s'effectuer dans le centre du pays, les
du PC est strictement limitée à une dénon- soldats de la caserne de Santa Margarida refu-
ciation de ses méthodes bureaucratiques , la s è rent de sortir avec des munitions.
nécessité de l'auto-défense n'est pas mise en
relief, le problème crucial de l'unité de la Dans le Nord même, cette crise du systè me
classe ouvrière n'est pas abordé . hiérarchique, cette "division horizontale",
s'exprime, même si cela est encore entaché
Cependant, ce document est apparu comme de nombreuses ambiguïtés. En effet , elle
une véritable alternative au document emprunte parfois des modes d'expression dé-
Antunès, du moins dans les casernes du Sud. formés et peut revêtir des accents anti-
Il donna surtout lieu à des débats réels parmi communistés ou avoir recours à l'accusation
les soldats se concluant par des propositions de social-fasciste. L'influence diffuse de l'idé -
ologie maoiste et social-démocrate (le PS uti-
lise aussi le terme de social-fasciste, corn~
me le PC parfois pour le PS •.. ) se combine
(1) RALIS : Régiment d'artillerie légère de curieusement avec des éléments d'une idéo-
Lisbonne logie réactionnaire.
RIOQ : Régiment d'intervention opéra-
tionnelle de Queluz. La forme de cette opposition à la hiérarchie
12
m
est d'autant plus compréhensible si on consi- sa force dans les principales entreprises de la
dère que, substantiellement, les structures région de Libonne et de Porto. Le 20 juin,
de l'armée ne se sont pas modifiées, que les 5 000 travailleurs particpaient à la manifesta-
officiers -- membres du MF A ou non -- man- tion appelée par les "comités révolutionnaires
gent dans le mess des officiers, reçoivent de de travailleurs"; cette manifestation, quelle
la meilleure nourriture, des salaires plus éle- qu'en fut la tonalité ultra-gauche, traduisit
vés, etc .. cependant une partie du processus de matura-
tion qui se dégageait dans des secteurs-clés
Tout le complexe de cette crise dans l'ar- de la classe ouvrière de Lisbonne, Le 20 aoüt,
mée, d'ailleurs inégale à l'échelle nationale ce sont plus de 50 000 personnes qui parti-
et suivant les armes, rend difficile pour l'ins- cipent à une mobilisation convoquée par la gau-
tant l'utilisation . de la force militaire pour ré- che révolutionnaire. La maturation de cette
tablir "l'ordre et la discipline dans le pays", avant-garde ouvrière s'exprime de même dans
sans risque de l'aggraver encore plus et, au la mise en avant de mots d'ordre radicaux en
cas d'attaques frontales, sans risquer une rapport avec la généralisation du contrôle ou-
guerre civile. vrier, d'expropriation de toutes les entrepri-
ses capitalistes, la planification économique
Il serait cependant dangereux de sous -estimer établie sur les besoins des masses laborieuses.
les positions de force que possède encore la
bourgeoisie au sein de l'appareil d'Etat bour- Cette avant-garde ouvrière est partiellement
geois et de l'armée; c'est-à-dire les possibi- composée de ce noyau de travailleurs qui
lités qu'elle a de reflouer, dans un premier assura par une mobilisation permanente et
temps, la montée révolutionnaire, avant de des luttes exemplaires la continuité entre le
lui porter des coups sanglants. De même, il cycle de luttes généralisées de mai à juillet
serait criminel de faire confiance à un quel- 1974 et le second cycle commençant en décem·
conque processus automatique conduisant à bre 197 4. Actuellement, une désynchronisa-
une par.alysie accrue de l'armée bourgeoise. tion existe entre leur mobilisation et l'atti -
Dès lors, la tâche des révolutionnaires consis- tude d'ensemble de la classe ouvrière. Cela
se traduit, entre autres, dans l'hétérogé-
te précisément à saisir les points de rupture ·
qui se révèlent et à appuyer de toutes leurs néité des formes et fonctions des organes du
forces pour accentuer les déséquilibres. dit "pouvoir populaire".

Face à la tentative de recomposition du MFA Cependant, l'écho obtenu dans les rangs des
partis ouvriers réformistes, les rapports de
et au réflexe de caste s'exprimant en opposition
à l'activité propre des soldats, le mot d'ordre forces entre ces partis traditionnels et cette
avant-garde ouvrière, indiquent la ~ibilité
d'élection des officiers par les soldats repré-
objective existant, dans le cadre d'un appro-
sente la riposte "démocratique" à proposer à
ceux qui, parlant beaucoup de social-démo- fondissement de la crise sociale et économi-
cratie, sont les principaux protagonistes d'un que, d'une part d'opérer une fusion à un plus
renforcement du système hiérarchique dans haut niveau et d'entrer dans un nouveau cycle
l'armée, du contrôle strict des officiers sur de lutte, et, d'autre part, de riposter à la
les mécanismes de nomination du MFA, etc .. dangereuse division de la classe ouvrière.
Face à la crise du système hiérarchique, la
mise en avant de revendications matérielles, Les premiers craquements apparaissent dans
tout comme la bataille pour assurer effecti- la base du PS, en réaction à l'orientation poli-
vement l'émergence d'organes autonomes des tique de la direction Soarès. De nombreux
~ldats, constitue un axe central du travail travailleurs socialistes, rebutés à juste titre
anti-militariste révolutionnaire. Face aux par les méthodes bureaucratiques du PC dans
menaces de la réaction, la jonction entre ces les municipalités, les assemblées populaires,
organes autonomes et les instruments de démo- ou les syndicats, commencèrent néanmoins à
cratie à la base des travailleurs, ainsi que manifester une première opposition aux op-
l'épuration des officiers réactionnaires, de- tions politiques de la direction social-démo-
viennent des objectifs de première importance. crate, lorsqu'ils virent se développer les atta-
ques contre les locaux du PC, de l'Intersyn-
Seule la concrétisation de tels mots d'ordre et dicale et des organisations révolutionnaires.
perspectives peut emp~cher effectivement qu'un A Porto, une des sections les plus fortement
projet de restauration de la discipline, et donc ouvrière a manifesté sa défiance face à la di-
de l'unité de l'armée bourgeoise, puisse abou- rection. A Evora, ce sont plus de 50 travail-
tir. Victorieux, il pourrait modifier de ma- leurs sur 300 qui ont quitté le PS pour protes-
nière très sensible les rapports de forces en ter contre la stratégie de Soareès.
d·éfaveur de la classe ouvrière.
De même, dans les syndicats, les listes pré-
sentées par les militants du PS prennent en
Une avant-garde ouvrière large charge non seulement des revendications cor-
rectes de démocratie ouvrière, mais aussi des
Du mois· de juin au moins d'aoüt s'est vu confir- objectifs revendicatifs qui sont souvent à gau-
mé le poids d'une avant-garde ouvrière basant che de ceux proposés par le PC. C'est le cas,
13
PORTUGAL
par exemple, dans le synd1cat des banques. clusion du PPD dans un nouveau gouvernement
Tout ceci indique les potentialités qui existent de coalition sous' la direction de Pinheiro de
dans le PS, de différenciation et de méfiance ' Azevedo!
face à la politique de la direction. Il est
Dès lors, en tenant compte à la fois des be-
donc vital de prendre des initiatives unitaires,
soins objectifs de la classe ouvrière dans son
dans la pratique, avec la base du PS et de dé-
ensemble pour la défense de ses conquêtes et
velopper une propagaw1e unitaire systémati-
pour assurer une progression du processus
que vers la direction du PS, afin de l'obliger
révolutionnaire, du développement inégal de
à ouvertement se déterrniner sur les problè- la conscience de classe et des différenciations
mes décisifs de l'auto-organisation des travail- au sein du PS et du PCP, il s'agit de dévelop-
leurs et sur leurs revendications centrales. per une tactique de front unique ouvrier. Une
tactique axée sur l'auto -défense, sur le déve-
Parallèlement, la politique de conciliation du loppement des structures démocratiques à la
PCP, son orientation stratégique d'investisse- base, permettant conjointement d'utiliser la
ment de !"appareil de l'Etat bourgeois, dans capacité d'initiative de cette avant-garde ou-
cette phase de confrontation exacerbée entre vrière et de commencer à résoudre le problè-
classe, ne peut que provoquer des oscilla- me de l'unité, là où, dans la pratique, et à par-
tions fièvreuses et multiplier les manifesta-
tir des exigences reconnues par tous les tra-
tions bureaucratiques tendant à limiter l'auto-
vailleurs, elle peut être posée de la façon la
nomie du mouvement de masse. Ce cours tor-
plus compréhensible possible.
tueux provoqua un isolement relatif du PC et
une désorientation importante dans sa base
L'analyse du rapport de forces entre classes
combative et faiblement encadrée. Des mini-
ne peut donc être détachée de la capacité que
crises surgissent, comme à Sétubal, dans la
montrera ou non la gauche révolutionnaire, et
banlieue de Lisbonne.
en son sein les marxistes -révolutionnaires,
de transférer, à partir des conditions objecti-
Après avoir appelé aux barricades contre le
ves, la dynamique qui est apparue ces derniè-
PS le 18 juillet, le 8 août, le comité central
res semaines dans les bastions ouvriers l es
décide une ouverture vers le PS; après avoir
plus avancés , à des secteurs beaucoup "p lus
soutenu Gonçalves, il le lâche honteusement;
l arges de l a classe ouvrière.
après s'être montré prêt à avaliser un compro-
mis lors de l'offensive des Neuf, au moment
Alors, la rupture des équilibres s'annonçant
même ou ce compromis est mis en question
dans la radicalisation actuelle dans le camp
par l'apparition du doc·1ment du CO PC ON, il
de la révolution et de la contre-révolution
passe un accord, le 25 aoilt, avec la gauche ré-
pourrait connartre une issue favorab le pour
volutionnaire (voir ci-joint la déclaration du
la classe ouvrière. La vérification dans la
S. U. sur l'accord et les tâches des marxistes-
pratiqu e l'indiquera et l a synchronisation des
révolutionnaires). Quatre jours après, un nou-
rythmes _de la montée ouvrière en Espa?ne et
veau compromis est à l'ordre du jour; avec au Portugal influera fortement sur le resultato
angoisse, la direction du PC se demande com-
:tnent elle pourrait faire avaler à sa base l'in- 4 septembre 1975

L'ACCORD (2) Un tel programme représente l'instrument


indispensable pour unir et articuler les actions
des forces politiques engagées dans le proces-
sus révolutionnaire et des masses populaires.

UNITAIRE (3) Le document "ligne d' ac tion programma-


tique et tâches de transition'' constitue le do-
cument-guide de base pour l'activité du gou-
En présence de représentants du MFA qui ont vernement tant que ne sont pas réunies les
simplement convoqué la réunion , se sont réu- conditions nécessaires pour l a formation d'un
nis les représentants des partis et organisa - gouvernement d'unité révolutionnaire.
tions politiques suivants : FSP, LCI, LUAR,
MES, MDP, PCP, PRP-BR, ler Mai (1), qui
ont approuvé le s points suivants (4) L a création d'un front qui englob e les partis
et autres organisations politiques révolution-
(1) Le document du COPCON et le document naires, les militants révolutionnaires, le MFA
"Ligne d'action programmatique et tâches de et les organes autonomes de pouvoir populaire
transition" constituent une base de travail auxque ls se réfère le document-guide de l' al-
valide pour l' élaborati.on d'un programme po- liance peuple-MF A constituent une issue pour
litique révolutionnaire. le pro ces sus révolutionnaire.
14
%

(5) Les sus -signés décident la constitution (l) FSP : Front socialiste populaire
d'un secrétariat provisoire destiné à articuler LCI : Ligue communiste internationaliste
des actions qui permettent une offensive com- LUAR : Ligue d'unité et d'action révolution-
mune contre la réaction et pour l'avancée du naire
processus révolutionnaire, Les sus -signés MES Mouvement de la gauche socialiste
déclarent que cette plate-forme est ouverte à MDP : Mouvement démocratique populaire .
toutes les organisations, tous les militants ré- PRP-BR : Parti révolutionnaire du proléta-
volutionnaires et organes de pouvoir populaire riat - Brigades révolutionnaires
qui désirent y adhérer.

déclaration
du secrétariat unifié
de la IVème internationale
La situation pré-révolutionnaire ouverte de- Melo Antunes et de secteurs de la hiérarchie
puis le début de l'année 1975 au Portugal a con- militaire,
nu une exacerbation marquée par la crise du
gouvernement, la division croissante du MFA, (2) La manifestation du 20 août, réunissant
les attaques fascistes dans le nord du pays, 50 000 personnes dont plus d'un millier de
mais, surtou.!_, par l'apparition massive du soldats révèle la maturation de la combativi-
mouvement autonome des masses révélée par té et l'élévation du niveau de conscience d'im-
la manifestation du 20 août dont l'impact sur portants secteurs de la classe ouvrière, parti-
les organisations réformistes commence à se culièrement dans les bastions ouvriers de Lis-
faire sentir. bonne et de la région sud, Le caractère ra di-
cal des revendications avancées par ces sec-
(l) La division du MF A, induite par la montée teurs pour l'expropriation de la bourgeoisie, le
des luttes de class .e s, rend impossible la sta- contrôle ouvrier, la reconversion de la produc-
bilisation d'une armée profondément minée par tion, met à l'ordre du jour, dans les faits, la
la crise du système hiérarchique , le débat et nécessité d'une centralisation des organes au-
les divisions politiques (notamment autour du tonomes d,es travailleurs (commissions de tra-
texte du COPCON et du "document des neuf"), vailleurs, assemblées populaires, commissions
A court terme, cette cassure de l'armée, dans de "moradores"), afin de répondre à l'exigence
le contexte de crise sociale généralisée, rend d'une planification socialiste de l'économie,
impossible un coup d'Etat réactionnaire sans
risque de guerre civile, Devant l'incapacité Néanmoins, il faut souligner l'actuelle limi-
du MF A de stabiliser sa fonction bonapartiste . tation géographique, l'inégalité de développe-
la bourgeoisie est passée à l'attaque sur plu- ment et dP fonction de ces organes.
sieurs fronts :
(3) La situation est ainsi caractérisée par une
- sur le plan international, par un chantag'e polarisation accrue au sein du prolétariat et
à l'étranglement économique de la part des de la bourgeoisie, sans que cela implique dans
puissances impérialistes européennes (à gou- l'immédiat une modification qualitative des rap-
vernement social-démocrate ou pas), de même ports de forces entre les deux classes fonda-
que par une pression financière et militaire mentales,
de l'impérialisme américain sur le Portugal,
sur les dépendances portugaises (Açores, Ma- Avec l'accentuation de la crise économique, pro-
dère, Timor) et sur l'Angola. voquant une intensification des luttes ouvrières
qui se heurteront à l'incapacité d'un gouverne-
- sur le plan national, par la jonction de ment de satisfaire leurs exigences, émerge la
fait entre les attentats terroristes, les mobili- possibilité de la transformation de la situation
sations anti-communistes exploitant le mécon- pré-révolutionnaire actuelle en une véritable
tentement de la petite-bourgeoisie du Nord, crise révolutionnaire,
ainsi que l'offensive politique et militaire com-
binant l'orientation de la direction du Parti so- Pour cela il importe que toutes les initiatives
cialiste (PS) avec les grandes manoeuvres de soient prises pour que se développent, se coor-
PORTUGAL

donnent et se centralisent les organes autono- front unique, dans la mesu:::-e où, dans leur for-
mes des travailleurs, permettant de répondre me actuelle, ifs rassemblent déjà des travail-
dans les faits aux revendications des masses la- leurs socialistes, communistes, révolutionnai-
borieuses et à la division de la classe ouvrière res et sans parti.
accentuée par les directions du PS et du PCP.
A cette fin, il est nécessaire que soient prises (5) L'accord unitaire du 25 aoilt témoigne de
en charge par les organes autonomes la défense la modification des rapports de forces entre
et la généralisation du contrôle ouvrier, l'ex- l'avant-garde ouvrière et les appareils réfor-
propriation des capitalistes, l'armement du pro- mistes.
létariat, ainsi que des mesures instituant le
monopole du commerce extérieur, l'approfon- Dans la conjoncture présente, la recherche
dissement de la réforme agraire, la planifica- d'un accord de front unique avec le PCP était
tion. politiquement correcte. Mais cet accord du
25 aoilt ne répond pas aux exigences effec-
Face aux tentatives du "groupe des neuf" de tives de la situation.
réinstaurer la discipline dans l'armée, de
mettre fin au début d'apparition des milices a) L'accord avalise de fait la politique du
ouvrières, de stabiliser le MFA comme ins- PCP de soutien au gouvernement et de main-
trument de la hiérarchie, la liaison des soldats tien de l'unité du MFA, justement au moment
et officiers révolutionnaires avec les commis- où celui-ci se déchire sous la pression de for-
sions de travailleurs, les commissions de ces de classes antagoniques.
"moradores", etc., ainsi que l'élection géné-
b} Il ne mentionne aucun objectif concret
ralisée des officiers par les assemblées de sol-
permettant d'unifier la classe ouvrière et de
dats , sont d'autant plus impératives.
stimuler effectivement l'auto-organisation et
l'auto-défense des travailleurs.
De même, il est nécessaire d'avancer des me-
sures adéquates (soutien sélectif des prix, mo-
c} Par cette absence et l'inexistence de
ratoire des dettes, crédit, liaison directe entre
propositions en direction du PS, qui rassem-
consommateurs et petits producteurs, etc.},
ble près de la moitié du prolétariat, l'accord
afin de neutraliser l'utilisation par la réaction
entérine la division actuelle du mouvement ou-
de cou c hes d e l a petite-bourg eo isie , entre a u -
vrier et ne contribue pas à surmonter cet obs-
tres des minifundistes du Nord.
tacle majeur au développement du processus
Enfin , la centralisation des organes autono- révolutionnaire.
mes d es t rava illeurs p our réali ser ces t âc he s
prendra forme d a ns la convocation d'une As- d) L' "accord unitaire" envisage en outre
semblée populaire nationale des délégués des la création d'un "front" dans lequel se trouve
commissions de travailleurs, des commissions inclu le MFA au même titre que les organes
de "moradores", des assemblées d'unités mi- autonomes, les partis politiques et les orga-
litaires et des assemblées populaires. nisations révolutionnaires du mouvement ou-
vrier. Ceci non seulement apparart comme
(4) L'obstacle essentiel à la réalisation de cet avalisant le projet du PCP de création d'un
objectif stratégique réside dans la politique de "front populaire démocratique et socialiste"
division des directions du PS et du PCP. mais s'inscrit aussi dans la perspective d'in-
tégration des organes autonomes en opposition
La politique de la direction de la social-démo- à leur autonomie réelle face aux institutions de
cratie visant à stopper si manifestement le l'Etat bourgeois.
processus révolutionnaire commence à se heur-
ter aux premières résistances de sa base ou- e} L'accord pouvait ainsi, comme lors de
vrière, malgré le sectarisme et les méthodes la manifestation du 28 aoilt, facilement ser-
bureaucratiques mises en oeuvre contre le PS vir les objectifs de la direction du PCP d'utili-
par la direction du PCP, ser le poids de l'avant-garde ouvrière pour né-
gocier dans de meilleures conditions des com-
Parallèlement, les zigzags de la direction sta- promis au niveau de l'appareil d'Etat, du gou-
linienne du PCP ont provoqué une désorienta- vernement, de l'armée, du MFA.
tion de sa base au moment où émergeait avec
force sur la scène politique une avant-garde Or, le rapport de forces permettait aux révolu-
ouvrière, tionnaires de saisir cette occasion pour ame-
ner le PCP à se déterminer sur la mise en
Ainsi, non seulement est nécessaire, mais pratique des tâches essentielles nécessaires
possible, une politique audacieuse de front à la progression de la révolution. Encore une
unique ouvrier s'adressant auPS et au PCP fois, ici, le manquè d'objectifs concrets et
pour consolider une riposte de la classe ouvriè- les concessions faites à l'orientation du PCP
re dans son ensemble face à la réaction capi- ~mpêchent de tirer clairement devant les mas-
taliste, défendre ses conquêtes et favoriser le ses les leçons de la politique de la direction
développement du processus révolutionnaire. du PCP et de la rupture du "front".
Les organes autonomes des masses laborieuses
sont le lieu privilégié pour la réalisation de ce (6) Dans la contre-offensive ouvrière et popu-
16
laire, s'appuyant sur la dynamique du mouve- sable à la victoire de la révolution socialiste
ment de masse, les militants trotskystes de la portugaise.
LCI seront au premier rang des initiatives
favorisant l'extension, la généralisation et la La IVème Internationale, l'ensemble de ses
centralisation des organes autonomes des tra- sections et de ses organisations sympathisan-
vailleurs, ainsi que leur auto-défense. tes, par tous les moyens à leur disposition,
soutiendront les camarades de la LCI et im-
C'est par la capacité des marxistes -révolution- pulseront toutes les mobilisations de solida-
naires à remplir ces tâches que pourra se dé- rité avec la lutte révolutionnaire des travail-
velopper le parti révolutionnaire, indispen- leurs portugais.
le 2 septembre 197 5

Mujibur lors de son retour triomphant


Bangla Desh indépendant
'l.U

tt·""

• •
le coup d'Etat: ses ,ortgtnes
et ses consequences
JAVAD HUSSEIN
Le renversement et l'exécution du scheik tions populaires. Pas même une manifestation
Mujibur Rahman marquent la fin d'une pério- ou une grève, Il n'est pas difficile de sa1sn
de politique au Bengale et le commencement les raisons de ce déclin net et rapide de sa
d'une autre. Mujibur Rahman était le seul di- popularité,
rigeant bourgeois capable de maintenir l'unité
de son propre parti et de jouer en même temps
un rôle bonapartiste dans la société Bengali.
Crise et corruption
En l'écartant de la scène, les jeunes officiers L a tâche à laquelle furent confrontés Mujibur
de l'armée ont é liminé le plus solide pilier de et sa Ligue Awami àprès que le Bangladesh
la stabilité bourgeoise et une période d'insta- ait conquis son indépendance n'était pas facile.
bilité s'ouvre pour le pays. La bourgeoisie du Dans un pays de 80 millions d'habitants (avec
Bangladesh et de l'Asi e du Sud dans son en- la densité de population la plus forte du monde)
semble, sans parler de celle des Etats -Unis, et par-dessus le marché un pays sous-déve-
ne trouvera pas facilement à remplacer Mu- loppé (90% de l a population vit à la campagne),
jibur Rahman ; la joie avec laquelle l es cercles ils entreprirent de construire un Etat capita-
bourgeois ont fêter sa mort peut bientôt faire liste. Mais en dépit de l'aide du gouvernement
place à un profond et complet désespoir. indien et de celle de l'Union Soviétique, la
Ligue Awami ne réussit pas à combattre la
Il y a seulement trois ans, Mujibur reçut l'ac- crise sociale.
cueil d'un héros quand il revint du Pakistan à
Dacca. Trois millions de personnes se pres- Ceci n'est pas surprenant, car seule une révo-
saient dans les rues et, par acclamations po- lution socialiste peut apporter une solution aux
pulaires, Mujibur fut gratifié du titre de problèmes qui se posent aux masses Bengalis.
"Bangabandhu" (ami du Bengale). Mais, il y Au lieu de cela, la Ligue Awami commença à
a trois semaines quand Mujibur et toute sa établir les bases d'un Etat bourgeois, Beaucoup
famille furent balayés, il y eut peu de réac- de ses dirigeants devinrent riches du jour au
17
BANGLADESH
lendemain. La soif de l'argent donna lieu à pillage. En 1973, il fut tué par la police pen-
des scènes rappelant le Far-West, des affron- dant une de ses opérations de pillage. (La
tements armés éclataient entre des cliques police ignorait son identité). Les policiers
rivales de la Ligue Awami pour essayer de responsables de l'opération perdirent leur
s'approprier les denrées fournies par l'aide travail. Le scheik Kamal comptait l'argent
étrangères et déchargées sur !es quais. de ses pots -de -vin en le pesant sur des ba-
lances spéciales. On dit que lui aussi fut tué
Pendant un certain temps, Mujibur Rahman au moment du coup d'Etat.
put se faire passer pour le "Père de la nation"
et apparartre comme se tenant au-dessus des (5) Jamal, le plus jeune frère de Kamal avait
factions concurrentes de son parti. Mais l'at- été récemment élève de Sandhurst, l'académie
mosphère puante de la corruption s'étendit militaire britannique , mais il était plus connu
bientôt enveloppant sa propre famille et sa pour sa participation à un trafic de contre-
position personnelle fut remise en cause de bande avec un groupe d'hommes d'affaires de
façon croissante. Au début de cette année, Hong-Kong. Il fut également tué lors du coup
il essaya de redresser la situation en inter- d'Etat.
disant tous les partis politiques sauf la Li-
gue Awami , instituant un régime de parti
unique, soutenu par Moscou et les forces Les nouveaux officiers
politiques pro-moscovites du Bangladesh.
Les jeunes officiers qui tuèrent Mujibur ont
Ces forces,ayant dissous leurs propres orga-
maintenant eux-mêmes à faire face à crise
nisations, s'auto-liquidèrent dans le parti de
sévère. Ils n'ont pas de perspectives claires ,
Mujibur. Les autres partis devinrent clan-
à part leur opposition à l'Inde ; leur désigna-
destins.
tion d'un politicien pro-US bien connu, Mush-
taq Ahmed (anciennement ministre du gouver-
Mais l'agitation continua en dépit du régime
nement de Mujibur), comme président, peut
de parti unique. La cause immédiate du ren-
versement et de l'exécution de Mujibur fut difficilement parartre régler quoi que ce soit.
En fait, il est extrêmement douteux que Mush-
son f a v oritisme à l' é g a rd de sa propre fa-
taq puisse durer au-delà d e s quelques mois
mill e . Examinons maintenant quelques exem-
à venir , Du fa it que les officiers beng a lis
pl es d e ce fav o ritism e
n ' ont aucun progr a mme social, il leur sera
(1) Le Scheik Nasir , le plus jeune f r è re de difficile de stopper la corruption, même pro-
visoirement, L ' expérience de la loi marti a le
Mujibur, de v int le "p a rrain" du B e ngale du
au P a kist a n p end a nt l e r ég im e d ' Ayub Kh a n ,
Nord, a ccu m u l a nt d e va st es ri c h e s se s pa r
(1958-68), qui a v ait aussi pour but de balaye·r
des sp é cula tion s f r au dul e us e s , L o rs d'un e
la corruption avait complètement échoué dans
enquête de l'armée sur la fraude , le major
cette tâche. Et la raison en est simple : la
Salahudin s'intéressa de trop près à Nasir.
!=Orruption ne peut être e xtirpée par des exhor-
Quelques jours plus tard, une bande de truands
tations morales ou l'usage incontrôlé des
entra dans le bureau du major à Jessor et le
bal'onnettes. Elle est profondément ancrée
tua. Ils ne furent jamais a rrêt é s. Le sch e ik
dans la crise sociale et ne peut être attaquée
Nasir fut tué lors du coup d'Etat.
de front indépendamment d'une solution à la
crise. Il n'y a absolument aucun signe que
(2) Le scheik Moni, u~ neveu de Mujibur , em-
l'armée du Bangladesh soit capable de le faire.
ployé comme reporter dans un hebdomadaire
Au contraire, la caractéristique principale du
touchait un salaire mensuel de 300 takas (en-
Bangladesh a toujours été la faiblesse de
viron 22$). Sous l'administration de son oncle,
l'Etat et de l'appareil d'Etat.
il devint propriétaire de deux quotidiens valant
plus de 10 millions de takas. Moni était le Cette faiblesse n'était pas sans rapport avec
patron officieux de plusieurs rninistres et di-
la façon dont cet Etat a été créé et qui faisait
recteurs et devint secrétaire de la Ligue de la figure de Mujibur Rahman un homme
Awami, le seul parti légal du pays. extrêmement important pour la cohésion de
l'Etat et de son appareil. Mujibur lui-même
(3) Un autre neveu de Mujibur, le scheik Sha-
avait les plus grandes difficultés pour contenir
hidul Islam, était dirigeant de l'aile étudiante
la crise grandissante et avait dü avoir recours
de la Ligue Awami. Islam avait pour habitude
au régime de parti unique. La corruption per-
de terroriser les hôtels pour femmes à Dacca;
sonnelle qui l'entourait n'a fait qu'exacerber
il était bien connu pour ses viols. Il enleva et
la colère de larges secteurs de la population,
épousa de force la fille, âgée de 13 ans, d'un
car elle contrastait vivement avec la pauvreté
fonctionnaire supérieur de la banque d'Etat.
croissante du pays. Cependant, bien que beau-
Plus tard , il devint le patron dù monopole du
coup puissent être soulagés par la disparition
parfum du pays , vraisemblablement dans
de Mujibur, ce soulagement ne servira l'armée
l'intention d'essayer de masquer la puanteur
et ses supporters que quelques mois au plus.
de ses autres activités, Il fut, lui aussi, tué
lors du coup d'Etat.
En tout cas, l'armée du Bangladesh est elle-
(4) Le scheik Kamal, le fils de Mujibur fut même une entité relativement nouvelle. Ses
impliqué dans des affaires de fraude et de seules traditions sont celles de la guerre
18
contre l'armée pakistanaise, Il n'y a jamais Auparavant, la force d'opposition la plus im-
eu de "tradition militaire" au Bengale. Les portante du pays était le JSD (Jatiya Sama-
Anglais avaient soigneusement évité de re- tantrik Dal - Parti socialiste national), une
cruter des Bengalis dans l'armée, car l'im- scission de la Ligue Awami, dirigée par le
périalisme britannique considérait les Ben- major Ahmed Jalil et Abdur Rab. Pour un
galis comme politiquement peu sürs, et les temps, cette formation a représenté une me-
classes dominantes pakistanaises et indiennes nace réelle pour la Ligue Awami, mais elle
suivirent la même tradition. Ainsi, Shaffiu- fut brutalement réprimée. Il n'est pas impos-
llah, commandant en chef de l'armée qui a sible cependant, que le JSD ne revienne à
été récemment nommé aux Affaires Etrangères, l'avant-scène et ne joue un rôle plus impor-
n'a que 38 ans. Il était l'un des deux généraux tant après la mort de Mujibur. Le Parti na-
de 1 'armée qui était une force ne comptant tional Awami (NAP), dirigé par le vieux lea-
que 50, 000 soldats. L'autre général , Ziaur der paysan Bhashani a été mis sur la touche
Rahman, jeune lui aussi et un vétéran de la et Bhashani lui-même est totalement confus
guerre d'indépendance 1 l'a remplacé, Le et compromis.
reste de l'armée est dirigé par de jeunes co-
lonels et des majors, tous furent promus à Il y a trois groupes principaux de maoïstes
leur rang pend.ant la guerre de 1971. clandestins :
Parmi les colonels, il y a Moinul Husain
Chaudhry, Motiur Rahman, Nasim, M. H. (1) Le Parti révolutionnaire du peuple du Ben-
Khan et S. A. Bhuia qui étaient tous des com- gale oriental a la base syndicale et paysanne
mandants de secteurs pendant la guerre de la plus large de tous les groupes d'extrême-
1971. Avec les majors Azizur Rahman Chau- gauche, Pendant la guerre d'indépendance il
dhry, Ijaz, Ibrahim et Murshed, ils dévelop- avait établi ses propres camps d'entraînement
pèrent une opposition à la Ligue Awami. Le et ses unités armées combattirent contre
sentiment exprimé par cette déclaration l'armée pakistanaise,
"nous avons combattu pour libérer notre peu-
ple, pas pour voir ces salopards de la Ligue (2 ) Le Parti prolétarien du Bengale oriental
Awami devenirent riches" était largement était le groupe armé le plus important après
répandu dans l'armée et même à l'intérieur la guerre d'indépendance. Il eut une position
du très détesté Rakhi Bahini (force de sécuri - complétement ultra-gauche et décida de conti -
té), qui était utilisé pour réprimer toute op- nuer la guerre contre la Ligue Awami.
position.
(3) Le Parti communiste du Bengale oriental,
Cependant, les nouveaux dirigeants, civils dirigé par le vieux leader maoïste Toha, main-
et militaires, seront confrontés aux mêmes tint également une position de lutte armée.
problèmes que ceux qui ont finalement en- Mais après avoir subi un important échec dans
traîné le renversement de Mujibur Rahman : le district de Raj shahi en 19 7 4, le groupe se
chaos économique et social combiné a v ec la retira de la lutte armée.
famine dans de vastes régions de la campagne.
Par conséquent, il faut s'attendre à une conti-
Ces groupes diffèrent de leurs homologues en
nuelle instabilité pendant un certain temps. Inde en ce que quelques'uns d'entre eux ont
une authentique expérience de la lutte de masse
armée. Pendant la guerre, ils combattirent
L'opposition en étroite coopération avec les jeunes majors
et colonels de l'armée du Bangladesh. A des
Qu'en est-il de la gauche? Les groupes pro- degrés divers, ils restent tous à l'intérieur
Moscou soutenaient fermement Mujibur, quel- du schéma de l'orthodoxie mao1ste, mais avec
ques uns de leurs dirigeants déclaraient même la reconnaissance par Pékin du nouveau régime,
dans des meetings publics qu' "il est le Lé- ils pourraient bien voir supprimer l'aide poli-
nine de l'Est". Quand la police de Mujibur tique et matérielle et peuvent même être éven-
ouvrit le feu sur des étudiants pro-soviétiques tuellement d~noncés comme des "révisionnistes
qui manifestaient contre l'impérialisme OS à la Lin Piao". Certains de ces groupes re-
en 72 (tuant deux d'entre eux), les groupes tourneront sans aucun doute à l'opportunisme
pro-soviétiques restèrent silencieux. et ne s'opposeront pas à la nouvelle dictature-
Il ne fait aucun doute que la chute de Mujibur,
sur la base de ce qu'elle a renversé une "ma-
le refrain anti-indien du nouveau régime
(aussi bien camouflé qu'il puisse être pour le rionnette du social-impérialisme". Ils peuvent
m~me refuser d'exiger la libération de tous les
moment), la reconnaissance du nouveau régi-
me par Pékin et le relâchement graduel des prisonniers politiques, Les marxistes -révolu-
tionnaires auront à combattre toute manifes-
maoïstes prisonniers, représentent de graves
tation de cette sorte d'opportunisme encore
coups pour la ligne stratégique des groupes
plus vigoureusement que par le passé parce
pro-Moscou. Ayant complètement soutenu
Mujibur, ils vont maintenant avoir à payer le que ce qui est à l'ordre du jour au Bangladesh
prix pour avoir soutenu un régime de parti aujourd'hui, c'est la révolution permanente :
unique, s'être tus sur des question politiques la seule solution à la crise de ce pays réside
clés, acquiesçant et même encourageant acti- dans le renversement du capitalisme et son
vement la répression contre les maoi'stes. remplacement par un Etat prolétarien. Il n'y
19
a aucune possibilité d'étape intermédiaire de l'Inde parait vraisemblable et si une guerre ci-
"démocratie nouvelle" (d'un caractère de classe vile éclate, les marxistes-révolutionnaires de-
non détermi.né) ou d'une démocratie bourgeoise. vront exiger qu'aucun Etat n'intervienne au
Toute organisation politique qui refuse de le Bangladesh et devront lutter contre toute nou-
comprendre se retrouvera dans une impasse. velle intervention indienne.

Pour le moment, la situation à Dacca reste Mais le trait le plus frappant des évènements
confuse et il serait prématuré de discuter de au Bangladesh est qu'ils démontrent que l'ins-
l'orientation du nouveau régime dans tous les tabilité continue à dominer le sous -continent
détails. Les informations selon lesquelles le de l'Asie du Sud, une instabilité qui caractérise
nouveau gouvernement aurait instauré la "Ré- la région déjà depuis les explosions de 1971.
publique islamique du Bangladesh" ont été vi- L'étendue de la crise sociale dans cette région
goureusement démenties par Dacca, au grand est telle que cette instabilité va durer, bien que
embarras du ministère pakistanais des Affaires de façon inégale. Indira Gandhi aura à prendre
Etrangères qui avait gratifié le nouveau régime quelques leçons du Bangladesh a va nt qu'elle ne
d'une reconnaissance immédiate. Mais un cer- décide d'instaurer l'état d'urgence en Inde.
tain éloignement de l'Union soviétique et de
3 septembre 1975

Lors de la conférence de Nakuru
Neto, Holden et Savimbi

angola
VERS
LA GUERRE
CIVILE?
C. GABRIEJ
Une accélération brutale de la situation poli- d1rection du MPLA "instrumentalisait" le
tique angolaise s'est amorcée à la suite de la mouvement de masse, en cherchant à l'utili-
conférence de Nakuru auKenya, où les direc- ser tactiquement en faveur des rapports de
tions respectives du MPLA (Mouvement popu- forces politiques au sein du gouvernement de
laire pour la libération de l'Angola), le FNLA coalition et des batailles politiques. Les ap-
(Front national de libération de l'Angola) et pels à la modération, les proclamations pour
l'UNITA (Union nationale pour l'indépendance "élever la production" et finalement l'accord
totale de l'Angola) s'étaient accordées pour le de Nakuru illustraient cette ligne droitière de
"désarmement des civils", sorte d'amende- la direction du MPLA après les accords d'Alvor
ment aux accords d'Alvor, (Voir pour plus de détails INPRECOR No 31 ).

Cette conférence, ayant une certaine fonction Et puis vint la décision d'expulser le FNLA
de baroud d'honneur pour sauver le gouverne- de Luanda, ouvrant une nouvelle période d'af-
ment de coalition, ne pouvait donner des illu- frontements et de guerre civile. Y -a-t-il,
sions qu'à la direction du MPLA. Ni Holden alors, un changement de nature de la direction
Roberto (FNLA), ni J. Savimbi (UNITA) ne du MPLA ? Sans aucun doute, non ! Mais ·les
considéraient le gouvernement de coalition rapports entre cette direction petite-bourgeoise
comme la forme stable de régime politique et les masses sont extrêmement complexes dans
après l'indépendance prévue pour le 11 novem- la conjoncture sociale présente.
bre (Voir INPRECOR No 31 du 17 juillet 1975).

La puissance du mouvement de masse en mi- Le MPLA entre


lieu urbain rendait illusoire un gouvernement hier et aujourd'hui
où cohabitaient un mouvement nationaliste pres- A l'origine de sa formation, la direction du
sé par sa base populaire et deux organisations MPLA est petite-bourgeoise urbaine (Voir
agissant comme cinquième colonne de l'impé- INPRECOR No 2 et 3). Son passage à la lut-
rialisme. te armée rurale lui a permis de se construire
une base paysanne de petite production villa-
C'était dans le cadre de cette illusion que la geoise dans des zones de développement social
20
W%

très retardataire. Dans ce cadre, parler de pour le moment, d'appui bourgeois quelconque,
"fin de l'exploitation de l'homme par l'hom- angolais ou colonialiste. Ses tractaüons, ses
me" n'avait guère les mêmes résonnances qu'en batailles politiques vis -à-vis du FNLA et de
milieu urbain. Durant les dernières années l'UNITA ne peuvent se règler par cercles bour-
de lutte, alors que se développaient rapide- geois interposés. Seul le mouvement de mas-
ment des tendances bureaucratiques au sein se constitue aujourd'hui l'argument décisif du
de l'appareil, les villes se grossissaient de MPLA. Cette situation peut effectivement
milliers de nouveaux salariés, suite aux cou- évoluer, soit au premier degré par l'appui
rants nouveaux d'investissement et d'industria- soudain de cercles bourgeois au MPLA, soit
lisation. au second degré par la médiation d'un accord
MPLA-UNITA. Cette dernière, sentant le
Dans cette phase suivant le 25 avril 1974, un vent tourner militairement, peut effectivement
phénomène très important va se produire : l'en- jouer la carte du "cheval gagnant" en mainte-
trée au sein du MPLA d'éléments jeunes, issus nant son activité de pression sur l'aile droite
de milieux urbains radicalisés dans la derniè- de la direction du MPLA.
re période, notamment pour ce qui est des étu-
diants venant de Lisbonne. Ces éléments pren- Un personnage comme Lucio Lara représente
dront rapidement une part de responsabilités la composante droitière de la diregtion et ne
intermédiaires dans le cadre du "pouvoir popu- supporte les formes d'auto-organisation des
laire", des commissions de quartier. Ils cons masses que parce qu'il n'a pas, lui, les moyens
tituent, par leurs liens avec les masses, une politiques de s'opposer à elles.
force de pression considérable sur la direc-
tion du mouvement. Malgré l es insuffisances, Mais une telle perspective reste improbable,
leur influence maol"sante et leur référence à ou du moins périlleuse pour la cohésion du
une "démocratie populaire", ils ont cherché à mouvement. La guerre civile va jouer dès
exprimer les potentialités anti-capitalistes du lors un rôle décisif dans les rapports de for-
mouvement de masseurbain. Pour eux "la fin ces politiques au sein du MPLA.
de 1' exploitation de 1 'homme par 1 'homme"
a une signification anti-capitaliste précise --
signification qu'ils ont pu partiellement ens ei- La contre-offensive du MPLA
gner aux travailleurs.
Alors que se déroulait sagement la conférence
de Nakuru, le FNLA, par nature, se servait
C'est pourquoi, avant et après les accords de
du respect mythique de la "légalité d'Alvar" de
Nakuru, les pressions ont dO se multiplier sur
la part du MPLA pour se livrer à une offensi-
la direction du mou v ement. Par exemple, nous ve en règle.
avons connaissance d'un communiqué des tra -
vailleurs de SIGA, après l'annonce de la confé- Le 15 juin il attaquait au nord les villages de
rence de Nakuru, déclarant: "Mais nous , en Forte Republica, Brito Gadins, Caombo , Duque
tant que militants et sympathisants, et progres-
de Bragança, Cuale et Cangola. Le 18 juin il
sistes de SIGA, :>lous exigeons que notre Prési- passait à d'autres dont Quinculungo, Samba
dent et tous les camarades du Comité central
Caju et Barra do Dande. Appuyée par son ar-
et du Bureau politique n'acceptent pas que le
rière zal:rois la direction du FNLA vise alors
sommet se réalise en dehors du pays, mais
à faire des districts de Zai"re et Urge de vérita-
au contraire dans le pays, dans la capitale.
bles bastions autonomes et impénétrables.
C'est pourquoi tous les travailleurs de l'entre-
prise SIGA appuient et encouragent notre cher
Dans le même temps, à Luanda, le FNLA re-
président camarade, le Dr. Agostino Neto,
prenait sa pratique d'intimidation et de terro-
pour qu'il n'accepte pas de céder un millimè-
risme.
tre dans la réalisation du sommet en dehors
du pa ys et de la capitale". Après quelques jours d'accalmie à la suite
des fameux accords de Nakuru, le 4 juillet,
En fait, il y a tout lieu de penser que l'hétéro- le FNLA repart à l'attaque des villages de
généité du MPLA s'est fortement accélérée Tango et Kas sumba Kamba1a dans le district
après le 25 avril. Aujourd'hui les conflits doi- de Cuanza -Nor te.
vent être multiples, notamment entre cette nou-
velle couche et les cadres formés dans une lut- Le 9 juillet, dans la capitale, il mitraille le
te armée paysanne. Ce type de conflit s'ajoute local de l'Union nationale des travailleurs an-
à bien d'autres, qui, au sein de la bureaucra- golais, syndicat de masse fortement implan-
tie dirigeante, impliquent les rapports avec té et lié au MPLA, ainsi que le cortège funè-
des Etats africains, les rapports avec l'UNITA, br e d'une militante du MPLA. Le 1 0 juillet,
ra situation portugaise' etc .. à 9 heures du matin, il reprend son attaque
contre le siège de l'UNITA, puis contre celui
Mais rien ne peut s'expliquer uniquement par du MPLA.
la "pression de la base". En fait, la conjonc-
ture sociale détermine encore pour une pério- Le FNLA concentre alors un nombre impor-
de l'attitude de la direction vis -à- v is du mou- tant de troupes dans Luanda, prêtes à prendre
vement de masse. En effet, malgré sa ligne la totalité du pouvoir et à règler son compte
multiclassiste, l a direction du MPLA n'a pas, au mouvement de masse. C'est dans ces cir -
21
ANGOLA

constances que la direction du MPLA décide troupe portugaise est néfaste. Dans le pire
une contre-offensive visant à expulser le FNLA des cas elle représente un danger de coup de
de Luanda. poignard dans le dos du MPLA et, dans le meil-
leur des cas, elle maintient les pires illusions
L'opération sera de courte durée (2 à 3 jours) dans le mouvement de masse et retarde sa vo-
et se soldera par une victoire totale. Le com- lon té d'auto -défense ( l).
muniqué du 16 juillet, émanant de la repré-
sentation d'Alger (Paulo T. Jorge) présente Le seul mot d'ordre doit donc être à ce propos:
les FAPLA (Forces armées populaires de li- "Troupes portugaises hors d'Angola, toutes les
bération de l'Angola -- forces armées du armes et tout le matériel au MPLA et aux comi-
MPLA) comme le principal acteur des affron- tés populaires". Alors qu'on annonce la présen-
tements, et se contente de mentionner la po- ce de troupes sud-africaines dans le Sud après
pulation luandaise "acclamant" les F APLA et qu'elles aient délogé· le MPLA victorieux à
les aidant à vider les locaux du FNLA. Pereira Deca, on attend encore une prise de
position de l'état-major portugais en Angola.
Opération purement militaire encore une fois ? Ceux qui, au Portugal se battent pour le boycot
Probablement. Mais cette fois -ci les consé- pur et simple des transports de troupes métro-
quences impliquent directement les capacités politaines en Angola, ne font que la moitié du
futures de résistance de la population face à la travail. L'armement des milices populaires
nouvelle offensive du FNLA pour reprendre la et du MPLA doit être inclu dans cette bataille.
ville, C'est donc maintenant que se pose véri-
tablement la question de l'armement populai- Or, le refus d'aller en Angola "contre l'im-
re, des milices armées et du potentiel mili- périalisme !:.1:_ le social-impérialisme" consti-
taire, C'est pourquoi l'armée portugaise n'est tue évidemment un refus de s.outien au MPLA,
pas neutre. implicitement désigné comme l' "agent de Mos-
cou".
L'armée portugaise
Par contre, ne rien dire du tout sur la présen-
Beaucoup plus qu'au Mozambique et sans com-
ce des troupes portugaises sous prétexte de
paraison avec la Guinée Bissau, l'armée colo-
pouvoir sur place prêter main forte au MPLA
niale d'Angola est une armée divisée.
est aussi une erreur grave. La situation pré-
Certes, une partie de la troupe, écoeurée par sente et la nature de l'armée portugaise en
cette guerre sans fin, sensibilisée par le 25 a- Angola interdisent un tel pronostic.
vril, a fait cause commune avec le MPLA dans
lequel elle voyait "l'allié du MFA".
Le FNLA dispose aujourd'hui de rapports de
Mais l'existence dans ce pays d'une bourgeoi- forces qu'il n'avait pas au moment" du 25 a-
sie importante, le poids d'une vie urbaine aisée vril. De ce point de vue il a renforcé sa cré-
loin des combats, a largement permis une os- dibilité aux yeux des fractions impérialistes
mose entre l'armée et la bourgeoisie et petite- qui le soutiennent. Fondamentalement lié et
bourgeoisie coloniales. Coutinho tenait diffi- dépendant du régime zal"rois, il dépend en par-
cilement ses troupes et principalement l'avia- tie des rapports entre le Zal"re et l'impéria-
tion. Après lui, Cardoso prit fait et cause pour lisme mondial. Mobutu n'est pas un "fantoche
le FNLA et l'UNITA. Aujourd'hui c'est son manipulé". Il est aujourd'hui un dictateur
bras droit, Macedo, plus favorable au MPLA, s'appuyant sur les richesses colossales de
qui a pris la relève. son pays pour monnayer entre les différentes
fractions impérialistes son rôle contre-révolu-
Mais, quoi qu'il en soit, l'armée portugaise est tionnaire en Afrique centrale. Autour du ré-
di visée et une large fraction d'entre elle est gime mobutiste et des batailles d'intérêt concu-·
prête à s'opposer au MPLA. Des troupes por- rentiels peuvent se faire et se défaire diver-
tugaises attaquèrent le siège du MPLA de Luan- ses alliances et influences conjoncturelles.
da (Villa Alice) faisant prêt de 30 morts.

A la suite des derniers affrontements elle a en- Sans remettre en question pour le moment,
gagé un mouvement de repli général sur Luan- l'alliance privilégiée avec des int~rêts nord-
da et les grandes villes, libérant le nord du américains, il se peut qu'à l'avenir viennent
pays et facilitant ainsi l'aide sans retenue de interférer d'autres pressions comme à pu
l'armée zal"roise au FNLA. Par ce mouve- l'annoncer le voyage de Giscard d'Estaing à
ment, l'armée portugaise oblige toute la popu- Kinshasa. Le MPLA a dénoncé l'existence d'un
pont aérien américain entre le Zal"re et une
lation blanche à rallier les grandes villes, à
base aérienne en territoire angolais, gracieu-
abandonner plantations et commerces et à de-
sement laissée au FNLA par l'état-major por-
mander son rapatriement. Dans les combats
tugais.
entre le FNLA et MPLA, l'armée portugaise
est restée neutre, se contentant de propose.c
ses bons offices pour d'éventuelles négocia- "Le Monde" a aussi noté l'existence possible
tions. de livraisons d'armes françaises au FNLA et
la présence d'un militaire français sur le ter-
Dans une telle situation la présence de la rain. A l'heure où l'Afrique du Sud pénètre au
22
œ WYW7%WWYT%%Wf1

Sud pour reprendre des villes des mains du manifestation de masse de soutien au MPLA.
MPLA il ne fait plus de doute que le voyage de A cette occasion, Lopo de Nascümento, mem-
Chipenda (vice-président du FNLA) en Namibie bre du MPLA et du gouvernement de coalition
voilà quelques semaines aura été un voyage a déclaré à l'Agence France-presse que l'al-
décisif pour la simultanéité des opérations mi- liance de son mouvement avec l'UNITA était
litaires. La direction du FNLA sera donc ame- nécessaire~ Au même moment, les deux mou-
née à composer et à mesurer, jour après jour, vements s'affrontaient à Luso dans le sud-est
les soutiens prudents qu'elle obtient de-ci, de- du pays et le MPLA était encerclé dans Lobito
là. par les troupes conjointes du FNLA et de
La rentrée en territoire angolais des milliers l'UNITA. .
de réfugiés du Zal're, crée dans les zones
contrôlées par le FNLA un problème insolu- Une telle démarche met bien en évidence l'op-
ble de déficit vivrier. portunisme de la direction du MPLA qui re-
co::maît publiquement (interview de Neto le
3 mai dans "Sempre Fixe", hebdomadaire de
Le refus de la part de la Conférence de l'Or- Lisbonne) l'implantation de l'UNITA au Sud.
ganisation de l'unité africaine (OUA) de con-
damner l'attitude portugaise en Angola sur Mais elle révèle aussi le caractère conflic-
proposition zal'roise a montré la précarité des tuel d'une alliance entre FNLA et UNITA,
appuis diplomatiques africains du FNLA, non obligeant cette dernière à monnayer tout
par sympathies pour le MPLA, mais par peur azimut sa "représentativité" régionale. Plus
de cette puissance économique et militaire que faible militairement, l'UNITA est prête à ral-
représenterait un axe Kinshasa-Luanda sous lier le MPLA suivant les fléchissements du
l'égide d'un Mobutu et d'un Roberto Holden, soutien impérialiste au FNLA. Mais cela ne
supprimera pas pour autant sa nature contre-
De son côté, l'UNITA avait joué, dès le 25
révolutionnaire ; cela ne fera pas oublier ses
avril, la carte de l'apparente neutralité entre
attaques contre l'auto-organisation des tra-
MPLA et FNLA.
vailleurs et contre les grèves, cela ne sup-
primera pas ses alliances avec certains sec-
Dans cette période elle recherchait prio;-itai-
teurs hnpérialistes.
rement, au nom d'un Angola multi-racial, l'ap-
pui des secteurs réactionnaires du colonat et
Aujourd'hui, le FNLA et l'UNITA constituent
y compris du Front Uni Angolais du fasciste
les forces uniques dont dispose l'impéria-
Falcao. Or, la fuite de toute cette colonie
lisme pour imposer une solution néo-colo-
portugaise a coupé l'herbe sous le pied de
niale en Angola . Etant donné la présence dé-
l'UNITA. (2) Confrontée par ailleurs aux af-
jà considérable des investisseurs étrangers
frontements répétés entre MPLA et FNLA, le
dans ce pays, la rencontre entre les intérêts
mouvement de J. Savimbi a bien dû réviser sa
des uns et les ambitions des autres placent
tactique . ces deux organisations au centre des tracta- ·
tio:J.s.
Jouant à fond la carte régionaliste, l'UNITA
s'attela à la construction de son fief. Implantée Le mouvement de masse urbain ne s'y trompe
au sud du fleuve Cuanza, l'UNITA a cherché à pas, surtout lorsqu'il met à sac la "m'l.ison
éviter que la guerre ne se généralise au Sud. du peuple" (sic) du FNLA à Luanda et y trou-
Savimbi a encouragé les activités économiques ve ;.111e série de salles de torture parfaitement
de "sa" zone. Il a affirmé garantir la sécurité
équipée et des charniers où s'entreposent des
des vies et des biens des populations europé-
dizaines de victimes.
ennes. Des rumeurs ont circulé d'une possible
sécession de cette région sous responsabilité
C'est pourquoi la direction du MPLA, encore
de l'UNITA en cas de conflit généralisé. Cette
une fois, donne des réponses insuffisantes
région est effectivement la plus riche, la plus
pour l'avenir de la lutte.
pénétrée par les intérêts européens (chemins
de fer de Benguela, mines de Cassinga ... )
L'appui des cercles européens de la CEE, des La direction du MPLA
intérêts français et allemands (Krupp est ma-
joritaire dans les mines de fer de Cassinga) maintient sa ligne
est un atout que ne veut pas perdre Savimbi, Dans sa déclaration du 16 juillet, Paulo
J. 1Jorge, membre de la Commission des
Mais la généralisation des conflits rend dif- relations extérieures donne le ton en inscri-
ficile cette régionalisation de l'UNITA. C'est vant comme première cause de la nouvelle
pourquoi, on assiste à une incroyable partie situation "le manque de respect des accords
de poker entre le MPLA et le FNLA à propos d'Alvar, fondamentalernent de la part du
de l'UNITA. Alors que les troupes de Savimbi FNLA mais souvent en collusion avec l'U-
font cause commune avec celles du FNLA contre NIT A" et il ajoute un peu plus loin : "dans
le MPLA, ce dernier annonce des négociations la légitime préoccupation de surmonter les
avec l'UNITA. affrontements armés et trouver une nouvelle
plate-forme commune entre le MPLA, le
Le dimanche 17 se tenait à Luanda une grande FNLA et l'UNITA - malgré des divergences
ANGOLA

politiques et idéologiques et des antécédents Si les troupes du mouvement sont aujourd'hui


historiques entre eux - afin de permettre un encerclées à Lobito, Luso et NovaLisboa par
développement harmonieux, dans l'ordre et des troupes du FNLA à des centaines de kilo-
dans le calme, du processus de décolonisation, mètres de leur base arrière zal"roise, si
les dirigeants de ces trois organisations se l'UNITA a fait du Sud son fief, c'est grâce à
sont rencontrés à Nakuru (Kenya), en juin l'égalité formelle que confèrent les accords
7 5 et un nouveau protocole a été signé, réaf- d'Alvar aux trois organisations. En pleine
firmant plus ou moins les clauses fondamen- guerre civile, au moment o:i se joue le sort
tales des accords d'Alvar. Mais le FNLA, de la révolution angolaise, évoquer les ac-
une fois de plus, n'allait pas respecter les cords d 'Alvor comme toile de fond de la ba-
nouveaux accords malgré (sic) l'évidente taille politique du MPLA est irresponsable.
bonne foi (resie ! ) des dirigeants du MPLA".
Ceci confirme à loisir les choix nationalistes
Voilà comment un membre important de de la direction du mouvement.
l'appar eil fait l'histoire récente de so:1 pays!
Celle-ci n'a déclenché la contre-offensive que
Dans le numéro 14 de son journal "Victoria parce que sa propre survie était menacée par
certa", du 19 juillet, en pleine contre -offen- le FNLA. Chaque membre de cette direction
sive, le MPLA publie un court article sur le sait qu'en l'absence de to:1t autre soutien que
pouvoir populaire où est exprimée la né ces- celui des masses, le FNLA les éliminera phy-
sité de développer le pouvoir populaire : siquement sans délais.
"Les formes organisationnelles du pouvoir
populaire doivent être renforcées et amplifiées, Mais qu'un an et demi de compromis pourris
afin que le peuple puisse librement s'exprimer avec ces agents de l'impérialisme aient p:>:o-
et défendre ses intérêts, qui sont, fondamen- duit ces rapports de forces instables échappe
talement, les intérêts des ouvriers et des totalement à l'analyse de la direction du MPLA.
paysans. Ces classes doivent être largement Elle continue à fournir aux masses une analyse
représentées dans les organes populaires et moralisante des "méchants qui refusent de
ceci indépendamment des mouvements de li- respecter leur parole".
bération, des tribus o·.l des r aces . Le peuple
doit s'exprim e r de façon organisée, le peuple Pour lutter contre le FNLA, il faut placer le
doit lutter et choisir librement son avant- combat des masses angolaises dans le cadre
garde" de toute "la révolutioD. africaine. Il faut ré-
veiller les masses des pays néo-coloniaux et
Dans un communiqué radio-diffusé à Luanda, ne pas se co:J.ten.ter de combats à fleuret mou-
le B. P. du MPLA "lance un appel véhément cheté sur la scène de l'OUA.
aux commissions populaires de quartier pour
qu'elles constituent des groupes de vigilance Quand à l'UNITA, voici l' analyse d'A. Neto
dans tous les quartiers, for més par des cito- dans l'interview du 3 mai au "Sempre Fixe"
yens conscients et disciplinés, avec pour ob- "Actuellement, l'UNITA suit le même chemin
jectif d'empêcher que des groupes marginaux que le FNLA et c'est pourquoi nous n'avo~1.s
à la solde ou non de la réaction, commettent aucune possibilité de travailler ensemble à
des actes de banditisme, comme des assassi- l'intérieur du gouvernement. On ne peut pas
nats, pillages, déprédations et violences". dire que l'UNITA soit neutre. Bien silr, le
Le MPLA appelle l'organe coordinateur des choc principal n'est pas avec l'UNITA ; nous
communes populaires de quartier pour que avons néanmoins de bonnes raisons de penser
"ensemble avec la municipalité de Luanda, ils que si l'UNITA était seule en présence, son
étudient la manière de donner une solution pra- attitude ne serait pas différente. Même dans
tique aux problèmes de l'en.terrement des ca- ces conditioDs nous espérons encore que l'U-
davres, du manque d'eau et de lumière et d'au- NITA suivra le chemin de la conciliation, le
tres de leur com_?éteoce" ("A Capital" -17. 7. chemin de la véritable paix".
75 ).
Curieuse conception de la conciliation et de
Ces déclarations sur le pouvoir populaire res- la paix , après avoir mis sur le même pied
tent largement ambigües dans la mesure où FNLA et UNITA. Tout cela ne peut favoriser
elles en définissent une fonction pratique et une éducation de mouvement de masse. Au
non pas une stratégie de développement de contraire, chaque déclaration est soigneuse-
l'auto-organisation et de l'auto-défense comme ment·dosée pour satisfaire tout le monde et
forme première de pouvoir d'Etat des masses laisser la porte ouverte à de nouvelles négo -
labori euses . ciations vé reuses pour un gouvernement
d'unité quelconque.
Les rapports entre MPLA et appareil d'Etat
restent d'autant plus dans l'ombr e qu'est rap-
Il est bien vrai qu'aujourd'hui l'UNITA s'est
pelé en permanence le respect aux accords
taillée une base dans le Sud. Mais ce n'est
d'Alvar, c'est-à-dire à une forme de gouver-
pas en faisant une alliance tactique sur le dos
nement bourgeois. Là se situe l a contradic-
tion fondamentale qui induit dans le mouve- du mouvement de masse urbain qu'on fera reve-
ment de masse les pires illusions. nir l'histoire en arrière.
24
C'est avant tout un corps de mots d'ordre en "Chine nouvelle" accuse l'URSS de livrer à
direction de ses secteurs paysans et petits- Luanda {implicitement pour le MPLA), "d'im-
bourgeois qui pourrait encore démasquer portantes quantité d'armements lourds".
l'UNITA. Et si cela est en prép::~.ration, tout "Bien que l'OUA reconnaisse et soutienne les
peut être à nouveau compromis en redorant trois mouvements de libération angolais, le
le blason de Savimvi par une alliance de der- social-impérialisme soviétique les a classés
nière minute. d'une manière vicieuse en trois catégories :
révolutionnaire, non-révolutionnaire et contre-
révolutionnaire .•• et cela malgré le fait que
Pékin et 1a contre-révolution ces trois mouvements aient pendant des années
angolaise persévérer dans la lutte armée",
La bureaucratie soviétique s 1 était contentée
pendant de longs mois de soutenir le MPLA Le 12 juillet Chai-Se-Min président de l'asso-
sans prendre de position clairement hostile ciation pour l'Amitié avec les pays étrangers,
au FNLA. Le respect des accords d'Alvor, a reçu une délégation du FNLA. La délégation
mais surtout le ménagement de tout le monde du FNLA reçue à Pékin était conduite par
face à un avenir incertain guidaient la diplo- Hendrik Vall Neto, secrétaire d'Etat à l'In-
matie soviétique, formation du gouvernement de coalition. Cet
individu est celui-là même qui en février atta-
Depuis quelques temps le ton change. Le 17 qua à la tête d'un commando du FNLA, les ins-
ao1lt, la "Pravda" accusait le FNLA d'être tallations de la radio de Luanda, enlevant et
soutenu par "Pékin, par les racistes d'Afri- torturant un speaker, sympathisant du MPLA
que du Sud et par les monopoles multinatio- et malmenant les travailleurs car ils avaient
naux qui veulent conserver les richesses na- donné trop d'écho à la campagne de pouvoir
turelles de l'Angola". populaire. Cette réception à Pékin (émission
de l'agence Hsinhua captée à Tokyo) se déroula
Le soutien au MPLA qualifié "d'avant-garde au moment même où le MPLA vidait le FNLA
révolutionnaire éprouvée dans ce pays" de Luanda!
{Krasnaia Zvezda du 17. 8) est décisif pour
la diplomatie soviétique en Afr ique australe
et centrale . La défaite du MPLA conduirait
à une pénétration décisive de la diplomatie
Pour un combat an ti- capitaliste
US, à un recul des positions gagnées par le On ne saurait rester neutre entre les trois
SWAPO de Namibie et par l'ANC de Rhodésie, mouvements de libération sous prétexte d'une
qui sont les meilleurs espoirs de la diplomatie conception gradualiste qui jug erait comme pre-
mière étape la lutte "du nationalisme angolais"
du Kremlin.
contre la présence portugaise.
Toutefois, le "travail" est déjà bien ébauché
La pénétration interna tiona le des capitaux en
par l'attitude ouvertement contre-révolution-
Angola rend la question du "néo-colonialisme
naire de la direction chinoise.
portugais" totalement dépendante de la sou-
mission de l'économie angolaise aux intérêts
On sait que Pékin envoya plus de deux cents
impérialistes divers qui se partagent les conces-
instructeurs dans le FNLA à la suite des ac-
sions. C'est pourquoi, la démarche prioritaire
cords sino - zat'rois. On signale aujourd'hui
est de déceler la jonction entre des forces
la présence de Chinois sur des lignes avancées
telles que le FNLA et l'UNITA et les intérêts
du front, à Caxito {interview d'un camarade
des différentes fractions impérialistes. (cf.
de la LCR française de retour d'Angola), ré-
"Inprecor" no 3l).C'est là une critique fort
vélée par un prisonnier FNLA.
pertinente aux réformistes portugais qui se
disent contre toute solution néo-coloniale mais
Les explications qui sont données aujourd'hui
se taisent sur les accords passés par Lisbonne
sont implicitement des dénonciations du MPLA.
avec une multitude d'entreprises impérialistes
pour le pillage de l'Angola. Les divisions au
sein du "nationalisme angolais" recouvrent bel
Le 26 juillet "Chine nouvelle" écrivait qu'il et bien les conflits entre les tenants d'une so-
n'existe "aucun conflit d'intérêt" entre les dif- luti.on néo-coloniale immédiate et un mouve-
férents mouvements de libération en Angola, ment de masse ayant fait ses premières expé~
et les heurts qui peuvent les opposer sont riences d'auto-organisation et partiellement
essentiellement dus aux "manoeuvres de dis- contrôlé par une direction nationaliste petite-
senssion" perpétrées par l'Union soviétique. bourgeoise.
"A la veille de l'indépendance de 1 'Angola, et
]uste après la signature de l'accord de Nakuru Lorsque nous disons soutenir le MPLA nous
par les trois organisations angolaises, les nous adressons aux masses angolaises et nous
sociaux-impérialistes soviétiques ont provo- leur disons :"Nous soutenons le MPLA parce
qué d'une manière flagrante un conflit armé qu'il est aujourd'hui la force politique et mili-
_en Angola pour saper l'indépendance de ce taire dans laquelle vous placez votre confiance
pays et en obtenir le contrOle en raison de son et dont vous remplissez les rangs. Nous soute-
emplacen~ent géogr-aphique stratégique". nons le MPLA parce qu'il est aujourd'hui l'u-
25
ANGOLA

nique force militaire qui s'oppose à la plus n'ont pas disparu. Déjà, on parle d'inter-
brutale réaction qu'ait connue la révolution vention militaire sud-africaine au sud pour
africaine. Mais les raisons pour lesquelles "protéger" le barrage de Calueque sur le
vous vous battez, pour la fin de toute exploi- fleuve Cunene, · régions où les Sud-Africains
tation, pour un Angola réellement libéré de ont fortement investit pour produire l'énergie
toute contrainte impérialiste, la direction du hydro-électrique que réclamne la Namibie.
MPLA ne pourra en définitive les satisfaire, Tout ceci concourt à donner aux luttes du peu-
Votre direction croit concilier votre combat ple angolais un rôle décisif pour les futurs
avec la diplomatie africaine et "l'unité natio- rapports de forces dans toute l'Afrique aus-
nale", en faisant l'économie d'une véritable trale, au moment où le régime rodhésien né-
révolution socialiste. En soutenant le MPLA gocie sa dernière carte et où Prétoria s 'ap-
c'est votre lutte que nous soutenons, celle des prête à parquer les peuples de Namibie dans
travailleurs et des paysans pauvres, celle des Bantoustans concentrationnaires.
des militants et cadres révolutionnaires du
MPLA. Mais nous vous mettons en garde Aujourd'hui, le MPLA se bat pour le contrôle
contre les zigzags de la direction nationale, des côtes. Moçamedes, Benguela, Lobito,
contre ses illusions et ses hésitations". sont les batailles décisives pour l'approvi-
sionnement et la logistique.
Convaincus qu'une ligne de classe passe à tra-
vers ce mouvement, nous estimons que la voie Les escarmouches de Caxito à 55 km au nord
qui peut mener à une radicalisation de la lutte de Luanda, point le plus avancé du FNLA,
et à sa transcroissance en révolution sociale prouvent que les troupes de Holden ont échoué
passe par la construction d'une authentique di- pour le moment dans leurs tentatives de re-
rection co1nmuniste. prendre Luanda.
C'est donc dès maintenant que les éléments
conscients du mouvement doivent pouvoir s'or- Le 15 août, le successeur de Cardoso, le
ganiser et avancer leurs perspectives propres. général Antonio Ferreira Macedo déclarait
le gouvernement de coalition incapable de
Une tendance de lutte de classes s'affirmerait prendre aucune responsabilité et décidait
dans la période actuelle en refusant tout nou- d'assumer seul le pouvoir exécutif. C'est face
vel accord politique avec le FNLA et l'UNITA à cette décision que le MPLA, véritable martre
en tirant un bilan critique des accords précé - de Luanda a évoqué une déclaration éventuelle
dents et en dénonçant la formule du gouver- d'indépendance unilatérale, La formule juri-
nement de coalition. Une telle tendance dé- dique n'est pas décisive, d'autant plus qu'elle
passerait les formules vagues des éléments peut dans l'esprit des dirigeants du MPLA
maol.'sants sur une "démocratie populaire", impliquer de nouvelles tractations pour la re-
pour formuler les tâches concrètes d'une ré- connaissance diplomatique par une série d'Etats
volution socialiste. Le développement des africains.
comités de quartier et des milices populaires
comme formes préparatoires au pouvoir d'E- Face aux tergiversations du Portugal , il faut
tat des masses, l'expropriation sans indemnités exiger aujourd'hui tout le pouvoir au MPLA.
des capitalistes, un corps de mots d'ordre en
direction de la paysannerie, des réponses - Troupes portugaises, sud-africaines et
claires quant à l'auto-détermination des groupes zal.'roises hors d'Angola
ethniques, à l'usage des langues nationales, à - Pour une solidarité internationale avec
la destruction des formes de propriété en luttes des travailleurs et paysans angolais
zones caféières, etc, ; tout cela doit contribuer - Bas les pattes devant la révolution an-
à relancer un mouvement de masse déjà fatigué golaise~
par la famine et les massacres,

Briser les illusions nationalistes en dénonçant (1) Dans les rapports de forces militaires
la mascarade de la diplomatie africaine, en actuels, la question de l'aviation est décisive.
appelant les masses congolaises, zai'roises et Le premier mouvement qui disposera de quel-
zambiennes à se mobiliser et en appelant la ques appareils aura toutes les chances de modi-
solidarité militante des révolutionnaires afri- fier fondamentalement la situation en sa faveur.
cains et du mouvement révolutionnaire inter- (2) Depuis plusieurs semaines, des milliers de
n .a tional, voilà la meilleure réponse aux appels Portugais attendent à l'aéroport de Luanda et
unitaristes d'un Kaunda. à celui de Nova-Lisboa un avion de rapatriement.
Certains de dirigent en colonnes de centaines
Un tel regroupement d'avant-garde serait non de voitures vers la Namibie où les Sud-Afri-
seulement les prémisses d'une direction révo- cains les logent quelques temps avant de les
lutionnaire reconnue, mais aussi., la seule réexpédier au Portugal.
alternative face à une direction actuelle du Presque tous les jours se déroulent à Luanda
MPLA que chaque pas risque de briser en des manifestations de colons anti-communistes
fractions au sujet de négociations avec l'UN- et anti-MFA. La question de ces rapatriés
ITA ou encore sur une déclaration unilatérale réactionnaires n'est pas sans importance pour
d'indépendance et bien d'autres choses, .. la situation intérieur portugaise.
Les risques d'internationalisation du conflit
26
22 août 197 5

EGYPTE

arrestation de 20militants
révolutionnaires
Au début d'aoüt, le gouvernement égyptien a - Trois militants ouvriers, dont les noms
annoncé par l'intermédiaire de sa presse aux ne sont pas donnés.
ordres que vingt militants révolutionnaires Les mêmes journaux mentionnent que ces
avaient été arrêtés au début juillet, parmi camarades étaient détenus à la prison Al-
eux, cinq jeunes femmes. Ils étaient accusés Kalaa au Caire et que l'Etat avait empêcher
d'appartenir à la Ligue communiste interna- leur famille de leur reridre visite. Des sources
tionaliste, le nouveau nom de l'ancien Groupe liées au bureau du Procureur disent que beau-
communiste Mustapha Khamis, une organisa- coup parmi les prisonniers ont refusé de par-
tion qui adhère aux principes du marxisme ler en dehors de la prés en ce d'un avocat et
révolutionnaire. (Pour le texte du premier que la plupart d'entre eux avaient demandé à
manifeste du Groupe communiste révolution- être défendus par l'avocat égyptien bien con-
naire Mustapha Khamis, voir "Inprecor" nu Ahmed Nabil Al-Hilali. L'édition du 3
n o 14/ 15- 12 décembre 1974). Selon des in- aoüt du quotidien de Beyrouth "Al Anwar 11
formations parues dans d'importants quoti- rapporte que deux des vingt prisonniers,
diens du Caire, les militants arrêtés étaient Muzahim Takriti et Abdel Kader Shakir
a ccusés d'avoir établi des relations avec l e é t a ient des Irakiens qui ava ient été envoyés
Groupe communiste révolutionnaire du Liban au Caire pour "instruire" les militants égyp-
et l a Quatri è me Internationale et d'avoir orga- tiens dans l'usage de "l'encre sympathique et
nis é " le r env ersement du r égim e politiqu e e t d e l' écrit ure co d ée".
économique" de l'Egypte pour le remplacer
par un " régime communiste-trotsky ste e x- Un des aspects particuliè rement odieux des
trémiste" . (Le r é cit le plus détaillé des ar- arrestations est que le Procureur , agis-
restations est paru dans l'édition du 3 aoüt sant avec une mauvaise foi délibérée, essaya
du quotidien "Al Akhbar " . Ci-dessous une d'associer les cama rades arrêtés à l'Orga-
traduction des principaux extraits de l'arti- nisation communiste arabe (OCA), une orga-
cle de "Al Akhbar" ) . Les "preuves" présen- nisation ultra-gauche qui a dü faire face' à la
tées par le Parquet se c omposaient d'une répression au Liban, en Syrie et au Koweit.
machine à écrire et de que~ques imprimés Dans sa déposition devant le tribunal, le
comprenant des tracts et des brochures. Procureur remarqua que cinq membres recon -
nus de l'OCA avaient récemment été pendus
Dans son édition du 16 aoüt, le quotidien li- à Damas.
banais "Beyrouth" a publié une liste partielle
des militants arrêtés. Parmi eux : Le fait est cependant, que ni les camarades
égyptiens , ni le Groupe communiste révolu-
- Oussama Khalil, employé à l'Université tionnaire du Liban n'avaient un lien quelcon-
du Caire que avec l'Organisation communiste arabe,
- Ibrahim Azzam, étudiant de l'Université excepté celui-ci : les trotskystes arabes ont
du Caire toujours défendu l'OCA contre la répression
- Najwa Abdel Ghaffar Al-Baassi, étu- des régimes arabes bourgeois. Les diver-
diante à la faculté des sciences économiques gences politiques fondamentales entre les
et politiques de l'Université du Caire trotskystes arabes et l'OCA sur des ques-
- Randa Abdel Ghaffar Al-Baassi, étudiante tions comme celle du terrorisme ne sont pas
de la section commerciale de l'Université du un secret, elles ont été suffisamment discu-
Caire (selon "Al-Akhbar", elle est étudiante tées dans la presse marxiste révolutionnaire
en agrono'mie à l'université Ain Shems du du monde arabe.
Caire
- Mohammed Beshir Al-Sibai, employé Le but du gouvernement égyptien est parfai-
au département international de l'agence de tement clair : cet amalgame fait partie de la
presse égyptienne mise en scène destinée à obtenir les senten-
- Le docteur Mohammed Bayuni, vétéri- ces les plus dures possible contre les cama-
naire rades égyptiens et à justifier l'étroite colla-
- Mohammed Tayel, Ibrahim Ramadan, boration des polices secrètes égyptienne, liba-
Mohammed Said Al - Jerjawi, Atef Salim et naise et syrienne par la démonstration que
deux de ses soeurs (qui ne sont pas nommées), tous les régimes du monde arabe ont à faire
tous étudiants à l'Université du Caire face à un "complot terroriste" international ,
EGYPTE
accusation qui a servi d'arme principale pour tiens fut de remplacer Hegazi, le symbole de
la chasse aux sorcières menée par les impé- "l'ouverture économique" par Mahmoud Salim,
rialistes et leurs alliés depuis plusieurs an- un officier de police de carrière. La politique
nées maintenant. d"'ouverture" continua et s'approfondit même,
On offrit aux travailleurs quelques concessions
verbales destinées à les calmer, Mais la no-
Pourquoi ces arrestations? mination d'un policier comme premier ministre
Le régime Sadate se propose clairement de était le signe de ce qui allait suivre : une forte
faire un exemple avec nos camarades dans intensification de la répression pour tenter de
l'espoir d'intimider tous les révolutionnaires pacifier ce "front interne" auquel faisait ré-
et les mouvements de gauche qui agissent ac- férence le Procureur du Caire. L'arrestation
tuellement parmi les travailleurs et les pay- des camarades de la Ligue communiste inter-
sans égyptiens. Il s'inquiète de l'activité po- nationaliste est un premier essai pour éprou-
litique croissante des tra va illeurs et de toutes ver la capacité du régime de décapiter le mou-
les masses l aborieuses du pays, activité que vement ouvrier.
l'appareil de répression a été incapble de faire
cesser. Il y a quatre raisons principales pour les-
quelles Sadate a décidé d'attaquer particu-
Le renouveau du mouvement de masse égyp- lièrement les marxistes révolutionnaires
tien commença avec les grèves étudiantes et égyptiens :
les manifestations de janvier 72. Depuis lors ,
l es étudiants sont descendus dans la rue à de - Premièrement, les camarades ont jO'.lé
nombreuses occasions, généralement pour un rôle important dans les manifestations
protester contre la politique de capitulation étudiantes contre la politique de capitulation
du gouvernement à l'égard de l'Etat sioniste de Sadate devant le sionisme et, avec la si-
d'Isra~l et de ses soutiens impérialistes. Vers
gnature du dernier accord avec Isra~l. le ré-
l'automn e 74, la crise économique aggravée gime a des raisons de craindre de futures mo-
et les tensions sociales qui en découlaient ont bilisations en opposition à ce nouveau pas
entrainé un réveil de l a classe ouvrière égyp- dans la capitul ation.
tienne. En septembre 74, date à laquelle fut
- Deuxièmemen t , les camarades avaient
mis en place le gouvernement du " libéral "
été activement impliqués dans l'organisation
Abdel Aziz Hegazi, les grèYes ouvrières ba -
et la défense des luttes des travailleurs pour
la yèrent Helwan, Shubra Al-Khaima et d'au-
les revendications économiques.
tres centres ouvriers, Les grèves furent si
puissantes que le gouvernement fut obligé
- Troisièmement, le régime craint tout
d ' accorder des concessions économiques im-
spécialement que l'organisation marxiste
portantes. La grève de l'automne 74 a culmi -
révolutionnaire ne soit capable de jeter un
né avec l a manifestation ouvrière rnassive
pont re liant la protestation étudiante contre
du Caire le !er janvier 1975. Le gouverne-
l a politique de Sadate envers Isra~l et les
ment riposta à la manifestation par une
mobilisations ouvrières ; le régime est plei-
vague d'arrestations.
nement conscient du rapport étroit entre les
fronts "intérieur" et "extérieur" ainsi que de
Cette répressior. cependant échoua à endiguer
la nécessité où il se trouve d'empêcher les
la marée . A la fin mars, les travailleurs de
masses égyptiennes de prendre conscience de
Mahalla Al-Kubra se mobilisèrent pour l'une
ce rapport.
des luttes les p lus avancées de l'histoir e ré -
cente du mouvement ouvrier égyptien, orga-
-Quatrièmement, l e reg1me espère qu'en
nisant des comités de grève, occupant l es
imputant aux camarades égyptiens le fait
usirl'es et résistant aux agressions armées
d'avoir établi des relations avec des "étrangers"
d es forces de répression,
de la Quatrième Internationale, il pourra les
L a mobilisation de Al-Kubra convainquit les isoler du reste de la gauche égyptienne, réus-
classes dominantes égyptiennes que l e gou- sissant ainsi dans ses plans de répression
vernement Hegazi avait fait son temps. La tout en cachant sa propre capitulation devant
montée des luttes de la classe ouvrière était l'imp érialisme derrière un vernis nationaliste.
un obstacle majeur pour la politique de Sa-
date d"'ouverture" économique et politique à La nécessité de la solidarité
l'impérialisme et à son capital. Les capitaux Il est crucial que la bourgeoisie égyptienne
occidentaux n'aiment guère être plongés dans échoue dans ses tentatives, non seulement
une situation instab le, surtout pendant une à cause de l'importance intrins èque du mou-
récession internationale. Par a illeurs , les vement ouvrier égyptien, mais aussi à cause
formes d'organisation qui apparurent durant du rôle d'avant-garde que ce joue ce mouve-
l es luttes de Mahalla Al-Kubra mirent en ment pour toute la révolution arabe, L'échec
évidence la possibilité pour les travailleurs de la tentative de Sadate d'écraser l'organi-
égyptiens de précipiter une explosion sociale sation marxiste révolutionnaire égyptienne
généralisée. aiderait à prévenir les attaques de la répres-
sion dans les autres pays arabes. Inverse-
La solution trouvée par les dirigeants égyp - ment, si Sadate réussit en Egypte, il sera
plus facile pour les autres gouvernements du FPLP, (Nous publions ci-après le texte
arabes de prendre la même voie. Déjà, les du communiqué). Cette solidarité doit main-
arrestations en Egypte ont été utilisées par tenant s'étendre internationalement pour que
la presse bourgeoise libanaise pour lancer les attaques de Sadate contre les droits démo-
une campagne contre le Groupe communiste cratiques les plus élémentaires, liberté
révolutionnaire du Liban. d'association et liberté de la presse soient
mises en échec.
Les révolutionnaires et la gauche arabes
ont déjà commencé à riposter, Le 4 août LIBEREZ TOUS LES MILITANTS
un communiqué commun pour la défense des REVOLUTIONNAIRES EMPRISONNES
camarades égyptiens fut publié par quatre EN EGYPTE ~
organisations dont le Front populaire pour SOLIDARITE AVEC LES MASSES
la Lib ération de la Palestine et le Front-po- EGYPTIENNES ET LES MILITANTS
pulaire-Commandement général, une scission REVOLUTIONNAIRES~

Une organisation
LE RAPPORT DE d'un type nouveau

<<AL-AKHBAR >> Au début de la séance, Randa nia l'accusa-


tion qui lui est faite d'appartenir à l'organi-
sation, Abdel Magid Mahmoud dit dans son
réquisitoire :"Au moment où il faut renforcer
le front intérieur, cette Ligue est venue dé-
truire toute réalisation sur la voie du renfor-
Les Services de renseignements de la Sûreté cement du front intérieur,,." Il ajouta: "Cet-
de l'Etat ont réussi à arrêter une organisa- te Ligue essaye de fonder une organisation
tion communiste en relation avec les organi- communiste secrète destructrice , non pas du
sations communistes du Liban et de France, type traditionnel mais une organisation
Vingt membres de l'organisation ont été ar- extrémiste marxiste trotskyste qui établit des
r~tés dont cinq jeunes femmes, •. L'organisa-
relations avec des organisations communistes
tion communiste a pour nom "Ligue commu- étrangères. Cette organisation a donc volon -
niste internationaliste" et pour but de renver- tairement accepté d'être l'agent de forces
ser le régime politique et économique du pays extérieures étrangères à nos convictions.,,"
et d'imposer le régime communiste extrémiste
"trotskyste". Les services de sécurité sui- Il dit également : "Cette organisation a
vaient l'activité de.l'organisation depuis août contacté quelques marxistes trotskystes de
1974 jusqu'à l'arrestation de ses membres en l'extérieur, après quoi ils formèrent une or-
juillet dernier ... L'organisation communiste ganisation communiste groupant les accusés
était en relation avec l.e Groupe communiste et dont le but est de renverse r le régime poli-
révolutionnaire du Liban et la Quatrième In- tique et économique du pays et d'imposer le
ternationale de France (qui est un groupe com- régime communiste extrémiste, Leur activité
muniste extrémiste). débuta pendant l'été 1974, en même temps com-
mença l'observation de leur activité par les
services de sécurité. Les Renseignements de
Les Renseignements de la Sûreté de l'Etat la Sûreté de l'Etat présentèrent 13 rapports
ont présenté des photographies, enregistre- à la procuration de la Sûreté de l'Etat, puis
ments, imprimés et documents prouvant l'ac- l'organisation fut arr~tée le 3 juillet dernier,
tivité de cette organisation communiste en
Egypte, , , Une machine à écrire a également
été trouvée, ainsi que plusieurs brochures
prêtes à être diffusées, dans l'appartement Un sou tien de l'extérieur
de l'organisation au Caire ... Les accusés ont reconnu avoir contacté le
parti du Groupe communiste révolutionnaire
du Liban qui est tenu pour être une section
d 'un parti communiste de France, ("la Qua-
Le Parquet de la Sûreté de l'Etat a diffusé trième Internationale"). Ils formèrent une
hier les détails relatifs à cette organisation
organisation communiste suivant les deux or-
lors de l'examen d'une demande de mise en
ganisations et commencèrent leur activité en
liberté présentée par Randa Abdel Ghaffar
créant ce qu'ils appelèrent "Groupe commu-
Al Baas si, étudiante en agronomie et mem-
niste Mustapha Khamis"; puis l'organisation
bre de l'organisation, et examinée par la
se transforma en Ligue communiste interna-
Cour de Sûreté de l'Etat, présidée par le
tionaliste et adopta la ligne marxiste-trotskyste;
Conseiller Hussein Mustapha Omar, le Par-
ils dépendaient et se soumettaient au Groupe
quet étant représenté par Abdel Magid Mah- communiste révolutionnaire du Liban. Le
moud,
contact et le soutien furent maintenus entre les
29
EGYPTE
deux organisations. L'organisation libanaise Abdel Ghaffar Al Baassi, étudiante de la fa-
envoya deux délégués avec des directives à culté d'agronomie de l'Université d'Ain El
l'organisation en Egypte ; ils se réunirent avec Chams (19 ans) et invoqua les tracts et bro-
les membres de cette dernière et furent ar- chures trouvés dans son bureau.
rêtés ; il s'agit de Mozahem Takriti et Abd el
Kader Chaker . L'organisation libanaise offrit Ade! Amin, avocat de l'accusée, plaida , de-
un soutien financier pour l'achat d'une machine manda sa mise en liberté à cause de son jeune
à écrire pour imprimer les brochures et les âge et l'absence de preuves quant à sa parti-
tracts ; les membres de l'organisation égyp- cipation aux réunions, son seul rôle étant que
tienne furent également entraînés à l'utilisa- sa soeur Nagwa Abdel Ghaffar Al Baassi, étu-
tion de l'encre sympathique et de l'écriture diante à la faculté de génie d'Ain El Chams et
en code. L'organisation libanaise leur envo- l'époux de cette dernière, Ibrahim Azzam sont
ya aussi des livres et des revues pour l'édu- accusés dans l'affaire ...
cation dont la revue "Al Mounadel" publiée Il ajouta que les imprimés trouvés avec elle
par l'organisation au Liban. Les membres ne prouvaient pas son appartenance à l'orga-
de l'organisation louèrent un appartement nisation •.. Le tribunal décida de libérer 1' ac-
pour leurs réunions •. . cusée avec assignation à résidence. Il est
connu que la libération des accusés dans de
Mahmoud demanda de garder Randa en prison telles affaires a lieu après confirmation de la
parce que l'enquête n'est pas terminée et décision ; le Parquet a le droit de s'opposer
jusqu'à l'arrestation de quelques inculpés en à la décision du tribunal.
fuite. (Suit un amalgame entre nos camarades et
l'OCA, qui signale que 5 membres de cette
Puis il expliqua le rôle de l'accusée Randa organisation ont été pendus à Damas) .

solidarité contre la répression!


La déclaration suivante fut rendue publique ves de la révolution qui combattent au coude
le 4 août 1975. Elle était signée du Front po- à coude avec les masses étudiantes et tra-
pulaire pour la libération de la Palestine, du vailleuses patriotiques.
Front-populaire-Commandement général, du Cependant, des mesures aussi désespérées
Parti socialiste des travailleurs arabes et du ne pourront contenir la montée du mouvement
Groupe communiste révolutionnaire. de masse et de ses mobilisations contre un
Au début de juillet, le gouvernement égyptien régime d'exploitation et de trahison. La soli-
a arrêté 20 militants de gauche, les accusant darité du mouvement patriotique révolutionnaire
d'appartenir au "Groupe communiste révolu- arabe avec les masses égyptiennes et leurs
tionnaire". C'est un degré de plus dans la militants révolutionnaires, qui est de son de-
mise à nu du véritable visage du régime bour- voir, montre que le mouvement révolutionnaire
geois égyptien. Ce régime a adopté le slogan égyptien ne sera pas arrêté,quelle que soit l'am-
d"'ouverture" ; mais ceci est une ouver ture pleur de la répression qui s'abat sur lui et
au capital impérialiste, à ses porte-parole qu'il ne sera pas isolé. Au contraire, il re-
réactionnaires et à ses agents p atentés . Pa- cevra toujours le témoignage de la solidarité
rallèlement à cette "ouverture", le gouver- totale de tous les révolutionnaires des pays
nement égyptien a intensifié ses attaques contre arabes et du monde entier.
les forces progressistes, patriotiques et ré-
De même, nous avertissons le regtme liba-
volutionnaires. Il a accusé ces détenus d'ap-
partenir à l'Organisation communiste arabe. nais qu'il ne prenne pas prétexte des actuelles
arrestations en Egypte pour engager une cam-
C'est une accusation fausse qui doit être relé-
guée avec les plus méprisables traditions po- pagne semblable au Liban. Le mouvement pa-
licières : amalgamer des organisations d'un triotique et progressiste du Liban défendra
certain type avec d'autres organisations qui avec ardeur les droits démocratiques qu'il a
adoptent des méthodes de lutte de masse. acquis par la· lutte. Il se dressera fermement
contre toute tentative d'étendre au Liban la
La vérité, c'est que le régime de Sadate campagne du gouvernement égyptien contre la
sombre dans une profonde crise économique gauche.
et politique. Sa politique d'ouvrir l'Egypte à - Libérez tous les emprisonnés de gauche~
l'imp éri alisme à échoué sur deux terrains. - Bas les pattes devant le mouvement pa-
Tandis que le chômage s'amplifie et que le ni- triotique révolutionnaire ~
veau de vie des masses travailleuses baisse
Front populaire pour l a Libération de la
constamment, les intentions capitulardes de
Palestine
Sadate se heurtent au sionisme borné, retran- Front populaire-commandement général
ché sur ses positions. Confronté à cette situa- Parti socialiste des travailleurs arabes
tion, le régime bourgeois en Egypte n'a pas Groupe communiste révolutionnaire
d'autr e choix que de réprimer les forces vi-
le 4. 8.1975
30
URUGUAY
(suite de là page 32)
en oeuvre de puissantes actions de solidarité.
Le 9 juin, la Justice Militaire émit sa sen-
tence : 12 condamnations allant de 2 à 6 ans Ils doivent dénoncer à travers toute leur
de prison. Dix des condamnés étaient accu- presse la persécution des militants et le
sés d"'atteinte à la Constitution et de Cons- danger que courent, aux mains des militaires,
piration", les deux autres d' "atteintes à la les 13 emprisonnés.
Constitution et conspiration suivie d'actes
préparatoires", l'un étant accusé d'être le
fondateur d'un noyaù de la Jeunesse socia- Ils doivent porter cette dénonciation par des
liste d'avant-garde, l'autre d'être un membre lettres ou des télégrammes à l'Ambassade
dirigeant du PST-U. Trois jours après, un autre d'Uruguay de tous les pay.s, en exigeant le
d~s accusés, étant mineur, fut remis en liberté. respect des droits des prisonniers, la fin des
fut mis en liberté. supplices, des conditions plus humaines de
Il reste un militant emprisonné sans procès détention , un régime de visite et de corres-
ni jugement. pondance libre , les soins médicaux, des pro-
Après trois mois d'isolement total pendant menades quotidiennes, l'autorisation de rece-
voir et de lire toute la presse çirculant léga-
lesquels ils n'avaient ni le droit d'écrire,
lement dans le pays, le droit d'accomplir
ni de recevoir la visite de leur famille, les
toutes les activités manuelles ou intellec-
condamnés furent autorisés à recevoir une
tuelles qu'ils désirent.
correspondance limitée et censurée de leur
plus proche famille. Actuellement, ils accom-
plissent leur peine dans un vieux wagon de
chemin de fer, séparés par sexe, et atten-
dant leur transfert définitif dans une des Les organisations démocratiques mondiales
casernes ou un des établissements péniten- et le mouvement de mas s,e, tous les comités
ciaires dans lesquels sont répartis les 7000 constitués spécialement pour défendre les
prisonniers politiques du pays. droits de l'homme et les libertés, les syn-
dicats ouvriers, les intellectuels, les orga-
nisations étudiantes doivent s'efforcer de
faire pression sur le gouvernement urugua-
Entre-temps, 16 autres militants ont été yen pour la défense des prisonniers politiques
requis par la Justice militaire (c'est-à-dire
qu'un mandat d'amener a été délivré contre
eux).
Dans cette situation, la plus difficile qu'aient (1) Forces Unifiées (FF . CC). C'est le nom
dû. affronter les militants ouvriers sous le de l'organe de coordination des trois armes
militaires et de la police.

reg1me dictatorial établi dans ce pays depuis (2) "Baignoire", forme de torture qui consiste
juin 73, nous appelons les démocrates et les à plonger le prisonnier dans l'eau ou les
révolutionnaires du monde entier à mettre excréments, jusqu 'à suffocation.

Voici d'après "El Pais" du 29 mai 75, une Aldo Bruno Gill Baptista : célibataire, 19 ans,
liste de ces prisonniers employé.
Hugo Javier Martinez Baez : célibataire, 19
Carlos Raùl Astellano Del_ Rio : célibataire, ans, employé de l' "Institut anglo-uruguayen".
29 ans, instituteur. Walter Roberto Longo Porcile : célibataire,
Fernando Alfredo Souto Souto : célibataire, 19 ans, étudiant. -
2 5 ans, employé. Ruben Schubert Coronel Clavijo : célibataire,
Maria Liliana Cavigliade Soto : célibataire, 19 ans, employé de "Fabrica de Ladrillos
19 ans, étudiante. Morris".
Fredy Sixto Cabrera Dos Santos : célibataire,
19 ans, employé à "Plastela S. A. ". Julio Cesar Vuolo Castro : célibataire, 19
Ricardo Francisco Garcia Damonte : céliba- ans, employé.
taire, 19 ans, étudiant. Maria Cristina Araùjo Lopez : célibataire,
Ramon Suarès Trelles : célibataire, 19 ans, 20 ans, employée dans une fabrique de che-
employé de "Cambio Bafa". mises.
Luis Alberto Villarubia Mesones : célibataire, Maria de los Angeles Barboza Pena : céliba-
31 ans, étudiant, taire, 21 ans, institutrice.

31
uruguay
liberté
pour les prisonniers
politiques
Le 23 mars, sept militants du PST-U ont été Les trois premières semaines, la torture fut
arrêtés par les "Forcés Unifiées" (1) au cours intensive ; ils la subirent non seulement de
d'une perquisition. La semaine suivante , sept façon quotidienne, mais plusieurs fois par
autres militants furent arrêtés. De nouvelles jour. Pendant tout ce temps, même pour dor-
perquisitions et des arrestations eurent encore mir, ils avaient la tête encapuchonnée et les
lieu. mains liées. Pour manger et aller aux toi-
lettes (deux fois par jour) on leur détachait
Les 14 personnes arrêtés furent détenues les mains et on remontait le capuchon de fa-
dans des casernes au 4 °· Régiment de Cava- çon à libérer la bouche.
lerie pendant les deux premiers mois et au
5 o de Cavalerie par la suite. Les chocs électriques, la "baignoire" (2), les
coups sur tout le corps avec des matraques
de caoutchouc spéciales, les menaces de mort,
les menaces de viol des camarades femmes,
Par la torture physique et psychologique, la mirent en danger pendant 20 jours la vie de
torture "scientifique" sous contrôle médical, 14 révolutionnaires dans les cachots de la
les "Forces Unifiées" prétendaient leur arracher dictature uruguayenne.
des déclarations permettant d'obtenir l'organi-
gramme de certaines· organisations et d'arrêter
d'autres militants. La répression en Uruguay mène contre les
militants ouvriers et révolutionnaires une
offensive très dure qui les met dans une si-
Par les mêmes méthodes, ils voulaient les tuation extrêmement difficile.
obliger à signer des aveux dans lesquels ils
se déclaraient partisans de principes et d'ac-
tions typiques des organisations guérilléristes. (suite page 31)

32 Editeur responsabl e : René G r os lambe r t , 34 rue Noth omb . 1040 Bruxelles

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