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langues et citE-4.

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Septembre 2006
Numéro 7

Langues
et cité
Les rectifications
orthographiques
En 1990, l'Académie française a approuvé à l'unanimité un cer-
tain nombre de rectifications proposées par le Conseil supérieur

Langues et cité Bulletin de l’observatoire des pratiques linguistiques


de la langue française. Celles-ci ont été publiées dans les
Rectifications Documents administratifs du Journal officiel de la République
de 1990 p. 2 française (n° 100, 6 déc. 1990). Ces rectifications tendent à sup-
primer des anomalies, des exceptions ou des irrégularités ; elles
touchent en moyenne, moins d'un mot par page d'un livre ordi-
Connaissance naire, et souvent il s'agit d'un accent.
et pratique p. 3
Le Premier ministre avait précisé : « Une véritable réforme, qui
modifierait les principes mêmes de la graphie de notre langue, et
Pour une altèrerait donc son visage familier, me parait absolument
orthographe exclue ». Il insistait aussi, lors de la réception du rapport qu’il
vivante p. 6 avait commandé, sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'imposer, mais
seulement de proposer de nouvelles graphies sur quelques
En Belgique p. 9 points limités : « Il n'a jamais été question pour le Gouvernement
de légiférer en cette matière : la langue appartient à ses usa-
gers ». Ainsi les anciennes graphies restent admises à côté des
Au Québec p. 10 nouvelles.
Les rectifications proposées ont été largement prises en compte
En Suisse p. 11 par les dictionnaires, au premier rang desquels le Dictionnaire de
l'Académie française, qui les inscrit comme variantes correctes,
largement suivi par les dictionnaires les plus courants.
Ces rectifications sont officiellement enseignées dans plusieurs
pays francophones, alors qu'en France même elles restent assez
largement ignorées des enseignants. Pourtant, après une période
de 15 ans, on constate que l'usage des dictionnaires et des sim-
ples scripteurs francophones a adopté nombre de ces « variantes
libres », qu'il ne serait sans doute pas illégitime désormais de
rendre accessibles à tous.
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2 1. Les numéraux

Les rectifications orthographiques Les numéraux sont liés par un trait d’union.

2. Les mots composés


2.1 On observe une tendance à la soudure
cent un/cent-un

auto-école/autoécole
des mots composés d’usage courant.

2.2 Les mots composés prennent la un compte-gouttes, des compte-gouttes/


marque du pluriel sur l’élément final, sur le un compte-goutte, des compte-gouttes
modèle du mot simple.

3. L’accentuation
3.1 On introduit l’accent aigu sur le e pro- assener/asséner
noncé fermé.

3.2 On remplace l’accent aigu par l’accent céder, céderai/cèderai ; événement/évè-


grave sur le e prononcé ouvert. nement

3.3 Les verbes en -eler/-eter et leurs déri- amonceler, j’amoncelle, amoncellement/


vés s’écrivent avec l’accent grave et une j’amoncèle, amoncèlement sur le modèle
consonne simple comme les verbes de de celer, cèle ; étiqueter, j’étiquette/j’éti-
même formation. quète sur le modèle de acheter, j’achète

3.4 L’accent circonflexe est supprimé sur î/i, û/u, aî/ai, oî/oi, oû/ou, aoû/aou ;
le i et le u. île/ile, flûte/flute, connaître/connaitre,
accroître/accroitre, goût/gout, août/
aout

3.5 Le tréma est placé sur le u prononcé. aiguë/aigüe ; ambiguïté/ambigüité

4. L’invariabilité du participe passé


Le participe passé de laisser suivi d’un infi- elle s’est laissée féliciter/elle s’est laissé
nitif est invariable. féliciter

5. Les mots d’emprunt


Les mots d’emprunt, issus du grec ou du a priori/à priori
latin ou de langues vivantes étrangères,
suivent les règles d’écriture du français.

5.1 On observe une tendance à la soudure cow-boy/cowboy ; week-end/weekend


des mots d’emprunt d’usage courant.

5.2 On observe une tendance à la franci- gas-oil, gasoil/gazole ; referendum/réfé-


sation des graphèmes. rendum ; un torero, une torera/un toréro,
une toréra ; un supporter/un supporteur,
une supportrice
de 1990

5.3 Les mots d’emprunt suivent la règle de un média/des médias ; un jazzman, des
formation du pluriel des mots français. jazzmen/un jazzman, des jazzmans ; un
squatter/un squatteur, des squatteurs ;
un week-end/un weekend, des weekends

6. Les familles désaccordées


Pour plus de cohérence, on tend à régula- chariot/charriot d’après charrier, char-
riser les familles désaccordées. rette
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En février 2006, la DGLFLF et les Presses universitaire d’Orléans ont publié le n° 1 des 3

Cahiers de l’Observatoire des pratiques linguistiques, intitulé : Les rectifications ortho-


graphiques de 1990 : analyses des pratiques réelles (Belgique, France Québec Suisse,
2002-2004), sous la direction de Liselotte Biedermann-Pasques et Fabrice Jejcic. Nous
présentons ici une synthèse des différents chapitres de cet ouvrage.

CONNAISSANCE ET PRATIQUE
DE L’ORTHOGRAPHE RECTIFIÉE
Les rectifications en rent connaitre les rectifications, soit un
bon tiers (4,05 % confondent les notions
demande un raisonnement analogique
somme toute assez simple par rapport à
France et dans la de correction et de rectification orthogra- la formation régulière du pluriel en fran-
phique). Les trois groupes français vien- çais, en finale (stratégie rationalisatrice),
francophonie nent en dernière position avec une chute ce qui explique que ce secteur ait globa-
considérable du nombre de ceux qui lement bien marché. Suit le secteur de
déclarent connaitre les rectifications : l’accentuation, avec introduction de l’ac-
Liselotte Biedermann-Pasques
18,18 % pour Caen 1 ; 4,54 % pour le cent grave sur e prononcé ouvert devant
CNRS-LAMOP
groupe Paris-IUFM, alors que les rectifi- syllabe muette, type je cèd(e)rai et

E
cations ont été présentées trois semaines évèn(e)ment, avec 40,26 % de graphies
n 2002 et 2003, une enquête sur la
environ avant l’enquête. Le groupe rectifiées. La francisation de mots d’em-
connaissance et la pratique des
Caen 2 vient en dernière position avec prunt, type à capella, avec introduction
rectifications a été menée auprès
4,34 % d’étudiants qui déclarent connai- d’un accent grave sur l’élément à
de groupes d’étudiants de diverses uni-
tre peu ou prou les rectifications (1 cas (capella) emprunté à l’italien, sur le
versités francophones (en Belgique, en
de confusion entre rectification et correc- modèle de la préposition française à,
France, au Québec et en Suisse).
tion orthographique). vient en troisième position, avec 18,93 %
de graphies rectifiées, soit néanmoins
En ce qui concerne la connaissances des
Parmi les principaux arguments dévelop- une chute de plus de 20 % du nombre de
rectifications, les Français arrivent
pés pour justifier la non-adoption des rec- rectifications par rapport aux deux sec-
curieusement en dernière position, bien
tifications, figure l’attachement à teurs précédents. La suppression de l’ac-
après les Belges, les Suisses et les
l’orthographe apprise dans l’enfance ; les cent circonflexe sur i représente un
Québécois.
rectifications couperaient l’écriture du pourcentage peu significatif de 3,30 % de
patrimoine littéraire et de l’étymologie ; rectifications. Quant à la régularisation
Les Belges viennent en tête des groupes
elles ne doivent pas devancer l’évolution d’anomalies, du type ognon, qui s’écrirait
qui déclarent connaitre les rectifications,
de la langue ; elles seraient un appauvris- comme il se prononce, elle n’a donné lieu
avec un pourcentage de 60,61 % : plus
sement de la langue ; il y a une méfiance dans l’enquête qu’à des graphies tradi-
d’un étudiant sur deux déclare les connai-
à l’égard de rectifications susceptibles tionnelles. De fait il est intéressant de
tre, ce qui n’est pas étonnant quand on
d’entrainer encore d’autres chan- constater que les étudiants français qui, à
sait que certains ont été en contact avec
gements ; certains secteurs de rectifica- la question sur la connaissance des recti-
les rectifications dès l’enseignement
tions sont acceptés, d’autres non ; cer- fications, répondaient ne pas les connai-
secondaire, voire primaire dans les insti-
tains étudiants n’ont pas conscience tre, les emploient spontanément, ce qui
tutions catholiques. Suit de très près le
d’appliquer les rectifications, ils ne sont prouve que les rectifications de l’ortho-
groupe suisse de Neuchâtel qui déclare
pas sûrs de les connaitre ; les universitai- graphe vont dans le sens de l’usage. Pour
connaitre les rectifications avec un pour-
res ne les connaissent pas et ne les appli- ne citer qu’un exemple, à propos de la
centage de 53,57 % ; comme précédem-
quent pas, etc. régularisation du pluriel de mots compo-
ment, plus d’un étudiant sur deux affirme
sés, 69,23 % du groupe d’étudiants de
connaitre les rectifications. Les
Pour ce qui est de la pratique des gra- Caen 2 utilisent la graphie rectifiée, et

.
Québécois viennent en troisième position
phies rectifiées, la régularisation du plu- néanmoins 88 % de ce groupe répondent
avec respectivement 40,62 % d’étudiants
riel de mots composés, avec un s en ne pas connaitre les rectifications
du groupe Université Laval qui déclarent
finale du deuxième élément, type un
connaitre les rectifications (15,62 % d’en-
abat-jour, des abat-jours, vient en tête
tre eux, cependant, confondent la notion
avec le plus grand pourcentage de gra-
de graphie rectifiée avec celle de correc-
phies rectifiées, 49,83 %, soit près d’un
tion orthographique). Pour le groupe
étudiant sur deux. Ce type de rectification
Sherbrooke, 35,13 % d’étudiants décla-
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4
Des pratiques gra- Expressions de la norme rectificateurs traditionalistes

phiques aux dis- a - école, scolaire, apprentissage 20 16


b - système de règles, grammaire 28 39
cours : norme et c - domaine de l’écrit 49 72
variation dans le d - intercompréhension 2 3
e - dénominations à partir 22 35
contexte des rectifi- de français, langue, norme...
cations de l’ortho- f - pas de norme 16 6

graphe graphies rectifiées avérées par personne, tionalistes, constitués par les groupes
au test graphique. québécois, se dégagent les éléments de
Fabrice Jejcic L’expression de la norme de référence est contraste suivants : d’une part, il n’y a
CNRS-LAMOP suscitée par la question : Lorsque vous pas de corrélation entre l’emploi de recti-
écrivez en français avez-vous une norme fications orthographiques et la tolérance

D
ans le questionnaire relatif à l’en- de référence, laquelle ? Les critères de la à la variation, et d’autre part, inverse-
quête évoquée ci-dessus, il appa- norme de référence s’organisent autour ment, il n’y a pas de corrélation entre
rait que certaines questions, plus de huit arguments dont les mot-clés sont l’emploi de graphies traditionnelles et l’in-
que d’autres, sont restées sans réponse. donnés dans le tableau ci-dessus. La tolérance à la variation. Si l’attitude des
Il en est ainsi de trois questions relatives consultation de ce tableau montre un cer- premiers s’explique par des facteurs tels
à la norme et à la variation qui, à elles tain nombre de distinctions entre rectifi- que le sentiment de sécurité linguistique
seules, recueillent plus de 35 % des cateurs et traditionalistes. Les différences dont la radicalité des réponses tient sans
abstentions sur la totalité des réponses les plus marquantes sont indiquées par doute à la jeunesse du groupe, l’attitude
aux 14 questions de l’enquête. Toutes ces les chiffres en caractères gras : des seconds parait liée à des facteurs tels
non-réponses dénotent un certain mal- Le groupe québécois se distingue des que le sentiment d’insécurité linguistique,
aise des enquêtés ; elles traduisent un autres groupes francophones. En effet, la relation difficile au français de France
sentiment d’insécurité du locuteur à qui la dans quelques réponses notamment, on et le contact avec l’environnement anglo-
bonne maitrise de cette langue parait décèle non seulement la référence à un phone dominant.
hors d’atteinte. Ces observations nous français québécois en usage, mais égale- Un point commun à tous les groupes, qui
ont amené à présenter ici quelques résul- ment le besoin explicite d’une norme spé- transparait en filigrane dans toutes répon-
tats de nos travaux sur les réponses obte- cifique, reconnue et non-dévalorisée. ses, est la prégnance idéologique autour
nues à ces trois questions ouvertes :
- Lorsque vous écrivez en français avez-
vous une norme de référence, laquelle ?
Concernant les réactions face à l’écart,
on observe trois types d’attitudes : l’in-
linguistique .
de ces questions de norme et de variation

- Quelle est votre réaction devant un écart transigeance, le besoin de correction, et


à la norme, à l’oral ? à l’écrit ? d’autre part la tolérance. Cette analyse a
- Quels types d’écarts à la norme vous curieusement mis en évidence que les Une décennie après,
paraissent acceptables ? à l’oral ? à
l’écrit ?
groupes les plus rectificateurs sont les
plus intolérants. Ceci est d’autant plus
où en sont les recti-
étonnant pour les étudiants belges, que fications orthogra-
Du point de vue méthodologique l’analyse l’usage conscient des rectifications sup-
du discours est basée sur les arguments pose un réel esprit de tolérance qui phiques ?
récurrents utilisés dans les réponses aux admet la variation graphique et la coexis-
trois questions. Cette option de l’analyse tence de graphies rectifiées avec les gra- Jean-Pascal Simon
qualitative permet, en quantifiant le nom- phies traditionnelles, tant que le nouvel LIDILEM, univ. de Grenoble III
bre d’arguments utilisés, de donner une usage n’est pas installé. L’emploi préfé-

P
vue précise des réponses et des tendan- rentiel du vocable faute à erreur ou écart lusieurs enquêtes menées par le
ces qui se dessinent. C’est aussi, nous confirme une forte corrélation entre l’atti- laboratoire LIDILEM auprès de
semble-t-il, un moyen de laisser s’expri- tude intransigeante et l’emploi de faute. lycéens, d’étudiants et de (futurs)
mer les nuances de la francophonie et les Ainsi, les groupes belge et suisse qui sont enseignants, montrent comment certai-
contrastes pouvant exister entre les diffé- les plus rectificateurs sont aussi les plus nes rectifications ont été totalement
rents groupes. intolérants. Inversement, la corrélation acceptées : la restitution de lettres muet-
entre l’attitude tolérante et l’usage du tes dérivatives ; le déplacement du tréma
Le corpus retenu, 129 étudiants sur un mot écart conforte les groupes traditiona- sur la voyelle prononcée ; l’alignement sur
effectif total de 306, est constitué de listes québécois dans les attitudes les la prononciation par suppression de gémi-
deux groupes, définis comme « rectifica- plus tolérantes. née ; la substitution d’un accent grave à
teurs » (62 étudiants) et « traditionalis- Entre les plus rectificateurs, représentés un accent aigu afin de régulariser la cor-
tes » (67 étudiants), selon le nombre de par les étudiants belges, et les plus tradi- respondance avec la prononciation ; la
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régularisation du singulier et du pluriel Les rectifications en marche Dans « Les avancées des rectifications en 5

des noms composés de type « verbe + Belgique », Michèle Lenoble-Pinson


nom » ou « préposition + nom ». D’autres Romain Muller, membre du groupe de (Facultés Saint-Louis, Bruxelles) précise
propositions sont plutôt bien reçues modernisation de la langue (DGLFLF), fait que les rectifications sont enseignées et
(qu’elles soient acceptées ou fassent l’ob- le point sur les correcticiels rectifiés dans appliquées en Belgique aux trois niveaux
jet d’une faible cohérence des réponses un article intitulé « Les nouveautés dans de l’enseignement (surtout dans les insti-
apportées) : le pluriel des noms étrangers les correcteurs orthographiques ». Dans tutions du réseau catholique) : fondamen-
invariables, le pluriel des noms étrangers le contexte actuel, la prise en compte de tal, secondaire et supérieur, universitaire
empruntés et la régularisation d’une la nouvelle orthographe par les produits en particulier. Elle présente les ouvrages
famille lexicale par création ou suppres- électroniques est déterminante pour que de référence qui mettent les rectifications
sion d’une gémination. Pour les autres les graphies rectifiées passent dans en évidence, les documents ministériels,
secteurs l’indétermination demeure. l’usage. Les vérificateurs avancés les plus livrets, sites sur internet, l’application des
connus et les plus utilisés sont déjà tous rectifications dans les périodiques, dans
parus dans de nouvelles versions inté-
grant la nouvelle orthographe. d’orthographe, dans les correcticiels .
les ouvrages scolaires, dans les concours

Bibliographie :
AIROÉ infos (revue de l’AIROÉ)
Liselotte BIEDERMANN-PASQUES et Fabrice JEJCIC (dir.) Les rectifications orthographiques de 1990 : analyses des pratiques
réelles (Belgique, France Québec Suisse, 2002-2004), coll. Les cahiers de l’Observatoire des pratiques linguistiques n° 1, DGLFLF-
Pressee universitaires d’Orléans, 2006.
Nina CATACH, avec la coll. de Claude GRUAZ et Daniel DUPREZ, L’orthographe française. Traité théorique et pratique, Nathan,
Paris, 1980 (3e éd., 1995).
Nina CATACH (dir.), Dictionnaire historique de l’orthographe française, Larousse, Paris, 1995.
Chantal CONTANT et Romain MULLER, Connaitre et maitriser la nouvelle orthographe. Guide pratique et exercices, De
Champlain, 2005 [ISBN 2-9808720-0-8]
Bernard CERQUIGLINI, La genèse de l'orthographe française (XIIe-XVIIe siècles), Honoré Champion, Paris, 2004.
André GOOSSE, La « nouvelle » orthographe. Exposé et commentaires, Duculot, Paris – Louvain – la-Neuve, 1991.
Claude GRUAZ, Vers de nouvelles rectifications… Et l’avenir, dans L’orthographe en fête. Le Xe anniversaire des rectifications,
Liaisons-AIROÉ No 34-35, Paris, 2002.
Claude GRUAZ, Réflexions pour un « Manifeste » des rectifications : usage, système, norme, dans En hommage à Bernard Gardin,
Liaisons-AIROÉ No 36-37, Paris, 2003-2004.
Micheline SOMMANT, L’orthographe : des rectifications de 1990 à ses applications. Tradition et évolution des graphies, dans
L’orthographe en fête. Le Xe anniversaire des rectifications, Liaisons-AIROÉ No 34-35, Paris, 2002.
Vadémécum de l’orthographe recommandée. Le millepatte sur un nénufar, éd. RENOUVO, 40 pp., 2006 [ISBN 2-9808720-1-6]

Associations :
AIROÉ (Association pour l’information et la recherche sur les orthographes et les systèmes d’écriture) : 14 rue Louis Grobet,
13001 Marseille, France.
ANO (Association pour la nouvelle orthographe): B.P. 106, 1680 Romont, Suisse.
APORO (Association pour l’application des recommandations orthographiques) : 29 rue du Serpentin, 1050 Bruxelles, Belgique.

Sites internet :
www.airoe.org (site de l’AIROÉ)
www.renouvo.org (site de Réseau pour la nouvelle orthographe française)
www.orthographe-recommandee.info
www.oqlf.gouv.qc.ca (site de l’Office québécois de la langue française)
www.ccdmd.qc.ca/correspo/Corr10-2/Connaitre.html
www.ccdmd.qc.ca/correspo/Corr10-3/Maitriser.html
www.ciip.ch/ciip/DLF (site de la Délégation à la langue française de Suisse avec, en ligne, les documents officiels remis aux
enseignants suisses)
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Q
6 u’est-ce que l’ortho- luer, ce qui pouvait se com- sens strict du terme, le sys- dans agricole. Et que dire des
graphe ? Une ré- prendre à cette époque où la tème ne peut désigner qu’un fameux bijoux, cailloux, etc.,
ponse, qui semble priorité était d’enseigner une ensemble de régularités. exceptions bien inutiles. Et
conforme à l’opinion générale, orthographe commune à tous. aussi de la foi sans e, le foie
est donnée par la définition du De plus, les ouvrages scolai- Cela apparait dans le rapport avec e et une fois avec s ! Que
Petit Robert : « Manière d’é- res, en particulier les Lagarde à l’oral, dans la morphologie penser encore des règles
crire un mot qui est considé- et Michard qui reproduisaient et dans la graphie globale du d’accord du participe passé
rée comme correcte », sens les textes classiques en ortho- mot. que personne ne maitrise vrai-
confirmé par l’étymologie : graphe du XXe siècle, ont fait ment ? En anglais le participe
ortho « droit, correct », gra- penser à des générations de On a calculé que 80 à 85 % passé est toujours invariable,
phia de graphein « écrire ». scripteurs que les classiques des unités graphiques trans- et cela ne nuit nullement à la
écrivaient comme nous. crivent un son. Dans le mot compréhension.
Mais cette définition pose un Pourquoi l’orthographe ne manteau, seuls m et t dont
problème : que signifie « cor- pourrait-elle plus poursuivre des graphèmes simples, an et Certaines graphies paraissent
rect » ? La réponse semble son évolution ? La liberté de eau sont des graphèmes com- arbitraires et relever de la
aller de soi, l’écriture correcte choix admise par l’Académie plexes. L’un des problèmes seule norme, par exemple
est celle que nous décrivent pour les graphies préconisées majeurs que rencontre le thon. Mais ces mots contien-
les manuels d’orthographe et par les Rectifications et rete- scripteur français est de nent des lettres qui les distin-
de grammaire. En réalité, l’or- nue dans plusieurs dictionnai- savoir quelle graphie retenir guent d’autres mots : le h de
thographe peut être abordée res usuels constitue un pour transcrire une forme de thon distingue thon de ton.
de trois façons différentes : premier pas en ce sens, j’y l’oral donnée conformément à Cependant on ne saurait ici
sous l’angle normatif, sous reviendrai. la norme, laquelle prescrit parler de véritables régularités

Pour une orthograph


Claude Gruaz,
Directeur de recherche honoraire au CNRS

l’angle systémique et sous L’orthographe française, nous d’écrire un hôpital, un scan- dans la mesure où ces lettres
l’angle de l’usage. dit-on, est certes compliquée, dale et un intervalle, imbécile distinctives ne sont pas tou-
mais elle est logique. En et imbécillité, etc. jours les mêmes. Seul le prin-
La norme est un ensemble de somme elle est l’expression cipe est appliqué de façon
conventions que tout scrip- de l’esprit cartésien qui, Des régularités morpholo- assez récurrente. Il en est de
teur doit respecter. Les puris- comme chacun sait, caracté- giques permettent de résou- même pour d’autres graphies
tes la justifient en particulier rise le Français... Si elle était dre un certain nombre de qui ne relèvent pas du fonc-
au nom de la défense de la logique, on serait en droit de problèmes. C’est le cas de la tionnement contemporain,
tradition et de la logique. parler de système orthogra- présence de lettres finales qu’elles soient étymologiques
phique, le mot système dési- muettes, mais prononcées (ex. h de homme) ou histo-
Prétendre que la norme ortho- gnant un ensemble de règles dans un mot de la même riques (h de huit).
graphique actuelle est l’ex- non-contradictoires qui ren- famille, tels le t de art à cause
pression de la tradition dent compte de la totalité du de artiste ou le d de regard à L’usage recouvre l’ensemble
littéraire française, c’est igno- fonctionnement orthographi- cause de regarder, mais on des formes orthographiques
rer que l’orthographe des que. Est-ce le cas ? écrit abri malgré abriter et produites. Il convient de dis-
grands auteurs n’était pas la cauchemar malgré cauche- tinguer l’usage individuel,
nôtre. Montesquieu, par Certes, l’orthographe fran- marder. Les règles grammati- lequel est, on le conçoit, très
exemple, écrivait scavoir, sis- çaise est logique pour une cales normatives qui sont varié, et l’usage collectif qui
teme, aparamant, differance part non-négligeable. Mais censées régir les accords, est retenu dans les versions
et, comme Montaigne, terrein, d’une manière générale, il n’ont pas toujours, tant s’en successives des dictionnaires.
hureus et hureusement, etc. n’est guère possible de soute- faut, une portée générale : si L’existence d’un espace de
Depuis Jules Ferry, l’orthogra- nir l’existence d’un système e est la marque du féminin liberté, de variation, permet-
phe du français a cessé d’évo- orthographique du français au dans littérale, il ne l’est pas trait à l’orthographe de s’a-
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dapter à l’évolution de l’usage, graphes et aux créateurs de aujourd’hui suivre une norme 7

évolution aujourd’hui accen- néologismes leur donnent dès bien souvent arbitraire, il ne
tuée par les nouvelles tech- à présent un prolongement. peut pas même avoir recours
niques de communication. à un raisonnement logique
Faisons un rêve : une grande pour écrire « correctement ».
Telle est donc, très briève- liberté existe dans les domai- Lorsque l’on sait qu’en France
ment décrite, l’orthographe nes lexical et syntaxique puis- l’illettrisme touche trois
française actuelle. Prenant qu’un scripteur a le choix millions de personnes, on est
appui sur les régularités, ne d’employer tel ou tel mot et en droit de penser que bon
pourrait-on rationaliser l’or- telle ou telle structure de nombre d’exceptions ortho-
thographe ? phrase ; de la même façon, ne graphiques devraient être
pourrait-il avoir le droit de progressivement éliminées.
De nombreuses propositions choisir telle ou telle forme gra- L’orthographe française serait
de réforme ont été avancées, phique, par exemple philoso- alors en meilleure position
tels l’arrêté de tolérances de phie ou filosofie ? Il pour se défendre face à l’hé-
G. Leygues de 1900 et 1901, deviendrait alors véritable- gémonie de l’anglo-américain
la réforme Beslais de 1960- ment maitre de son écrit. et s’engager à nouveau dans
1965, l’arrêté Haby de 1976. Mais, dira-t-on, ne risque-t-on la voie de l’évolution, c’est-à-
Les Rectifications de l’ortho- pas d’échapper au purisme dire être une composante à
graphe ont été publiées au
Journal officiel du 6 décembre
1990. Elles ont été suivies
pour verser dans le laxisme ?
La réponse est négative, car le
choix de la graphie se devrait
tablement vivante .
part entière d’une langue véri-

phe française vivante


d’effet dans la mesure où non d’être conforme aux régulari-
seulement plusieurs diction- tés orthographiques, ce qui
naires les ont reconnues, tels est le cas de la graphie filoso-
le Hachette dans leur intégra- fie qui retient l’emploi du gra-
lité, le Petit Larousse, le Petit phème f d’usage plus courant
Robert, mais également les que le graphème ph. Cette
logiciels Antidote, ProLexis et espace de liberté n’interdirait
Cordial 10. La dernière édition pas à un scripteur, soucieux
du Dictionnaire de l’Académie de conserver un cachet éty-
française les retient avec les mologique, d’écrire philoso-
anciennes graphies et phie. Mais, dans cette
Maurice Druon, alors optique, on se garderait d’é-
Secrétaire perpétuel, précisait crire filosophie ou philosofie…
dans le texte de présentation ce qui, d’ailleurs, notons-le,
que « les deux graphies des n’aurait nullement tracassé
mots modifiés resteraient Voltaire !
admises jusqu’à ce que la
nouvelle soit entrée dans l’u- L’on dit souvent que l’écrit est
sage ». La portée de ces recti- le vêtement de la langue. En
fications est certes limitée, ce qui concerne l’orthographe
mais elles constituent une actuelle, on pourrait affirmer
avancée remarquable, et des qu’elle en est plutôt l’uni-
Recommandations aux lexico- forme : tout scripteur doit
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Les correcteurs orthographiques et les pro-


8

positions de réforme, quinze ans après


Christine Jacquet-Pfau
Maitre de conférences au Collège de France

Introduction : bref historique et pro- demande des utilisateurs, évolution de dont il ne faut pas oublier la complexité…
blématique l'usage3…). Ajoutons un troisième facteur, Les deux temps de la correction, vérifica-
Les propositions de rectifications de l'or- non négligeable : les contraintes tech- tion et proposition de correction, sont for-
thographe française de 1990 visent à sim- niques de la coexistence de deux gra- tement contraints par le paramétrage des
plifier le système en le rendant cohérent phies, qui rendent le système plus options de correction. Le choix du sys-
et à prendre en compte l'évolution de complexe. tème sélectionné pour une session déter-
l'usage. Ces « rectifications » connais- mine en effet les règles d'analyse mises
sent une mise en pratique très lente. Cette première phase d'attente a, dans la en œuvre ainsi que la sélection des infor-
Nous en avons suivi l'évolution à travers plupart des cas, été suivie d'une phase de mations figurant dans le dictionnaire de
l'une des principales applications : les transition. Alors que Antidote, Cordial et référence. Si l'orthographe sélectionnée
correcteurs orthographiques. le Correcteur 101 ont commencé par pour la session de correction est l'an-
introduire les graphies rectifiées recen- cienne orthographe, toutes les graphies
Une des particularités de cette réforme sées dans les dictionnaires de référence, de la nouvelle orthographe seront consi-
(versus par. ex. celle de l'allemand) est ProLexis a attendu septembre 2003 pour dérées comme fautives, et inversement.
qu'« aucune des deux graphies ne peut diffuser, après un temps d'observation, Aussi certains correcteurs (Antidote,
être tenue pour fautive ». Rien ne précise une version du lexique intégrant les recti- Word) proposent-ils une troisième option :
par ailleurs si ce principe de tolérance qui fications, avec le souci de « suggérer, retenir indistinctement les deux, mais tou-
concerne environ 20 700 formes doit mais ne pas imposer ». jours dans leur totalité. Ce dernier choix
s'appliquer de manière monolithique permet au rédacteur de choisir non pas
et/ou systématique (choix exclusif de Aujourd'hui les dernières versions des toutes les formes nouvelles, mais seule-
l'une des deux orthographes et/ou appli- correcteurs ont intégré, parfois en ment celles qu'il souhaite valider. Il est
cation à toutes les graphies concernées concertation avec des organismes ou des intéressant de noter que c'est là l'option
sans exception), ce qui, pour les correc- associations qui promeuvent la réforme, par défaut du correcteur de Word (inclus
teurs, impose de nouvelles contraintes l'essentiel des propositions, selon des dans le SP 2 d'Office 2003), tandis que
parfois inattendues. Les correcteurs modalités différentes. Bien plus, Antidote ProLexis sélectionne l'orthographe
orthographiques et grammaticaux1, inté- signale systématiquement l'existence « usuelle » de préférence à l'« orthogra-
grés aux logiciels ou autonomes, dont d'une graphie rectifiée quand celle-ci phe usuelle avec féminisation4 » (des
nous avons observé l'évolution depuis existe. noms de métier, fonction, grade ou titre5)
l'« après-réforme»2, sont une illustration ou à l'« orthographe réformée », assimi-
concrète des contraintes parfois inatten- Une quatrième étape reste à franchir : lant réforme de l'orthographe et féminisa-
dues de cette période de transition. De l'application de la réforme dans l'élabora- tion. De leur côté, le Correcteur 101 et
plus, ils constituent un outil idéal d'éva- tion du support même du correcteur, qu'il Cordial n'ont intégré dans leurs diction-
luation de l'impact des propositions. s'agisse de l'interface du logiciel ou de naires qu'un choix de rectifications, sans
l'aide (en ligne et manuelle), ce qu'a déjà distinguer, au moment de la correction,
Les correcteurs : nouvelles versions, entrepris partiellement, par ex., Antidote. les deux systèmes. Aussi semblent-ils
nouvelles étapes Les correcticiels ont déjà une longue his- moins aboutis, mais ils restent plus pro-
La prise en compte, même partielle, des toire et l'on sait qu'il est toujours plus ches de la réalité linguistique en ce sens
nouvelles graphies a été, dans son
ensemble, tardive. La raison de cette len-
teur est liée à des impératifs commer-
long de modifier l'existant que de créer
du nouveau. deux orthographes. .
qu'ils laissent se côtoyer librement les

ciaux et à la gestion linguistique de Modalités


l'« évènement » (implication des concep- Les modalités d'intégration des choix
teurs par rapport à la langue, pratique et orthographiques obéissent à un système

1 Versions actuelles : Antidote Prisme (version 5 d’Antidote, Druide, Montréal, Québec), Cordial (Synapse Développement, Toulouse), Correcteur 101 professionnel version 5 (Documens, anci-
ennement Machina Sapiens, Montréal, Québec), ProLexis 4 (Diagonal, Sophia-Antipolis) et le correcteur de Word (Office 2003 de Microsoft Office)
2 « Les correcteurs orthographiques et grammaticaux et la réforme de l’orthographe du français », in Dossier « Orthographe : la faute à qui ?», Le français dans le monde, n° 313, janvier 2001,
http://www.fdlm.org/fle/article/313/correcteur.php.
3 Les dictionnaires de langue, notamment le Petit Robert, constituent, pour les correcteurs, les références de l’usage.
4 Cf. Circulaire du Premier ministre du 6 mars 1998 publiée au J.O. du 8 mars 1998.
5 Les termes féminisés, quand ils sont retenus dans d’autres correcteurs, sont alors intégrés dans le lexique général.
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DIFFUSION enseignées et appliquées surtout dans les des intellectuels qui lisaient La Revue 9

institutions du réseau catholique, aux générale ne remarquaient pas les varian-


trois niveaux, fondamental, secondaire et tes graphiques.
supérieur, universitaire en particulier :

ET APPLI- dans la faculté de Philosophie et Lettres à


l’université catholique de Louvain à
Louvain-la-Neuve, aux facultés universitai-
Le beau magazine mensuel Le Lion est
envoyé aux consommateurs réguliers
d’une société de grande distribution ali-
res Notre-Dame de la Paix à Namur et aux mentaire. Le magazine adopte la totalité
CATION facultés universitaires Saint-Louis à
Bruxelles.
des rectifications, ce qui entraine parfois
l’inquiétude d’un lecteur. Ainsi, le mot
ognon, fréquent dans les recettes de cui-

des rectifi- En matière de langue française, trois


ouvrages de référence, connus et recon-
nus, mettent les rectifications en évi-
sine, suscite des réactions épistolaires.
Une réponse aimable et commentée est
adressée à ces lecteurs.

cations dence. Ils touchent les usagers de tous


les âges. Il s’agit de trois œuvres de
Maurice Grevisse. Deux sont revues par
C’est un candidat des Championnats d’or-
thographe qui a demandé en 1991 que les

orthogra-
André Goosse. J’ai mis à jour la troisième. rectifications soient admises dans les
Le bon usage, « la meilleure grammaire épreuves. Le comité, dont je suis prési-
française » selon André Gide, répond à dente, a immédiatement élargi le règle-
toutes les questions que se posent les ment.

phiques en usagers. La Nouvelle grammaire française


va à l’essentiel et constitue un excellent
manuel scolaire. Deux compléments l’ac-
Quant aux correcteurs orthographiques
employés en Belgique, ils adoptent eux

Belgique compagnent : un livre d’exercices et un


livre de corrigés des exercices dans les-
quels les renvois numérotés facilitent le
aussi les rectifications. Ils s’appellent :
Antidote Prisme, Pro Lexis et le correcteur
orthographique de Word (Microsoft), à
passage d’un volume à l’autre. Quant au partir de 2005.
Michèle Lenoble-Pinson, Français correct, il contient deux-cents
Facultés universitaires Saint-Louis pages de grammaire auxquelles s’ajou- Deux documents officiels intitulés
(Bruxelles) tent deux-cents pages de vocabulaire. Ce Recommandations relatives à l’application
Conseil supérieur de la langue française « guide pratique » s’adresse aux usagers de la nouvelle orthographe ont été publiés
(Belgique) qui veulent trouver rapidement la solution par le ministère de la Communauté fran-
des difficultés grammaticales et lexicales çaise, l’un daté du 30 mars 1998, signé

D
epuis 1991, les rectifications qu’ils rencontrent. Dans l’index, qui par William ANCION, ministre, destiné
orthographiques se répandent donne accès aux solutions, l’entrée en aux directeurs des Hautes écoles et des
lentement, mais surement en orthographe rectifiée précède l’entrée en établissements d’enseignement supé-
Belgique francophone. Elles sont appli- orthographe traditionnelle. rieur ; l’autre daté du 20 aout 1998, signé
quées soit consciemment par des scrip- par Laurette ONKELINX, ministre-prési-
teurs qui les connaissent, soit Confortés par la déclaration de dente, destiné aux directeurs de l’ensei-
inconsciemment par des usagers qui ne l’Académie française dans sa séance du gnement libre, des niveaux fondamental,
les ont pas apprises, mais qui les appli- 17 janvier 1991, par les deux documents secondaire et spécial : « En conséquence,
quent parce que la plupart des recom-
mandations correspondent à l’évolution
de l’usage écrit de notre langue. Un
ministériels belges et par les ouvrages
cités, les auteurs de manuels scolaires ne
craignent pas d’adopter les rectifications.
seront admises » .
lors des contrôles, les deux orthographes

exemple : en septembre, dans le premier Ils signalent leur option par une petite
exercice écrit proposé à la faculté des phrase liminaire : « Ce livre applique les
Sciences économiques, sociales et poli- recommandations orthographiques de
tiques, deux étudiants sur cinq mettent l’Académie française ».
spontanément un point sur le i de (il)
connait, parait et maitrise. Plus de douze périodiques publiés en
Belgique sont écrits en orthographe recti-
En 1998, deux ministres de la fiée. Les premières revues qui l’adoptè-
Communauté française de Belgique ont rent dès 1991 furent La Revue générale,
pris position en faveur des rectifications : fondée en 1865, et Diagnostic, mensuel
« lors des contrôles, les deux orthographes destiné aux fonctionnaires de l’adminis-
seront admises ». Les rectifications sont tration. Une enquête a montré qu’un tiers
langues et citE-4.qxd 03/08/06 09:25 Page 10

Les rectifications de l’orthographe


10

au Québec
Chantal Contant,
Linguiste [chantal.contant@uqam.ca]
Université du Québec, Montréal
Réviseuse scientifique du Bescherelle L’Art de conjuguer

A
u Québec, le Groupe depuis l’approbation à l’unani- graphe rectifiée (Perce-Neige, — L’Association québécoise
québécois pour la mité par l’Académie française maintenant distribué en des professeurs de français a
modernisation de la de ces Rectifications du Europe ; Soleil de minuit). également fait des recom-
norme du français (GQMNF) a Conseil supérieur de la langue mandations au ministre de
le mandat de diffuser les française (Paris) déposées au Positions favorables l’Éducation. Notons que, lors
changements dans la norme Journal officiel. L’intégration — L’Office québécois de la lan- de la correction de l’épreuve
approuvés par les instances des nouvelles graphies dans gue française reconnait, tout uniforme de français, le minis-
francophones – c’est le cas le Dictionnaire de l’Académie, comme l’Académie française, tère de l’Éducation accepte
des rectifications orthogra- dans le Dictionnaire Hachette, que les graphies nouvelles les nouvelles graphies dans la
phiques – et il distribue le dans le Nouveau Littré 2006, sont admises : « Dans Le mesure où elles sont présen-
Vadémécum de l’orthographe dans les logiciels de correc- grand dictionnaire terminolo- tes dans les dictionnaires
recommandée : Millepatte sur tion (Antidote, ProLexis, gique, l’Office applique déjà d’usage (Petit Robert en men-
un nénufar, produit par le Cordial et Microsoft les graphies nouvelles dans le tionne 52 %, Dictionnaire
Réseau pour la nouvelle ortho- Word/Excel/Outlook/Power- cas des néologismes et des Hachette 100 %).
graphe du français1. Cette Point2) entraine un renouveau emprunts. Dans ses autres tra-
brochure, qui contient la liste dans l’édition, l’enseignement vaux et publications, il donnera — Le Bureau de normalisation
des mots touchés par les rec- et les usages. Par exemple, désormais priorité aux nouvel- du Québec applique l’ortho-
tifications et un résumé des l’édition 2006 du Bescherelle les graphies dans la mesure où graphe moderne dans la plu-
règles, est également en L’Art de Conjuguer au Canada elles sont attestées dans les part de ses documents
librairie en Europe (4 €), de intègre dorénavant les gra- dictionnaires usuels. » Son site officiels (normes) depuis
même qu’un guide complet phies rectifiées directement présente de nombreuses 2005.
avec exercices : Connaitre et dans les tableaux de conjugai- informations, notamment
maitriser la nouvelle orthogra- son. celle-ci : « Que les ensei- — Le Service d’évaluation lin-
phe (coédition Europe- gnants choisissent d’ensei- guistique de la Télé-université
Québec www.dechamplain.ca Application de l’orthogra- gner l’orthographe nouvelle a modifié ses tests afin de
/livres). phe moderne ou traditionnelle, ils doivent reconnaitre les graphies nou-
Déjà, des journaux et revues accepter les deux graphies, et velles (tests pour entreprises
Diffusion des rectifications sont publiés en orthographe ce, pour une période indéter- et établissements scolaires).
Ces ressources en librairie et moderne (l’hebdomadaire de minée, puisque aucune des
les actions de sensibilisation l’université de Montréal et sa deux formes ne peut être — Le Centre collégial de maté-
du GQMNF ont permis à la revue Les Diplômés ; la revue considérée comme fautive riel didactique a mis sur pied
population québécoise de se Lurelu, consacrée à la littéra- présentement. »3 le « Musée de la nouvelle
mettre à jour rapidement dans ture jeunesse ; le mensuel La orthographe » dans sa section
le dossier de l’orthographe. Voix du Village, à Montréal ; — Le Conseil supérieur de la Orthographe4. Son bulletin
Des formations sont données etc.), des ouvrages de réfé- langue française du Québec a Correspondance permet d’é-
régulièrement en entreprise et rence le sont aussi (Le Ramat remis au ministre de l’Éduca- crire en orthographe rec-
dans les écoles ; la diffusion de la typographie ; L’Express tion des recommandations en tifiée5.
de l’information est égale- grammatical [ERPI] ; La gram- faveur de l’orthographe
ment assurée dans les univer- maire nouvelle : la comprendre moderne, demandant sa diffu- Force est de constater que
sités en formation des et l’enseigner [Chenelière sion plus large et son ensei- nous ne sommes plus à
maitres.

Le Québec accusait un retard


Éducation] ; etc.), des mai-
sons d’édition optent systé-
matiquement pour l’ortho-
gnement (Mémoire
l’orthographe, 2005).
sur
de la mise en application....
l’heure des débats, mais bien

1 www.renouvo.org
2 www.orthographe-recommandee.info
3 www.oqlf.gouv.qc.ca
4 www.ccdmd.qc.ca/fr/franc/Exercices_Enligne.html
5 www.ccdmd.qc.ca/correspo/Corr10-2/Connaitre.html et www.ccdmd.qc.ca/correspo/Corr10-3/Maitriser.html
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DES MODIFICATIONS BIEN ACCUEILLIES 11

en Suisse
Romain Muller
Membre du groupe de modernisation de la langue
Président de l’ANO (Association [suisse] pour la nouvelle orthographe)

E
n 1990, lors de l’élaboration des […] Aucun élève ne doit être sanctionné question.
rectifications de l’orthographe, des pour avoir utilisé l’une ou l’autre variante. »
représentants belges et québécois Diverses heureuses initiatives ont été pri-
participaient aux travaux, aux côtés des Cette circulaire, accompagnée d’une bro- ses : en 2001, le festival « Sciences et
spécialistes français. En revanche, aucun chure d’information présentant la nou- cité » a sensibilité le public à la question
représentant suisse n’était présent – et velle orthographe (brochure élaborée par de l’évolution de l’orthographe ; ses orga-
pour cause : le pays ne disposait d’au- la Délégation à la langue française, orga- nisateurs viennent d’ailleurs d’organiser
cune structure équivalant au Conseil nisme rattaché à la Conférence intercan- une nouvelle exposition sur la question,
supérieur de la langue française… tonale de l’instruction publique, et dont la intitulée « Le Jardin de l’orthographe » ;
Si – peut-être en partie pour cette raison, création est due aux rectifications !), a un fabricant de téléphones portables a
mais surtout à cause du lever de bouclier été bien accueillie – et pas seulement même réalisé une campagne de commu-
médiatique provoqué par ce qui était pré- dans le milieu enseignant. Ainsi, quelques nication en nouvelle orthographe : son
senté comme une véritable « réforme » – mois plus tard, à l’occasion de la Semaine slogan était « Ensorcèle-moi ! ».
les propositions de modifications ont d’a- de la langue française, un quotidien popu- Bref, la nouvelle orthographe est bien
bord été plus ou moins ignorées, la Suisse laire publiait une édition entièrement rédi- acceptée en Suisse – le pays, multilingue,
a été la première à donner des consignes gée en nouvelle orthographe. Au haut de n’a d’ailleurs pas opposé plus de résis-
claires à ses enseignants. À l’automne chaque page, le nombre de mots touchés tance à la réforme allemande –, comme
1996, en effet, la Conférence intercanto- par les rectifications était mentionné : on en témoigne, par exemple, l’intérêt porté
nale de l’instruction publique (instance s’apercevait que les modifications propo- à la récente publication Connaitre et mai-
qui coordonne les activités des différents sées ne « défigurent » aucunement un triser la nouvelle orthographe.
ministères régionaux chargés de l’Éduca- texte courant. Pourtant, un « décollage » de la France,
tion) a adressé à tous les enseignants vue comme une locomotive, est toujours
francophones une circulaire précisant
que :
« comme les autres aspects de la langue,
Depuis, la situation a évolué, favorable-
ment. Une association privée, l’ANO ou
Association pour la nouvelle orthographe,
de l’édition .
attendu, en particulier dans le domaine

l’orthographe évolue lentement et subit s’est créée. Membre du RENOUVO1, 1 Le RENOUVO ou Réseau pour la nouvelle orthographe du
périodiquement certains accommode- cette association distribue en Suisse le français comprend actuellement des associations belge,
ments. Le fait de proposer de telles rectifi- Vadémécum de la nouvelle orthographe, française, québécoise et suisse.
cations s’inscrit dans l’ordre des choses. considéré comme la référence sur la

Parutions
Voix : oralité de l’écriture. Le français et sociales). La voix est centrale et non Langues et cultures d’Aquitaine / Las
aujourd’hui, n° 150, sept. 2005, 136 p. périphérique, elle est vitale et non subsidiaire lengas e culturas d’Aquitània /
« Quand on prend la voix comme objet de à toute réflexion didactique qui n’abandonne Akitaniako hizkuntzak eta kulturak,
réflexion, c’est tout qui vient : l’individu et la pas le langage comme activité de subjectiva- CESD d’Aquitaine, Bordeaux, 2006, 71 p. + 1
société, le corps et “l’âme” ou le “souffle”, l’o- tion à tout ce qui semble légitimer un sujet cédérom.
ral et l’écrit, l’impersonnel et le plus person- hors langage (psychologique, philosophique, Le 14 décembre dernier, le Conseil
nel, les cultures populaires et savantes, le juridique, politique et autres). La voix oblige à économique et social régional d’Aquitaine
bruit et le silence, etc. On aura compris que ce considérer le sujet dans le cadre d’une (CESR) a validé à l’unanimité les conclusions
numéro accumule les défauts de son ambi- anthropologie historique du langage. » (extrait d’un travail sur les langues et cultures
tion. Reste, plus que l’ambition, le point de vue de l’introduction de Serge Martin et Philippe d’Aquitaine, faisant suite à une demande du
critique qu’il veut tenir le mieux possible dans Païni). Articles de : A. Bernard et, J. Roger, H. président du Conseil régional. Ce travail s’in-
le champ de la didactique – sans séparer ce Meschonnic, G. Dessons, Ph. Païni, P. Joole et scrit dans une démarche plus large de prise en
dernier de tous les autres champs (linguis- Chr. Plu, L. Mourey, S. Martin, D. Laborde, S. compte des atouts liés aux patrimoines cul-
tique, littérature et autres sciences humaines Ritman, M. et E. Barjolle. turels et identitaires en faveur du développe-
langues et citE-4.qxd 03/08/06 09:25 Page 12

ment économique et social régional. Il En 1873, sur une proposition de la Société austère énumération de lieux, mais four-
exprime un souci de reconnaissance de la pour l’étude des langues romanes, de mille d’exemples, de considérations, de
diversité culturelle et des valeurs universelles Montpellier, une mission est confiée par le pistes d’explication de tous ordres... Un vrai
reconnues au plan international. Le livret ministère de l’Instruction publique à deux travail, fût-il succinct, d’ethnolinguiste et de
comporte, en trois langues : français, occitan philologues, Ch. de Tourtoulon et O. Bringuier, sociolinguiste.
et basque, l’avis adopté par le CESR, le détail pour déterminer où passe exactement la limite
des préconisations formulées, et un résumé entre langue d’oc et langue d’oïl. En deux Les entreprises ont-elles une poli-
de l’approche et du cadre de travail ; il est séjours, ils vont fixer 400 km de limite, de la tique linguistique ?, actes du séminaire
accompagné d’un cédérom interactif com- pointe de Grave à la Forêt de Nouzier, laissant du 23 juin 2004, délégation générale à la
prenant l’intégralité du rapport et des inter- là le trait en suspens pour une suite qui mal- langue française et aux langues de France,
ventions, avec des liens vers les principaux heureusement ne viendra pas. Travail de ter- Paris, 2006, 46 p.
sites ressources. rain, dirait-on aujourd’hui. Car, pas plus qu’ils Articles de : Isabelle Gratiant, Éric Foly et
ne croyaient à la théorie alors en vogue de la Guilhène Maratier-Decléty, Hélène Chrétien,
Charles de TOURTOULON et « fusion » des deux langues en leur confronta- Gilles Boileau, avant-propos de Xavier
Octavien BRINGUIER, Étude sur la li- tion géographique – mais bien, ce qu’ils véri- North, introduction de Bernard Cerquiglini.
mite géographique de la langue d’oc et de la fièrent, qu’on est toujours dans l’une ou l’autre Ce séminaire a constitué une étape impor-
langue d’oïl (avec une carte), Imprimerie langue, fût-elle influencée par cette proximité tante de la réflexion conduite par les pou-
Nationale, 1876 [réédition : Institut d’Estudis – ils ne croyaient pas qu’on pût enquêter par voirs publics, les chefs d’entreprise, les
occitans dau Lemosin – Lo chamin de Sent correspondance sur des écrits. Le résultat est organisations syndicales et les chercheurs
Jaume, 2004], 62 p. + 1 carte. passionnant. Le rapport ne se borne pas à une sur la politique linguistique des entreprises.

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de l’orthographe, proposées Président du comité scientifique aux langues de France
par le Conseil supérieur de l’observatoire : Pierre Encrevé Observatoire des pratiques linguistiques
Rédacteur en chef : Olivier Baude Ministère de la Culture et de la Communication
de la languefrançaise (1990), Secrétaire de rédaction : Jean Sibille 6, rue des Pyramides, 75001 Paris
et approuvées par l’Académie Coordination : Dominique Bard-Cavelier téléphone : 01 40 15 36 91
française et les instances Composition : Éva Stella-Moragues télécopie : 01 40 15 36 76
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francophones Juliette Poirot www.dglf.culture.gouv.fr
compétentes. Impression : ETOILE imprim ISSN : 1772-757X

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