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PROBLEMES ECONOMIQUES

CONTEMPORAINS

Les crises
Chapitre

I. Une grande variété de crises


A. Qu’est-ce qu’une crise?
B. La crise inflationniste des années 1970
C. La crise japonaise des années 1990
D. Les crises financières asiatiques de 1997-98

II. La crise des subprimes


A. Une comparaison avec 1929
B. Les mécanismes de la crise
C. La crise et les grands déséquilibres financiers mondiaux
A. Comment définir une crise ?

• Avant les années 1970, on pouvait définir un


épisode de crise par quelques critères :
– chute brutale du niveau des prix de gros
(produits agricoles, matières premières et, dans
une moindre mesure, produits industriels),
conséquence des difficultés à vendre.
– Recul de la production dans tous les secteurs,
souvent suivi d’une stagnation de la production.
– Recul marqué de l’investissement, dans des
proportions supérieures à la production.
– Augmentation des faillites, recul de l’emploi et
montée du chômage.
Comment définir une crise ?

• Ces phénomènes s’alimentent généralement les


uns les autres et peuvent dégénérer en
récession cumulative.

• L’exemple typique étant la crise des années


1930.
B. La crise inflationniste des années 1970

Concernant la production :

• Très faible recul de la production pour la seule


année 1975 : -1,0 % du PIB réel (mais -10 %
pour la production industrielle entre le 3ème
trimestre de 1974 et le 3ème trimestre 1975).

• Dès le 3ème trimestre 1976, la production


retrouve son niveau de fin 1974.
Caractérisation de la crise des années 1970

Ralentissement du rythme de croissance du


PIB plutôt que baisse absolue de la production.

Taux de croissance annuel moyen du PIB de


5,6% sur la décennie 1960, à 3,3% dans les
années 1970 (1,9% dans les années 1990).
Tassement marqué de l’investissement
FBCF des Entreprises Non Financières en volum e
(francs constants) entre 1960 et 1980, Base 80

100 000

80 000

60 000

40 000

20 000
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
Le ralentissement de l’accumulation au
cœur de la crise
• Le taux de croissance annuel moyen de la FBCF
en volume passe de 8% entre 1963 et 1974 à une
stagnation complète entre 1973 et 1979.
 Ralentissement très net de l’accumulation.

• Toutefois :
– La stagnation de l’investissement dans les
années 1970 contraste avec le recul absolu de
l’investissement au cours des années 1930.
– La consommation des ménages est restée
soutenue durant les années 1970.
La progression continue du chômage

Taux de chômage (%), France, 1960-1985

12

10

0
1960

1962

1964

1966

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986
S our c e : C om m i ssi on e ur opé e nne
Persistance du chômage

• Le chômage augmente de façon « brutale »


entre 1973 et 1975 : +1,3 points en 2 ans, soit
autant qu’entre 1965 et 1973 (300 000
chômeurs supplémentaires).
• Le taux de chômage continue de progresser tout
au long des années 1970 : il dépasse 6% en
1980 et 10% en 1985.
• Le caractère vraiment structurel de la crise
débutant en 1973: incontestablement la
progression durable du chômage.
Le paradoxe : une crise inflationniste

Inflation : France, 1960-1982 (INSEE)


16
14
12
10
8
6
4
2
0
1960

1962

1964

1966

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982
• Taux d’inflation annuel moyens :
1960-69: + 4.3% 1970-79: + 9.4%
La stagflation
• Durant les Trente Glorieuses : inflation rampante
et quelques épisodes de surchauffe
inflationniste.

• A partir de 1973-74, le phénomène s’accélère


 Inflation plus élevée et permanente : de 6%
au début des années 1970, elle atteint 13% en
1975.

• Crise des années 1970 : ralentissement de la


croissance + inflation forte  Stagflation,
véritable paradoxe pour la théorie économique.
La stagflation

• Le pouvoir politique doit composer avec des


symptômes difficiles à combattre simultanément
avec les outils habituels de politique
économique :

– lutter contre le chômage en relançant la


machine risque d’aggraver l’inflation.

– lutter contre l’inflation par une politique de


rigueur risque d’aggraver le chômage.
La courbe de Phillips

• La courbe de Phillips montre une relation


négative entre inflation et chômage.

• L’intuition est simple: Phillips (1958) montre qu’il


existe, au niveau empirique (Grande-Bretagne),
une relation décroissante entre taux de
croissance des salaire nominaux et taux de
chômage (e.g. tensions sur le marché du travail)
La courbe de Phillips

• Les entreprises fixent leur prix en appliquant


un taux de marge sur leurs coûts de
production.
• Les prix suivent les évolutions des salaires
nominaux.
• Un faible taux de chômage conduit à des
salaires nominaux plus élevés, et donc à une
hausse des prix – l’inflation est plus forte.
La courbe de Phillips
Inflation

Taux de chômage
u

u*
La spirale prix-salaire

 Un faible chômage entraîne une hausse des salaires


nominaux.
 En réponse à la hausse des salaires, les entreprises
augmentent leurs prix.
 En réponse, les salariés demandent une hausse des
salaires nominaux.
 Les entreprises augmentent à nouveau leurs prix, les
salariés augmentent leurs revendications salariales.
 Et ainsi de suite, avec comme résultat une inflation
continue des prix et des salaires.
Implications en termes de politique
économique
• Selon la courbe de Phillips, il existe pour les
pouvoirs publics un arbitrage à effectuer entre
inflation et chômage.
• Les pouvoirs publiques peuvent décider où ils
souhaitent se positionner sur la courbe : le
réglage de la conjoncture est possible.
• Les pouvoirs publics auraient fait le choix de la
croissance soutenue durant les 30 Glorieuses,
mais la pénurie de main-d’œuvre qui en a résulté
(taux de chômage continuellement inférieur à
2%) aurait été responsable de l’inflation latente.
Focus Milton Friedman

• Economiste américain (1912-2006).


• Prix Nobel 1976.
• A l’origine du courant monétariste et
fondateur de l’Ecole de Chicago (vision
libérale de l’économie, associée à la
théorie néoclassique, opposition au
keynésianisme).
L’interprétation monétariste

À la fin des années 1960, Friedman s’interroge sur


l’existence d’un arbitrage entre chômage et inflation,
tel qu’il était impliqué par la courbe de Phillips initiale.
Selon lui, cet arbitrage n’est possible que si les
agents sous-estiment systématiquement l’inflation
dans leurs anticipations, ce qui n’est pas possible
éternellement.
Le taux de chômage ne peut pas être maintenu sous
un certain seuil, que Friedman appelle « taux de
chômage naturel ».
L’analyse de Friedman

• Il est illusoire de croire que les politiques


publiques (notamment la politique monétaire)
permettent de faire passer l’économie de façon
durable sous le taux de chômage naturel.

• Les faits ont donné raison à Friedman.


La courbe de Phillips est verticale à long terme

• La baisse du chômage est effective tant


que les agents sont victimes d’illusion
monétaire.
• A long terme en revanche, l’arbitrage
inflation-chômage disparaît : la courbe de
Phillips est verticale.
• Les pouvoirs publics peuvent réduire à
nouveau le chômage, mais cela n’est
possible qu’au prix d’une inflation sans
cesse croissante.
La courbe de Phillips est verticale à long terme

• Le taux de chômage naturel est le chômage où


l’inflation reste stable : c’est le NAIRU (Non
Accelerating Inflation Rate of Unemployment).

• i.e. taux de chômage n’accélérant pas l’inflation.

• La stagflation ne serait rien d’autre que le


résultat de politiques de relance répétées pour
faire passer le taux de chômage sous sa valeur
d’équilibre.
Le choc pétrolier de 1973

• 1950-1960’s : baisse des coûts d’extraction (+ prix


de vente très défavorable aux pays producteurs).

• Hausse importante de la consommation d’énergie,


qui double entre 1960 et 1973.

• Part croissante du pétrole dans la consommation


globale d’énergie.
Répartition de la consommation d’énergie
suivant les sources (en %)

1950 1960 1973

Charbon 74,0 54,0 17,5

Pétrole et gaz naturel 18,0 33,5 74,5

Energie hydraulique 8,0 12,5 6,0

Nucléaire - - 3,0
Le choc pétrolier de 1973
• Hausse spectaculaire du prix du pétrole entre
septembre 1973 et janvier 1974 : prix du baril
multiplié par 4 en 3 mois.

• La facture pétrolière représente 1,5% du PIB en


1973 et 4,5% en 1974 : près de 5% de la
richesse annuellement créée sert alors à payer
la facture pétrolière du pays.

• Le taux de dépendance énergétique (part de


l’énergie importée) passe de 41% en 1960 à
76% en 1973.
Le second choc pétrolier
• Second choc pétrolier en 1979-80 (révolution
iranienne et redémarrage de la demande
mondiale): multiplication par 2 du prix du pétrole en
quelques mois.

• Il faudra attendre le contre-choc pétrolier de 1986


pour voir le prix du pétrole baisser, et même
brutalement, de 40$ en 1980 à environ 10$ en
1986.
 Dissensions au sein de l’OPEP.
 Découverte de nouveaux gisements en mer
du Nord.
Le second choc pétrolier
• Surtout, les pays occidentaux ont réduit leur
dépendance énergétique à l’égard du pétrole
(baisse de la demande):

 Economies d’énergie.

 Dans le cas de la France, recours croissant


au nucléaire, dont la part dans la
consommation d’énergie passe de 2% en
1973 à 14,2% en 1989.
L’inflation par les coûts de production
• La hausse des coût de production peut provenir :

– D’une hausse généralisée des salaires


nominaux (les accords de Grenelle de 1968 par
exemple).

– D’une augmentation du prix des matières


premières (chocs pétroliers de 1973 et 1979).

– D’une hausse des cotisations ou de la fiscalité


portant sur les facteurs de production.
L’inflation par les coûts de production
• La hausse du coût d’un facteur se traduit
généralement par une baisse de la production
offerte et une hausse conjointe des prix.

• Les entreprises peuvent répercuter une partie de la


hausse du prix des facteurs sur le prix de vente.

• Le pouvoir d’achat des salariés se dégrade ; ceux-


ci revendiquent des augmentations de salaires.

 spirale prix-salaires, qui engendre un processus


auto-entretenu.
La théorie de la régulation (TR)

• La théorie de la régulation est une tentative de


synthèse des théories classique (et non néoclassique ;
références surtout à Ricardo) et keynésienne.

• Principe classique mobilisé par théorie de la


régulation : la répartition primaire des revenus joue un
rôle essentiel dans la dynamique de croissance du
capitalisme.
• Principe keynésien mobilisé par théorie de la
régulation : la demande est un moteur essentiel de la
croissance.
La synthèse de la régulation

• Deux aspects centraux pour l’analyse qui va


suivre :
– L’ambivalence de l’épargne.
Auteurs classiques : l’épargne est le moteur de
l’accumulation (I = S se lit S détermine I).
Keynes : un taux d’épargne élevé est néfaste
pour l’économie ; l’investissement est une
décision autonome et c’est l’épargne qui
s’ajuste (I = S se lit I détermine S).

 TR : les 2 facteurs sont importants et jouent


un rôle majeur selon les situations.
L’apport de la théorie de la régulation

• La TR analyse comment la répartition primaire


des revenus et ses évolutions ont un impact sur
la formation de la demande et in fine sur la
croissance économique.

• Selon Robert Boyer, le succès de l’ère fordiste a


justement reposé sur le principe de
« compatibilité dynamique entre production,
partage du revenu et genèse de la demande ».
L’apport de la théorie de la régulation

• La TR permet de retracer différentes phases de


l'histoire du capitalisme depuis la révolution
industrielle jusqu’à la crise des années 1970.

• Elle identifie ainsi quelques "grandes" phases de


l’histoire du capitalisme, chacune correspondant
à un "mode de régulation" particulier ou à
l’entrée en crise de l’un de ces modes de
régulation.

• Rôle important conféré à l’histoire.


La détermination des grandeurs
économiques
• La TR étudie la formation d'un certain nombre
de variables économiques (I, C, etc.) en insistant
sur le fait que chaque variable n’est pas
déterminée par un mais par plusieurs facteurs,
dont l’importance varie suivant les périodes.

• Dans ces conditions, le succès d'un "mode de


régulation" repose sur la "capacité" des acteurs
de l'économie à combiner de façon cohérente,
au niveau macro, les mécanismes de formation
des différentes variables économiques.
Le régime classique pur

• Il correspond au capitalisme du 19ème siècle : les


gains de productivité sont faibles à cette époque si
bien qu’ils influencent peu l’évolution des salaires, qui
restent donc largement déterminés par la situation du
marché du travail.

• L’I étant principalement tiré par les profits, la faiblesse


des salaires limite peu la progression de
l’investissement.

• On observe donc une croissance modérée, extensive,


relativement stable.
Le régime classique hybride

• Il caractérise la période de l’entre-deux guerres :


entrée en crise du régime classique pur (la crise
de 1929 jouant à ce titre le rôle de révélateur).

• Le développement du taylorisme dans les firmes


accroît considérablement les gains de
productivité du travail.

• Cependant, les salaires restent concurrentiels :


ils ne sont pas indexés sur les gains de
productivité, qui alimentent donc exclusivement
les profits.
Le régime classique hybride

• Les capitalistes ne pouvant à eux seuls


consommer l’importante production générée par
les gains de productivité, la surproduction
menace, ce qui dissuade à terme l’I (par
insuffisance de la D).

• La production de masse est techniquement


réalisable mais la répartition du revenu ne
permet pas à la C de masse de suivre :
incohérence entre offre et demande de biens /
Inadéquation de la répartition des revenus.
Le régime fordiste pur

• Il correspond à la période des 30 Glorieuses.

• Les gains de productivité, importants, sont


harmonieusement partagés entre salaires (qui
augmentent) et profits.

• La C de masse est possible.

• Elle tire l’I des entreprises.


Le régime fordiste pur

• Cette période se caractérise par un compromis


salarial fort entre salariés et capitalistes assurant
une répartition des revenus optimale pour le
soutien de la demande.
• L’adéquation entre production et consommation
de masse est rendue possible par ces nouveaux
compromis institutionnels.
• Par ailleurs, la croissance et les I participent à
l’accroissement des gains de productivité,
faisant apparaître un cercle vertueux de
croissance.
La dynamique vertueuse des 30 Glorieuses

Salaires Consommation
Gains de
productivité Croissance forte

Profits Investissement
Le régime fordiste hybride
• Il marque l’entrée en crise du régime fordiste pur
au cours des années1970.

• Cette période est avant tout marquée par le


ralentissement important des gains de productivité,
qui rend la répartition des revenus entre salaires
et profits plus conflictuelle.
Le régime fordiste hybride

• Les profits d’entreprises se compriment


fortement, ce qui finit par limiter leur capacité
d’investissement, qui redevient sensible aux
profits. Les entreprises font face à cette crise de
rentabilité en augmentant leur prix.

• Les salaires restent peu concurrentiels donc la


progression du chômage enraye peu la
progression des salaires.

• L’inflation provoque une boucle vicieuse prix -


salaires.
L’échec des politiques économiques
• Au cours des années 1970, la stagflation a
constitué un paradoxe pour les économistes.

• Au moment des chocs pétroliers, les pouvoirs


publics sont aussi désemparés que les
économistes pour faire face à la crise, ce qui va
se traduire par l’alternance de politiques
traditionnelles de relance et de rigueur tout au
long des années 1970.
Dans les années 1970…

• Dès 1974 : politique de rigueur, notamment


monétaire (encadrement du crédit plus strict)
afin de juguler l’inflation  précipite la récession
et augmente le chômage.

• Dès 1975 (gouvernement Chirac) : politique de


relance keynésienne : creusement du déficit
budgétaire par une augmentation des
investissements publics + mesures fiscales
visant à promouvoir l’investissement privé  la
croissance repart mais l’inflation s’accélère.
Dans les années 1970…

• L’économie française expérimente les


conséquences néfastes des politiques de
relances décrites par Milton Friedman.

• Par ailleurs, le différentiel d’inflation entre la


France et le reste de l’Europe à cette époque
se traduit par une perte de compétitivité et un
creusement du déficit commercial français.
Dans les années 1980…
• Arrivée de la gauche au pouvoir en mai 1981:
grande politique de relance. Le gouvernement
Mauroy mise tout sur la consommation pour tenter
de relancer la machine.

• Série de mesures sociales importantes :


– Augmentation des revenus sociaux : prestations
d’allocations familiales, aide aux personnes
âgées, etc.
– Embauche de fonctionnaires et soutien de
secteurs en difficulté (mais creusement du
déficit public).
Dans les années 1980…

– Vague de nationalisations: (Usinor et Sacilor


(sidérurgie), Thomson (construction électrique
et électronique), Saint-Gobain-Pont-à-
Mousson (industrie du verre, céramique),
Rhône-Poulenc (chimie), etc.

– Mesures sociales visant à favoriser l’emploi:


semaine de 39h, 5ème semaine de congés
payés, loi Auroux (1982) visant à relancer le
dialogue social et la participation des salariés
au niveau des entreprises.
Pourquoi ces politiques ont-elles échouées?
• On relance la demande alors que l’offre émanant
des entreprises ne peut pas suivre, du fait de la
détérioration de leur profitabilité  les entreprises
font face à l’excédent de demande par la hausse
des prix.

• On fait de la politique de relance comme au temps


des Trente Glorieuses, alors que l’économie fait
face à une crise d’offre.
Pourquoi ces politiques ont-elles échouées?

• Relance de 1981-82 : creusement sévère


des deux déficits, public et commercial.

• Ceci va justifier le « tournant de la


rigueur » à partir de juin 1982.
Gestion de la crise par une politique d’offre : la
désinflation compétitive

• Durant les années 1970, la France va dévaluer


sa monnaie à plusieurs reprises (1974, 1976) et
utilisé la dévaluation pour stimuler son
économie.

• i.e. corriger la perte de compétitivité de ses


entreprises consécutive à un différentiel
d’inflation à son désavantage.
Gestion de la crise par une politique d’offre : la
désinflation compétitive

• Or la dévaluation, si elle permet de restaurer à


moyen terme la compétitivité, elle a aussi un
impact sur l’inflation à plus long terme, via la
hausse du prix des biens importés.

• Entre 1981 et 1982, la France dévalue à


nouveau 2 fois sa monnaie: en octobre 1981
(-8,5%) et juin 1982 (-10%).
Une nouvelle gestion de la compétitivité

• A partir du tournant de la rigueur, l’objectif


affiché par les pouvoirs publics va être la
restauration de la santé financière des
entreprises…

• …qui doit passer par une amélioration à la fois


de leur profitabilité et de leur compétitivité.

• Les pouvoirs public annoncent leur volonté de


ne plus utiliser la dévaluation comme outil de
gestion de la compétitivité…
Une nouvelle gestion de la compétitivité

• … qui doit désormais passer par une maîtrise de


l’inflation (devant s’établir à un taux inférieur à
celui des concurrents européens) par les
entreprises elles-mêmes.

• Pour cela, les entreprises doivent gérer au plus


serré leurs coûts de production, en premier lieu
les salaires.
Une nouvelle politique des revenus

• La politique des revenus n’est pas du ressort direct des


pouvoirs publics.
• Mais le gouvernement met en place une série de
mesures visant à aider les entreprises à réaliser les
ajustements nécessaires, e.g :
– Blocage des prix et des salaires de juillet à novembre
1982 : c’est une première jamais vue depuis 1950.
– Verrouillage des négociations salariales dans la
fonction publique.
Les effets attendus
• Restaurer les profits et donc l’investissement.
 Application du théorème Théorème de
Schmidt selon lequel « les profits d’aujourd’hui
font les investissements de demain et les
emplois d’après-demain ».

• Restaurer la compétitivité et donc stimuler les


exportations :
 « La rigueur salariale d’aujourd’hui fait la
compétitivité de demain et les emplois
d’après-demain ».
Succès et limites de la désinflation
compétitive
• Inflation : la sortie du blocage des prix ne va pas
se traduire par un retour de l’inflation.

• A moyen terme, les résultats sont très


spectaculaires : on passe en quelques années
d’une inflation à deux chiffres (11,5% en 1982) à
une inflation de l’ordre de 3% dès le fin des
années 1980 (3% en 1987-88-90 et moins de
2% en moyenne durant la décennies 1990).
Succès et limites de la désinflation
compétitive
• Compétitivité : des effets positifs à moyen terme.
La balance commerciale, déficitaire tout au long
des années 1980, devient excédentaire dès
1992 et le restera tout au long des années 1990.
• La répartition des revenus : les salaires réels
vont stagner, voire baisser entre 1983 et 1986 ;
le contre-choc pétrolier de 1986 améliore la
profitabilité des entreprises. Les entreprises ont
utilisé la rigueur salariale à la fois pour restaurer
leur compétitivité et accroître leur marge.
Succès et limites de la désinflation
compétitive

• Investissement : cette hausse de la profitabilité


des entreprises ne s’est pas accompagnée
d’une reprise durable et dans les mêmes
proportions de l’investissement.
Pas de recul durable du chômage
• En dépit d’un léger repli du taux de chômage entre
1988 et 1990, celui-ci a connu une progression
quasi continue entre 1982 et 1997, où il atteint la
barre des 12,5%.

• Ni la restauration des profits ni l’amélioration de la


compétitivité n’ont permis, contrairement à ce qui
avait été annoncé, une diminution importante du
chômage.
Taux de chôm age (%), Allem agne, France, Etats-Unis, 1960-2000

14

12 France
Allemagne
10
Etats-Unis
8

0
1960
1962
1964
1966
1968
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
So ur ce : C o mmissio n eur o p éenne
Le Japon dans les années 1980

• En pleine période de crise du système de


production taylorien et fordien, le Japon
présente au reste du monde un système
productif alternatif et répondant de façon
efficace à la demande de variété émanant des
consommateurs: le toyotisme.

• Le toyotisme est basé sur la gestion serrée des


stocks, la subordination de la production aux
contraintes commerciales, une circulation
horizontale de l’information, une
responsabilisation et une polyvalence plus
importantes des salariés.
Une crise économique « inattendue »

• A cette époque, on pense qu’une fois le


rattrapage de l’économie américaine terminé,
le Japon est le pays tout désigné pour être le
nouveau « leader » mondial en terme
d’innovation.

• Le Japon devient à ce titre le modèle


productif de référence à la fois pour l’Europe
et les Etats-Unis.
Une crise économique « inattendue »

• Dans les années 1990 pourtant, le Japon va


essuyer une crise économique sévère…

• … qui est venue contredire les prévisions faites


par certains économistes.

• Le taux de croissance annuel moyen du PIB


japonais chute à 1,4% entre 1991 et 2003,
contre environ 3% aux Etats-Unis.
Une crise économique « inattendue »

• Que s’est-il passé?

• En fait, la crise que traverse le Japon ne trouve


pas son origine dans la sphère productive ou
réelle…

• …mais dans la sphère financière.


Quelques facteurs explicatifs du
ralentissement

• La fin du catching-up (convergence).

• La montée en puissance du secteur tertiaire, moins


productif, particulièrement au Japon.

• La réévaluation du yen avec les États-Unis.


Taux de change dollar-yen :
11$£ = … yens

300

250

200

150

100

50
1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999
Des marchés financiers historiquement
peu développés

• Avant 1980: marchés financiers peu développés au


Japon, l’intermédiation bancaire jouant un rôle
central (relation privilégiée grande firme / banque
principale).

• A partir de 1984: déréglementation et


développement rapide des marchés financiers,
notamment sous la pression des Etats-Unis.
Des marchés financiers historiquement peu
développés

• Ce développement a été assez mal géré parce


qu’il s’est rapidement accompagné de
l’apparition d’une bulle financière de grande
ampleur, se traduisant par une hausse du prix
des actifs financiers (obligations, actions) mais
aussi immobiliers.

• Les marchés financiers ont alors alimenté en


capitaux de grandes entreprises
(principalement) qui en avaient assez peu
besoin, du fait de l’évolution de leurs profits (à la
hausse) et de leurs investissement (à la baisse).
Le rôle des banques

• Craignant la concurrence des marchés, les


banques ont adopté une stratégie de crédit très
agressive : distribution facile de crédits bon
marché.

• Par ailleurs, elles se sont tournées vers les PME,


qui ont un accès plus difficile aux marchés
financiers.

• Entre 1986 et 1990, le taux d’investissement des


firmes va alors passer de 16% à plus de 20%.
Le rôle des banques

• Mais on observe en même temps une baisse


importante de la rentabilité du capital.

• Cette baisse de la rentabilité s’explique par la


nature des investissements réalisés…

• Faible augmentation des équipements et achat


massif de terrains
Le rôle des banques

• Durant les années 1980, la part des


terrains dans le total de l’investissement
passe de 14% à 30%.

• Montée de l’investissement, mais à


rentabilité assez faible, du fait de projets
peu « productifs » et peu porteurs.
Apparition d’une bulle…

• Tout au long des années 1980, les banques adoptent


une stratégie d’augmentation de l’offre de crédit,
essentiellement tournée vers les PME et les
promoteurs immobiliers.

• Ce financement est utilisé par ces agents pour


« investir » dans les terrains, l’immobilier ou les actifs
financiers.

• Le financement alimente ainsi la formation de la bulle


sur les actifs immobiliers/financiers, qui apparaît à
partir de 1985 (prix des actions multiplié par 6 au
cours des années 1980).
Qu’est-ce qu’une bulle ?
La valeur fondamentale des titres
• Le prix de marché d’une action est censé
refléter les perspectives de dividendes futurs
(profits) auxquels cette action donne droit, i.e. ce
qu’on appelle valeur fondamentale du titre.

• On dira que le marché financier est efficient si,


compte tenu de toute l’information disponible à
un instant considéré, le prix de marché des
actions se confond avec leur valeur
fondamentale.
Qu’est-ce qu’une bulle ?
La valeur fondamentale des titres

• Si le marché n’est pas efficient, le prix de


marché peut s’écarter de la valeur fondamentale
du titre.

• Le marché peut ne pas être efficient du fait de la


difficulté à « évaluer » correctement le futur
(profits futurs), notamment en période
d’incertitude face à l’avenir.
Qu’est-ce qu’une bulle ?
Représentations, spécularité et mimétisme
• En situation d’incertitude, il peut être parfaitement
rationnel de regarder ce que pensent les autres
intervenants du marché de la valeur d’un bien :

• Quelle représentation du futur – et donc de la


valeur du bien – ont-ils ?

• Le problème est que cette représentation


fonctionne en circuit fermé : j’essaie de
comprendre ce que les autres pensent mais,
symétriquement, les autres me « regardent » et ce
qu’ils pensent va dépendre de ce que moi je pense!
Qu’est-ce qu’une bulle ?
Représentations, spécularité et mimétisme

• On débouche sur des logiques circulaires et


spéculaires…

• … débouchant sur des comportements


mimétiques ou moutonniers, où l’ensemble du
marché peut suivre le comportement initié par
un seul intervenant (sans même que ce
comportement ait forcément un lien avec
l’information que le marché recherche).
Qu’est-ce qu’une bulle ?
Bulles et krachs
• Les comportements purement spéculatifs (par opposition
aux comportements d’entreprise, visant à évaluer la
valeur fondamentale du titre) aboutissent à des
comportements analogues.

• Ce qui compte pour bien spéculer (acheter un titre pour


le revendre à un prix supérieur), c’est d’évaluer non la
valeur fondamentale mais le prix que le marché attribue
(ou va attribuer) à un titre.

• La difficulté est que ces mécanismes peuvent être


déstabilisants (et éloigner durablement le prix du titre de
sa valeur fondamentale).
Qu’est-ce qu’une bulle ?
Bulles et krachs
• Dans les comportements mimétiques, c’est la
hausse du prix observé sur le marché qui va
pousser l’ensemble des intervenants à
demander/acheter le titre : la hausse/baisse du prix
génère un accroissement/baisse de la demande.

• Ce qui est contraire aux lois du marché (la demande


augmente quand le prix baisse) : la hausse/baisse
du prix s’auto-entretient : bulle/krach.
Eclatement de la bulle

• En 1989, les pouvoirs publics, conscients de la


situation, vont conduire une politique monétaire
restrictive pour tenter de limiter l’offre de crédit dans
l’économie, à l’origine du gonflement de la bulle.

• Cette politique va cependant précipiter l’éclatement


de la bulle immobilière.

• Les cours, qui avaient grimpé jusque 1989, vont


brusquement chuter.
Eclatement de la bulle

• Le changement de politique des pouvoirs


publics laisse penser aux agents qu’il n’est
désormais plus possible d’acheter
aujourd’hui pour revendre à un cours
supérieur demain…

• …si bien que le marché se retourne.


Le retournement des croyances entraîne des
difficultés financières pour les entreprises

• Si le marché se retourne et que les agents n’ont


pas anticipé ce retournement (cas fréquent
quand les bulles éclatent), la baisse de la valeur
de l’actif fait que certains agents ne sont plus en
mesure d’honorer les engagements figurant au
passif de leur bilan.

• Ces agents doivent alors rechercher


précipitamment des liquidités pour rembourser
leurs dettes.
Le retournement des croyances entraîne des
difficultés financières pour les entreprises

• Ils sont souvent contraints de revendre


leurs actifs à perte.

• Ce mouvement de vente précipité


alimente et accentue la chute des cours
des actifs immobiliers ou boursiers.
…puis de leurs créanciers
• Certains agents se retrouvent alors dans l’incapacité
d’honorer leurs dettes (défaut de paiement), si bien que
leurs difficultés financières se répercutent sur leurs
créanciers (les banques), dont les bilans se détériorent
à leur tour.

• Les banques ont à leur tour des difficultés à honorer


leurs engagements, du fait du développement de
créances douteuses (à leur actif).

• Elles vont elles aussi rechercher à l’actif de leur bilan


de la liquidité et vont donc revendre des titres financiers
qu’elles détiennent.
…puis de leurs créanciers

• La bulle immobilière se transmet alors aux marchés


boursiers.

• Par ailleurs, les banques réduisent leur offre de


crédit, pour réduire leur exposition au risque.

• Les entreprises ont alors un accès au crédit plus


difficile, ce qui limite leur capacité d’investissement,
y compris productif.

• On parle alors de credit crunch.


Récession forte
• La libéralisation financière initiée au Japon au
début des années 1980 a sensiblement perturbé le
système financier de cette économie.

• Les banques n’ont pas fait preuve de


suffisamment de prudence dans les années 1980
et n’ont pas suffisamment évalué la qualité des
projets que leurs crédits finançaient.
Récession forte

• Cette crise découle d’un dysfonctionnement au


niveau de la sphère financière.

• Dans les années 1990, la prudence des


banques devient en retour excessive (credit
crunch). La crise pesant sur les entreprises est
alors accentuée par cette réaction prudentielle
des banques.

• Dans le même temps, les ménages ont accru,


dans ce contexte de crise, leur épargne au
détriment de la consommation.
La situation au début des années 1990

• Dans la première moitié des années 1990, croissance


soutenue dans de nombreux pays émergents,
notamment d’Asie.

• La croissance des années 1990 va de pair avec un


développement important de la finance de marché
dans de nombreux pays émergents.

• Par ailleurs, de nombreux pays émergents présentent


un déficit commercial traduisant un besoin de
financement au niveau national : les marchés
financiers permettent ainsi le transfert de capitaux en
provenance du reste du monde vers ces pays.
Changement de situation économique

• Dans la première moitié des années 1990, les


économies du Sud-est asiatique se caractérisent pas un
fort taux d’exportation et un fort taux d’investissement.

• Les devises de ces pays sont très stables depuis plus


de 10 ans.

• A partir du milieu des années 1990, on observe un


creusement significatif des balances courantes de
certains pays (Thaïlande, Malaise, Philippines Indonésie
et Corée Sud).
Changement de situation économique

• Les réserves en dollars des banques centrales se


réduisent.

• Ce creusement est la conséquence d’une érosion


des exportations de ces pays (dévaluation du yen,
montée en puissance de la Chine, etc.)

• Ce déficit commercial s’accompagne de la


découverte de l’existence de surcapacité
productives (suraccumulation) dans certains de ces
pays.
Un début de crise à l’image du Japon…

• Comme au Japon, le surinvestissement local se traduit


dans un premier temps par un krach boursier et
immobilier plaçant les entreprises en situation difficile.

• Comme de nombreux crédits sont gagés sur des


hypothèques immobilières, il résulte du krach
immobilier une montée des créances douteuses à
l’actif des banques locales, qui révèlent aux marchés
financiers la fragilité du système bancaire.

• Cette fragilité rend les marchés internationaux plus


méfiants : ils réduisent alors leur octroi de crédit et ne
renouvellent plus leurs créances de court-terme.
...exacerbé par la dépendance financière
à l’égard des marchés internationaux
• Dès lors, les banques commerciales doivent
honorer des crédits courts sans pouvoir recourir
aux marchés internationaux.

• Leur actif étant non exigible (risque de


transformation), elles trouvent la liquidité qui leur
manque en vendant des titres, puis en
convertissant la monnaie locale récupérée en
dollars (le passif exigible étant libellé en dollars).
...exacerbé par la dépendance financière
à l’égard des marchés internationaux
• Très vite, l’excès de demande de dollars sur le
marché des changes fait disparaître les réserves de
change des banques centrales : la demande de
dollars n’a plus aucune contrepartie… et les devises
nationales s’effondrent.

• La dévaluation de la devise nationale accroît la


valeur du passif exprimé en devise nationale (risque
de change).

• La situation très délicate des banques fait


définitivement fuir les investisseurs internationaux.
Le mécanisme de contagion de la crise

• Le premier pays touché par la crise est la Thaïlande


en juillet 1997.

• La crise thaïlandaise fait craindre aux intervenants


internationaux des crises analogues dans les autres
pays de la région…

• … quand bien même les premiers signaux ne sont


pas encore perceptibles.
Le mécanisme de contagion de la crise

• Par précaution, il vont massivement retirer leurs capitaux


de ces pays, ce qui va déclencher la crise qu’ils
redoutaient… (Indonésie, Malaisie, Philippines).

• L’effondrement a été jugulé par l’arrivée sur les marchés


d’un prêteur « en dernier ressort », le FMI, qui a octroyé
les crédits que les banques occidentales ne voulaient
plus effectuer.

• Bien sûr, ces crédits ont été conditionnés à l’application


de politiques économiques restrictives.
• FMI: Fonds Monétaire International, institution
internationale créée en 1945

• International Monetary Fund

• Promouvoir la coopération monétaire


internationale, garantir la stabilité financière
Bibliographie

• AGLIETTA M. (2008), La crise : Pourquoi on en est arrivé là ? Comment en sortir ?


Michalon.

• BOYER R. (2004), Théorie de la régulation. Tome 1 : les fondamentaux, La


découverte. Collection Repères.

• BRENDER, A. et PISANI, F. (2001), Les marchés et la croissance. Economica. Voir


notamment le chapitre 3 (p.109-166).

• BRENDER, A. et PISANI, F. (2009), La crise de la finance globalisée. La découverte.


Collection Repères.

• De BOISSIEU C. (Dir.) (2007), Les systèmes financiers. Mutations, crises et


régulations. Economica. Voir notamment les chapitres 3 et 9.

• KRUGMAN, P. (1999), Pourquoi les crises reviennent toujours ? Seuil.

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