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ÉCONOMIE MONÉTAIRE ET

FINANCIÈRE  
Monnaie, Quasi-Monnaie et Agrégats monétaires

Hassan HACHIMI ALAOUI


alaoui.uiz.ac.ma

Novembre 2019
Table des matières

NOTE INTRODUCTIVE : Qu’est-ce que la monnaie ? ............................................... 1

AXE I : Les actifs monétaires ..................................................................................... 6

1. Les fonctions de la monnaie ............................................................................................ 6


1. La monnaie en tant que moyen de paiement ................................................. 6
2. La monnaie en tant que mesure de valeur ..................................................... 9
3. La monnaie comme réserve de valeur .......................................................... 11
2. Les formes de la monnaie .............................................................................................. 13
1. La monnaie métallique ................................................................................. 13
2. La monnaie papier ....................................................................................... 15
3. La monnaie scripturale ................................................................................ 16

AXE II : Cadre analytique et structure du taux d’intérêt .......................................... 19

1. Structure par risque du taux d’intérêt .......................................................................... 19


2. Structure par terme du taux d’intérêt ........................................................................... 26

AXE III : Les actifs financiers quasi-monétaires ........................................................ 31

1. Les dépôts sur livret ..................................................................................................... 32


2. Les dépôts à terme ........................................................................................................ 34
3. Les bons de caisse ......................................................................................................... 36
4. Les certificats de dépôt à durée résiduelle ≤ 2 𝑎𝑛𝑠 ........................................................ 37
5. Les valeurs données en pensions.................................................................................... 39
6. Les titres des OPCVM monétaires ................................................................................ 41
7. Les dépôts en devises .................................................................................................... 42

AXE IV : Les agrégats monétaires ............................................................................ 43

1. L’agrégat M1 : La monnaie au sens strict ..................................................................... 44


2. L’agrégat M2 : Les actifs monétaires et les comptes d’épargne...................................... 45
3. L’agrégat M3 : La monnaie au sens large ...................................................................... 46

Références Bibliographiques ......................................................................................................... 48


NOTE INTRODUCTIVE : Qu’est-ce que la monnaie ?
En essayant de s’approprier le quoi de la monnaie, nous nous heurtons à ces objets qui

peuplent notre imaginaire. Ces pièces métalliques avec des inscriptions sur l’avers et le revers,

ainsi que ces bouts de papier rectangulaires contenant des images, des chiffres et des lettres

au recto et verso. Pourtant, ces objets réduisent la monnaie, à tort, à sa forme, à son comment.

Dans ces objets, c’est le paraitre de la monnaie que nous captons et nullement son être. En

disant que la monnaie est l’ensemble des pièces métalliques et des billets de banque mis en

circulation, nous attestons, au fait, de notre incapacité à saisir son essence et sa quintessence.

Quand nous y réfléchissons un peu plus, l’idée que nous nous faisons de la monnaie est

canalisée vers ses fonctions, qui vont de moyen de paiement à réserve de valeur, passant par

sa fonction de mesure de valeur. Ce faisant, le concept est défini à travers les fonctions qu’il

assure; nous définissons la chose par ce à quoi sert cette chose. Certes, la monnaie est ce

qu’elle est, mais n’apparait qu’à travers ce qu’elle fait. Il est donc légitime de dire que la

monnaie est ses fonctions. Il s’agit là d’une définition dite fonctionnelle.

Cette approche fonctionnelle dans la définition des concepts est dominante en sciences

économiques. A titre d’exemple, l’entreprise est définie en tant qu’unité de production et de

répartition des richesses, le marché est également défini en tant qu’espace de rencontre entre

l’offre et la demande, et même l’économie est définie comme étant l’allocation optimale des

ressources rares. Peu importe ce qu’est l’entreprise, peu importe si le marché est un espace

concret ou virtuel, importent leurs fonctions respectives.

Il n’en demeure pas moins que l’approche fonctionnelle en sciences économiques fait écho au

courant essentialiste en philosophie. En effet, les philosophes qui s’interrogent sur la nature

de l’être se divisent en deux principales catégories. Le premier groupe, citons à titre d’exemple

Averroès, définissent l’être par son essence et sa raison d’être, ou le pourquoi de son être.

Le deuxième groupe, dont fait partie J-P. Sartre, vont au-delà de la question sur l’essence

et avancent que l’être est un existant qui soulève des interrogations quant à son existence en

elle-même, ils le décrivent ainsi dans une logique ontologique existentialiste.

1
Si la définition fonctionnelle de la monnaie est assimilée à la philosophie essentialiste,

pouvons-nous, par analogie, lui opposer une approche existentialiste. Force est de constater

que la monnaie échappe à toute emprise intellectuelle, s’évade et cède la place à l’étonnement.

Elle est insaisissable telle une lueur et, de ce fait, nous admettons que nous ne pouvons guère

la cerner. Cependant, peut-on la définir telle qu’elle est, en elle-même et par elle-même ?

Qu’allons-nous trouver si nous tentons de penser que la monnaie se suffit à elle-même pour

être définie et qu’elle peut l’être sans faire recours à son essence ? Que va subsister après avoir

abandonné le pourquoi de la chose ? Pouvons-nous approcher le quoi de la monnaie, au-delà

de son pourquoi ? La question est toute simple ; Qu’est-ce que la monnaie ?

Nous nous trouvons donc confrontés à la même question, posée initialement dans les mêmes

termes et par la même expression, mais dont le sens et la finalité changent complétement.

Nous savons maintenant que pour savoir quelque chose, il y a plusieurs manières de le savoir.

Voici donc une initiation à l’épistémologie. Ce mot est certes intimidant, sauf qu’en termes

plus simples, il faut savoir comment savoir. Nous réalisons maintenant que le savoir de la

monnaie découle d’un point de vue, et que le fait monétaire est insaisissable ou, dans tout le

moins, difficile à cerner.

Le point de départ d’une telle réflexion peut être une autre question. Pourquoi, rationnels

que nous sommes, nous échangeons les biens économiques, rares et utiles, en contrepartie de

billets de banque et de pièces en métal qui, de loin, n’ont aucune valeur intrinsèque. Est-il

rationnel de le faire. La réponse est toutefois triviale, nous sommes rationnels et nous assumons

cet échange car nous savons que, par la suite, nous trouverons quelqu’un qui est prêt à

échanger les biens dont nous avons besoin en contrepartie de ces billets et pièces. Autrement

dit, nous acceptons la monnaie parce que nous avons la certitude que les autres l’acceptent et

continueront de l’accepter. Nous l’acceptons car nous sommes certains de pouvoir s’en

débarrasser à tout moment. En ce sens que la monnaie est dite liquide, elle s’écoule facilement

et n’engendre pas de couts de transactions importants. Ceci dit, nous pouvons interroger cette

acceptabilité consensuelle de la monnaie et remettre en question le fondement de sa liquidité.

2
Les membres d’un groupe social peuvent-ils ériger en monnaie liquide, un bien quelconque,

dont l’acceptabilité est consensuelle au sein du dit groupe. Ce faisant, chacun des membres

du groupe essayera de convaincre les autres que le bien qu’il détient constitue le bien qui

servirait le mieux comme monnaie, ce bien qu’il désire tant et qu’il détient est, à ses yeux, le

plus liquide. Au fait, ce bien n’est pas désiré car il a de la valeur, mais c’est parce qu’il est

désiré qu’il a de la valeur. Ainsi, en essayant d’imposer l’acceptabilité du bien dont on est

propriétaire, on essaie donc de le faire désirer par les autres. De ce fait, c’est un désir que l’on

essaie d’imposer, subtilement, aux autres et qu’on tente d’objectiver en une valeur.

Étant donné que chacun des membres du groupe fera de même, un rapport de violence

s’établirait au fur et à mesure que les négociations avancent. Ce rapport de violence ne peut

être atténué que par un consens autour d’un objet jugé convenable pour assurer le rôle de

monnaie. Les modalités de ce consensus diffèrent, sauf que la finalité en est la même. La valeur

d’échange attribuée à l’objet érigé en monnaie sera doublée d’une charge symbolique. L’objet-

monnaie serait donc un objet-symbole, à même d’être uniquement un symbole si le support

est dématérialisé. Il est symbole d’une confiance mutuelle entre ses détenteurs, d’un consensus

au sein du groupe social qui partage un espace commun.1 Ainsi, un lien social de confiance se

manifeste à travers la monnaie, qui devient un sujet et qui cesse d’être un simple objet.

Néanmoins, cette quiétude qu’instaure la monnaie demeure incomplète. Toute l’inquiétude

provient de l’incertitude quant à la soutenabilité de ce lien social. Est-ce que tous les membres

du groupe vont exprimer, inconstamment et de la même manière, leur lien d’appartenance via

la monnaie ? Aurons-nous des refus, des dénis, voire des rejets ? Chacun dirait : j’accepte la

monnaie en échange de mes biens car je fais confiance aux autres. Cette confiance est-elle

mutuelle et va-t-elle le demeurer ? Et si l’acceptabilité de la monnaie était de remise en

question ?

1
Les crypto-monnaies symbolisent un consensus au sein d’un groupe social, en l’occurrence les internautes,
partageant un espace commun, certes virtuel. Néanmoins, nous verrons ce qui manque à ces symboles pour
s’ériger en monnaie au sens économique.

3
Cette méfiance envers la monnaie fragilise la monnaie en tant que lien social et un rapport

de force, certes tacite, réapparait. C’est la raison pour laquelle le groupe social devrait élire,

en tout cas choisir, une institution qui se chargerait de garantir la soutenabilité du lien social

que constitue la monnaie. Cette institution devrait le protéger, le faire respecter, voire

l’imposer. Il s’agit d’une institution souveraine qui étale son pouvoir sur l’ensemble territoire,

qui légifère et exécute. Ce faisant, le souverain fait ancrer la monnaie dans le lien social qui

la sous-tend en lui attribuant une valeur légale, un cours légal.

Ainsi, chacun des membres du groupe social est obligé d’accepter la monnaie-symbole en

tant que moyen de paiement définitif et ultime. Son pouvoir libératoire est indiscutable et

garanti par la loi. Toutefois, le souverain ne peut imposer cette monnaie aux autres groupes

sociaux et qui opèrent en dehors du territoire sous souveraineté. La monnaie est un lien social

de confiance limité au territoire sous la souveraineté d’un État. Ainsi, la monnaie est un lien

social conditionné par la souveraineté et la souveraineté peut également se manifester à travers

la monnaie. Cette complémentarité entre la monnaie et la souveraineté peut même aller vers

un lien de conditionnalité. En somme, la monnaie est un lien social de confiance

institutionnalisé par un État souverain. La dimension sociale, l’aspect juridique et l’ampleur

politique de la monnaie sont toutes aussi importantes les unes que les autres. Nous déduisons

donc que la monnaie n’est pas un objet et qu’elle est une institution à plusieurs dimensions.

Cette approche institutionnelle, contrairement à l’approche fonctionnelle, aborde la monnaie

en tant que sujet exceptionnellement pluridisciplinaire. Pour l’adopter, il faut être minutieux,

subtil et surtout poly-disciplinaire, au risque de frôler l’a-disciplinaire. Or, traiter la monnaie

dans cette optique institutionnelle nous mènerait dans des cieux philosophiques, vers des

horizons juridiques et politiques qui échappent aux compétences et au savoir-faire de

l’économiste pur et simple.

Ceci dit, tout au long de ce cours, il ne s’agit guère d’exclure cette approche au profit d’une

approche fonctionnelle, non moins de favoriser l’une au détriment de l’autre. Il s’agit de mettre

en lumière la complémentarité qu’entretiennent les deux approches et qui demeure

indispensable pour la bonne compréhension du fait monétaire.

4
De la sorte, l’enseignement dispensé dans ce cours adopte une démarche conjuguant

l’approche institutionnelle à l’approche fonctionnelle de la monnaie, en vue de concilier les

méthodes holistes et individualistes et, in fine, mettre en lumière non seulement son aspect

d’objet économique mais également sa dimension de lien social de confiance (monnaie

fiduciaire).

Quoique le cours adopte, en apparence, une approche fonctionnelle, eu égard à

l’enchainement et à l’arborescence des axes, il sera incessamment question de rappeler la

dimension institutionnelle de la monnaie. Nous verrons que l’approche institutionnelle facilite

la compréhension du fait monétaire et que la monnaie, dans ses diverses formes et à travers

ses fonctions, est d’abord et après tout question de confiance.

En premier lieu, nous abordons le pourquoi de la monnaie, c’est-à-dire ses fonctions, pour

ensuite enchainer avec son comment, ou ses formes. Ceci avant de terminer avec les agrégats

de la monnaie qui permettent de capter combien nous en avons.

5
AXE I :
Les actifs monétaires

Dans une optique fonctionnelle, les actifs monétaires sont définis par leurs trois principales

fonctions, sachant qu’ils peuvent revêtir trois formes. Est considéré comme monnaie, tout actif

qui remplit, conjointement et simultanément, les trois fonctions suivantes : Mesure de valeur,

réserve de valeur et moyen de paiement. Sachant que souvent des symboles, parfois des actifs,

peuvent remplir exclusivement une seule des fonctions précitées mais peinent à être considérés

comme une monnaie.

1.   Les fonctions de la monnaie

1.   La monnaie en tant que moyen de paiement


Expliquer que la monnaie est un moyen de paiement peut paraitre à première vue trivial.

Or, il suffit d’imaginer un monde sans monnaie pour pouvoir mesurer de près le poids et

l’importance de cette fonction.

Dans un tel monde, la monnaie fait défaut et les agents économiques sont astreints à passer

par le troc pour effectuer leurs transactions commerciales.

Pour un agent économique désirant un bien économique et ne disposant pas de monnaie

pour l’acquérir, plusieurs conditions doivent être réunies. Supposons qu’un agent 𝐴 souhaite

acquérir le bien 𝑌 dont il a besoin. Pour ce faire, il est prêt à se démettre du bien 𝑋 qu’il

détient. Il est donc prêt à échanger X en contrepartie de Y. En premier lieu, l’agent 𝐴 devrait

trouver, dans un espace donné 2


et en un temps déterminé, un agent 𝐵 qui, non seulement

détient le bien 𝑋, mais qui n’en a pas besoin et qui est prêt à l’échanger en contrepartie du

bien 𝑋 dont il a besoin.

2
L’espace ici est compris au sens économique et non pas physique. Il peut donc s’agir d’un espace virtuel.

6
Cette double coïncidence des besoins dans un champ spatiotemporel, constitue la première

condition pour la réalisation de cette opération de troc. Cette condition, quoique primordiale,

n’est pas la seule. Une entente entre l’agent A et B en termes de valeurs relatives est requise

et indispensable pour le dénouement du troc.3 En effet, la valeur relative du bien X par rapport

au bien Y telle que fixée par l’agent A, devrait être la même que celle fixée par l’agent B. Cet

accord sur les valeurs de chacun des deux biens n’est pas toujours aisé en l’absence d’un

système de prix communément reconnu et qui fait l’objet d’un consentement. Ainsi, une

négociation devrait être entreprise pour arriver au consentement. Au-delà de cette entente sur

les prix, les quantités échangées doivent également faire l’objet d’une entente mutuelle entre

les deux agents. Il se peut que l’agent 𝐴 désire une quantité du bien X qui soit différente de

la quantité que l’agent B peut ou veut échanger, et vice versa. Cette différence entre les

quantités désirées et les quantités échangées est d’autant plus contraignante lorsque les biens

en question ne sont pas divisibles ou lorsqu’ils sont difficilement stockables. Ainsi, ces

conditions, qui touchent à la fois les prix et les quantités doivent être réunies pour que les

deux agents puissent troquer leurs biens. A défaut de quoi, nulle transaction ne peut être

effectuée.

Ceci étant, la monnaie vient pour séparer cet échange relatif, contraignent surtout, qu’est le

troc en deux échanges absolus et donne lieu à deux transactions différentes. La monnaie

devient la contrepartie dans chacune des deux transactions et permet de contrecarrer les

limites du troc. Sous hypothèse que la monnaie est l’actif le plus liquide et qu’il est l’objet

d’une acceptation collective, la seule condition pour la réalisation des transactions

commerciales devient la liquidité. Ainsi, la monnaie permet d’instaurer un marché pour chaque

bien économique et permet donc une organisation sectorielle de l’économie. Chaque bien

dispose de son propre marché sur lequel il peut être évalué et liquidé en monnaie.

3
Abstraction faite de la qualité des biens X et Y. Ces derniers ne font l’objet d’aucune différentiation verticale
et leur prix n’incorporent aucune prime de qualité.

7
Étant donné que les conditions du troc sont contraignantes et difficiles à réunir, il est normal

de voir les ménages pencher vers l’autarcie en l’absence d’un système monétaire solide. Eu

égard à la faible probabilité de réunir les conditions du troc, l’agent économique, rationnel

qu’il est, développe une attitude de recul face à des échanges quasi-impossibles. Pour éviter le

troc, la seule et unique solution est d’essayer de produire tous les biens dont il a besoin. Ce

faisant, l’agent réparti sa dotation en temps sur la production de plusieurs biens et services,

et devient donc multitâche. Il cesse de se spécialiser dans la production du bien dont il détient

une économie d’échelle et entame une activité diversifiée. Il passe donc d’un système d’échange

à un système d’autarcie. Il développe un écosystème qui se suffit à lui-même et vit dans une

économie au sens aristotélicien du terme et oikos-nomos retrouve son origine étymologique.

L’activité économique se réduit donc à une simple gestion du ménage puisque celui-ci devient

un écosystème centralisé, où le producteur est consommateur. Ce dernier produit tous les

biens dont il a besoin. C’est normal donc de constater que le contexte des économies d’autarcie

est marqué par un système de paiement quasi absent ou inexistant.

Or, la spécialisation est la clé de voute de toute expansion économique et c’est à travers elle

qu’un pays, tout aussi bien qu’un simple agent, détienne un avantage comparatif ou absolu

vis-à-vis de ses pairs. La spécialisation et la division des taches constituent les facteurs clés de

succès de toute économie et les économies d’échelle et d’envergure qu’elles permettent sont

considérables.

En somme, la monnaie, en tant que palliatif aux limites du troc, permet donc la spécialisation

et, par voie de conséquence, la division de taches, l’économie d’échelle et, in fine, l’expansion

économique. Ainsi, la monnaie et l’expansion économique vont de pair et il est difficile

d’envisager une économie à grande échelle sans système de paiement sain et solide. La

production à grande échelle de céréales et leur mode de stockage décentralisé, ainsi que la

fonction de redistribution qu’en assurait des temples éparpillés sur le territoire de l’Égypte,

sont autant d’élément qui infirment l’hypothèse d’un système de troc à l’échelle d’un empire

tel que celui des Pharaons.

8
2.   La monnaie en tant que mesure de valeur
Pour comprendre cette fonction assignée à la monnaie et mesurer son importance, il convient

de voir ce qu’il en serait si la monnaie fait défaut. En situation de troc, les agents économiques

se trouvent obligés d’attribuer une valeur à chaque bien économique pour qu’ils puissent faire

les comparaisons et les choix qui en découlent. Or, en l’absence d’une valeur de référence,

chaque bien ne peut être exprimé qu’en fonction des biens en contrepartie desquels il est

échangé. Supposons qu’il s’agisse d’un contexte de troc où circulent 5 biens économiques. Le

tableau ci-dessous illustre le système de valeur qui sera établi dans un tel contexte.
V W X Y Z
V 1 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑍/𝑉

W 𝑉𝑦/𝑧 1 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑍/𝑊

X 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑦/𝑧 1 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑍/𝑋

Y 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑦/𝑧 1 𝑉𝑍/𝑌

Z 𝑉𝑍/𝑉 𝑉𝑍/𝑊 𝑉𝑦/𝑧 𝑉𝑦/𝑧 1

Tableau 1 : Système de valeur en situation de troc

Comme le montre le tableau ci-dessus, chacun des 5 biens est exprimé en fonction des 4

autres biens. Ce faisant, le nombre total de prix obtenus s’élève à 20, tel que :
5 × (5 − 1) = 5 × 4 = 20
Ce total de valeurs est divisé par deux pour ne pas faire un double calcul des valeurs déjà

établies. Ainsi, le troc de 5 bien économiques nous offre un nombre total de prix qui s’élève à

10. En règle générale, une situation de troc avec 𝑛 biens économiques, affiche un nombre total

de prix qui s’élève à :


𝑛(𝑛 − 1)
2
L’introduction de la monnaie, en tant que valeur de référence, permet d’exprimer tous les

biens échangés en fonction d’un dénominateur commun. Avec 𝑛 biens économiques, nous

aurons 𝑛 prix, alors que les prix deviennent insaisissables dès que le nombre des biens échangés

va au-delà de 3 biens. Pour 𝑛 > 3, la monnaie est, de loin, avantageuse en termes de système

de valeurs.

9
Ainsi, la monnaie, en tant que mesure de valeur, permet de réduire le nombre des prix. De

surcroit, la monnaie permet d’améliorer la qualité des prix.

La rationalité implique un comportement d’optimisation, en ce sens que chaque agent

maximise son utilité, sous contrainte de sa dotation initiale, en termes de budget ou de temps.

Ainsi, la rationalité et l’optimum vont de pair. Cet optimum suppose que tout agent, en

l’occurrence un consommateur, est capable de choisir parmi des milliers de biens un panier

jugé optimal. Pour capter ceci, la théorie du consommateur suppose que l’agent économique

devrait arbitrer entre deux biens X et Y en vue d’en consommer une quantité optimale. Pour

ce faire, le consommateur ayant pour contrainte sa dotation initiale, devrait égaliser les utilités

marginales des deux biens, pondérées par leurs prix respectifs.

Si cela est didactique, il n’en demeure pas moins que la pédagogie se fait au détriment de la

réalité. En effet, lorsqu’un consommateur choisit un panier optimal, il le choisit parmi des

milliers de biens et quand il décide de tirer une quantité de X, tous les autres biens sont

agrégés dans un bien composite. Ce dernier est réduit au bien Y pour des raisons didactiques

afin de permettre à l’étudiant de raisonner à deux dimensions.

Ainsi, dans un environnement multidimensionnel, l’agent économique ne peut choisir le

panier optimal que s’il a la faculté de faire des choix multilatéraux. Dans un système prix

relatifs, en l’occurrence le troc, l’agent économique est astreint à une chaine de comparaisons

bilatérales. En effet, dans un système de valeurs relatives, on ne peut procéder que par des

comparaisons binaires de biens et de services. Cela réduit considérablement la faculté de

comparer et, par voie de conséquence, altère l’habilité de faire des choix délibérés et de prendre

des décisions rationnelles.

C’est ainsi que la monnaie, en tant qu’équivalent général en fonction duquel tous les biens

sont exprimés et par lequel ils acquièrent leurs valeurs nominales, s’annonce comme un

palliatif à cette altération des facultés de comparaison. Du moment où tous les biens sont

uniformément libellés et que leurs valeurs sont exprimées dans la même unité de mesure, tout

un chacun de ces biens peut aisément faire l’objet d’une comparaison multilatérale.

10
Ce faisant, l’agent économique se sent capable de choisir le panier optimal parmi des milliers

de propositions, tenant compte des prix absolus. En passant d’un système de prix relatif vers

un système de prix absolus, les agents économiques peuvent faire des comparaisons

multilatérales, faire des choix d’optimum et agir de façon rationnelle.

Ainsi, le postulat de rationalité est intimement lié à l’usage de la monnaie en tant que mesure

de valeur. Nonobstant, si l’usage de la monnaie est une condition nécessaire de la rationalité,

elle n’en est nullement une condition suffisante et les comportements irrationnels observés de

nos jours en témoignent. En somme, la monnaie est une mesure de valeur qui, au-delà d’être

une unité de compte qui réduit la quantité des prix et améliore leur qualité, demeure une

condition nécessaire, certes insuffisante, de la rationalité des agents économiques.

3.   La monnaie comme réserve de valeur


Avant d’enchainer avec les fonctions de la monnaie et d’en aborder la troisième et non moins

importante, il convient de mettre en lumière le concept de valeur. Pour ce faire, il est

primordial de distinguer la valeur réelle de la valeur nominale. En effet, la valeur nominale

est exprimée en unités monétaires, alors que la valeur réelle est exprimée en unités de biens

et services. L’importance de cette distinction entre la valeur réelle et la valeur nominale

renvoie au concept, non moins important, de pouvoir d’achat qui constitue l’essence même de

la première fonction de la monnaie, en l’occurrence moyen de paiement. A cet égard, si

l’inflation, du point de vue macroéconomique, est une hausse générale et durable des prix, elle

est par construction, une dégradation du pouvoir d’achat de la monnaie, en d’autres termes,

une baisse de sa valeur réelle.

La valeur nominale d’un montant 𝑀0 , notée 𝑉𝑁 , est le produit de la quantité 𝑄0 de biens

et services qu’il permet d’acquérir et du niveau général des prix, noté 𝑃𝑡0 , observé en 𝑡0 :

𝑉𝑁𝑀0 = 𝑄0 𝑃𝑡0

Par ailleurs, la valeur réelle, notée 𝑉𝑅 , de ce montant est égale à la quantité 𝑄0 des biens

et services qu’il permet d’acquérir. En termes de valeur nominale, la valeur réelle est donc :
𝑉𝑁𝑀0 𝑄0 𝑃𝑡0
𝑉𝑅𝑀0 = = = 𝑄0
𝑃𝑡0 𝑃𝑡0

11
Cette valeur réelle constitue le pouvoir d’achat, en termes de biens et services, du montant

𝑀0 . D’où l’importance de distinguer la valeur nominale de la valeur réelle de la monnaie.

C’est ainsi que, dans un contexte macroéconomique marqué par l’inflation, c’est-à-dire une

hausse générale et durable des prix, la monnaie est uniquement réserve de valeur nominale et

aucunement réserve de valeur réelle. Certes, dans un contexte de déflation, ou d’absence

d’inflation, la monnaie peut être à la fois réserve de valeur réelle et nominale.

Par ailleurs, la dynamique économique suppose que les agents économiques souhaitent

pouvoir lisser leur consommation dans le temps et répartir leurs dépenses sur plusieurs cycles.

Ce lissage et cette répartition implique un effet de substitution inter-temporelle de la

consommation. Les agents arbitrent donc entre la consommation d’aujourd’hui et la

consommation au futur et cela dépend, en somme, du taux marginal de substitution inter-

temporel. Ceci implique donc qu’une bonne partie des revenus présents sera thésaurisée pour

subvenir aux dépenses de consommation future.

Entre temps, l’agent économique se trouve détenteur d’une monnaie ayant une valeur donnée

et qui devient une épargne. La monnaie ainsi détenue cesse de remplir pleinement sa fonction

de moyen de paiement. C’est une toute autre fonction inhérente à la préservation du pouvoir

d’achat. En effet, cette monnaie épargnée, elle l’est pour permettre de faire face à des dépenses

futures et constitue, dans son essence, une réserve de valeur. La monnaie devient donc un

véhicule de l’épargne qui permet le report de la consommation au futur. Elle est détenue et

est désirée parce qu’elle est liquide et facilement échangeable au futur.

Cette fonction de réserve de valeur assignée à la monnaie est intimement liée à celle de

mesure de valeur. Tout au long du temps de sa détention, la monnaie, en tant que réserve de

valeur, devient un actif au sens économique. A chaque instant de ce temps, il s’agirait d’un

actif qui, mis à côté des autres actifs, constituent les éléments du patrimoine de l’agent

détenteur. La monnaie est donc un actif économique, vu qu’elle figure parmi les actifs qui

composent le patrimoine des agents économiques. Les actifs sont par essence des réserves de

valeur, sauf que la monnaie en est le plus liquide.

12
2.   Les formes de la monnaie

Il s’agit d’étudier les formes à travers lesquelles la monnaie peut se manifester dans une

économie. En effet, la monnaie peut revêtir plusieurs formes et tend de plus en plus à se

dématérialiser. En principe, il convient de distinguer trois principales formes ; les pièces

métalliques, les billets de banques et les dépôts à vue chez les institutions financières. Les

deux premières formes, en métal et en papier, constituent la monnaie fiduciaire, alors que les

dépôts à vue constituent la monnaie scripturale.

1.   La monnaie métallique
Au Maroc, la mise en circulation des pièces métalliques et leur retrait de circulation sont

des décisions prises à l’issue des délibérations du conseil de la banque centrale, Bank Al-

Maghrib. Cette décision doit être approuvée par un décret du chef du gouvernement, sur

proposition du ministre de l’économie et des finances. Ce décret attribue aux pièces mises en

circulation un cours légal et un pouvoir libératoire, sachant que ce dernier demeure limité à

un plafond selon la valeur faciale de chaque pièce. Les pièces métalliques mises en circulation

au Maroc sont des pièces rondes et font partie de deux séries, comme le montre le tableau ci-

dessous.

Série 2002 Série 2011

10   Centimes 10 Centimes
10 Centimes 20 Centimes
20 Centimes ½ Dirham
1/2 Dirham 1 Dirham
1 Dirham 5 Dirhams
2 Dirhams 10 Dirhams
5 Dirhams
10 Dirhams
Tableau 2: Séries des pièces métalliques mis en circulation au Maroc

Le diamètre, l’épaisseur et le poids des pièces changent en fonction de la valeur faciale de la

pièce. Elles sont dorées ou argentées, ou les deux avec une couleur pour le noyau et une autre

pour la bague.

13
Les pièces mises en circulation sont fabriquées en Cuivre, Nickel ou Acier. L’émission de ces

pièces est un privilège donné à Bank Al-Maghrib, la banque centrale du Maroc, à travers son

institut d’émission, Dar As-Sikkah.

10 DH
Autres 4% 2 DH
12% 5 DH
3%
7%

10 Cts
19%

1 DH
27%

20 Cts
16%
1/2 DH
12%

Figure 1: Structure des pièces métalliques mises en circulation au Maroc à fin 2017

La circulation de la monnaie métallique a augmenté s’est établie à 3,4 milliards de dirhams

à fin 2018. La ventilation de la circulation des pièces par valeur faciale montre que les plus

grandes parts reviennent aux dénominations de 1 DH et 10 Centimes, représentant

respectivement 27% et 19%. Le graphique ci-dessus montre la structure des pièces mises en

circulation au Maroc, à la fin de l’année 2017.

14
2.   La monnaie papier
Les billets de banque sont émis par la banque centrale et ont un cours légal et un pouvoir

libératoire sur l’ensemble du territoire du Royaume. Contrairement aux pièces métalliques,

leur pouvoir libératoire est illimité. Au Maroc, la mise en circulation des billets de banque et

leur retrait de circulation sont des décisions prises à l’issue des délibérations du conseil de

Bank Al-Maghrib. Cette décision doit être approuvée par un décret du chef du gouvernement,

sur proposition du ministre des finances. Ce décret précise les dimensions, les formats, les

couleurs et toute autre caractéristique des billets. Le cours légal et le pouvoir libératoire des

billets mis en circulation leurs sont attribués via le même décret.

La série de billets émis en 2012 comporte quatre coupures dont les caractéristiques diffèrent

selon la valeur nominale. La thématique générale de ces billets s’inspire des réalisations

récentes qu’a connu le Royaume. Il s’agit de quatre coupures, de 20DH, 50DH, 100DH et

200DH. Tous ces billets contiennent des éléments de sécurité servant à dissuader leur

falsifications, tels que le fil de sécurité, l’impression en relief palpable par le toucher, le

filigrane, une encre à couleur changeante ainsi qu’un motif pour malvoyant, un motif de

repérage, la typographie du numéro de série du billet et un micro texte. En valeur, les billets

en circulation se sont établis à 229 milliards de dirhams fin 2017. Considérés en nombre, la

circulation des billets continue à refléter le privilège accordé aux billets de 200 DH, dont la

part relative s’élève à 50% en 2017. Le graphique ci-dessous reflète les parts relatives de chaque

coupure de billets mis en circulation au Maroc à la fin 2017.


Autres
2%
20 DH
7%
50 DH
4%

200 DH
50%

100 DH
37%

Figure 2: Structure des billets en circulation au Maroc en 2017| Data: Bank Al-Maghrib

15
3.   La monnaie scripturale
La monnaie scripturale qui circule dans une économie est constituée par la somme des soldes

créditeurs des dépôts à vue, notés DAV, ouverts sur les livrets des banques.4 Un dépôt à vue

avec un solde nul ne peut en aucun cas être considéré comme de la monnaie scripturale et

tous les instruments de gestion qui lui sont associés cessent d’être des moyens de paiements.

Comme son nom l’indique, le dépôt à vue est un dépôt de monnaie fiduciaire dans un compte

courant qui peut faire l’objet de retrait à tout moment et sans aucune restriction. De même,

les dépôts à vue sont transférables d’un compte à l’autre, d’une personne à l’autre et d’un

espace à l’autre. Ces transferts sont possibles grâce aux instruments de gestion des DAV qui

permettent de faire circuler la monnaie entre plusieurs détenteurs. Les opérations réalisées

moyennant ces instruments donnent lieu à l’enregistrement des écritures comptables

afférentes, en distinguant entre la date d’opération et la date de valeur. Au Maroc, les moyens

de paiement scripturaux sont régis par le Code de Commerce, ainsi que la convention de

compte courant entre la banque et le client.

A la tête des moyens de gestion de la monnaie scripturale, nous avons le virement qui se

définit comme un ordre par lequel un déposant ordonne à sa banque de débiter son compte et

de créditer le compte d’un bénéficiaire. Le virement permet donc au déposant de transférer

un montant déterminé et donne lieu à des flux monétaires en contrepartie de flux réels ou

financiers. En premier lieu, il convient de distinguer entre le virement ponctuel et le virement

permanent. Le virement ponctuel est un ordre de virement à exécuter par le banquier une

seule fois, alors que le virement permanent est un ordre à exécuter périodiquement et de façon

répétitive. Régler une transaction, se libérer d’une dette, payer ses factures, sont autant

d’opération qui nécessite un virement ponctuel. Par contre, le paiement régulier et échelonné

d’un montant donné au même bénéficiaire devrait se faire via un virement permanent. Ce

dernier peut s’avérer un moyen efficace dans le paiement des salaires, lorsque l’employeur

choisit de transiter par sa banque, ou dans le paiement à l’échéance des traites d’une dette.

4
En plus de la TGR et Bank Al-Maghrib.

16
Par ailleurs, le virement peut être un virement interne, au sein de la même banque, ou un

virement externe entre deux banques différentes. Étant donné qu’une banque est organisée en

un siège social et d’un réseau de succursales, le virement interne peut donc s’effectuer au sein

de la même succursale d’une banque commerciale, ou bien entre deux succursales différentes

de même banque. Dans le scénario d’un virement interne au sein de la même succursale, le

compte du donneur d’ordre et le compte bénéficiaire sont ouverts sur les livrets comptables

de la même agence. Ainsi, le chargé de compte qui reçoit un tel ordre de virement et qui a

accès aux deux comptes en question, peut l’exécuter par un simple jeu d’écriture en débitant

le compte du donneur d’ordre et en créditant le compte du bénéficiaire du virement. L’autre

scénario consiste à recevoir un ordre de virement interne vers un compte ouvert dans une

autre agence de la banque. Dans ce cas de figure, le chargé de compte se trouve incapable de

créditer le compte du bénéficiaire auquel il n’a pas accès, sachant qu’il peut uniquement

débiter le compte du donneur d’ordre. Dans ce cas de figure, le compte de liaison entre les

agences et les succursales de la banque sert de support à l’exécution de cet ordre.

Le virement externe quant à lui consiste en un transfert de fonds entre deux agences de deux

banques différentes. L’exécution de l’ordre nécessite une montée d’information qui s’étend au-

delà des comptes de liaison siège-agence et qui nécessite un règlement interbancaire. Pour ce

faire, toutes les banques commerciales sont tenues d’avoir un compte central de règlement

ouvert sur les livrets de la banque des banques, la banque centrale. Ce compte de règlement

devrait être alimenté par des fonds qui servent de réserves bancaires et qui permettent, entre

autres, l’exécution des ordres de virements externes.

Outre le virement, le chèque est également un moyen de transfert de la monnaie scripturale.

Le chèque est un document écrit par lequel un tireur ordonne au tiré de payer un bénéficiaire.

Le tireur du chèque n’est autre que le déposant, alors que le tiré demeure sa banque. Le

bénéficiaire du chèque peut être le tireur lui-même, comme il peut être une tierce personne,

nommée ou anonyme dans le cas d’un chèque au porteur. Par analogie avec le virement, il

s’agit donc d’un ordre écrit par lequel le tireur ordonne à sa banque de débiter son compte

d’un montant donné et de le mettre à la disposition du bénéficiaire.

17
A noter que le chèque doit respecter des conditions de forme et des conditions de fonds.

Sachant que la condition primordiale n’est autre que l’existence de la provision, c’est-à-dire

un solde créditeur du DAV supérieur au montant du chèque tiré.

La carte bancaire est aussi un moyen de gestion de la monnaie scripturale, mise à côté du

chèque et du virement. La carte bancaire est un support en plastique, de forme rectangulaire,

avec une puce et une piste à bande magnétique contenant des renseignements sur son détenteur

et sur le compte qui sert de support. Une carte peut être un moyen de paiement scriptural ou

un moyen de retrait de la monnaie fiduciaire. Pour qu’elle puisse être un moyen de retrait, la

carte doit être utilisée via un Guichet Automatique Bancaire, noté GAB.

Retraits Paiements TPE E-Com


81% 19% 16% 2%

GAB
1%

Figure 3: Structure des transactions par cartes bancaires au Maroc | Data : Bank Al-Maghrib

Durant l’année 2018, un encours de 15 Millions de cartes bancaires ont permis de réaliser

des transactions qui se sont élevées à 366,7 Millions d’opérations, effectuées sur l’ensemble du

territoire du Maroc. Le graphique ci-dessus montre clairement que les retraits de monnaie

fiduciaire auprès des GAB dominent l’ensemble des opérations effectuées par cartes bancaires

au Maroc durant l’année 2018, avec une part relative qui s’élève à 81 %. Les paiements de

proximité à travers les Terminaux de Paiement Électroniques, notés TPE, demeurent en tête

des paiements scripturaux par cartes, suivis par les paiements en ligne (E-Com/E-Gov), avec

une part relativement négligeable pour les paiements à distance via les GAB.

Somme toute, les cartes bancaires détenues et utilisées au Maroc sont de prime abord des

moyens de retrait de la monnaie fiduciaire, et accessoirement des moyens de paiements

scripturaux.

18
AXE II :
Cadre analytique et structure du taux d’intérêt
L’objectif de cet axe consiste à présenter le cadre théorique de la structure du taux d’intérêt.

Pour ce faire, il est question de mener une démonstration de la formule du taux d’intérêt

nominal, afin d’en déduire sa structure par risque et par terme. Ayant une finalité

pédagogique, cette démonstration fait abstraction de la prime de liquidité, des taxes et du

rendement du capital qui affectent, sans nul doute, le taux d’intérêt réel. Ce dernier est réduit,

dans ce document, à une prime de risque inversement liée à la probabilité de défaut. Par

souci de simplification, la démonstration est faite, d’abord, dans le cadre mono-périodique

pour déduire la structure par risque et, ensuite, dans le cadre dynamique en vue de présenter

la structure par terme du taux d’intérêt.

1.   Structure par risque du taux d’intérêt

Pour que la monnaie puisse être réserve de valeur réelle, dans un contexte d’inflation, elle

devrait faire l’objet d’un investissement. Ce dernier consiste à échanger un actif monétaire en

contrepartie d’un autre type d’actif. Ce faisant, il peut s’agir d’un investissement réel, en cas

d’acquisition d’un actif réel, comme il peut s’agir d’un investissement financier lors de

l’acquisition d’un actif financier. Dans le cas d’un investissement financier, on acquiert actif

financier représentatif d’un droit rémunéré, de propriété ou de créance.

Dès lors qu’un prêteur offre un crédit à un emprunteur, en temps 𝑡0 , il détient un actif

financier représentatif d’un droit de créance sur cet emprunteur. Dans ce cas, un créditeur fait

face à un débiteur. En lui offrant ce crédit, il croit en lui, il se fie à lui, il lui fait confiance et

il lui confie sa monnaie car il le juge comme fiable, comme crédible. En lui prêtant, il croit en

ses bonnes intentions à vouloir rembourser et en son engagement à honorer sa dette.

19
La croyance du prêteur se matérialise par une créance5 et la crédibilité de l’emprunteur se

manifeste par un crédit. Un lien temporaire de confiance se noue entre le créditeur et le

débiteur et dure jusqu’à l’échéance, date à laquelle le créditeur espère récupérer sa monnaie.

A l’échéance, en temps 𝑡1 , date à laquelle tombe (échoie) le jugement sur la fiabilité du

débiteur, ce dernier serait, en principe, dans l’obligation d’honorer son engagement et de se

libérer de sa dette. Pour ce faire, il devrait s’acquitter d’un montant de monnaie en guise de

remboursement du montant emprunté.

Or, l’environnement au futur est incertain. Des évènements aléatoires de nature à empêcher

le dit remboursement peuvent survenir à tout moment. Pour nuancer cette incertitude, tout

ce que peut faire le créancier est d’identifier les éventualités futures et d’estimer leurs

probabilités de survenance. Anticiper et prévoir, puis espérer, c’est tout ce que le croyant peut

faire face aux échéances de ce bas monde, les échéances temporelles.

En supposant que cette incertitude est mesurable, le créancier fera face à une situation

risquée, marquée par un risque de perte par rapport à un gain incertain. Si bien que le prêteur

peut affecter, de façon objective ou de façon subjective, des probabilités d’occurrence aux

divers états possibles de la nature. Ces probabilités, notées 𝑝, sont des mesures numériques

de la vraisemblance de l’occurrence du remboursement. Sachant que la valeur d’une

probabilité est toujours comprise entre 0 et 1 : 0 ≤ 𝑝 ≤ 1

En supposant que deux états extrêmes et mutuellement exclusifs peuvent prévaloir

à l’échéance, il y aurait soit un remboursement intégral, avec une probabilité 𝑝𝑅 , soit un

défaut de paiement, avec une probabilité 𝑝𝑁𝑅 . En cas de remboursement total, le créancier

récupère un montant 𝑀1 . Un défaut de paiement mène à une perte sèche qui s’élève

au montant prêté car le débiteur ne peut rien rembourser. Le remboursement est donc une

variable aléatoire réelle, notée 𝑅


̃ , qui prendra deux valeurs extrêmes, 𝑀1 et 0, avec les

probabilités respectives 𝑝𝑅 et 𝑝𝑁𝑅 .

5
Les termes « créance » et « crédit » ont tous les deux la même étymologie, à savoir le terme latin Credo qui veut dire croyance.

20
Ainsi, les probabilités des états de natures possibles sont donc :
𝑝𝑅 = 𝑝 (𝑅𝑒𝑚𝑏𝑜𝑢𝑟𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡)
{
𝑝𝑁𝑅 = 𝑝(𝑁𝑜𝑛 𝑅𝑒𝑚𝑏𝑜𝑢𝑟𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡)
Si 𝑝𝑅 est proche de 0, il n’ y a presque aucune chance de récupérer le montant prêté. Par

contre, si 𝑝𝑅 tend vers 1, il est très vraisemblable que le remboursement se fasse sans difficulté

significative. Étant donné que les deux probabilités sont mutuellement exclusives et que le

remboursement constitue le complément du non remboursement, nous avons :


𝑝𝑅 ∪ 𝑝𝑁𝑅 = 𝑝𝑅 + 𝑝𝑁𝑅 = 1

Force est de constater que le remboursement est donc une variable aléatoire discrète qui

prend deux valeurs, 𝑀1 ou 0. Le créancier devrait donc anticiper le remboursement moyen

qu’il peut espérer en utilisant l’espérance mathématique qui n’est autre que la moyenne de

cette variable aléatoire. Chacune des valeurs que peut prendre la variable aléatoire est

multipliée par la probabilité qui lui correspond, la somme de ces produits fournit la mesure

de tendance centrale suivante :


𝑛
̃ ) = ∑ 𝑝𝑖 𝑅𝑖
𝐸(𝑅
𝑖=1

L’espérance est une moyenne pondérée par les probabilités des valeurs possibles que peut

prendre le remboursement à l’échéance. Étant donné que deux états de nature seulement sont

à prévoir, remboursement ou non remboursement, 𝑖 est réduit à deux. Ainsi, l’espérance peut

être réécrite ainsi :


2
̃ ) = ∑ 𝑝𝑖 𝑅𝑖 = 𝑝𝑅 𝑀1 + 𝑝𝑁𝑅 0 = 𝑝𝑅 𝑀1
𝐸(𝑅
𝑖=1

Le créancier devrait s’attendre à un montant 𝑀1 , probablement, remboursé. Le

remboursement espéré par le créancier devrait satisfaire une condition indispensable pour

conclure le contrat de crédit. N’oublions pas que la raison d’être et l’essence même de ce

contrat se trouvent dans la volonté de l’épargnant, devenu investisseur-créancier, de préserver

la valeur réelle de sa monnaie.

Par ailleurs, le remboursement exigé par le créancier devrait lui permettre d’acheter, en 𝑡1 ,

la même quantité de biens et services qu’en 𝑡0 , si ce n’est plus.

21
Quoiqu’il en soit, la valeur réelle de la monnaie prêtée doit rester intacte, sinon augmenter,

car, le pouvoir d’achat qu’aspire le créancier à récupérer devrait être supérieur ou égal au

pouvoir d’achat concédé. En d’autres termes, le prêteur aspire à récupérer non pas ce qu’il a

prêté, mais ce qu’on peut acheter avec ce qu’il a prêté. Autrement dit, il devrait prêter et

récupérer le même pouvoir d’achat, abstraction faite de la valeur nominale. Ainsi, la quantité

de biens et de services qui peut être acquise avec le remboursement exigé, et qui s’élève à 𝑄1 ,

devrait satisfaire la condition suivante :


Δ𝑄 = 𝑄1 − 𝑄0 ≥ 0
Cette condition peut être réécrite comme suit :
𝑄1 = 𝑄0 + Δ𝑄

Sachant que Δ𝑄 ≥ 0. Cette équation constitue la condition indispensable à la conclusion du

contrat du crédit. cette condition indique que la quantité de biens et services qui peut être

acquise avec la monnaie prêtée devrait être supérieure ou égale à la quantité de biens et

services acquise avec la monnaie récupéré. C’est-à-dire que le remboursement exigé en 𝑡1

permet d’acquérir une quantité de biens 𝑄1 supérieure ou égale à la quantité que pouvait

acquérir la monnaie prêtée en 𝑡0 . Sachant que 𝑄0 représente la valeur réelle de montant 𝑀0

et vu que 𝑄1 représente la valeur réelle du montant à rembourser, le terme Δ𝑄 renvoie à la

hausse de la valeur réelle que génère cette opération de crédit, avec :


∆𝑄 = 𝑉𝑅𝐸(𝑅
̃ ) − 𝑉𝑅 𝑀0

De ce fait, Δ𝑄 constitue le rendement réel du prêt. Rapporté à son niveau initial 𝑄0 , ce

rendement réel peut être exprimé en un taux de rendement, noté 𝑟, tel que :
Δ𝑄
𝑟=
𝑄0
Le remboursement espéré devrait donc permettre d’acheter une quantité de biens et services

𝑄1 . Toutefois, les temps changent et le niveau général des prix change. Les prix vont passer

de 𝑃0 en 𝑡0 à leur niveau anticipé 𝑃1 𝑎 en 𝑡1 . au prix 𝑃1 𝑎 prévalant en temps 𝑡1 . De ce fait, le

taux d’inflation anticipé en 𝑡0 , noté 𝑖𝑛𝑓 𝑎 , est donc :

𝑎 𝑃1 𝑎 − 𝑃0
𝑖𝑛𝑓 =
𝑃0

22
Le remboursement espéré devrait donc permettre d’acheter la quantité de biens et services

𝑄1 au prix 𝑃1 𝑎 prévalant en temps 𝑡1 . Ceci dit, compte tenu du niveau anticipé des prix, 𝑃1 𝑎 ,

la valeur nominale du remboursement exigé en 𝑡1 devrait donc être égale à la valeur réelle

exigée, multipliée par le nouveau niveau des prix. En termes plus simples, le remboursement

exigé est comme suit :


̃ ) = 𝑃1 𝑎 𝑄1
𝐸(𝑅

Pour boucler ce modèle, il convient de conjuguer le remboursement espéré au remboursement

exigé. En combinant l’équation ci-dessus avec la formule obtenue de l’espérance du

remboursement, nous aurons :


𝑎
𝑝𝑅 𝑀1 = 𝑃1 𝑄1
En déplaçant la probabilité à l’autre côté de l’équation, en multipliant ce côté par 𝑄
𝑄0
0
= 1 et

remplaçant 𝑄1 par sa formule, nous avons :


1 𝑄
𝑀1 = (𝑄0 + Δ𝑄) 𝑃1 𝑎 0
𝑝𝑅 𝑄0

Réarrangée, l’équation devient :


1
𝑀1 = 𝑄 (1 + 𝑟) 𝑃1 𝑎
𝑝𝑅 0

La multiplication du coté droite de l’équation par 𝑃0


𝑃0
= 1, permet d’écrire :

1 𝑃
𝑀1 = 𝑄0 (1 + 𝑟) 𝑃1 𝑎 0
𝑝𝑅 𝑃0
En substituant 𝑀0 à sa formule 𝑄0 𝑃0 , nous aurons :
1 𝑃 𝑎
𝑀1 = 𝑀0 (1 + 𝑟) 1
𝑝𝑅 𝑃0

En ajoutant et en soustrayant la même variable 𝑃0 , l’équation devient :


1 𝑃 + 𝑃1 𝑎 − 𝑃0
𝑀1 = 𝑀0 (1 + 𝑟) 0
𝑝𝑅 𝑃0
Tenant compte de l’équation de l’inflation, nous avons :
1
𝑀1 = 𝑀0 (1 + 𝑟)(1 + 𝑖𝑛𝑓 𝑎 )
𝑝𝑅
Sachant que :
1 1
=1+ −1
𝑝𝑅 𝑝𝑅

23
En supposant 𝜃 comme suit:
1
𝜃= −1
𝑝𝑅
L’équation devient :
𝑀1 = 𝑀0 (1 + 𝑟) (1 + 𝑖𝑛𝑓 𝑎 ) (1 + 𝜃)

En déplaçant 𝑀0 à l’autre côté de l’équation et en ajoutant et soustrayant 𝑀0 , l’équation

devient:
𝑀0 + 𝑀1 − 𝑀0
= (1 + 𝑟)(1 + 𝑖𝑛𝑓 𝑎 ) (1 + 𝜃)
𝑀0
Qui peut être réécrite comme suit :
𝑀 − 𝑀0
1+( 1 ) = (1 + 𝑟) (1 + 𝑖𝑛𝑓 𝑎 ) (1 + 𝜃)
𝑀0
La différence 𝑀1 − 𝑀0 capte l’écart entre le montant prêtée et le montant remboursé, ou

de combien la monnaie a augmenté suite à cet investissement. Il s’agit là des intérêts de cette

créance : 𝑀1 − 𝑀0 .

Quand ces intérêts sont rapportés au montant initialement prêté, il sera exprimé en

pourcentage de l’investissement initial. On obtient dès lors le taux d’intérêt 𝑖 d’un actif

financier représentatif d’un droit de créance dont la maturité est 𝑡1 :


𝑀1 − 𝑀0
𝑖=
𝑀0
Ainsi, l’équation devient :
(1 + 𝑖 ) = (1 + 𝑟) (1 + 𝑖𝑛𝑓 𝑎 ) (1 + 𝜃)
L’équation ci-dessus est une présentation formelle du taux d’intérêt, où le taux réel 𝑟 se

conjugue au taux d’inflation et au terme 𝜃 pour constituer, conjointement, la valeur du taux

d’intérêt nominal.

Si la probabilité de remboursement est égale à 1, le risque de non remboursement est nul et

le créancier est dans la certitude d’être remboursé. Dans ce cas de figure, le terme 𝜃 est nul :
1
𝜃= −1=1−1=0
𝑝𝑅

Avec un 𝜃 nul, le taux d’intérêt devient :


(1 + 𝑖 ) = (1 + 𝑖𝑛𝑓 𝑎 ) (1 + 𝑟)

24
Ainsi, dans un contexte de certitude, un créancier devrait exiger un taux réel, augmenté du

taux d’inflation anticipé :


𝑖 = 𝑟 + 𝑖𝑛𝑓 𝑎
Quand un agent prête de la monnaie, il prête un pouvoir d’achat donné. Quand il récupère

la monnaie, il devrait récupérer le même pouvoir d’achat. Ainsi, la monnaie qu’il récupère

devrait être majorée d’un taux qui tient compte du taux d’inflation. Le taux d’intérêt est donc

une protection contre la dégradation de la valeur réelle de la monnaie. Il permet un échange

inter-temporel de la même valeur réelle de la monnaie, compte tenu des changements des prix.

Dans un environnement incertain, avec une probabilité de remboursement inférieure à

l’unité, le remboursement est seulement possible, probable. Dans ce cas :


1
𝜃= −1>0
𝑝𝑅

Avec un 𝜃 positif, le créancier exige un taux d’intérêt qui devrait être supérieur au taux

d’inflation :
(1 + 𝑖 ) > (1 + 𝑖𝑛𝑓 𝑎 )
Ce faisant, le terme 𝜃 devient un revenu supplémentaire pour le créancier, mis à part la

protection requise contre l’inflation. Ce revenu supplémentaire dépend négativement de la

probabilité de remboursement. Avec 𝜕𝜃


𝜕𝑝𝑅
< 0.

Sachant que 𝑝𝑁𝑅 = 1 − 𝑝𝑅 , le terme 𝜃 devient :


1
𝜃= −1
1 − 𝑝𝑁𝑅
Avec 𝜕𝜃
𝜕𝑝𝑁𝑅
> 0. Ce qui signifie que ce revenu supplémentaire dépend positivement du risque

de non remboursement, autrement dit le risque du défaut de paiement. Plus ce risque est élevé

chez un emprunteur potentiel, plus la rémunération exigée pour conclure un contrat de prêt

est élevée.

Il faut motiver un agent économique pour qu’il puisse se séparer de son actif monétaire et

le confier à autrui. Il faut le convaincre de substituer l’incertitude à la certitude et, pour ce

faire, le dédommager. Il faut l’inviter à placer sa monnaie avec un gain futur plus élevé par

rapport aux placements alternatifs, certes plus sûrs.

25
Il convient d’annuler toute possibilité d’arbitrage qui s’offre à lui. Il faut l’encourager à

courir plus de risque en lui promettant plus de gain.

La terme 𝜃 devient dès lors un bonus, une rémunération additionnelle, un revenu

supplémentaire pour la prise de risque. Le taux d’intérêt est donc une fonction de deux

variables, le taux d’inflation 𝑖𝑛𝑓 𝑎 et une prime de risque 𝜃 qui rémunère la confiance. Ainsi,

le terme 𝜃 est une prime de risque qui constitue la deuxième composante du taux d’intérêt,

mise à côté du taux d’inflation anticipé :


𝑖 = ( 𝑖𝑛𝑓 𝑎 ; 𝜃 )
Le taux d’intérêt devient non seulement une protection contre l’inflation mais également

une rémunération de la confiance.

2.   Structure par terme du taux d’intérêt

L’épargnant, qui dispose d’un actif monétaire et qui souhaite lui substituer un actif financier,

se trouve face à une offre différente de celle de la section précédente. Un emprunteur propose

de lui confier sa monnaie en contrepartie d’un actif financier. Ce dernier serait un actif

financier représentatif d’un droit de créance. Il s’agit du même emprunteur que la section

précédente, avec les mêmes caractéristiques et les mêmes, en l’occurrence le même risque de

défaut. Sauf que, cette fois-ci, il s’agit d’un emprunt dont la date d’échéance est un peu plus

éloignée. L’emprunteur demande à ce qu’on lui prête pour longtemps et la durée de l’actif

financier qu’il désire émettre est un peu plus longue.

Comparé à l’actif financier de la section précédente, celui-ci est un actif de longue durée,

celle-ci étant le temps qui s’écoule entre deux dates, la date d’émission et la date de maturité.

Pour simplifier, nous supposons que le temps, qui est une succession infinie d’instants,

autrement dit une variable quantitative continue, pout être convertie en une variable

quantitative discontinue, ou discrète, moyennant l’utilisation de classes ayant la même

amplitude. L’amplitude de la classe étant la différence entre la borne supérieure et la borne

inférieure de la classe, les bornes dans ce cas étant des dates précises. La somme des amplitudes

est donc le temps.

26
Nous supposons que la date de la conclusion du contrat de prêt est la date 0, dite date

initiale, et la date d’échéance est la date 2. Le temps qui s’écoule entre ces deux dates est un

temps continu qui peut être divisé en deux périodes successives, la première allant de la date

0 à la date 1 et la deuxième allant de la date 1 à la date 2. Nous supposons que la date 1 est

à mi-temps entre les deux dates, initiale et finale.

La première mi-temps, allant de la date 0 à la date 1 est la première durée, ou le premier

terme, noté terme 1, et la deuxième mi-temps, allant de la date 1 à la date 2 est le deuxième

terme, noté terme 2. La durée totale entre la date initiale et la date finale et la somme des

deux termes, notée 2 termes. Le schéma ci-dessous reprend cette succession des termes du

temps.

Ainsi, nous constatons que l’emprunt dont il est question est un emprunt de long terme, 2

termes, relativement à l’emprunt de la section précédente qui est un emprunt de court terme,

1 terme. A la date 0, date d’émission de cet actif financier ayant une maturité à deux termes,

c’est à dire la date 2 comme date d’échéance, l’épargnant souhaitant le détenir devrait prêter

un montant de monnaie 𝑀0 qu’il pourrait récupérer à la date 2, après deux termes. Entre

temps, il détiendra cet actif représentatif d’un droit de créance sur l’emprunteur.

La rémunération de cet actif est un taux d’intérêt de 2 termes, noté 𝑖2𝑡 , qui sera calculé à

chaque période. Le schéma suivant reproduit le processus de rémunération tout au long des

deux termes et capte le cheminement de 𝑀0 vers 𝑀1 .

𝑖"# 𝑖"#
0 1 2

2  termes  
𝑀% 𝑀"

A la fin de la première période, l’investisseur verra son capital s’accroitre des intérêts calculés

sur la base de 𝑖2𝑡 .

A la fin de la deuxième période, l’investisseur aura des intérêts sur le capital et des intérêts

sur les intérêts de la première période. Le montant 𝑀2 s’élève donc à :


𝑀2 = 𝑀0 + 𝑀0 𝑖2𝑡 + 𝑀0 𝑖2𝑡 + 𝑀0 𝑖2𝑡 𝑖2𝑡

27
Afin d’expliciter la nature de chaque rémunération, ce montant peut être réécrit comme

suit :
𝑀0 2 𝑀0 𝑖2𝑡 𝑀0 𝑖2𝑡 𝑖2𝑡
𝑀2 = + +
𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙 𝐼𝑛𝑡é𝑟ê𝑡𝑠 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝑐𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙 𝐼𝑛𝑡é𝑟ê𝑡𝑠 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑖𝑛𝑡é𝑟ê𝑡𝑠
Le capital sera doublement rémunéré, en plus des intérêts qui seront également rémunérés.

Une petite manipulation algébrique permet de réécrire le remboursement de la fin des termes

comme suit :
𝑀2 = 𝑀0 (1 + 𝑖2𝑡 )2
Du point de vue liquidité, l’inconvénient de cet investissement est que le créancier doit se

patienter deux termes pour qu’il puisse toucher le montant 𝑀2 en tant qu’actif monétaire. Il

est astreint à conserver cet actif financier jusqu’à sa maturité pour pouvoir jouir de la liquidité.

Cette dernière renvoie à l’habilité de l’actif à se transformer en actif monétaire. Un actif

financier est forcément moins liquide qu’un actif monétaire, ce dernier étant lui-même la

liquidité. L’inconvénient, donc, de cet investissement financier est qu’il demeure illiquide

jusqu’à sa maturité.

L’actif financier n’est guère un moyen de paiement et sa détention prive de tout acte de

consommation. Il s’agit donc d’un report de consommation au futur incertain. Un sacrifice,

une privation qui, dans ce cas de figure, durera relativement longtemps. Face à cette

proposition, l’investisseur se met à spéculer. Face à ce qui est bel et bien là, l’investisseur

pense à ce qui serait là. Il essaie d’imaginer ce qu’il en serait s’il choisit une voie alternative

à la voie qu’on lui propose, il spécule.

D’abord, et face à la contrainte de liquidité qu’oppose l’investissement proposé, il peut tout

simplement faire un premier investissement d’une durée de 1 terme, au bout duquel il peut

récupérer son capital et les intérêts versés là-dessus. Ces intérêts seront calculés sur la base

du taux d’intérêt de 1 terme, prédéterminé à la date 0, noté 𝑖1𝑡 . Ensuite, à la date 1, il peut,

selon son choix, refaire le même investissement pour une deuxième fois. Dans ce cas, il s’agirait

d’un investissement de 1 terme, allant de la date 1 à la date 2 et dont la rémunération est un


𝑎2
taux d’intérêt de 1 terme anticipé à la date 0 est reçu à la date 2. Ce taux, noté 𝑖1𝑡0 , est

inconnu à présent et ne sera observé qu’au bout de deux termes.

28
A la fin de la première période, il verra son capital augmenter des intérêts calculés sur la

base du taux d’intérêt 𝑖1𝑡 . Le schéma ci-dessous reproduit cet investissement tel qu’il est

anticipé à date 0. L’investisseur anticipe qu’il pourrait récupérer, au bout de 2 termes, un

montant 𝑀2𝑎 .

A la fin du premier terme, il recevrait donc un montant 𝑀1 tel que :


𝑀1 = 𝑀0 + 𝑀0 𝑖1𝑡

Si l’investisseur choisit de refaire le même investissement, il peut le refaire avec la totalité

du montant 𝑀1 . A la fin de la deuxième période, il aurait le capital investi 𝑀1 et des intérêts

sur ce capital. Ainsi, le montant 𝑀2𝑎 anticipé à la fin de la deuxième période s’élèverait à :
𝑎2
𝑀2𝑎 = 𝑀1 + 𝑀1 𝑖1𝑡0

En explicitant les composantes de 𝑀2𝑎 , l’équation devient :


𝑎2 𝑎2
𝑀0 𝑀0 𝑖1𝑡 + 𝑀0 𝑖1𝑡0 𝑀0 𝑖2𝑡 𝑖1𝑡0
𝑀2𝑎 = + +
𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙 𝐼𝑛𝑡é𝑟ê𝑡𝑠 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝑐𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑙 𝐼𝑛𝑡é𝑟ê𝑡𝑠 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑖𝑛𝑡é𝑟ê𝑡𝑠
Le capital serait doublement rémunéré, en plus des intérêts qui seront également rémunérés.

Le remboursement anticipé à l a fin des deux termes peut être réécrit comme suit :
𝑎2
𝑀2𝑎 = 𝑀0 (1 + 𝑖1𝑡 )(1 + 𝑖1𝑡0 )

Ceci dit, face à l’incertitude sur les taux qui vont prévaloir à la deuxième période,

l’investisseur spécule. Toutefois, il peut prévoir, calculer des probabilités à l’aide de l’outil

statistique. Il peut le faire lui-même ou en faisant recours à des spécialistes. Il doit chercher

l’information, imparfaite qu’elle soit, l’interpréter et en déduire des prévisions.

Ces prévisions peuvent être captées par un paramètre simple, l’espérance qui n’est autre
𝑎2
qu’une moyenne des valeurs pondérée par leurs probabilités 𝐸(𝑖1𝑡0 ). Le taux futur anticipé,

par une simple réécriture, devient :


𝑎2 𝑎2 𝑎2 𝑎2
𝑖1𝑡0 = 𝑖1𝑡0 + 𝐸 (𝑖1𝑡0 ) − 𝐸 (𝑖1𝑡0 )

29
En supposant que l’écart, noté 𝑒𝑎, entre le taux futur anticipé et sa valeur probable, le taux

futur anticipé devient :


𝑎2 𝑎2
𝑖1𝑡0 = 𝐸 (𝑖1𝑡0 ) + 𝑒𝑎

Cela veut dire que l’investisseur sait qu’il peut faire des erreurs des anticipations et sait que

le taux futur qu’il anticipe peut différer de ses valeurs probables. Ainsi, l’écart 𝑒𝑎 capte les

erreurs d’anticipations auquel peut induire la spéculation au temps présent. Ceci étant,

l’investisseur est face à un arbitrage entre la proposition d’investissement et la spéculation sur

cet investissement. La décision de faire cet investissement implique donc un cout d’opportunité

qu’il convient de prendre en considération. L’investisseur ne prendra la décision de s’aventurer

dans cet investissement que si la condition de non arbitrage suivante se réalise :


𝑀2 = 𝑀2𝑎
Le gain que procure l’investissement doit être le même que le gain que génèrerait un

investissement alternatif aux mêmes conditions. Autrement dit, cet investissement doit être

au niveau ses attentes et assurer le gain spéculé. En supposant que les intérêts sur les intérêts

tendent vers 0, et en remplaçant le taux futur anticipé par sa formule, une petite manipulation

algébrique permet de réécrire la condition de non arbitrage comme suit :


𝑎2
𝑖1𝑡 + 𝐸 (𝑖1𝑡0 ) 𝑒𝑎
𝑖2𝑡 = +
2 2
Ainsi, le taux d’intérêt de 2 termes est égal à la moyenne des taux de 1 termes en plus d’un

paramètre 𝑒𝑎
2
. Ce dernier capte un surplus, une prime exigée par l’investisseur pour compenser

une éventuelle erreur d’anticipation qui peut se manifester à terme. Ainsi, le taux d’intérêt

de long terme est égal à la moyenne des taux d’intérêt de court terme qui vont prévaloir au

futur, en plus d’une prime de terme.

En somme, les taux d’intérêt doivent être lu à la lumière des deux theories, prises

conjointement, afin de comprendre les facteurs explicatifs de leur mouvement.

30
AXE III :
Les actifs financiers quasi-monétaires

Si c’est facile de déterminer la monnaie au sens strict, il est par contre difficile de délimiter

le périmètre de la monnaie au sens large et de tracer une frontière entre les actifs monétaires

et les actifs financiers. Ceci est dû au développement des marchés financiers et à l’innovation

qui touche l’ensemble des produits d’épargne.

Aujourd’hui, des actifs de mobilisation de l’épargne peuvent être considérés comme des actifs

financiers quasi-monétaires. Il s’agit des actifs financiers facilement transformables en

liquidité, dans un délai relativement court, sans risque de perte en capital et sans prélèvement

sur la liquidité des autres détenteurs de la monnaie. Ces actifs sont exclusivement émis et

gérés par les institutions de dépôt et constitue une quasi-monnaie. A cet effet, il convient de

tracer une frontière entre les actifs financiers quasi-monétaires, ceux qui remplissent les trois

conditions précitées, et les actifs financiers non monétaires.

Monnaie au
sens large

Monnaie au Quasi-
sens strict Monnaie

Actifs
Monnaie Monnaie financiers
fiduciaire scripturale quasi-
monétaires

Figure 4 : Structure de la monnaie au sens large

Comme le montre la figure ci-dessus, la monnaie au sens large est constituée de la monnaie

au sens strict et de la quasi-monnaie. Dans cet axe, il est donc question d’aborder les actifs

financiers quasi-monétaires.

31
1.   Les dépôts sur livret

Le dépôt sur livret, noté 𝐷𝐿, est un dépôt à vue rémunéré, en ce sens qu’il peut faire l’objet,

à tout moment et sans obligation de préavis, de retrait ou de versement. Du fait qu’il peut

être alimenté incessamment par des versements, le dépôt sur livret offre à son détenteur la

possibilité de constituer graduellement et progressivement une épargne. A noter que le dépôt

sur livret n’est pas une monnaie scripturale et ne peut nullement faire l’objet d’instruments

de circulation de la monnaie scripturale.

Les banques commerciales peuvent ouvrir, exclusivement aux personnes physiques, des

dépôts sur carnets libellés en dirhams. A cet effet, une personne physique ne peut avoir plus

d’un dépôt sur livret ouvert sur livret d’une banque commerciale et devrait, au moment de

l’ouverture du compte, attester par écrit qu’elle n’en dispose pas auprès d’une autre banque

commerciale. En outre, le dépôt sur livret doit afficher un solde créditeur inférieur ou égal à

400 000 DH et sa détention ne donne le droit à aucun instrument de circulation de la monnaie

scripturale, en l’occurrence le chèque et la carte de paiement, sauf une carte privative de

retrait. Quant aux autres conditions de fonctionnement du dépôt sur livret, elle sont fixées et

explicitées dans la convention du compte, dont une copie est remise au déposant.

Par ailleurs, un dépôt sur livret peut être crédité par des versements de monnaie fiduciaire

ou par des ordres de virements qui émanent du dépôt à vue, ou par le règlement des intérêts

créditeurs calculés. De même, le dépôt sur livret peut être débité par une opération de retrait

de monnaie fiduciaire ou par un virement vers le dépôt à vue du détenteur. Dans ce sillage, il

convient de souligner que les opérations de versement et de retrait effectués sur un dépôt sur

livret sont comptabilisés par la banque à des dates, dite dates de valeur, qui diffèrent des

dates d’opération. En effet, la date de valeur de toute opération effectuée sur un dépôt sur

livret ne peut être que le premier jour de chaque quinzaine. Sachant que les opérations de

versement effectuées lors d’une quinzaine sont comptabilisées au premier jour de la quinzaine

suivante, alors que les opérations de retrait sont comptabilisées au premier jour de la même

quinzaine.

32
Ceci étant, la gestion optimale du dépôt sur livret suppose la prise en compte des dates de

valeur des flux d’entrées et de sorties des fonds.

S’agissant de la rémunération des dépôts sur livret, elle se fait en fonction d’un taux d’intérêt

annuel, noté 𝑖𝐷𝐿 , qui varie chaque semestre conformément à la réglementation en la matière.

En effet, ce taux est régi par un plancher égal à la moyenne semestrielle des taux d’intérêt

des bons du Trésor à terme de 1 an, émis par l’administration centrale au cours du semestre

qui précède le semestre en question. Cette moyenne semestrielle est minorée d’une prime

estimée à 0,50 points de pourcentage. Ce faisant, les intérêts créditeurs sont calculés par

rapport à la valeur finale du solde du dépôt sur livret et sont capitalisés à la fin de chaque

trimestre. De ce fait, le taux d’intérêt annuel, servant de base au calcul des intérêts, doit être

converti en un taux trimestriel.

Il peut s’agir d’un dépôt sur livret ayant fait l’objet de versement, sans aucun retrait durant

le trimestre, et dont la valeur finale 𝑉𝐹𝐷𝐿 s’élève à :


𝑖𝐷𝐿
𝑉𝐹𝐷𝐿 = 𝑉𝑒𝑟𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 + (𝑉𝑒𝑟𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 × 𝑑𝑢𝑟é𝑒𝑉 )
4
Sachant que la durée relative du dépôt par versement est égale au nombre de quinzaines par

rapport aux six quinzaines du trimestre. Ainsi, nous avons : 𝑑𝑢𝑟é𝑒 = 𝑛𝑞


6
. Avec 𝑛𝑞 le nombre de

quinzaines. Il peut s’agir également d’un dépôt sur livret ayant fait l’objet deux opérations

successives, de versement et de retrait, durant le même trimestre. Dans ce cas, la valeur finale

du solde créditeur du dépôt sur livret s’élève à :


𝑖𝐷𝐿
𝑉𝐹𝐷𝐿 = (𝑉𝑒𝑟𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 − 𝑅𝑒𝑡𝑟𝑎𝑖𝑡) + ((𝑉𝑒𝑟𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 × 𝑑𝑢𝑟é𝑒𝑉 ) − (𝑅𝑒𝑡𝑟𝑎𝑖𝑡 × 𝑑𝑢𝑟é𝑒𝑅 ))
4
Enfin, il peut être question d’un dépôt sur livret qui s’étale sur plusieurs trimestres et dont

les intérêts sont capitalisés chaque fin de trimestre et sont calculés sur la base d’un taux qui

varie chaque semestre, selon la durée effective du dépôt, exprimée en quinzaines.

Exemple : Le premier versement de 1000DH au compte sur livret est effectué le 7 Juillet 2019.

Le déposant procède au retrait de 300DH le 20 Septembre, puis au versement de 300DH le 14

Novembre. Sachant que la rémunération se fait au taux d’intérêt actuellement en vigueur

(1,84%), la valeur finale du DL au 31 Décembre 2019 s’élève à 1007,52 DH.

33
2.   Les dépôts à terme

Le dépôt à terme, noté 𝐷𝐴𝑇 , est un engagement à bloquer, auprès d’une banque ou auprès

du Trésor public, un montant déterminé de monnaie, pour un terme prédéterminé et à ne

demander son déblocage qu’à sa maturité. L’ouverture d’un compte à terme doit faire l’objet

d’une convention écrite, conclue entre l’établissement dépositaire et le déposant. Cette

convention doit comporter les clauses minimales du contrat de dépôt à terme,6 et préciser le

montant du dépôt à terme, sa durée en nombre de mois, la date de la remise et la date de

clôture et le taux d’intérêt créditeur y afférent. Sachant que la durée effective du blocage ne

doit en aucun cas être inférieure à un mois et que chaque opération de dépôt à terme doit

faire l’objet d’un compte distinct. En outre, chaque compte à terme, ouvert sur les livrets

d’une banque au nom de son client, est associé à un numéro et son ouverture est subordonnée

à la détention d’un dépôt à vue ouvert sur les livrets de la même banque. Ce dépôt à vue

assure le relai du blocage et du déblocage du dépôt à terme.

Quant à sa rémunération, le dépôt à terme est rémunéré selon un taux d’intérêt créditeur,

noté 𝑖𝐷𝐴𝑇 , librement établi par les banques commerciales. Sachant que le taux créditeur des

𝐷𝐴𝑇 à 12 mois est supérieur au taux créditeur des 𝐷𝐴𝑇 à 6 mois, conformément à la structure

par terme du taux d’intérêt. Les intérêts ainsi calculés sont servis aux déposants au terme du

blocage, et sont payables annuellement lorsque le terme est supérieure à un an.

A noter qu’aucun retrait de fonds d’un compte à terme ne peut être autorisé avant

l’échéance. Toutefois, le déposant qui éprouve un besoin de liquidité et dont les fonds sont

bloqués à terme, peut demander à sa banque de mettre à sa disposition un montant qui ne

devrait pas dépasser le montant bloqué. Ce faisant, il peut bénéficier d’une avance en compte

garantie par les fonds déposés à terme, et ce avant la date de maturité.

6
Conformément à la circulaire de Bank Al-Maghrib, fixant les conditions d’ouverture, de fonctionnement et
de clôture d’un compte à terme par les banques.

34
Les avances sur dépôts à terme, notées 𝐿𝐴𝐷 , impliquent des intérêts débiteurs calculés sur

la base d’un taux débiteur, noté 𝑖𝐿𝐴𝐷 , qui est égal au taux créditeur appliqué au dépôt à terme

en question, majoré de deux points de pourcentage :


𝑖𝐿𝐴𝐷 = 𝑖𝐷𝐴𝑇 + 2%

Le remboursement de ce prêt peut se faire avant l’échéance du dépôt à terme, par débit du

dépôt à vue du dépositaire, ou par soustraction du montant de l’avance et des intérêts y

afférents du montant final du dépôt à terme. Dans les deux scénarios, aucune opération de

débit n’est enregistrée sur le compte à terme faisant l’objet de l’avance, car toute avance est

comptabilisée dans un compte distinct. De ce fait, la valeur finale d’un dépôt à terme, ayant

fait l’objet d’une avance sur dépôt est comme suit :


𝑉𝐹𝐷𝐴𝑇 = 𝐷𝐴𝑇 (1 + 𝑖𝐷𝐴𝑇 𝑑𝐷𝐴𝑇 ) − 𝐿𝐴𝐷 (1 + 𝑖𝐿𝐴𝐷 𝑑𝐿 )

Avec 𝑑𝐷𝐴𝑇 , la durée relative du dépôt à terme, en nombre de jours, et 𝑑𝐿 , la durée relative

l’avance sur dépôt, en nombre de jours. En exprimant les durées relatives en nombres de jours

par rapport au total des jours de l’année, et en remplaçant le taux débiteur par sa formule :
𝑛𝑗 𝑛𝑗
𝑉𝐹𝐷𝐴𝑇 = 𝐷𝐴𝑇 (1 + 𝑖𝐷𝐴𝑇 ) − 𝐿𝐷𝐴𝑇 (1 + (𝑖𝐷𝐴𝑇 + 0,02) )
365 365
Le dépôt à terme est donc un actif financier représentatif d’un droit de créance sur la

banque dépositaire. Toutefois, il s’agit d’un droit de créance que l’on peut transformer en

liquidité à tout moment via des avances sur dépôt. Ainsi, le dépôt à terme est convertible en

monnaie scripturale, sans délai et sans perte conséquente en capital.

Exemple : Un DAT de 6 mois, constitué le 1 Juillet 2019 par virement de 1000DH, a fait l’objet le 14

Novembre d’une avance qui s’élève à 900DH. Sachant que les intérêts sont calculés selon le taux en

vigueur à la date initiale du DAT (2,87%), la valeur finale au 31 Décembre 2019 s’élève à 108,81 DH.

La valeur nominale du dépôt à terme demeure inchangée, en dépit d’une perte relativement

faible en intérêts. Sa transformation en monnaie se fait auprès la banque dépositaire qui crédite

le dépôt à vue du détenteur de compte. De ce fait, le jeu d’écriture via lequel s’exécute cette

opération de crédit, n’implique aucun flux monétaire avec un autre agent économique privé

non financier. Le dépôt à terme est donc un actif financier quasi-monétaire.

35
3.   Les bons de caisse

Le bon de caisse, noté 𝐵𝐶, est un papier représentatif d’un droit de créance sur la banque

émettrice, auquel peut souscrire toute personne désirant faire un investissement financier de

son épargne. Il s’agit donc d’un dépôt à terme, matérialisé par un bon obligatoirement détaché

d’un carnet à souches. Le bon de caisse et la souche du carnet dont il est détaché doivent

contenir les informations suivantes :

-   Le numéro du bon de caisse et le nom ou la dénomination du détenteur ;

-   Le numéro de CIN ou d’immatriculation au Registre de Commerce du détenteur ;

-   Le montant, le taux d’intérêt et les modalités de règlement des intérêts ;

-   La date de souscription ;

-   La date d’échéance.

Le bon de caisse peut servir en tant que moyen de règlement inter-entreprises, comme il

peut servir de moyen de gestion de trésorerie pour les grandes entreprises réalisant

occasionnellement des excédents. Émis qu’en dirhams et nominatif, le bon de caisse est d’une

durée supérieure ou égale à un mois, avec un montant unitaire fixé au préalable.

La rémunération des bons de caisse est libre et les intérêts servis sur les bons dont la durée

est supérieure à un an sont payables annuellement.

Alors que le remboursement anticipé des bons de caisse n’est pas autorisé, les détenteurs

peuvent bénéficier d’avances en compte garanties par ces bons. Ces avances supportent des

intérêts débiteurs décomptés sur la base du taux d’intérêt créditeur appliqué au bon

correspondant, majoré de deux points de pourcentage. L’escompte et le rachat des bons de

caisse sont également autorisés dans les mêmes conditions de taux.

Les bons de caisse son rémunérés au même taux créditeur que les 𝐷𝐴𝑇 , lequel taux varie

en fonction de la maturité. Conformément à la structure par terme du taux d’intérêt, le taux

créditeur des 𝐵𝐶 à moyen terme est plus élevé que le taux créditeur des 𝐵𝐶 à court terme.

36
4.   Les certificats de dépôt à durée résiduelle ≤ 𝟐 𝒂𝒏𝒔

Un certificat de dépôt, noté 𝐶𝐷, est un actif financier émis par une banque commerciale,

générateur d’intérêts et représentatif d’un droit de créance sur son émetteur. Il s’agit d’un

titre de créance émis sur le marché primaire et négociable sur le marché secondaire. Ainsi, il

est émis à une valeur nominale unitaire de 100000 DH, et peut être revendu à une valeur de

marché négociée sur le marché secondaire. La maturité d’un certificat de dépôt est

prédéterminée et son terme varie entre 10 jours et 7 ans.

Les certificats de dépôt sont anonymes, stipulés au porteur, et inscrits en compte tenu par

les banques. Dans ce sillage, la cession et la transmission des certificat de dépôt se font par

virement, en débitant le compte de l’ancien détenteur et en créditant le compte du nouveau

détenteur. Ces comptes doivent comporter tous les éléments d’identification de son titulaire.

Toutes les opérations effectuées sur ordre du titulaire du compte doivent être enregistrées

selon leur ordre chronologique et doivent lieu à un avis adressé au dit titulaire. Un relevé

retraçant toutes ces opérations est adressé par les banques aux détenteurs du compte de titres.

A noter que Bank Al-Maghrib et les banques commerciales sont les seules à pouvoir tenir des

comptes de certificats de dépôt.

Les intérêts calculés sur les certificats de dépôt sont payables annuellement, à la date

anniversaire du titre et à l’échéance pour une durée résiduelle inférieure à un an. La révision

du taux de rémunération se fait à la date anniversaire de l’émission et s’effectue en application

de dispositions librement convenues entre les parties.

Ceci dit, les certificat de dépôt, étant émis sur le marché primaire et négociables sur le

marché secondaire, font partie des titres de créances négociables, notés TCN. La valeur de

marché d’un certificat de dépôt est déterminée en fonction du taux d’actualisation servant de

base au calcul sur le marché secondaire. Ce taux d’actualisation dépend du taux de rendement

exigé, tenant compte du cout d’opportunité auquel se heurte l’acheteur potentiel du certificat

de dépôt. En effet, l’acheteur potentiel du titre fait face à un arbitrage entre le marché primaire

et le marché secondaire et son comportement est régi par la condition de non arbitrage.

37
Celle-ci suppose une égalité entre les rendements offerts par toutes les opportunités qui se

présentent à l’acheteur, quelle que soit sa décision. Pour ce faire, l’investisseur tient compte,

dans toute opération d’investissement financier, des taux de rendements offerts par les choix

d’investissement alternatifs.

Ceci dit, la valeur de marché d’un certificat de dépôt dépend du taux de rendement exigé

tout au long de sa durée résiduelle. Il s’agit de calculer la valeur actualisée de la valeur finale

du certificat de dépôt, en se référant aux taux de rendement souhaité par les investisseurs.7

De ce fait, la valeur de marché d’un certificat de dépôt fluctue en fonction du taux d’intérêt

actuellement observé sur le marché. Il peut s’agir, en l’occurrence, du taux d’intérêt

actuellement observé sur le marché primaire. Une baisse de ce taux induit une hausse de la

valeur de marché de cet actif financier, alors qu’une hausse du taux d’intérêt se traduite par

une baisse de sa valeur de marché.

Ainsi, la valeur de marché d’un CD, notée 𝑉𝑀𝐶𝐷 , est calculée à partir de sa valeur finale,

notée 𝑉𝐹𝐶𝐷 , actualisée au taux de rendement exigé, noté 𝑟, pour la durée résiduelle du

certificat, notée 𝑑𝑟é𝑠𝑖𝑑 . Nous avons donc :


𝑉𝐹𝐶𝐷
𝑉𝑀𝐶𝐷 =
1 + 𝑟 𝑑𝑟é𝑠𝑖𝑑
Sachant que la valeur finale du certificat de dépôt est comme suit :
𝑉𝐹𝐶𝐷 = 𝑉𝑁𝐶𝐷 (1 + 𝑖𝐶𝐷 )

Avec 𝑉𝑁𝐶𝐷 la valeur nominale du certificat et 𝑖𝐶𝐷 le taux d’intérêt auquel il a été émis. A

noter que la durée résiduelle du CD se traduit par le nombre de jours entre la date de

négociation et la date de maturité, par rapport au total des jours de l’année.

Exemple : Un certificat de dépôt émis le premier janvier 2019, à terme de 1 an et au taux

d’intérêt de 3%, est négociable le 31 Octobre 2019 à une valeur de marché qui s’élève à

102146,44 DH, sachant que le taux de rendement exigé est 5%.

7
Le calcul de la valeur de marché du certificat de dépôt a fait l’objet d’une démonstration illustrée, chiffres
à l’appui, en supposant un arbitrage entre le marché primaire et le marché secondaire.

38
5.   Les valeurs données en pensions

La pension est le montant reçu en contrepartie d’actifs financiers vendus à une date donnée,

avec engagement de rachat à une date ultérieure, souvent un jour ou quelques jours après,

sachant que les actifs sont vendus à un prix unitaire donné et que leur rachat se ferait à un

prix différent. Ce faisant, la mise en pension désigne la vente d’actifs financiers et la réception

de la contrepartie en actifs monétaires, alors la prise en pension renvoie à la même opération,

mais du point de vue de l’acquéreur des actifs financiers.

Ceci dit, une opération de mise en pension est effectuée de gré à gré entre les deux parties

prenantes. S’agissant de la gamme d’actifs financiers qui peut faire l’objet de mise en pension,

elle englobe exclusivement les titres de créance négociables, en l’occurrence les certificats de

dépôt.

Bien que l’acquéreur du titre en est le détenteur au sens juridique, tout au long du terme de

la mise en pension, le vendeur demeure le détenteur au sens économique car il continue

d’assumer le risque de défaut. Il s’agit donc, pour le cessionnaire/acheteur du titre, d’une

détention temporaire avec engagement de rétrocession. Dans ce sillage, les mises en pension

répondent souvent à un besoin de liquidité ressenti par le cédant des titres, et servent donc à

emprunter des fonds à très court terme ou à combler une position courte.

Par ailleurs, les titres de créances négociables mis en pension sont valorisés en actualisant

l’ensemble des montants à percevoir sur la durée résiduelle desdits titres. Pour ce faire, le taux

d’actualisation n’est autre que le taux de rendement exigée pour la durée résiduelle du titre.

Dans le cas d’un certificat de dépôt, sa valeur de marché à la date de la mise en pension est

comme suit :
𝑉𝐹𝐶𝐷
𝑉𝑀𝐶𝐷 =
1 + 𝑟 𝑑𝑟é𝑠𝑖𝑑
Sachant que 𝑑𝑟é𝑠𝑖𝑑 = 365
𝑛𝑗
. Avec 𝑛𝑗 le nombre de jours entre la date de mis en pension et la

date de maturité du titre. Cette valeur de marché servira de prix de vente, noté 𝑃𝑉𝑒𝑛𝑡𝑒 , lors

de la mise en pension.

39
Ainsi, le prix de rachat, noté 𝑃𝑅𝑎𝑐ℎ𝑎𝑡 , à terme de la mise en pension est calculé comme suit :
𝑃𝑅𝑎𝑐ℎ𝑎𝑡 = 𝑃𝑉𝑒𝑛𝑡𝑒 (1 + 𝑅𝑒𝑝𝑜 𝑑𝑝𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛 )

Sachant que le 𝑅𝑒𝑝𝑜 8


est le taux d’intérêt servant de taux de référence aux opérations de

mise en pensions. Le 𝑅𝑒𝑝𝑜 tend à augmenter en fonction du terme de la mise en pension,

conformément à la théorie de la structure part terme du taux d’intérêt. A noter que les valeurs

du Repo sont observés et mis à jour régulièrement, voire quotidiennement, sur le marché

monétaire.

En outre, le terme de la mise en pension, noté 𝑑𝑝𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛 , est la durée en nombre de jours,

notée 𝑝𝑗, entre la date de la mise en pension et la date de rachat, exprimée par rapport au

total des jours de l’année.


𝑝𝑗
𝑃𝑅𝑎𝑐ℎ𝑎𝑡 = 𝑉𝑀𝐶𝐷 (1 + 𝑅𝑒𝑝𝑜 )
365
Exemple : Une mise en pension de 7 jours est effectuée le 31 Octobre 2019 sur un certificat de

dépôt à terme de 1 an, émis le premier Janvier 2019 au taux d’intérêt nominal de 3%. Le taux

de rendement exigé à la date de la mise en pension est 5% et le taux Repo affichée à la même

date est 2,31%. Dans ces conditions, le prix de vente du certificat de dépôt est égale à sa

valeur de marché et le prix de rachat du titre au terme de sa mise en pension s’élève à

102191,69 DH.

Du point de vue du vendeur des titres, les mises en pension sont considérées comme des

crédits garantis par les actifs mis en pension. Du côté de l’acquéreur, ils constituent des titres

de créances détenus temporairement avec un engagement de rétrocession, donc convertibles

en monnaie dans un délai très court et sans perte conséquente en capital.

Ceci étant, les valeurs données en pensions sont inclues dans la définition de la monnaie au

sens large.

8
Repo est le diminutif de « Repurchase Agreement », traduction en anglais de mise en pension.

40
6.   Les titres des OPCVM monétaires

Les organismes de placement collectif des valeurs mobilières, ci-après CDVM, sont des

institutions financières qui regroupent l’épargne collectée auprès de plusieurs agents

économiques et la mette en commun afin de procéder à des opérations d’investissement

financier à grande échelle. Ainsi, les OPCVM placent les montants collectés dans des

portefeuilles d’actifs financiers, allant des actions aux obligations, passant par les titres de

créance négociables, en l’occurrence les certificats de dépôt. Ce faisant, les OPCVM émettent

des titres qui sont détenus par les agents qui ont confié leurs fonds. Ces titres sont considérés

comme des fractions du capital de ces organismes. Cette façon de faire permet la diversification

du portefeuille d’actifs financiers détenus, certes indirectement, par l’épargnant et permet, par

voie de conséquence, d’atténuer les pertes en cas de choc subi par un établissement émetteur

ou en cas de crise touchant le marché d’un titre donné. Cette diversification de portefeuille ne

saurait être réalisée sans le recours aux OPCVM.

Les titres émis par les OPCVM qui investissent en actions ou en obligations, affichent des

valeurs de marché volatiles et leur revente nécessite un délai important et engendre forcément

des pertes en capital, liées essentiellement à des coûts de transaction. C’est ainsi qu’ils sont

exclus du périmètre de la monnaie au sens large. Toutefois, les titres représentatifs de parts

dans le capital des OPCVM qui acquièrent des titres de créance négociables, dits OPCM

monétaires, font partie des actifs financiers quasi-monétaires car ils sont adossés

principalement, voire exclusivement, à des actifs de court terme comme les certificats de dépôt.

En effet, les OPCVM monétaires achètent des actifs financiers quasi-monétaires émis par les

banques commerciales et qui font partie de la quasi-monnaie. Ceci, en contrepartie de

l’émission de titres qui sont convertibles à tout moment et sans perte en capital.

De ce fait, les titres des OPCVM monétaires sont liquides et leur transformation en monnaie

se fait dans un délai relativement court et sans perte conséquente en capital. Ils sont donc

aisément transférables et, par voie de conséquence, assimilables à des dépôts.

41
7.   Les dépôts en devises

Les banques peuvent ouvrir des comptes à vue ou à terme soit en dirhams, soit en monnaie

nationale, et ce conformément à la réglementation de change au Maroc. Ces dépôts, libellés

en monnaie étrangère, sont moins liquides que les dépôts en monnaie nationale, car leur contre-

valeur en monnaie nationale peut varier selon les fluctuations du taux de change. Ce dernier,

lorsqu’il est exprimé à l’incertain, désigne la valeur en monnaie nationale d’une unité de

monnaie étrangère. Toutefois, les dépôts en monnaie étrangère sont généralement inclus dans

les actifs financiers quasi-monétaires et font partie de la monnaie au sens large. Font exception

à cette règle, les dépôts en devises dont le retrait est interdit pendant des périodes prolongées.

Ainsi, les banques sont autorisées donc à effectuer des opérations d’achat et de vente devise

contre devise en billets de banque étrangers avec les titulaires de comptes en devises. Les

versements et retraits effectués en devises donnent lieu au crédit et au débit du compte sur la

base de la valeur faciale des billets de banque étrangers.

A noter que les banques sont autorisées, à cet égard, à ouvrir des comptes en devises sur la

base de tout document justifiant la qualité des bénéficiaires. Il peut s’agir des personnes

physiques, ayant bénéficié d’une dotation de voyage et qui peuvent avoir des comptes en

devises dont le solde créditeur est limité au montant de la dite dotation. Cette dernière

concerne les voyages effectués en dehors du territoire national à des fins touristiques ou

religieuses, ainsi que les voyages d’affaires effectués à l’étranger.

Les banques sont également autorisées à ouvrir des comptes en devises au nom des sociétés

d’assurances et de réassurance, dédiés aux opérations d’investissement à l’étranger ou au

règlements des contrats en devises. Elles sont aussi autorisées à ouvrir des comptes en devises

au nom des négociants et des exportateurs de biens et de services, en vue d’assurer la gestion

de leurs opérations à l’international.

En somme, ces dépôts en monnaie étrangère peuvent directement servir de moyen de

paiement et relèvent donc de la catégorie des dépôts transférables. Ceci étant, ils font partie

du périmètre de la quasi-monnaie.

42
AXE IV :
Les agrégats monétaires

Les agrégats monétaires sont des indicateurs statistiques qui reflétent la capacité de dépense

des agents économiques détenteurs de la monnaie. Ces agrégats peuvent être classés selon le

critère de la mature du détenteur de l’actif, ou selon le critère de la liquidité, sachant que c’est

ce dernier qui est adopté dans les publication officielles des banques centrales. Ainsi, les

autorités monétaires distinguent deux familles d’agrégats, les agrégats monétaires et les

agrégats de placement liquide.

Ceci étant, les agrégats de monnaie recensent les actifs monétaires ainsi que les actifs

financiers rapidement et facilement transformables en liquidité sans risque de perte en capital.

Autrement dit, ils recensent les actifs monétaires et les actifs financiers quasi-monétaires. Ils

sont présentés sous forme d’agrégats désignés par la lettre M et assortie de chiffres allant de

1 à 3, selon un ordre de liquidité décroissant. Les liens qu’entretiennent les agrégats monétaire

peuvent être illustrés par la figure ci-dessous.

M1

M2

M3

Figure 5 : Agrégats de la monnaie

Ceci dit, nous distinguons entre trois principaux agrégats, M1, M2 et M3. Nous verrons dans

ce qui suit les composantes l’évolution de chacun de ces trois agrégats au Maroc.

43
1.   L’agrégat M1 : La monnaie au sens strict

L’agrégat M1 recense la monnaie au sens étroit, c’est-à-dire les actifs monétaires. Ceci dit,

l’agrégat M1 égale à la somme de la circulation fiduciaire et la monnaie scripturale, en

l’occurrence les DAV chez les banques, la banque centrale et le Trésor. De ce fait, l’agrégat

M1 peut être représenté par l’équation suivante, sachant que 𝐴𝑀 = 𝑀𝐹 + 𝐷𝐴𝑉 .


𝑀1 = 𝑀𝐹 + 𝐷𝐴𝑉
Le graphique ci-dessous montre l’évolution de l’agrégat M1 au Maroc.
1#000#000

900#000

800#000

700#000
Encours en MDH

600#000

500#000

400#000

300#000

200#000

100#000

0
01

02

03

04

05

06

07

08

09

10

11

12

13

14

15

16

17

18
c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

c.0

Monnaie scripturale Circulation fiduciaire

Figure 6: Évolution de l'agrégat M1 au Maroc | Data : Bank Al-Maghrib

Le graphique ci-dessus montre clairement une tendance haussière des DAV détenus par les

marocains tout au long des deux dernières décennies. L’augmentation du taux de bancarisation

et l’ancrage de l’infrastructure financière, ainsi que le changement des modes de paiements,

sont autant d’éléments qui expliquent cet engouement pour la monnaie scripturale dans le

quotidien économique des marocains.

44
2.   L’agrégat M2 : Les actifs monétaires et les comptes d’épargne

L’agrégat M2 est composé de l’agrégat M1, auquel s’ajoute l’ensemble des actifs financiers

les plus liquides, qui sont non transférables et qui génèrent des intérêts. Il s’agit principalement

des comptes d’épargne ouverts auprès des banques, en l’occurrence les dépôts sur livret.

En termes de liquidité, le 𝐷𝐴𝑉 et le 𝐷𝐿, étant les plus liquides, doivent être distingués

des autres actifs financiers quasi-monétaires moins liquides. D’ailleurs, les 𝐷𝐴𝑉 détenus par

les agents non financiers privés constituent la monnaie scripturale qui, mise à côté de la

monnaie fiduciaire, forme l’agrégat 𝑀1. A noter que les dépôts sur livret sont plus liquides

que le 𝐷𝐴𝑇 est moins liquide que le 𝐷𝐴𝑉 . De ce fait, leur rémunération est généralement

inférieure à celle du 𝐷𝐴𝑇 . Ainsi, en ajoutant les 𝐷𝐿 à l’agrégat M1, on obtient l’agrégat 𝑀2

qui demeure, toutefois, moins liquide que 𝑀1. Ainsi, l’agrégat M2 se traduit par l’égalité

suivante :
𝑀2 = 𝑀1 + 𝐷𝐿
En remplaçant M1 par sa formule, nous obtenons l’équation suivante :
𝑀2 = 𝑀𝐹 + 𝐷𝐴𝑉 + 𝐷𝐿
L’agrégat M1 est donc aussi liquide que l’agrégat M1, sauf qu’il englobe un actif financier

quasi-monétaire, certes liquide.


800#000

700#000

600#000

500#000
Encours en MDH

400#000

300#000

200#000

100#000

0
déc.-01 déc.-02 déc.-03 déc.-04 déc.-05 déc.-06 déc.-07 déc.-08 déc.-09 déc.-10 déc.-11 déc.-12 déc.-13 déc.-14 déc.-15 déc.-16 déc.-17 déc.-18

M1 Placements à vue

Figure 7: Évolution de l'agrégat M2 au Maroc | Data : Bank Al-Maghrib

45
3.   L’agrégat M3 : La monnaie au sens large

Pour mesurer la monnaie, définie au sens large, qui s’échange dans une économie à un instant

donné, tous les actifs monétaires et quasi monétaires sont agrégés dans un seul indicateur

statistique. L’agrégat obtenu, noté par la lettre M suivie du chiffre 3, capte donc le pouvoir

d’achat explicite et implicite des détenteurs de la monnaie. Il englobe, en plus de l’agrégat

M2, tous les actifs financiers qui répondent aux critères de définition de la quasi-monnaie. Il

englobe donc la monnaie au sens strict, captée par l’agrégat M1, en plus de la quasi-monnaie,

notée 𝑄𝑀. Nous avons donc :


𝑀3 = 𝑀1 + 𝑄𝑀
Sachant que la quasi-monnaie n’est autre que les actifs financiers quasi-monétaires :
𝑄𝑀 = 𝐴𝐹𝑄𝑀
L’agrégat M3 est considéré comme l’agrégat le moins liquide car il comporte des éléments

qui sont transférables, certes, mais qui le sont moins par rapport à la monnaie fiduciaire et la

monnaie scripturale. Ainsi, M3 peut être représenté par la somme des actifs monétaires et des

actifs financiers quasi-monétaires :


𝑀3 = 𝐴𝑀 + 𝐴𝐹𝑄𝑀
En explicitant cette équation, M3 devient :

𝑀3 = 𝑀𝐹 + 𝐷𝐴𝑉 + 𝐷𝐿 + 𝐷𝐴𝑇 + 𝐵𝐶 + 𝐶𝐷 + 𝐷𝑂 + 𝐸 𝑂𝑃𝐶/𝑀 + 𝑉 𝑃 + 𝐴𝑢𝑡𝑟𝑒𝑠9


Qui peut être réécrite :
𝑀3 = 𝑀2 + 𝐷𝐴𝑇 + 𝐵𝐶 + 𝐶𝐷 + 𝐷𝑂 + 𝐸 𝑂𝑃𝐶/𝑀 + 𝑉 𝑃 + 𝐴𝑢𝑡𝑟𝑒𝑠
De ce fait, la quasi-monnaie n’est autre que la différence entre les deux agrégats M3 et M1:
𝑄𝑀 = 𝑀3 − 𝑀1
L’agrégat M3 représente donc la masse monétaire Il s’agit d’une variable de stock mesurée

mensuellement et publiée par la banque centrale qui en assure le suivi.

9
Emprunts contractés par les banques auprès des sociétés financières.

46
1 600 000

Autres dépôts

1 400 000

Certificats de
dépôts
1 200 000

1 000 000
Valeurs données en
pension
Encours en MDH

800 000
Dépôts en devises

600 000

Titres OPCVM
monétaires
400 000

Comptes à terme et
200 000 bons de caisse

0 M2
01

02

03

04

05

06

07

08

09

10

11

12

13

14

15

16

17

18
c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%

c.%


Figure 8 : Évolution de l'agrégat M3 au Maroc | Data : Bank Al-Maghrib

Il n’en demeure pas moins que M3 est dominé par M1 et que ce dernier est dominé par la

monnaie scripturale. Ceci dit, la forme la plus prisée de la masse monétaire au Maroc est, de

loin, la monnaie scripturale. Le taux de croissance de M3 est un indicateur de la création

monétaire. Pour obtenir le taux de croissance de la masse monétaire, l’agrégat M3 compilé à

la fin du mois d’une année donnée, est comparé avec sa valeur affichée au même mois de

l’année précédente, c’est ce qui est connu sous le nom du taux de croissance en glissement

annuel.

47
Références Bibliographiques

Agénor, P-R. et Peter J. M. (2008). Development Macroeconomics. Princeton University

Press.

Aglietta, M., et A. Orléan (2002). La Monnaie : Entre Violence Et Confiance. Sciences

Humaines. Odile Jacob.

Aglietta, M., P. O. Ahmed, et J. F. Ponsot (2016). La Monnaie Entre Dettes Et Souveraineté.

Odile Jacob.

Bank Al-Maghrib : Recueil des textes législatifs et réglementaires régissant l’activité des

établissements de crédit et organismes assimilés.


Bank Al-Maghrib (2016). Circulaire N° 15/W/16 fixant les conventions types précisant les

clauses minimales du compte à vue, à terme et de compte titres. Gouverneur de Bank Al-

Maghrib, le 18 Juillet 2018.

Bank Al-Maghrib (2018). Rapport annuel sur les infrastructures des marches financiers et les

moyens de paiement, leur surveillance et les initiatives d’inclusion financière.


Bank Al-Maghrib (2019). Méthodologie d’élaboration des statistiques monétaires.

Bank Al-Maghrib (2019). Séries statistiques monétaires.

Chaîneau, A. (1971). Monnaie Et Équilibre Économique. Collection U. Série Sciences

Économiques Et Gestion. A. Colin.

Chaîneau, A. (1981). Mécanismes Et Politique Monétaires: Économie Du Système Bancaire

Français. Presses universitaires de France.


Fonds monétaire international (2000). Manuel de Statistiques Monétaires et Financières.

Hachimi Alaoui. H. (2019). Économie monétaire et financière : Taux d’intérêt, marché

financier et politique monétaire. Université Ibn Zohr, Agadir, Maroc. ⟨cel-02123103⟩  


https://cel.archives-ouvertes.fr/cel-02123103

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