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Dans ce cours nous commencerons l’analyse de la partie monétaire du modèle IS-LM.

Nous savons que l’équilibre sur le marché des biens correspond à une relation entre Pib et taux d’intérêt (la relation IS).

Il est donc fondamental maintenant d’étudier les déterminants du taux d’intérêt : pour ce faire, nous allons étudier le
fonctionnement du marché monétaire.

Il faut tout d’abord souligner que l’usage des termes « marché », « offre », « demande » est symbolique : personne ne vend de la
monnaie, personne ne l’achète.

Pour comprendre ce que signifient ces termes, il faut d’abord définir ce qu’est la monnaie.

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On appelle monnaie l’ensemble des moyens de paiement liquides.

Un moyen de paiement est liquide quand il peut être utilisé immédiatement et sans coûts pour régler une transaction (=pour régler l’achat
d’un bien).

Dans la réalité, il existe de degrés de liquidité différents. Par exemple, les billets et les pièces en euros sont acceptés comme moyen de
paiement pratiquement par tout le monde : ils sont donc très liquides. On peut utiliser aussi comme moyen de paiement de l’argent crédité
sur un compte de chèques, à condition de posséder un carnet de chèques ou une carte de crédit. Cependant, certains vendeurs refusent
d’être payés avec ces moyens de paiement : les sommes créditées sur un compte de chèques sont donc moins liquides que les billets et les
pièces. La liquidité de l’argent crédité sur un compte d’épargne est encore moindre : pour l’utiliser comme moyen de paiement, il faut
d’abord le transférer sur un compte de chèque, ce qui demande du temps. Les actifs financiers, des obligations par exemple, sont encore
moins liquides : ils peuvent être utilisés pour régler certaines transactions de grande importance, mais ils sont en général refusés comme
moyen de paiement pour des transactions plus ordinaires. Ainsi, je ne pourrais pas régler mes courses au supermarché avec des
obligations : il faudra d’abord que je les vende, que je crédite la somme encaissée sur mon compte de chèques (donc dans une forme plus
liquide), ce qui me permettra ensuite de payer mes courses.

On voit donc que des mesures différentes de la monnaie (c’est-à-dire de l’ensemble des moyens de paiement liquides) sont possibles. La
monnaie au sens le plus strict, c’est-à-dire les pièces et les billets, est créée directement par la banque centrale : dans la zone euro, par la
Banque centrale européenne. C’est la banque centrale, et elle seule, qui imprime pièces et billets. Mais les banques privées peuvent créer
ce qu’on appelle la monnaie scripturale. Par exemple : je demande à ma banque de m’accorder un découvert de 500 euros. Si elle répond
positivement, je pourrai utiliser mon carnet de chèques pour effectuer des achats : au moment où elle a autorisé mon découvert, ma
banque a donc créé des moyens de paiement, donc de la monnaie, sans recourir ni à des pièces ni à des billets. Plus en général, il ne faut
pas imaginer que les banques possèdent l’équivalent en pièces et billets des sommes créditées sur les comptes de chèques et d’épargne :
ce seulement par des écritures comptables (comptes crédités, comptes débités), donc par de la monnaie scripturale, que se font un très
grand nombre de transactions.
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Nous allons faire une hypothèse qui simplifie beaucoup les choses par rapport à la réalité: nous supposerons que les seuls moyens de
paiement liquides qui existent sont les pièces et les billets.
Cette hypothèse nous éloigne de la réalité, mais permet de simplifier l’analyse. Nous oublierons donc les autres formes de monnaie, et
notamment la monnaie scripturale. N’importe quel achat, dans notre hypothèse, doit être réglé en liquide.
Cette hypothèse a deux conséquences :
1/ Les différents degrés de liquidité dont j’ai parlé disparaissent : soit la richesse est détenue dans une forme totalement liquide (des
pièces et des billets), soit dans une forme non liquide. (Oublions donc les comptes de chèques, et les cartes bancaires et carnets de
chèques qui vont avec).
2/ Si les seuls moyens de paiement qui existent sont les pièces et les billets, alors la création monétaire est totalement contrôlée par la
Banque centrale, qui est la seule à pouvoir les imprimer.

Nous pouvons maintenant définir l’offre de monnaie.


On appelle offre de monnaie la quantité de monnaie qui existe. Puisque nous avons supposé que la seule monnaie qui existe ce sont les
pièces et les billets qui circulent, qui sont imprimés par la Banque centrale, alors l’offre de monnaie est une variable exogène : dans le
modèle que nous étudions (le modèle IS/LM), c’est la Banque centrale qui fixe la quantité de monnaie qui circule dans l’économie.

Si on appelle M l’offre de monnaie, alors : M = M0

où M0 est un paramètre fixé de façon exogène par la Banque centrale (dans un exercice, on pourra avoir par exemple M = 1000um).
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Deux remarques sur l’offre de monnaie :

1/ L’hypothèse d’une offre de monnaie exogène est une simplification par rapport à la réalité. Dans la
réalité, la création de monnaie par le système bancaire (monnaie scripturale) dépend du taux d’intérêt.
Mais par simplicité, nous allons ignorer la monnaie scripturale et considérer seulement la monnaie au
sens le plus strict (pièces et billets), dont l’offre est entièrement contrôlée par la Banque centrale. C’est
cette simplification qui permet de considérer l’offre de monnaie comme exogène.

2/ Faites attention à l’utilisation du symbole M. En macroéconomie on utilise ce même symbole pour


indiquer l’offre de monnaie et aussi, comme vous le savez, les importations de biens et de services. Bien
évidemment, l’offre de monnaie et les importations sont deux grandeurs complètement différentes : c’est
à vous de comprendre, en fonction du contexte, si la variable M fait référence à l’une ou à l’autre.

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L’offre de monnaie correspond donc à la quantité de monnaie qui existe dans l’économie.
Il nous faut maintenant définir la demande de monnaie.
La demande de monnaie est la quantité de monnaie que les agents de l’économie souhaitent détenir.
Pour comprendre ce qui motive la demande de monnaie, il faut considérer deux choses.
A/ la monnaie comporte un avantage : c’est sa liquidité, c’est-à-dire la possibilité d’être utilisée comme moyen de paiement
B/ la monnaie comporte un désavantage : elle ne rapporte rien (si je laisse cent euros dans un tiroir, l’année prochaine j’aurai toujours
cent euros).
Toujours pour simplifier le raisonnement, nous allons supposer qu’il existe seulement deux formes de détention de la richesse. Soit on
détient la richesse en monnaie ; soit on l’utilise pour acheter des obligations (actifs financiers).
Pour rappel, acheter des obligations revient à prêter l’argent. La monnaie est liquide (peut être utilisée pour régler des achats) : si je
prête mon argent – c’est-à-dire si je le place dans des obligations – je renonce à la liquidité (je ne pourrai pas utiliser les obligations pour
régler mes achats).
Si je prête, je renonce donc à la liquidité. Pour prêter, je vais donc demander une contrepartie : des intérêts. C’est pour cette raison que
Keynes définit le taux d’intérêt comme le prix de la renonciation à la liquidité.
Le schéma de raisonnement est donc le suivant. Il faut imaginer qu’il y ait deux formes de détention de la richesse : la monnaie, qui ne
rapporte rien, et des actifs financiers rémunérés au taux d’intérêt. Dans une situation normale, les agents préfèrent donc les actifs
financiers, qui sont rémunérés, à la monnaie, qui ne rapporte rien. Les agents décident de garder de la monnaie seulement s’ils ont
une raison de le faire. Pour le dire autrement : si j’ai 100 euros en liquide et que je n’ai aucun besoin d’avoir du liquide, je préfère prêter
mes 100 euros, car cela me rapportera des intérêts, plutôt que les laisser dans un tiroir où ils ne me rapporteraient rien. Je garderai du
liquide seulement si j’ai une raison de le faire.
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Les agents souhaitent donc garder la monnaie seulement s’ils ont un motif pour le faire. C’est pour cette raison que, pour identifier les
déterminants de la demande de monnaie (c’est-à-dire de la somme que les agents de l’économie souhaitent garder en liquide), il faut
étudier les motifs de la demande de monnaie.

LES MOTIFS DE LA DEMANDE DE MONNAIE

Pourquoi les agents de l’économie ont-ils besoin de liquide ? Tout d’abord parce que la monnaie a la fonction fondamentale
d’intermédiaire des échanges. Si je place toute ma richesse en actifs financiers, je ne pourrai pas régler mes courses. C’est la monnaie
qui est acceptée comme moyen de paiement, pas les obligations. Cela est vrai aussi bien pour les ménages que pour les entreprises, ce
qui correspond aux deux premiers motifs de la demande de monnaie : motif de revenu et motif d’entreprise.

1/ Le motif de revenu concerne les ménages, qui ont besoin de garder en liquide la partie du revenu qu’ils ont prévu de dépenser. Ainsi,
si j’ai un revenu de 2000 euros/mois et que je prévois de dépenser 1600 euros pour mes achats de consommation, j’aurai besoin de
garder 1600 euros en liquides (si on ne considérait pas les motifs de précaution et de spéculation dont on parlera plus loin, il serait
rationnel de placer la totalité des 400 euros restants, destinés à l’épargne, en actifs financiers, pour en obtenir une rémunération).

2/ Le motif d’entreprise est l’équivalent du motif de revenu, mais du côté des entreprises. Les entreprises ont aussi besoin de garder
une partie de leurs recettes en liquide, dans la caisse, pour gérer leur activité : payer les fournisseurs, payer les salaires, distribuer les
dividendes.

Les motifs de revenu et d’entreprise sont donc liés aux transactions sur le marché des biens (les ménages ont besoin de liquidité pour
leurs achats de consommation finale, les entreprises ont besoin de liquidité pour leurs achats de consommation intermédiaire et de
biens d’équipement) et aux transactions sur les marchés des facteurs de production (les entreprises ont besoin de liquidité pour
rémunérer le travail, c’est-à-dire pour payer les salaires, et pour rémunérer le capital, c’est-à-dire pour distribuer les dividendes).
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Le nombre de transactions sur le marché des biens et sur les marchés des facteurs de production est une fonction croissante du Pib : si
le Pib augmente, le revenu des ménages augmente, leur consommation aussi et donc aussi leur besoin de liquidité (motif de revenu) ;
si le Pib augmente, c’est que l’activité des entreprises est devenue plus importante, et donc leur besoin d’avoir de la liquidité en caisse
pour gérer l’activité aussi (motif d’entreprise).

La demande de monnaie liée aux transactions, qu’on note avec le symbole L1 et qui correspond aux motifs de revenu et d’entreprise,
est donc une fonction croissante du Pib :
L1 = L1 (Y) d L1 /dY > 0

Pour la théorie classique, motif de revenu et motif d’entreprise ce sont les seuls motifs de la demande de monnaie : si les agents ont
besoin de liquidité (demandent de la monnaie), c’est uniquement parce qu’ils en ont besoin comme moyen de paiement. Si on n’a pas
besoin de liquidité pour les transactions, pour les classiques il serait irrationnel de garder la liquidité : mieux vaut prêter (acheter des
actifs financiers) pour obtenir une rémunération.
Pour la théorie classique, la demande de monnaie (L) coïncide donc avec la demande de monnaie pour transactions. Ce qui implique
que la demande de monnaie dépend uniquement (et positivement) du niveau du Pib.

Théorie classique : L = L1 ⇒ L = L (Y) d L /dY > 0

A titre d’exemple, si on respecte les hypothèses classiques (la monnaie est demandée uniquement pour sa fonction d’intermédiaire des échanges), on
pourra avoir une demande de type L = 0,5 Y. Ce qui veut dire que si Y = 1000, les agents de l’économie auront besoin de 500 unités monétaires en liquides, si
Y = 1200 ils voudront détenir 600 unités monétaires en liquides et ainsi de suite.
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Concernant la demande de monnaie, la position de Keynes est différente de celle des classiques. Pour Keynes aussi, les agents de
l’économie ont besoin de liquidité pour les transactions : donc les motifs de revenu et d’entreprise sont présents aussi dans
l’analyse keynésienne.
Cependant, pour Keynes les agents de l’économie peuvent aussi souhaiter détenir de la liquidité qui n’est pas directement
destinée à fonctionner comme moyen de paiement. En plus des motifs de revenu et d’entreprise, Keynes considère qu’il existe
deux autres motifs de demande de monnaie : le motif de précaution et le motif de spéculation.
3/ Le motif de précaution correspond à l’utilité de disposer de liquidité en cas d’événements imprévus. Les agents de l’économie
sont conscients d’agir dans un contexte d’incertitude : ils ne sont pas en mesure d’imaginer exactement ce qui se passera. De bonnes
occasions d’achat peuvent se présenter de façon inattendue, tout comme on peut faire face à des dépenses imprévues.
En reprenant l’exemple fait plus haut : si j’ai un revenu de 2000 euros/mois et que je prévois de dépenser 1600 euros pour mes achats de
consommation dans le mois qui vient, j’aurai besoin de garder 1600 euros en liquides pour les transactions [motif de revenu] ; mais je garderai en
liquide aussi une partie des 400 euros destinés à l’épargne car je suis conscient que ma prévision - dépenser 1600 euros - pourrait se révéler erronée
(par exemple, ma voiture pourrait tomber en panne, j’aurai alors besoin de dépenser plus que prévu, et ça m’arrangera d’avoir en liquide même une
partie des 400 euros qu’en principe je pense épargner) [motif de précaution]. En règle générale, les ménages garderons pour motif de précaution un
peu plus de liquide par rapport aux besoins qu’ils anticipent, les entreprises garderont dans la caisse un peu plus de liquide par rapport à ce qu’elles
estiment nécessaire.

4/ Le motif de spéculation correspond à l’utilité de garder de la liquidité de la part d’agents qui spéculent sur le marché des actifs
financiers, c’est-à-dire de la part d’agents qui arbitrent entre liquidité et actifs financiers en essayant de réaliser des plus-values en
capital.

On appelle plus-value en capital la différence entre le prix de vente et le prix d’achat d’un actif : si j’achète un actif financier à 100
euros et que je le revends à 120 euros, je réalise une plus-value en capital de 20 euros. 8
Essayons de comprendre quels sont les déterminants de la demande de monnaie liée au motif de spéculation

Comme je l’ai indiqué, en règle générale les agents gardent en liquide la somme dont ils pensent avoir besoin ; pour le reste, ils achètent
des actifs financiers, c’est-à-dire qu’ils prêtent, pour obtenir une rémunération liée au taux d’intérêt.

Il faut maintenant considérer la présence d’une catégorie particulière d’agents, les spéculateurs, qui n’agissent pas comme les autres :
ils n’achètent pas les actifs pour obtenir la rémunération liée au taux d’intérêt, mais pour réaliser une plus-value en capital, c’est-à-
dire pour revendre les actifs à un prix plus élevé de celui qu’ils ont payé à l’achat.

Exemple. Considérons un actif financier particulier : une obligation d’Etat qui rapporte à celui qui la possède 5 euros d’intérêts par an, et qui vaut sur le
marché des actifs 100 euros. Si je n’agis pas en spéculateur, et que j’ai 100 euros dont je n’ai besoin ni pour motif de revenu ni pour motif de précaution, au
lieu de laisser les 100 euros dans un tiroir, ce qui ne me rapporterait rien, j’achèterai l’obligation pour obtenir la rémunération liée au taux d’intérêt
(l’obligation me coûte 100 euros : je l’achète, elle me rapportera 5 euros/an. Le taux d’intérêt est donc i = 5/100 = 0,05 = 5%). Par contre, si je me comporte
en spéculateur ce qui m’intéresse ne sont pas les 5 euros d’intérêts/an, mais la possibilité d’acheter l’obligation pour la revendre ensuite à un prix plus
élevé : si j’achète aujourd’hui l’obligation à 100 euros et que je la revends demain à 120 euros, j’aurai spéculé sur son cours (« cours », c’est le nom qu’on
donne au prix d’un actif financier) en réalisant une plus-value en capital de 20 euros.

En règle générale, les agents placent donc dans les actifs financiers la liquidité dont ils n’ont pas besoin. Par contre, les spéculateurs,
qui visent les plus-values en capital, achèteront les actifs seulement quand ils estiment que c’est le bon moment pour acheter. Quand
ils considèrent que ce n’est pas le bon moment, et qu’au contraire c’est le moment de vendre, ils souhaiteront détenir de la liquidité.

Le comportement de spéculation engendre ainsi une demande de monnaie : c’est le motif de spéculation dont parle Keynes.

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La demande de monnaie liée à la spéculation dépend du niveau du cours des actifs financiers. Pour réaliser une plus-value en
capital, un spéculateur doit acheter quand les actifs sont bon marché, et revendre quand les cours sont élevés. Si les cours sont
faibles, les spéculateurs achèteront les actifs et détiendront donc peu de liquidité : la demande de monnaie liée à la spéculation
sera faible. Par contre, quand les cours sont élevés, les spéculateurs auront tendance à vendre et à récupérer de la liquidité : la
demande de monnaie liée à la spéculation sera donc élevée.

La demande de monnaie liée à la spéculation évolue ainsi avec le cours des actifs financiers.

Cours faibles ⇒ Les spéculateurs achètent ⇒ Ils détiendront beaucoup d’actifs et peu de monnaie

Cours élevés ⇒ Les spéculateurs vendent ⇒ Ils détiendront peu d’actifs et beaucoup de monnaie

Il faut maintenant comprendre qu’il y a un lien entre le cours des actifs et le taux d’intérêt.

Reprenons l’exemple fait plus haut, d’une obligation d’Etat qui rapporte à celui qui la possède 5 euros/an d’intérêts. Nous avons vu que si le cours
(le prix) de l’obligation est de 100 euros, elle offre un taux d’intérêt de 5%. Mais si le cours de l’obligation venait à changer, le taux d’intérêt
changerait aussi : si je pouvais acheter cette même obligation à 50 euros, les 5 euros d’intérêts par an qu’elle rapporte correspondraient à un taux
d’intérêt de 10% (i = 5/50 = 0,10 = 10%) ; si son cours montait à 125 euros, le taux d’intérêt correspondant serait de 4% (i= 5/125 = 0,04 = 4%).

On voit donc que plus le cours monte, plus le taux d’intérêt devient faible, ce qui est assez logique : plus cher je paie l’actif
(cours élevé), plus faible sera sa rentabilité (taux d’intérêt faible).

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Les spéculateurs

- achètent les actifs financiers (et


renoncent à la liquidité) quand les
cours sont faibles,
- vendent les actifs (et récupèrent la
liquidité) quand les cours sont élevés.

Cela veut dire que les spéculateurs:

- achètent les actifs financiers (et


renoncent à la liquidité) quand le taux
d’intérêt est élevé
- vendent les actifs (et récupèrent la
liquidité) quand le taux d’intérêt est
faible.

La demande de monnaie liée à la spéculation est ainsi une fonction décroissante du taux d’intérêt : plus le taux d’intérêt est élevé,
plus faible sera la demande de monnaie liée à la spéculation.

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LA FONCTION DE DEMANDE DE MONNAIE DANS LE MODELE IS-LM (1)

Pour Keynes, il existe donc quatre motifs à la demande de monnaie, c’est-à-dire quatre raisons qui poussent les agents de l’économie à
souhaiter détenir de la liquidité : le motif de revenu, le motif d’entreprise, le motif de précaution et le motif de spéculation.

Nous avons vu que les deux premiers motifs, qui sont présents aussi dans l’analyse classique, engendrent une demande de monnaie,
qu’on appelle la demande de monnaie liée aux transactions, qui est une fonction croissante du Pib.

L1 = L1 (Y) d L1 /dY > 0

Nous avons vu aussi que, pour la théorie classique, il n’y a pas d’autres raisons de détenir de la liquidité. Pour les classiques, la monnaie
est utilisée seulement comme intermédiaire des échanges: la quantité de monnaie que les agents souhaitent détenir est donc une
fonction croissante du Pib.

Par contre, Keynes considère qu’on peut aussi demander de la monnaie pour elle-même, c’est-à-dire même si on n’en a pas besoin pour
les transactions : on peut souhaiter détenir de la liquidité (demander de la monnaie) par précaution, et aussi, lorsqu’on agit en
spéculateur, pour le motif de spéculation.

Ces deux motifs, précaution et spéculation, sont liés au contexte d’incertitude dans lequel selon Keynes se retrouvent les agents de
l’économie : si on pouvait prévoir l’avenir, personne ne garderait de la monnaie pour précaution ; de même, si on pouvait prévoir l’avenir,
il n’y aurait pas de place pour les comportements spéculatifs (si tout le monde savait qu’un certain actif vaudra 120 euros demain,
personne ne le vendrait à 100 euros aujourd’hui : il deviendrait alors impossible de réaliser des plus-values en capital).

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LA FONCTION DE DEMANDE DE MONNAIE DANS LE MODELE IS-LM (2)

Dans le modèle IS-LM, qui représente une version simplifiée de la théorie keynésienne, le motif de précaution n’est pas pris en compte.

Par contre, le motif de spéculation engendre une demande de monnaie liée à la spéculation (L2) qui, comme on l’a vu, est une fonction
décroissante du taux d’intérêt.

L2 = L2 (i) d L2 /di < 0

La demande de monnaie keynésienne, celle du modèle IS-LM, a donc deux composantes : la demande de monnaie liée aux transactions,
qui dépend positivement du Pib, et la demande de monnaie liée à la spéculation, qui dépend négativement du taux d’intérêt.

Théorie keynésienne : L = L1 + L2 ⇒ L = L (Y, i) , d L /dY > 0 , d L /di < 0

Les agents de l’économie demandent plus de monnaie pour les transactions si le Pib augmente: les ménages auront un revenu plus
élevé et alors davantage besoin de liquidité pour les achats (motif de revenu), les entreprises devront gérer une activité plus
importante, donc elles auront des besoins de caisse plus élevés (motif d’entreprise).

Mais les agents de l’économie, à cause du comportement de spéculation, demanderont plus de liquidité aussi si le taux d’intérêt baisse:
cela veut dire que les cours des actifs financiers remontent, ce qui poussera les spéculateurs à vendre les actifs et donc récupérer de la
liquidité.
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LA DEMANDE DE MONNAIE DANS LA THEORIE CLASSIQUE ET DANS LA THEORIE KEYNESIENNE

MOTIFS DE DEMANDE DE MONNAIE


Théorie Classique Théorie Keynésienne
Motif de revenu Motif de revenu
Demande de monnaie liée aux transactions (L1)
Motif d’entreprise Motif d’entreprise
Motif de précaution
Motif de spéculation Demande de monnaie liée à la spéculation (L2)

La demande de monnaie liée aux transaction est une fonction croissante du Pib.

Dans la théorie classique, L = L1. Donc L = L (Y) dL /dY > 0

La demande de monnaie liée à la spéculation est une fonction décroissante du Pib.

Dans la théorie keynésienne, L = L1+ L2. Donc L = L (Y , i) dL /dY > 0 , dL /di < 0

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TAUX D’INTERET TRES FAIBLE : LA POSSIBILITÉ D’UNE PRÉFÉRENCE POUR LA LIQUIDITÉ VIRTUELLEMENT ABSOLUE (1)

On a vu que dans des conditions normales les agents gardent la liquidité dont ils ont besoin, soit pour les transactions, soit pour
précaution, soit pour leur éventuelle activité de spéculation. S’ils n’ont aucune raison de garder la liquidité, ils préfèrent prêter
(c’est-à-dire, acheter des actifs financiers).

Dans des conditions normales, la demande de monnaie répond donc aux quatre motifs que nous avons analysés (revenu,
entreprise, précaution, spéculation), ce qui, comme on l’a vu, correspond dans le modèle IS-LM à une demande de monnaie égale
à la somme de la demande de monnaie liée aux transactions et de la demande de monnaie liée à la spéculation.

Keynes considère cependant que ce schéma de raisonnement, qui s’applique dans des conditions normales (on garde la monnaie
seulement lorsqu’on a une raison de la garder), connaît une exception. Selon Keynes, dans le cas exceptionnel d’un taux d’intérêt
extrêmement faible, la préférence pour la liquidité peut devenir virtuellement absolue.

Exemple. J’ai 1000 euros en liquide. Dans une situation normale, je garderai en liquide la somme dont j’estime avoir besoin, pour
une raison ou pour une autre. Par exemple, je peux décider de garder 400 euros en liquide pour effectuer mes achats, 100 euros
pour précaution, et 200 euros pour spéculer sur les marchés financiers. Au total, mes besoins de liquidité correspondent donc à
700 euros. Il reste 300 euros que je n’ai aucune raison (aucun motif) de garder en liquide. Qu’est-ce que j’en ferai ? Dans une
situation normale, je les prêterai : il vaut mieux prêter, c’est-à-dire acheter un actif financier qui rapporte des intérêts, plutôt que
garder 300 euros en liquide qui ne rapportent rien.

Cela est vrai, selon Keynes, sauf si le taux d’intérêt est à niveau très faible : dans cette situation exceptionnelle, même si je n’ai
strictement aucun besoin de ces 300 euros en liquide, je les garderai, tout simplement parce que je refuse de prêter à un taux
d’intérêt que j’estime trop faible.

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TAUX D’INTERET TRES FAIBLE : LA POSSIBILITÉ D’UNE PRÉFÉRENCE POUR LA LIQUIDITÉ VIRTUELLEMENT ABSOLUE (2)

Imaginons donc d’être dans ce cas exceptionnel : le taux d’intérêt est tellement faible que les agents de l’économie préfèrent de
toute façon la liquidité aux actifs financiers.

La logique normale ne s’applique plus. Dans une situation normale, les agents préfèrent les actifs financiers (qui sont rémunérés) à la
liquidité (qui ne rapporte rien), et veulent garder en liquide seulement la somme qui correspond aux motifs de revenu, d’entreprise,
de précaution et de spéculation. Mais dans la situation exceptionnelle d’un taux d’intérêt très faible, les agents préfèrent la liquidité
aux actifs : même si la liquidité ne rapporte rien, les agents préfèrent la garder plutôt que prêter à un taux d’intérêt qu’ils estiment
vraiment trop bas. Dans cette situation exceptionnelle, la demande de monnaie ne répond plus aux quatre motifs que nous avons
analysés : elle devient, pour utiliser l’expression de Keynes, virtuellement illimitée.

Ainsi, si j’ai 1000 euros en liquide, je les garderai en liquide même si mes besoins de liquidité sont plus limités, tout simplement parce
que le taux d’intérêt est trop faible pour me motiver à prêter (ou, ce qui revient à dire la même chose, les cours des actifs financiers
sont trop élevés pour me motiver à les acheter). Si j’estime que le taux d’intérêt est trop bas pour prêter, les choses ne changeraient
pas si au lieu d’avoir 1000 euros en liquide j’avais un million d’euros : je souhaiterai garder un million en liquide. Et si j’avais 100
millions d’euros, je souhaiterai toujours les garder en liquide : non pas car j’aurais une raison quelconque d’avoir autant de liquidité à
ma disposition, mais parce que de toute façon, dans cette situation exceptionnelle (taux d’intérêt très faible), je refuse de prêter, et je
préfère donc la liquidité aux actifs financiers.

On comprend donc qu’en présence d’un taux d’intérêt très faible, il n’y a plus de limite à la somme que les agents souhaitent
détenir sous forme liquide : la préférence pour la liquidité devient virtuellement absolue. Pour le dire dans des termes
mathématiques, quand le taux d’intérêt approche de ce niveau très faible (que nous appellerons par la suite im), la demande de
monnaie tend vers l’infini. Ce qui correspond, économiquement, à une idée assez simple : peu importe la quantité de monnaie qu’ils
détiennent (la somme en liquide qu’ils détiennent), les agents de l’économie souhaiteront la garder, tout simplement parce qu’ils
refusent de prêter à un taux d’intérêt qu’ils estiment trop faible. 16
LA COURBE DE DEMANDE DE MONNAIE (1)

Nous sommes presque en mesure d’étudier la courbe de demande de monnaie. Nous savons que :
A) En générale, la demande de monnaie est égale à la somme de la demande de monnaie liée aux transactions (L1), qui dépend
positivement du Pib, et de la demande de monnaie liée à la spéculation (L2), qui dépend négativement du taux d’intérêt.
B) Dans le cas limite d’un taux d’intérêt qui devient très faible (i=im), la demande de monnaie devient virtuellement absolue :
mathématiquement, elle tend vers l’infini.
Avant d’étudier la courbe de demande de monnaie, il faut cependant revenir sur le comportement des spéculateurs, et donc sur la
composante L2 de la demande de monnaie.
Nous savons que les spéculateurs achètent les actifs financiers, et renoncent à la liquidité, quand les cours sont faibles (et le taux d’intérêt
est élevé). Supposons maintenant que le niveau des cours soit tellement faible, et le taux d’intérêt tellement élevé, que les spéculateurs
achètent tous les actifs qu’ils sont en mesure d’acheter : ce qui veut dire que dans leur portefeuille, il n’y aura plus de liquidité (L2=0).
Appelons iM le taux d’intérêt (élevé) qui correspond à ce niveau très faible de cours. Quand i=iM , les spéculateurs placent toute la liquidité
dont ils disposent dans les actifs. A ce moment, il n’y aura donc plus de liquidité détenue par les spéculateurs: on aura L 2=0.
Que se passe-t-il si les cours baissent encore davantage, donc si le taux d’intérêt augmente encore plus (i> iM) ? En principe, cette baisse
des cours devraient inciter les spéculateurs à acheter : mais ils ne peuvent plus le faire, car ils ne disposent plus de liquidité. Une fois
tombée à zéro, L2 ne peut plus continuer à baisser (il ne peut pas y avoir une quantité négative de monnaie dans le portefeuille des
spéculateurs). Donc:
C) La demande de monnaie liée à la spéculation L2 baisse quand le taux d’intérêt augmente. Mais une fois atteint le niveau zéro, ce qui
correspond au taux d’intérêt iM, la demande de monnaie liée à la spéculation restera égale à zéro même si le taux d’intérêt continue
d’augmenter. 17
LA COURBE DE DEMANDE DE MONNAIE (2)

Exemple. Supposons L2 = 100 – 1000 i.

On constate que la demande de monnaie liée à la spéculation baisse quand le taux d’intérêt augmente. Cela correspond au comportement des spéculateurs
que nous avons décrit. Imaginons par exemple que le taux d’intérêt passe de 3% à 4% : cela veut dire que les cours ont baissé, ce qui incite les spéculateurs à
acheter. Ils détiendront donc plus d’actifs et moins de monnaie. En effet, pour un taux d’intérêt qui monte de 3% à 4%, L2 baisse de 70 à 60 unités monétaires:
les spéculateurs souhaitent garder moins de liquidité, car ils souhaitent détenir une plus grande quantité d’actifs financiers. Si le taux d’intérêt augmente
encore, ce qui correspond à des cours qui baissent davantage, les spéculateurs voudront acheter davantage d’actifs et détenir encore moins de monnaie.
Avec notre hypothèse (L2 = 100 – 1000 i), la demande de monnaie L2 sera égale à zéro pour un taux d’intérêt i = 10%. Ce qui veut dire que pour un taux
d’intérêt égal à 10%, les spéculateurs achètent tous les actifs qu’ils sont en mesure d’acheter, en renonçant à toute la liquidité.

Dans cet exemple donc, iM=10%. Si jamais le taux d’intérêt dépassait 10% (i> iM), les spéculateurs voudraient continuer à acheter : mais ils ne pourront pas,
car ils ne disposent plus de liquidité.

Cela veut dire que notre hypothèse de départ doit être précisée de la façon suivante : L2 = 100 – 1000 i si i < 10% , L2 = 0 autrement

Cette précision est indispensable : L2 baisse quand le taux d’intérêt augmente, mais une fois que L2 est égale à zéro, elle arrête de baisser (il ne peut pas y
avoir une quantité négative de monnaie dans le portefeuille des spéculateurs).

Dans le cas général, il faut donc préciser la fonction L2 de la façon suivante :

L2 = L2 (i) , d L2 /di < 0 si i < iM

L2 = 0 autrement

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LA COURBE DE DEMANDE DE MONNAIE (3)

Nous pouvons maintenant étudier la courbe de demande de monnaie, qui sera composée de trois zones différentes :

1/ Pour i > iM : L = L1

Le taux d’intérêt est très élevé, les actifs financiers sont donc très bon marché, ce qui incite les spéculateurs à acheter le maximum d’actif et à
ne pas détenir de liquidité. La demande de monnaie liée à la spéculation (L2) sera alors égale à zéro, et la demande totale de monnaie
correspondra à la demande de monnaie liée aux transactions (L1).

2/ Pour im < i < iM : L = L1 + L2

C’est la zone « normale » de la courbe de la demande de monnaie : « normale » car le taux d’intérêt n’est ni très élevé ni très faible. Dans
cette zone, les agents de l’économie demandent de la monnaie pour les transactions (L1) et pour la spéculation (L2).

3/ Pour i im : L +∞
On est dans la zone de la préférence pour la liquidité virtuellement absolue. Le taux d’intérêt est très faible, tellement faible que ceux qui
détiennent de la monnaie préfèrent la garder que prêter : ils gardent donc la liquidité même s’ils n’ont aucune raison spécifique pour détenir
du liquide, c’est simplement qu’ils préfèrent la monnaie aux actifs financiers. La demande de monnaie n’a plus de limite. Mathématiquement,
quand le taux d’intérêt i tend vers im, la demande de monnaie L tend vers l’infini.

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LA COURBE DE DEMANDE DE MONNAIE (4)

Raisonnons d’abord à Pib constant. Si le Pib ne varie pas, le besoin de monnaie pour les transactions sera stable : la demande de
monnaie pour transactions sera constante. La demande de monnaie dépendra alors uniquement du taux d’intérêt.
ATTENTION: dans la lecture du graphique, c’est le taux d’intérêt (axe vertical) qui détermine la demande de monnaie (axe horizontal).
On retrouve les trois zones dont nous avons parlé :
Zone verticale. Quand le taux d’intérêt est très élevé (i>iM), les spéculateurs souhaitent acheter le maximum possible d’actifs : L2=0. On aura alors L=L1 : les
agents de l’économie demandent de la monnaie uniquement pour les transactions. Puisque la demande L1 dépend du Pib, qu’on a supposé constant, la
courbe est verticale : si le taux d’intérêt varie, mais qu’il reste supérieur à iM, la demande de monnaie reste constante et égale à L1.
Zone décroissante. Si le taux d’intérêt baisse en-deçà de iM, les
spéculateurs commencent à vendre les actifs financiers. Plus le taux
d’intérêt baisse, plus les cours remontent, plus les spéculateurs souhaitent
vendre et récupérer de la liquidité. La courbe est décroissante : la
demande de monnaie L est égale à la somme de la demande de monnaie
pour transactions (L1), qui reste constante, et de la demande de monnaie
liée à la spéculation (L2) qui augmente avec la baisse du taux d’intérêt.

Zone horizontale. C’est la zone tu taux d’intérêt minimum (im), ou de la


préférence pour la liquidité virtuellement absolue. Le taux d’intérêt est
devenu tellement bas que tous les agents de l’économie qui disposent de
liquidité préfèrent la garder, même s’ils n’en ont pas besoin, plutôt que
prêter. En correspondance du taux im il n’y a donc plus de limite à la
demande de monnaie (mathématiquement, elle tend vers l’infini, ce qui
implique que la courbe devient horizontale).
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LA COURBE DE DEMANDE DE MONNAIE (5)

Prenons en considération maintenant les effets sur la courbe de demande de monnaie d’une variation du Pib. Comment varie la courbe si,
par exemple, le Pib augmente ? Nous savons qu’une hausse du Pib implique un plus grand besoin de liquidité pour les transactions à la fois
du côté des ménages (motif de revenu) et du côté des entreprises (motif d’entreprise) : si le Pib (Y) augmente, la demande de monnaie liée
aux transactions (L1) va donc augmenter. Graphiquement, cela implique un glissement de la courbe de demande vers la droite.
La distance entre l’ancienne et la nouvelle courbe, mesurée
sur l’axe horizontal, correspond à la hausse de la demande
de monnaie liée aux transactions (L1), qui est provoquée par
la hausse du Pib. Il reste vrai que quand le taux d’intérêt
devient très faible (im), la préférence pour la liquidité devient
virtuellement absolue et la demande de monnaie explose.

Une hausse du Pib implique donc un glissement de la


courbe de demande de monnaie vers la droite ; de même,
une baisse du Pib, qui implique une baisse de la demande de
monnaie pour les transactions, impliquerait un glissement de
la courbe vers la gauche.

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Dans ce cours, nous avons étudié l’offre de monnaie (qui, dans le modèle IS-LM est supposée exogène)
et la demande de monnaie.

Cela nous permettra de comprendre, dans le prochain cours, comment se détermine le taux d’intérêt.

Bon travail et bon courage à tout le monde

stefanopalombarini@yahoo.fr

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