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LA MONNAIE

La monnaie est l’un des instruments les plus utilisés dans notre vie quotidienne. En ce sens,
elle peut être définie comme une institution caractérisant l’économie d’échange. Il est
également possible de la présenter en insistant soit sur ses fonctions spécifiques, soit sur les
propriétés qu’elle doit nécessairement remplir pour jouer complètement son rôle. Ces
approches, non exclusives les unes des autres, sont complémentaires. Montrant la complexité
du phénomène monétaire, chacune d’elles met l’accent notamment sur la manière dont celui-
ci joue son rôle dans l’économie.
Plus récemment, les nouvelles technologies ont fait émerger de nouveaux instruments de
circulation, tels que la monnaie virtuelle, qui présente de nouveaux défis, de nature différente,
au système bancaire et aux banques centrales.

I – LES FONCTIONS DE LA MONNAIE


L’essence de la monnaie, dans la tradition aristotélicienne1, est appréhendée par les trois
fonctions d’unité de compte, de moyen de paiement et d’instrument de réserve de valeur.
Cette conception traditionnelle de la monnaie a traversé les siècles, résisté aux avatars des
formes monétaires et constitue encore, à partir de la conception selon laquelle « money is
what money does2 », le point d’attaque le plus fréquemment utilisé dans l’analyse économique
contemporaine pour définir les fonctions de la monnaie.
Les débats ont moins porté sur la référence aux fonctions monétaires que sur l’importance
respective de chacun des éléments de ce triangle fonctionnel.

Unité de compte

Les trois
fonctions de
la monnaie

Instrument de Moyen de
réserve de valeur paiement

1
Aristote a décrit les trois rôles de la monnaie dans « L’éthique à Nicomaque » et « Politique »
2
F.A. Walker in « Money », 1878, cité par Schumpeter in « Histoire de l’Analyse économique », 1954, Paris,
Gallimard, Tome 3, page 435.
A – Unité de compte
Dans une économie où de nombreuses marchandises doivent être échangées, il faut, pour
réaliser ces échanges, pouvoir apprécier la valeur des biens et services. La thèse de Walras 3,
reprise par Denizet4, démontre, de manière claire, le rôle d’étalon des valeurs.
Dans un monde sans unité de compte, l’ensemble des agents économiques se rencontre, à un
moment donné, sur un marché pour fixer le coût des marchandises. Un commissaire-priseur
annonce des prix, centralise les offres et les demandes correspondant à ce système de valeurs
et, par un processus de « tâtonnement », modifie les prix initiaux jusqu’à l’obtention de prix
équilibrant l’offre et la demande. Lorsque la confrontation des offres et des demandes de
l’ensemble des biens a permis de dégager un ensemble de prix, les échanges ont lieu.
Dans un tel système, il existe autant de prix que de couples de biens échangés. Outre la
possibilité d’exercer un choix, le prix relatif exprime ainsi le rapport de valeurs entre deux
biens différents. Si 3 biens sont échangés, il existe 3 prix relatifs. Pour 4 biens, nous sommes
en présence de 6 prix relatifs. D’une manière générale, dans une telle économie à n biens, le
nombre de prix relatifs est de [n (n-1)] / 2 soit, par exemple, pour 1 000 biens, 499 500 prix
relatifs !
L’échange peut être simplifié grâce à un étalon de mesure. Le choix d’un de ces biens pour
mesurer la valeur de tous les autres biens simplifie grandement les calculs auxquels sont
soumis les agents économiques puisqu’il permet de mesurer la valeur de biens hétérogènes.
En effet, si le bien B, dont le prix est égal à 1, est choisi comme unité de compte, tous les
autres biens n’ont qu’un seul prix, exprimé en unité B d’où découlent tous les rapports
d’échange 2 à 2. Il ne reste, de ce fait, plus que (n - 1) prix. Avec 3 biens, nous passons de 3 à
2 prix relatifs. Pour 4 biens, de 6 à 3 prix relatifs et pour n biens de [n (n-1)] / 2 à (n-1) prix
et pour 1 000 biens de 499 500 à 999.
Toutefois, à la différence des biens de production et de consommation, la monnaie n’est pas
détruite par l’usage. Elle est le bien de référence qui permet de mesurer tous les autres.
Commun dénominateur de toutes les valeurs, elle permet une économie d’information et de
calcul et de déterminer, en conséquence, une échelle générale des prix en homogénéisant les
tarifs de l’ensemble des biens et des services. Parce qu’elle fournit une unité monétaire unique
dans laquelle les prix sont exprimés, elle permet ainsi le calcul économique et les arbitrages.

B – Moyen de paiement
La monnaie est un bien directement échangeable contre tous les autres biens, un instrument de
paiement permettant d’acquérir n’importe quel bien ou service, y compris le travail humain.
Elle est un « équivalent général ». Cette fonction de paiement doit cependant être explicitée.
Elle ne recouvre pas, en effet, le rôle d’intermédiaire des échanges. La monnaie de règlement
peut, en outre, différer de la monnaie de compte.
Payer permet de se libérer d’une dette. Toutefois, nous pouvons très bien concevoir que ce
paiement soit effectué sans utilisation de la monnaie : fourniture d’un bien (troc), d’un travail
(corvée)… Cependant, les paiements sont largement facilités par la liquidité5 de la monnaie.
En tant que phénomène social, elle doit faire l’objet d’un consensus conforté par l’État qui lui

3
L. Walras, « Éléments d’économie pure », première édition 1874, nouvelle édition Economica, 1988.
4
J. Denizet, « Monnaie et financement dans les années 80 », Dunod, 1982
5
C’est la capacité d’un actif à être aisément transformable en moyen de paiement sans perdre de valeur.
Contrairement à divers biens, la monnaie est acceptée de fait dans les paiements. On dit qu’elle constitue la
liquidité par excellence (échangeabilité parfaite).
donne un pouvoir libératoire et qui l’impose alors comme moyen de paiement à un cours
déterminé (« cours légal »).
Cependant, nous pouvons concevoir une situation dans laquelle une personne qui livre un bien
reçoit, non pas de la monnaie, mais une reconnaissance de dette. C’est alors le crédit qui a
permis l’échange. De même, le paiement ne renvoie pas nécessairement à un échange de
marchandises (paiement des impôts). Ainsi, les notions de paiement et d’échange peuvent
donc être distinguées.
Nous pouvons également dissocier les notions d’unité de compte et de moyen de paiement. En
effet, l’histoire monétaire récente nous en a donné un exemple. Bien que pendant de longues
périodes de l’économie il y ait eu simultanéité de ces deux concepts, cette dichotomie est
illustrée avec la création de l’European Currency Unit (ECU), qui était bien une unité de
compte européenne mais non un moyen de paiement.

C – Instrument de réserve de valeur


Si nous prenons des œufs comme référence pour estimer le prix des autres marchandises, nous
voyons que leur usage comme monnaie à part entière pose quelques problèmes. S’ils peuvent
aisément jouer le rôle d’unité de compte, leur emploi comme moyen de paiement est déjà plus
problématique du fait de leur fragilité et, surtout dans la mesure où ils sont des denrées
périssables, il n’est pas possible de les conserver très longtemps.
Or, la monnaie doit cependant pouvoir être conservée dans l’intervalle plus ou moins long qui
peut séparer deux transactions. Résumant le passé et anticipant l’avenir6, elle doit constituer
un « bien à valoir » sur toutes les richesses existantes ou futures. C’est pourquoi, nous
pouvons parler de réserve de valeur. Toutefois, cette valeur (pouvoir d’achat) n’est pas
toujours constante sur une période et varie en fonction inverse des prix : elle peut ainsi se
déprécier ou s’apprécier au cours du temps. La qualité de réserve de valeur est, dès lors,
indispensable au bon fonctionnement de l’instrument de paiement.
Cependant, cette fonction de réserve de valeur ne fait pas l’unanimité chez les auteurs qui
abordent les questions monétaires. Ainsi, chez Walras, contrairement aux fonctions de compte
et de paiement, celle de réserve de valeur n’est pas explicitement présentée. Il indique
seulement que, parmi d’autres qualités, la monnaie doit être caractérisée par une facilité de
conservation. D’autres auteurs comme Wicksell et Hicks la considèrent comme une fonction
secondaire, dérivant simplement des deux premières.
Il convient néanmoins de rappeler que toute monnaie ne peut pas être véritablement
considérée comme réserve de valeur, comme tout avoir permettant de conserver la valeur
n’est pas nécessairement monnaie. En effet :
- Si la monnaie suppose un maintien du pouvoir d’achat, alors les principales unités de
compte utilisées aujourd’hui (dollar, yen, euro) ne peuvent pas être considérées comme
des monnaies à part entière car elles sont susceptibles de connaître une érosion de leur
pouvoir d’achat en raison des mécanismes de change présidant le système monétaire
international.
- Des actifs financiers peuvent présenter une bonne garantie de conservation de la valeur
nominale, voire de la valeur réelle, sans pouvoir pour autant de servir de moyens de
paiement (par exemple, les OATi, Obligations Assimilables du Trésor, obligations d’État,
indexées sur l’inflation).

6
La monnaie constitue un « lien entre le présent et l’avenir » (Keynes).
II – L’ÉVOLUTION DES FORMES DE LA MONNAIE
Nous pouvons distinguer historiquement plusieurs formes de la monnaie qui ont pu coexister
ou se succéder. La succession chronologique des formes d’échanges monétaires, utilisée à des
fins pédagogiques, ne correspond pas à une réalité historique en ce sens que le troc pur et
simple ne semble pas avoir existé, les échanges dans les sociétés primitives ayant en fait des
formes complexes : les opérations de comptes courants et l’usage du chèque sont connus à
Babylone au VIIème siècle avant J.C. ; le bimétallisme (or – argent) existe en Lydie où il fut
introduit par Crésus au VIème siècle avant J.C. ; le papier monnaie est émis en Chine au
IIIème siècle avant J.C.

A – De l’économie de troc à la monnaie abstraite


À l’origine des temps, l’homme se procure directement ce dont il a besoin par la chasse, la
pêche et la cueillette. Au fur et à mesure que la civilisation progresse, il ne peut plus satisfaire
la totalité de ses besoins qui deviennent de plus en plus variés. Il doit donc échanger les biens
qu’il produit contre d’autres biens fabriqués par ses semblables. Pour que l’échange puisse
avoir lieu, la double coïncidence des désirs d’échange doit être réalisée i.e. le désir d’échange
d’un individu doit coïncider avec le souhait d’échange d’un autre individu.
Lorsque les sociétés évoluent peu, chaque individu échange sa production respective dans le
cadre d’un rapport d’échange stable. Cette opération présente cependant de nombreux
inconvénients : elle est toujours particularisée, n’a pas de valeur universelle et supporte des
coûts d’information7 et de transaction8. Elle ne permet pas, en définitive, d’atteindre une
expression unique de l’ensemble des relations d’échange de tous les biens.
Ainsi, tandis qu’il se généralise, le troc exige qu’un élément pris parmi tous les autres serve
de référence. Cet étalon de valeurs, à ce stade du raisonnement, ne peut être qu’une monnaie
abstraite c'est-à-dire qui ne donne pas lieu à une représentation concrète9.

B – De la monnaie abstraite à la monnaie concrète


Avec l’apparition de la monnaie matérielle, nous sommes en présence d’un bien qui brise le
troc et qui intervient réellement dans les échanges. Plusieurs phases se sont succédé :

 La monnaie - marchandise
Il s’agit d’un bien divisible (sel, coquillages, thé, tissus, tabac, hachettes de cuivre en Gaule,
arachides et mil en Afrique…) pouvant se conserver, inspirant confiance, facilement cessible,
accepté comme ayant une certaine valeur d’usage.

 La monnaie métallique
Les biens de consommation utilisés ont été rapidement remplacés par des métaux précieux
(or, argent) qui avaient toutes les qualités pour être universellement acceptés (désirés pour
leur beauté) et pour être conservés :
- Homogènes, donc facilement divisibles
7
La double coïncidence de volonté, quant aux objets de l’échange et du moment de l’échange, exige la recherche
d’une information coûteuse en temps et en revenus.
8
Ce sont des coûts variables dus aux transport et stockage éventuel des biens échangés ainsi qu’aux risques de
détérioration qui accompagnent ces opérations. Ils dépendent notamment de nombreux facteurs tenant à la
nature, à la fragilité, au volume et à la quantité des biens sur lesquels porte le troc. Ces coûts de transaction
affectent tout acte d’échange, troc ou non, mais leur spécificité dans le cadre du troc est qu’ils pèsent sur les
deux parties en présence, sur les biens vendus et achetés.
9
A Uruk, 4 000 avant J.C. : épi d’orge. En Égypte, en Grèce, à Rome : la tête de bétail (« pecus »).
- inaltérables, leur durée de vie étant presque infinie
- grande valeur, du fait de leur rareté, pour un poids et un volume assez réduits
- aisément transportables
D’abord « pesée » (on remettait une certaine quantité de métal), puis « comptée » (boules de
métal avec risque de fourrage), la monnaie métallique a rapidement été « frappée ». En effet,
devant la puissance qui s’attache à sa détention et, par conséquent, à sa création, à sa
fabrication et à sa mise en circulation, le pouvoir politique s’est réservé le droit d’émettre des
signes monétaires et de définir l’étalon monétaire (pouvoir régalien de « battre monnaie »).
Cette monnaie, émise par le Prince (l’État), avait, pour valeur nominale, son contenu garanti
en métal et possédait un pouvoir libératoire10.
Il s’agit là d’une présentation relativement idéale de la monnaie métallique car, en pratique, le
souverain peut avoir intérêt à altérer le contenu métallique des pièces. Il impose alors leur
utilisation pour une valeur nominale supérieure à sa valeur intrinsèque en diminuant la teneur
en métaux précieux des pièces.
Cette dissociation entre valeur intrinsèque de la pièce et valeur conférée par le pouvoir
politique nous amène à la logique qui prévaut à l’émission de la plupart des pièces
contemporaines. Celles-ci ne constituent plus de la monnaie métallique. Il s’agit, en fait,
d’une monnaie divisionnaire qui ne subsiste plus qu’à titre d’appoint. Elles sont frappées dans
un métal de faible valeur et l’État leur donne une valeur légale qui les conduit à être acceptées
dans les paiements.

LA LOI DE GRESHAM (RELATIVE AU BIMETALLISME)


Trois métaux (or, argent et, plus rarement, cuivre) étaient traditionnellement utilisés pour frapper des pièces de
monnaie qui circulaient parallèlement. Au Moyen Âge, en France, on payait ainsi indifféremment en deniers
d'argent ou en écus d'or, ces derniers restant toutefois beaucoup moins nombreux. Le régime du bimétallisme
établissait, quelques siècles plus tard, un rapport légal fixe entre les valeurs des monnaies d'or et d'argent. Par
exemple, la loi monétaire du 7 germinal an XI (1803) stipulait que le franc correspondait à 5 g d'argent ou à
0,3225 g d'or fin. Le rapport légal ou « pair bimétallique », était donc établi à 15,5.
Cependant, le bimétallisme ne peut perdurer que si la valeur commerciale des métaux reste très proche de leur
valeur officielle. Mais, si le prix de l'un des deux métaux varie, par exemple à la suite de la découverte de
nouveaux gisements miniers, le métal dont la valeur s'apprécie disparaît très vite de la circulation. Il est
thésaurisé, fondu ou réservé aux paiements à l'étranger. C'est la loi de Gresham, selon laquelle « la mauvaise
monnaie chasse la bonne ».
Ce système monétaire, fondé sur les deux étalons métalliques, était pratiquement en vigueur partout dans le
monde jusqu'au milieu du XIXème siècle. Les découvertes d'importantes mines d'or (Californie en 1848, Australie
en 1851), puis de mines d'argent au Nevada (Etats-Unis), ont déclenché de fortes divergences dans l'évolution de
la valeur de ces deux métaux, troublant ainsi le fonctionnement du système bimétalliste et provoquant son
abandon progressif.

C – De la monnaie matérielle à la monnaie dématérialisée


L’histoire économique nous enseigne que la monnaie est passée progressivement d’un support
ayant une certaine valeur en soi (or, argent) à un objet sans valeur intrinsèque ou purement
symbolique fixée par l’État, se présentant sous une forme de plus en plus dématérialisée.

10
Facilité que possède la monnaie de permettre à un débiteur de se libérer de sa dette, jusqu’à un certain
montant, par la fourniture de cette monnaie à son créancier.
 Le billet (monnaie fiduciaire)
D’un point de vue historique, il conviendrait de distinguer précisément deux catégories de
billets : le billet d’État et le billet de banque.
Le billet d’État est un papier-monnaie émis par la puissance publique, ou en son nom, avec
comme contrepartie des créances dur l’État.
Le billet de banque, quant à lui, n’est, à l’origine, qu’un simple certificat représentatif d’un
dépôt de monnaie métallique (le montant des billets ne dépasse pas celui du stock de métal
sous-jacent). L’idée en revient à Palmstruch, banquier suédois, qui avait pris l’habitude,
depuis 1656, d’en remettre en échange des effets de commerce escomptés11. Il est donc une
monnaie de papier émise par une banque privée, ou un organisme de ce type, à partir d’une
contrepartie, intégrale ou partielle, en or dans un premier temps, et à l’occasion d’octrois de
crédit par la suite.
Avec le temps, estimant que la confiance régnait et donc que leur conversion en métal ne sera
pas demandée, en même temps, par l’ensemble des détenteurs, l’émetteur a émis plus de
billets qu’il ne conservait de métal12. S’ajoutant à la monnaie métallique, ces supports ont été,
dès lors, progressivement consacrés comme une véritable monnaie fiduciaire. Le même type
de processus a été mis en œuvre par les Goldsmiths londoniens (orfèvres) puis par la Banque
d’Angleterre, à l’origine banque privée concurrente, qui s’imposera par la suite13.
La confiance dans le billet de banque n’a été cependant totale que lorsque l’État lui conféra le
cours légal14. Ce fut le cas, en France, en 1870. Dès lors, tout créancier fut obligé de
l’accepter en paiement dans les limites du pouvoir libératoire qui lui était accordé.
Cette idée d’une émission de billets plus ou moins indépendante des encaisses métalliques fut
au cœur d’une controverse au XIXème siècle.
D’un côté, les tenants de la Currency School, dont David Ricardo est le principal représentant,
regroupés sous le nom d’École de la circulation, considèrent que dans un monde où l’idée de
monnaie est encore très largement associée au métal, un morceau de papier ne peut pas être
monnaie. Si une banque émet ce document sur lequel est inscrite une somme, elle doit donc
en posséder l’équivalent en or et / ou argent, en réserve, dans ses coffres. Dans cette optique,
la monnaie reste le métal et le billet, un substitut commode au métal, permettant de faciliter la
circulation.
D’un autre côté, l’École de la banque (Banking School), représentée par Tooke et Thornton,
remet en question cette vision archaïque de la nature du billet. L’or continue, certes, à jouer
un rôle prépondérant puisque le billet est convertible, mais la banque peut émettre des billets
pour une valeur supérieure à son encaisse métallique. En effet, ce sont les besoins de
l’économie qui appellent la création de billets. Lorsque l’activité se développe, le montant des
crédits commerciaux tend à s’accroître. Or, c’est en contrepartie de ces crédits accordés que la
banque émet des billets.
Ces deux analyses de la nature des billets de banque conduisent chaque école à prôner une
politique différente en matière d’émission.

11
L’effet de commerce est un titre constatant une créance d’une somme d’argent à court terme (lettre de change,
billet à ordre). Les banques peuvent racheter, avec une décote, avant terme, ces effets : c’est l’escompte.
12
En 1666, toutefois, suite à une émission trop importante de billets sans contrepartie métallique, la banque de
Palmstruch est liquidée.
13
L’acte de Peel ou « Banker Charter Act » lui accordera, en effet, en 1844, le monopole de l’émission de billets.
14
Obligation faite par la loi d’accepter les billets et les pièces en paiement d’une dette.
Les partisans du « currency principle », appliqué en Grande-Bretagne, voient dans
l’intervention de l’État un moyen de limiter l’émission de billets pour assurer la stabilité
monétaire. Une banque peut, en effet, être conduite à procéder à de nombreuses émissions. Le
surplus de billets dans la circulation peut perturber l’activité économique, en provoquant une
hausse des prix. Il revient alors à l’État d’empêcher les déséquilibres en réglementant
l’émission.
Les défenseurs du « banking principle », appliqué en France, refusent, au contraire, toute
réglementation étatique. La liberté d’émission peut être compatible avec la stabilité : l’excès
de billets n’est pas à redouter puisque l’émission est rythmée par le mouvement des affaires.
La banque ne décide pas arbitrairement du montant à injecter dans le circuit économique. Elle
diffuse ces billets en satisfaisant les demandes de crédit émanant des commerçants qui lui
fournissent, en contrepartie, des effets. Il ne peut donc pas y avoir un accroissement de billets
en circulation puisque ceux-ci font l’objet d’une demande. En outre, le remboursement du
crédit se traduit par un retour des billets à la banque ou par un afflux de métal. Si le montant
des remboursements l’emporte sur celui des crédits nouvellement consentis, la quantité de
monnaie en circulation diminue. La circulation monétaire se réduit ainsi automatiquement
quand l’activité économique se ralentit.
Aujourd’hui, la distinction est peut-être de moindre importance mais non pour autant dénuée
de portée.

 Le compte (monnaie scripturale)


De même que la mise en dépôt de métaux précieux avait conduit à l’émission de billets, celle
des billets conduira à l’utilisation des dépôts pour opérer des règlements par écritures.
Le risque que la conversion des dépôts en billets soit demandée, en même temps, par tous les
déposants étant minime, les banques créent la monnaie scripturale, l’alimentation des comptes
s'effectuant par l’octroi de crédits.
Jusqu’au début de la seconde moitié du XXème siècle, le système de paiement en France n’a
évolué que très lentement, les instruments utilisés pour transférer la monnaie scripturale étant
en nombre limité. La recherche et la mise au point, au cours de la seconde partie du siècle, de
nouveaux moyens d’échange se sont accélérées, modifiant profondément la situation observée
auparavant.
Tous les règlements scripturaux reposent sur le même principe : l’ordre doit être donné par le
titulaire du compte au gestionnaire de son dépôt de remettre des fonds à une personne
déterminée qui, d’ailleurs, peut être le titulaire du compte s’il s’agit, par exemple, d’un retrait
de billets. Au-delà de cette fonction consistant à être le support de flux financiers,
l’instrument de paiement a, le plus souvent, vocation à transporter deux autres types de flux :
d’une part, un flux « commercial » d’informations entre le débiteur et le créancier (motif de
l’opération, référence de facture ou de contrat…) d’autre part, un flux « juridique » permettant
au banquier de disposer d’une autorisation de débit du compte (signature manuscrite,
référence à une autorisation de débit préexistante – autorisation de prélèvement, contrat
porteur « CB »…)
S’il n’existe que deux formes principales de monnaie (fiduciaire ou scripturale), les moyens
de règlement se sont, eux, multipliés et perfectionnés.
Peu répandu en France jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le chèque a commencé à se
développer lorsque les pouvoirs publics ont rendu obligatoire le règlement par chèque ou par
virement de sommes supérieures à un certain montant. Toutefois, son utilisation tend à
régresser depuis plusieurs années, au bénéfice principalement des moyens de paiement
électroniques (notamment la carte, le virement ou encore le télérèglement). Il a connu ainsi,
en France, en 2014, un recul de près de 5% en volume par rapport à 2013 pour atteindre
2,49 milliards de transactions (13% des paiements scripturaux). En Europe, l’Hexagone reste
de loin le pays qui utilise le plus le chèque (68,5% des chèques émis dans l’Union
européenne), loin devant le Royaume-Uni (17,8%) et l’Italie (6,4%). En montant, elle occupe
la première place avec 32,6% du montant total des chèques échangés devant le Royaume-Uni
(23,1%) et l’Italie (14,3%).
Le virement, à caractère commercial et financier, permet d’effectuer des transferts de fonds
entre comptes bancaires sur ordre du débiteur. Relativement peu utilisé jusqu’aux années
1960, il était essentiellement un instrument de règlement pour les opérations financières. Il est
apparu progressivement comme un moyen souple automatisé de versement de salaires et de
pensions.
Dans l’Union européenne, l’Allemagne détient, en 2014, la première place en nombre de
virements émis avec 21,9%. La France arrive en 3ème position tant en volume (12,6%),
derrière le Royaume-Uni (14,6%), qu’en valeur (10,2%) derrière le Royaume-Uni (37,5%) et
l’Allemagne (22,4%).
L’avis de prélèvement est utilisé par certains créanciers dont l’activité conduit à procéder à
des recouvrements périodiques. Il a connu, depuis sa création, un développement relativement
rapide. Entièrement automatisé dans les relations interbancaires, il donne, en effet, satisfaction
aux entreprises en leur procurant des facilités de gestion, et aux banquiers en raison des
faibles coûts de traitement. En revanche, il n’a connu qu’un succès relatif auprès des
particuliers pour des motifs essentiellement psychologiques. Il est vrai qu’il s’agit de moyens
de règlement, à l’initiative du créancier, qui retire toute possibilité de modulation des dates
d’imputation aux débiteurs. Ceux-ci peuvent craindre, en outre, de ne pouvoir faire valoir leur
bon droit, auprès de l’émetteur, en cas de litige avec ce dernier.
L’Allemagne reste, de loin, en 2014, le premier pays émetteur de prélèvement dans l’Union
européenne avec 39,4% des prélèvements émis. La France arrive à la 3ème position (16,1%)
des émetteurs de prélèvement en volume de l’Union européenne, juste après le Royaume-Uni
(16,7%). En valeur, la France occupe la 2ème position dans l’Union européenne avec 7,7% du
montant total des prélèvements, loin derrière l’Allemagne (42,1%) et devant le Royaume-Uni
(7,2%).
La carte de paiement a connu un faible engouement au début de sa mise en place. Toutefois,
sous l’effet des efforts de promotion menés par les établissements de crédit au cours de ces
dernières années, les cartes permettant le paiement chez les commerçants et le retrait
d’espèces auprès des distributeurs automatiques de billets ont été diffusées à un rythme rapide
auprès du public.
La carte de paiement, qui reste le moyen de paiement le plus utilisé en France, a atteint la
barre de 50% des paiements en 2014 avec 9,47 milliards de paiements effectués par cartes
interbancaires ou privatives en France. La France représente 19,9% du nombre de paiements
par carte de l’Union européenne, et occupe la deuxième place dans l’Union européenne, après
le Royaume-Uni (27,4%) et devant l’Allemagne (7%).
En valeur, la carte de paiement, en France, voit son montant global de paiements augmenter
de manière modérée (+ 1,5% en 2014). En effet, malgré une utilisation de plus en plus
répandue, la carte reste réservée pour des paiements de petit montant (47 euros par transaction
en moyenne), et est de plus en plus utilisée pour des montants plus faibles à la faveur du
développement du paiement en mode sans contact (Ce mode de paiement représente, en 2014,
un montant global de 537 millions d’euros, soit 0,12 % du total des paiements par carte).
En 2014, le nombre de paiements en monnaie électronique reste, en France, relativement
modeste (55 millions de paiements, 0,28% des paiements en monnaie électronique de l’Union
européenne). Le Luxembourg, hébergeant l’acteur le plus important du marché européen,
PayPal, détient de loin la première place (89 %). En valeur, elle reste utilisée pour des
opérations de montants très faible (4,6 euros en moyenne par paiement). Le Luxembourg
occupe largement la première place dans l’Union européenne avec 78% du montant total des
échanges de monnaie électronique devant l’Italie (18,4%), la France détenant la 6ème place
avec 0,3%.
De nouvelles manières de payer se sont développées au cours de la dernière décennie tirant
profit de l’essor de l’Internet et des technologies de l’information. Ces nouveaux services
visent à apporter des fonctionnalités inédites aux utilisateurs de services de paiement. Il s’agit
notamment des paiements sans contact, qui permettent de payer rapidement, sans saisir un
code confidentiel pour des petits montants, en approchant une carte ou un téléphone mobile
d’un terminal de paiement (Ils sont appréciés tant des commerçants que des utilisateurs car ils
permettent davantage de fluidité en caisse et garantissent un confort d’utilisation accru par
rapport à un paiement par carte classique) et des portefeuilles électroniques, qui permettent
d’effectuer des paiements sur l’Internet rapidement et simplement, sans avoir à saisir des
numéros sensibles15 (i.e. numéro de carte de paiement, sa date de validité et son
cryptogramme visuel).
On peut noter, par ailleurs, que les facilités de caisse, les lignes automatiques de crédit, les
crédits confirmés permettent également d’effectuer des achats ou de régler une dette de la
même manière que les billets ou les avoirs en compte préexistants. La frontière entre crédit
automatique et monnaie devient dès lors floue.
Le système de paiement français est caractérisé, en définitive, par la faiblesse relative du
nombre de paiements en espèces, et corrélativement, par le grand nombre de paiements
scripturaux (par construction de l’agrégat M1). Ce poids de la monnaie scripturale influence
de façon déterminante les choix des agents économiques en matière de paiements scripturaux
tant du point de vue de l’efficacité des instruments que de celui de leur coût d’utilisation16.
Une telle situation trouve son origine dans la forte « bancarisation » de la population (96%).
Elle résulte, à la fois,
- des actions législatives et réglementaires des Pouvoirs publics, qui ont imposé
l’utilisation des règlements scripturaux pour certaines transactions (contrôle fiscal, lutte
contre le blanchiment des capitaux…),
- de la constitution par les établissements de crédit, dans les années 1970, de réseaux
d’agences très denses sur l’ensemble du territoire et,
- dans une moindre mesure, de la reconnaissance du « droit au compte » - qui n’est pas
assimilable à un droit au carnet de chèques – dans une banque de son choix pour toute
personne physique résidant en France.
Le développement rapide de la monnaie scripturale s’explique également par des qualités de
commodité – les règlements par jeux d’écriture évitant les déplacements – et de sécurité
puisque la preuve du paiement apparaît dans la comptabilité des organismes gestionnaires des
comptes.
15
Ces données ne sont demandées que lors de la création du portefeuille électronique. Par la suite, l’utilisateur de
la solution doit uniquement saisir ses identifiants (par exemple le numéro de téléphone portable ou le courriel de
l’utilisateur) pour réaliser des transactions.
16
Le coût de traitement des instruments papier est très élevé. Par exemple, le coût unitaire de traitement des
chèques est de l’ordre de 0,45 à 0,75 euros.
On estime, par ailleurs, que 80% des instruments de paiement sont échangés entre banques
dans les systèmes d’échange interbancaire, les 20% restants relevant d’un traitement
intrabancaire (le débiteur et le créancier ont leur compte dans le même établissement) ou par
accords bilatéraux. On évalue à plus de 10 milliards le nombre annuel de paiements
scripturaux, le nombre de transactions en billets ou pièces – extrêmement difficile à évaluer –
ressortant, selon les estimations, entre 20 et 40 milliards par an.

 Les cartes préchargées (monnaie électronique)


Un grand nombre d’interrogations se pose autour de ce nouveau moyen de paiement. Elles
s’inscrivent dans un spectre analytique très large allant des problèmes techniques les plus
concrets (sécurisation des paiements) à des problématiques plus raffinées (impact sur la
politique monétaire, véritable nature de la monnaie électronique).
Apparu, il y a un peu plus d’une dizaine d’années, le concept de monnaie électronique
s’apparente à un nouveau type de moyen de paiement, soumis aux mêmes règles générales
que les instruments existants, et non à une forme spécifique de monnaie. Cette monnaie est
une réserve de valeur prépayée, stockée sur un support généralement électronique. De
nombreux pays européens mettent actuellement en place des solutions de paiement
utilisatrices de monnaie électronique. En France, la disparition des billets et des pièces en
francs a suscité un certain regain d’intérêt notamment pour l’implantation du « porte-monnaie
électronique », utilisable, pour des petites sommes d’argent, comme moyen de paiement
auprès des tiers.
L’encours stocké dans une carte prépayée présente une différence essentielle avec la monnaie
scripturale puisque le siège de la monnaie n’est plus un dépôt à vue individualisé, mais bien la
carte elle-même dont la simple détention est la preuve de la créance du porteur sur l’émetteur.
Cette caractéristique rapproche cet encours stocké, des espèces dont il se différencie pourtant
à deux égards : il n’a pas cours légal et il n’est pas réutilisable en tant que tel (alors qu’un
billet peut servir à effectuer plusieurs règlements successifs).
Ainsi, à la lumière des caractéristiques principales d’une monnaie, la monnaie électronique
n’est pas une nouvelle forme juridique qui viendrait s’ajouter aux deux formes habituelles
(monnaie fiduciaire, monnaie scripturale). En effet, ne bénéficiant pas du régime du cours
légal ou forcé et, même si les unités de monnaie électronique peuvent changer de mains sans
être systématiquement converties en monnaies traditionnelles, elle est toujours assortie d’un
droit de créance sur l’émetteur. En d’autres termes, leur valeur demeure liée à la créance
qu’elles représentent sur de la monnaie scripturale. Elle n’est pas, de ce fait, un instrument
monétaire.
De surcroît, elle implique davantage d’acteurs que l’échange de la monnaie fiduciaire
puisque, outre le commerçant et le consommateur, l’émetteur intervient à plusieurs reprises :
au moment de la conversion des unités électroniques en somme d’argent et au moment du
chargement de la carte. La monnaie électronique peut être alors définie comme un titre de
créance dont la « puce », supplantant le papier, est l’instrument électronique.
Le « rattachement » de la monnaie électronique à la monnaie scripturale ou fiduciaire
apparaît, au total, conditionnel à l’obligation ou non qui sera faite de recycler
automatiquement les unités électroniques en monnaie bancaire traditionnelle. L’émergence
d’une « société sans cash » n’est pas imminente.
La loi bancaire française a clarifié, par ailleurs, que seuls les établissements de crédit ont la
possibilité d’émettre et de gérer la monnaie électronique. Elle présente donc des défis de
nature différente au système bancaire et aux banques centrales.
Dans la mesure où seules les banques ont le droit de gérer cet instrument de paiement, celui-ci
doit être pris en considération par les autorités de surveillance prudentielle (Autorité de
Contrôle Prudentiel et de Résolution en France). Ainsi, toute fraude sérieuse sur ce moyen de
transaction pourrait avoir des conséquences prudentielles importantes si elle est à l’origine
d’une baisse substantielle de la rentabilité bancaire. Dans la même optique, les établissements
de crédit sont requis de déposer des réserves obligatoires à la banque centrale pour le volume
de monnaie électronique émis. Enfin, ils doivent adhérer au Fonds de garantie des dépôts,
destiné à garantir le remboursement des fonds figurant sur le porte-monnaie.
En outre, si une importante substitution de la monnaie électronique aux pièces et billets
survenait, une perte de seigneuriage constituerait un problème majeur pour l’équilibre
budgétaire des banques centrales. Improbable à court terme, cette hypothèse n’est pourtant
pas à écarter sur un horizon temporel plus lointain.
Mais, plutôt que de remettre en cause les banques centrales, la monnaie électronique a des
implications sur la politique monétaire. La théorie économique, qui refuse d’attribuer à la
monnaie la fonction de « bien public », la considère comme un instrument concurrençant les
billets et pièces émis par l’Institut d’Émission. Certains experts évoquent même la possibilité,
à terme, d’une éviction de la monnaie fiduciaire au bénéfice de la monnaie électronique car
cette dernière nie les frontières et présente des caractéristiques « complètes » permettant un
règlement de tout montant. Mais le faible succès, pour l’instant (?), du porte-monnaie
électronique, quel que soit le pays, témoigne de l’avenir du métier de banquier central.
Si, la monnaie électronique venait toutefois à se développer (cf. bitcoin), elle pourrait être à
l’origine d’une création monétaire qui mettrait en danger la stabilité des prix, tâche assignée,
pour la zone euro, à la Banque centrale européenne. En effet, son déploiement n’est pas neutre
sur la quantification de la monnaie et rend in fine plus délicat la définition (et donc le
contrôle) des agrégats. Il induit, en outre, une contraction de la base monétaire limitant ainsi
les capacités d’actions des autorités et, par voie de conséquence, les leviers de la politique
monétaire.
L’essor de la monnaie électronique sera, au final, vraisemblablement l’occasion d’une
évolution des formes d’interbancarité et s’inscrit, en tout cas, dans un important contexte de
mutations des technologies bancaires. Outre ces enjeux, il va mobiliser les pouvoirs publics
qui auront la double tâche de veiller à l’intégrité du système de paiement et de ne pas voir
diluer leur capacité de régulation macroéconomique.
En définitive, des monnaies fiduciaires ou scripturales se sont imposées peu à peu comme des
instruments de paiements ayant la même valeur que les monnaies - marchandise. Il est ainsi
possible de donner une première définition, institutionnelle, de la monnaie. Elle est
l’instrument d’échange qui permet l’achat immédiat de tous les biens, services et titres, sans
coûts de transaction, ni coûts de recherche et qui conserve la valeur entre deux échanges.
C’est un phénomène social car elle repose sur la confiance des individus dans les systèmes qui
la produisent.
LES PRINCIPALES FORMES DE MONNAIES

Monnaie Monnaie Monnaie Monnaie


marchandise métallique ou papier ou fiduciaire scripturale
divisionnaire

Montants portés sur


Sucre, blé, sel, métal, Pièces métalliques, en Billets de banque, en les comptes à vue des
bétail, riz, etc. euros : 1c, 2c, 5c, euros : 5€, 10€, 20€, banques
10c, 20c, 50c, 1 €, 2€ 50€, 100€, 200€,
500€

Émise en France Émise par la Banque Transmission par


de France / Banque chèque ou virement
par le Trésor
centrale européenne

DES PIECES METALLIQUES A LA MONNAIE ELECTRONIQUE


Pièces et billets Monnaie scripturale Monnaie électronique
Logique de Décentralisée, Centralisée, arithmétique et Centralisée par interconnexion
circulation mécanique et anonyme personnalisée (transfert électronique et personnalisée
(déplacement physique) d’écritures)
Information Mémoire éteinte avec la Mémoire regroupée dans les La carte est un « bon pour »
associée au transaction mouvements entre comptes certifié : signature par code
paiement La circulation des billets L’irrévocabilité permet la confidentiel
vaut règlement garantie des paiements, mais la La carte à mémoire permet
solvabilité du payeur n’est pas d’identifier la solvabilité du
suivie en temps réel payeur en temps réel
Liquidité et Autoportée par le Dissociée du moyen de paiement Identification du compte à partir
sécurité moyen de paiement (chèques, comptes) de la carte
Sécurité faible (vol) Conservation protégée (sauf vol Conservation protégée par code
de signature) Sécurité collective
Sécurité collective contre
l’insolvabilité des banques
 Les monnaies virtuelles : un exemple, le bitcoin
La plupart des systèmes monétaires non métalliques i.e. ne s’appuyant pas sur un bien
tangible, reposent sur la confiance, accordée par ses utilisateurs, à la monnaie en tant qu’unité
de compte et instrument de paiement, et, dans une moindre mesure, en tant qu’intermédiaire
dans les échanges et réserve de valeur. Cette confiance s’appuie sur un principe de garantie
incarné par une institution centralisée (États, banques centrales ou instances locales dans le
cas des monnaies complémentaires locales).
Avec la généralisation de l’Internet, se sont développé de nombreux systèmes d’échanges
décentralisés offrant la possibilité de s’émanciper des contraintes légales. Des échanges de
films, de morceaux de musique ont pu ainsi s’effectuer de manière privative, sans passer par
un tiers, d’un ordinateur à l’autre (peer to peer). Dès lors, si de telles opérations ont eu lieu,
pourquoi de tels échanges monétaires et échanges ne s’effectueraient pas. Cette situation
ouvre la voie à une large réflexion sur la création de monnaies digitales, non conventionnelles
i.e. indépendantes des autorités centralisées traditionnelles, dont un exemple est le bitcoin.
Le bitcoin (BTC), agrégation de bit, unité de mesure informatique, et de coin, pièce en
anglais, est une monnaie virtuelle qui peut être qualifiée de « virale » (elle se duplique
automatiquement). Elle a été créée, en 2009, en peer-to-peer, par un ou plusieurs
informaticiens se présentant sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto.
L’expression « monnaie virtuelle » désigne une monnaie créée, non pas par un État ou une
union monétaire, mais par un groupe de personnes (physiques ou morales) et destinée à
comptabiliser, sur un support virtuel, les échanges multilatéraux de biens ou des services au
sein de ce groupe. Le système peut être fermé (sans convertibilité avec la monnaie officielle)
ou ouvert (avec possibilité de convertir les fonds virtuels en monnaie officielle).
Le logiciel bitcoin est une application dite open source i.e. son code informatique est public,
son acquisition et son utilisation sont gratuites. La publication du code vise à permettre à tout
à chacun de le vérifier et de le modifier pour l’optimiser et ajouter des fonctionnalités. Son
objectif est de réaliser des échanges directs, anonymes et sûrs grâce à un système de
cryptographie. La complexité, mais aussi l’intérêt de la technologie, est de permettre
d’entériner et de répertorier les transactions réalisées partout dans le monde.
Cette devise serait donc, à la fois, une monnaie et un protocole de paiement. Cependant, si
elle n’a rien d’illégal, elle n’est ni émise, ni tracée par une autorité centrale.
Plus de 1 000 sites Internet légaux proposent déjà différents produits contre des bitcoins.
Toutefois, le courant d’affaires qu’ils génèrent reste, à ce jour, tout à fait marginal en dépit de
la faiblesse des commissions perçues (Pour des transactions classiques, un montant de
0,0001 BTC est généralement considéré comme suffisant soit environ 5 centimes d’euros
tandis que Master Card, Visa, Paypal ou Western Union prélèvent des commissions de 1,5% à
7% selon les pays).
Son essor trouve son fondement théorique notamment dans l’École autrichienne, dont une des
figures emblématiques est Friedrich Hayek17. Les tenants de ce courant de pensée économique
considèrent que la monnaie est bien trop importante et précieuse pour être confiée aux
hommes politiques qui seront, par nature, enclins à abuser de leurs pouvoirs et créeront de
l’inflation, et aux banques, qui octroient et réduisent le volume de crédits de manière
disproportionnée, accentuant ainsi les cycles économiques.

17
The Denationalization of Money, 1976
COMMENT SE DEROULE UNE TRANSACTION SUR LE « RESEAU BITCOIN » ?
Une transaction prend place entre deux adresses
Vous avez acheté des bitcoins sur une plateforme d’échanges. Chaque montant est alors sauvegardé dans une
adresse alphanumérique (suite de lettres et de chiffres de 27 à 34 caractères) sur le réseau bitcoin.
À l’inverse d’une adresse email, vous ne choisissez pas votre adresse bitcoin. Celle-ci est générée
automatiquement par votre porte-monnaie électronique ainsi qu’une clé privée (chaîne de caractères relativement
longue sauvegardée dans votre portefeuille). En règle générale, l’utilisateur ignore tout de cette clé privée qui
joue, en quelque sorte, le rôle de mot de passe lié à cette adresse.
Cette clé est utile lors des transactions. Chaque fois que vous émettez une transaction, le client bitcoin l’utilise
pour signer la transaction afin que le réseau puisse vérifier qu’il s’agit bien du propriétaire de l’adresse qui a
initié le paiement. Comme pour l’envoi d’un email, vous aurez besoin d’une adresse de destination pour réaliser
une transaction. Il vous faudra également spécifier un montant à transférer.
Une transaction en bitcoins ne nécessite pas que l’ordinateur du destinataire soit allumé. Le réseau prendra en
compte la transaction et elle apparaîtra dans le portefeuille du destinataire dès qu’il sera connecté à l’Internet.
Comme pour l’email également, une transaction est définitive : une fois envoyée, on ne peut pas l’annuler.
Une fois la transaction effectuée, elle doit être validée par le réseau
Une transaction en bitcoins, une fois envoyée par l’émetteur, est finale et irréversible. Cependant, pour éviter une
potentielle fraude et notamment l’annulation d’un paiement, il est prudent d’attendre qu’une transaction ait bien
été confirmée par le réseau avant de la considérer comme irréversible.
Si vous vendez un objet et que vous attendez un paiement en bitcoins, la transaction apparaîtra dans votre porte-
monnaie dès que l’acheteur aura validé son paiement. Mais, pour autant, cette transaction ne sera pas encore
confirmée par le réseau. Les transactions reçoivent une confirmation toutes les dix minutes environ.
La première confirmation que reçoit une transaction correspond au moment où elle est incluse dans un nouveau
bloc au sein de la chaîne de bloc. Chaque nouvelle confirmation correspond à un bloc supplémentaire généré
après le bloc en question. En clair, plus votre transaction sera enregistrée profondément dans la chaîne de bloc,
plus celle-ci sera considérée comme sûre et irréversible et plus elle recevra de confirmations. Comme le réseau
produit 1 bloc en moyenne toutes les dix minutes, une transaction reçoit environ 150 confirmations par jour.
Une seule confirmation peut offrir une sécurité suffisante pour de petites transactions. Toutefois, pour des
montants importants, il est prudent d’attendre qu’une transaction ait accumulé au moins 6 confirmations (1 heure
d’attente environ). Chaque nouvelle confirmation diminue exponentiellement le risque de fraude.

La volonté de ses créateurs est de donner naissance à une monnaie échappant au contrôle des
États et donc non soumise à la tentation de la « planche à billets », un mal selon eux à
l’origine de crises telles que celle des subprimes. En d’autres termes, selon une vision
libertaire, les adeptes des bitcoins voient, dans la fin du monopole des banques centrales sur
l’offre de la monnaie et la « débancarisation », l’assurance que les citoyens se réapproprient
leur devise.
Le bitcoin échappe ainsi à toutes les règles monétaires traditionnelles. Sachant qu’il n’est
utilisé que sur l’Internet, sa valeur est fragile puisqu’il n’est relié ni à un décret
gouvernemental, ni à une marchandise susceptible de renforcer la confiance que ses
utilisateurs pourraient avoir en lui. En d’autres termes, il n’a pas de « valeur tangible » mais
uniquement une « valeur d’usage » - celle que veulent bien lui reconnaître les personnes qui
l’utilisent - qui repose exclusivement sur la certitude que d’autres individus / entreprises
accepteront le bitcoin comme moyen de paiement. Cette devise peut donc à tout moment être
concurrencée par une autre monnaie virtuelle qui, si elle obtient la préférence des utilisateurs,
lui ferait alors perdre toute sa valeur.
L’existence d’une base publique de données, consultable à tout moment, permet à l’usager de
suivre les opérations qu’il a réalisées. Cette qualité confère à cette monnaie un statut de porte-
monnaie virtuel et rend la création de faux bitcoins difficile. Toutefois, si les transactions sont
publiques, l’identité des clients reste cryptée. Les facilités offertes par les nouvelles
technologies, associées à l’opacité des monnaies virtuelles, constituent ainsi des risques
majeurs de blanchiment de capitaux (En 2011, Silk Road, un site illégal de vente de drogue et
de trafic d’armes, avait fait du bitcoin sa monnaie de prédilection).
Créé automatiquement, il n’est pas généré par le cycle traditionnel des prêts bancaires. Plus de
11 millions de bitcoins pour une contrevaleur d’environ 6,5 milliards USD circulent, à l’heure
actuelle, dans le monde. Principalement échangé contre des yuans, des dollars et/ou des euros,
il peut également s'échanger contre des cryptomonnaies (Ethereum, Litecoin…) sur une
dizaine de plates-formes mais sous certaines contraintes. Il est actuellement impossible pour
des raisons de sécurité, de régler les transactions à l’aide de cartes de débit / crédit ou via le
système Paypal. Les offreurs de bitcoin ne souhaitent pas, en effet, être payés via ces moyens
de paiement car il est relativement aisé, dans certaines zones géographiques, d'annuler une
opération payée par carte bancaire alors qu'une transaction en bitcoin est définitive.
Cependant, certains sites autorisent leur clientèle à utiliser des moyens de paiement alternatifs
- cartes prépayées, portefeuilles électroniques, espèces, comptes Paypal vérifiés, cartes
bancaires avec vérification 3D Secure, etc.
Jusqu'en novembre 2013, il était habituel de considérer le cours pratiqué sur la plateforme
Mount Gox (Japon) comme représentatif du marché du fait de l’important volume de
transactions s’y effectuant. Sa faillite (février 2014) n’a pas affecté le cours observé sur les
autres sites. Aujourd’hui, www.bitcoinaverage.com, intégrant près d’une quarantaine de
plateformes pour établir un indice pondéré du cours du bitcoin, joue ce rôle de référence.
Mais déjà, il n’est plus besoin d’aller sur l’Internet ou de se rencontrer physiquement pour
s’échanger cette monnaie. Au Canada (Vancouver), les utilisateurs peuvent désormais en
acheter ou en vendre grâce à des distributeurs automatiques ! Pour effectuer une transaction,
un individu qui détient un compte en bitcoins devra s’identifier par le biais d’un contrôle
biométrique. Une fois authentifié, il pourra commander quotidiennement la somme de son
choix, à condition de ne pas dépasser 3 000 dollars canadiens (près de 2 100 euros) pour que
cette opération ne soit pas qualifiée de blanchiment d’argent. Le distributeur (Robocoins) lui
envoie un code QR dans le porte-monnaie électronique de son smartphone et imprime un
ticket.
Sa capitalisation boursière (et non sa masse monétaire, expression jugée impropre aux
cryptomonnaies) se développe au fur et à mesure que son réseau d’utilisateurs s’accroît. Bien
que virtuelle, la génération de bitcoins n’est toutefois pas infinie. Elle se découpe en « blocs »
de 10 minutes environ (laps de temps moyen estimé pour le calcul de la résolution de l’un
d’eux). Durant les 210 000 premiers blocs, 50 bitcoins étaient générés toutes les 10 minutes.
Mais ce cap est désormais passé et ce sont, à présent, 25 bitcoins qui sont engendrés à chaque
résolution de bloc. Quand les 210 000 blocs alloués à cette phase seront épuisés (environ
quatre ans), on passera à 12,5, puis à 6,25, puis à 3,125, et ainsi de suite. Sachant qu'un
bitcoin est divisible jusqu’à 8 chiffres après la virgule, les dernières phases de génération
seront infinitésimales. Ce ralentissement arrivera à son apogée lorsque 21 millions de signes
seront émis. A partir de ce point, qui sera atteint aux alentours de 2035-2040, plus aucun
denier virtuel de ce type ne pourra être produit. Sa mise en circulation suit, de ce fait, une
courbe de croissance dégressive.
Ainsi, cette monnaie présente-t-elle une caractéristique inédite : elle est intrinsèquement
déflationniste, se distinguant de la sorte de ses consœurs : un agrégat monétaire non conçu
pour s’adapter à la production de richesse et un processus de création induisant une baisse du
prix des biens et services libellés en bitcoins : une déflation permanente !
De surcroît, contrairement aux monnaies traditionnelles dont la valeur décroît notamment
avec l’inflation, le prix de cette devise devrait augmenter au fur et à mesure de la
généralisation de son utilisation. Ce signe monétaire serait-il alors une réserve de valeur ? Le
bitcoin, qui valait moins d’1/1000ème USD à sa création, s’échangeait à mi-juillet 2016, près
de 650 USD ! Mais tout comme l’or, son cours tend à progresser dans les périodes de forte
tension sur les marchés.
Cependant, en dépit de sa progression globale sur le long terme, cette monnaie apparaît
malgré tout intrinsèquement instable et sujette à toute une série de pathologies récurrentes
(forte variation dans sa liquidité, extrême volatilité de son cours : 175% par an entre juillet
2010 et juillet 2013 ; emballements spéculatifs : rendement annuel moyen de près de 400%,
effondrement du cours début 2015,…). Est-ce un effet de rareté, prompt à nourrir la
spéculation ? À la différence d’un marché conventionnel, où une banque centrale n’hésite pas
à intervenir pour défendre une monnaie et limiter sa volatilité, le bitcoin est laissé libre à la
spéculation.
Au total, la perte de valeur entre son cours le plus haut et celui d’aujourd’hui est d’environ
80%, éliminant ainsi la vocation du bitcoin à être une monnaie de réserve substitutive, parfois
alléguée lorsque son cours était proche de ses sommets. Par ailleurs, la très faible utilisation
comme moyen de paiement de transactions commerciales licites en fait un instrument de
spéculation et de contournement des lois qu’une monnaie de plein exercice.
Mais, dès l’origine, de nombreux risques techniques ont été invoqués à l’encontre du bitcoin :
- risque lié à l’irréversibilité des transactions
- risques opérationnels liés au logiciel et à l’environnement informatique (fichier wallet
mal protégé, banque passante requise pour charger les blocs, etc.)
- risque de change (sa relative jeunesse l’expose à de fortes fluctuations de cours)
- risque technologique (il est souvent avancé que le réseau ne pourrait pas monter en
puissance pour traiter toutes les transactions en mode peer to peer).
Au plan économique, il a fait également l’objet de critiques :
- une « bulle » bien réelle pour cette devise virtuelle pourrait se produire ! La difficulté de
lui assigner une « valeur fondamentale » comme pour toute monnaie traditionnelle, fait
d’elle le terreau du boursicotage et autres manipulations comme en atteste son parcours
heurté.
- selon Dorit Ron et Ami Shamir, chercheurs de l’Institut Weizman (Israël), le livre public
des bitcoins montre qu’à fin 2012, 78% des unités étaient restées bloquées sur les
comptes (thésaurisation). Prenons garde à spéculer car l’observation de l’évolution du
cours de cette devise semble favoriser les premiers acquéreurs de la monnaie (early
adopters). Cette situation, si elle était avérée, pourrait laisser penser à un schéma de
Ponzi (montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des
premiers clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants) voire à
une « tulipomanie » (nom donné à « crise de la tulipe », période de très forte hausse
suivie de l'effondrement du cours de l’oignon de tulipe aux Pays-Bas au milieu du
XVIIème siècle. Au plus fort de cet engouement, en février 1637, des promesses de vente
pour un bulbe se négociaient pour un montant égal à dix fois le salaire annuel d’un artisan
spécialisé. Certains historiens ont qualifié cette crise de « première bulle spéculative » de
l’histoire économique).
- l’engouement pour cette monnaie pourrait d’une part, avoir un impact sur la stabilité des
prix et sur celle des systèmes financiers et d’autre part, perturber la politique monétaire
(vitesse et quantité de monnaie en circulation) et, in fine, l’efficacité et la transmission de
celle-ci.
- si les monnaies virtuelles se substituent aux réelles, le bilan de la banque centrale
diminuerait et les décisions qu’elle aurait à prendre n’auraient pas l’impact attendu. Dans
les pays où de telles devises ont pris un poids non négligeable, les pouvoirs publics ont
rapidement réagi. Ainsi, la société des télécoms chinoise Tencent avait lancé pour le
compte de sa clientèle sa propre monnaie, Q-coin, dont le taux de change était fixé par
rapport au yuan renminbi. Devant le succès de cette initiative, les autorités chinoises ont
décidé d’y mettre unilatéralement fin, en juin 2009, arguant de son possible impact sur le
système financier réel. Au total, « si elles ne semblent pas encore, à ce jour, menacer la
stabilité financière compte tenu de leurs liens limités avec l’économie réelle, de leurs
faibles volumes, leur développement doit être attentivement surveillé18 ».

 Le bitcoin, une monnaie d’avenir ?


La crise financière de 2007 et celle européenne des dettes souveraines de 2010 ont fragilisé
les monnaies traditionnelles. Les espèces virtuelles sont devenues alors une alternative
crédible : l’Allemagne a reconnu le bitcoin et certains sites commerciaux de l’Internet
l’acceptent désormais. Ainsi, s’il a fallu plusieurs siècles et maintes déroutes financières pour
chasser le métal, les billets constitueraient, de nos jours, un support archaïque dont on pourrait
bien se passer si la monnaie faisait, à son tour, le grand saut numérique. C’est pourquoi,
l’inquiétude grandit au sein des pouvoirs publics, des autorités monétaires et des organismes
financiers. Les États voient leur échapper un pan de leur souveraineté monétaire, les banques
centrales n’ont aucun contrôle sur cette monnaie et les établissements bancaires ont affaire à
un concurrent sérieux.
- La Banque centrale de Thaïlande a interdit, fin juillet 2013, tous les échanges en bitcoins
dans son pays.
- À la fin de la même année, la banque centrale chinoise interdit aux établissements
financiers et banques locaux toute transaction en bitcoin (Cette mesure a initié le début
d’un krach sur la monnaie virtuelle). Il n’existe, par contre aucune restriction pour la
détention et l’échange de bitcoins entre particuliers.
- Début 2014, bien que la détention du bitcoin soit autorisée, la vente ou l’utilisation de
bitcoins pour acheter des biens est considérée, en pratique, comme illégale en Russie au
motif que la seule monnaie officielle est le rouble et qu’aucune autre monnaie ne peut
être légalement utilisée dans le pays.
- Les États-Unis, pour leur part, considèrent que les monnaies virtuelles n’ont pas de valeur
légale mais en tant qu’actifs, sont susceptibles d’être soumises à l’impôt.

- En Union européenne, l’Autorité Bancaire Européenne estime que les bitcoins sont des
« représentations virtuelles » de monnaie. En octobre 2015, la Cour de Justice de l’Union
européenne a confirmé que les opérations d’échanges de bitcoins contre devises
conventionnelles étaient exonérées de TVA au motif que le bitcoin était une « devise
virtuelle » et non comme un bien et ou service.
Ainsi, les monnaies virtuelles ne posent pas de problèmes en tant que moyen de paiement car
elles devraient se développer avec l’essor des smartphones. En fait, leur légalité, leur contrôle
et leur fiscalisation alarment car elles peuvent être moteurs de changements
comportementaux.
En définitive, s’il n’existe pas de définition juridique de la monnaie, les économistes, en
revanche, définissent la monnaie comme tout ce qui est généralement accepté en paiement de
18
Virtual Currency Schemes, Banque centrale européenne, Octobre 2012.
biens / services ou pour le remboursement de dettes. Quelle que soit sa forme (coquillage,
cailloux, or, papier,…), elle a trois fonctions principales dans toutes les économies : elle est
intermédiaire des échanges, unité de compte et réserve de valeur. Pour autant, peut-on
qualifier le bitcoin de monnaie voire de monnaie locale virtuelle ? En effet, il semble répondre
aux caractéristiques économiques de la monnaie :
- unité de compte : il permet de mesurer la valeur d’un bien qui fait l’objet d’une
transaction.
- instrument d’échange : il permet d’acheter un grand nombre de biens ou de services sur
l’Internet ou dans des commerces de proximité.
- instrument d’épargne : il peut être stocké dans des portes-monnaies électroniques ou dans
des coffres-forts électroniques sur serveur puis utilisés pour des achats ou revendus
contre des euros ou une autre devise selon un prix qui fluctue en fonction de l’offre et de
la demande.
Mais même s’il semble répondre aux caractéristiques économiques de la monnaie, cela ne
signifie pas pour autant qu’il sera obligatoirement accepté comme instrument monétaire par
tous les agents économiques i.e. être considéré comme une monnaie ayant cours légal.

Le cours légal consiste en l’obligation légale d’accepter un instrument monétaire en paiement ou en


remboursement de dettes. Plus précisément, il s’agit de l’obligation légale faite aux agents économiques
d’accepter, comme moyen d’éteindre les dettes et les créances, les billets et les pièces qui sont dotés du cours
légal, selon la valeur pour laquelle ils ont cours. En droit français, le cours légal est définit par la négative : le
refus d’accepter en paiement les billets et les pièces ayant cours légal est pénalement sanctionné (cf. R. 642-3 du
Code pénal).
L’euro est la seule monnaie à pouvoir être utilisée par l’ensemble des Français. Elle est simultanément
instrument de compte, instrument d’échange et instrument d’épargne. Garantie par la Banque de France et
l’Eurosystème, l’euro est la seule monnaie à avoir cours légal en France.

Néanmoins, s’il semble que les acheteurs aient de moins en moins de raisons d’avoir recours à
l’argent liquide du fait de multiples innovations technologiques, sommes-nous prêts à devenir
une société sans numéraire ? En tout état de cause, est-ce la mort annoncée des billets de
banque ? Si les espèces est aujourd’hui une solution coûteuse pour les banques et pour les
entreprises qui gèrent des opérations financières, celles-ci auront des difficultés à convaincre
les consommateurs de renoncer aux billets et aux pièces, en particulier les personnes âgées. Si
la technologie est en place pour une vie sans monnaie, la société a un long chemin à parcourir
avant que tous les paiements soient effectués en monnaie numérique.
Dès lors, quelle pourrait être la part de l’argent liquide dans les économies modernes ? La
réponse relève de pratiques culturelles, comme le suggère la comparaison entre Français et
Allemands, ces derniers étant traditionnellement plus attachés aux paiements en liquide. Il
faudrait sans doute de fortes incitations voire des taxes pour rendre plus onéreuse l’utilisation
d’espèces. De surcroît, l’économie informelle est le segment de l’économie qui utilise le plus
de monnaie liquide. Enfin, une grande partie des monnaies internationales circulent hors de
leur zone de prédilection : près de 60% des dollars circulent hors des États-Unis, 25% des
euros circulent en dehors de la zone euro. Au final, il semble qu’à moyen terme, nous ne
dirigeons pas vers la fin de l’argent liquide.
D – Les monnaies complémentaires
Outre les monnaies « parallèles 19», la seconde moitié du XXème siècle a donné à voir un grand
nombre de cas de monnaies complémentaires20. En France, il y a près d’une trentaine en
circulation et autant en projet21.
Mais ces monnaies locales complémentaires (MLC) ne sont pas l’apanage de la France. De
nos jours, la mondialisation leur donne une nouvelle actualité, plus particulièrement depuis la
dernière crise financière. Rien qu’en Europe, il en existe près d’une soixantaine en
Allemagne, environ 70 en Espagne. En Grèce, leur nombre a connu, une croissance rapide
durant la période 2008-2014, pour atteindre un pic de 70, dont une quarantaine sont encore
actives.
Notons également l’existence d’une autre forme de MLC : les monnaies matières premières.
Par exemple, le système WAT, créé en 2000 au Japon, consiste à valoriser l'énergie propre
produite par des coopératives citoyennes grâce à des éoliennes et des panneaux solaires. Le
wat correspond à 1 kilowattheure d'énergie et vaut entre 75 et 100 yens (environ 60 à
90 centimes d'euros). Il circule sur un papier, billet ou ticket, le plus souvent imprimé par des
entreprises qui utilisent ce support pour faire de la publicité à l’endos. Autre exemple, le leaf,
créé par des agriculteurs de la région de Kobé, est une monnaie convertible en un panier de
produits agricoles. Ces deux monnaies, qui n’ont pas de parité fixe avec le yen, ont un cours
qui évolue dans le temps.
Au final, il y en aurait, aujourd’hui, plus de 5 000 à travers le monde.

 La monnaie locale est une monnaie privée et risquée


Au niveau local, la devise est un instrument de compte et d’échange visant à créer une
convergence d’intérêts entre entreprises, associations, collectivités locales et consommateurs-
citoyens sur un territoire donné. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une véritable monnaie, elle
concentre et dynamise ainsi les échanges à l’intérieur d’une communauté d’usagers
suffisamment vaste, entre des acteurs suffisamment nombreux et complémentaires pour que
des échanges aient lieu.
Lorsque le dessein n’est pas jugé illégal22, les utilisateurs règlent leurs opérations auprès des
commerces qui l’acceptent au moyen de bons d’échange (ils sont aussi légalement tenus
d’accepter parallèlement les billets et pièces en euros qui ont cours légal). Pour autant, la
monnaie locale n’est pas une monnaie, au sens traditionnel du terme. En effet, n’ayant pas
cours légal, elle peut être refusée à tout instant lors d’un échange (absence de pouvoir
libératoire) et ce refus n’est pas sanctionné par l’Etat. Sa création ne va donc pas à l’encontre
du monopole d’émission de la banque centrale. Son acceptation n’étant pas obligatoire, elle
n’est donc pas un instrument d’échange parfait.

19
Dollarisation en Amérique latine et en Europe centrale et orientale, miles pour les compagnies de transport
aérien, bons d’achats depuis les services de restauration jusqu’aux services culturels et aux services de proximité,
émergence de programmes de fidélisation de la clientèle, naissance et développement de systèmes d’échange
local, fausse monnaie...
20
Les monnaies complémentaires sont « des réseaux monétaires qui opèrent en complément de la devise
nationale, que ce soit au niveau local, régional ou national » (www.complementarycurrency.org).
21
La revue de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n°14, Septembre-Octobre 2013.
22
Le seul cas où une monnaie locale tomberait sous le coup du Code pénal est le cas du délit d’imitation
(article 442-6) lorsque ses supports présentent avec les billets en euros une ressemblance trop forte.
 Son utilisation répond à des motifs très divers
Selon une enquête menée, en France, en 2016, par l’Institut Veblen et le mensuel Alternatives
Economiques (Dossier Spécial, mai 2016) auprès de 41 collectifs de monnaies locales et
complémentaires, les motivations et les difficultés rencontrées lors du lancement de tels
signes monétaires sont de diverses natures (plusieurs réponses possibles) :

Objectifs poursuivis le plus fréquemment Obstacles et freins les plus habituels


Pourcentage Pourcentage
Réponses Réponses
des réponses des réponses
Résilience économique 78% Attentisme de la population 44%
Lien social 61% Implication des professionnels 19%
Environnement 51% Manque de temps et de bénévoles 12%
Démocratie 49% Ressources financières 12%
Stabilité financière 49%

Leur utilisation peut aussi répondre à une logique purement commerciale dans une stratégie
de fidélisation de la clientèle (s’miles, cartes privatives par exemple) et parvenir ainsi à une
situation de « concurrence monopolistique ».
Lorsque les entreprises échangent entre elles, celles-ci peuvent avoir intérêt à se passer de
monnaie officielle, à l’instar du barter et du wir (pour wirtschaftring : cercle économique), à
la fois, pour réduire les sorties d’espèces liquides et pour resserrer les liens commerciaux au
sein d’un groupe d’entreprises.

La banque WIR est un organisme sans but lucratif suisse. Outre son siège (Bâle), elle possède 6 succursales
pour environ 200 salariés. Le total de son bilan atteignait, en 2015, 5,2 milliards de francs suisses. Elle opère,
tant en franc suisse (CHF), qu’avec sa propre monnaie, le franc wir (CHW), et le wir euro (CHE), « devise inter-
entreprises » créée en 1934, afin de faciliter les échanges économiques entre ses membres. En adhérant au
« réseau wir », les partenaires s’engagent à figurer dans l’« annuaire wir » et à accepter les paiements en wir
selon un pourcentage choisi (30, 50 ou 100%). Depuis l’an 2000, elle offre ses services à une clientèle privée.
Selon le rapport de gestion 2014, elle compterait près de 60 000 PME-PMI clientes. À l’observation, le franc wir
apparaît comme une devise contracyclique, ses échanges augmentant en période de récession.
Notons un fait rare. La Suisse, en raison du wir, se caractérise par une triple présence dans la nomenclature ISO
4217 (CHF, CHW et CHE) laquelle codifie les trois lettres qui désignent internationalement les devises tandis
que pour la plupart des pays ils n’en ont qu’une du fait de l’unicité de leur monnaie. Le wir représente 1% de
l’agrégat suisse M1 soit 5,5 milliards de francs suisses.
Les formes premières du barter auraient circulé 6 000 ans avant J.C en Mésopotamie, en Phénicie et à Rome. De
nos jours, les agences de barter constituent une alternative aux opérations monétaires et aux établissements
bancaires en remplissant un rôle d’intermédiaire entre les entreprises. Ces structures aident, en effet, les firmes
en facilitant leurs transactions (vente de services, produits ou stocks non écoulés) afin que celles-ci puissent
notamment financer leurs investissements et / ou leurs dépenses courantes. Ainsi, en France, une entreprise peut
s’inscrire sur le réseau de France Barter, créée en 2014, pour vendre ses marchandises (Au plan comptable, la
vente est enregistrée TVA incluse). Son « compte France Barter » est crédité de barter euros dont elle peut
librement jouir auprès des autres entreprises membres.
Au niveau mondial, le volume annuel échangé est relativement stable (de l’ordre de 16 milliards USD).
L’International Reciprocal Trade Association (IRTA) (www.irta.org) distingue : le retail barter destiné aux PME
et TPE (20% des transactions), le corporate barter dédié aux ETI et grandes entreprises (30%) et le countertrade
ou counterpurchase qui est un système de compensation entre États (50%).

Ainsi contribuent-elles à ce que les revenus engendrés localement soient dépensés sur place
(Il suffit de l’accepter pour faire partie de la communauté de paiements). Elles peuvent avoir,
de ce fait, une vocation sociale en relocalisant l’économie sur un territoire et en favorisant la
cohésion communautaire via les échanges et activités entre les acteurs locaux. Sous leur
forme « fondante » (elles perdent de leur valeur après un certain temps en cas de non-
utilisation), elles circulent plus vite et dynamisent alors l’économie régionale.

 Elle suscite la méfiance des pouvoirs publics dont elle questionne le pouvoir
monétaire.
Parmi les inspirations des créateurs de monnaie privées, se trouve, parfois, une idéologie,
notamment aux États-Unis, marqués par l’histoire du free-banking : jusqu’au début du
XXème siècle, le pouvoir de création monétaire des banques américaines échappait à tout
contrôle de la puissance publique. Cet extrême morcellement a montré ses limites avec la
récurrence de crises financières qui a conduit progressivement à l’émergence d’une banque
centrale (Federal Reserve, 1913). Dès lors qu’une monnaie privée circule dans l’économie et
est acceptée par d’autres banques, la faillite de son émetteur peut déstabiliser tout le système
des paiements.
Les monnaies locales, émises sous trois formes : papier (vignettes, bons, souches exprimant
l’unité de compte choisie), scripturale ou électronique, soulève de nombreuses problématiques
notamment juridiques.
Tout d’abord, lorsque les supports-papier utilisés sont remboursables, fractionnables et
donnent lieu à un rendu de monnaie, le risque de contrefaçon et d’imitation de cette monnaie
est élevé car elle ne bénéficie pas des nombreux signes de sécurité qui protègent les billets (la
lutte contre la contrefaçon est à la charge des initiateurs du projet).
Autre interrogation, celle de son articulation avec le système de paiement officiel. Sa
convertibilité en euro n’est pas assurée car elle dépend du bon vouloir de l’émetteur. De
surcroît, en l’absence d’un Institut d’émission, sa valeur n’est jamais garantie : elle n’est donc
pas un instrument d’épargne ou une réserve de valeur « certaine ».
Enfin, la solidarité que les monnaies locales instaurent entre leurs membres a pour effet de les
soustraire aux prélèvements obligatoires captés sur les flux monétaires et au financement de la
solidarité nationale. Le problème s’est posé, en France, dans les années 1990, à propos des
systèmes d’échange locaux (SEL) mis en cause devant les tribunaux pour « travail au noir ».
La justice n’a pas condamné les « Selistes » considérant qu’il s’agissait d’échanges mineurs,
qui n’auraient pu avoir lieu dans le cadre du marché. S’il venait à prendre de l’ampleur, un
compromis fiscal s’imposerait.
Toutefois, bien qu’il ne s’agisse pas de monnaies à proprement parler, elle est un moyen de
paiement encadré par la réglementation bancaire et financière. En France, l’Autorité de
Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) doit apprécier, au cas par cas, selon les
caractéristiques spécifiques de chaque projet, si l’émission d’une monnaie locale relève ou
non de la qualification d’opérations de mise à disposition de la clientèle ou de gestion des
moyens de paiement. Le cas échéant, ces activités supposent un agrément de l’ACPR qui
diffère selon la qualification du support envisagé.
Au final, si la confidentialité du phénomène laisse penser que ses conséquences sur la
circulation fiduciaire sont limitées, leur présence, leur présence peut réduire le rôle de « fluide
de l’échange » de la monnaie officielle. Par ailleurs, si la Banque de France n’a jamais
apporté son soutien à de telles initiatives, elle ne s’y oppose pas non plus au motif que ce
phénomène a peu d’impact sur la circulation fiduciaire d’une part, en raison du caractère local
et limité de ces expériences qui ne représentent que de faibles montants en France, sans
commune mesure avec ce qui a pu être observé à l’étranger (cf. le wir et le chiemgauer) et
d’autre part, car l’émission de ces nouveaux supports se fait par échange initial avec des
euros, ce qui induit qu’il n’y a pas ou peu de modification sur le volume fiduciaire en
circulation.

En définitive, la monnaie apparaît ainsi aujourd’hui comme un système de paiement articulé


autour d’instruments de qualité diverse. Elle interpelle, de ce fait, les autorités monétaires sur
les conditions d’exercice de leur souveraineté monétaire puisque la monnaie d’un État
souverain doit être unique, exclusive et lui être propre.
Par ailleurs, l’analyse des fonctions de la monnaie fournit une bonne approche de la
spécificité monétaire mais elle peut apparaître incomplète dans la mesure où elle ne précise
pas la nature économique de ce médium. En d’autres termes, la monnaie est-elle ou n’est-elle
pas une richesse ? Pour développer l’analyse monétaire, il est donc apparu nécessaire de
compléter l’étude des fonctions de la monnaie par ce qu’elle est en tant que phénomène
économique.
L’approche conceptuelle recouvre trois acceptions de la monnaie qui en font soit un bien, soit
un actif, soit une institution. Cette démarche est toutefois insuffisante pour définir, à elle
seule, la monnaie sans référence à ses fonctions. Elle permet néanmoins d’aborder de
nouveaux aspects qui donnent une vision plus complète de la nature de la monnaie.
Cependant, les approches fonctionnelle et conceptuelle de la monnaie procèdent à partir de
réflexions a priori qui donnent une signification économique au phénomène monétaire. Elles
peuvent être utilement complétées par une approche plus concrète, qualifiée de formelle dans
la mesure où il s’agit de repérer notamment les formes matérielles de la monnaie.
Ainsi, la monnaie est une unité de mesure commune grâce à laquelle les prix individuels des
différents biens et services ainsi que les transactions sont évalués dans un langage commun à
tous les membres de la communauté de paiements. En ce sens, elle a un pouvoir d’achat
général et indéterminé. Elle possède deux fonctions principales (unité de compte et instrument
de paiement) et différentes qualités permettant de les assurer (intermédiaire dans les échanges
et réserve de valeur).
En outre, dans un monde dominé par l’incertitude, la monnaie est le bien dont la valeur
relative est la plus stable (elle présente une supériorité absolue sur tous les autres biens pour
conserver le pouvoir d’achat en minimisant les risques). C’est la raison pour laquelle, à ce
jour, elle est toujours acceptée dans l’échange contre n’importe quel bien.

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