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CHAPITRE III CLIVAGE - BLASTULATION - GASTRULATION

3. 1. Généralités

La fécondation mène à la constitution d'un nouvel organisme mais active aussi l'ovule
qui, devenu zygote, entame immédiatement sa première mitose. L'embryon passe ainsi à l'état
pluricellulaire. Les premières mitoses se succèdent à l'intérieur de la zone pellucide, sans
modification significative de la taille de l'embryon. Les cellules filles ou blastomères
deviennent ainsi de plus en plus petites et voient leur rapport nucléo-cytoplasmique
augmenter. Elles demeurent cependant indépendantes les unes des autres. C'est la phase de
clivage ou segmentation (figure 3.1). Dès la deuxième division (passage du stade 2 cellules
au stade 4 cellules), les divisions sont asynchrones. Chez les vertébrés, la morphologie de la
segmentation varie suivant le type d'ovule (cf. chap. II).

Chez les mammifères euthériens, le stade suivant est caractérisé par la mise en place
de jonctions intercellulaires qui solidarisent les blastomères et modifient la morphologie de
l'embryon pour le faire ressembler à une mûre : c'est le stade morula (figure 3.1).

Les divisions se poursuivent et, au sein de ce massif compact de cellules, apparaît une
cavité, le blastocèle (ou blastocœle). Cette cavité caractérise le stade blastula ou blastocyste.
L'embryon est alors constitué d'une assise externe de cellules épithélioïdes qui limitent la
cavité, le trophoblaste ou trophectoderme, auquel est appendu un petit massif de cellules non
différenciées, la masse cellulaire interne ou bouton embryonnaire (figure 3.2). Le stade
blastocyste est donc le siège du premier processus de différenciation cellulaire. Le
trophectoderme peut être considéré comme la première annexe extraembryonnaire et tiendra
un rôle important dans l'implantation. La masse cellulaire interne fournira la totalité du fœtus
et l'essentiel des annexes extraembryonnaires. Sous la pression du liquide blastocoelique et
de la multiplication cellulaire, le blastocyste commence d'augmenter en taille, entraînant
d'abords l'amincissement de la zone pellucide puis sa rupture.

La masse cellulaire interne est ensuite le siège de remaniements morphologiques et


d'une différenciation cellulaire menant à la mise en place des trois feuillets primitifs :
l'ectoderme, le mésoderme et l'endoderme. Cette phase est dénommée gastrulation. La
fonction de ces trois feuillets peut grossièrement se schématiser comme suit :

- Ectoderme : protection et réception des stimuli

- Endoderme : digestion et respiration

- Mésoderme : support, mouvement, excrétion et reproduction

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3.2 Clivage et gastrulation chez les oiseaux

3.2.1 Le clivage

L'œuf macrolécithe de l'oiseau présente une segmentation méroblastique et


télolécithe. Les abondantes réserves de vitellus seront utilisées durant l'incubation et les
premiers jours de la vie aérienne (cette caractéristique permet la commercialisation des
poussins "day one" sans avoir besoin de les nourrir ni de les abreuver).

La fécondation de l'ovule n'est possible que durant les 15 minutes qui suivent
l'ovulation. A l'issue de la syngamie, le noyau zygotique se trouve en périphérie de l'énorme
cellule contenant le vitellus. Il est entouré d'une couche de vitellus blanc, au sommet de la
latébra. Trois à cinq heures après la fécondation, un premier sillon de clivage apparaît à la
surface du futur blastodisque, suivi 20 minutes plus tard d'un second sillon disposé à angle
droit (figure 3.3). Si la caryocinèse est complète, la cytocinèse reste inachevée, donnant au
blastodisque en formation l'aspect d'un syncitium. Des sillons radiaux se mettent en place,
isolant progressivement les premiers blastomères qui maintiennent cependant un contact avec
le vitellus sous-jacent. Un plan de clivage horizontal finit par les isoler complètement (figure
3.4). Le blastodisque est alors constitué d'une zone centrale de blastomères indépendants de
petite taille, le blastoderme, lui-même entouré de blastomères plus grands et incomplètement
individualisés. Les mitoses des blastomères centraux aboutissent à la mise en place de
plusieurs assises cellulaires et à l'apparition d'une cavité sous germinale par soulèvement du
blastoderme. L'embryon est alors qualifié de blastula primaire. Ainsi, la croissance du
blastoderme se fait par division des cellules centrales et par addition de blastomères
marginaux. Les bords du blastodisque conservent un aspect hyalin du fait de leur nature
syncitiale.

Au sein du blastoderme, les blastomères centraux se séparent en deux sous-


populations de cellules de taille différente, initialement mélangées. Les grosses cellules
riches en vitellus s'isolent des plus petites pour former le toit de la cavité sous-germinale et
s'accumulent préférentiellement à un endroit du blastodisque (figure 3.4). Cet endroit marque
la future extrémité caudale de l'embryon. De ce massif, des cellules migrent pour recouvrir le
plancher de la cavité sous-germinale. Elles sont rejointes par des cellules qui se détachent du
plafond. L'ensemble finit par former une assise cellulaire recouvrant complètement le
plancher de la cavité : l'hypoblaste. Les cellules du plafond de la cavité constituent
l'épiblaste. La cavité est maintenant complètement délimitée par des cellules et prend le nom
de cavité blastocoelique. L'embryon est arrivé au stade de blastula secondaire (figure 3.4).

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Vu du dessus, la partie centrale du blastoderme a un aspect transparent de par la
présence de la cavité blastocoelique et prend le nom d'aire pellucide, tandis que la partie
périphérique est appelée aire opaque. L'embryon se développe uniquement à partir du disque
embryonnaire constitué de la partie centrale du blastoderme. Le reste du blastoderme formera
les organes extraembryonnaires.

3.2.2. Etablissement du plan de symétrie bilatérale

La formation du massif de cellules riches en vitellus se fait suivant le sens de rotation


de l'oeuf au cours de son trajet dans le segment inférieur de l'oviducte de la poule (ou la
cane). Cette rotation, responsable de la torsion des chalazes, se fait toujours dans le même
sens. Il en résulte que, si l’œuf progresse le petit bout en avant (90% des cas), l'orientation de
l'embryon est dite conforme à la loi de Von Baer, c’est-à-dire qu'en plaçant l’œuf
horizontalement, le blastodisque vers le haut et le petit bout à droite; l'axe longitudinal de
l'embryon est perpendiculaire au grand axe de la coquille et le pôle céphalique opposé à
l'observateur. Si l'oeuf transite le gros bout en avant (10 % des cas), la tête de l'embryon se
trouve face à l'observateur.

La définition de ce premier plan de symétrie crânio-caudale et la position relative de


l'épiblaste (en surface) et de l'hypoblaste (en profondeur) déterminent les deux autres plans
(dorso-ventral et bilatéral (gauche - droite)). Vingt-quatre heures après la fécondation, les
trois axes fondamentaux sont définis.

3.2.3. Chronologie de l'embryogenèse du poulet.

La période de segmentation couvre les 24 heures séparant la fécondation de


l'ovoposition (ou ponte). La gastrulation ne débute qu'après le ponte.

3.2.4. La gastrulation

3.2.4.1. Apparition de la ligne primitive et du nœud de Hensen

Le disque embryonnaire s'allonge suivant l'axe longitudinal. Les blastomères de


l'épiblaste convergent vers la région médio-caudale de l'aire pellucide pour y former un
bourrelet médian, premier stade de la ligne primitive. Cette ligne primitive s'allonge vers le
pôle craniâl au fur et à mesure de l'accumulation des cellules à sa base. Elle marque
l'emplacement du futur névraxe (SNC et moelle épinière). L'extrémité craniâle de cette ligne
est légèrement renflée et porte le nom de nœud primitif ou nœud de Hensen (figure 3.5).

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3.2.4.2. Formation de l'endoderme et du mésoderme

Au centre de la ligne primitive se creuse un sillon par invagination des cellules


épiblatiques : la gouttière primitive. Les cellules de l'épiblaste qui s'invaginent se
différencient en cellules mésodermiques et rejoignent la cavité blastocoelique pour constituer
une assise cellulaire séparant l'épiblaste de l'hypoblaste. Cette nouvelle assise constitue le
mésoderme. Ce feuillet mésodermique s'étale latéralement et antérieurement pour entourer
l'extrémité craniâle de la ligne primitive (figures 3.5 et 3.6). La cavité blastocoelique
disparaît progressivement.

Les cellules mésodermiques qui rejoignent l'hypoblaste le long de la ligne primitive


s'insinuent entre les cellules hypoblastiques et les déplacent vers la périphérie de la cavité
blastocoelique. Elles se différencient en endoderme embryonnaire. Les cellules
hypoblastiques refoulées deviennent l'endoderme extraembryonnaire (figure 3.7).

3.2.4.3. Régression de la ligne primitive et formation de la notochorde

La ligne primitive cesse de s'allonger par son extrémité craniâle car les cellules
épiblastiques qui s'invaginent pour former le mésoderme n'y sont plus remplacées. Le disque
embryonnaire, lui, continue de s'étendre si bien que la ligne primitive paraît régresser et le
nœud de Hensen recule.

Au cours de ce mouvement, les cellules mésodermiques du nœud de Hensen élaborent,


sous l'épiblaste, un axe mésodermique médian qui s'étire par le recul du nœud et l'allongement
du disque embryonnaire: la notochorde (figure 3.6).

La gastrulation aviaire commence quelques heures après l'ovoposition, soit 24 à 30


heures après la ponte ovulaire. La ligne primitive atteint sa longueur maximale (2 mm) 18
heures plus tard et disparaît après 2,5 jours d'incubation.

Lorsque la ligne primitive a complètement régressé et qu'aucune cellule


mésodermique n'est plus produite par l'épiblaste, la gastrulation est terminée. Les cellules
épiblastiques restées en surface forment l'ectoderme.

Les marges latérales du mésoderme constituent le mésoderme latéral. Elles s'étendent


latéralement et rostralement pour se rejoindre sur la ligne médiane en avant de l'embryon. Ce
mésoderme latéral se sépare en deux feuillets : le feuillet pariétal ou somatique et le feuillet
viscéral ou splanchnique. Ces deux feuillets délimitent deux nouvelles cavités qui
fusionneront par la suite pour constituer le coelome. Le mésoderme latéral participe à la
formation des annexes extraembryonnaires ainsi qu'au système musculaire et cutané du
fœtus. Les dernières cellules mésodermiques produites demeurent sous l'ectoderme, près de
l'axe médian et forment le mésoderme paraxial qui est à l'origine des somites (musculature,
squelette, derme). Chaque somite sera relié au mésoderme latéral par un étroit pont
mésodermique : le néphrotome. Ce dernier est à l'origine des reins et des gonades.

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3.3. Le clivage et la gastrulation chez les mammifères

3.3.1. le clivage

L'ovule de l'embryon de mammifère euthérien est alécithe (ou oligolécithe) et la segmentation


de l'embryon est holoblastique et isolécithe. L'entièreté du cytoplasme est divisée et les
blastomères sont tous de taille comparable (figure 3.1).

Le clivage se déroule dans l'oviducte (ou trompe de Fallope) et la taille des


blastomères diminue au fur et à mesure des mitoses successives puisque le volume total de
l'embryon ne se modifie pas. Les premiers clivages sont sous la dépendance des ARNm
maternels stockés durant la maturation de l'ovocyte. Ce n'est qu'au stade 8-16 cellules chez
les bovins que le génome embryonnaire prend le contrôle du développement. Cette transition
est associée à un arrêt momentané des divisions, à la disparition des transcrits maternels et à
l'apparition des transcrits embryonnaires. Le’”réveil" du génome embryonnaire se produit au
stade 2 cellules chez la souris, 4-8 cellules chez le lapin et 8-16 cellules dans l'espèce
humaine.

Les caractéristiques générales du cycle cellulaire(1) s'appliquent au clivage


embryonnaire, mais la durée des différentes phases change au cours des divisions
successives. Chez les bovins et les ovins, le premier cycle est long, les suivants sont courts
jusqu'au moment de la transition du contrôle maternel au contrôle embryonnaire, après quoi
les cycles redeviennent courts. Ce sont surtout les phases G1 et G2 dont les durées sont
modulées.

(1) Le cycle cellulaire de toutes les cellules en croissance et en division a une durée de 10 à 20 heures et
comprend deux étapes (figure 3.8) :

a) la division et la séparation des cellules filles (phase M et cytocinèse)

b) l'interphase ou période de croissance divisée elle même en périodes G0 et G1, phase S et période G2.

La période G0, quand elle existe, correspond à un état de quiescence mitotique. La cellule cesse de se diviser
(ex. les neurones, les fibres musculaires striées). La période G1 correspond à la croissance cellulaire
(accroissement des réserves, synthèse de macromolécules, multiplication des organites, division des
mitochondries, augmentation de la taille cellulaire). La phase S (pour synthèse) se caractérise par la duplication
de l'ADN et la synthèse des histones et d'autres protéines liées à l'ADN. La croissance cellulaire se poursuit. La
phase G2 prépare la cellule à l'accomplissement de la mitose proprement dite.

Le cycle cellulaire est un des grands sujets de recherche de la biologie fondamentale car la connaissance fine de
son contrôle moléculaire mènera à mieux comprendre d'autres processus tels que celui de l'équilibre
différenciation-division, celui de la cicatrisation ou encore celui de la "cancérisation".

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3.3.2. La compaction et le stade morula

Le clivage mène au stade de morula comportant de 8 à 32 (64) cellules suivant


l'espèce. A ce stade, les blastomères vont perdre leur contour sphérique par la mise en place
de complexes jonctionnels de type "tight" et "gap" entre leurs membranes plasmiques
respectives. C'est la phase de compaction. Elle se produit au stade 8 cellules chez la souris,
16 cellules chez la brebis et 32 cellules chez la vache (figure 3.1). Ce processus de
compaction est très complexe et assez mal connu. Il est dépendant du calcium (Ca++) et fait
intervenir une protéine d'adhésion : l'uvomoruline (ou cadhérine). C'est également au cours
de ce processus qu'apparaissent les premières cellules polarisées. Cette polarisation des
cellules périphériques de la morula est l'étape morphologique initiale du premier processus de
différenciation cellulaire. Les microvillosités disparaissent des faces intercellulaires et latéro-
basales de ces cellules pour ne persister qu'au niveau de leur pôle apical. L'axe de leur fuseau
mitotique s'oriente perpendiculairement à l'axe de polarisation, ce qui confère aux cellules
filles le phénotype polarisé de la cellule mère. Ces cellules polarisées sont à l'origine du
trophectoderme et les cellules centrales de la morula, non polarisées, donneront la masse
cellulaire interne (figure 3.2). Cette polarisation s'accompagne de modifications du
cytosquelette (i.e. synthèse de cytokératines) et de modifications physiologiques (i.e.
phagocytose). C'est généralement au stade de morula que l'embryon termine son transit de
l'oviducte et entre dans la cavité utérine.

3.3.3. La cavitation et le stade blastocyste

Dans la cavité utérine, la morula compacte se creuse d'une cavité appelée blastocœle
(ou blastocèle). A ce stade, l'embryon est composé de deux sous-populations cellulaires
clairement distinctes : le trophectoderme (ou trophoblaste) et la masse cellulaire interne (ou
amas interne ou bouton embryonnaire, figure 3.2).

Le trophectoderme est l'assise cellulaire externe qui limite le blastocœle. Son étude
cytochimique et ultramicroscopique révèle sa nature épithéliale et sa polarisation
membranaire et cytoplasmique. C'est un épithélium continu et étanche (tight junctions et
desmosomes) dont le rôle est de limiter le milieu embryonnaire interne et de contrôler les
échanges materno-embryonnaires durant la phase de vie libre du blastocyste. Il est donc à
l'origine de la quantité et de la qualité du fluide blastocoelique par ses activités d'échange
ionique, d'endocytose de macromolécules et de phagocytose. Son rôle nutritionnel est
particulièrement développé chez les espèces à implantation tardive où le blastocyste connaît
une expansion importante avant de se fixer à la paroi utérine.

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Le trophectoderme est composé de deux régions : la couche de Rauber ou
trophectoderme polaire qui surplombe la masse cellulaire interne et le trophectoderme mural
qui limite la cavité blastocoelique. Au fur et à mesure de la dilatation du blastocœle, le
trophectoderme s'aplatit et vient s'appliquer contre la face interne de la zone pellucide (figure
3.2).

Outre son rôle nutritionnel, le trophectoderme assurera l'implantation de l'embryon.


Par la suite, ses cellules participeront à la mise en place des annexes extraembryonnaires.

La masse cellulaire interne occupe une position polaire à la face interne du trophectoderme.
Elle est constituée de cellules non différenciées. Vers le 8ème jour chez les bovins, une assise
cellulaire se différencie à la face blastocœlienne de cette masse cellulaire interne :
l'endoderme primitif ou hypoblaste. Par multiplication cellulaire, cette assise va
progressivement tapisser la face interne du trophectoderme, limitant de ce fait la cavité
blastocoelique d'une seconde assise cellulaire. Les cellules de l'endoderme primitif sont
également de nature épithéliale et sécrètent, au cours de leur progression, une membrane
basale qui les sépare du trophectoderme. Lorsque ce processus est achevé, le blastocœle
prend le nom de cavité vitelline ou lécithocèle (figure 3.9).

Dans le courant de la 2ème semaine post fécondation (8-9ème jour chez le mouton,
10-11ème jour chez la vache), le blastocyste se débarrasse de sa zone pellucide. Celle-ci
s'amincit et finit par se déchirer à un endroit quelconque, probablement sous l'effet combiné
de la pression du liquide de la cavité blastocoelique et d'une digestion locale par une enzyme
protéolytique sécrétée par le trophectoderme. Le blastocyste s'extrait de sa zone pellucide en
franchissant activement cette brèche : c'est l'éclosion (ou "hatching"). Cette éclosion se
produit in vitro en l'absence de tout facteur utérin. Cependant il n'est pas exclu qu'elle soit
facilité in utéro par l'action d'enzymes lytiques présentes dans le milieu utérin.

Chez la lapine, la zone pellucide est renforcée par la mise en place d'une seconde membrane de
mucopolysaccharides lors de son transit dans le tiers supérieur de l'oviducte : la muqueuse. Cette muqueuse
atteint une épaisseur considérable (> 100 µm) et permet à l'embryon de supporter sans dommage les puissantes
contractions péristaltiques de l'oviducte et de l'utérus. Elle est rapidement digérée après l'entrée de l'embryon
dans l'utérus (figure 1.20).

Chez la jument, l'ovocyte est entouré de sa zone pellucide et d'une seconde membrane acellulaire
sécrétée par les cellules folliculaires : la muqueuse (ou "gel coat") qui disparaît au cours des 48 heures post-
fécondation. Elle aiderait le pavillon de l'oviducte à capter l'ovule. Lors du transit de l'embryon dans l'oviducte,
ce dernier secrète une seconde membrane acellulaire : la muqueuse lisse (ou "smooth coat") d'une épaisseur de ±
4 µm. Cette membrane est l'équivalent de la muqueuse observée chez la lapine, mais sa très faible épaisseur ne
peut lui faire tenir le même rôle de protection mécanique. Elle disparaît lorsque l'embryon arrive dans l'utérus.
Vers le 6ème jour, le trophectoderme secrète une troisième membrane acellulaire de ± 2 µm qui tapisse la face
interne de la zone pellucide : la capsule. Cette capsule persistera après l'éclosion du blastocyste de la zone
pellucide et ne disparaîtra que lors de l'implantation entre 21 et 28 jours post-fécondation. Elle permettrait à
l'embryon de se déplacer librement dans la cavité utérine. Cette mobilité embryonnaire aurait pour fonction
d'inhiber l'activité PGF2α des deux cornes utérines et de prévenir ainsi la lyse du corps jaune, indispensable à la
gestation. Cette mobilité explique aussi que l'embryon ne s'implante pas nécessairement du côté où a eu lieu
l'ovulation.

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3.3.4. L'expansion et l'implantation du blastocyste

Le blastocyste éclos continue de se dilater. Deux cas de figure peuvent se présenter :


soit cette dilatation est modérée car il s'implante rapidement (rongeurs, primates, femme), soit
cette dilatation ou expansion se poursuit en cas d'implantation plus tardive (ruminants,
jument, truie, lapine, carnivores). Chez ces dernières espèces, l'expansion du blastocyste
consiste en un développement parfois considérable du trophectoderme mural. L'embryon de
truie atteint 1,5 mètre de long et celui de vache 1 mètre (figures 3.10 et 3.11). Par contre, le
blastocyste de chienne prend plutôt la forme d'une poire et celui de la lapine et de la jument
conserve une forme grossièrement sphérique grâce à la persistance de la zone pellucide
(lapine) ou de la capsule (jument). Cette expansion trophectodermique dépend de facteurs
utérins car elle ne s'observe pas en culture in vitro.

Simultanément, le trophectoderme polaire, ou couche de Rauber, disparaît


(probablement par apoptose) mettant à nu la masse cellulaire interne qui s'est transformée en
disque embryonnaire. Le blastodisque se nourrit directement des sécrétions utérines (ou lait
utérin). La disparition de la couche de Rauber est donc une adaptation qui optimise la
nutrition du blastodisque chez les espèces à implantation tardive.

L'implantation est le processus par lequel le blastocyste se fixe à la paroi utérine. Elle
est qualifiée de précoce si elle survient immédiatement (24-48h) après l'éclosion du
blastocyste, de tardive si l'embryon éclos passe par une phase de vie libre et active de
plusieurs jours voire de plusieurs semaines et de différée si le stade blastocyste perdure à l'état
de repos pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois.

Les aspects morphologiques et physiologiques de l'implantation seront étudiés dans le


chapitre VI consacré aux membranes extraembryonnaires.

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3.3.5. La diapause

La diapause embryonnaire consiste en un arrêt temporaire ou un ralentissement du


développement à un stade quelconque de l'embryogenèse.

Ce processus est largement répandu dans le règne animal puisqu'il s'observe chez de
nombreux invertébrés (insectes) et vertébrés (poissons, oiseaux, mammifères). Il est décrit
chez 8 ordres de mammifères euthériens et marsupiaux où il apparaît comme un processus
d'interruption et de régulation de la fonction reproductrice.

La diapause embryonnaire peut se faire soit après l'implantation, c'est le


développement différé (chiroptères), soit avant l'implantation, au stade blastocyste et c'est la
nidation différée. Cette dernière est de loin la forme la plus répandue de diapause
embryonnaire. Le blastocyste mène une vie libre dans la cavité utérine pouvant durer
plusieurs mois. Le déterminisme de cette interruption du développement permet de décrire
classiquement deux types de nidation différée :

a) la diapause saisonnière : l'embryon passe par une phase de repos obligatoire de


durée fixe et sa réactivation à lieu à un moment précis de l'année chez tous les individus de
l'espèce considérée (pinnipèdes, tatous, chevreuil, ..).

Cette diapause est généralement de longue durée (plusieurs mois) et permet d'éviter une mise
bas dans les conditions climatiques défavorables de l'hiver (figure 3.20).

b) la diapause de lactation : elle ne concerne que les embryons issus d'une fécondation
post-partum. Les embryons entrent en repos pour une durée variable, mais qui s'inscrit
obligatoirement dans la période de lactation. Si la lactation s'interrompt précocement (perte
de la nichée), le développement des embryons en diapause reprend. Ce processus est donc
facultatif (rongeurs, marsupiaux, insectivores). Cette diapause a pour but d'éviter une
compétition pour les ressources nutritives maternelles entre les jeunes allaités et les embryons
en développement.

Les modalités précises de la diapause embryonnaire varient d'une espèce à l'autre et son déterminisme
moléculaire est assez mal connu. Cependant, chez la plupart des espèces présentant une diapause (saisonnière ou
de lactation), le corps jaune est peu actif et le taux plasmatique de progestérone est réduit sans pour autant
atteindre les valeurs observées en absence de corps jaune (phase folliculaire du cycle ou anoestrus). Ces faibles
quantités de progestérone auraient pour fonction d'inhiber l'involution de l'endomètre et par voie de conséquence
la disparition des embryons en diapause, mais sans pour autant être suffisantes pour assurer la poursuite du
développement embryonnaire. La fin de diapause est provoquée par la reprise d'une activité lutéale normale du
corps jaune.

Quelques espèces présentent, au contraire, des taux plasmatiques élevés de progestérone. Lors de la
diapause de lactation chez la ratte, on note des taux très élevés de progestérone mais une diminution du taux
d’œstrogènes. La diapause est maintenue tant que le rapport progestérone/œstrogène reste élevé. Ainsi, une
femelle allaitant 8 petits présente un rapport P/O élevé et une diapause de lactation systématique. Chez la femelle
allaitant 2 petits, ce rapport est plus faible et la diapause de lactation non systématique.

Chez le chevreuil, le taux de progestérone reste également élevé durant la diapause saisonnière. Le
corps jaune maintient une activité lutéale comparable chez la femelle gestante et non gestante (pseudogestation).
La diapause dépend donc d'un autre facteur, encore inconnu.

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3.3.6. La gastrulation

La gastrulation débute au cours de l'implantation chez les rongeurs et les primates


(espèces à implantation précoce) et durant la période préimplantatoire chez nos mammifères
domestiques (espèces à implantation tardive). Les mouvements morphogénétiques sont
semblables à ceux observés chez le poulet. Les différences les plus marquantes sont liées à la
nécessité pour les mammifères de former des annexes extraembryonnaires très tôt de manière
à assurer la nutrition de l'embryon dépourvu de réserves vitellines.

La ligne primitive se forme à partir des cellules épiblastiques du bord caudal du disque
embryonnaire, lequel occupe une surface réduite en regard du trophectoderme en expansion.
Cette ligne détermine l'axe longitudinal de l'embryon et, par la position relative de l'épiblaste
(en surface) et de l'endoderme primitif (en profondeur), les axes dorso-ventral et bilatéral.

Les cellules épiblastiques s'invaginent le long de la ligne primitive pour se différencier


en cellules mésodermiques pour constituer progressivement le mésoderme latéral,
intermédiaire et paraxial. Le mésoderme latéral s'étale de part et d'autre de l'axe longitudinal
mais aussi rostralement et caudalement en séparant l'épiblaste de l'endoderme primitif. Il se
divise en deux feuillets : un feuillet somatique ou externe qui s'associe au trophectoderme
pour former la somatopleure et un feuillet splanchnique ou interne qui s'étale sur l'endoderme
primitif pour former la splanchnopleure. Ces deux feuillets délimitent une cavité, le cœlome
qui entoure progressivement la cavité vitelline (figures 3.12 à 3.15).

En avant de l'extrémité rostrale de la ligne primitive, au niveau du nœud de Hensen, le


mésoderme élabore un canal dont l'extrémité aveugle progresse craniâlement le long de l'axe
longitudinal et dont l'extrémité caudale s'ouvre en surface de l'épiblaste : le canal chordal. Le
plancher de ce canal chordal s'ouvre longitudinalement dans la cavité vitelline en repoussant
latéralement l'endoderme primitif pour se transformer en plaque chordale. Les cellules de la
plaque bordant la cavité vitelline se différencient en endoderme définitif. Les autres forment
un cordon plein qui se sépare de l'endoderme définitif : la notochorde proprement dite. Par la
suite, le nœud de Hensen et la ligne primitive régressent et finissent par disparaître.

A ce stade, les trois feuillets sont déterminés. L'épiblaste prend le nom d'ectoderme et
met en place, le long de la chorde l'ébauche du névraxe (SNC et moelle épinière). Le cœlome
progresse craniâlement et se présente sous la forme d'un U qui entoure partiellement l'ébauche
cérébrale. Par la suite, lors de la délimitation de l'embryon et de ses annexes, ce cœlome se
divisera en coelome embryonnaire et extraembryonnaire.

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Le mésoderme latéral finit de séparer l'ectoderme de l'endoderme sauf en deux
endroits où ces deux feuillets restent en contact étroit :

- en avant de l'extrémité antérieure de la chorde, c'est la membrane buccopharyngée ou


membrane pharyngienne.

- en arrière de la ligne primitive, c'est la membrane cloacale.

Ces deux membranes marquent l'emplacement des deux extrémités du futur tube
digestif.

Les trois feuillets fondamentaux sont différenciés. Ils donneront ensemble tous les
organes du futur individu (figure 3.16)

3.3.7. Les anomalies de la gastrulation

3.3.7.1. Les anomalies de la condensation de la notochorde

Lors de sa formation, la notochorde peut être segmentée ou incomplète. Il en résulte


des fistules (communications) entre la cavité vitelline et la surface de l'ectoderme. Ces
fistules peuvent se maintenir par la suite et mettent en communication le tractus digestif
dérivé de la cavité vitelline et la cavité amniotique au travers du névraxe. Dans d'autre cas, on
observe la présence de kystes endodermiques au sein du rachis.

3.3.7.2. Les anomalies d'apparition de la ligne primitive

Normalement, une seule ligne primitive se met en place. Cependant, il apparaît


rarement deux lignes primitives sur le même blastodisque (figures 3.17a et 3.17b). Deux
possibilités sont à envisager :

- elles sont suffisamment distantes l'une de l'autre pour permettre l'individualisation


complète de deux embryons. On obtient alors une gémellité vraie, monozygotique (un seul
zygote au départ), monochoriale (un seul placenta) et monoamniotique (une seule cavité
amniotique).

- elles sont trop rapprochées l'une de l'autre et les deux embryons fusionnent
partiellement pour donner naissance à un monstre double monomphalien (un seul cordon
ombilical).

Dans la parapagie; les lignes primitives sont initialement placées côte à côte, parallèles
entre elles, mais leur union ultérieure mène à une fusion plus ou moins étendue des deux
embryons :

- dans la mésoparapagie, les embryons sont unis au niveau de leur région


thoracolombaire. Ce sont les monstres en X.

- dans la parapagie céphalique, l'union concerne la tête, voire le cou. Ce sont


les monstres en λ ou lambdoïdes encore appelés téradelphes.

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dans la parapagie caudale, les axes embryonnaires convergent caudalement.
Ce sont les monstres en Y ou ypsiloïdes encore appelés tératodymes.

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Dans la crucipagie, les lignes primitives sont initialement placées bout à bout, dans le
prolongement l'une de l'autre. Selon la façon dont les axes embryonnaires s'opposent, on
distingue deux types de crucipagies :

- la crucipagie céphalique oppose les extrémités craniâles (une "tête" et deux


"corps" opposés)

- la crucipagie caudale oppose les deux coccyx (pas de membres postérieurs,


un "bassin" et deux "corps" opposés)

Notons qu'il existe de nombreuses formes transitionnelles entre ces différentes catégories de monstres
doubles ainsi que deux autre catégories plus rares : les montres unitaires et les monstres parasites. Il existe
également un abondant vocabulaire spécialisé pour les définir.

MONSTRES UNITAIRES

1) Autosites: capables d'assurer leur propre circulation

- célosomiens : absence de paroi ventrale

- siméliens : soudure des deux membres inférieurs

- cyclopes, anencéphales,....

2) Omphalosites : dépourvus de cœur ou cœur déficient. Ils sont vascularisés à contre courant par la pompe
cardiaque d'un jumeau (normal ou non) via des anastomoses placentaires ou un placenta commun. Ce sont des
monstres parasites qui possèdent leur cordon ombilical.

MONSTRES DOUBLES

A) PARAPAGIE

Processus de fusion de deux lignes primitives parallèles

1) Mésoparapagie (ou monstres tératopages). Fusion dans la partie moyenne. Ce sont les monstres en X (ou en
H).

- pygopages : unis par les fesses

- stérnopages : unis par le sternum

2) Parapagie céphalique (ou monstres tératodelphes). Fusion dans la région craniâle. Ce sont les monstres en
λ ou lambdoïdes.

- déradelphes (ou janiceps) : tête commune

- thoracodelphes : tête et thorax communs

- psodelphes : tête, thorax et pelvis commun

3) Parapagie caudale (ou monstres tératodymes). Fusion dans la région caudale. Ce sont les monstres en Y ou
ipsiloïdes.

- psodymes : deux abdomens, deux thorax, deux têtes

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- xiphodymes : deux thorax, deux têtes

- thoracodymes : deux cous, deux têtes

- dérodymes : deux têtes

- opodymes : tête partiellement dédoublée

B) CRUCIPAGIE

Processus de fusion de deux lignes primitives bout à bout.

1) Crucipagie craniâle : réunion par le sommet du crâne ou la tête

2) Crucipagie caudale : réunion par le coccyx

C) MONSTRES PARASITES. Monstres doubles dont une des deux parties s'est nettement moins développée.
Très diversifiés.

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3.3.7.3. Gémellité monozygotique et polyembryonie

Par définition, la gémellité monozygotique consiste en la formation de jumeaux au


départ d'un seul zygote. Ces jumeaux vrais sont rares (0,3 à 0,4 % dans l'espèce humaine) et
se distinguent des jumeaux dizygotiques par :

- leurs ressemblances morphologiques

- le sexe identique

- leurs groupes sanguins et leurs empreintes génétiques identiques

- leur tolérance aux greffes croisées.

Le processus menant à la constitution d'une paire de jumeaux monozygotiques peut


intervenir à plusieurs stades du développement (figure 3.18) :

- par séparation des deux premiers blastomères. Chaque embryon s'implante


séparément et développe ses propres annexes extraembryonnaires. Ils sont qualifiés de
dichoriaux (2 placentas), et sont donc par définition diamniotiques.

- par duplicité de l'amniogenèse (chez les espèces à schizamnios comme l'espèce


humaine, cf. chap. VI). Ils partagent le même chorion (1 placenta) mais se développent dans
deux cavités amniotiques indépendantes. Ils sont qualifiés de monochoriaux diamniotiques.

- par duplicité de la ligne primitive. Ils partagent le même chorion (1 placenta), la


même cavité amniotique, mais possèdent leur propre ombilic. Ils sont qualifiés de
monochoriaux monoamniotiques.

La polyembryonie est un processus par lequel un zygote donne normalement naissance


à plusieurs embryons. C'est le cas du tatou à 9 bandes et du tatou à 12 bandes où la femelle ne
pond qu'un ovule. De trois à huit lignes primitives se creusent au sein du disque
embryonnaire du blastocyste. Elles sont toutes indépendantes et chacune mène à la formation
d'un fœtus complet. Les fœtus qui en résultent constituent donc un clone naturel (figure 3.19).

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