La doctrine dénombre quatre traits fondamentaux de la peine. Celle- ci présente un caractère afflictif (A), infamant (B), déterminé (C) et définitif (D).
A. Le caractère afflictif ( douloureux )
En ce qu’elle constitue un châtiment, la peine vise essentiellement à faire souffrir le délinquant physiquement (châtiments corporels), moralement (limitation ou privation de liberté) ou matériellement (amende, privation de moyens, de capacité juridique, etc.). B. Le caractère infamant (déshonorant ) La peine en tant que sanction constitue une atteinte légitime à l’honorabilité d’un individu. La condamnation d’un délinquant exprime ainsi la réprobation sociale et l’indignité. Elle « manifeste que la conduite de l’individu a été non seulement regrettable, mais blâmable au point de vue social ». C. Le caractère déterminé Découlant du principe légaliste, la peine est délimitée avec clarté et précision. Le délinquant sait donc à quoi s’en tenir ; d’autant plus que dès le jugement il sait à quelle date la peine prendra fin, ce qui permet d’éviter d’éventuels abus de la part de l’administration chargée de l’exécution de la peine. D. Le caractère définitif Une fois que les voies de recours sont épuisées, le jugement infligeant une peine devient définitif et acquiert ainsi l’autorité de la chose jugée. Dès lors, la peine prononcée devient intangible et immuable. Ainsi, aucune modification de la peine ne peut être apportée par une autorité quelconque, ni même par le juge. Section 2. Les formes de la peine Par un souci de méthodologie, on procédera à une classification duale entre les peines portant atteinte à la liberté et à l’intégrité d’un individu (§. 1) et les peines portant atteinte aux droits (§. 2).
§. 1. Les peines attentatoires à l’intégrité et à
la liberté Le droit pénal marocain ne prévoit qu’une seule peine corporelle (A), alors que les peines attentatoires à la liberté sont nombreuses (B). A. Les atteintes à l’intégrité corporelle La peine de mort reste le seul châtiment corporel prévu par le droit pénal marocain. Elle s’applique à quelques infractions de droit commun et politiques qui ne sont pas d’ailleurs nombreuses. Son régime d’exécution est prévu par les articles 601 à 607 du Code de procédure pénale. B. Les atteintes à la liberté Les atteintes à la liberté prennent la forme d’une privation (1) ou d’une restriction de la liberté (2). 1. La privation de liberté La privation pénale de liberté implique l’enfermement carcéral qui peut prendre l’une des formes suivantes : • La réclusion : c’est la peine la plus sévère après la peine capitale. Elle implique l’isolement cellulaire la nuit et le travail obligatoire collectif le jour. Quant à sa durée, la réclusion peut être temporaire (entre 5 et 30 ans), ou perpétuelle. • L’emprisonnement : c’est la peine prononcée pour les délits (un mois à 5 ans). Son régime est celui de l’emprisonnement collectif dans un établissement pénitentiaire ou dans un quartier spécial d’une maison centrale, avec travail obligatoire à l’intérieur ou à l’extérieur sauf incapacité physique constatée. • La détention : consiste dans une privation de liberté d’un jour à un mois. Elle s’exécute dans les prisons civiles ou dans leurs annexes, avec travail obligatoire à l’intérieur ou à l’extérieur, hors le cas d’incapacité physique constatée. 2. La restriction de liberté La restriction de liberté provient de peines restreignant la liberté de déplacement de l’individu. Celui-ci reste libre tout de même de mener une vie normale au niveau social et professionnel. Ces peines restrictives de la liberté peuvent prendre la forme d’une résidence forcée ou d’une interdiction de séjour. • La résidence forcée consiste à assigner un périmètre déterminé à quelqu’un pour une durée qui ne peut dépasser cinq ans (dans le cas où elle est prononcée comme peine principale) par une décision judiciaire. L’assigné à résidence doit limiter ses déplacements au territoire délimité. Il ne peut le quitter qu’en justifiant d’un cas de nécessité. • L’interdiction de séjour consiste dans la défense faite au condamné de paraître dans certains lieux déterminés et pour une durée déterminée. Elle peut toujours être ordonnée en cas de condamnation prononcée pour un fait qualifié de crime, mais aussi pour les condamnations à l’emprisonnement pour infraction de terrorisme. Pour les délits, l’interdiction de séjour ne peut être ordonnée que lorsqu’elle est spécialement prévue par le texte réprimant ce délit. En tous les cas, l’interdiction de séjour ne s’applique jamais de plein droit. Elle doit en effet être expressément prononcée par la décision qui fixe la peine principale. §. 2. Les atteintes aux droits Pour nombre d’infractions, la peine peut revêtir la forme d’une atteinte aux droits patrimoniaux (A) ou extrapatrimoniaux (B) du condamné.
A. Les atteintes aux droits patrimoniaux
Les atteintes aux droits patrimoniaux peuvent prendre la forme d’une amende pénale (1), d’une confiscation des biens (2), d’une interdiction légale (3), d’une perte ou d’une suspension du droit aux pensions servies par l’État (4) ou d’une dissolution de la personne juridique (5). 1. L’amende pénale L’amende pénale est une peine pécuniaire principale qui consiste dans l’obligation pour le condamné de payer au profit de l’État une somme d’argent déterminée et comptée en monnaie ayant cours légal au Royaume. 2. La confiscation des biens La confiscation des biens est une peine accessoire qui implique une mainmise de l’État sur une partie des biens du condamné ou de certains biens spécialement désignés et souvent liés à l’infraction. Elle porte soit sur le corps du délit, soit sur ses instruments soit encore sur le produit de l’infraction. La confiscation peut être prononcée par le juge chaque fois qu’il s’agit d’un crime ou d’un acte constituant une infraction de terrorisme. Pour les délits et les contraventions, le juge ne le peut que si la loi le prévoit. 3. L’interdiction légale L’article 38 du Code pénal définit l’interdiction légale comme une peine qui « prive le condamné de l’exercice de ses droits patrimoniaux pendant la durée de l’exécution de la peine principale ». 4. La perte ou la suspension du droit aux pensions servies par l’État La perte ou la suspension du droit aux pensions servies par l’État est une peine prévue à l’article 41 du Code pénal et s’applique de plein droit pour les condamnations à mort ou à une sanction de réclusion perpétuelle. En revanche, elle demeure facultative pour les autres condamnations à une autre peine criminelle que celles précitées et peut être prononcée pour la durée de l’exécution de la peine principale. 5. La dissolution de la personne juridique La dissolution de la personne juridique équivaut à la peine de mort des humains pour les personnes morales. Elle prend la forme d’une interdiction de poursuivre l’activité sociale (même sous un autre nom et avec d’autres dirigeants) et la liquidation de ses biens. Cette dissolution ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi et en vertu d’une disposition expresse de la décision de condamnation. B. Les atteintes aux droits extrapatrimoniaux Les atteintes aux droits extrapatrimoniaux ne sont pas nombreuses. Il s’agit essentiellement de la publication de la décision de condamnation (1) et de la dégradation civique (2). 1. La publication de la décision de condamnation La publication de la décision de condamnation est prévue à l’article 48 du Code pénal qui la rend facultative dans les cas déterminés par la loi. Ainsi, « la juridiction de jugement peut ordonner que sa décision de condamnation sera publiée intégralement ou par extraits dans un ou plusieurs journaux qu'elle désigne ou sera affichée dans les lieux qu'elle indique, le tout aux frais du condamné, sans toutefois que les frais de publication puissent dépasser la somme fixée à cet effet par la décision de condamnation, ni que la durée de l'affichage puisse excéder un mois ». 2. La dégradation civique La dégradation civique : Elle peut être une peine criminelle principale ou accessoire. Le contenu de cette peine est précisé par l’article 26 du Code pénal. Il consiste donc : « 1° Dans la destitution et l’exclusion des condamnés de toutes fonctions publiques et de tous emplois publics ; 2° Dans la privation du droit d’être électeur ou éligible et, en général, de tous les droits civiques et politiques et du droit de porter toute décoration ; 3° Dans l’incapacité d’être expert, de servir de témoin dans tous actes et de déposer en justice autrement que y donner de simples renseignements ; 4° Dans l’incapacité d’être tuteur ou subrogé tuteur, si ce n’est de ses propres enfants ; 5° Dans la privation du droit de porter des armes, de servir dans l’armée, d’enseigner, de diriger une école ou d’être employé dans un établissement d’enseignement à titre de professeur, maître ou surveillant. La dégradation civique, lorsqu’elle constitue une peine principale, est, sauf disposition spéciale contraire, prononcée pour une durée de deux à dix ans ». Prononcée comme peine principale, elle peut être accompagnée d’un emprisonnement qui ne peut excéder cinq ans. Et faute de pouvoir l’appliquer (parce que le coupable a déjà perdu ses droits civiques ou parce qu’il s’agit d’un étranger), il lui est substitué la peine de réclusion de cinq à dix ans.