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Palimpsestes

Revue de traduction 
2 | 1990
Traduire la poésie

Ces métaphores vives…


La traduction des adjectifs composés metaphoriques

Paul Bensimon

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/palimpsestes/722
DOI : 10.4000/palimpsestes.722
ISSN : 2109-943X

Éditeur
Presses Sorbonne Nouvelle

Édition imprimée
Date de publication : 1 janvier 1990
Pagination : 83-108
ISBN : 2-87854-006-9
ISSN : 1148-8158

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Référence électronique
Paul Bensimon, « Ces métaphores vives… », Palimpsestes [En ligne], 2 | 1990, mis en ligne le 01 janvier
1992, consulté le 24 novembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/palimpsestes/722  ; DOI :
https://doi.org/10.4000/palimpsestes.722

Tous droits réservés


C E S MÉTAPHORES VIVES..

LA T R A D U C T I O N DES A D J E C T I F S COMPOSÉS
METAPHORIQUES

Bien que son champ soit nettement


circonscrit, cette étude n'échappera pas à
deux ou trois dilemmes. Le premier est celui
de toute analyse de stylistique comparée qui
s'appuie sur des énoncés tirés de textes
littéraires ou poétiques. Un exemple a beau
être cité dans un contexte minimal, il est
inévitablement arraché au tout organique de
l'oeuvre. Ce premier dilemme s'accentue face
à la problématique immense de la traduction
des métaphores. Une métaphore n'est jamais
une figure isolée : elle appartient à un
système métaphorique, à un ou plusieurs
réseaux métaphoriques. Chaque métaphore est
un élément constitutif du texte littéraire
total, et ce texte a une pente métaphorique
hors de laquelle la métaphore individuelle
perd une partie de sa force, et hors de
laquelle on perçoit mal sa participation au
processus général de signifiance. Mais faut-
il pour autant s'interdire toute perspective
de réflexion qui ne porte pas sur l'ensemble
d'une oeuvre ? Faut-il considérer comme seule
valide une réflexion sur la traduction de
l'ensemble des métaphores de Paradise Lost,
de Macbeth, d'Endymion, de The Waste Land ?
J'incline à penser que non.
Le deuxième dilemme concerne l'attitude
du stylisticien comparatiste envers la
traduction existante des exemples qu'il
utilise. A coup sur la stylistique comparée
s'engagerait dans une impasse si elle se
donnait pour objectif l'évaluation
qualitative des traductions publiées : elle
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considère la façon dont on traduit, non celle


dont on devrait traduire. Il n'en reste pas
moins vrai que la réflexion comparative sur
telle ou telle figure, tel ou tel fait de
style, tel ou tel mécanisme stylistique,
débouche tôt ou tard, directement ou
indirectement, sur un constat d'adéquation ou
d'inadéquation de la traduction par rapport à
l'original.
Le troisième dilemme est relativement
ténu et ne mérite peut-être pas le nom de
dilemme. J'ai bien conscience que les
adjectifs composés métaphoriques ne sont pas
l'apanage exclusif de la poésie. On les
rencontre aussi dans la prose de langue
anglaise. Mais ils y sont beaucoup moins
fréquents. Et surtout, sans aller jusqu'à
penser avec Jean Cohen que la poésie est
( 1 )
l'antiprose je crois que la poésie tire un
plus grand parti de ce type de métaphores
adjectives, je crois qu'elle les exploite
plus souvent que la prose de manière
novatrice, créatrice.
Je vais donc étudier certains des
problèmes cruciaux que pose la traduction en
français des adjectifs composés métaphoriques
anglais. Ma démarche sera expérimentale, elle
privilégiera la quête et l'analyse sur le
résultat obtenu, le dynamisme et la tension
du traduire sur le produit fini qu'est
(2)
l'énoncé traduit . A l'image du traduc-
teur, le chercheur en traduction est un
essayeur, un foreur.

Il me faut commencer par quelques


considérations terre à terre. L'anglais,
comme le français, dispose d'un mode de
composition adjectivale, d'une construction
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elliptique qui juxtapose un nom commun


désignant un objet coloré à un adjectif
désignant la couleur tenue pour
caractéristique de cet objet, le nom
apportant à l'adjectif de couleur un élément
de détermination : olive green I vert olive,
lavender blue / bleu lavande, blood red /
rouge sang. Le composé adjectival de couleur
est un nouvel adjectif à part entière, un
véritable qualificatif. En position épithète,
il fait partie intégrante du groupe nominal :
ce trait syntaxique aura une incidence
stylistique non négligeable lorsqu'il s'agira
de traduire d'anglais en français des
composés néologiques.
Le mode de composition qui produit sky
blue / bleu ciel ou cherry red I rouge cerise
repose sur une comparaison implicite. Bleu
ciel peut s'analyser comme un raccourci
syntaxique et sémantique de bleu comme le
ciel, sky blue se paraphrase comme as blue as
the sky. Un grand nombre de ces composés sont
des syntagmes figés, des collocations
devenues si usuelles qu'elles ne sont plus
guère perçues comme comparatives : bottle
green / vert bouteille, apple green / vert
pomme appartiennent au prêt-à-porter du
vocabulaire adjectival. Le prêt-à-porter
s'exporte facilement : de même que le
dictionnaire bilingue donne des traductions
figées de la plupart des métaphores mortes,
il fournit des équivalents stéréotypés des
composés de couleur les plus courants.
Plusieurs de ces composés, en anglais,
entrent dans une catégorie plus large de
composés adjectivaux : ceux qui impliquent le
haut degré. Dans snow-white, blood-red, snow
et blood jouent le rôle d'intensifieurs de
white et red. Coal-black est une comparaison
emphatique cliché qu'on peut paraphraser par
as black as it is possible to be. Mais alors
qu'en anglais le mode de composition
adjectivale marquant le haut degré déborde
très largement le domaine des adjectifs de
86 PAUL B E N S I M O N

couleur, il reste à peu près cantonné dans ce


domaine en français. La comparaison
stéréotypée à valeur intensive s'exprime en
français courant par une construction
modalisée là où l'anglais recourt
généralement à un composé. Dans son propre
stock lexical, le français ne possède pas
d'adjectif équivalent à stone-cold, honey-
sweet, razor-sharp; il dira spontanément :
froid comme le marbre, doux comme le miel,
tranchant comme un rasoir.

*
* *

C'est bien par les composés comparatifs


figés (de couleur et/ou d'intensité) que je
dois aborder mon sujet, et cela pour deux
raisons au moins. D'abord, les habitudes
linguistiques sollicitent constamment
parfois, insidieusement - le traducteur
littéraire comme elles sollicitent n'importe
quel locuteur de la langue. Ensuite, il va de
soi que la présence ou l'absence, dans la
langue d'arrivée, d'un équivalent pour un
composé comparatif courant dans la langue de
départ, va infléchir le choix du traducteur
confronté à un composé néologique, proche du
premier par sa structure mais destiné à
attirer l'attention, à surprendre. Traduire
une comparaison cliché par un tour expressif,
une non-figure par une figure, ou vice-versa,
c'est méconnaître la démarche même du texte
littéraire et surtout poétique. Le discours
répété, ce que Desnos appelle le "langage
cuit", est à la fois joué et déjoué par
l'énonciation poétique comme par la
traduction poétique. La poésie est par
excellence le lieu du travail du langage sur
lui-même; l'activité poétique réveille les
syntagmes figés, brise les associations
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stéréotypées. Quelques exemples empruntés à


Seamus Heaney illustrent le processus de
rajeunissement d'adjectifs composés usés.
Dans "Potato Digging", poème tiré du
recueil Death of a Naturalist, les arracheurs
de pommes de terre s'avancent "tels des
corbeaux s'abattant sur les champs noirs
comme corbeaux" :

Like crows attacking crow-black fields, they stretch


a higgledy line from hedge to headland.

(3)
(Potato Digging)

En substituant crow à raven, Heaney


délexicalise légèrement le composé figé
raven-black, il casse déjà le stéréotype qui
forme une unité lexicale; il donne aussi un
poids égal aux deux termes crow et black,
accentués sémantiquement et prosodiquement;
enfin, il crée un groupe nominal entièrement
monosyllabique. Les deux vers agencent une
comparaison-gigogne où la comparaison de
couleur entre les corbeaux et les champs
s'emboîte dans une comparaison plus large
entre les arracheurs de pommes de terre et
les corbeaux. L'animé humain montre ici une
ressemblance avec l'animé non-humain; en même
temps, la relation corbeaux-champs-arracheurs
de pommes de terre est fortement métonymique.
Le second exemple de Seamus Heaney, bien
que structurellement identique au précédent,
en diffère de façon sensible; le poème dont
il provient évoque la cueillette annuelle des
mûres :

We hoarded the fresh berries in the byre.


But when the bath was filled we found a fur,
A rat-grey fungus, glutting on our cache.

( 3 )
(Blackberry-Picking)
88 PAUL BENSIMON

Rat-grey dans une certaine mesure


réactive le composé figé mouse-grey. Le
néologisme provoque ici la surprise; on songe
à la définition du style par Jakobson :
"defeated expectancy" . Il crée un effet
d'insolite, d'étrangeté, une "défamiliarisa-
tion" qui ressortit à la mise en relief (le
terme anglais foregrounding, le tchèque
aktualisace, le russe ostraneniye, se
complètent et se nuancent). Le composé
néologique rat-grey élimine le composé neutre
lexicalisé mouse-grey. "La poésie, souligne
Jean Cohen, c'est l'intensité, ce que le
langage produit en polarisant le signifié par
(4)
élimination du terme neutre" . Au demeurant
rat-grey ne vise guère à décrire le
champignon : quoi de plus banal pour ce
végétal que la couleur grise ? La référence,
c'est-à-dire la relation par laquelle le
signe linguistique rat renvoie à l'animal rat
dans l'univers extralinguistique, passe au
second plan, au profit d'une chaîne connotée
dotée d'une vaste force expansive :
dévoration secrète, prolifération, fléau,
peste. En même temps le processus
métaphorique est à l'oeuvre. Par
1 ' intermédiaire du sème de couleur les deux
termes, champignon et rat, agissent ensemble
et agissent l'un sur l'autre : il y a
interaction du comparé et du comparant.
Mouse-grey (ou mouse-coloured) a un
équivalent français : gris-souris (personne
ne se plaindra de l'absence de gris-rat dans
le stock lexical du français). La traduction
publiée du passage cité est d'une parfaite
justesse sémantique :

Nous amassions les mûres fraîches dans l'étable.


Mais quand la cuve était remplie nous trouvions un champignon
Velu, gris comme un rat, se gorgeant de nos provisions cachées.

( 5 )
(La Cueillette des mûres)
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La seule réserve que j'émettrai


concerne, précisément, la traduction du
composé adjectival; gris comme un rat prend-
il vraiment en charge la métaphoricité de
l'original rat-grey ? Qu'il me soit permis de
revenir sur ce point un peu plus tard.
Toujours de Seamus Heaney, dans North,
"Funeral Rites", rappelle les veillées
funèbres que connut le poète adolescent; les
membres de sa famille décédés étaient exposés
sur leur lit mortuaire, paupières luisantes,
mains blanches :

They had been laid out


in tainted rooms,
their eyelids glistening,
their dough-white hands
shackled in rosary beads.

( 6 )
(Funeral Rites)

Ce passage est ainsi rendu dans le recueil de


poèmes traduits que j'ai mentionné plus
haut :

On les avait étendus


dans des pièces ternies,
leurs paupières luisantes,
leurs mains blanches comme la pâte
enchaînées par des chapelets.

( 7 )
(Rites Funèbres)

Le modèle sous-jacent de dough-white est


snow-white ou milk-white. Le caractère
imprévisible du néologisme, la façon dont il
rompt le "coefficient d'attente", lui donnent
une valeur connotative : dough-white suggère
la consistance même de la chair du cadavre,
molle, flasque, froide. Des notations
tactiles prolongent et amplifient la notation
visuelle. Dans les pages qui suivent je
m'étendrai sur les graves inconvénients qu'il
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y a, selon moi, à traduire des adjectifs


composés métaphoriques par des constructions
modalisées en français. Pour mettre en oeuvre
la notion de traduction expérimentale, je
suggère de recourir ici à la substantivation
de l'adjectif de couleur, en évitant ainsi
d'introduire un modalisateur :

leurs mains d'une blancheur de pâte


entravées dans les grains du rosaire.

La transformation d'un adjectif de couleur en


substantif produit un effet de soulignement,
de mise en relief. S'il y a aussi abstraction
de la couleur ou de la qualité, c'est plutôt
au sens étymologique du terme : action de
tirer quelque chose d'une autre chose,
(8)
distillation .

* *

Dans son livre A Grammar of Metaphor,


lecture obligée pour tout chercheur sur la
métaphore, donc pour tout chercheur sur la
traduction des métaphores, Christine Brooke-
Rose établit un rapprochement hâtif entre
trois composés adjectivaux du type substantif
+ adjectif, l'un de Keats, les deux autres de
(9)
Dylan Thomas ; je les cite en les replaçant
dans le contexte minimal qu'elle ne fournit
pas :

yet my higher hope


Is of too wide, too rainbow-large a scope,
To fret at myriads of earthly wrecks.

(John Keats : Endymion [1818], I,774-76)


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And nothing I cared, at my sky-blue trades, that time allows


In all his tuneful turning so few and such morning songs

Nothing I cared, in the lamb white days, that time would take me
U p to the swallow thronged loft by the shadow of my hand

(10)
(Dylan Thomas : Fern Hill)

Les composés rainbow-large, sky blue et


lamb white, selon Brooke-Rose (que je
traduis), "sont en fait des comparaisons,
leur effet est plus comparatif que métaphori-
que". La distinction entre comparaison et
métaphore est souvent factice. On sait que la
comparaison ne se distingue de la métaphore
in praesentia que par la présence d'un terme
modalisateur (conjonction ou locution
conjonctive, adjectif, verbe). Mais une
comparaison selon la syntaxe peut avoir une
intense vitalité métaphorique. Les choix de
traduction doivent être orientés par cette
vigueur métaphorique plutôt que par la prise
en compte d' un critère purement formel. En
regroupant sous l'étiquette de comparaisons
des composés aussi dissemblables que rainbow-
large d'une part, sky blue et lamb white
d'autre part, sans même indiquer les
substantifs que qualifient ces trois
adjectifs, Brooke-Rose n'éclaire ni le
fonctionnement de la comparaison ni celui de
la métaphore, et encore moins celui de
l'adjectif composé métaphorique.
Rainbow-large peut, certes, se
paraphraser comme as large as a rainbow. Mais
ce néologisme ne prend son plein relief
stylistique qu'une fois réinséré dans son
contexte. Il caractérise, en effet,
l'envergure de l'espoir que nourrit Endymion
dans sa quête de la "communion avec
l'essence". Voilà bien un aspect essentiel de
l'activité métaphorique : l'expression de
l'abstrait par le concret. Le critère
déterminant d'une métaphore est la qualité de
la transformation sémantique qu'elle opère.
92 PAUL B E N S I M O N

Spirituellement, rainbow-large [hope] est une


métaphore.
Dans le passage de Dylan Thomas, sky
blue n'est plus tout à fait un composé figé
car il ne comporte pas de trait d'union,
cette marque graphique qui ligature les deux
constituants du composé dans le discours
répété (notons que Brooke-Rose a réintroduit
par erreur ce signe de ponctuation dans sky
blue et lamb white) . La suppression du
hyphen, trait de style relevé par les
commentateurs de Thomas et repérable dans un
grand nombre de ses composés, amorce un
défigement, une délexicalisation du composé
stéréotypé. Mais surtout, c'est l'ensemble de
l'énoncé sky blue trades qu'il faut
considérer. L'imprévisibilité de l'associa-
tion, l'attribution au mot abstrait trades
d'une notation concrète de couleur, déportent
sky blue trades vers la métaphore.
Pas plus que sky blue, lamb white ne
contient de trait d'union. Non seulement
Dylan Thomas met en question les associations
stéréotypées de la blancheur, mais il procède
simultanément à une construction et une
déconstruction du composé. L'énoncé peut se
lire comme the lamb white days, mais aussi
comme the lamb days/the white days;
l'ambiguïté crée deux chaînes sémantiques
complémentaires : les "jours agneaux", jours
bondissants de l'insouciance et du bonheur
juvénile, et les "jours blancs", jours de
l'innocence édénique. Quelle est la
traduction publiée de ce vers intensément
métaphorique ?

Je me souciais mal en ces jours blancs comme l'agneau que le temps


[dût m'entraîner
Par l'ombre de ma main jusqu'au grenier plein d'hirondelles,

(11)
(Le Mont-aux-fouyères)
C E S M E T A P H O R E S VIVES... 93

Traduction arasante, qui aplatit le relief


stylistique de l'original et dissipe
l'ambiguïté créatrice de sens. La traduction
n'a pas su résister - ou tourner le dos - à
la tendance générale de l'activité
traduisante, qui est de tirer un texte vers
la langue d'arrivée.

* *
*

J'ouvrirai ici une courte parenthèse sur


un autre type d'adjectifs composés marquant
la ressemblance : les composés en -like (du
genre godlike, crablike, piglike, e t c ) , que
certains grammairiens classent parmi les
dérivés. La structure substantif + like est
extrêmement productive, mais un grand nombre
de ces adjectifs sont enregistrés au
dictionnaire. Ici le terme comparatif fait
partie intégrante du composé : l'adjectif
like joue le rôle de modalisateur. Dès lors
il n'y a, me semble-t-il, aucun inconvénient
à ce que la traduction elle-même utilise une
construction modalisée. L'exemple suivant, de
Philip Larkin, est parfaitement traduit par
Claude Guillot :

For something sufficiently toad-like


Squats in me, too;
Its hunkers are heavy as hard luck,
And cold as snow,

(Toads) [1955]
94 PAUL B E N S I M O N

Car quelque chose qui ressemble à un crapaud


Est installé en moi
Aussi; sa croupe est lourde comme la malchance
Et froide comme neige,

( 1 2 )
(Crapauds)

Mais à la différence de toad-like, les


composés métaphoriques de Seamus Heaney et de
Dylan Thomas sont des syntagmes d'où le
marqueur d'analogie a été évacué. Traduire a
rat-grey fungus par un champignon gris comme
un rat ou the lamb white days (à supposer
qu'il s'agisse d'un composé) par les jours
blancs comme l'agneau, c'est altérer
l'ellipticité, la compacité, donc le relief
stylistique, de l'original. Un composé,
observe G.W. Turner, est "une miniaturisation
13
de structures complexes" ( ). La traduction
transpose la structure profonde du composé :
or c'est la structure de surface qui crée le
fait de style. Le français extrait la
structure enfouie et la réinstalle à fleur de
langue, il décompose le composé, il explique,
déplie - au lieu de fonctionner pli sur pli
par rapport à l'anglais. La traduction dilue
un adjectif épithète en proposition
subordonnée sans verbe; elle offre une
manière de glose explicitante ou de transfor-
mation paraphrastique. Tout se passe comme si
la traduction interlinguale opérait moins sur
l'énoncé d'origine que sur une première
traduction, intralinguale celle-là. Il y a
entre a rat-grey fungus et un champignon gris
comme un rat, ou entre the lamb white days et
les jours blancs comme l'agneau la différence
qui existe entre l'immédiat et le médiat,
entre ce qui est donné directement à imaginer
et ce qui est médiatisé par un marqueur
d'analogie. Il y a enfin la différence entre
C E S METAPHORES VIVES... 95

une juxtaposition synthétique et un tour


analytique.

* *

Ce n'est pas seulement, tant s'en faut,


dans le domaine des adjectifs composés de
couleur que la structure de composition
adjectivale substantif + adjectif ouvre, en
anglais, un champ illimité à la création
d'authentiques métaphores. On trouve
fréquemment chez Gerard Manley Hopkins des
composés adjectivaux métaphoriques d'une
originalité saisissante :

Say it is àshboughs : whether on a December day and furled


Fast or they in clammyish lashtender combs creep
Apart wide and new-nestle at heaven most high.

(Ashboughs) [1885]

how the boys


With dare and with downdolphinry and bellbright bodies huddling out,
Are earthworld, airworld, waterworld thorough hurled, all by turn
[and turn about.

(Epithalamion) [1888]

En supprimant le trait d'union de sky


blue et lamb white, Dylan Thomas libérait les
constituants du composé et, par là, à la fois
jouait et déjouait la composition
adjectivale. Hopkins élimine lui aussi le
trait d'union, mais c'est au contraire pour
souder le composé, pour enlever toute
autonomie aux constituants, et par là
intensifier le processus de composition. Il
incite le lecteur à percevoir l'unité dans la
dualité. L'énergie métaphorique de lashtender
combs et surtout de bellbright bodies tient
96 PAUL B E N S I M O N

autant à l'effet de sens lexical qu'à la mise


en relation assonantique, allitérative et
rythmique du composé avec le reste du vers et
du passage. Un courant de signification
distinct de la signification lexicale est
engendré par l'entrechoquement des occlusives
sonores b et d (bellbright vient frapper
bodies comme le marteau d'une cloche).
Allitérations et assonances, en établissant
une ressemblance des "signifiants, créent une
tonalité métaphorique qui donne une vigueur
accrue à la métaphore adjective née de
l'interaction des signifiés.
Ici comme ailleurs Jean Mambrino
soutient l'impossible gageure de faire passer
en français la constellation verbale de
Hopkins :

Ainsi des branches de frêne : qu'un jour de décembre, elles soient


[étroitement
Contractées, ou que de leurs pointes poissées, fragiles comme
[cils, elles
S'ouvrent toutes, et se nichent jeunes-blotties à la cime du ciel

(Branches de frêne)

comment les gars


Avec une audace de dauphins s'enfoncent, et le corps lisse-et-luisant
[comme airain émergeant pêle-mêle,
Dans la terre-monde, et l'air-monde, et l'eau-monde se fondent en
[mille rondes rayonnantes !

14
(Epithalame) ( )

C'est rendre hommage à une belle traduction


que de se risquer à proposer une modification
de détail (une mauvaise traduction ne
s'améliore pas : elle est désespérante...).
Il ne s'agit pas de perfectionner ce qui est
déjà parfait, mais de concrétiser la notion
C E S METAPHORES VIVES... 97

de traduction expérimentale dont j'ai dit


l'intérêt. Malgré le bonheur du rythme chez
Mambrino, la conjonction comme émousse un
tant soit peu le tranchant de l'ellipse
hopkinsienne. J'en ai conscience : utiliser
une métaphore pour parler d'une métaphore est
une démarche plus mimétique que critique -
gardons-nous d'une métalangue métaphorique !
Je suggère de retirer de ces passages le mot
comme, ce mot que Mallarmé voulait supprimer
du dictionnaire. Que donnerait le texte de
Jean Mambrino ainsi modifié ?

ou que de leurs pointes poissées, fragiles cils, elles


S'ouvrent toutes, et se nichent jeunes-blotties à la cime du ciel.

comment les gars


Avec une audace de dauphins s'enfoncent, et le corps lisse-et-luisant
[airain émergeant pêle-mêle,

[mes italiques]

Dans le premier cas on débouche sur une


construction appositive, les virgules
délimitant le groupe en apposition (le
resserrement du syntagme fait ressortir
l'homophonie partielle de fragiles et de
cils; dans le second cas, il y a
juxtaposition pure et simple du comparé et du
comparant, placés de part et d'autre de la
paire d'adjectifs qui marquent les attributs
communs.

* *
*

C'est du côté de l'apposition et de la


juxtaposition appositive que le traducteur
trouve une voie permettant de contourner
l'obstacle du modalisateur pour rendre des
composés néologiques dont la vigueur et
l'expressivité tiennent essentiellement au
raccourci, à 1'immédiateté d'une combinaison
98 PAUL B E N S I M O N

15
synthétique ( ).
Dans "The Horses ", poème de Ted Hughes
inédit en français, le poète, après avoir
gravi une colline à l'aube, au plus fort du
gel, aperçoit en contrebas une troupe de
chevaux dans une extraordinaire immobilité :

And I saw the horses :


Huge in the dense grey - ten together -
Megalith-still. They breathed, making no move,

16
(The Horses) ( )

Megalith-still est déjà un apposé en


anglais : on le traduira d'autant plus
aisément par une construction similaire. Un
tour modalisé du genre tels des mégalithes,
pareils à des mégalithes, immobiles comme des
mégalithes, affaiblirait la métaphoricité de
l'original, voilerait l'éclair du raccourci
sémantique ( je me prends encore une fois -
mais ce sera la dernière - à employer une
métaphore pour parler d'une métaphore).
L'interpénétration du signifié chevaux et du
signifié mégalithes construit une gigantesque
chaîne connotative : chevaux monuments venus
du fond des âges, chevaux de pierre, chevaux
pérennes comme l'aurore qui entr'ouvre le
ciel progressivement. La traduction peut
exploiter par ailleurs la nuance stylistique
importante que permet en français la position
avant ou après de l'épithète par rapport au
substantif. Antéposé, l'adjectif perd son
autonomie et s'unit au substantif. Dans ce
cas précis, l'antéposition d'immobiles en
fait un trait constitutif, fondamental de
mégalithes. Ici encore la juxtaposition des
deux termes crée un effet assonantique et
allitératif. Je propose donc :

Et je vis les chevaux :


immenses dans le gris dense - dix ensemble -
immobiles mégalithes. Ils soufflaient, sans un mouvement,
CES METAPHORES VIVES... 99

Effectuant un retour en arrière, je


suggère également une construction appositive
pour traduire a rat-grey fungus :

Nous amassions les mûres fraîches dans l'étable,


Mais quand la cuve était remplie nous trouvions un champignon
Velu, rat gris se gorgeant de nos provisions cachées.

Toutefois, je me garderai d'impliquer le


moins du monde qu'il y a là une solution
généralisable pour les problèmes que posent
au traducteur les adjectifs composés
métaphoriques. Je me garderai de proclamer :
"prends la modalisation et tords-lui le
cou !" Plus l'adjectif composé est neuf,
insolite, briseur de mécanismes associatifs,
plus il nécessite, en amont de sa traduction,
une réflexion sur son fonctionnement et son
potentiel métaphorique.
Tel adjectif composé de Gerard Manley
Hopkins dans "The Wreck of the Deutschland"
possède une vraie puissance d'émotion, et une
hardiesse qui n'a d'égale que la hardiesse de
son traducteur Pierre Leyris :

Blue-beating and hoary-glow height; or night, still higher,


With belled fire and the moth-soft Milky Way,

(The Wreck of the Deutschland [1876], XXVI)

Hauteur battant-le-bleu, chatoyante-chenue, et toi, plus haute nuit


Au feu tintant, à la douce-comme-phalène Voie lactée,

17
(Le Naufrage du Deutschland) ( )

Leyris pousse presque à sa limite la


syntaxe de l'adjectivation en français. La
subordonnée sans verbe qu'il place en
position adjectivale est une subordonnée
travaillée stylistiquement, "traitée". Les
trois termes douce-comme-phalène, ligaturés
par des traits d'union, ont l'aspect
100 PAUL B E N S I M O N

graphique d'un adjectif composé français; le


modalisateur ne nuit plus ici à l'ellipticité
de l'énoncé. Le jeu subtil des sonorités et
la félicité du rythme dans l'ensemble du vers
font le reste. Dans son interview à la revue
L'Ane, en 1982, Pierre Leyris explique qu'il
a "torturé le français pour lui faire
accueillir Hopkins", afin de montrer "comment
Hopkins torture l'anglais (génialement, bien
18
s û r ) " ( ). Dans ce passage du "Naufrage du
Deutschland", point de torture mais une
légère violence envers la langue, une
brutalité calculée - et créatrice - qui nous
laisse étonnés et ravis : nous entendons
l'anglais dans le français. Leyris parvient à
préserver une certaine ressemblance formelle
avec l'original. On pense à la remarque de
Michel Butor : en poésie "les arrangements
visuels des mots sont aussi importants que
les arrangements auditifs".

* *
*

Je reviens à Seamus Heaney pour clore


mon exploration :

Lady with the frilled blouse


And simple tartan skirt,
Since you have left the house
Its emptiness has hurt
All thought. In your presence
Time rode easy, anchored
On a smile; but absence
Rocked love's balance, unmoored
The days. They buck and bound
Across the calendar
Pitched fron the quiet sound
Of your flower-tender
Voice.

19
(Valediction) ( )
C E S METAPHORES VIVES.., 101

La fleur prend le trait lexical [+


animé] et [+ humain] - "fleur vocale"; à la
fleur sont attribués les traits sémantiques
[+ parfum], [+ couleur], [+ fragilité]
"voix florale". L'activité métaphorique tend
à rendre indécise, flottante, la frontière
entre l'animé et l'inanimé, entre l'animé
20
humain et l'animé non humain ( ). Flower-
tender voice établit une correspondance au
sens baudelairien du terme, une synesthésie.
Le parfum, la couleur et le son se répondent.
La métaphore opère un transfert de sens dans
la double acception du mot : transfert
sémantique, transfert sensoriel. Un rapport
sémantique inédit est créé entre comparé et
comparant, un échange novateur, une
incessante chaîne associative. Il y a là une
métaphore vive telle que l'envisage Ricoeur,
un événement sémantique au point
d'intersection entre plusieurs champs
sémantiques, "un événement et une
signification, un événement signifiant et une
signification émergente créée par le langage"
(21).

La ressemblance phonique de flower et


tender contribue fortement au transport de la
signification; ces termes sont, à proprement
parler, des homéotéleutes, mais ils se
rapprochent des paronymes. On sait
l'importance que revêt pour Jakobson la
paronomase, cette figure qui "règne sur l'art
22
poétique" () - figure qui par ailleurs
confine à l'intraduisible puisqu'elle repose
sur l'interférence des signifiants et des
signifiés.
La traduction par Florence Lafon du
passage cité de Heaney allie une précision
remarquable à un souverain bonheur de
rythme :
102 PAUL BENSIMON

Dame au corsage en dentelle,


A la simple jupe écossaise,
Depuis que vous êtes partie
Le vide dans la maison
Blesse toute pensée. En votre présence
Le temps coulait, paisible, ancré
A un sourire; mais l'absence
A déséquilibré l'amour, desamarré
Les jours. Ils roulent et rebondissent
Au travers du calendrier,
Tanguant sous le doux son
D e votre voix tendre comme une fleur.

(Adieux) (23)

L'unique réserve que j'émets à nouveau


porte sur le composé flower-tender. Je
propose de recourir à une assonance - qui
recrée la rime intérieure présente dans
l'original - et à la substantivation de
l'adjectif dont j'ai mentionné le rôle
effectif de mise en relief; les deux derniers
vers seraient modifiés ainsi :

Tanguant sous le son délicat


D e votre voix d'une douceur de fleur.

* *
*

Dans son classique Traité de la


formation des mots composés, Arsène
Darmesteter considère les langues germaniques
et le grec comme très supérieurs au français
en matière de néologie par composés :

En allemand, en grec, la composition jouit d'une pleine et entière


liberté. Les mots de toute nature se combinent, s'entrelacent, se
désunissent, pour se recomposer et former, au gré de l'écrivain, des
2 4
expressions toujours pleines d'aisance. ( )
C E S METAPHORES VIVES.. 103

Aux yeux de ce linguiste, le tempérament


analytique de la langue française et
certaines habitudes de pensée tyranniques
brident la création de composés par procédé
synthétique. Or c'est, précisément, sur le
procédé synthétique que repose la formation
des adjectifs composés :

Le français est incapable de reproduire le procédé synthétique.


Impuissant à soulever le poids de cette triple combinaison où deux
concepts sont reliés par un troisième qui les domine, son esprit
analytique lui ordonne de démêler les idées complexes et d'en
24
présenter un à un les éléments constituants. ( )

Dans un ouvrage récent : Orthographe et


lexicographie : les mots composés, Nina
Catach confirme que les adjectifs composés
sont, "tout compte fait, très peu nombreux"
(25)
en français . J'ajouterai que les adjectifs
composés à contenu comparatif, du type ivre-
mort sont en nombre infime, alors qu'ils sont
abondants en anglais. Pratiquement
inexistants dans le stock lexical de la
langue, comment pourraient-ils trouver dans
la parole poétique une quelconque vitalité
créatrice ?
Je pense avoir, dans cette étude, mis
l'accent sur deux points majeurs. D'abord sur
l'importance qu'il y a pour le traducteur de
poésie à traiter a rat-grey fungus, the lamb
white d a y s , bellbright bodies, megalith-still
[horses] comme des métaphores à part entière,
des métaphores vives, non comme de simples
combinaisons bizarres ou pittoresques. En
tant que métaphores, elles appellent une
attention spécifique. "Dans un certain type
de poésie, remarque G.W. Turner, la création
de composés est un mode de pensée, une saisie
intentionnelle de la situation particulière"
26
( ). Mais les adjectifs composés ci-dessus
relèvent d'un véritable mode de perception -
104 PAUL B E N S I M O N

et cette perception est la perception


métaphorique, celle que Wordsworth exalte
dans The Prelude :

That interminable building reared


By observation of affinities
In objects where no brotherhood exists
To passive minds.
(27)

L'édifice interminable que dresse


l'observation d'affinités
entre des objets sans rapports fraternels
pour les esprits passifs.

Ensuite, pour rendre des composés aussi


puissants et aussi novateurs que ceux de
Hopkins, Thomas, Hughes, Heaney, il est clair
que le traducteur doit emprunter d'autres
voies que l'adjectivation et la modalisation.
C'est peut-être vers Hugo qu'il faut se
tourner, le Hugo des Contemplations, de "Ce
que dit la bouche d'ombre" - le Hugo qui,
avec l'audace tranquille du visionnaire,
juxtapose deux substantifs dont l'un devient
épithète de l'autre - l'archange soleil,
l'hydre univers, le vautour aquilon, le
crible cimetière. Ce poète-là nous incite à
chercher dans la juxtaposition et
l'apposition le moyen de traduire des
adjectifs composés métaphoriques qui ouvrent
à l'imagination de lointaines, parfois
incommensurables échappées.

Paul BENSIMON
Université de Paris III
C E S M E T A P H O R E S VIVES... 105

NOTES

(1) COHEN, Jean (1978), Structure du langage poétique,


Paris, Flammarion, p. 224 : "La poésie n'est pas autre
chose que la prose, répétons-le, elle est
1'antiprose".

(2) La notion de traduction expérimentale est


brillamment exposée par Michel GRESSET dans son
important article : "De la traduction de la métaphore
littéraire à la traduction comme métaphore de
l'écriture", in Revue française d'études américaines,
18, 1983 pp. 501-519.

(3) HEANEY, Seamus (1966), Death of a Naturalist,


Londres, Faber & Faber, p. 31 et p. 20.

(4) COHEN, Jean (1970), "Théorie de la figure", in


Communications, 16, p. 14.

(5) HEANEY, Seamus (1988), Poèmes 1966-1984, Trad.


Anne Bernard Kearney et Florence Lafon, Paris,
Gallimard, p. 127. "La Cueillette des mûres" est
traduit par Florence Lafon.

(6) HEANEY, Seamus (1975), North, Londres, Faber &


Faber, p. 15.

(7) HEANEY, Seamus (1988), Poèmes 1966-1984, éd. cit.


p. 60. "Rites funèbres" est traduit par Anne Bernard
Kearney. "Pièces ternies" affaiblit singulièrement
l'original, voire en détourne le sémantisme : "tainted
rooms" évoque l'odeur fétide des pièces où se
déroulent les veillées funèbres. Et pourquoi ne pas
avoir conservé rosaires, détail important puisque
Heaney est catholique 7

(8) Dans cette perspective, l'un des traducteurs de


Dylan Thomas rend excellemment par une substantivation
le composé néologique drug-white :

An enamoured man alone by the twigs of his eyes,


[two fires,
106 PAUL BENSIMON

Camped in the drug-white shower of nerves


[and food,
(Dylan Thomas : "Because the pleasure-bird whistles"
[1939])
Un amoureux seul par les brindilles de ses yeux,
[deux feux,
Campé dans la blancheur de drogue d'une pluie de
[nerfs et nourriture,

("Parce que l'oiseau du plaisir siffle", in Dylan


THOMAS : N'entre pas sans violence dans cette bonne
nuit . . . et autres poèmes, trad. Alain Suied, Paris,
Gallimard, 1979, p. 4 1 ) .

(9) BROOKE-ROSE, Christine (1958), A Grammar of


Metaphor, Londres, Secker & Warburg, p. 245.

(10) THOMAS, Dylan (1952), Collected Poems 1934-1952,


Londres, Dent, Everyman's Library, p. 151.

(11) Trad. Jean Simon, in Dylan Thomas par Hélène


BOKANOWSKI et Marc ALYN, Paris, Seghers, Poètes
d'aujourd'hui, 1962, p. 212.
L'autre composé, sky blue trades, est également
désambiguïsé, édulcoré et tiré dans une direction
sémantique tout à fait contestable :

Et je me souciais mal en mon bleu commerce avec


[le ciel, que le temps nous donne
Dans son orbe musicien de tels matins chanteurs,
[et si rares

(12) GUILLOT, Claude (1979), éd. Poésie 1, 69-70. La


nouvelle poésie anglaise, p. 115 (édition bilingue).

(13) TURNER, G.W. (1973), Stylistics, Harmondsworth,


Penguin Books, p. 103. Benveniste souligne, de son
côté, que la composition nominale est une micro-
syntaxe .

(14) HOPKINS, Gerard Manley (1980), Grandeur de Dieu


et autres poèmes, Trad. Jean Mambrino, Paris, Granit,
p. 79 et p. 87 (édition bilingue).
C E S METAPHORES VIVES... 107

(15) CHEVALIER, Jean-Claude et al. (1964) font


observer que certains emplois du substantif en
apposition sont formellement et logiquement
comparables à ceux de l'adjectif qualificatif
(Grammaire Larousse du français contemporain, Paris,
Larousse, p. 188). La remarque vaut pour ce qu'on peut
appeler le groupe nominal en apposition, susceptible
d'inclure un ou plusieurs caractérisants du
substantif.

(16) HUGHES, Ted (1972), Selected Poems 1957-1967,


Londres, Faber & Faber, p. 15.

(17) HOPKINS, Gerard Manley (1980), Poèmes accompagnés


de proses et de dessins, Trad. Pierre Leyris, Paris,
Seuil, p. 85 (édition bilingue).

(18) LEYRIS, Pierre (1982), "Une Posture", in L'Ane.


Le Magazine freudien, n° 4, p. 41. Leyris ajoute : "Ce
qu'il importe de rendre, c'est ce qu'un auteur
étranger a d'absolument unique au sein même de sa
langue".
A côté de l'étincelante traduction de Leyris,
celle de Ritz, outre qu'elle manque de précision,
paraît falote :

Hauteur aux bleues pulsations, à la blanche


[ardeur, ou nuit encore plus haute,
Avec ses feux de campanules et la Voie lactée
[au-velouté-de-phalène

(G.M. Hopkins, Poèmes, Trad. Jean-Georges Ritz, Paris,


Aubier-Montaigne, 1980, p. 123. Edition bilingue).

(19) HEANEY, Seamus (1966), Death of a Naturalist, éd.


cit., p. 42.

(20) Pour une analyse des problèmes que pose, dans le


domaine de la traduction, l'animation des inanimés,
je renvoie à l'indispensable Syntaxe comparée du
français et de l 'anglais, de Jacqueline GUILLEMIN-
FLESCHER (Gap, Ophrys, 1981, 1988), chap. 6, pp. 201-
231.
108 PAUL B E N S I M O N

(21) RICOEUR, Paul (1975), La Métaphore vive, Paris,


Seuil, p. 127.

(22) JAKOBSON, Roman (1963), Essais de linguistique


générale, Trad. et préf. par Nicolas Ruwet, Paris,
Editions de Minuit, p. 86 et passim.
Le rôle des sonorités dans la formation des
composés poétiques anglais est analysé par Jean BOASE-
BEIER dans Poetic Compounds. The Principles of Poetic
Language in Modern English Poetry (Tübingen, Niemeyer,
1987). Même si ses conclusions sont souvent
contestables, l'ouvrage explore de façon intéressante
et stimulante un domaine relativement peu étudié. J.
BOASE-BEIER examine les composés possibles résultant
de la combinaison des noms, des verbes, des adjectifs
et des prépositions; elle établit une typologie de
combinaisons en faisant intervenir le principe de la
composante sémantique; enfin, elle énonce les figures
de style dont l'interaction génère des composés dans
la langue poétique : ellipse, métonymie, métaphore,
mise en relief, ambiguïté, etc.
Sur la formation des composés anglais, on
consultera avec profit Valerie ADAMS : An Introduction
to Modem English Word-Information, Londres, Longman,
1973.

(23) HEANEY, Seamus (1988), Poèmes 1966-1984, éd.


cit., p. 124.

(24) DARMESTETER, Arsène (1874), Traité de la


formation des mots composés, Paris, Champion, p. 275
et p. 282.

(25) CATACH, Nina (1981), Orthographe et


lexicographie : les mots composés, Paris Nathan, p.
132.

(26) "Compounding is a mode of thought in one kind of


poetry, an intentional catching of the specific
situation" (Stylistics, éd. cit., p. 111).

(27) WORDSWORTH, William (1850), The Prelude. Or


Growth of a Poet's Mind, II, 383-386. Le texte de 1805
porte "common minds" au lieu de "passive minds".

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